Chapitre 4

Danny avait l'impression de lutter contre la noyade depuis des heures, il était à bout de forces et avait de plus en plus de difficultés à reprendre sa respiration au bon moment, lorsqu'il réalisa que l'enfer autour de lui semblait se calmer. Cette fois, quand il retrouva la surface et prit une grande inspiration, il se démena pour y rester, malgré ses mains toujours attachées, et ouvrir les yeux. La mer n'était pas encore calme, mais elle n'était plus déchaînée, cependant elle offrait une vision d'horreur. Autour de Danny étaient éparpillées les planches du bateau dont certaines étaient échouées sur un rivage.

Le policier, épuisé, attrapa une planche qui flottait près de lui, la glissa sous son torse et se mit à nager vers la bande de sable une centaine de mètres plus loin. L'effort était titanesque et il sentait ses forces décliner à vue d'œil, mais il pensait à Steve, à sa fille, pour continuer d'avancer. Ce fut surtout la vue d'un corps immobile sur la plage, recouvert par les vagues avec régularité qui lui redonna un sursaut d'énergie. Plus il avançait, plus il reconnaissait la silhouette du jeune homme qui avait été enlevé à cause de lui.

Il accéléra autant qu'il pût et toucha le sol épuisé, il se traîna, à quatre pattes, haletant jusqu'au corps immobile. Danny se saisit des poignets du jeune homme, se mit debout avec difficulté et réussit à le faire remonter de quelques mètres avant de tomber en arrière. Il se remit cependant vite sur ses genoux et retourna aux côtés du corps pour retirer le morceau de scotch qui emprisonnait les lèvres bleues du plus jeune. Sa peau était pâle, sa poitrine immobile, mais Danny refusa de le déclarer mort, du mieux qu'il pût avec ses mains liées il lui bascula la tête en arrière, lui ouvrit la bouche, lui pinça le nez et posa sa bouche sur la sienne pour y insuffler de l'air à plusieurs reprises.

Il tira ensuite sur les vêtements trempés pour faire apparaître les pectoraux du jeune homme, incapable de réunir les forces dont il aurait eu besoin pour déchirer les vêtements et posa ses mains sur la poitrine pour lui faire un massage cardiaque.

Les minutes semblèrent s'étirer pour le policier qui s'épuisait à tenter de ressusciter le malheureux qui s'était trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Danny avait la tête qui tournait, le souffle court, les forces qui faiblissaient, mais il ne voulait pas arrêter, il ne voulait pas accepter la mort du plus jeune.


Steve et John fouillaient la maison de leur suspect pendant que Carlos faisait le tour pour voir s'il pouvait trouver sa trace quand les deux hommes entendirent le déclic caractéristique d'une arme que l'on charge et se figèrent.

Entre l'entrée et le salon, se tenait un homme grand, émincé, le visage sombre, un fusil pointé sur Steve entre les mains.

"McGarrett, à genoux, mains derrière le dos."

Le commandant s'exécuta anxieux et alerte, se demandant qui était cet homme qui semblait le connaître.

"Toi, tu prends tes menottes et tu l'attaches."

Les questions du militaire se multiplièrent dans sa tête, l'homme qui les menaçait ne connaissait pas l'identité de John, faisait-il partie du groupe qui avait enlevé Danny ?

John fit comme ordonné en cherchant une échappatoire, mais ne put rien faire d'autre que de menotter Steve, les mains dans le dos, puis de s'asseoir face à son coéquipier et se menotter lui-même avec les serflex qu'il avait dans sa poche.

Les deux policiers échangèrent un regard, se demandant comment se sortir de là, mais n'eurent pas le temps de tenter quoi que ce soit, une batte de baseball s'abattit sur la tête de leur agresseur.

Carlos apparût sur le pas de la porte, les muscles tendus, la batte entre les mains. Il se dépêcha d'aller mettre l'arme hors de portée du criminel, lui lia les mains, puis regarda les prisonniers. Ils se fixèrent un moment avant de rire ensemble.

"Bien joué." dit Steve une fois calmé.

Carlos comprit que ce serait le seul remerciement qu'il aurait, mais après leur brouille plus tôt, ça lui suffisait. Il détacha ses aînés et fut surpris que Steve lui offre un brève accolade qui le toucha, puis le militaire tourna un regard noir qui fit frissonner Carlos vers leur suspect.

Sans ménagement, il le fouilla, l'assit sur une chaise et l'y scotcha. Il laissa Carlos examiner son téléphone, pendant que lui et John reprenaient leurs recherches dans le logement. Ils furent cependant à nouveau interrompus par l'arrivée d'une voiture dont quatre hommes armés sortirent.

Le regard de Steve rencontra celui d'un des nouveaux arrivants qui le désigna à ses collègues, le militaire sut immédiatement que la suite n'allait pas se passer de manière pacifique. Les malfrats échangèrent avec des signes précis et entourèrent la maison, armes au poing.

"Une idée ?" demanda Carlos qui sentait l'adrénaline monter en lui.

Steve désigna les fenêtres de la tête et les deux autres approuvèrent, il s'accroupit et s'approcha de l'ouverture avec discrétion pendant que John et Carlos se collaient au mur. Ils entendirent une porte s'ouvrir et se tendirent, des bruits de pas vinrent vers eux. John chargea son arme et fut tout de suite imité par ses coéquipiers, avec ses doigts, il compta : trois, deux, un. Un des hommes entra dans le salon et ouvrit le feu sur eux avec une mitraillette, obligeant les policiers à répondre tout en se mettant aux abris. Steve passa à travers la fenêtre qui avait volé en éclats sous les tirs et ouvrit le feu sur l'homme resté à l'extérieur. Carlos tua le premier homme qui était entré, mais les deux autres ouvrirent aussi le feu et le forcèrent ainsi que John à sortir aussi par la fenêtre. Tous trois coururent à leurs motos qu'ils enfourchèrent et démarrèrent sans prendre le temps de mettre leurs casques accrochés aux guidons.

Ils roulèrent une dizaine de kilomètres à toute vitesse, avant de ralentir, puis s'arrêter sur une petite route à l'écart de l'axe principal. Ils n'eurent cependant pas le temps de discuter que la voiture des malfrats s'engageait dans la ruelle. Cette fois, ils mirent leurs casques équipés d'oreillettes avant de repartir.

"Comment ils ont su ? demanda Carlos.

- John est blessé à la jambe, il doit y avoir du sang sur la route, répondit Steve.

- Alors on se sépare, décida McClane.

- Tu vas te faire tuer, protesta le plus jeune.

- Pas si on les prend à revers, assura le militaire.

- Dès que je peux, sans prendre trop de risques pour les civils, je m'arrête.

- Parfait."

Le plan établi, John tourna à droite alors que Steve et Carlos tournèrent à gauche au croisement suivant, avant de tourner deux fois supplémentaires à gauche pour revenir sur leurs traces. Ils arrivèrent au carrefour avec l'axe principal juste à temps pour voir la voiture de leurs poursuivants leur passer devant. Ils attendirent quelques secondes avant de leur emboîter le pas et constatèrent avec satisfaction qu'ils avaient suivi McClane. Ce dernier s'était arrêté sous la bretelle d'engagement du pont pour sortir de la presqu'île et n'était nulle part en vue. La voiture de leurs agresseurs s'arrêta presque, dix mètres avant la moto garée de John, et un homme en sortit alors que le véhicule faisait demi-tour et fonçait sur les deux motards qui la suivait. L'écart qu'ils firent fit chuter Carlos qui glissa sur plusieurs mètres, la douleur lui fit voir des étoiles et des tâches noires se formèrent devant ses yeux, mais il lutta pour ne pas s'évanouir et reprendre contact avec ce qui l'entourait. La moto de Steve était arrivée d'une manière ou d'une autre dans le pare-brise avant de la voiture et en écrasait le conducteur avec qui le militaire semblait discuter… même si Carlos doutait que ce soit le mot qui convienne le mieux. John de son côté venait vers lui en boitillant, et laissait derrière lui un homme immobile sur le sol. Il se hâta à son chevet quand il essaya de se lever, lui demanda de rester immobile, que la situation était sous contrôle et l'informa que les secours avaient été appelés ainsi que pour la maison qu'ils avaient visité plus tôt.

Carlos se laissa alors aller sur le sol et commença son propre diagnostic, tout de suite soulagé de sentir qu'il pouvait bouger tous ses membres, il avait mal dans le bassin, mais n'était pas paralysé.

"C'est mauvais ? demanda-t-il au bout de quelques minutes.

- Non, je pense que s'il le fallait vraiment tu pourrais te lever, mais comme nos copains nous donnent quelques instants de répit, on va en profiter."

L'humour de John le détendit un peu, cet homme avait une façon de tourner les choses qui semblait à chaque fois déconnectée de la réalité. Steve choisit ce moment pour les rejoindre et débriefer avec eux : ils avaient été engagés par un certain Robin Feegan pour enlever Danny, puis le militaire si possible. Une fois Steve enlevé, ils devaient tuer son partenaire sous ses yeux et attendre les consignes suivantes. Dans le cas où ils n'arrivaient pas à le capturer, ils pouvaient le tuer, mais toucheraient moins d'argent.

Le concerné avait la rage au ventre de comprendre que tout ce qui arrivait était pour le toucher, lui, il voulait trouver qui était ce Robin Feegan, le confronter et comprendre pourquoi il était prêt à blesser autant de personnes pour l'atteindre lui. Son nom ne lui disait rien du tout, ce qui faisait redouter au militaire un autre intermédiaire.