Vous m'avez appelé aujourd'hui et ça m'a fait extrêmement plaisir. Pas parce que ça n'arrive jamais, au contraire. Plutôt parce que comme un idiot toujours un peu fanboy sur les bords, j'arrive encore à me réjouir comme au premier jour quand vous m'accordez de votre temps.

Mais j'ai vite déchanté.

Vous m'avez sommé plusieurs fois de ne pas m'inquiéter, que c'était pour le mieux, que vous en aviez besoin... Mais j'ai définitivement le cœur lourd d'apprendre que vous partez.

Aux États-Unis, pour être plus précis. Vous m'avez avancé plusieurs raisons : vous rapprocher de certains proches de là-bas ; vous faire suivre par des spécialistes qui pourraient un peu mieux vous aider dans votre convalescence ; vous éloigner du Japon et de votre notoriété pour vivre une vie à peu près normale. Ce dernier point m'a donné un rire amer : elle est internationale, votre notoriété. Il n'y a bien que vous pour être assez humble au point de ne pas le réaliser.

Vous vouliez me l'annoncer de vive-voix, même si j'ai encore quelques jours pour profiter de votre présence. Vous m'avez précisé que vous aviez le cœur lourd à l'idée de me quitter, que mes visites quotidiennes vous faisaient un bien et un plaisir infinis.

Si vous saviez comme c'est réciproque.

Lorsque j'ai raccroché, je me suis surpris à me mettre à pleurer à chaudes larmes. Ce n'est pourtant pas une mauvaise nouvelle, mais je suis abattu. Je suis même en colère. Alors même que je suis également heureux pour vous et plein d'espoir que vous nous reveniez en pleine forme.

Mais comment pourrais-je m'assurer de la bonne avancée de votre état si vous partez si loin... ?

Je me surprends à détester les sourires que vous m'offrez durant mes derniers passages chez vous. Je tiens bon, je fais bonne figure, je garde le masque. Surtout que je ne suis pas seul lors de l'ultime visite, car ma mère, Katchan et Ochako sont également là pour vous dire au revoir.

Mais au fond, j'ai le cœur brisé. Je me trouve stupide et injuste de ressentir un tel sentiment de trahison. Vous ne me devez pourtant rien et je vous ai longuement côtoyé dans des moments où vous étiez débordé. Vous m'avez habitué à être overbooké, toujours fourré à droite et à gauche, à parfois ne pas répondre pendant des jours - voire des semaines - à mes messages. Mais ces derniers temps, vous m'avez également avoué vous-même que ce soudain calme vous déstabilisait et jamais vous n'avez été aussi disponible pour moi. Je suppose que j'avais fini par m'y habituer.

Je ne sais pas vraiment ce que j'espérais. Vous êtes entré dans ma vie comme une tornade au moment où je m'y attendais le moins, ce n'est pas si étonnant que vous n'y restiez pas et que vous repartiez tout aussi abruptement.

Et pourtant... je vous en veux. Je suis désolé, All Might. Mais je vous en veux tellement.

J'ai la sensation que vous m'abandonnez.

Je n'arrive définitivement pas à garder mes larmes pour moi lorsque nous redescendons dans l'ascenseur de votre immeuble. Je sens les mains de ma mère et d'Ochako se poser sur moi en soutien, compatissantes. J'entends Katchan marmonner une insulte dédaigneuse sur ma faiblesse... Alors même que sa propre voix est tremblante.

Vous allez nous manquer à tous.

Mais je suis encore probablement trop présomptueux de croire de toute mon âme que je vais être celui à qui vous allez manquer le plus.