Quand Aziraphale s'était rendu dans l'appartement de Crowley, il savait qu'il ne recevrait aucune réponse. Il avait sonné plusieurs fois, mais il n'y avait personne qui lui répondait. Il aurait pu partir, mais il avait vu la Bentley dehors, dont les pneus avaient été dégonflés légèrement et l'intérieur était étrangement poussiéreux. L'ange était certain que le démon ne serait pas parti sans sa voiture.
Inspirant profondément, il claqua des doigts, priant pour que la porte s'ouvre à sa demande. A sa grande surprise, cette dernière s'entrouvrit doucement. L'ange avala difficilement sa salive, le cœur battant à toute rompre, entra lentement dans l'appartement de son partenaire. Il était déjà venu ici, mais jamais sans l'invitation de Crowley.
Avec précaution, il poussa la porte et s'introduit dans les lieux. D'un premier coup d'œil, ce qui était rassurant, était que l'appartement n'était pas en désordre. Aziraphale avait toujours cru que les démons étaient désordonnés mais Crowley avait prouvé que non. Sa propre librairie faisait pâle figure face à lui.
« Crowley ? » s'écria-t-il espérant un bruit familier.
Il n'y avait aucune réponse, pas un bruit. Le silence résidait en maître dans l'appartement. D'un pas hésitant, il s'avança dans la pièce, observant autour de lui, restant en alerte. Ses sens angéliques ne détectaient aucun danger, l'endroit était sûr. Alors pourquoi avait-il un mauvais pressentiment ?
Aucune âme ne semblait vivre ici, pourtant, il devait vérifier chaque pièce pour être certain. Rien dans la cuisine, ni dans le salon. Il s'introduit derrière la porte-mur qui servait de séparation entre le reste de l'habitation.
C'est là qu'il se figea. Les plantes, adorées par Crowley, avaient été arrosées récemment, mais maladroitement, des flaques d'eau s'étaient éparpillées autour d'elles et un arrosoir avait été renversé négligemment au milieu du couloir. Aziraphale le ramassa et effaça le désordre causé rapidement, avant de continuer à chercher. Cette fois, il s'activa un peu plus. Si les plantes avaient été arrosés récemment, c'est que Crowley n'était pas loin. Il était là.
« Crowley ! » cria-t-il.
Il ne pouvait y être que dans la chambre. L'angoisse au ventre, son cœur tambourinait violemment dans sa poitrine et bien qu'il soit un céleste, il crut qu'il allait faire une crise cardiaque à tout moment.
Dans la chambre, il s'immobilisa à la vue qui se présentait à lui. Au milieu de la pièce, le démon était étendu au sol, recroquevillé sur le côté comme une coquille. Il n'était vêtu que d'un t-shirt gris trop pour lui et un boxer, frissonnant de froid probablement. Les draps étaient éparpillés autour de lui, comme s'il avait tenté de s'en défaire pour sortir de son lit, puis n'avait pas eu le force d'y revenir.
« Oh Seigneur, Crowley. » souffla Aziraphale en se précipitant à ses côtés.
S'agenouillant auprès de lui, il le tourna pour s'assurer de l'état du démon. C'est alors qu'il découvrit que Crowley était dans un état épouvantable : il respirait encore, mais faiblement, il était aussi pâle qu'un mort, il était beaucoup plus maigre. Ses cheveux rouges décoiffés et emmêlés pendant le long de ses tempes et sur ses yeux, à travers cette cascade de cheveux, l'ange pouvait apercevoir que la moitié du visage de Crowley était défiguré.
Les larmes lui montèrent aux yeux à la vue de son ami de toujours. Comment avait-il pu l'abandonner ? Comment avait-il pu ne pas être au courant de l'état désastreux dans lequel il se trouvait ? Il était un ange et pourtant, son propre partenaire il ne pouvait pas s'en occuper ?
« Crowley, réponds moi, s'il te plait, c'est moi, Aziraphale, fit-il en tentant de le réveiller.
Le démon resta inconscient pendant quelques secondes, puis un petit gémissement le rassura alors. C'était bref, mais suffisant pour l'assurer que Crowley était vivant. Le libraire passa donc ses doigts dans les mèches rouges pour apercevoir un peu plus son visage, puis le porta comme une mariée jusqu'à son lit. Il l'allongea délicatement dans le lit, ramenant les draps défaits sur lui, le bordant.
Il s'assit ensuite sur le lit, soupirant, ne sachant quoi faire. Ils étaient des célestes, s'ils tombaient malades ou étaient blessés, ils ne pouvaient pas guérir de la même manière que les humains, c'était aléatoire et cela dépendait des circonstances.
Les plaies au visage du démon l'intriguèrent alors et il se décida à l'étudier de plus près. Il s'approcha de l'inconscient et de ses doigts, il effleura la peau rouge et morte. A peine l'eut-il touché que Crowley ouvrit les yeux brusquement, lâchant un cri de douleur, s'éloignant de son contact.
« Non, non, non ! hurla-t-il en reculant dans le lit, loin d'Aziraphale.
- Crow…ley ? murmura-t-il à la fois heureux et inquiet de ce réveil inattendu.
- Mon…ange ? bredouilla-t-il.
- Oui, c'est moi, je t'ai trouvé au sol, tu es…dans un état épouvantable, je vais prendre soin de toi et…
- Je suis désolé, je suis désolé, répéta le démon en secouant la tête, je suis désolé. »
Il n'avait jamais vu le démon si vulnérable, il avait l'air plus petit qu'il ne l'était. Il avait replié ses jambes contre sa poitrine, ses bras lui recouvrant la tête, comme s'il voulait se protéger d'un danger quelconque. Cela faisait mal au cœur à l'ange qui n'aurait jamais cru connaître Crowley ainsi.
Lentement, il tendit le bras vers lui, cachant sa nervosité et gardant son calme. Son partenaire avait besoin de lui et il allait prendre soin de lui.
« Crowley…viens ici, demanda-t-il tendrement.
- Je suis désolé…continua Crowley.
- Je sais, je suis désolé, aussi, c'est ma faute, j'aurai du demander des nouvelles plus tôt, je regrette. S'il te plait, reviens t'allonger.
- Non, mon ange…tu as raison…je ne suis qu'un démon…va-t'en… »
Aziraphale se sentit tellement mal. C'était ses propres mots, il avait toujours rappelé à Crowley qu'il était un démon, certes depuis la non-apocalypse, il ne l'avait pas souvent dit, mais cela avait impacté son ami bien plus qu'il ne l'aurait cru. L'ange savait que Crowley n'était pas un démon comme les autres, il était différent, la bonté et la bienveillance pouvaient être perçu dans ses actions et Aziraphale était toujours persuadé que Crowley n'avait jamais aspiré à devenir un démon entièrement.
« Crowley, viens près de moi, je t'en prie, si tu m'obliges à partir, je me le pardonnerai jamais, lâcha-t-il affligé.
C'était probablement un chantage, il savait que ces mots affecteraient le démon, même s'il ne le montrait jamais, Aziraphale savait que Crowley portait une certaine affection pour lui, il savait qu'au fond de lui, malgré son insolence et ses plaintes, il ne lui ferait jamais de mal.
Effectivement, ses mots eurent de l'effet, car les yeux de serpent du démon se posèrent sur lui, l'expression paniqué.
- Mon ange, non…je…très bien, je viens. »
Faiblement, Crowley glissa vers lui, tremblant comme une feuille et se rallongea comme il l'avait demandé. Aziraphale sourit de satisfaction et veilla à ce que son ami soit bien installé. Sa pâleur et sa maigreur remuèrent à nouveau sa culpabilité.
« Depuis combien de temps, es-tu dans cette état ? questionna-t-il la gorge serrée.
- Je ne…sais pas, je ne m'en souviens pas.
- Depuis quand…n'es-tu pas sorti d'ici ?
- Trois mois…je crois. »
Il arrêta de respirer, c'était depuis leur dispute.
« Oh, Crowley, je suis désolé…je n'ai pas…
- Ne t'excuse pas…c'est ma faute, je t'ai insulté.
- Non, je…je n'aurai pas dû réagir de la sorte, je t'ai frappé et… »
A ses mots, il se tut alors, fixant la joue abimée et répugnante du démon. C'était de ce côté qu'il avait frappé, il s'en souvient bien. Il lui semblait même qu'il avait encore senti la joue de Crowley sous sa main pendant les jours qui ont suivi son acte. Cela faisait trois mois qu'il n'était pas sorti, donc, ça ne pouvait être que lui qui avait causé la défiguration partielle du visage autrefois magnifique de Crowley.
« Seigneur, Crowley, est ce que…C'est moi qui t'ai fait ça ? haleta-t-il en tendant sa main vers sa joue meurtrie.
- Non, non, ne…fais pas ça, gémit Crowley en se détournant de lui s'éloignant de son toucher, ça me…fait mal.
- Quoi ? Comment ça ?
- Ça me brule. J'ai fait…énormément de miracles pour soulager la douleur, pour faire disparaître ça, mais, ça revient sans cesse, avoua-t-il les lèvres tremblantes, je …me suis fatigué, je n'ai…pas réussi, je pensais que je pourrai réussir. »
Oh mon Dieu. Aziraphale réalisa alors la torture qu'il avait jeté à Crowley involontairement. Il en connaissait les symptômes, c'était une bénédiction sur un démon. Ca ne tuait pas, mais cela pouvait infliger des blessures incurables et douloureuses. Seul un ange avait les capacités de guérir de telles blessures.
« Crowley…tu as enduré la bénédiction…pendant trois mois ? »
Son partenaire hocha lentement la tête.
« Tu m'as puni, mon ange, j'ai donc accepté ma punition…
- Non ! ce n'était pas…je ne voulais pas te punir ! s'écria Aziraphale blême.
Sans s'en rendre compte, il s'était levé, s'agitant dans tous les sens, l'anxiété débordant de son esprit, face à ce qu'il avait fait à son démon. Il n'arrivait pas à croire qu'il n'avait pas eu le contrôle de son pouvoir et qu'il avait lancé cette bénédiction sur Crowley sous le coup de la colère, involontairement.
« Je ne voulais pas te punir, je ne sais pas ce qui m'a pris, je suis désolé, je n'ai pas pensé un seul instant que je te ferai du mal et…
- Aziraphale, ne te blâme pas pour ça, coupa la voix du démon.
Son intervention le figea, se rappelant la raison pour laquelle il était ici. Il se tourna vers Crowley, qui s'était assis au bord du lit, tentant de se lever, mais ses jambes refusaient de lui obéir et il ne parvint pas à faire quoique ce soit. Le cœur de l'ange fondit alors, comprenant alors que le démon s'apprêtait à venir à lui pour le rassurer.
Alors que ce n'était pas lui qui était dans un état épouvantable.
L'ange se reprit rapidement et revint auprès de son démon, s'abaissant à ses genoux, lui attrapant ses poignets, si frêles et si maigres. Pour l'instant, il devait réparer sa faute.
« Me permets-tu de toucher ta joue pour la guérir ? s'enquit-il tendrement.
- Tu es certain ? Tu sais…je peux encore…
- Non, ce n'était pas une punition, secoua-t-il de la tête, tu n'aurais jamais dû recevoir cette bénédiction.
- Je le méritais…
- Non ! Crowley, mon cher, tu ne méritais pas ça, tu ne méritais pas que je te fasse souffrir.
- Est-ce que…ça va faire mal ?
- Oui…puisque je vais te guérir, admit l'ange l'air penaud, mais je vais faire en sorte que cela aille vite.
- Tant que c'est toi, ça me va. Je peux supporter. »
Ces mots touchèrent l'ange en plein cœur, il ignorait que le démon pouvait avoir un tel effet sur lui. Il pourrait presque croire que le démon l'aimait.
Mais bien sûr qu'il t'aime. Lui dit une petite voix à l'intérieur de lui.
Il chassa rapidement ses pensées et se concentra sur ce qu'il devait faire. Le processus de guérison pour une bénédiction sur un démon était un peu plus complexe qu'une guérison sur un humain. Aziraphale ne l'avait que très peu pratiqué, il avait guéri une fois Crowley lors d'un accident de voiture, mais ce dernier était inconscient donc il n'avait pas ressenti grand-chose. Cette fois, c'était une bénédiction donc douloureux, et Crowley était conscient. Il n'avait pas envie de l'endormir, il avait déjà fait assez de mal comme ça et il n'était pas certain que le démon ait envie qu'on le mette dans le coma.
Sa main se posa sur la partie du visage brulé du démon, qui grimaça à son contact, serrant les poings sur ses genoux. L'ange dut prendre sur lui pour ignorer sa réaction et se concentrer sur la guérison. Il inspira un coup et insuffla une guérison miraculeuse vers sa main en charge. Cette dernière brillèrent légèrement mais assez pour prouver que cela marchait bien. Cela redonna confiance à Aziraphale qui continua le processus.
Cependant, Crowley serra les dents, gémissant entre ses lèvres, se forçant à se contrôler, se tendant sous les mains d'Aziraphale, qui écarquilla les yeux face à autant de volonté de sa part. Il voyait bien que le corps du démon n'avait qu'une envie, c'était de reculer face à cette torture angélique et de se blottir loin de lui, pourtant, une lutte semblait se dérouler dans le propre corps du démon.
Et alors que la guérison continuait, les plaques disparaissant lentement de la peau du démon, l'ange ne réfléchit plus, il ne souhaitait qu'une chose : soulager la douleur de son démon, qui souffrait à cause de lui. Son propre corps réagit tout seul, poussé par un élan d'affection et d'amour, suivant son instinct, cédant alors à ses sentiments les plus profondément enfouis dans son esprit et son cœur.
Il embrassa Crowley sur les lèvres.
Un cri sourd s'échappa de la gorge du démon. Des mains se posèrent sur les épaules d'Aziraphale, sans le repousser, au contraire, pour renforcer leur baiser passionné. Ne pouvant pas gérer la guérison en plus du baiser, il avait laissé le démon le diriger. De plus, il pouvait sentir que son partenaire était beaucoup plus détendu et la réponse à son baiser le rassura fortement.
Lorsqu'ils s'écartèrent, Aziraphale venait tout juste de terminer de la guérison et après avoir vérifié que le visage de Crowley était redevenu lisse et intact, il lâcha un soupir satisfait. Pourtant, Crowley paraissait bouleversé et n'osait même pas le regarder dans les yeux. Sa pâleur mortelle avait été remplacée par une rougeur soudaine, il crut même voir une fumée légère sur ses joues.
« Tout va bien ? As-tu mal quelque part ? s'inquiéta-t-il en lui posant une main sur son front.
- Non…non, ça va…merci mon ange. C'est juste que…Puis-je avoir un verre de l'eau ?
- Oui, oui, bien sûr. »
Un verre d'eau frais apparut dans sa main par miracle et il le tendit au démon qui le saisit et sans prévenir, le jeta sur son propre visage.
« Crowley ! s'écria Aziraphale présentant rapidement une serviette miraculeuse, pourquoi t'es-tu fait ça ?
- Mon ange…la prochaine fois, ne me surprend plus de cette manière, lâcha Crowley ignorant les gouttes d'eau qui glissaient sur ses mèches rebelles.
- Quoi ? Mais…je suis désolé mais…
- Pourquoi m'as-tu embrassé ?
- Je ne sais pas…
- Mon ange, tu ne sais pas pourquoi tu m'as embrassé ?
- Je pensais que cela te soulagerait un peu, avoua-t-il ne sachant quoi dire, j'ignorais que cela allait te déranger.
- Cela ne me dérange pas. Tu ne peux pas savoir à quel point j'attendais ça depuis longtemps et toi, tu me voles un baiser, là maintenant, sans que je m'y attende, rit Crowley nerveusement, cela avait l'air si facile pour toi.
- Ca ne l'était pas, assura l'ange avec un sourire timide, c'était juste le bon moment.
- Pourquoi ?
- Parce que…je crois que je t'aime, Crowley. Et que te voir souffrir de la sorte, ça m'a fait mal et j'ai compris que je ne peux pas ignorer ce que je ressens pour toi. »
Le démon ouvrit la bouche, puis la referma, avalant sa salive, tandis qu'Aziraphale l'essuya de sa serviette, réparant le gâchis qu'il s'était fait lui-même.
« Tu m'aimes ? répéta Crowley incertain.
- Dois-je le dire autrement que par des mots ?
- Non, je veux dire…cela me parait irréel…Je pensais que…tu aurais préféré Christopher.
- Christopher ? Pourquoi… »
Puis il se tut brusquement, leur dernière conversation revint alors en son esprit. Le comportement distant et étrangement colérique de démon devint tout à coup explicable désormais. Crowley n'avait été pas été foncièrement mauvais envers lui, il avait réagi probablement en conséquence parce qu'il croyait qu'il n'était plus le « préféré » d'Aziraphale.
« Vous vous appréciez, vous aimez les même choses, vous vous ressemblez, soupira Crowley n'osant le fixer, alors, mon ange, je trouve ça normal que tu puisses l'aimer…moi, je suis juste ennuyant, je ne suis pas comme toi…nous sommes opposés…
- Oh Crowley, espèce d'idiot, coupa l'ange en lui prenant fermement les mains, Christopher est juste un ami avec qui j'apprécie discuter, mais il ne sera jamais ma priorité, tu es toujours mon favori.
- Mais je t'avais offert une écharpe, protesta-t-il, tu n'as pas accepté mais le sien, tu l'as fait !
- Simplement, parce que je ne pouvais pas lui refuser, je ne voulais pas le vexer.
- Mais et moi ?
- Eh bien, je t'ai dit la vérité, je n'en ai pas besoin. Bon sang, Crowley, nous nous connaissons depuis des années, ce n'est pas la première fois que je te refuse quelque chose, un refus de ma part ne devrait pas autant te perturber !
- Je voulais t'offrir en cadeau…
- Crowley, c'est parce que je t'aime que je t'ai dit la vérité, expliqua l'ange, je me suis dit que nous ne devons pas nous mentir entre nous, peu importe si cela peut être blessant car quoiqu'il arrive, tu seras toujours mon démon préféré ! »
Il vit Crowley se mordre les lèvres, ses joues rosirent légèrement et enfin il leva les yeux vers lui, esquissant un petit sourire d'excuses qui attendrit Aziraphale.
« Je suis désolé, mon ange, je n'avais pas vu ça de cette façon, marmonna-t-il.
- C'est de ma faute, j'aurai du faire plus attention à toi, j'aurai dû être là pour toi.
- Nous avons tous les deux été stupides, n'est-ce pas ?
- Terriblement. »
Ils échangèrent un rire presque timide entre eux. Aziraphale nota que la pâleur mortelle avait presque disparu du visage de Crowley et il semblait même beaucoup moins fatigué qu'auparavant.
« Bien, maintenant, recouche toi et laisse-moi m'occuper de toi, je vais te préparer à manger…tu as du poids à prendre, déclara-t-il en se levant.
- Tu vas…me faire la cuisine ? demanda le démon en s'allongeant dans le lit, pourquoi tu ne fais de miracles ?
- J'aime bien faire la cuisine et je sais que tu aimes bien manger mes plats.
- Je n'ai jamais dit que j'aimais bien manger tes plats ! s'offusqua Crowley rouge se renfrognant dans les draps.
- Je sais, sourit Aziraphale malicieusement en sortant de la chambre.
Crowley émit un grognement sourd devant la taquinerie de l'ange. Dès que l'ange ne fut plus dans la pièce, le démon ne put s'empêcher de se cacher dans sa couverture, souriant à pleine dent, le cœur conquis et heureux. Il était toujours épuisé mais le fait qu'Aziraphale soit là lui redonnait la joie de vivre.
Ainsi, il ferma les yeux, sachant très bien que lorsqu'il se réveillera son ange sera là.
Et il avait raison.
.
.
Deux semaines plus tard
Devant la libraire Fell and Co, Crowley sortit de sa voiture, il avait hâte. Cette fois, c'était sûr, il allait passer la journée avec son ange. Aziraphale lui avait promis qu'il ne se défilera pas. Le démon était enchanté, il avait tellement attendu cette journée. Cette fois, ils n'iront pas au musée, ni au restaurant, ils allaient faire un pique-nique, préparé par Aziraphale, puis ils iraient au Zoo pour ensuite finir la journée avec un dîner sur la Tamise.
Depuis le jour où Aziraphale l'avait trouvé malade chez lui, Crowley avait repris du poids, il avait retrouvé sa forme physique habituelle. Tout cela paraissait désormais un lointain souvenir.
Crowley s'apprêta à rentrer dans la librairie quand il s'arrêta, surpris de voir un homme devant la porte de la librairie, qui semblait attendre, contre une des colonnes, fumant un cigarette. Normalement, le démon aurait poussé sans respect l'humain qui l'empêchait de rentrer, mais la curiosité était grande, car c'était la première fois qu'il voyait un étranger agir de la sorte. Son ange aurait, lui aussi, fait déguerpir le malotru.
L'humain était un homme, de taille moyenne, avec une barbe noire, presque grisonnant et des cheveux bouclés de même couleur. Il était habillé entièrement de cuirs noirs. Ses yeux d'un bleu clair toisaient avec nonchalance le démon quand il le remarqua.
« Vous voulez ma photo ? lança-t-il froidement.
Crowley haussa les sourcils devant autant d'insolence.
- D'habitude, les gens rentrent à l'intérieur, préféra-t-il dire.
- Je n'aime pas les librairies, rétorqua-t-il.
- Eh bien, vous n'êtes pas au bon endroit. »
Le démon aurait aimé rire devant l'ironie de la situation. Lui voulait rentrer mais un humain qui n'aimait pas les libraires l'en empêchait en quelque sorte.
« J'attends mon époux, grogna l'humain grincheux.
- Votre…époux ?
- Ouais, depuis qu'il connait…ce monsieur Fell, il n'arrête pas de venir lui rendre visite.
- Christopher ? s'étonna Crowley en ne pensant qu'à lui.
Comme s'il avait suffi de prononcer son nom, l'humain en face de lui changea de visage, s'apaisant, ses épaules se détendant.
« Vous le connaissez ? fit-il surpris.
- Oui…je…hum, Mr Fell est mon…petit ami aussi, balbutie Crowley malgré lui, vous savez, ils sont juste amis, vous n'avez pas à vous inquiéter.
- Oh…vous aussi.
- Comment ça « moi aussi » ?
- Eh bien, avez-vous cru que votre partenaire vous trompait parce qu'il semblait super bien s'entendre avec l'autre gars ? »
Le démon cligna des yeux, sous le choc. Cet humain avait-il vécu la même chose que lui ?
« Quand il m'a dit que ce Mr Fell avait un petit ami, je me suis senti stupide, continua-t-il en grimaçant.
- Et qu'avez-vous fait quand vous pensez qu'il vous trompait, questionna Crowley plus pour soulager sa conscience que par curiosité.
- Je n'étais pas là pour son anniversaire, marmonna-t-il le ton plein de regrets, donc aujourd'hui, je l'emmène à Paris pour un week-end romantique.
- Oh…C'est bien. »
Décidément, les humains, les anges et les démons se ressemblaient beaucoup plus qu'il ne le pensait.
« Je m'appelle John, au fait, se présenta l'humain en lui tendant la main, et vous êtes le fameux Crowley, je suppose ?
- Oui, le fameux, oui…grinça Crowley en acceptant la main tendue.
- Mon époux m'a parlé de vous vaguement, je suis navré s'il y a eu des malentendus entre vous et votre ami à cause de…eh bien de tout ça.
- Nous de même, approuva le démon qui trouva alors l'humain plus sympathique.
Il se sentait proche de lui, non seulement parce qu'ils se comprenaient sans nulle doute et étrangement parce qu'il était certain qu'ils avaient des points communs.
« C'est à vous la Bentley ? lança soudainement John en pointant la voiture.
- Oui, la mienne.
- Elle est magnifique, complimenta-t-il, en attendant nos compagnons respectifs, est ce que je peux…l'admirer de près, vous savez, je suis fan de ce genre de véhicules.
- Bien sûr, pourquoi pas ! »
Finalement, Crowley allait apprécier ce John autant que Aziraphale appréciait le Christopher.
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Ainsi lorsque Aziraphale accompagna Christopher à l'extérieur, ils tombèrent sur un humain et un démon qui discutaient avec enthousiasme autour de la Bentley. L'ange, qui n'avait jamais rencontré John, fut médusé de voir que l'autre homme, portait les même couleurs que Crowley et qu'il semblait aussi passionné que lui concernant la Bentley.
Fort heureusement, ces derniers remarquèrent leurs apparitions et se dirigèrent vers eux, reprenant un air sérieux et détaché. Aziraphale nota avec trouble que John et Crowley avaient un style vestimentaire en commun, il pourrait presque jurer qu'ils étaient assortis ensemble. Tout comme lui et Christopher l'étaient d'ailleurs.
Christopher le salua brièvement pour rejoindre John et partir avec lui, s'éloignant d'eux tout en se tenant la main. Chose que remarqua alors tendrement l'ange. Est-ce qu'un jour Crowley et lui pourront-ils se tenir la main ? Il balaya cette question de son esprit et se reconcentra sur son adorable démon.
Ce dernier suivit Aziraphale dans la boutique, les mains dans les poches, avec cet air détaché qui lui plaisait toujours autant.
« Tu avais l'air de bien t'entendre avec John, lâcha Aziraphale en cachant son amusement.
- Il est sympa, fit-il seulement en haussant les épaules.
- Ils nous ressemblent.
- Nous ?
- Christopher et John.
- Un hasard.
- Ils sont différents, complètement opposés, et ils s'aiment. Ce n'est pas hasard.
- Que veux-tu dire par là, mon ange ?
- Eh bien, que même si nous sommes différents, rien ne nous empêche de nous aimer. Nous ne sommes pas obligés d'aimer la même chose, ni bien de faire la même chose pour qu'on puisse s'aimer. »
Tout en disant cela, Aziraphale le lui avait pris ses mains et lui adressa un sourire tendre.
« Donc à l'avenir, Crowley, je t'aime pour ce que tu es, peu importe que l'on soit différent ou de camps opposés. Tu es mon démon et je suis ton ange, est-ce suffisant pour toi comme preuve de ma dévotion pour toi? »
Le démon était ému, ses joues rosirent alors, ses yeux croisant ceux emplis d'amour d'Aziraphale. Les lèvres tremblant, il déglutit.
« Oui, mon ange, c'est suffisant. »
L'ange lui tendit la main.
« Bien, allons pique-niquer, mon cher Crowley. »
Et le démon lui prit la main.
