J'ai une crève carabinée. Je vous mets le chapitre avant de retourner dormir (je tiendrai le rythme, foi de Ju). Merci Titou Douh pour ton petit mot (coeur), hihi j'ai repris un prénom que j'avais bien aimé d'un bouquin que j'ai lu quand j'étais ado pour le prénom du hibou, contente qu'il te plaise ! Et pour les perso du type Maugrey, c'est pour faire des clins d'oeil hihi et rappeler le canon : et Lindsay Feuaupoudre-Maugrey est la mère d'Alastor Maugrey dans ma tête hihi.

Bonne lecture :)

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Chapitre 3, Morceaux de lettres – Juin badin

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Il attendit trois jours. Trois jours où il se contenta de travailler, manger, dormir, se laver et vivre en suivant à la lettre la fameuse devise, nec spe, nec metu. Trois jours où il tâcha de ne rien ressentir, de ne pas laisser son cœur s'emporter quand Lazlo arrivait dans son bureau. Trois jours où il se força à se dire qu'elle ne lui répondrait pas, elle, si vive, toute jeune qu'elle était, à quelqu'un comme lui, de trente-trois ans, assez désillusionné dans sa quête d'un amour serein et sincère, et dont il puisse se réjouir ouvertement.

L'ultime lettre qui avait fait bondir son cœur, celle où il avait mis ses derniers espoirs s'était révélée être une lettre de Pollux qui lui proposait de déjeuner ensemble ce midi, au restaurant du Ministère. Après cette dernière fausse joie, et cette déception de voir que c'était son meilleur ami et non une inconnue qui lui avait écrit, il avait décidé d'oublier Mademoiselle Ambuela Fortescue. Il devenait déraisonnable. Et la déraison l'avait déjà mené à fréquenter pendant quatre ans Melania et à risquer son unique amitié sincère. Alors, au bout de trois jours, il décida d'oublier les couleurs qu'Ambuela Fortescue avait mises dans sa vie.

« Tu es très silencieux, commenta Pollux en le regardant avec inquiétude.

— Excuse-moi, je ne suis pas dans mon assiette, reconnut-il posant ses couverts pour prendre son verre.

— Effectivement, tu en mets tout à côté depuis tout à l'heure, remarqua moqueusement Pollux. Même Alphard n'a jamais manger aussi mal et pourtant Merlin sait combien Irma a pesté après lui à ce propos. »

Il remarqua en effet les trop nombreux petits pois qui s'amassaient sur la table, à côté de son assiette. Il soupira et entreprit de les remettre dans son assiette. Il était vraiment déraisonnable.

« Aristote, c'est encore cette femme ?

— Cette femme ? demanda-t-il avec inquiétude.

— Ta maîtresse, celle dont tu ne veux pas me dire le nom et que tu as enfin quittée.

— Enfin ? releva-t-il entre ses dents en baissant la tête. »

Il était plus que déraisonnable. Il était irrationnel. Il n'y avait jamais rien eu de vrai avec Melania, et lorsqu'il l'avait compris, il n'y avait eu plus rien du tout. Nada. Il n'y avait jamais rien eu que des ombres et des simulacres, il avait suffi d'un souffle pour chasser le tout et le laisser enfin voyant. Alors c'était évident qu'une petite étincelle, un rayon de soleil et de couleur attirerait son attention un peu trop.

« Quatre ans à espérer, c'est beaucoup, commenta Pollux du bout des lèvres avec une désapprobation qu'il essayait de masquer. »

Pollux était son ami, mais Pollux Black avait cette incapacité à comprendre qu'une vie pouvait être complexe. Surtout en amour. Tout était si simple pour lui. Il n'avait pas assez eu à voir la peine, la souffrance, et la violence. Même la mère de Pollux ne lui prenait jamais la tête : elle était attentionnée avec sa famille, avait toujours un sourire pour ses enfants et petits-enfants, était aimable avec Irma dès leurs années à Poudlard. Pollux avait vite abandonné l'idée de prendre la tête de la maison des Black quand son cousin paranoïaque s'était finalement marié et avait eu des enfants… avec Melania. Bref, Pollux Black se contentait de la place qu'il avait dans la Maison des Black, de son travail au Ministère des Transports Magiques, et des soirées oisives et mondaines en faisant mine de ne pas voir l'hypocrisie ambiante. Il n'avait pas voulu voyager, découvrir autre chose, avoir trop de pouvoir dans les mains.

Enfin, c'est ce qu'Aristote avait compris. Les choses étaient blanches ou noires pour Pollux, et tant qu'il avait ses acquis, il était content.

« Exact, c'est trop, répondit sèchement Aristote.

— Aristote…

— J'ai fermé un livre avec elle, je ne suis pas près de le rouvrir. J'ai été clair dans ce que je voulais, elle a été clair sur le fait qu'elle ne pouvait pas me le donner : fin de l'histoire. Comment vont tes fils ? Alphard entrera à Poudlard en septembre, c'est cela ? » enchaîna-t-il.

Il remarqua nettement Pollux rester immobile puis soupirer lourdement.

« Ils vont bien. Alphard est intenable, rapporta Pollux avec désapprobation. Il pose des milliers de questions sur Poudlard, la répartition, la Salle Commune de Serpentard, et j'en passe. Je crois que… »

Le battement d'ailes du hibou qui traversa le restaurant du ministère attira l'attention d'Aristote. Un petit hibou un peu maladroit qui vint vers lui. Il tendit les mains pour récupérer le pli avec interrogation. Qui pouvait lui écrire et lui envoyer un pli pour qu'il arrive ici, au Ministère, à cette heure-ci ?

Mr Aristote Parkinson,

Ministère de la Magie,

Londres

« Tu dois retourner à ton bureau ? Qui est-ce ? » demanda Pollux pendant qu'il regardait le sceau.

Nihil sine labore… La devise ne lui disait rien. Les grappes de raisin sur le blason non pl…

Oh Merlin.

Il déplia si brusquement la lettre qu'il en déchira un côté.

Damoiseau Aristote Parkinson,

Au moment où j'ai reçu votre lettre, je venais de me décider à vous écrire. Nos étoiles sont donc alignées ! Votre conversation m'a elle aussi beaucoup plu. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut plaisanter avec un homme dont on vient de renverser le verre de Whiskey-Pur-Feu, et qui signe une lettre de cette façon. Si ce sont mes réflexions qui vous ont diverti, moi, c'est votre humour pince-sans-rire et distingué qui m'a ravie. J'ai l'habitude des plaisanteries peu subtiles de mon cousin les vôtres ont l'intérêt d'entretenir le sujet au lieu de l'abaisser. Je suis fort aise de comprendre que je ne m'étais pas trompée et que cette lettre et cette maîtresse n'avaient aucune valeur à vos yeux.

En ce qui concerne mon alcool préféré, il va de soi que je n'en ai pas ! J'aime bien trop la vie pour me priver de fantaisie… ou plutôt, je n'ai pas encore goûté celui qui me sierra pour une vie.

Quelle est votre fleur préférée ?

Bien à vous,

Mademoiselle Ambuela Fortescue

Elle lui avait répondu. Elle aimait son humour pince-sans-rire et distingué. Elle ne cherchait pas à en savoir plus sur la lettre et sur Melania. Elle n'avait pas encore d'alcool préféré. Elle lui posait une autre question pour continuer à lui parler. Elle avait écrit Bien à vous. Elle lui voulait du bien. Elle avait signé Mademoiselle. Elle… Il entendit son cœur battre si fort à ses oreilles que tous les bruits ambiants se turent. Seule la main de Pollux sur son bras le sortit de sa transe.

« Aristote ?

— Pardon ? bredouilla-t-il en refermant la lettre.

— Que se passe-t-il ? Tu es écarlate, on dirait que tu vas t'évanouir et… Ne me dis pas que c'est cette femme qui…

— Non, non, ce n'est clairement pas elle, répondit-il aussitôt. Excuse-moi, je dois y aller.

— Mais…

— On déjeune ensemble demain aussi ? demanda Aristote. À demain, Pollux ! »

Non, ce n'était clairement pas Melania et le récit de ses rêves endiablés.

C'était simplement Mademoiselle Ambuela Fortescue qui badinait avec lui.

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Il relut la lettre au moins une dizaine de fois ce jour, incapable de croire qu'elle lui avait répondu. Le post-scriptum l'avait fait rougir d'embarras.

PS : Pourriez-vous envoyer votre réponse au 16, Chemin des écureuils, je vous prie ? Ce n'est ni mon père, ni ma mère ni moi qui vivons au Château de Fortarôme, mais c'est encore ma Grand-mère. Vous avez eu de la chance que je lui eus rendu visite cette après-midi-là, sinon tout le monde aurait su qu'un membre de la famille Parkinson m'avait envoyé une lettre !

À vouloir faire le malin, voilà ce qui lui était arrivé. Il aurait au moins pu vérifier sur la carte des localités magiques du Pays-de-Galles où vivaient Willem et Falbala Fortescue avant de jouer au plus malin et d'envoyer une lettre à l'aveuglette fermée de son sceau. Une telle lettre. Une lettre de badinage.

Merlin, Mademoiselle Ambuela Fortescue badinait avec lui.

Merlin, il était si niais.

« Aristote, venez dîner par Merlin ! » s'exaspéra la voix de son père.

Le Sonorus le fit sursauter et il replia prestement la lettre. Depuis deux ans, il vivait à nouveau chez ses parents, et, même s'il avait une profonde affection pour eux, ce serait bien une chose qu'il abandonnerait volontiers lorsqu'il serait définitivement nommé Ambassadeur des Balkans dans trois mois.

Que pourrait-il répondre à Mademoiselle Ambuela ? Quelles étaient ses fleurs préférées ? Enfin, sa fleur ? Sa fleur… Depuis que j'ai apprécié vous parler : vous. Non, il ne pouvait pas dire cela. Il ne pouvait pas non plus lui répondre une nouvelle fois qu'il n'avait pas de fleurs préférées. Il finirait par devenir vide d'intérêt.

« Par Merlin Aristote, vous n'êtes jamais vraiment parmi nous, mais depuis trois jours, c'est encore pire », s'exaspéra sa mère lorsqu'il entra dans la salle-à-manger.

La table avait été dressée pour trois à l'une des deux extrémités. Il s'assit face à sa mère sans rien répondre aux reproches. Ce n'était clairement pas le moment de se faire remarquer s'il ne voulait pas qu'ils lui posent des questions auxquels il n'aurait pas envie de répondre.

« Excusez-moi, quand je plonge dans un dossier, le monde m'échappe », essaya-t-il de plaisanter légèrement.

Il était certain que cela aurait plu à Mademoiselle Ambuela. Ses parents se contentèrent pour leur part de soupirer. Il prit sa cuillère et commença à manger sa soupe sans se faire prier.

« Ne mangez pas si vite voyons, vous allez être malade, s'exaspéra sa mère. Merlin, qu'ai-je fait pour avoir un fils si extrême ? Dwight, dites quelque chose !

— Que voulez-vous que je dise, Artemisa ? Aristote va devenir Ambassadeur dans trois mois, je n'ai guère envie de me fâcher avec lui maintenant. Profitez plutôt du temps qu'il nous accorde enfin.

— Oh Dwight, vous êtes comme lui de toute façon, s'exaspéra sa mère. Ah les Parkinson, vous ne pensez qu'au travail, vous n'avez aucun sentiment, vous… »

Aristote leva la tête vers son père avec incompréhension. Ce n'était pas rare que sa mère s'exaspère pour un rien, mais qu'elle le fasse par rapport à son père et lui, c'était étonnant. Elle préférait s'exaspérer sur le frère de son père, Sidoine, concernant ce sujet habituel du travail éternel des Parkinson. Ou bien elle pestait ouvertement après sa tante Florine, parce qu'elle la prenait de haut.

Son père lui retourna un regard noir, parce qu'il le rendait sans doute responsable de l'état de sa mère.

« Mère, excusez-moi, je suis un peu préoccupé par mon départ, la coupa-t-il prudemment.

— Oh mon fils, je suis fière de vous, mais vous allez me manquer. Et dire que vous partez seul, si au moins… »

Oh non, pas ce sujet sinon il allait… Et voilà qu'il souriait comme un idiot en pensant au fait que Mademoiselle Ambuela n'avait pas non plus d'alcool préféré et qu'elle lui avait demandé quelle était sa fleur préférée.

« Quel est ce sourire ? demanda sa mère avec effarement. Auriez-vous rencontré…

— J'ai dîné avec Pollux ce midi, et nous avons discuté d'Irma. C'est beau de le voir toujours aussi soucieux d'elle après quinze ans de mariage, non ? J'espère trouver une personne qui me convienne autant un jour, broda-t-il plus ou moins.

— Oh, Aristote, il serait peut-être temps de revoir vos ambitions sur ce sujet, lui dit sa mère du bout des lèvres. Ne croyez-vous pas être trop exigent ? Ou trop romantique ?

— Non, je ne crois pas, dit-il d'office pour couper court à la conversation. Je refuse d'épouser ou même de fréquenter quelqu'un pour fréquenter quelqu'un.

— Vous allez finir seul, Aristote, le prévint son père avec désapprobation.

— Il faut fréquenter la personne avant de savoir si elle vous plaît, Aristote. Et puis vous ne pourrez jamais tout aimer d'une personne, ni tout connaître avant de vivre avec elle et…

— Eh bien je vivrai avec elle avant de l'épouser », dit-il avec provocation.

Le hoquet de stupeur de sa mère et de son père lui fit penser qu'il avait peut-être manqué de diplomatie. Un comble pour un futur ambassadeur.

« C'était une plaisanterie », s'exaspéra-t-il aussitôt.

Ses parents n'avaient vraiment aucun second degré. Et puis en soi, ce n'était pas un drame.

« Pouvons-nous changer de sujet ? Frida viendra-t-elle au Manoir ce week-end ?

— Votre sœur viendra avec son époux, oui, répondit aussitôt son père, sans doute ravi de changer de sujet. Mon frère sera là aussi, avec Florine. De même que votre cousin Dilys, son épouse et leurs enfants.

— Et Renora ?

— Votre cousine viendra également. Je crois qu'elle a des questions au sujet d'un dossier à vous poser, reprit sa mère. D'ailleurs, Dwight, j'avais une question de droit pénal à vous poser. Pourriez-vous… »

Magnifique : on revenait au travail. À croire que sa famille ne savait parler que de droit finalement.

Le rayon de lumière qui l'aveugla brièvement lui fit penser à Mademoiselle Ambuela. Fleur de lumière.

Voilà quelle serait sa fleur préférée : le tournesol.

C'était peut-être un peu étrange de… Oh, et puis zut. Le tournesol.

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La réponse à la lettre qu'il envoya le soir arriva le lendemain matin dans ses mains. Lazlo attendait sagement derrière les volets de sa chambre en regardant le soleil se lever et Aristote se retrouva comme un idiot à le disputer pour ne pas avoir frappé du bout du bec aux volets pour le prévenir immédiatement que Mademoiselle Ambuela lui avait répondu.

Damoiseau Aristote Parkinson,

Il aimait tant cette façon qu'elle avait de s'adresser à lui ! C'était… c'était unique, c'était beau ! C'était… Il était niais, Merlin, à se réjouir pour si peu.

Le tournesol ? Votre fleur préférée est le tournesol ? Ma foi, vous avez le don de me surprendre !

Il la surprenait, il la surprenait ! Il avait de la surprise à revendre et…

Est-ce la campagne, les champs ou le soleil qui vous font mentionner cette fleur ? Je suis beaucoup trop curieuse de connaître votre réponse.

Elle était curieuse, curieuse de lui !

Ma fleur préférée est d'une banalité commune puisque j'adore les roses. Mais pas n'importe quelles roses, tout de même. J'aime les roses mauves, comme celles que ma grand-mère – celle qui habite au Château de Fortarôme – cultive dans la roseraie du château. Elles ont cette odeur qui me rappelle l'enfance, les bêtises et les parties de cache-cache que je faisais avec mon cousin et nos amis.

Les roses mauves… Frais et original. Impression de banalité, mais précision unique.

Quant à ma couleur préférée, je pense que c'est le vert – Serpentard un jour, Serpentard toujours !

Elle avait elle aussi été dans la Maison de Salazar Serpentard ! Quelle coïncidence !

Mais je dois reconnaître que votre question me laisse quelque peu sur ma faim.

Misère, qu'avait-il fait ?

N'avez-vous rien de plus original à me demander ? Par exemple… Quel rêve avez-vous fait cette nuit ?

Oups.

Bien à vous,

Mademoiselle Ambuela Fortescue

Il ne pouvait clairement pas lui raconter le rêve qu'il avait fait cette nuit. Un rêve où elle était présente, où ils riaient ensemble dehors, d'abord au milieu de la foule, puis à l'écart, dans un coin de la propriété de sa sœur et de son beau-frère, dans l'herbe, où il osait prendre sa main, toucher sa gorge et…

Non, il ne pouvait pas raconter un tel rêve à une personne qu'il avait rencontrée une semaine plus tôt. Soit il passerait pour un détraqué et même un obsédé, soit… c'était tout simplement beaucoup trop rapide pour le lui raconter !

« Aristote, vous ne partez pas pour le Ministère avec nous ? » l'appela son père.

Il sursauta encore, manqua encore de déchirer la lettre et bredouilla une réponse.

« Partez sans moi, Lazlo a fait des siennes ! »

Lazlo ? Pourquoi accusait-il Lazlo ? Le hibou manifesta son mécontentement d'être ainsi trahi d'un coup de bec batailleur dans sa joue.

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Il se décida deux jours plus tard à écrire une réponse à la lettre. Deux nuits de plus à rêver d'elle. Il ne pouvait plus attendre d'avoir un autre rêve à lui raconter pour lui répondre. Tant pis, il en dirait le moins possible.

Mademoiselle Ambuela Fortescue,

Le tournesol cherche toujours à se tourner vers le soleil et la lumière, je pense alors qu'il me correspond bien depuis quelques jours.

Est-ce que ce n'était pas un peu trop ? Non, c'était un badinage à peine plus osé mais sincère. Il pouvait le dire.

Les roses mauves… C'est tout à la fois d'une simplicité étonnante et d'une fantaisie rafraîchissante. Je n'en ai jamais vu pour ma part, je tâcherai de me renseigner.

Serpentard ? Je suis aussi allé dans la Maison de Serpentard lorsque j'étais à Poudlard. C'est une belle coïncidence !

J'ai tardé à vous répondre car je reconnais avoir cherché à mentir à votre question. Est-il inconvenant que j'avoue avoir rêvé de vous la nuit où je reçus votre lettre ainsi que les deux suivantes ? Et vous, de quoi rêvez-vous ces temps-ci ?

Bien à vous,

Damoiseau Aristote Parkinson

Il envoya aussitôt la lettre avant de corriger quoi que ce soit.

Il se maudit quand Lazlo s'envola dans le Ministère. Pour quoi allait-elle le prendre ? Pour la peine, il n'eut pas la tête à descendre déjeuner et retourna à son travail.

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Son hibou revint cinq heures plus tard, au moment où il se décidait à prendre une pause pour aller boire un thé à la cafétéria.

Damoiseau Aristote,

Merlin, elle lui avait répondu ! Déjà répondu !

Le tournesol vous correspond bien depuis seulement quelques jours ?...

Trois petits points. Elle avait mis trois petits points, comme une hésitation ou même… une suggestion.

Je vous montrerai un jour des roses mauves, je vous le promets.

Elle lui faisait une… une promesse ?

En attendant, en voici des pétales que je suis allée cueillir moi-même ce midi.

Il ouvrit un peu plus la lettre et une pluie de pétales lui tomba aux pieds, diffusant un parfum charmant dans la pièce. Il se pencha pour les recueillir et contempler rapidement leur couleur bien mauve. Il aurait préféré voir la fleur entière et la voir avec elle, mais elle lui avait promis que ce serait un jour, alors il sentit simplement son cœur s'effondrer et tout retourner dans son corps.

Ah ! Enfin quelqu'un qui ne dénigrera pas ma maison ! Mon cousin est un Gryffondor et il n'oublie jamais une remarque ici ou là. Nous saurons le remettre à sa place !

Nous ? Nous ? NOUS ? Face à son cousin ?!

Il n'y a rien d'inconvenant à dire la vérité, Damoiseau Aristote… Seulement à vouloir la taire… Et pour répondre à votre question, je n'ai pas attendu une nuit avant de rêver de vous, ni trois jours pour vous l'avouer, ni une seule heure pour arrêter…

Bien à vous,

Mademoiselle Ambuela

Il avait très chaud d'un coup. Plus besoin de thé. Seulement d'un verre d'eau bien froide. Et d'une plume et de parchemin pour lui répondre tout de suite.

Et lui demander un rendez-vous.

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Il s'était endormi sur le parchemin qu'il avait essayé d'écrire à Mademoiselle Ambuela. Il s'était endormi dans son bureau au Ministère. Et même pas à cause du travail. Ses parents devaient être morts d'inquiétude. Et Lazlo devait être affamé. Et il ne pouvait même pas rentrer chez ses parents étant donné qu'il n'avait même pas répondu à Mademoiselle Ambuela et qu'il était désormais l'heure de commencer sa journée de travail à nouveau.

« Aristote ! »

La voix de son père le fit sursauter. Il s'empressa de remettre la plume à sa place et de cacher le parchemin de Mademoiselle Ambuela sous une pile de rouleaux pendant que son père entrait furieusement dans son bureau.

« Oui, père ? demanda-t-il la voix légèrement tremblante en relevant craintivement la tête.

— Faites-moi le plaisir de m'expliquer où vous avez passé la… Merlin, ne me dites pas que vous vous êtes endormi à votre bureau ? Qu'est-ce que c'est que cette tenue ! » s'offusqua son père.

Il eut vraiment l'impression d'avoir à nouveau seize ans et de se faire disputer parce qu'il avait passé la nuit à lire des romans d'aventure au lieu de dormir.

« Je me suis endormi en travaillant. Ne me disputez pas pour cela comme si j'avais quinze ans. Vous en avez fait autant pendant des années, et Mère également ! s'agaça-t-il pour faire fuir son père.

— Je ne vous permets pas de…

— Je commence ma journée moi aussi, insista-t-il en poussant son père vers la sortie. Prenons un café ensemble, et vous pourrez me raconter ce que je peux faire pour empêcher Mère de s'emporter ce soir, non ? »

Le soupir de son père lui fait dire qu'il avait gagné la partie.

Mais il pensa seulement à l'autre partie, celle qu'il lui restait à jouer dans son bureau. Celle incarnée par la lettre de Mademoiselle Ambuela.

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Il lui fallut une semaine pour trouver le courage d'envoyer une réponse à Mademoiselle Ambuela. Elle l'obnubilait. Il avait rêvé d'elle bien trop de fois, il avait pensé à elle bien trop de fois, et il avait tenté de lui écrire une lettre bien trop de fois également.

Chère Mademoiselle Ambuela,

C'est en voyant l'ultime pétale encore mauve flétrir que je trouve enfin les mots pour vous répondre. J'ai déjà usé trois plumes et deux de mes nuits à cette tâche, et je n'espère plus atteindre autre chose que votre cœur ce soir.

Trouveriez-vous indécent que je vous demande un rendez-vous dans l'endroit et au jour de votre choix ?

Bien à vous,

Damoiseau Aristote

Il enroula la lettre autour d'une rose – malheureusement rouge, la ferma avec son sceau et la cire magique afin qu'aucun œil malotru ne vienne l'ouvrir avant Mademoiselle Ambuela, et la confia à Lazlo.

« Encore un aller-retour au Pays-de-Galles, mon brave. Tu crois que tu pourrais faire cela pour un pauvre hère comme moi ? »

Un hululement digne d'un début de combat frémit dans sa chambre avant que Lazlo ne s'envole vers l'ouest de la Grande-Bretagne.

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Une semaine. Elle avait mis à son tour une semaine entière pour lui répondre. Il avait eu le temps de s'inquiéter, de se lamenter, d'espérer, de perdre espoir, de se torturer les pensées et…

Il l'avait cherché. Elle l'avait mis si mal… mais il l'avait cherché. Ce n'était qu'un juste retour des choses.

Il ouvrit le pli.

Cher Damoiseau Aristote,

Je suis effondrée de voir qu'une semaine s'est déjà écoulée lorsque je vous réponds, moi qui suis rebutée plus que tout par la procrastination. Un sanglier a dévasté une partie des vignes et nous avons dû remettre tout ce que nous avons pu en l'état le plus vite possible. C'est à peine si j'ai dormi quatre heures par nuit ces derniers jours. Et ce soir, alors qu'enfin nous avons remis les sortilèges pour repousser d'autres incursions futures, que les vignes sont à nouveau debout avec, malgré tout, une partie des raisins si abîmée que nous avons préféré les couper, j'ai enfin une minute pour vous répondre un immense oui à un rendez-vous avec vous, à Pré-au-Lard, dans le courant de la semaine prochaine. Je vous laisse me proposer un jour et une heure à partir de quinze heures en semaine. Je vous remercie pour la rose, elle a égayé ces dernières journées si chargées.

Bien à vous,

Mademoiselle Ambuela

Elle lui disait oui ! Lundi prochain, à Pré-au-Lard, dès qu'il sortirait du bureau, il la reverrait. Toute cette lumière, toute sa conversation et même tout son regard tantôt amusé tantôt offusqué serait tourné vers lui, et il pourrait s'en rassasier sans avoir à attendre de réponse pendant des jours !

Chère Mademoiselle Ambuela,

J'espère que vous pourrez vous reposer un peu ces prochains jours, et que les vignes de votre famille ne sont tout de même pas trop abîmées par le sanglier. Et ne vous inquiétez pas pour le délai de réponse, ce n'est pas moi qui trouverais à vous le reprocher… Que diriez-vous de lundi prochain, dix-huit heures, devant la gare de Pré-au-Lard ? Je vous y attendrai avec impatience.

Une ultime question : quel est votre poète ou votre poétesse préférée ?

Bien à vous,

Damoiseau Aristote, qui rêve toujours de vous…

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Héhé je vous avais dit que je pousserai la niaiserie à son paroxysme hihi. Bonne nuit :D