note: Bonjour, bonsoir! De retour avec ma chère histoire qui continue son petit chemin. Je vous souhaite une bonne lecture
Vingt neuvième histoire: Auprès des siens
En voyant tous les habitants du Sanctuaire d'Athéna, autant chevaliers que civils remettre leur domaine en état, malgré tous les dégâts que la Guerre avait engendrés, Syd était admiratif. Et pourtant une vague de mélancolie l'envahissait peu à peu. Tout comme ces guerriers qui donnaient de leur énergie malgré leurs blessures à reconstruire à guérir pour un avenir un peu plus paisible, lui aussi songeait à son pays et ses contrées enneigées. Malgré tout ce qu'il avait vécu en Grèce, malgré l'amitié forte et sincère qui l'avait lié à Aiolia, le Lion doré.
Il était résolu.
Il avait demandé l'autorisation au chevalier des Gémeaux, qui commandait en l'absence de leur déesse, quand bien même il n'avait pas pris encore ses fonctions officielles de Grand Pope. Et puis, au royaume d'Asgard reposait un de leurs compagnons tombé au combat. Une unité de chevaliers viendrait avec lui pour le ramener. Et après... Seuls les dieux pourraient décider de la suite.
Le lendemain, le Guerrier Divin partirait avec quatre autres personnes vers les terres d'Odin.
Aussi, alors que le soleil était déjà très haut dans le ciel et chauffait la plage en ce début d'après midi, il alla trouver Kanon pour l'informer de son départ imminent.
Descendant la petite pente qui menait vers la mer aux reflets éblouissants, il sentit plusieurs présences: le Gémeau, mais aussi Milo qu'il avait consciemment suivi, car, selon les paroles d'Aiolia, il y avait de fortes probabilités que le Scorpion aille le rejoindre. Ils semblaient très proches, et en cette période étrange pour tous, le moindre réconfort même infime était le bienvenu. Le Lion profitait pleinement des retrouvailles avec son frère Aiolos, lui aussi. Et tout cela renforçait l'idée que Syd devait rentrer lui aussi chez lui et rester un moment avec sa famille.
L'autre personne qui se trouvait avec les chevaliers d'Or avait une aura différente, mais qui, étrangement, ne lui semblait pas inconnue. Ce cosmos, puissant, marin, il ne le connaissait pas. Par contre, cette intuition que l'homme, lui, était familier, comme un parent oublié depuis plus d'une vingtaine d'année, depuis un passé oublié.
Comme...
Mizar stoppa sa marche dans le sable, paralysé par cette découverte. Aussi abasourdi que le Scorpion qui tournait la tête vers lui puis vers l'autre. Vers son reflet. Son jumeau dont il avait été séparé il y a si longtemps déjà.
Pourtant, il se tenait bien là, droit, altier, vêtu d'une armure d'un doré orangé. Il avait les mêmes yeux, de la même couleur que sa protection, teintés d'un éclat assuré et fier. Les mêmes cheveux verts, fins voletaient dans les airs. Seule sa peau semblait plus foncée, probablement à cause du climat plus chaud.
Le cœur de Syd se resserrait, battait à tout rompre, tandis que son corps n'arrivait plus à bouger. Et dans sa tête, les souvenirs affluaient de plus en plus. La voix d'un garçonnet qui s'éloignait dans une tempête de neige, les larmes qui coulaient, son prénom qui s'effaçait. Tous ces rêves qu'il avait faits dans lesquels il avait espéré retrouver son frère et qui se terminaient par le rappel qu'il était seul dans le domaine des Mizar, avec leur père et leur mère.
C'était bien lui, sans aucun doute. Son frère jumeau perdu depuis si longtemps.
Il avait tant souhaité ce moment, sans savoir comment cela allait se passer, et voilà, cela arrivait. Il était là devant lui. Ils étaient seuls, désormais sur la plage, Kanon et Milo s'étant éloignés. Probablement lui avaient-ils dit quelque chose, mais le Guerrier Divin n'avait rien entendu. Figé, incapable d'anticiper la suite de ce rêve qu'il avait fait pendant tant d'années.
« Nous voilà enfin l'un face à l'autre, fit Bud en brisant la stupéfaction de Syd.
-Oui... en effet... Je n'ose y croire. Mais je suis heureux de te voir vivant et... Tu es au service de Poséidon?
-Oui. On m'a recueilli à l'époque où nos parents m'ont abandonné. J'ai eu beaucoup de chance.
-Je...
-Je t'interdis de culpabiliser. Mon avenir devait être écrit ainsi. C'est toi qui fus élu Guerrier Divin de Zêta. Je peux sentir en toi une force incroyable et il paraît que tu as su défendre et le royaume d'Asgard, et le Sanctuaire d'Athéna en tant qu'allié. À moins d'un conflit entre Odin et Poséidon, nous ne sommes pas ennemis. Nos chemins sont différents, malgré nos liens de sang, il est vrai. Mais je n'ai pas de rancœur envers nos parents. À l'occasion, tu pourras le leur dire.
Bud avait le même timbre de voix, quoiqu'un peu plus rauque. Et ses paroles étaient dénuées de sentiments, mais justes. Après tout, ils avaient été séparés pendant près de vingt ans si ce n'était plus. Il était évident qu'ils n'allaient pas se tomber dans les bras comme l'avaient fait Kanon avec Saga ou bien Aiolia avec son frère. Il retenait le plus important: il n'y avait aucune haine.
-Je suis content de te revoir aussi, répondit Syd. Bien que je ne m'attendais pas à te voir, comme ça. Mais oui, j'en informerai notre famille. Au moins qu'ils te sachent en vie. J'aurais voulu rester discuter avec toi, profiter de cette surprise, mais je dois rentrer en Asgard dès aujourd'hui. Mon rôle ici se termine.
-Je comprends. Ce n'était pas prévu en effet. Cependant, si nos dieux sont apaisés, sache que nous sommes en paix avec Athéna. Et il me semble qu'Odin l'est aussi.
-Normalement, notre royaume se garde d'intervenir dans les conflits des autres panthéons. Mais les amitiés entre les hommes ne semblent pas avoir de frontières.
-Tu as raison. Nous trouverons un moment pour parler en temps voulu. Puisses-tu revenir sain et sauf en Asgard, Syd.
-Merci, Bud. Prends soi de toi également et à bientôt. »
Ce fut court, et inattendu.
Le Guerrier Divin tourna les talons et s'éloigna de la plage, remontant la petite pente vers le Sanctuaire pour aller récupérer ses affaires et les chevaliers qui attendaient de l'accompagner dans le grand nord. Il voulait faire bonne figure, montrer toute la noblesse de son statut de protecteur d'Odin, mais son esprit s'embrouillait autant que ses yeux qui ne retenaient plus de chaudes larmes. Son vœu le plus secret venait de se réaliser. Il l'avait vu en chair et en os, enfin! Son frère jumeau!
Désormais, il pouvait rentrer chez lui le cœur léger.
柔らかい
Sans vraiment le montrer, Seiya s'émerveillait de tous ces flocons qui dansaient dans les airs, alors que son groupe gravissait petit à petit le large et solide escalier qui menait vers le Palais du Valhalla, demeure de la prêtresse d'Odin, Hilda de Polaris. En effet, le climat était vraiment différent de la Grèce, mais également des hivers qu'il avait pu vivre dans sa petite enfance, au Japon. Son pays d'origine, où il aimerait aller un jour revoir sa sœur, lui raconter de vive voix sa vie complètement folle en tant que chevalier de Pégase, protecteur d'Athéna. Les mots dans ses lettres ne suffisaient pas à exprimer tout son quotidien. Et, bien que remis très vite de ce périple fou aux Enfers, il ne voulait pas le relater dans un courrier. C'était impensable pour le commun des mortels qu'un être vivant soit allé dans le royaume des Morts, ait pu affronter le Seigneur qui le dirigeait et revenir sans la moindre malédiction. Il n'y avait vraiment que dans les bandes dessinées et les dessins animés qu'on pouvait imaginer cela. Et pourtant, lui, il l'avait vécu. Et un jour, il en parlerait à Seika, sa sœur.
Pour l'instant, de ce qu'il comprenait au travers des paroles d'Aiolos, la paix semblait encore bancale, et seul le retour de leur déesse pourrait confirmer que la Guerre était enfin terminée. Ainsi, les mieux rétablis de ces combats mortels devaient apporter leurs forces pour reconstruire le domaine au mieux. Et parmi eux, les plus aptes à se déplacer pouvaient partir aux quatre coins du monde pour prévenir les chevaliers qui étaient restés sur des sites stratégiques. Comme June, l'amie de Shun, qui s'était rendue du côté de l'Afrique orientale, vers l'ile où tous deux s'étaient entrainés pour revoir leur maitre en commun. Ou bien le Vieux Maitre de Shiryu en Chine pour s'assurer que tout allait bien aux Cinq Pics de Rozan...
La raison de la présence de Seiya en Asgard était différente. En compagnie d'Aiolia, Nachi et Shaina, ils accompagnaient Syd de Mizar pour son retour dans le royaume, mais aussi, pour une mission un peu plus triste: ramener la dépouille de Shura du Capricorne en Grèce. La femme chevalier et lui faisaient partie des blessés les plus rapidement rétablis. Elle avait envie de se sentir utile, et s'était portée volontaire sans hésiter. Pégase, lui aussi, partageait cette envie d'aider, peu importe la manière, du moment qu'il pouvait faire quelque chose et profiter de cette chance d'être en vie et de n'avoir que quelques contusions sur le corps. Le Lion considérait ce voyage comme la découverte du pays d'un ami qui lui était très cher. Il s'était lié à Syd au cours de la Guerre, et ce n'était pas en tant que représentant d'Athéna qu'il était là. Nachi semblait avoir la même idée en tête, en décidant de rejoindre cette unité. Il connaissait déjà Asgard, et lui aussi avait fait une rencontre qui l'avait marqué. Un dernier hommage à un Guerrier Divin avec qui il s'était battu, avec qui une amitié s'était créée rapidement et éteinte tout aussi vite.
Seiya avait remarqué que le Loup avait changé après sa première mission là bas. Non seulement il s'était renforcé au combat, mais le garçon timide qu'il avait connu à l'orphelinat au Japon semblait plus sur de lui, n'enlevant en rien sa gentillesse et son regard qui partait dans ses pensées.
Les dix enfants qu'avait recrutés Kanon, à l'époque, étaient devenus à leur manière des chevaliers des vrais. Même ceux qui étaient tombés, Geki, Ban et Ichi. Même les plus meurtris, Shiryu et Hyoga. Ils avaient tous grandi et avaient accompli leur rôle. Puisse Athéna apaiser leurs cœurs à tous.
Le paysage rendait le jeune homme un brin songeur et mélancolique. La douceur de la neige qui tombait sur son manteau, la légèreté du vent sur son visage et ce silence presque relaxant. S'il s'écoutait, il dévirait de l'escalier pour prendre un sentier vers la forêt et se laisserait tomber dans ce blanc immaculé pour savourer le moelleux du sol. Ses grands yeux bruns croisèrent un instant, ceux vert émeraude de Shaina puis détourna le regard aussitôt.
Vrai, elle n'avait pas son masque!
« Je fais si peur que ça, demanda-t-elle.
-Non. C'est juste que...
-Nous ne sommes pas véritablement en mission, Seiya. Et de toute manière, mon masque est brisé. Je vais devoir attendre avant d'en avoir un nouveau.
-Je ne veux pas t'offenser, ni te donner l'impression que je te fixe.
-Je sais. Marin t'a bien informé sur ce point, mais tout va bien, fit-elle en le rejoignant pour marcher à côté de lui. Il va falloir que tu t'y habitues, tout comme j'essaye de m'y habituer aussi.
-Que veux-tu dire?
-J'ai entendu par mon frère qui le tient de Kanon quelque chose à ce sujet, intervint Aiolia qui fermait la marche. Comme quoi, le port du masque chez les femmes chevaliers ne serait plus obligatoire. Qu'elles pourraient, si elles le désirent, l'abandonner ou le conserver, à partir du moment où cela n'affecte ni leur fidélité envers Athéna, ni leurs capacités de manière générale. Ce serait un point que Kanon devra étudier quand il prendra ses fonctions de Pope, donc rien d'officiel pour le moment.
-Merci pour cette information, Aiolia, répondit Shaina.
Seiya perçut une pointe lumineuse dans les yeux de la jeune femme. Quand bien même il ne savait lire dans les pensées, il semblait comprendre qu'elle pourrait abandonner ce masque. Et quelque part tant mieux. Elle était jolie, sans fard, sans ce maquillage qu'elle utilisait pour partir en mission et se fondre dans la masse et espionner, glaner des renseignements pour le Sanctuaire. La voir au naturel n'enlèverait en rien sa force redoutable, bien au contraire. Peut-être que cela la rendrait plus puissante, plus belle.
Malgré le vent glacial, les joues du jeune homme se mirent à chauffer à ces idées. Comme si l'Ophiucus le troublait. Tant et si bien qu'il buta contre une marche et s'étala dans le parterre de neige.
Les rires du Lion et du Loup éclatèrent, brisant le souffle tranquille du vent, tandis que Seiya se relevait, dépité par sa chute honteuse.
-Tout va bien, Pégase, s'inquiéta Syd.
-Oui... j'ai juste glissé. La neige avait recouvert une marche... Et les deux là bas, ça va, protesta-t-il d'un coup. Je suis pas habitué à ce climat, et vous non plus alors calmez-vous!
-De toute façon, nous arrivons enfin à destination. Regardez, le palais du Valhalla est en vue. »
Seiya retint une grimace disgracieuse à destination de Nachi et Aiolia, coupé dans cet élan par un rire discret de Shaina qu'il avait très bien entendu, malgré l'attitude neutre de la jeune femme. Il se calma et releva la tête: en effet, au bout du virage, un immense édifice s'imposa à la vue de tous. Le chevalier de Bronze se reprit à plusieurs fois avant de poser ses pieds et reprendre la marche, impressionné par ce château majestueux, comme éternel et protégé par une statue tout aussi grande, d'un guerrier debout pointant une épée tranchante vers le sol, comme prêt à l'abattre sur quiconque oserait défier le royaume d'Asgard: Odin, le dieu du grand nord.
Alors que l'escalier se divisait en plusieurs routes qui devaient mener ailleurs, sur des sentiers de terres humides par la neige, le groupe continuait tout droit vers un chemin enfermé entre deux remparts, au bout duquel ils étaient attendus par des gens aux cosmos puissants mais loin d'être hostiles. Les compagnons de Syd de Mizar, les Guerriers Divins.
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Quelque chose n'allait pas. Aiolia le sentait dans le cosmos de Syd, alors que celui ci avait accueilli les accolades des autres défenseurs d'Asgard. Mizar avait retrouvé les siens, ses vrais amis, Siegfried et Hagen, ceux avec qui il s'était entrainé sur ces terres enneigées, ceux avec qui il avait grandi. Tous trois avaient un lien indestructible à coup sur et leurs sourires sincères, heureux dans un premier temps, dès leur arrivée sur l'esplanade du château l'avaient montré. Puis, après quelques paroles échangées, le Guerrier de Zêta reprit une mine sérieuse, grave et imité par Duhbe et Merak.
Le chevalier d'Or n'avait pu entendre leurs propos, mais les réjouissances avaient été trop courtes. Peut-être que Syd saura leur dire ce qui se passait. Mais pour le moment, les chevaliers d'Athéna, après de brèves présentations, suivirent leurs hôtes à l'intérieur du palais.
Après avoir gravi un escalier en carrelage sombre, ils traversèrent un immense corridor tout aussi ténébreux, seulement éclairé par des torches accrochées aux murs, n'accordant qu'un peu de lumière pour arriver à avancer.
Le Lion n'avait pas imaginé la demeure d'Hilda de Polaris ainsi, malgré les descriptions de son ami. Lui qui avait peint la prêtresse d'Odin comme une femme douce, puissante et belle, s'adonnant quotidiennement à des prières au dieu pour son peuple destiné à vivre dans le froid. Elle vivait dans un endroit si noir, si triste. Cependant, il réalisa qu'il avait faux: passé une grande porte ornée de dorures, tous entrèrent dans une immense salle au fond de laquelle se trouvait un trône et sur leur droite, une baie vitrée qui donnait sur ce qui semblait être une terrasse sur laquelle la neige tombait sans cesse. La lumière du jour timide et claire rendait le lieu comme irréel et si différente du couloir.
Juste devant le trône, une jeune femme les attendait. Était-ce Hilda?
Les Guerriers Divins posèrent un genou à terre pour la saluer. Aussi, les chevaliers les imitèrent.
« Bon retour parmi nous, Syd. Et bienvenue à vous, chevaliers d'Athéna dans notre royaume d'Asgard, fit la jeune blonde d'une voix claire. Je suis Freya de Polaris, la sœur cadette d'Hilda. Ma sœur vous présente toutes ses excuses de ne pas pouvoir vous recevoir en ce jour. Elle est souffrante. Mais ses jours ne sont pas en danger. Elle a juste besoin de repos, et espère pouvoir s'entretenir avec les chevaliers.
-Que lui est-il arrivé, demanda Mizar qui ne cachait plus l'inquiétude dans sa voix.
-Elle a prié Odin jour et nuit, depuis la fin de la guerre entre Athéna et Hadès, répondit Siegfried. Elle a déployé tant d'énergie que je l'ai vue de mes propres yeux s'effondrer au sol devant la statue. Je... Sur le moment, je n'ai rien pu faire d'autre que la ramener à l'intérieur du palais...
-Siegfried, ne te reproche rien. Tu as été là pour ma sœur, et elle est vivante. C'est le principal.
-Oui, Dame Freya.
-Mais... pourquoi a-t-elle fait cela? Alors qu'Asgard, et à présent le Sanctuaire d'Athéna également ne courent plus aucun danger?
-Je...
La jeune femme hésita à répondre, quand, derrière le trône, un rideau blanc s'écarta, faisant apparaître deux autres femmes, la première aux longs cheveux bleus, soutenant la seconde, plus grande, laissant une rivière argentée couler de sa tête jusqu'à la taille, et marchant avec peu d'assurance, un sourire timide dessiné sur les lèvres, tandis que de grands yeux clairs et perçants malgré tout s'adressaient aux hommes dans la salle.
-Dame Hilda, s'exclama Syd, se relevant d'un coup.
-Bon retour en Asgard, Syd, répondit-elle alors qu'elle fut conduite près du trône où elle s'assit. Je suis heureuse de te revoir enfin. Merci, Lyfia, s'adressa-t-elle à la fille qui l'avait aidée.
-Ma sœur, tu aurais dû rester couchée... Je m'apprêtais à expliquer ce qui s'était passé...
-Je le sais, Freya. Mais il est de mon devoir d'accueillir et remercier ceux qui nous ont aidés et bien sur de recevoir notre Guerrier parti loin d'ici. En tant que souveraine d'Asgard, peu importe les circonstances, j'ai des obligations. Et quand bien même je ne suis pas dans les meilleures conditions de santé, il est important de confirmer cette alliance... non... cette amitié entre notre royaume et le Sanctuaire d'Athéna. Car telle est notre relation désormais. Vous avez soigné et rétabli un de nos Guerriers Divins, Syd de Mizar, vous l'avez surement intégré dans vos rangs pour défendre une cause commune, à savoir le maintien de la paix à la surface de la terre, et le voilà aujourd'hui de retour parmi les siens. Il a su m'informer brièvement de cette guerre qui a continué en Grèce et sachez qu'Odin est fier de lui, de son courage et de sa loyauté envers tous ceux qui ont su prendre soin de lui. Ici comme là bas dans une région plus chaude. À nouveau, merci, armée d'Athéna, au nom d'Asgard. Hilda marqua un temps de pause et accepta une tasse fumante pour se désaltérer. Suite à l'assaut des Spectres d'Hadès, reprit-elle, nous n'avons pas hésité à préserver les victimes tombées au combat. Je pense particulièrement à ce chevalier, Shura du Capricorne. Mais aussi à Fenrir d'Alioth, un de nos précieux combattants. Et puis Alberich de Megrez, qui, malgré sa haute trahison, a été un Guerrier Divin. À la demande de la famille de ce dernier, il ne sera pas laissé dans l'oubli. Cependant, rien ne l'excuse de ses actes odieux.
-Dame Hilda, intervint Aiolia. Nous sommes venus jusqu'ici pour accompagner Syd, mais aussi récupérer la dépouille de Shura...
-Je le sais, chevalier...
-... Aiolia, chevalier d'Or du Lion.
-Vous le trouverez dans la ville basse, dans la demeure de Thor de Phecda. Un Guerrier Divin au grand cœur qui veille sur lui. Nachi du Loup, je suis heureuse de te revoir sain et sauf.
Le chevalier de Bronze sursauta aux paroles de la souveraine.
-Ah je... merci à vous euh... Dame Hilda de Polaris. Je me suis joint au groupe pour un dernier hommage à Fenrir.
-Je comprends. Hagen, puisses-tu les accompagner, je te prie? À leur guise, ils pourront passer la nuit là bas ou bien dans le palais. »
A la suite du Guerrier de Merak, les chevaliers quittèrent la salle du trône, laissant Syd avec Siegfried et les Dames de Polaris.
Tout en regardant Aiolia et ses compagnons partir, Mizar soupira. Il observait son meilleur ami, inquiet, tout en imaginant la frayeur qu'il avait du avoir en découvrant Dame Hilda effondrée après une trop longue prière à Odin. Il savait toute l'affection, toute la dévotion qu'il éprouvait pour sa souveraine. Il savait tout le temps passé à veiller sur elle, tandis qu'elle entrait en communion avec leur dieu pour le bien-être d'Asgard et qu'il était prêt à intervenir si elle courrait un danger. Siegfried aimait vraiment cette femme, il le lui avait confié. Tout comme il avait avoué à Syd la raison de ce risque qu'elle avait pris: utiliser toute ses forces, et bien plus, pour, avec la clémence d'Odin, rendre la vie à ce Shura, mais aussi à Alberich et à Fenrir... La bonté et la générosité de Dame Hilda était ainsi. Forte et sans limite.
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Le réveil du Capricorne était une chose incroyable sans aucun doute. D'après le récit de Thor, le chevalier avait passé toute une période comme endormi dans le lit d'une des chambres de la petite maison du Guerrier Divin. Et pour cette raison, toute la famille du géant avait décidé de se soutenir et de rester à l'écart pour ne pas le déranger dans son sommeil, le temps qu'Odin ou bien Athéna sachent quoi faire du corps. Puis, il y a de ça quatre ou cinq jours, une lumière mêlée d'or et d'argent s'insinua dans l'habitation, jusqu'au chevet de Shura et l'enveloppa doucement, pour le réanimer. Les yeux étaient toujours clos, mais son cosmos s'était fait ressentir. Le lendemain, il avait repris conscience. Épuisé, mais ses bras et ses jambes bougeaient un peu. Enfin, la veille de l'arrivée des chevaliers, le Capricorne remarchait et se nourrissait. Les miracles divins existaient vraiment. Ainsi, les compagnons tombés au Sanctuaire à cause des Spectres et Thanatos aussi, pourraient revivre un jour. C'était ce que racontait un vent d'espoir qui circulait dans le Sanctuaire. Il fallait y croire pour de vrai.
Tandis qu'Aiolia, Seiya et Shaina discutaient et savouraient le repas offert par Thor et Héléna la fille de ce dernier, tout en racontant ce qui s'était passé au cours de la Guerre contre Hadès à Shura, Nachi se faufila à l'extérieur. Il était sincèrement heureux du retour du Capricorne. C'était un homme puissant, un chevalier d'Or. Cependant, il avait gardé en tête la raison de sa venue en Asgard. Il voulait se rendre auprès de la meute des loups de Fenrir. Et puis, il avait retenu ces paroles de Dame Hilda, quand elle avait mentionné Shura. ''mais aussi Fenrir d'Alioth...''. Avait-elle prié pour lui aussi, avec la même ardeur que pour leur allié?
Il quitta la ville pour s'enfoncer dans la forêt enneigée, immaculée, presque lisse. Des empreintes d'animaux sauvages restaient encore là, au milieu de branches tombées au sol. Cependant, pas la moindre présence humaine alentour. Quand bien même il n'avait pas de destination précise, il se laissa aller dans la nature, loin des hommes. Il appréciait tant se retrouver à l'extérieur, même ici dans le grand nord. Même s'il lui arrivait de songer aux vallées immenses du Libéria où il avait eu sa formation de chevalier, où il avait trouvé une famille qui avait pris soin de lui. Dès que l'occasion se présenterait, il leur écrirait pour donner des nouvelles. Après tout, le père avait été son maitre et surtout le précédent chevalier du Loup. Et pour leur gentillesse, leur générosité, il leur devait au moins ça.
Un bruit brisa le silence et ses pensées. Tout proche. Par delà cet immense arbre et la souche juste à côté. Nachi avança avec prudence, sans chercher à attaquer. Il n'y avait pas de danger. Il découvrit des loups jouant dans la neige, insouciants. Le jeune homme sourit devant cette scène. Lui qui aimait tant ces animaux, qu'ils soient minces et vifs comme en Afrique ou bien aussi touffus et alertes que l'espèce des terres d'Asgard. Avec précaution, il marcha dans la neige pour être plus proche, quand un sifflement se fit entendre, rappelant la meute qui partit en courant.
Le chevalier de Bronze lâcha un soupir de déception en voyant les animaux s'éloigner, mais il comprit quelque chose: ce n'était pas à la portée de tout le monde de faire obéir autant de loups sauvages et à priori dangereux pour les hommes. Tout en gardant une certaine distance, il se mit à les suivre, dissimulant son cosmos par précaution.
Ses pas le menèrent vers les ruines d'un manoir abandonné. Les murs semblaient s'effriter, les fenêtres dépourvues de carreaux et les portes défoncées. Par endroits, le toit n'existait plus, laissant les poutres à ciel ouvert. Avant d'y pénétrer, il découvrit sur le mur de briques un petit carré de métal rouillé par le temps et le climat. Il y était gravé un blason composé de deux têtes de loup et d'épées qui s'entrecroisaient. On pouvait imaginer que ce domaine avait appartenu à la famille Alioth.
Au loin, des ombres s'agitaient, couraient sans se préoccuper de la présence de Nachi qui pénétrait dans la propriété. Il n'avait pas peur de ces loups qui s'étaient arrêtés de jouer pour le toiser du regard et grogner pour défendre leur territoire. Le jeune homme resta immobile, montrant qu'il ne leur voulait aucun mal. Il s'accroupit même pour être à leur hauteur, pour ne pas s'imposer à eux et attendit.
La meute se calma à son tour, quand une nouvelle présence apparut, au cosmos plus puissant. Une main caressa distraitement le pelage de chaque animal et, sortant de la pénombre des ruines, il revenait à la vie sous les yeux du chevalier de Bronze: Fenrir, le maitre des loups d'Asgard était bien vivant.
Dans sa poitrine, le cœur de Nachi battait d'espoir et de soulagement.
« Bienvenu chez moi, chevalier, fit Alioth.
-Heureux de te revoir.
-Tu as suivi mes loups jusqu'ici. En souvenir de notre alliance au cours d'un combat, je ne te chasserai pas. On dirait que ma meute est contente aussi de t'avoir parmi nous.
En effet, quelques loups s'étaient approchés du chevalier et réclamaient des caresses.
-Je les respecte autant que toi, j'imagine.
-C'est ce que j'avais compris à l'époque. Tu es le seul, avec Dame Hilda à avoir pu rester aussi longtemps dans la maison familiale. Même si nous défendons un dieu différent, je suis capable de t'accepter ici chez moi. En temps normal, aucun homme n'est autorisé.
-Je t'en suis reconnaissant, Fenrir. Mais... où est le chef de ta meute?
Le Guerrier Divin baissa les yeux. Pas besoin de mot pour comprendre que le loup gris n'avait pas survécu. Nachi regrettait sa question.
-... j'ai eu de la chance, alors je dois protéger mes loups et Asgard quand on me dira de rejoindre les Guerriers Divins. Pour Ging...
-Tu as raison. Cette fidélité entre vous dépasse même les étoiles. Et il te protègera dans tes pensées.
-Merci, Nachi. Fenrir marqua un temps d'arrêt et reprit. Je... tu voudrais rester ici avant de rentrer au Sanctuaire? »
Le chevalier de Bronze accepta l'invitation. Lui qui avait tant souhaité approfondir cette amitié, le temps de ce court séjour en Asgard, il le passerait dans la meute des loups du nord, lui le Loup d'Afrique.
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Sanctuaire d'Athéna.
Dans le hameau à moitié détruit par les combats contre les Spectres, les maisons étaient devenues inhabitables. Même pour les civils épargnés. Les villages autour du domaine sacré les avaient accueillis avec gentillesse, le temps de la reconstruction.
On s'était rendu compte de ce soutien entre les terres de la déesse et la population en dehors. Marchands, artisans et autres corps de métier n'avaient pas hésité à proposer leur aide. Rodorio, le village le plus proche, hébergeait les sans abri. Des vivres, des couvertures et toutes sortes de matériel nécessaire avaient été cédés généreusement pour les premiers temps, où l'urgence des soins était la plus haute. Tandis que dans les ruines, l'on prenait tout ce qui pouvait servir pour rétablir un semblant de vie normale dans le Sanctuaire.
Heureusement, presque tous les civils avaient été épargnés. Par contre bon nombre de chevaliers étaient soit en attente de pouvoir revenir à la vie, soit grièvement blessés. Les médecins travaillaient sans relâche, eux même jusqu'à l'épuisement. Aussi, ceux qui avaient eu la chance de guérir rapidement s'étaient sans hésiter portés volontaires pour les épauler, à leur manière, qu'importe leurs connaissances. Le moindre geste pouvait compter.
Jabu, lui, avait récupéré rapidement. Oubliant ses contusions, ses courbatures et cette entorse qui le lançait dans la jambe, il courait, faisait des aller retour dans le domaine, apportait des vivres dans le campement de fortune établi près de la grande arène, aidait à la réception des cartons de matériel depuis les fourgonnettes placées sur la route de Rodorio, et ordonnait même aux chevaliers d'Argent qui l'accompagnait. Oui, lui, un chevalier de Bronze menait des hommes d'un rang en théorie supérieur au sien. Mais il était motivé. Surtout depuis qu'il avait entendu qu'Athéna pourrait revenir. Que Saori pourrait revenir. Sa princesse, sa déesse, il voulait la rendre fière. Lui qui s'était promis de protéger ses terres, quand elle combattait dans les Enfers.
Sillonnant seul les rues étroites du hameau, il lui avait été confié une mission importante: constater les dégâts matériels. Et il y en avait beaucoup. Lors de cette effroyable nuit, il avait combattu des Spectres terrifiants, dont la force était supérieure à la sienne, et celles de ses amis de Bronze. Par chance, il n'avait pas été seul à ce moment là, et même motivé par sa dévotion pour Athéna, il remerciait Geki, Ban et Ichi d'avoir été à ses côtés. Une fois cette tâche terminée, il irait jusqu'à l'hôpital veiller sur eux. Les effets de l'onguent divin fonctionnaient parfaitement et déjà quelques chevaliers tombés au combat étaient en convalescence, se reposaient.
Lentement, mais surement, la vie revenait au Sanctuaire. La Licorne se tourna vers les escaliers du zodiaque dont il ne percevait que les dernières Maisons du sommet. Tout en haut, il manquait la statue majestueuse qui protégeait le domaine. La grande figure de pierre d'Athéna qui veillait sur eux. Cependant, il ne perdait pas espoir de la revoir dans un futur très proche. Quand exactement, il l'ignorait. Mais elle reviendrait se replacer derrière le temple, derrière le palais du Grand Pope. Et, à sa suite, sa belle et resplendissante représentation, Saori. Sa princesse à lui. Même si ce rêve là semblait irréalisable, il le motivait malgré tout. Rien que l'idée de savoir sa demoiselle vivante et sur terre. Même à l'admirer de loin, cela lui suffirait.
Un bruit brisa sa rêverie. Quelque chose habitait une maison à priori vide. Surement un animal sauvage qui s'était échappé des bois mais Jabu préféra aller vérifier. S'il fallait noter de nouvelles dégradations, au moins il était sur place...
Passant la porte, il pénétra dans une habitation miraculeusement épargnée par les combats. Rien d'important à constater, juste des objets qui gisaient au sol, surement à cause d'une secousse due aux souffles des attaques à proximité. Le chevalier remarqua par contre des trognons de pomme encore récents, grignotés il y a peu. Quelqu'un était en train de squatter par ici. Aucun risque que ce soit un chevaliers. Surement un soldat qui avait décidé de s'échapper de sa fonction. Impossible. Beaucoup étaient de vrais fainéants, se faisant réprimander par les protecteurs d'Athéna depuis la fin de la guerre, et auraient été capables de s'échapper de leurs gardes pour faire une petite sieste à l'ombre. Mais dans l'après midi, pas dès le matin. Et ils auraient très bien dissimulé leur méfait, donc, en cachant les restes de leurs pommes au lieu de les abandonner comme ça. C'était un animal qui avait trouvé un nouveau nid dans la maison. Jabu en était convaincu. Un renard ou des rongeurs. Ou bien...
Un chat sauvage!
Caché dans un recoin, un félin d'une taille au delà de la normale resté recroquevillé, ses yeux en amande lumineux. Comme apeuré. Il grognait doucement.
Jabu le connaissait ce matou. Et il n'appartenait pas aux terres du Sanctuaire.
« Cheshire! C'est bien toi, n'est-ce pas?
-... laisse moi, feula le chat.
-Tu n'es pas en état de te rebeller. Tu n'es pas chez toi, ici. Tu es dans le domaine d'Athéna. Aucun Spectre n'est autorisé à rester.
-Alors dis-moi où aller!
-Sur les terres de ton dieu, les Enfers, bien évidemment.
-Impossible. Le Seigneur Hadès n'y est plus, je le sens. Et les Enfers ne sont plus habitables. Tous les Spectres sont morts. Je suis seul...
Jabu ne put répondre tout de suite. Il sentait que le cosmos du Caith Sith n'était pas hostile. En tout cas, pas à la manière d'un ennemi qui déclarait la guerre. Mais plutôt comme un animal sauvage et apeuré. Abandonné loin de son foyer. Ils s'étaient battus, mais pour défendre leurs divinités respectives. Et en effet, il avait entendu que la dimension infernale était instable. Par l'absence d'Hadès, mais aussi des Spectres qui œuvraient à son harmonie et qui guidaient les morts. Ainsi, même survivant de la Guerre Sainte, Cheshire ne pouvait rentrer chez lui.
-Je vais te laisser tranquille, déclara la Licorne. Mais je suis obligé d'informer les autres chevaliers de ta présence. Tu n'as pas l'air de vouloir nous attaquer.
-Merci, chevalier. »
En sortant de la maison, Jabu marchait, perdu dans ses pensées. Pour une fois, elles ne se tournaient pas vers sa déesse, mais vers cet ancien adversaire. Si Kanon et les autres le lui autoriseraient, il apporterait à manger à ce chat errant, en attendant qu'il retrouve son maitre, dans les Enfers...
柔らかい
Palais du Grand Pope.
Prisonnier de piles de papiers qui menaçaient de s'envoler dès le moindre courant d'air, Kanon se battait. Face à cette nouvelle fonction qu'il venait d'endosser sans avoir été intronisé officiellement. Pratiquement du jour au lendemain, il avait été catapulté à la tête du Sanctuaire, à gérer tous les sujets et tous les problèmes survenus après cette Guerre Sainte. À signer des accords pour des soins importants sur des chevaliers blessés, à accorder l'autorisation aux véhicules de la fondation Kido à venir près des frontières du domaine pour débarquer médicaments, vivres et autres ressources importantes pour remettre en état les terres d'Athéna. À classer des documents dont il n'avait que l'intitulé de connu, mais peu urgents dans la situation actuelle. À accueillir prêtresses, médecins, guerriers rétablis, soldats pour leur donner une tâche à faire ou leur ordonner d'aller se reposer. À s'obliger lui même à faire des pauses pour se nourrir et dormir un peu. Quand son frère ne venait pas en courant au beau milieu de la nuit pour le sortir du fauteuil et l'amener dans le lit confortable de la chambre privée du patriarche.
Kanon devenait fou. Devant cette masse de travail qui s'accumulait, devant des décisions qu'il devait prendre, parfois incongrues – oui, Misty fraichement rétabli, tu l'auras ton miroir réparé – parfois dures, comme la reconstruction du cimetière et les honneurs pour les chevaliers du passé dont la dernière demeure fut incendiée et purifiée du cosmos des Spectres. Ou bien les obsèques des villageois, cibles malheureuses de l'ennemi.
Les guerriers tombés sur le champ de bataille se remettaient petit à petit. Ô Athéna, merci infiniment pour ce présent. Quand bien même étaient-il faibles et pouvaient à peine bouger, le temps serait leur meilleur soin. Chevaliers d'Argent et de Bronze se soutenaient, épaulés par l'élite dorée. Sans que le Gémeau eut à le leur ordonner, ils s'organisaient pour reconstruire le Sanctuaire.
Tandis que lui était enfermé dans cette pièce froide, où le soleil s'insinuait grâce à ses rayons, mais qui ne le réchauffait pas plus que ça. Il se sentait prisonnier de cette fonction. Il aurait tant voulu être à l'extérieur, à retaper des habitations, à s'échapper par moment sur son bord de mer. Mais Pépé Shion l'avait choisi comme successeur. Et il était là, signant des papiers parfois sans intérêt.
Il sortait de son siège parfois, s'étirant le corps entier, mais cela ne lui suffisait pas.
En regardant par la fenêtre, il percevait un vide sur l'esplanade où normalement devait se trouver la grande statue d'Athéna. Dans ses souvenirs d'enfance, il entendait l'ancien Bélier raconter à Saga et lui l'histoire de leur déesse et du Sanctuaire, à la manière d'un conte. Et sans savoir qu'elle serait leur destinée, le petit Kanon de l'époque s'était juré qu'il donnerait sa vie pour ces terres qui les avaient accueillis, son frère et lui.
D'ailleurs, son jumeau devait être à l'heure actuelle avec ses élèves, pour des leçons de fortune, assis avec les enfants à l'ombre des arbres, à l'orée des bois. Une très bonne idée pour vider l'esprit des petits, le temps de la reconstruction.
Le chevalier des Gémeaux s'autorisa une pause. Son cerveau était embrouillé depuis qu'il s'était réveillé. Et la montée des escaliers du zodiaque à allure soutenue en guise d'exercice ne l'avait pas détendu.
Dix jours, déjà, que la Guerre était terminée. Pourtant cela lui paraissait une éternité. Il n'avait aucune idée de l'avenir qui les attendait. Et il devait attendre sa nomination officielle en tant que Grand Pope pour lire les étoiles depuis Star Hill. Qu'est-ce que les dieux avaient prévu pour les chevaliers d'Athéna? Est-ce que leur déesse reviendrait un jour prochain? Une prochaine guerre serait-elle décidée pour les hommes?
Le jeune homme en avait sérieusement marre de rester cloitré dans le bureau. Une fois sur le parvis du palais, il respira l'air qui s'engouffrait dans les poumons. Une sensation agréable. Il hésitait. Vraiment. Après tout, il était le représentant terrestre d'Athéna. Il avait jusqu'à la prochaine Guerre contre Hadès pour finir sa paperasse. Que seraient quelques heures à se détendre dans la mer, comparées à des années ou même des siècles? Avant cela, il pourrait même aider à remettre des bâtiments à neuf, en compagnie d'autres chevaliers et s'enfuir sous le Cap Sounion piquer une tête dans l'eau claire. Si Milo était sur sa route, il pourrait même l'embarquer avec lui.
Un sourire malicieux se dessina sur son visage. Plus la peine de réfléchir, il avait terminé son travail pour la journée.
Au moment de rentrer mettre un peu d'ordre dans le bureau, un cosmos puissant et familier se manifesta dans les escaliers, en contrebas.
Le cœur de Kanon se mit à battre à toute vitesse, et son corps lui imposa de descendre sur le champ. Plus il avançait plus il doutait, se croyant dans un rêve, dans une illusion qu'il avait créée pour lui même. Et puis au virage, il le vit. Le visage fatigué et ridé avec le temps, un sourire un brin narquois sur les lèvres, ses yeux en amande perçants d'une bienveillance qu'il connaissait que trop bien. Un de ses bras était accroché à celui d'Aphrodite qui le soutenait. Et sa longue chevelure vert pomme ondulait au gré du vent.
« Pépé... Grand Pope, articula le Gémeau incrédule. Vous...
-Je suis réveillé, oui. Shion se tut aussi rapidement, comme pris d'un étourdissement.
-Avec tout le respect que j'ai pour vous, Grand Pope, je vous le répète, ce n'est pas raisonnable de venir jusqu'ici. Et non, cela n'a rien à voir avec votre grand âge. Vous êtes très faible, soupira le chevalier des Poissons. Je ne voulais pas t'inquiéter, Kanon, mais il a tenu à monter pour, je le cite ''au moins saluer un de ses fils''. Mu étant occupé à la reconstitution des armures brulées dans le cimetière... d'ailleurs, lui aussi, c'est une tête de mule. S'il fait un malaise, je l'étrangle. Et Saga parti avec des apprentis dans les bois... Rien contre toi, mais il n'a pas choisi le plus accessible dans son état...
-Merci, Aphrodite. Je prends le relais, et je remonte avec le Grand Pope dans le palais.
-Je te préviens, je reviens le récupérer ce soir. Il doit être soigné dans les meilleures conditions possible, Grand Pope, chevalier d'Or ou d'Argent, il reste un être humain qui est revenu à la vie et dont l'enveloppe corporelle est plus que fragile. Il doit être suivi de près, médicalement parlant. Je suis formel là dessus. Et le petit Andromède partage mon avis à ce sujet...
-Je le ménagerai, assura le Gémeau. Notre Grand Pope nous est précieux à tous. »
Finalement, Kanon sentait que sa fuite à la plage serait reportée. Il n'avait presque pas envie de râler. Son Pépé Shion était là, et, prenant le relais du chevalier des Poissons, il l'escorta vers le palais, lui offrant son bras comme appui. Dans un silence presque solennel.
À peine eurent-ils franchi les dernières marches qu'une ombre provenant du ciel fonça sur eux pour atterrir en douceur sur l'épaule du patriarche. Une chouette. La même qui était venue rendre visite à Kanon sous le Cap Sounion, quelques jours auparavant. Un heureux présage divin, à coup sur.
Les yeux en amande de Shion s'adoucirent en voyant l'oiseau. Les deux hommes posèrent une main sur sa tête, à tour de rôle, en guise de salutation et de respect.
Puis la chouette, prenant appui sur l'épaule de l'ancien Bélier, repartit dans les airs, disparut derrière le palais.
À la lumière éblouissante du soleil de cette fin de matinée se mêla une autre remplie d'un cosmos qui explosa dans le ciel, se répandant dans l'atmosphère, et dans tout le domaine. Une sensation de bonheur, d'espoir et de paix envahit alors Kanon, et même Shion. Quelque chose qu'ils ne pourraient expliquer avec des mots, mais qui s'imposa derrière le treizième temple du Sanctuaire: la grande statue d'Athéna était de retour. Ses yeux de pierre se posèrent de nouveau sur le Sanctuaire, veillant sur ses habitants et ses protecteurs. Puis, détournant le palais pour arriver vers les deux hommes, vêtue d'une longue robe blanche, tenant le bouclier de la Justice dans une main et le sceptre de la divinité Niké dans l'autre, ses mèches mauves dansant autour d'elle, auréolée d'un cosmos doré, elle revenait enfin chez elle. Athéna.
notes de fin: Merci d'avoir lu. J'ai pris un plaisir infini à écrire ce chapitre. Qui a pris du temps, surtout à cause des aléa de mon quotidien. Je me suis fait plaisir tout simplement. Asgard, Syd, Seiya, Shaina, l'amitié entre Nachi et Fenrir... Juste offrir de doux moments à des personnages que j'affectionne au retour de la guerre (d'où mon choix pour les interludes de 柔らかい, yawarakai, doux). Et puis, j'ai découvert qu'une amitié Chevalier/Spectre pourrait éventuellement être possible avec Jabu et Cheshire. Je sais pas pourquoi, mais je le sens bien cette histoire mdr. En tout cas, à l'approche du trentième chapitre (déjà! tout comme j'ai dépassé les 300 pages de mon fichier, c'est incroyable), la suite de Saint Kanon avance. Je continuerai encore.
Je vous fais des bisous et à la prochaine.
