Chapitre 20
Deux jours après le départ de Koby, une atmosphère pesante se fit sentir alors que tous s'agitaient. Il y avait en effet de quoi être inquiet : Sengoku venait d'annoncer officiellement sa démission. Nouvelle encore plus choquante, Sakazuki avait été nommé amiral en chef pour le succéder. Le journal racontait également la démission de Kuzan après un combat de dix jours contre le Rouge pour le poste si convoité. Le reste de cette édition racontait le bouleversement de l'ordre dans la Marine et rien ne manquait, pas même la démission de Garp. Ces nouvelles avaient déjà dû faire le tour du monde.
Navy froissa rageusement le bout de papier.
Voilà donc ce qui s'était tramé.
Une pression monstre se fit sentir d'un coup alors qu'un navire approchait des côtes de l'île. Cette pression, Navy ne la connaissait que trop bien : le vainqueur du combat venait visiblement récupérer sa place légitime. Elle se précipita en direction du port, s'arrêtant tout de même à bonne distance. Elle put alors voir le nouvel amiral en chef descendre lentement du navire, casquette vissée sur la tête.
Cet homme était donc potentiellement son père…
Bien qu'il se déplaçât comme si de rien n'était, des bandages couvraient une bonne partie de son visage et nul doute que le reste de son corps devait également être touché. Si Sakazuki revenait dans cet état-là, qu'en était-il de Kuzan, déclaré vaincu ? Et où était Sengoku ?
Pour avoir ses réponses, Navy décida de suivre le Rouge. Le rêve était fini, il fallait retourner à la dure réalité. Elle vit son entrée dans un bureau, observa plusieurs hommes du Gouvernement entrer également. Après leur départ, elle vit des médecins et infirmiers frapper et entrer à leur tour mais tous partirent tout aussi vite, le teint pâle. Le rouge n'était visiblement pas de bonne humeur.
Elle attendit quelques minutes et, n'entendant plus rien, elle fit irruption à son tour. Elle entra dans la pièce, prête à obtenir des réponses mais ses questions se bloquèrent en voyant la douleur sur les traits du nouvel amiral en chef. C'était bien ce qu'elle pensait : Sakazuki cachait simplement très bien ses émotions sous beaucoup de colère. Elle scruta le bureau et y vit de quoi panser ses plaies, certainement laissé par les soignants.
Remarquant la nouvelle venue, le visage du chien rouge se durcit, toute trace de souffrance envolée.
« Que fous-tu là ?! »
Se faisant violence pour ne pas réagir, Navy ne bougea pas et, bien qu'ayant des sueurs froides et sentant ses anciennes brûlures lui faire de nouveau mal, elle demanda :
« Comment vous sentez-vous ? »
La question prit au dépourvu le géant mais, très vite, il se reprit et fronça un peu plus les sourcils.
« Ça ne te regarde pas, dégage ! »
Navy ne partit pas mais ne s'avança pas non plus. Elle avait appris comment réagir face à Sakazuki à force. Ce dernier sembla vouloir se lever mais, las, il se contenta d'abattre son poing contre son bureau avant de retirer sa casquette.
« … Que veux-tu ? »
Navy ne s'autorisa à bouger qu'à ce moment-là. Elle s'approcha, attrapa les compresses et les bandages et se tourna vers lui.
« D'abord, vous aider. Ensuite, savoir ce qu'il s'est passé ce mois dernier. »
Akainu plissa le regard mais il finit par céder et, sans un échange, Navy l'aida à changer ses bandages. Elle put alors réellement se rendre compte de l'étendue des blessures. A North Blue, elle avait appris les dangers du froid mais elle ne pensait pas voir sur un homme vivant des dégâts si importants, et encore moins sur l'homme au magma. Elle ne s'autorisa toutefois aucune réflexion à voix haute. C'était déjà un miracle que Sakazuki soit aussi conciliant, si l'on pouvait dire ça de cette façon. Au fur et à mesure des soins, ses légers tremblements et ses sensations de brûlures s'estompèrent, la laissant tranquille pour réaliser sa tâche.
Les soins terminés, Navy se redressa, jeta les compresses et bandages utilisés et se lava les mains dans la salle d'eau adjacente. Elle revint ensuite et se posta devant, attendant des réponses.
Le Rouge grogna et se massa les tempes.
« Ne peux-tu pas juste continuer à être ignorante et simplement obéir…
- Cette option me semble compliquée. Ce n'est pas faute d'avoir essayé pourtant.
- … Sengoku et le conseil des cinq étoiles n'étaient pas d'accord sur qui méritait la place d'amiral en chef. Nous leur avons simplement facilité la décision, abrégea Sakazuki.
- Et où se trouve Sengoku maintenant ?
- Parti. »
La réponse ne convainquit pas Navy. Néanmoins, elle savait qu'elle n'aurait rien d'autre. Elle se contenta donc de saluer le désormais Amiral en chef avant de sortir du bureau. Ce qu'il avait dit correspondait à l'article dans le journal mais ça ne la rassurait pas pour autant. Elle tenta une fois de plus de contacter Sengoku, en vain, et se résigna donc à continuer d'obéir simplement aux ordres de missions, comme l'avait fortement suggéré Akainu.
« Que s'est-il passé après que vous ayez été découverte ? »
Navy se trouvait dans une salle d'interrogatoire avec un membre d'elle ne savait quel Cipher Pol. L'objectif de l'interrogatoire était simple : savoir ce qu'il s'était passé durant son infiltration parmi les Révolutionnaires.
« J'ai été enfermée, répondit brièvement Navy, éludant volontairement toutes les informations concernant Sabo ou Dragon.
- N'avez-vous pas tentée de vous défendre ?
- J'ai bien essayé mais comment vouliez-vous que je gagne contre le numéro un de l'armée Révolutionnaire ? »
Avec le masque, Navy ne put regarder sa réaction tandis qu'un silence se fit.
« … Comment vous êtes-vous enfuie ?
- J'ai profité d'une alarme pour m'échapper. Je suis montée dans la première embarcation que j'ai trouvée et j'ai ramé jusqu'à arriver sur une île avec une base navale.
- Et pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? »
A cette question, la jeune femme soupira et se massa les tempes.
« Me pensez-vous réellement si incompétente au point de risquer ma vie pour tenter de m'échapper ? Avec les différents événements qu'il y a eu, ils n'ont pas pu m'interroger sur la raison de ma présence. J'avais l'espoir de rester en vie tant que je détenais des informations qui auraient potentiellement pu les intéresser et, surtout, tant que je ne tentais rien. Je me suis échappée dès que l'occasion s'est présentée.
- Sans effectuer la mission qui vous a été assignée ?
- Ma mission était de rentrer à la base, ce que j'ai fait. »
Un nouveau silence se fit, l'homme tentant certainement de discerner la vérité du mensonge.
« … Où se trouve le repère de Révolutionnaires dans lequel vous étiez ? »
Voilà la réponse qu'elle redoutait. Jusqu'au dernier moment, elle avait hésité à révéler la position de cette île. Cependant, elle ne pouvait oublier l'honnêteté qu'avait fait preuve Dragon. Et elle ne pouvait faire risquer quoi que ce soit à Sabo, Révolutionnaire ou non.
« … Je ne sais pas. Nous n'avions pas le droit d'être à l'extérieur du navire lors des sorties et retenir l'itinéraire n'a malheureusement pas été ma priorité durant mon escapade. »
C'était en partie vrai. Elle n'avait en effet pas retenu l'itinéraire mais, en partant de l'île où elle avait atterri, en prenant connaissance des différents courants marins et en déterminant sa vitesse de rames, elle aurait pu sans problème restreindre le périmètre de recherche jusqu'à trouver assez aisément la bonne île d'un coup d'œil.
Elle n'avait cependant aucun intérêt à ce que l'homme face à elle ne découvre ce dont elle était capable.
« Vous ne vous souvenez vraiment de rien ?
- Hm… Il faisait beau sur l'île la majorité du temps ? »
La crispation qu'elle sentit devant elle laissa supposer que l'homme se retenait de lui faire entendre raison par des moyens moins conventionnels. Il se contenta donc de la congédier sèchement ce que Navy fit rapidement sans se faire prier.
Elle espérait simplement que cela suffisait à assurer tout le monde.
Sakazuki avait pris la décision de changer la localisation du quartier général de la Marine. Bien que la décision ne fût pas unanime, aucun ne protesta ouvertement contre les ordres de l'Amiral en Chef. Le déménagement se fit donc sans encombre et Navy, ayant miraculeusement gardé son poste, prit de nouveaux quartiers dans la base de New Marineford. Elle effectuait toujours le même type de travail, bien qu'étonnamment beaucoup moins présente aux côtés de l'amiral en chef. Les mers étaient plus agitées que jamais mais l'équilibre des puissances revenaient doucement, les postes vacants ayant été redistribués. Ainsi, deux nouveaux amiraux avaient été nommés et Navy avait été plus qu'étonnée de ne pas avoir connu leur nom avant leur nomination. L'étonnement passé, elle s'était renseignée et avait découvert que ces deux amiraux avaient pris leur fonction dans le cadre d'un projet créé par le Gouvernement, expliquant ainsi le fait qu'ils aient été inconnus du bataillon jusqu'à présent.
Être devancé par des personnes extérieures à la Marine ne plaisaient à personne mais, encore une fois, les ordres étaient les ordres. Ceux qui ne souhaitaient pas s'y plier pouvaient toujours s'en aller.
Quant à Navy, elle en était toujours au même point. Elle n'était pas plus avancée dans ses recherches pour savoir ce qu'elle était réellement mais n'avait pas eu le temps de s'en soucier. Avec tous ces changements, il lui avait été impossible de se dégager le moindre temps libre pour en apprendre plus. De plus, elle ne souhaitait pas réellement connaitre la vérité, ayant peur de ce qu'elle pourrait découvrir. Durant ces derniers mois, elle avait donc simplement fait ce qu'on attendait d'elle.
Cependant, de temps à autres, il lui arrivait de réécouter les enregistrements du jeune Dragon et elle se surprit à apprécier l'écouter alors qu'il contait ses aventures.
Elle en apprit plus sur la création des Révolutionnaires, la raison de cette création ainsi que leur avancée au fil du temps. Elle comprit également la décision de Dragon de laisser Luffy à Fuschia, ne désirant pas d'une vie de fugitif pour son fils. Il souhaitait simplement que son enfant puisse choisir par lui-même son futur, quitte à devoir sortir de sa vie. Cette façon de penser était honorable bien que, en tant qu'enfant, il pouvait être difficile à comprendre.
Plus elle en écoutait, plus la pensée que les Révolutionnaires n'étaient peut-être pas si mauvais qu'on le prétendait s'accentuait. Doucement, sa vision du monde changeait.
Elle profitait également de son temps libre avant le coucher pour recevoir des appels de Koby. C'était devenu une petite routine. Parfois, le rose appelait et ils se parlaient jusque tardivement dans la nuit, le regrettant le lendemain mais continuant quelques autres soirs. Lorsqu'elle lui parlait, Navy n'avait pas l'impression que le temps filait et ne doutait pas de ce qu'elle était : elle était Monkey D Navy et c'était tout ce qui importait.
Navy s'étira à la fin d'un entrainement matinal. Le soleil était déjà haut dans le ciel et son ventre criait famine, signe que l'heure du repas approchait grandement. Elle voulut se diriger à l'intérieur de la base lorsqu'une main se posa sur son épaule. N'ayant pas senti de présence, ce toucher la surprit et elle recula rapidement, prête à riposter. Toute envie d'attaque disparut aussitôt alors qu'elle découvrit, face à elle, l'homme qui l'avait superbement ignoré ces derniers mois. Tout aussi vite, la colère arriva et, avant d'avoir réellement pu y réfléchir, son poing s'abattit sur la joue de l'homme face à elle. Bien que pouvant aisément bloquer ce coup, elle le savait, Sengoku se laissa faire. Alors, Navy se rendit bien compte qu'il ne s'agissait pas d'un rêve et elle lui sauta au cou, le serrant de toutes ses forces. Cette réaction fit rire Sengoku qui lui caressa affectueusement la tête.
« Excuse-moi pour le retard. Je suis de retour.
- Pas un seul appel, pas une seule lettre. Sept mois depuis les dernières nouvelles avec seulement Akainu qui te voit mais ne dit jamais rien et tout ce que tu te contentes de dire est que tu es désolé ? »
La jeune femme l'accabla de tous les maux mais continua à le tenir fermement, ayant peur qu'il disparaisse de nouveau. Sengoku lui rendit son étreinte, devant le regard médusé des autres soldats présents sur le terrain mais aucun des deux ne s'en soucia dans l'immédiat.
Navy, reprenant ses esprits et se rendant compte de son comportement, finit par le lâcher et reculer.
« … Désolée pour le coup…
- C'est moi qui m'excuse. Je le méritais. Je ne dis pas non à un peu de glace par contre. »
La brune regarda l'état de sa joue pour voir qu'en effet, cette dernière commençait déjà à gonfler. Elle se précipita alors à l'intérieur, à la recherche de glace.
Posé dans le bureau de Navy, Sengoku appliqua le sac de glace tout juste livré. Navy se contenta de s'appuyer contre son bureau.
« Pourquoi ce silence pendant tout ce temps ?
- Hm… Je devais régler plusieurs affaires avant de pouvoir réellement quitter mon poste. Le bon côté est qu'il y a tellement de pagaille que tu ne seras pas sanctionnée pour la mission au sein des Révolutionnaires. Mais même sans ça, tu n'aurais pas été trop inquiétée. Ton aide auprès de la population ces derniers mois te place dans les bonnes grâces du Gouvernement. Personne n'oserait blâmer une figure publique positive de la Marine.
- Il n'en faut pas grand-chose pour être remercié ou avoir l'immunité visiblement.
- Fais tout de même attention à toi. »
Navy hocha la tête. Sengoku donnait toujours des conseils à juste titre.
« Mais… ça ne répond pas réellement à ma question. »
Sengoku soupira et caressa la tête de la brune.
« Quand arrêteras-tu d'être aussi perspicace ?
- Jamais, je l'espère.
- Je l'espère également, concéda le bouddha. Par où commencer… Je me fais vieux. Il était temps de passer le flambeau à la nouvelle génération. J'ai proposé Kuzan pour prendre la relève mais le Conseil s'y est opposé, lui préférant Sakazuki. Les négociations se sont éternisées et comme personne n'arrivait à un accord commun, Kuzan et Sakazuki ont pris l'initiative de régler ce conflit avec un combat. Si tu avais vu l'état de l'île après ça… Enfin. Le vainqueur, tu le connais. Kuzan a démissionné. J'ai tenté de le convaincre de rester mais il n'y avait rien à faire. Il a catégoriquement refusé de travailler sous les ordres de Sakazuki. Le reste du temps a été consacré à limiter les dégâts qu'avait causés cette guerre dans nos rangs mais également vis-à-vis de l'opinion du public. La population commence à remettre en doute la légitimité du Gouvernement à avoir autant de pouvoir… et, par extension, elle remet en cause l'existence même de la Marine, premier symbole de force de ce dernier. Je n'ai pas voulu t'inquiéter et ai désiré tout régler avant de t'en parler mais, avant que je ne m'en rende compte, plusieurs mois s'étaient écoulés… Je suis désolé de t'avoir inquiété. »
La situation était encore moins rassurante qu'elle ne l'avait imaginée. Encore une chose à ajouter à la liste de problèmes qu'elle ne pourrait pas régler.
A cette constatation, Navy soupira et regarda de nouveau Sengoku.
« Que vas-tu devenir maintenant ?
- Maintenant ? Hm… Profiter du temps libre que j'ai. Peut-être me trouver une activité, qui sait.
- Je vois. »
Sengoku lui caressa gentiment la tête et cela suffit à calmer la jeune femme le temps d'un instant. Le bouddha allait bien et c'était tout ce qui comptait.
