Bonjour à tous, j'espère que vous allez bien.
Moi je suis un poil saoulée. Cela fait deux semaines que les statistiques de sont cassés. Mon chapitre de la semaine dernière a "soi-disant" zéro vue et ce sera sans doute le cas de ce chapitre-ci jusqu'au moment où les gérants du site se bougeront enfin pour résoudre. Le site est en train de mourir depuis deux ans, c'est très frustrant pour ceux qui écrivent la fanfiction car j'ai beau aussi publié sur Wattpad et A03, en terme de visibilité ce n'est pas du tout pareil... Et pour couronner le tout, j'ai perdu des followers donc non seulement je n'ai "pas de vue" mais les lecteurs se barrent...
Bref, voici le chapitre 17, je vous souhaite une bonne lecture.
Chapitre 17 : Faded
Le reste du mois de janvier s'écoulait plus calmement. Rose eut encore des brimades, mais une semaine après son anniversaire, presque tous les élèves étaient passés à autre chose. D'un côté, Lily (et elle était loin d'être la seule) ne pouvait s'empêcher désormais, de jeter des coups d'œil à Rose à chaque repas pour voir si elle s'alimentait correctement. Hugo ne lui avait pas recensé de nouvelle crise, mais dès lors, Lily commençait à se méfier de ce que lui disait son cousin sur ce qui était vrai ou non. Voilà ce qui arrivait quand on se mettait à lui cacher trop de choses…
La neige avait définitivement abandonné l'idée d'être présente à Poudlard, ou elle avait déjà fondu bien avant le retour des vacances. En tout cas, il faisait très frais, en témoignaient les mains gelées de Lily après chaque leçon avec Hagrid (son groupe étudiait les licornes en ce moment, Lily put enfin réaliser un de ses rêves d'enfance en caressant une). Alors que les choses semblaient finalement s'être calmées, le monde de Lily s'écroula de nouveau lorsqu'au dernier cours de littérature et philosophie culturelle, Mme Provillier lui rendit son devoir.
- Un…D ?! s'exclama-t-elle la voix tremblante en le prenant entre ses doigts.
- Qu'est-ce qui s'est passé Miss Potter ? demanda sa professeure avec compassion. D'habitude, vous vous débrouillez bien avec vos rédactions. Je n'ai pas compris ce que vous avez tenté d'expliquer avec votre histoire. Vos idées sont non seulement maladroitement retransmises, parfois même trop simplistes, mais vous ne semblez pas avoir saisi le but de ce devoir. C'est donc un peu hors sujet, j'espère que vous saurez vous reprendre pour la prochaine évaluation.
- Oui Madame, répondit Lily les joues vermeilles, se mordant fortement les lèvres pour ne pas fondre en larmes.
Elle jeta un coup d'œil envieux au bel Effort Exceptionnel de Solange. Autour d'elle, au fur et à mesure que Mme Provillier distribuait les copies, Lily parvenait à voir sur chaque élève un sentiment de satisfaction ou de soulagement. Un rapide calcul lui fit comprendre qu'elle devait être sans doute celle qui avait eu la plus mauvaise note de son groupe. La honte et l'envie de disparaître la consommaient avec une telle vitesse qu'elle fut incapable d'écouter les dernières minutes du cours. C'était pourtant sa matière préférée…
Ce fut avec la tête basse et la mine cramoisie que Lily quitta la salle de classe une fois que les premiers sons de la cloche se firent entendre. Elle sema très tôt Solange tandis qu'elle avançait d'un pas rapide, sans trop savoir où aller, mais n'importe où sans subir le regard de quelqu'un. Elle aurait aimé se rendre toute petite pour se faufiler dans un trou de souris, sous un placard ou même carrément disparaître de la Terre. Personne ne remarqua où elle partait, c'était l'heure du déjeuner et tout le monde se dirigeait vers les bonnes odeurs de la Grande Salle. Mais les grondements du ventre de Lily étaient désormais le cadet de ses soucis et ce n'était pas un repas de sauté qui allait la tuer.
Résignée, elle prit le chemin vers la Tanière et s'y réfugia sans même boucher derrière elle le trou de l'entrée. Mais ce n'était pas d'une chaise ou d'une table où elle avait envie de s'installer, c'était dans un lieu clos, sombre et vide dont elle avait besoin. En parcourant rapidement la pièce des yeux, elle jeta son dévolu sur l'unique placard de la salle, qui ne verrouillait pas bien et ses quelques plaids et coussins dont ses amis avaient réussi à chiper pour les ranger ici. Sans un remords, Lily dépouilla tout son contenu sur le sol et s'aventura à l'intérieur du meuble non sans oublier de refermer le plus possible derrière elle. De légers faisceaux de lumière traversaient les fentes de l'armoire, mais son visage appuyé contre ses genoux remontés contre elle, des larmes tombant par petites gouttes sur le plancher, Lily les ignorait totalement. Elle pouvait quand même étouffer dedans si elle y restait des heures qui sait ?
- Espèce de pauvre nulle ! Nulle, nulle, nulle ! se répétait-elle en se tapant la tête contre ses mains.
Á quoi avait-elle pensé en proposant son pitch de vampire pour son devoir ? Même pas fichu de bien le faire correctement en plus ! Avait-elle pris trop de bouffées de confiance pour avoir osé le suggérer comme sujet ? Lily avait imaginé que ça irait étant donné qu'elle y retrouvait plusieurs bases dans l'énoncé…
- Mais non évidemment ! se maudit-elle intérieurement. Moi qui voulais être la plus originale, bravo c'est réussi ! Je suis juste une grosse idiote ridicule !
Pourtant Lily savait qu'une compétence en rédaction ne s'improvisait pas, mais son égo s'était manifesté. Foutue émotion à la Gryffondor, alors là pour sortir tous les défauts de cette maison, elle y méritait sa place ! Avait-elle sincèrement cru une seule seconde qu'elle pouvait avoir du talent pour inventer des récits plausibles ? Jason l'avait-il aidé juste par pitié sans lui avouer que ce qu'elle faisait était médiocre ? Cela expliquerait aussi pourquoi Lily n'avait jamais plus d'une centaine de vues sur internet quand elle postait ? Soudainement, elle se mit à haïr de toutes ses forces ceux qui furent ses lecteurs pour l'avoir berné sur ce point.
Quand bien même Lily aimait inventer des histoires, il fallait qu'on lui dise qu'elle était en réalité nulle, pour ne pas espérer qu'elle était secrètement douée ! Pourrait-elle même continuer à créer des récits après cela ? En aurait-elle toujours envie maintenant qu'elle connaissait la vérité ? Lily ne voulait plus que quiconque ne voit ce qu'elle faisait, elle avait désormais trop honte, trop terrifiée d'être à nouveau jugée. Aucun savoir-faire, aucune volonté, aucun courage, aucune maturité…quelle piètre Gryffondor elle faisait. Pire, quelle indigne sorcière et pathétique humaine elle était !
Les larmes cessèrent de couler, Lily reniflait avec grand bruit maintenant et elle avait le souffle court. Elle pensait à son entourage et se rendait compte de son immense manque de talent à leurs côtés. Solange qui était une bonne étudiante, bien plus mignonne qu'elle, avec sa voix unique (même si elle avait peur de la mettre en avant). Mary, un éclat de beauté, d'intelligence et de maturité, elle paraissait et agissait presque comme une adulte en comparaison. Hugo était aimé par les élèves, inventif par ses jeux de rôle sur papiers, protecteur avec ses proches et restait honnête envers tous. Et Jason qui venait petit à petit avec eux, ne craignait aucunement de ce que pensent les gens à son sujet, pouvait charmer n'importe qui grâce à son parler et arrivait en outre à être drôle à sa manière. Sans compter évidemment ses frères, ses cousines, Louis, Fred mais aussi Teddy dont les comparaisons étaient multiples.
Pourquoi était-elle la seule tache ? Cette fille stupide qui ne possédait pas le leadership de ses parents, ni leurs courages ou leurs aisances ? Cette ombre dans cette si grande famille avec tant de fierté… Lily, c'était cette gourde complètement à la ramasse sur ce qui se passait autour d'elle, qui avait pour phobie une porte d'entrée au contenu imaginaire, qui manque de tomber dans de l'eau gelée en provoquant bêtement Malefoy, incapable de se défendre contre les insultes, laide avec ses cheveux roux couleur vomi et plats comme des rideaux ! Méritait-elle même d'exister ? Peut-être finalement aurait-elle dû mourir de froid et se noyer dans ce maudit lac ? Sa perte n'allait de toute façon pas changer quelque chose à l'humanité…
- Lily, sors de là, tu vas t'étouffer là-dedans.
La jeune fille se tut aussitôt. Ce n'était pas une voix sévère d'un adulte ou grave d'un garçon, mais une voix plus calme et féminine, avec une légère pointe d'autorité.
- Mary ?
Le meuble s'ouvrit et Mary apparut devant elle. Sans un mot, elle lui tendit le bras et la tira pour qu'elle sorte de son huis clos. Une fois le placard refermé, Lily se rassit à même le sol, Mary demeurant debout en face de la Gryffondor.
- Comment as-tu su que j'étais là ? marmonna Lily qui refusait de la regarder.
- Une intuition, c'était soit ici soit ton dortoir, j'y ai envoyé Hugo pour qu'il vérifie votre salle commune après que Solange nous a avoué que tu n'avais pas l'air bien du tout en sortant de votre cours… Le trou non dissimulé, les coussins sur le sol et les pleurs à travers l'armoire n'ont fait que confirmer mes soupçons.
Lily s'empourpra et se frotta ses yeux d'emblée pour enlever toute trace de mes larmes.
- Ça me rappelle une situation de l'année dernière, mais avec les rôles inversés…tu ne trouves pas ? reprit Mary en s'accroupissant devant Lily en lui mettant une main sur l'épaule. Qu'est-ce qui s'est passé ? Ce ne sont pas les trois pestes non ?
- Non pas du tout c'est…ce n'est pas important.
- Lily, pas de ça avec moi.
- Je n'ai pas envie d'en parler Mary…
- Ce n'est pas toi qui nous as fait tout un discours sur la priorité de tout se dire quand on est ami, il y a quelques jours ? demanda la Serpentard avec un soupçon d'amusement dans sa voix
Mal à l'aise, Lily releva la tête vers celle qui était une de ses plus proches alliées. C'était effrayant de voir qu'elle pouvait avoir les mêmes expressions faciales que Scorpius par moments… Ils n'étaient pas cousins pour rien.
- Oui, mais je…rhaa ! Je ne peux pas, c'est ridicule…
- Si c'était vraiment le cas, tu ne te mettrais pas dans un état pareil, je te connais Lily…
- Tout va bien, c'est que…tenta de se justifier Lily tandis que le rouge lui remontait aux joues. Pour vous, ce ne serait rien…c'est juste moi qui…en fais tout un plat…il n'y a pas besoin de se préoccuper de ça…
- Hé, bien sûr que non, coupa Mary en abordant une voix plus douce. Tu t'enfermes dans une armoire pour pleurer toutes les larmes de ton corps, n'imagine pas de me convaincre que ça n'a pas d'importance, que ce soit grave ou pas. Lily s'il te plaît, parle-moi ce qu'il se passe, rassure-toi, tu crois que moi, je vais te juger ?
Lily secoua piteusement la tête.
- Je me sens nulle, c'est tout, craqua-t-elle finalement. Nulle à cause de mon devoir de littérature parce que Mrs Provillier a dit qu'il était hors sujet et même immature ! J'ai la plus mauvaise note de la classe alors que j'aime écrire, c'est stupide et tellement débile ! Tout le monde critique ce que je fais…vous trois, Jason, la prof…
- Attends, stop ! l'interrompit Mary en levant les mains. Reprenons : tu as rendu un travail qui n'était pas bon et sur cette base-là, tu as décidé que tu étais nulle en la matière et que tu méritais de t'enfermer dans un placard ?
- Je t'avais dit que c'était ridicule, souffla Lily, craignant d'être jugée malgré tout.
- Ça parlait de quoi ton devoir ? insista Mary.
Lily récupéra son sac jeté dans un coin dans la pièce en le traînant sur le sol. Elle lui tendit sa copie, à moitié chiffonnée que Mary parcourut avec attention avant de lui rendre, quelques minutes plus tard.
- Ok alors, dit-elle calmement. De ce que j'ai lu de ton travail et de ces commentaires, Mrs Provillier a raison, c'est hors sujet. Mais pour autant, ça ne veut pas dire que ce que tu as créé est nul Lily, il n'est juste pas adapté au devoir.
- Ne dis pas ça pour me rassurer, conseilla sans foi Lily. J'ai seulement modifié une ou deux choses du récit originel, même toi et Hugo étiez sceptiques en lisant la dernière fois…et je parle encore moins de Jason…
- Parce que ce n'est pas mon genre de lecture, mais souviens-toi, Solange a beaucoup aimé.
- Elle oui, mais c'est la seule parmi tous les autres et c'est ça le problème ! s'emporta Lily dont les yeux recommencèrent à s'humidifier. Je ne sais plus si je peux continuer à être motivée si personne n'apprécie ce que je fais ! Avec ce qu'a dit Mrs Provillier, je n'ai plus envie d'écrire, je ne suis visiblement pas fait pour ça et je suis fait pour rien du tout, car rien ne me plaît autant !
Alors que les larmes tombèrent de nouveau, Mary lui caressa doucement l'épaule, une moue légèrement peinée. Lily sanglota longuement, le visage caché dans ses mains.
- Je ne sers juste à rien, gémit-elle.
- C'est totalement faux, la réconforta avec énergie Mary. Tu te dénigres, mais tu es loin d'être une incapable en comparaison Lily. Toi tu as une passion qui te rend vivante, moi je n'ai pas vraiment la même chose. Tu crois que tout le monde aurait osé présenter une vraie histoire venant de leur patte pour un devoir ? Ce n'était pas tout à fait la consigne évidemment, mais au moins, tu avais une vision différente que simplement suivre au mot près le sujet. Peu de gens savent inventer des romans et les préparer comme tu le fais, demande à Solange, elle en serait incapable, ni moi, ni Hugo, ni Jason.
- Mais regarde…j'ai échoué dans ce que j'aime le plus, contesta faiblement Lily qui avait cessé de pleurer.
- Lily, tu as que quatorze ans, tu es jeune et tu continues d'apprendre ! Tu croyais quoi, être la nouvelle Gilderoy Lockquart juste après avoir rédigé trois pages ?
Lily se retint de lui dire que celui qui était encore considéré comme un auteur national au destin tragique n'était qu'un imposteur. Son père et son oncle adoraient particulièrement rappeler ce fait dès que sa grand-mère se souvenait de lui avec un air rêveur.
- Tu le sais comme moi, l'écriture, ça se travaille et c'est loin d'être facile, continua Mary sur sa lancée. Tu as raté dans un devoir, dans une unique production, ce n'est rien du tout ! Et quand bien même, ça te poussera à te dépasser davantage, à t'améliorer si c'est réellement ce que tu aimes. On naît très rarement talentueux Lily et pour progresser, on n'a pas le choix, il faut échouer.
- Dis ça à ma tante Hermione, maugréa Lily. Elle ne fait jamais d'erreurs, tout lui réussit.
- J'ai assez traîné avec Hugo pour me rendre compte que Mrs Weasley est loin d'être parfaite et je suis sûre que tu le sais, sourit Mary.
Lily acquiesça sans un mot. Pendant un instant, son esprit divagua sur Rose et sa boulimie. Est-ce qu'être la fille d'Hermione Weasley et de posséder un nombre de points communs avec elle, c'était se battre tous les jours contre son image pour se différencier de sa propre mère ? N'était-ce pas cette compétition involontaire qui avait en partie provoquée cela ? Tout restait si flou à ce sujet pour elle…
- Alors accroche-toi Lily, reprit Mary en se relevant. Et si tu faiblis, on sera là, Solange, Jason, Hugo, ta famille et moi pour t'encourager à combattre et à t'avancer. N'en doute jamais. Continue à composer, à imaginer, et peut-être qu'un jour, qui sait, tu auras ton livre en première page de la Gazette, et tous les sorciers du monde iront dans toutes les librairies pour se le procurer !
À ses mots, Lily eut une nouvelle fois envie de pleurer, mais plus pour la même chose… Elle eut un petit rire nerveux et s'essuya les yeux pour se retenir de craquer.
- Tu exagères…mais c'est très gentil ce que tu as dit, merci beaucoup Mary, c'est très beau... Tu es bien plus courageuse et forte que moi. Tu as autant, si ce n'est plus, de soucis que moi et tu ne t'effondres pas à la moindre occasion… J'aimerais tellement être…plus comme toi.
- Oh crois-moi, je suis loin d'être un exemple, haussa les épaules Mary, qui avait perdu son assurance et son sourire.
Elle fixa un instant ses pieds avant de reprendre, plus sérieuse :
- Peu importe ! Arrête de te comparer avec n'importe qui, ça ne sert à rien et ça ne te fera pas évoluer. Et on est là pour toi, tu n'oublies jamais ça ?
Lily hocha timidement la tête, ce qui satisfit Mary qui l'aida à se relever.
- Allez, on range et on bouge, si on se dépêche, il restera quelque chose de bon à grignoter. Pleurer, c'est épuisant.
- Ça, c'est Hugo qui te l'a appris, c'est une phrase de mentalité de Weasley, constata Lily.
Mary était plutôt fine et finissant rarement ses plats, cela ne lui ressemblait pas de déclarer une chose pareille.
- C'est vrai, confirma Mary avec un sourire nerveux en ramassant deux coussins. Je ne saurais pas être un peu plus à l'aise pour discuter s'il ne m'aidait pas pour.
- Hugo notre rayon de soleil, avoua à demi-mot Lily, quelque peu envieuse. Ce n'est pas difficile à force, d'essayer de changer et de paraître plus…positive en général ? se permit-elle de demander une fois sortie de la Tanière.
- Tu sais, c'est malheureusement comme ça que la vie est faite Lily, haussa les épaules Mary. On doit toujours faire semblant à un moment donné. Et à force d'être habitué, on n'y pense plus et ça cesse d'être une contrainte. C'est la même chose pour tes insécurités : simule, fais croire qu'ils n'existent pas.
Lily grimaça, guère convaincue. Se mentir à elle-même pour mieux avancer tous les jours ? Elle avait déjà bien du mal à se sortir de ses propres idées conçues, alors prétendre qu'elle était sans faille pour s'ouvrir aux autres tout en leur faisant plaisir, cela n'avait pas beaucoup de sens pour elle. C'était même à la limite de l'hypocrisie. Mary avait-elle auparavant dit ce conseil à Solange ? Ou à Jason ?
- Hum…je ne sais pas, peut-être Mallory Gardiner. Elle est sportive, intrépide, grande gueule, mais de là à sortir avec elle…
- C'est vrai qu'elle a parfois du charme quand elle vole…pas mauvais choix Hugo. Vous êtes sûr que vous ne voulez pas jouer à « qui pourrait être notre coup de cœur » les filles ?
- NON ! scandèrent sèchement Lily, Mary et Solange à Jason, marchant derrière les garçons.
- Je ne pensais pas que je dirais ça un jour, mais je préférais quand ils parlaient de Quidditch…chuchota Solange à ses amies, n'en pouvant plus.
- Et que Jason raconte pour la énième fois la façon dont mon frère a attrapé le vif d'or ou quand il a réussi à stopper Tracy Brett avec son cognard avant qu'elle ne marque un sixième bus pour les Serdaigle ? grimaça Lily. Merci, mais j'ai ma dose Solange.
- Même moi je n'en pouvais plus, bâilla Mary. J'adore parler Quidditch avec Hugo, mais quand Jason s'y met...
- Allez les filles ! insista Jason en se retournant vers le trio, marchant à l'envers. Je suis sûre que vous avez tous un coup de cœur secret pour un garçon ! Quatorze ans, c'est la fleur de l'âge pour les romances !
- Arrête de sortir des inepties, leva les yeux au ciel Mary en accélérant la cadence pour le dépasser.
- Oh tu n'es pas drôle Mary, gémit Jason alors que cette dernière rattrapait Hugo. Et toi Solange, une fille aussi à fleur de peau que toi a forcément un petit amoureux caché, non ?
La Serdaigle pâlit aussitôt, se stoppant sur place.
- B…ce…ah…je…
- Ok mission avortée, calme-toi Solange, oublie ce que j'ai dit, rassura Jason mi-paniqué, mi-amusé face à sa réaction. C'est bon, ça ira, ce n'est pas grave, c'était pour rire.
Il repartit à vive allure rejoindre Mary et Hugo, la pluie de neiges fondues commençait à être plus violente.
- Tu ne demandes pas à moi ? s'osa à lui lancer Lily, soulagée qu'elle n'ait pas eu à mentionner Wilhem (qu'elle n'y pensait presque plus).
- Oh pas besoin ! ricana Jason. On sait tous que Scorpius est ton grand amour secret !
- Ah non, arrête avec ça Jason ! s'emporta Lily en le menaçant du doigt.
Il se retourna vers elle avec un clin d'œil puis freina à une des intersections.
- Bon, je vous laisse les amis, j'ai mon date de Saint-Valentin avec trois jours d'avance !
- C'est qui cette fois ? C'est la même ou il a de nouveau changé ? interrogea discrètement Solange à Lily.
- Je ne sais plus et je m'en fiche, pesta Lily, restant agacée par la dernière remarque de Jason.
- Si jamais c'est fini avant le couvre-feu, rejoins-nous aux Trois Balais, on va boire une bièraubeurre là-bas, répondit Hugo à Jason. Bon rendez-vous !
Alors qu'il se rendait au pub, Lily ne put malgré tout s'empêcher de réfléchir à la question de Jason. Si elle devait avoir un coup de cœur d'un élève de son âge, qui se serrait, hormis Wilhem ? Elle n'avait jamais vraiment porté attention aux garçons de son année, encore moins aux plus grands, elle avait tellement peu de temps pour penser à ça. Pourtant…quand elle lisait des romans d'amour, cela lui était déjà arrivé de s'imaginer être embrassée à la place de l'héroïne…mais impossible de placer un portrait sur l'homme. Avait-elle un « genre » masculin comme le décrétait Roxanne ? Qu'on avait tous une préférence pour des types de traits ?
Les yeux peut-être…étant donné que c'était quelque chose qui la fascinait…des iris qui à force de les contempler, deviendraient des galaxies… Des mains douces, fines et chaudes, des mèches, touchant presque les épaules, à sentir et à caresser longuement…de quelle couleur ? Blond, roux, brun ? Robb Matthews de son groupe de littérature et philosophie culturelle avait des beaux cheveux, bien qu'un peu courts. Lily avait déjà eu envie de passer ses doigts dedans quand il dormait en classe… Il avait un côté ténébreux, mais étrangement fascinant lorsqu'il était concentré, avec sa chevalière grise sur son annulaire gauche et sa voix suave. Mais de là à ce qui lui plaise vraiment ? Non quand même pas, elle ne le connaissait pas plus que Wilhem…
La petite cloche de la porte d'entrée tinta joyeusement alors que Lily et ses amis s'engouffrèrent dans le pub bondé de monde. Grand nombre d'élèves y avaient trouvé refuge pour échapper à la modeste tempête et plus une seule place n'était libre.
- Hé, ce ne seraient pas Rose, Albus et Scorpius là-bas ? demanda Solange en pointant sa tête vers une table du fond, non loin de la cheminée.
Lily plissa sa vision, Mrs Rosmerta venait juste de quitter le coin en question. Au loin, elle reconnut la chevelure de son frère dont ce dernier se tenait le front, le bras adossé tandis que Scorpius caressait le dos de Rose, avachie, le visage dissimulé contre ses coudes.
- Mais si ce sont eux ! s'exclama Hugo. Hé Albus, Rose !
- J'ai un mauvais pressentiment, entendit Lily de la bouche de Mary alors qu'ils s'avançaient vers eux.
Et elle eut raison, le quatuor eut un mouvement de recul lorsqu'ils arrivèrent à la hauteur de la table.
- Je la hais ! rugit Rose en relevant soudainement la tête, les pupilles baignées de larmes avec de la morve coulant sur le coin de ses narines.
- Rose, par pitié calme-toi, tu me donnes mal au crâne, dit d'une voix sans vie Albus alors que ses yeux fixaient un point imaginaire en face de lui.
- Non je ne peux pas Albus ! Pas après qu'elle…comment a-t-elle pu…
- Mais qu'est-ce qu'il se passe ? se risqua Hugo en dévisageant Albus, s'approchant doucement de sa sœur.
Lily scruta un instant Rose et eut un regard timide vers Scorpius. L'échange qu'ils partagèrent pendant ces quelques secondes l'inquiétait davantage et elle eut soudainement envie qu'Albus ne leur réponde jamais.
- Willow l'a larguée tout à l'heure.
- QUOI ? réagirent en cœur les quatre plus jeunes.
- Je la déteste…reprit misérablement Rose avant de se loger dans les bras de Scorpius.
Mrs Rosmerta revint à ce moment-là avec une pinte de Bièraubeurre et quatre chaises qu'elle fit apparaître d'un coup de baguette magique. Rose se détacha de Scorpius et but sur-le-champ, gorgée par gorgée, sous les regards à la fois impressionnés et craintifs du groupe, son verre.
- Tu comptes la rendre saoule ? souffla Mary à son cousin en lançant une drôle d'expression aux deux autres chopes déjà vides du côté de Rose contre seulement une chez les garçons.
- Laisse-la, si ça lui fait du bien, haussa les épaules le blond en ramenant la rousse contre lui. Elle est majeure maintenant.
Les quatre amis s'affaissèrent sur leurs chaises, confus, Hugo immédiatement du pied par nervosité. Solange, assise du côté d'Albus, avait la tête rivée au sol, ce dernier se massait le front en fermant les paupières, tandis que Mary, s'appuyant contre ses coudes, fixait Rose avec appréhension. C'est Lily, toujours sous le choc, qui brisa le silence en premier.
- Mais…mais…qu'est-ce qui s'est passé pour que ça arrive ? C'était impossible après que…pourquoi Willow l'a larguée ?
- En fait, raconta doucement Scorpius tandis que Rose hoquetait contre son épaule, Willow lui avait demandé d'aller à Pré-au-lard ensemble. Tout se déroulait bien, Willow semblait être comme d'habitude vu que…vous comprenez, étant donné la situation, elles ne se tiennent pas la main en public, ce genre de choses… Elles ont été ensuite devant la Cabane Hurlante et…Willow a décidé que finalement, ils valaient mieux pour elles qu'elles en arrêtent là…
- Classe le lieu de rupture…grimaça Hugo.
- Elle aurait pu faire ça chez Mrs Pieddodu, cela aurait été pire, lui répondit Mary entre ses dents.
- Et vous savez ce qu'elle m'a dit ? renifla Rose. Que…avec tout ce que j'ai eu comme…remarques quand on a appris…pour moi…peut-être qu'en fin de compte…elle n'était pas sûre de…de ce qu'elle ressentait pour les filles et…si elle était prête à assumer ce que les gens penseraient d'elles s'ils apprenaient que… Alors elle m'a avoué qu'il était préférable…qu'elle et moi on redevienne...hétéros. Pour notre bien et celui de tous…
Solange lâcha un léger sanglot, Lily lui caressa le dos d'une manière laconique pour la consoler.
- C'est stupide, mais…je croyais que dans des relations comme ça…cela avait plus de chance de durer toute la vie…confia Solange d'une petite voix.
Albus haussa un sourcil vers elle, d'une dégaine ennuyée, ce qui agaça Lily.
- C'est la Gryffondor la plus lâche que je n'ai jamais rencontrée, grogna Hugo, sa jambe désormais silencieuse. Je ne pensais pas qu'elle s'enfermerait autant dans un déni pareil.
- Moi non plus…gémit Rose. On n'avait pourtant pas les mêmes centres d'intérêt, mais…je l'aime. Vous vous rendez compte…ce qu'il s'est passé à Noël avec la famille, à la rentrée, j'ai vécu et supporté tout ça…pour que finalement elle annule tout, d'un claquement de doigts…
Elle fut secouée de nouveau d'une crise de larmes et se cacha dans le creux de la veste de Scorpius. Lily de son côté, avait l'impression que son cœur était tombé dans son estomac, comme si elle partageait à l'instant même la douleur de Rose. Toute cette affaire qui avait bouleversé leur vie pour se finir d'une manière pareille…à quelques jours de la Saint-Valentin. Son oncle Percy et sa cousine Molly allaient-ils se moquer de Rose quand ils sauront la vérité ? Lui dire que c'était mérité et qu'elle devrait redevenir une fille qui aime les garçons ? Ce n'était pourtant pas possible de changer son orientation ainsi, pourquoi Willow prétendrait l'inverse ? Une furieuse émotion envahissait désormais Lily en passant à cette fille qui avait brisé le cœur de Rose.
- Je vais devoir le dire à Lucy en plus… se moucha la cousine de Lily. J'ai peur qu'elle lui en veuille et que cela provoque une tension dans l'équipe maintenant… Et James qui était à peine au courant de ça…
- J'expliquerai tout ça par lettre à James si tu veux, proposa Hugo en lui prenant la main. Et ne t'inquiète pas pour Lucy, on lui parlera.
Un soudain mouvement de chaise les fit tous sursauter. Albus, tout en fermant son manteau, s'était levé et semblait prêt à partir.
- Je vous laisse, tout ça me donne la migraine.
Et il s'en alla aussitôt, sans se préoccuper des personnes autour de lui. Surpris par son comportement, les amis de Lily se fixèrent un peu confus.
- Mais qu'est-ce qui lui prend ? glissa Mary.
- Sa cousine est mal en point et il ne veut pas rester auprès d'elle !? s'exclama Hugo, outré.
- Peut-être qu'il ne va pas bien non plus ? tenta timidement Solange.
Lily eut pour unique réaction, poussée par un élan inconnu, de se lever à son tour, les yeux rivés vers la porte des Trois Balais.
- Je...je vais essayer de le rejoindre, bon courage Rose !
Elle se précipita vers la sortie, ses sentiments se bousculaient dans son esprit, incapables de se positionner. La colère, la tristesse, la déception, une envie de comprendre pourquoi Albus, pourquoi son frère, se comportait ainsi. Pas seulement aujourd'hui, depuis des jours, des mois, des semaines, peut-être même des années. Qu'est-ce qu'elle avait loupé ?
- Albus, attends !
Il était à l'angle de la rue et s'était retourné vers elle en l'entendant l'appeler au loin. Craignant qu'il ne s'enfuie, Lily courut vers lui, dévisagée par un petit nombre de passants.
- Laisse-moi tranquille Lily ! se défendit Albus alors que sa jeune sœur arriva à ses côtés.
Il accéléra le pas, comme espérant la décourager, mais Lily refusa d'être intimidée. Malgré le sol glissant à cause d'une neige qui ne voulait pas tenir dessus, elle s'élança à nouveau et réussit à se mettre en travers de son chemin.
- S'il te plaît Albus…pourquoi ? dit Lily d'une voix suppliante. Pourquoi es-tu si sec avec nous ? Qu'est-ce qu'on t'a fait ? Pourquoi sembles-tu nous détester en permanence ? Dis-moi ce qu'il se passe !
Elle réalisa soudainement qu'elle avait envie de fondre en larmes, devant lui, tout d'un coup, dans la rue alors que les quelques promeneurs les toisaient comme un étrange spectacle. Au vu du regard de son deuxième frère, Lily fut persuadée qu'il allait l'insulter, la pousser et continuer sa route. Pourtant, il déclara :
- Viens, marchons un peu.
Lily cligna plusieurs fois des yeux, sans comprendre, mais Albus ne se fit pas répéter. Il s'élança, suivit peu après par Lily, encore confuse par sa réaction.
Il effectuait le trajet pour retourner à Poudlard, le voyage fut en premier lieu silencieux jusqu'à ce que Lily, une fois sur un chemin plus boisé et à l'abri des passants, s'aventure de nouveau à prendre la parole.
- Pourquoi es-tu devenu comme ça ?
- Comme quoi ? reprit Albus avec tranquillité.
- Tout ce que j'ai dit et…plus, avoua Lily. Quand on était petit…tu étais différent. Maintenant j'ai l'impression que tu es…apathique de tout.
Lily comptait dix flocons fondus avant que son frère ne lui fournisse une réponse.
- Peut-être qu'en réalité…j'ai toujours été ainsi.
-Qu'est-ce que tu veux dire ? Avant, tu faisais semblant ? demanda Lily, interloquée.
- Je n'en sais rien, haussa les épaules Albus. C'est juste…c'est comme si j'avais de moins en moins la patience pour…dire ou réaliser des choses qu'on attend de moi.
- Mais on n'attend rien de toi, répondit Lily avant de se corriger brutalement. Enfin…on ne te force pas de…d'en faire plus que les autres.
- Lily, nous sommes des Potter, je suis à Serpentard et je suis le petit frère de James, évidemment qu'on se prépare à ce que je sois comme ci ou que je fasse comme ça…
Lily se tut, car en réalité, il avait en partie en raison. En tant que Potter, tous les regards étaient sur eux et il n'était pas rare qu'on leur fasse une remarque pour la moindre attitude bonne ou mauvaise, ainsi que de les comparer à leurs parents, d'une manière volontaire ou non. James avait le rôle de celui qu'on voit et entend le plus, à côté, Albus lorsqu'il était enfant, paraissait être dans son ombre. Il préférait jouer tout seul, lire et, à part avec son père quand il était plus petit, il n'était pas très tactile.
Plus jeune, Harry Potter avait été son modèle, son guide et son confident. Ce fut une fois à Poudlard, depuis sa répartition à Serpentard que tout changea, alors que leur père avait tout fait pour maintenir le lien qu'il avait avec son fils. Pourtant, à sa connaissance, son frère n'avait reçu aucune brimade (en ne comptant pas les taquineries de James et Fred), mais il ne s'était jamais fait différents amis que Scorpius et Rose. Il n'aimait pas non plus être mis en avant, exception faite peut-être pour le Quidditch et il ne ressentait pas de la même façon ce besoin de se retrouver avec ses cousins à l'inverse de Lily et James. Comme si une barrière s'était rapidement dressée de manière inexpliquée entre eux.
- Tu ne t'es jamais dit que…tu as beau essayer, jamais tu ne trouveras…ta place, où que ce soit ? questionna Albus en regardant le paysage.
- Un peu…avoua Lily en songeant à sa famille.
- Je ne crois pas que tu t'en rendes compte Lily de…ce que je pense parfois…de tout ça… Pas uniquement à cause de ma maison, mais…surtout par rapport aux parents, leurs façons d'être, de raisonner.
- Tu voudrais partir comme Fred ? interrogea Lily avec une sensation d'entrailles tiraillées.
- Avec les Moldus ? s'étouffa presque Albus. Tu plaisantes ?! Je les déteste !
- Ce n'est pas seulement la famille Dursley ?
- Cela va au-delà Lily…tu ne te rends pas compte de... Après avoir lu quelques livres ou…la science politique et sociale te fait réaliser plein de choses sur les Moldus. Eux, mais aussi…les sorciers en réalité. J'ai l'impression que tout le monde part dans le mauvais sens, je ne sais pas si tu peux comprendre ça.
Lily secoua négativement la tête, elle ne voyait pas du tout où il voulait en venir. La pluie commençait à se retirer pour être remplacée par le vent, Albus, la gorge serrée, continuait de parler sans trop prêter attention à la manière dont avait réagi sa sœur.
- Tout ça et le fait…qu'on ne prend même pas la peine d'appréhender mon point de vue... La famille surtout et maintenant, j'ai l'impression que Scorpius développe une vision différente de la mienne sur plein de points… Pourtant il est…celui qui me comprend le plus, avec qui j'aime le plus être.
- Et Judith ? s'étonna Lily.
Albus leva les yeux au ciel et lâcha un soupir pour toute réponse. Lily eut presque de la peine pour cette Poufsouffle qui ne cessait de le coller dès qu'elle voyait son petit ami. À se demander pourquoi son frère restait avec elle si c'était pour être aussi froid à son égard…
- Voilà donc…conclut Albus dans un souffle. Tout m'agace, je suis comme perdu dans un monde que je n'aime pas, je n'en peux plus de bien agir en public et j'ai l'impression que même ma propre vie n'a aucun sens. Satisfaite ?
Subitement, Lily s'arrêta et ce fut au tour d'Albus de se placer devant elle, attendant comme une réponse.
- Je…bredouilla Lily, sonnée. Qu'est-ce que tu veux que je dise face à ça ? Je voulais juste…faire en sorte de t'aider.
- Et tu ne peux pas Lily, parce que c'est à moi de gérer tout ça. Je t'apprécie tu sais…mais tu ne peux pas forcer les gens à agir selon ta logique.
Il n'attendit pas une quelconque réponse de sa sœur et la planta. Complètement stupéfaite par leur discussion, les pieds comme figés à l'intérieur du sol, Lily se sentait bien plus confuse et éloignée de son frère qu'avant leur confrontation. Elle avait non seulement l'impression de lui faire perdre son temps, d'avoir été inutile et qu'Albus était désormais un mur incassable. Ou du moins, que les failles présentes refusaient d'être vues ou entendues. Et puis quoi maintenant ? Étaient-ils tous condamnés à voir Albus se dénouer d'eux sans pouvoir agir ? Ou alors, était-ce elle une nouvelle fois, incapable d'accomplir quoi que ce soit pour arranger les choses pas uniquement avec sa famille, mais aussi elle-même ?
Tout était sombre dans sa tête.
Dominique n'en pouvait plus de cette journée interminable. Elle n'avait qu'une hâte : rentrer chez sa tante, garder les enfants comme convenu, attendre qu'ils soient endormis et pouvoir écouter à fond dans son casque n'importe quel groupe de néo-métal sorcier sur sa radio personnelle. Elle n'en pouvait plus des mêmes chansons d'amour en boucle depuis ce matin et les décorations en forme de cœur que sa patronne lui avait forcé de concevoir pour l'occasion, lui donnaient presque l'envie de vomir.
Elle n'avait jamais aimé la Saint-Valentin, jamais. Plus jeune, elle avait tant essayé de se convaincre de déclarer sa flamme à Teddy en ce jour-là, mais Victoire rôdait à chaque fois. Une petite rose « amicale » par-ci, des biscuits « pour rigoler » par-là. Ce fut pire quand ils furent officiellement ensemble, connaissant l'importance qu'accordait sa sœur à cette fête, Dominique ne pouvait s'empêcher d'imaginer quel genre de rendez-vous les deux tourtereaux pouvaient passer entre eux. C'était de la torture au point que n'importe quel élément lui rappelant le concept d'amour durant le mois de février l'irritait au plus haut point.
- Encore une demi-heure, se chuchotait-elle pour se donner courage, juste une petite demi-heure et on ferme…
Toute la journée, des hommes ou des couples avaient défilé, pourquoi est-ce que les Français étaient si attachés à cette célébration ? Sally, sa collègue un peu plus âgée, chantonnait gaiement en passant le balai dans l'atelier de création. Alors que Dominique avait consacré ses pauses entières à cracher son dégoût sur cette fête, Sally n'avait de cesse d'espérer qu'un beau garçon entre dans le magasin et lui fasse sa déclaration. Tous les hommes de moins de trente ans étaient à ses yeux des sosies d'acteurs de films et de séries Moldus (Sally était née dans cette culture) si bien que Dominique, par mécanisme, avait plus retenu ces surnoms que leurs propres prénoms.
Il eut du mouvement derrière la vitrine et Dominique releva la tête du comptoir où elle était avachie. Quelqu'un s'était adossé contre la vitre avant de s'asseoir, la tête basse. Il ne ressemblait pas à un badaud ou un misérable qu'on croisait parfois dans le quartier. Vérifiant que sa baguette était bien dans son étui de cuir attaché à sa ceinture, elle s'aventura prudemment à l'extérieur.
- Monsieur, que se passe-t-il ? Est-ce que tout va bien ?
L'homme releva la tête et Dominique le reconnut instantanément. C'était un jeune de son âge, que Sally avait catalogué comme le sosie d'un dénommé Pierre Niney. Grand, mince, les cheveux châtains aux allures décoiffées, les yeux marron, il venait environ deux fois par mois pour acheter un bouquet de fleurs à sa grand-mère. Pas plus tard que ce matin, il était passé à la boutique et l'ensemble de roses rouge et blanche, que Sally lui avait composé avec déception en apprenant l'existence d'une promise, était toujours emballé dans son sachet coloré, désormais un peu chiffonné.
- Je…excusez-moi c'est…
Dominique comprit à peine son français tellement il articulait peu et son ton était bas. Sans chercher à en savoir davantage, elle lui tendit la main pour le proposer de se lever. Ce dernier, les iris sanguins, l'attrapa faiblement et la suivit à l'intérieur.
- Oh mon Dieu, M. Musset, que s'est-il passé ? s'écria aussitôt Sally en les voyant arriver. Votre rendez-vous s'est mal déroulé ? Dominique donne-lui de quoi s'asseoir enfin, il tient à peine debout.
Dominique lança un « Accio » sur sa propre chaise et la présenta à ce dénommé « Musset » tandis que Sally fit apparaître une boîte de mouchoirs.
- Merci…répondit-il faiblement. Je suis désolé, j'étais dans le coin pour notre soirée, je n'ai pas fait attention…
- Ce n'est rien du tout, ne vous inquiétez pas ! Voulez-vous qu'on appelle quelqu'un ? Avez-vous besoin de quelque chose ?
- Non je…je ne sais plus… Elle était là…pourtant elle savait que j'allais arriver… comment a-t-elle pu…
Dominique maudissait ses lacunes en français, elle avait un mal fou à suivre la discussion qu'entretenaient Sally et . Du peu qu'elle comprit, la fameuse chanceuse l'avait trompé et il l'avait su au moment où il alla la chercher après son travail. Malgré le dégoût qu'elle éprouvait pour la Saint-Valentin, Dominique fut peinée pour ce faux Pierre Niney. Elle avait auparavant discuté de banalités avec lui, c'était un gentil garçon qui valait bien plus que son allure de fils à papa de beaux quartiers parisiens comme elle l'avait pensé au départ. Dominique savait qu'il offrait à sa grand-mère un bouquet quand il prenait un goûter chez elle, qu'il était architecte, d'origine alsacienne, enfant unique et doté d'une incroyable culture à en faire pâlir Rose.
- Bonté divine, il est déjà l'heure, il faut que je parte, sursauta Sally après avoir visiblement refait le vocabulaire d'insultes en français de Dominique contre l'ex-petite amie du jeune homme. Occupe-toi de lui avant de commencer la fermeture, chuchota-t-elle à Dominique tandis que M. Musset s'essuyait le visage. Il n'est pas du tout en état de transplaner…
Dominique acquiesça, mais en réalité, elle était quelque peu angoissée. Qu'allait-elle dire à un garçon brisé avec son français peu fourni ? Elle était celle qui réussissait le moins à le maîtriser entre son frère et sa sœur, malgré le fait que Fleur avait passé une bonne partie de leur enfance à parler français.
Une fois Sally partie, Dominique se retrouvait assez penaude avec ce garçon. Se sentant dos au mur, elle prit une des chaises derrière le comptoir pour la placer à côté de lui et ensorcela au mieux le balai pour qu'il nettoie à sa place.
- Cela faisait longtemps entre vous ? demanda-t-elle avec appréhension.
- Deux ans…on s'est rencontrés durant nos études à Paris… Je voulais lui proposer d'habiter ensemble dans les prochaines semaines…
Dominique hocha la tête et se mordit les lèvres, mal à l'aise à l'idée de devoir entretenir la discussion.
- Vous venez d'Angleterre c'est ça ? questionna la voix moins tremblante. Ça doit vous manquer je suppose…
- Oui…avoua Dominique en croisant les jambes, essayant de se détendre. Mais je ne peux pas revenir tant que…je ne me sens pas…mieux avec ces lieux. Pourtant, c'est beau la campagne anglaise, il y a plein de belles fleurs quand on sait où aller se promener…
Il hocha la tête puis jeta un coup d'œil à son bouquet qui pendouillait tristement dans sa main.
- Je suis désolé pour votre composition…ils sont très jolis ici, ça ne mérite pas de finir ruiné à cause de moi. Ma grand-mère adore votre boutique et vos fleurs, je me disais que…que celle qui fut ma copine aimerait également.
- Si cela peut vous consoler, tenta de sourire Dominique, je ne suis pas fan de ce genre de bouquets en cette période, donc ce n'est pas grave pour moi.
- Et vous préférez quoi, vous, si ce n'est pas indiscret ? demanda avec une réelle curiosité le jeune homme. Vous en avez déjà composé ici ?
Dominique fut surprise par sa question, jamais quiconque ne s'intéressait à ça dans son entourage. Pour la plupart des gens, les fleurs, ce n'était que décoratif et passager. Lily s'était passionnée une fois à leurs symboliques quand son mystérieux expéditeur lui avait livré un bouquet, mais guère étaient ceux qui prêtaient attention à la signification de ces merveilles…
Elle ferma les yeux un instant et s'imagina à nouveau dans les champs sauvages qui l'avaient fasciné enfant. Les balades avec ses parents, le vent qui envoyait au ciel les pétales, le soleil se reflétant sur leurs mèches, la forêt non loin peuplée de végétations qui lui étaient encore inconnues… Teddy les accompagnant, en riant, cherchant les meilleures branches pour construire des cabanes ou jouer aux aurors…la fois où il glissa une mauve dans les cheveux de Dominique…
- Si on devait partir sur ce que je préfère, ce serait un bouquet avec une base de jonquilles blanches, entourées d'un peu de bleuets ainsi qu'une légère pointe de jasmins et de myosotis sur les bords, sans oublier un soupçon de plante verte pour un aspect sauvage. J'aime beaucoup l'association du violet presque bleu avec les fleurs blanches. Si nous étions en mai, j'aurais ajouté du muguet, mais elles ne pointeront pas leurs nez avant…une éternité. Ce n'est même pas la saison des jonquilles…
Elle ouvrit les paupières de nouveau, comme si elle venait de se réveiller d'un rêve. En face, le jeune homme s'empourpra légèrement, ayant l'impression d'être entré sans être invité dans une certaine intimité. Dominique craignait un instant d'avoir écorché des mots en français, mais il ne semblait pas que ce Musset n'ait rien saisi à ce qu'elle disait.
- Ce doit être très joli, répondit-il. Au vu de la manière dont vous le dites, il y a un côté sauvage, mais aussi…très délicat dans ce que vous me décrivez. L'association des couleurs froides et pastel, donne une vraie douceur, et pourtant…un aspect fragile, étrangement. Comme les Anglais non ?
- Peut-être, pouffa nerveusement Dominique, ou juste comme moi.
Ils échangèrent un regard et chacun sourit timidement. Plus aucun son ne sortit de leurs bouches pendant un certain nombre de temps.
- Merci d'avoir été là, se leva le jeune homme. Cela m'a fait du bien de discuter avec vous…et avec votre collègue bien sûr.
- J'en suis soulagé, l'imita Dominique. N'hésitez pas à repasser, en espérant que cela aille mieux la prochaine fois.
Dominique donna un coup de baguette au balai qui était bloqué contre un mur depuis quelques minutes et celui-ci retomba net sur le sol. Elle fit également revenir les chaises à leur place d'origine et enleva son tablier de travail.
- Au fait, questionna-t-elle en regagnant le comptoir, c'est bête, mais…je ne sais même pas quel est votre prénom…malgré vos venues au magasin.
- Ah oui en effet, répondit son interlocuteur un faible rire. Navré, j'aurais dû le préciser depuis… Je m'appelle Oscar Musset. Et vous ?
- Dominique. Dominique Weasley…c'est assez ringard comme nom en France donc…mes amis m'ont rebaptisé Domi.
- Qu'importe, le mien n'est pas non plus à la mode de toute manière, dit le nouveau nommé Oscar. Dans tous les cas…merci beaucoup Dominique. J'espère que vous passerez une bien meilleure soirée.
Il lui transmit un dernier sourire puis quitta la boutique. Dominique lui fit un petit geste de la main avant de reprendre le ménage, ses pensées imaginant de nouveau son bouquet idéal.
Trois jours s'écoulèrent et au moment de ramasser le courrier sur le rebord de la fenêtre de la cuisine, une enveloppe inconnue à son nom, se trouva dans le tas. Confuse, cela ne ressemblait en rien aux habituelles cartes de sa famille ou ses rares amies anglaises, elle ne perdit pas de temps à enquêter davantage et lut son contenu sans plus tarder :
« Votre collègue Sally m'a passé votre adresse lorsque je suis revenu à la boutique pour vous remercier, mais vous étiez absente. Cela semblait être votre jour de repos et je ne peux pas y retourner prochainement, d'où ces quelques mots.
J'ai essayé de le refaire comme vous me l'avez raconté. En espérant qu'il vous rappelle vos meilleurs souvenirs anglais. J'ignore ce qui vous empêche d'y revenir, mais je souhaite sincèrement que vous parviendrez à retrouver ce qui vous est cher là-bas.
Merci une nouvelle fois pour cet instant partagé avec vous.
Oscar. »
Un peu plus bas, une esquisse d'un bouquet aux quelques taches d'aquarelles bleu et violet, reproduisant parfaitement les pétales des jonquilles, des bleuets, des jasmins et des myosotis en compagnie de feuilles, était griffonnée sous les brèves phrases d'une écriture en pattes de mouche.
Une larme coula sur la joue de Dominique avant de s'écraser contre le papier, faisant déborder la couleur bleue des myosotis représentés.
Et voilà, j'espère que cela vous a plu. Rose qui en bave jusqu'au bout...
La semaine prochaine, ce sera l'avant-dernier chapitre, le 18, Regret of the times. On approche petit à petit de la fin de la première partie de L'éclosion du lys. Déjà...
Á la semaine prochaine !
