La vie était étrange et elle ne cessait de le prouver à Derek qui, les mains sur le volant de sa Camaro, conduisait, les sourcils froncés. Il avait vu le shérif, l'avait écouté. S'était exécuté lorsqu'il lui avait demandé de venir voir quelque chose. Une Jeep, bleue. D'après lui, il s'agissait de la voiture de son défunt fils – il disait être prêt à mettre sa main à couper tellement il en était certain. Noah Stilinski y avait reconnu certaines marques d'usures présentes du temps où sa progéniture était encore à Beacon Hills et… Sous un siège, la scientifique avait trouvé une petite figurine de Batman, que le shérif avait bien évidemment. Apparemment, de feu Stiles était un fan inconditionnel de Batman.
Ainsi, Noah lui avait fait renifler le véhicule en douce, sans en informer ses équipes. Derek y avait bien trouvé une odeur mais, n'ayant jamais connu le fils du shérif, n'avait pas été capable de lui dire s'il s'agissait de la sienne.
En revanche, il avait reconnu celle du jeune homme que sa meute avait recueilli. S'il avait fait part de ce détail à Noah ? Non. Il savait à quel point un deuil était difficile à faire et le shérif… N'avait jamais réellement fait le sien. Alors, au cas-où, Derek avait préféré garder le silence sur ce sujet. Il n'y avait rien de pire pour un parent que de se faire de faux espoirs quant à la survie hypothétique de son enfant. Néanmoins, Derek s'était renseigné sur ce Stiles et ce, grâce à Noah qui avait eu besoin de parler de lui. S'il ne l'avait pas décrit physiquement, il lui avait dit que Stiles aurait dix-huit ans, s'il était encore en vie. Qu'il avait un regard doux, un bagout impressionnant. C'était un jeune homme plein de vie et qui illuminait toujours l'endroit dans lequel il se trouvait… Juste avec sa présence.
Et même si Derek aimerait vraiment, pour le shérif, que le châtain qui se reposait chez lui soit le Stiles dont il avait parlé, il ne reconnaissait rien de lumineux dans sa description. Mais si son odeur se trouvait dans cette voiture, ce n'était pas un hasard. Et il était certain que c'était celle-ci – son odorat ne le trompait jamais.
Alors, Derek décida tout bonnement de rentrer au loft et de faire un test. Aussi simple soit-il, il lui permettrait de faire le tri dans ses pensées et ses questionnements : enfin, il lui permettrait de mettre les choses au clair quant à cette odeur. Il écarterait, ainsi, l'infime possibilité que ce jeune homme soit le fils du shérif. De toute manière, ils ne se ressemblaient pas.
Mais si Derek avait prêté attention à la photo de famille qui se trouvait dans le bureau de Noah – ce qu'il n'avait jamais fait –, il aurait noté la similitude entre les visages du petit garçon et la mère de famille, elle aussi décédée depuis des années. Claudia. Une âme aussi lumineuse que l'était Stiles, d'après les dires du shérif.
Lorsqu'il gara sa voiture dans le garage de cet immeuble qui lui appartenait, Derek respira un grand coup. Il ne lui arrivait pas si souvent que cela de stresser, c'était même plutôt rare. Mais avec ce jeune homme, il ne se sentait pas à son aise, pour la simple et bonne raison qu'il lui paraissait être un électron libre passablement instable. Il était certain que le châtain profiterait de la moindre de leurs failles pour les tromper et… Mettre fin à sa vie. En cela, il était farouche, refusant de se soumettre sans un but précis derrière. Le jeune homme lui semblait têtu et… Manipulateur, dans un sens. En sachant ce qu'il était, Derek ne pouvait que le comprendre. Si le châtain voulait s'en sortir d'une quelconque manière, que celle-ci soit dirigée vers la vie ou vers la mort, il devait se montrer malin. Pour être honnête, Derek était heureux qu'Isaac se soit tout de suite pris d'affection pour lui : au moins, il savait que le jeune homme, uniquement empli de bonnes intentions, pourrait le surveiller sans envahir son espace tout en essayant de lui montrer qu'ici, personne n'allait profiter de lui. Maintenant, restait à savoir si l'hypothétique Stiles accepterait sa proximité et se rendrait compte de sa bienveillance sur le long terme. Ça, c'était impossible à savoir. Néanmoins, Derek était certain qu'Isaac avait sa chance. En fait, lui seul pouvait l'avoir, et pas juste parce qu'il était d'une douceur infinie. Son protégé lupin avait ce truc dans le regard. Cette chose aussi simple que limpide qui donnait tout simplement envie de lui faire confiance… Voire de lui confier sa santé mentale. Isaac disait que Derek l'avait sauvé : l'alpha se demandait régulièrement si ce n'était pas plutôt l'inverse. Après tout… S'il était arrivé à l'apaiser lui, le loup grognon dont tout le monde avait peur… Alors, il pouvait réussir à tranquilliser le châtain. Peut-être. Derek y croyait sincèrement.
L'alpha prit l'ascenseur et le temps de la montée lui parut horriblement long. S'il savait parfaitement quel tel il était sur le point de réaliser, il fallait avouer qu'il avait un peu peur. Et s'il s'était trompé ? Et si toute cette histoire n'était qu'un malheureux enchaînement de coïncidences ? Il n'y avait qu'un moyen de le savoir.
Quelques secondes plus tard, Derek déverrouilla la porte du loft et referma derrière lui. S'il avait rapidement entendu des bribes de voix avant d'ouvrir et d'entrer, elles s'étaient tues. Sur le canapé, deux paires d'yeux le regardaient, mais la seconde se décida rapidement à fixer le sol. Evidemment, faillit soupirer Derek. Il pouvait comprendre que sa mine perpétuellement renfrognée et son statut terrifient le châtain, cependant… Oui, il fallait avouer que ça l'embêtait réellement. Néanmoins, il se recentra et décida de ne pas perdre de temps.
- Stiles ?
La manière dont le châtain releva un regard aussi perplexe qu'horrifié dans sa direction fut sans équivoque. La façon dont il pâlit, également. Que dire des battements soudain effrénés de son cœur ? Derek n'aurait pas pu espérer de réponse plus claire à ses questionnements intérieurs.
Est-ce que cela rendit les choses plus faciles ? Non, pas le moins du monde. Parce qu'il ressentait la terreur du jeune avec une violence terrible. Le châtain, complètement désemparé, tenta néanmoins de faire bonne figure, de ne pas montrer à outrance le fait qu'il se sentait tout bonnement paniqué et terrifié. Il forçait sur ses mains pour qu'elles ne tremblent pas… Et s'enfonçait les ongles dans ses paumes. A côté de lui, Isaac regardait Derek d'un air mélangeant confusion et effarement. Qu'est-ce que c'était que ça ?
- Ramène-le en haut, lui demanda simplement Derek.
Car il s'agissait bien d'une demande et non d'un ordre. Le trouble que lisait Isaac sur son visage n'était pas anodin. Bien évidemment, le jeune homme aux boucles d'or évita de toucher les mains du châtain, même si celles-ci étaient gantées. Isaac l'aida à marcher et le rapatria dans la chambre à l'étage. Lorsqu'il revint, il arborait un air profondément préoccupé.
- Ce qu'il vient de se passer… Tu m'expliques ?
Disons qu'Isaac savait être patient… Mais pas dans ce genre de cas. L'odeur du châtain était devenue… Encore plus nauséabonde que d'ordinaire. C'était comme s'il… Comme s'il avait touché le fond. Bordel, il n'avait même pas essayé de le manipuler ! Ce qui était une première depuis son tout premier réveil au loft…
- Stiles, articula simplement Derek.
- Oui, c'est ce que tu as dit, fit Isaac, qui ne comprenait pas.
- C'est un surnom.
- Oui, et ?
- Isaac, c'est comme ça que le shérif appelait son fils !
Derek ne s'était pas emporté, du moins… Pas à proprement parler. Disons que le test dont il avait eu l'idée avait eu des résultats certains et lui présentait une réalité qu'il n'imaginait pas possible. La partie rationnelle et pragmatique de son esprit lui soufflait que l'utilisation de ce nom n'était pas suffisant tandis que l'autre… Lui montrait à quel point cette fameuse réalité le dépassait.
Face à lui, le visage d'Isaac perdit le peu de couleurs qu'il lui restait encore. Tout le monde dans la meute était au courant de la situation familiale de l'homme de loi. Il avait perdu sa femme il y a près de dix ans tandis que son fils avait été porté disparu quelques années plus tard, puis considéré comme mort. Certains avaient même assisté à la déchéance du shérif… Qui avait dû être soutenu et aidé de part et d'autre pour se remettre de ce drame. Néanmoins, personne n'avait connu ledit fils de Noah Stilinski. On en avait juste entendu parler.
Et ce n'était vraisemblablement pas la dernière fois qu'on entendrait parler de cette histoire.
Derek lui fit le récit de ses découvertes de manière décousue, mais authentique. Il lui relata tout : l'odeur dans la voiture, ses questionnements… L'idée de ce test, qu'il lui expliqua rapidement.
Isaac se laissa tomber sur le canapé, blanc comme un linge, incapable de décider s'il s'agissait pour lui d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle.
Parce que l'odeur de ce… Potentiel Stiles lui avait retourné l'estomac tant elle était devenue infâme. Et pour lui, ça ne présageait pas grand-chose de bon pour la suite.
