L'idée d'explorer les hauteurs par de telles températures allait jusqu'à répugner les âmes d'ordinaire téméraires.
Ne pouvant se compter parmi celles-ci, Atsushi s'était pourtant résolu à retrouver les bienfaits du monde extérieur.
Piqué d'un excès de fierté et, ne sachant sur quel pied danser après la courte entrevue survenue moins d'une semaine plus tôt, il préféra s'épargner le moindre supplément de fatigue et emprunta le premier quart de son chemin favori.
À l'intersection formée par les habitations bordant des collines mouchetées par le jaune des herbes sèches et l'émeraude des cimes voisines, Atsushi choisit de bifurquer.
Le flanc gauche de cette route poussiéreuse ouvrait sur un parterre de rizières piquées de tiges dont le vert tendre entamait une belle croissance, comme pour rivaliser avec la souveraineté des arbres composant la futaie adjacente.
Cette dernière, étroit ruban forestier planté aux pieds des reliefs, était traversée d'une rivière déviée sur de rares tronçons afin d'alimenter les plantations voisines.
Attiré par la protection dont les immenses troncs se faisaient garants, Atsushi se renfrogna en constatant que le vil croassement des corbeaux couvrait les harmonies des passereaux nichés sur les branches qui bouchaient l'azur du ciel.
Vite porté par ses longues jambes, il finit pourtant par atteindre une zone dans laquelle la cacophonie des corvidés s'estompait au profit de cris juvéniles mêlés au tapage de multiples éclaboussures.
Vociférant tour à tour encouragements et grossièretés à l'adresse de leurs acolytes, plusieurs groupes d'enfants folâtraient au sein de la rivière.
Trop intimidé pour oser se révéler, Atsushi préféra marcher un court quart d'heure supplémentaire.
Plus en amont, il découvrit cinq gamins de nature moins exubérante, absorbés par l'élaboration d'un barrage de fortune, assemblage maladroit fait de branchages éparpillés lors des derniers orages.
Curieux d'assister à leur entreprise et conscient qu'aucun des minots ne l'avait remarqué, Atsushi prit place non loin, au bord d'une eau à la course paisible, laquelle incitait presque à s'y enfoncer.
Toutefois, après avoir fui le contact des eaux sauvages et même rejeté les étapes de trempage des ingrédients pour s'être cantonné au confort aseptisé des bains publics, Atsushi hésita à céder à cet appel.
La raison le fit ployer et bientôt, il immergea les jambes pour profiter de la fraîcheur caressante de la rivière.
Lorsqu'il se penchait au-dessus de l'eau limpide, l'ombre de son reflet révélait un parterre de galets aux formes variées dont la parfaite immobilité était parfois troublée par la présence de crabes pigmentés d'un bleu-gris terne.
Déterminé à baisser sa garde, il dénoua le tissu enveloppé autour des différentes sortes de gâteaux de riz qu'il s'était préparé durant la matinée, et grignota sans vergogne, savourant la musique jouée par le crépitement familier de chaque bouchée.
L'oblique des rayons du soleil avait à peine commencé à décliner quand, rompant son onanisme gastronomique, une voix au charme redouté, autant qu'espéré, s'amusa dans son dos :
— Enfin résolu à retrouver les joies du plein air ?
Garnie d'une généreuse poignée de miettes de senbei, la main d'Atsushi se figea dans son élan. Levant alors les yeux, il renâcla :
— Tu m'as encore suivi ?
À quelques mètres derrière lui, invariablement couverte de vêtements inadaptés au climat ambiant, la silhouette de Tatsuya se fondait entre l'ombre et la lumière des feuillages.
— Pas le moins du monde.
— Genre…
— J'aurais préféré, c'est presque… embarrassant de toujours tomber sur toi.
Comme soucieux de maintenir une distance raisonnable afin de ne pas l'effrayer, Tatsuya se rapprocha à pas mesurés.
Atsushi ramena aussitôt ses jambes contre lui, un léger hoquet secoua sa gorge pendant qu'absorbant l'eau froide, les fibres de ses vêtements vinrent se plaquer contre la moiteur de sa peau.
— Tu n'es pas obligé de sortir de l'eau, je ne vais vraiment plus rien te faire, confessa Tatsuya, visiblement ennuyé par la crainte qu'il continuait à lui inspirer.
Bien décidé à rester prudent, Atsushi le dévisagea depuis son assise sur l'herbe tout en enfournant la bouchée demeurée suspendue. Il ne doutait désormais plus de la bonne foi de l'homme dragon, or par pure défiance, il décida de ne pas replonger les pieds dans l'eau.
— Je ne t'ai jamais vu dans ce coin, dit Tatsuya en déportant son regard sur l'ondulation du courant.
— Tu vas recommencer à apparaître partout où je vais ?
— Je te retourne la question. Vas-tu continuer à choisir les points de passage que je suis contraint de traverser tous les jours ?
— Comme si je pouvais savoir que tu passais aussi par ici…
Façonné d'une grâce captivante, Tatsuya finit par s'asseoir non loin.
La chaleur persistait à ne laisser aucune empreinte sur son teint polaire, pendant qu'étrangère à la notion d'imperfection, la moindre plissure dessinée par ses vêtements se faisait détail qui ravivait le faste d'une soie tissée avec finesse. Des éclaboussures de lumière perçaient entre les feuillages et suggéraient les minuscules motifs engoncés dans le jais de la trame lustrée.
Posture droite, quasi noble, Tatsuya incarnait davantage l'intemporalité figée d'une estampe que la bassesse de la condition humaine.
Son insupportable charisme n'en finissait pas d'affecter Atsushi, lequel était bien incapable de trouver comment mener leur semblant de conversation, bavardage de surface qui tendait pourtant à l'assommer en temps normal.
Car, pour une raison invariablement destinée à lui filer entre les doigts, il éprouvait désormais une forme d'intérêt à échanger des banalités avec Tatsuya.
L'instant se drapa d'un silence tonitruant, acculant Atsushi qui, par crainte de le briser, hésitait presque à respirer et avait même relégué à plus tard les rares senbeis restants.
Tatsuya s'empara de l'occasion.
— Tu peux revenir là-haut, tu sais, dit-il en levant les yeux en direction des collines qui dominaient la ville.
— Il fait trop chaud en ce moment. On verra après l'été, peut-être...
— Il est toujours possible de remédier à ce problème d'eau chaude, confia Tatsuya, un sourire gorgé de sous-entendus accroché aux lèvres. Et puis, il y a un second point d'eau un peu plus loin.
En découvrant l'éclat de satisfaction niché dans ce sourire, Atsushi devint nerveux à l'idée d'être observé à son tour et déglutit avant de dénouer ses cheveux pour rabattre de longues mèches sur ses traits.
— Tu parles de celui qui est au pied de la cascade ?
— Oh, donc tu le connais déjà, répondit Tatsuya, un brin décontenancé.
— Ouais, mais faut marcher vachement plus pour y aller, la flemme. Ici, c'est bien aussi…
Confondu par une logique trop étrangère à ses propres mœurs et, confronté à un rideau de cheveux, Tatsuya ne sut comment rebondir après une telle réponse, et préféra laisser parler le silence.
Au cours de cette pause, Atsushi étudia Tatsuya à travers un pan de mèche et remarqua que celui-ci dessinait une sorte de tension, jusqu'alors imperceptible.
Les doigts de sa main droite étaient repliés tout contre la paume et le poignet esquissait une série de mouvements fluides, discrets, mais néanmoins singuliers.
Soudain, les voix des cinq enfants retentirent pour éclipser le chant des cigales.
La force de leur agitation attira l'attention du duo.
Émerveillés, les gamins s'extasiaient sur la solidité invraisemblable de leur barrage.
L'un d'eux sautillait en frappant dans ses mains et répétait :
— Ça marche !
La prouesse inespérée laissait le groupe en transe. Aucun n'osait plus s'approcher par crainte de briser l'harmonie fragile de la structure.
Dubitatif, Atsushi reporta son attention sur la rivière dont le lit gonflait sans jamais déborder. Figée, l'eau conservait sa souplesse ; à la manière d'un courant capable de se replier infiniment sur lui-même.
D'instinct, le regard d'Atsushi revint sur la main de Tatsuya.
Celle-ci venait de s'ouvrir, doigts à peine détendus dans une pose très naturelle, pendant que quelques mètres plus loin, un lourd craquement trahissait l'inévitable ; le barrage venait de céder et l'eau reprenait sa course habituelle après avoir jailli avec force et projeté une volée de gouttelettes, devenues incandescentes sous la lumière environnante.
Tatsuya se releva dans la foulée, époussetant ses vêtements avec soin avant de se rasseoir.
Atsushi marmonna alors :
— Tu leur as fait croire qu'ils avaient réussi.
— Je leur ai donné un coup de pouce, corrigea Tatsuya en tiquant.
Atsushi renâcla.
Dans un sourire effronté, presque brutal, Tatsuya lui rétorqua :
— Tu penses qu'aucun adulte n'a jamais profité de ta naïveté lorsque tu étais plus jeune ?
— Ça n'a rien à voir...
— Vraiment ?
Agacé par l'éclat de sagacité niché dans les yeux de Tatsuya, Atsushi souffla :
— En fait, t'aimes juste ennuyer les gens…
— Je ne crois pas, avoua Tatsuya, visage tourné vers le ciel, pensif. Je m'évertue néanmoins à essayer de ne pas le faire. Nos curiosités et nos façons de communiquer ne coïncident pas toujours. Je ne le réalise qu'aujourd'hui. Ce que tu as pu interpréter comme une forme d'arrogance de ma part naissait simplement d'une tentative de faire connaissance d'une manière… différente ?
— Uh…, renâcla Atsushi, pris de court.
Séparés par une distance supportable, regards braqués sur la rivière bercée par le clapotis des enfants qui repêchaient les vestiges du barrage, les deux jeunes hommes ployèrent sous une même ombre de gêne. Ténèbres coagulées dans la moiteur de l'air, suffocant esprits et langues pour les assujettir au silence.
Accablé de remords, Tatsuya finit par soupirer :
— J'ai été maladroit te concernant, et je m'en excuse.
— J'imagine que si je suis encore là après tout ça, c'est que tu comptes vraiment rien me faire, bredouilla Atsushi en tournant légèrement la tête à la recherche de l'approbation de Tatsuya.
Les traits impassibles de ce dernier changèrent pour se fondre en une expression sous laquelle Atsushi crut déceler un mélange d'épouvante et d'orgueil, sentiments confirmés par la teinte offusquée de sa voix lorsqu'il lâcha précipitamment :
— Non, bien sûr. Jamais je ne porterai atteinte à quiconque !
Preuve que ces longues semaines de tourments unilatéraux appartenaient définitivement au passé, l'effervescence de cette réaction parvint à arracher un petit sourire en coin à Atsushi, heureux de voir s'écailler l'épais vernis d'assurance qui tendait à accompagner Tatsuya.
— J'ai toujours pensé qu'il était plus simple de tisser des liens en osant d'emblée se présenter tel que l'on est.
— Si tu fais ça avec tout le monde, alors pourquoi tu m'as demandé de rien dire à personne ?
— Je ne fonctionne pas exactement comme ça avec tout le monde, avoua Tatsuya, un accent d'embarras embusqué sous chacun de ses mots. Tu as réussi à me voir sous ma seconde nature et cette coïncidence était suffisamment étonnante pour piquer ma curiosité.
— Réussi ? répéta Atsushi à voix basse, comme s'il s'adressait davantage à lui-même.
Les enfants s'étaient à présent éclipsés, laissant le fracas des cigales et la musique éthérée de l'eau comme seules nappes sonores, arias accompagnées par la beauté des feuillages sous lesquels s'agitaient des volutes projetées par l'ondulation de la rivière.
Ces halos frémissaient jusque sur les visages de Tatsuya et Atsushi pour y moirer une magnifique broderie luminescente et, confortables dans la tiédeur de leur mutisme, ils purent enfin mesurer la tranquillité de cette trêve souhaitée de longue date.
En dépit de son apparence calme, Tatsuya choisit de combler la timide monotonie de cet armistice en faisant danser un filet d'eau entre ses doigts.
Prodigieux serpent aqueux, le liquide translucide enrubannait ses extrémités sans y apposer la moindre trace d'humidité.
La fluidité de cette chorégraphie attisa rapidement la curiosité d'Atsushi, alors fasciné par cette prouesse dont, tout dans l'attitude de Tatsuya, laissait à croire qu'elle s'orchestrait sans efforts.
Au fait de l'intérêt que cela suscitait auprès de son immense acolyte, Tatsuya concentra la matière dans le creux de sa main jusqu'à sculpter un galet de poudreuse à la pureté incomparable.
Un léger voile vaporeux auréola l'amas neigeux et s'éleva dans l'air chaud.
Cette merveille rappelait certaines gammes de pâtisseries destinées aux cérémonies du thé ; un enrobage d'une formidable sobriété dissimulant des secrets complexes.
Retenu par sa méfiance, Atsushi préféra garder pour lui ses mains parsemées de miettes graisseuses.
Parvenu à un résultat digne de ses exigences, Tatsuya déposa la poignée de neige sur l'herbe tendre et se leva.
— C'était amusant de te recroiser. J'espère que tu as enfin compris que tu pouvais me faire un tant soit peu confiance. Sur ce, à une prochaine fois.
Opinant d'un hochement de tête, Atsushi feignit l'indifférence puis, s'assurant que l'autre était suffisamment loin, il approcha les flocons qui n'avaient pas encore eu le temps de fondre, les étudia d'un air ahuri et, à la caresse d'une minuscule vague de froid sur son visage, il s'effraya.
— Je croyais que ça te gonflait de faire ces trucs ? s'étonna Fukui en lorgnant par-dessus Atsushi, alors penché sur une cuve dans laquelle trempaient des grains de riz qu'il frottait d'un air absent depuis plusieurs minutes.
— Hmm, aujourd'hui ça va, lui répondit-il dans un haussement d'épaules.
Pris de court par les lubies d'Atsushi, Fukui ouvrit la bouche à plusieurs reprises sans jamais parvenir à rétorquer.
Caractérisé par son débit de parole abrupt et coloré d'un fort accent, Fukui était un travailleur minutieux et sympathique. À l'instar des autres employés de la brigade culinaire, Atsushi n'avait pas d'avis tranché sur sa personne, leur maigre différence d'âge tendait à les rapprocher, mais toujours sous couvert d'une retenue annihilant toute profondeur.
Voyant la brume opaline se faire plus diffuse après plusieurs bains d'eaux, Atsushi rinça une dernière fois les grains et les déversa dans une seconde bassine en bois.
Il se redressa ensuite, dégagea les mèches retombées sur son visage, puis sécha ses mains sur ses vêtements avant de fureter près des immenses boîtes remplies des dernières fournées de manjūs.
Incapable de résister à ces écrins, gardiens de délicieuses promesses, Atsushi y piocha deux généreuses poignées.
Témoin de tels excès de négligence, Fukui soupira en retournant à ses tâches.
Résolu à rentrer tôt et, parfaitement étranger à la notion de culpabilité, ce fut avec la bouche pleine et la conscience légère qu'Atsushi quitta les cuisines.
— À d'main.
Au domicile des Murasakibara, une brise fragile s'infiltrait à travers les quelques panneaux coulissants ouverts sur la coursive qui encadrait la demeure.
La belle-sœur d'Atsushi y reprisait du linge pendant que ses jeunes enfants agitaient une branche à l'attention d'un chat embusqué dans les fourrés.
La lourdeur des pas d'Atsushi suffit à annoncer son arrivée, or, trop obnubilés par le caractère hautement excitant du félin, les petits s'empressèrent de reporter leur attention sur le visiteur impromptu posté dans le jardin.
D'un naturel peu méfiant, celui-ci s'éloigna alors d'un bond pour atterrir hors de portée, sous la vive protestation de ses admirateurs immatures.
Constatant la déception des enfants, leur mère les héla :
— Rei-chan, Kai-chan, venez. J'ai peut-être une astuce pour le convaincre de rester.
Revigorés à l'idée de profiter d'une telle aubaine, ils rentrèrent en hâte, frôlant leur oncle, désormais assis sur les tatamis.
Atsushi profitait d'un pan d'ombre à proximité de la véranda, sous son vague air désintéressé ronflait néanmoins un soupçon d'intérêt vis-à-vis de cette liesse enfantine qu'il étudiait d'un œil las.
Au comble de l'excitation, les petits se réunirent autour des jambes maternelles.
La femme attrapa un bol, une carafe ainsi qu'une coupelle garnie des vestiges d'un poisson fraichement cuisiné. En déposant l'ensemble sur un plateau, elle leur confia :
— Si vous lui portez ça durant les prochains jours, il se pourrait qu'il revienne.
Tenant le plateau à quatre mains, les enfants chancelèrent et leurs pieds tambourinèrent tour à tour sur les tatamis et le parquet de la véranda avant de soulever des nuages de poussières entre les pierres du jardin.
Une fois leur mission accomplie, Rei-chan et Kai-chan furent rapatriés sur le porche afin de laisser la bestiole en paix le temps d'un court repas. Piochant dans des chutes de tissus, leur mère se lança dans la confection d'un jouet susceptible d'intéresser la bestiole.
Pleins d'entrain, les bambins agitèrent le ruban en piaillant de joie.
Incapable d'y résister, le félin approcha ; yeux grands ouverts, oreilles dressées, l'avant du corps abaissé et les pattes arrière tendues, prêtent à se délier et bondir pour s'emparer de cette nouvelle distraction.
Or, encore peu dégourdis et redoutant la perte du jouet, les deux enfants ne parvinrent à jauger la patience du chat qui finit par se lasser et s'aventurer près des portes coulissantes à demi ouvertes.
S'y frottant abondamment les joues, il entra puis s'étira.
Reclus derrière la cloison, Atsushi fut gratifié de sa visite. Le museau humide du chat rencontra ses doigts, encore imprégnés par les effluves fantômes des manjūs grignotés sur le chemin du retour.
Estimant que cette longue paire de jambes croisées en tailleur constituaient un merveilleux espace pour couler un brin de sieste, le félin désinvolte s'y lova.
Blottie dans ce creux tiède, sa carrure frêle offerte à la contemplation laissait à penser qu'il était encore dans sa première année, car une seule des mains d'Atsushi suffisait à envelopper la totalité de son corps.
De larges tâches rousses agrémentaient la blancheur grisonnante des poils, un morceau de son oreille droite manquait déjà à l'appel et de longues vibrisses s'épanouissaient sur la rondeur de sa face.
Impatients de caresser la paisible créature, les deux neveux accoururent et pressèrent leurs petites mains brusques contre le pelage rêche, obligeant Atsushi à tempérer leurs excès.
— Uh, faites plus doucement, vous allez lui faire mal.
Atsushi attrapa la main de sa nièce et guida le geste sur le dos du chat.
Le peigne des doigts labourait le pelage roux et, gonflés d'une reconnaissance guillerette, les deux bambins adressaient de grands sourires au chat, mais également à Atsushi, comme pour chercher un semblant d'approbation dans son regard bordé de cernes.
Et tandis qu'il supervisait cet exercice, Atsushi dessina un parallèle avec Tatsuya et le coup de pouce apporté aux enfants croisés la veille.
Il se renfrogna aussitôt et grogna son embarras à voix haute.
Le gargarisme inopiné interpella son neveu :
— Acchan ?
— Uh, j'ai pas fait exprès.
Le gamin lui retourna un air dubitatif, et déjà lassé par le chat, il préféra se tourner vers ses jouets en bois éparpillés non loin.
La petite Rei-chan quant à elle bâilla, puis appuya une joue contre la fourrure poussiéreuse du félin. Le ronron agit comme le doux martèlement d'une averse et bientôt, elle s'endormit.
Dès lors pris au piège, Atsushi soupira en s'extirpant avec mille précautions, soutenant la tête de sa nièce pour la poser contre les tatamis tièdes.
Le temps filait et il devait se hâter afin de ne pas arriver trop en retard au point de rendez-vous fixé par ses amis.
