Rien n'occupait l'esprit comme une bonne équation à résoudre. Ou comme un bonne avancée technologique. C'était la logique de Lena depuis son enfance. Une façon de faire qui lui avait permis d'éviter les guerres adolescentes au pensionnat, et qui lui permettait aujourd'hui de ne pas trop penser à Kara, à quelques mètres d'elle un niveau plus bas dans la Tour, dans ce qu'ils appelaient leur secteur médical et qui était tout simplement une chambre et un plateau de chirurgie qui faisait penser à une tente de médecine de guerre.

Ce n'est pas que ça lui évitait de penser, « non, c'est plus subtile que ça. Ça détourne le cours de mes pensées. Je suis productive. Très productive, quand il s'agit d'éviter mes émotions. De les mettre en boîte », songeait-elle, dans un rare moment de détente qu'elle s'était accordé, une grille de mots croisés à la main, les lunettes sur le nez. « Si on me laisse faire comme ça encore six mois, je trouve le remède contre Alzheimer ou Parkinson », ironisa-t-elle à voix haute, dans son laboratoire vide. Brainy était parti, elle n'aurait sur dire quand. Ça lui arrivait souvent. Un instant les gens étaient là, à discuter, à faire quelque chose, et l'autre ils étaient partis, sans qu'elle ne s'en rende compte. Quand elle laissait libre cours à ses réflexions, rien d'autre n'existait. Les gens n'étaient que des flashs qui passaient devant sa rétine. Rares étaient ceux qui s'imprimaient dans la durée.

Une machine réalisait tranquillement des analyses. Le son des bips réguliers et strident était rassurant. Ça lui rappelait le ronronnement de son premier ordinateur, quand elle était adolescente. Une machine tellement capricieuse et lente qu'elle n'avait eu d'autre choix que d'apprendre la patience. Et l'informatique. Elle avait complètement démontée et remontée la tour pour en faire une machine de guerre qui tournait sous Windows 95. Il n'y avait rien d'autre à faire qu'attendre. Et ses pensées dérivaient naturellement vers son ex-femme. Il y avait quelque chose de changé en elle. De la résignation, ou de l'acceptation dans son regard. Une certaine sérénité aussi. Elle n'aurait su dire. Cela faisait tellement de temps qu'elles n'avaient pas eu de conversation franche...

Elle imaginait sa vie à Midvale, loin de toute l'agitation de National City. Pas de questions, des conversations légères avec des collègues qui ne lui arrivaient pas à la cheville, les dimanches chez Eliza, une routine qui se répète sans cesse. Jusqu'à ce qu'elle mette les pieds en ville. C'était toujours comme ça. Lena appréciait le calme. Mais c'est la tempête qu'elle semblait semer sur son passage.

Elle n'arrivait plus à la deviner comme avant. Et pourtant, le lien qui existait entre elles étaient toujours là. Elle le sentait se raviver chaque jour un peu plus. Ça n'était pas de la magie, comme ce qu'elle avait au bout de ses doigts. C'était autre chose encore. Même quand la seule chose entre elles était de la haine. Ce qui n'était plus le cas. Quand elles s'étaient séparées, il ne restait vraiment que ça entre elles. De la haine. Du ressentiment. Lena avait eu l'impression d'être trahie une nouvelle fois. Kara aussi, à sa manière. « Trahie, comment ça ? Tu savais très bien à quoi tu t'engageais en sortant avec moi ! Si tu voulais sortir avec une fille bien tranquille, qui ne fait pas de vagues et qui ne risque pas sa vie, il fallait aller draguer dans les labos de L-Corp, pas sur les champs de bataille en ville. Je ne t'ai jamais promis que ce serait facile et simple », lui avait envoyé Kara. « Ce n'est pas ce que je demande. Je dis juste que tu peux passer une journée sans manquer de mourir ! Je ne savais pas que tu avais des tendances suicidaires... », lui avait-elle rétorqué. Si on lui avait mis de la Kryptonite entre les mains à cette époque-là, elle ne savait pas ce qu'elle aurait fait. Mieux valait ne pas savoir. La colère et la haine lui avaient toujours fait faire de grandes choses. Pas forcément les meilleures. Loin de là. Kara aussi avait dû avoir envie de la passer par la fenêtre plus d'une fois. C'était un miracle qu'elles soient encore toutes deux en vie.

« Des putains de planètes qui s'attirent », comme disait Alex, pragmatique. Elle ne pouvait nier l'attraction qu'elles exerçaient l'une sur l'autre, encore maintenant. Les sentiments qui couvaient, la tension sexuelle... Elle en était bien consciente. Son corps le lui rappelait quand elles étaient dans la même pièce. Ressent-elle la même chose ?, se demandait-elle. Son corps lui rappelle-t-il aussi des souvenirs ?

Encore une bonne demi-heure avant d'avoir les résultats d'analyse. La brune décida de se coucher sur le lit de camp qu'elle avait apporté. C'était loin du confort de son ancien appartement, mais elle avait fini par se faire aux conditions spartiates. Le chalet et la forêt de Midvale lui manquaient, enfermée en ville. Sa chambre de bonne en France aussi. Son petit compartiment à bord du Waverider aussi.

Personne susceptible de venir la déranger, vu l'heure tardive. Elle passa une main sous la couverture, déboutonna son jean. Relâcher la pression. Voilà ce dont elle avait besoin. Son bas ventre était d'accord. Lentement, elle commença à se caresser. C'est un souvenir d'elle et Kara qui lui revenait, vif comme si c'était hier, sous ses paupières closes.


« Je voudrais que tu utilises tes pouvoirs pour... pour... tu sais pour quoi ». Elle avait senti un frisson parcourir Kara, contre elle. La blonde avait écarté une mèche de ses cheveux bruns, laissé glisser sa main sur l'épaule de Lena, le long de son dos, s'était arrêtée au creux de ses reins, pour presser un peu plus son corps contre le sien.

« Ah... Je commence à comprendre », avait répondu la blonde, en l'embrassant avidement. Elle l'avait renversée sous elle, d'un geste fluide. L'avait embrassée de nouveau, à pleine bouche, une main sur sa joue, l'autre descendant doucement sur son corps, en prenant son temps. Lena s'était pressée contre elle. Elle se souvenait de ses hanches qui cherchaient désespérément plus de contact, ses bras qui enserraient Kara. La blonde aurait eu des griffures, des marques dans le dos, si elle n'avait pas été une Kryptonienne. Mais elle n'en aurait pas. Lena ne s'était donc jamais retenue.

La bouche de Kara s'était déplacée de la bouche de Lena à l'un de ses seins. « Bon sang, ce que tes seins sont... Bon sang... ». Et pourtant, Kara préférait de loin ses fesses, Lena le savait. Mais elle ne pouvait s'en empêcher. Elle se souvenait de sa bouche qui l'avait sucée, léchée, mordillée, avait soufflé le chaud et le froid, en la sentant frémir contre elle. Seulement quand Kara l'avait décidé, quand elle avait senti qu'elle était plus que prête, elle s'était décidée. Sans prévenir, elle avait inséré un doigt dans son sexe, entamé un court va et viens, le temps de l'entendre gémir à son oreille. « Oui Kara, oui, Kara, oui... plus, Kara, plus... ». Lena se souvenait de tout. Kara savait quel était le bon moment pour... Elle avait inséré un autre doigt, et poursuivi sa pénétration sur un rythme plus rapide. C'était facile. « Oh que tu mouilles », lui avait-elle glissé à l'oreille, avant de continuer sur un rythme qui n'avait plus rien de physiquement humain, tout en pressant son pouce sur son clitoris gonflé.

Il n'avait fallu que peu de temps pour que Lena se cabre contre elle, comme elle l'aimait. Lena avait renversé sa tête, la main de Kara contre sa joue, alors qu'elle avait joui. La blonde l'avait accompagnée doucement dans son orgasme.

Cette fois-ci elle était seule sur son lit de camp. Elle se souvenait du sourire de la Kryptonienne, nue contre le montant de la porte, quand elle lui avait proposé un deuxième round. « Non, je ne peux pas, il y a Alex dans la cage d'escalier. Elle va frapper à la porte dans... trois, deux, un... » À l'autre bout de l'appartement, il y avait eu trois coups contre la porte. « D'accord... Mais tu ne sais pas ce que tu perds... », avait-elle rétorqué, avec une moue évocatrice. « Oh, si, je sais. Je sais très bien ! », lui avait répondu la blonde en lui jetant un oreiller, qu'elle avait évité sans peine. « Dommage... »


Lena eut besoin de quelques minutes pour émerger de son orgasme, les yeux fixés au plafond. La machine émettait des bips de satisfaction. « Ah, les analyses sont finies... voyons voir ». Quelques mètres plus bas, Kara rougissait dans son lit.