Messieurs, dames, fin de l'arc II ! Le prochain chapitre signera le début de l'arc III !

Hâte de partager avec vous ce nouvel arc qui sera très différent des deux derniers.


CHAPITRE 21 : VERITE


— Portgas.

Celui-ci porta son attention vers son apostrophe. Quelle ne fut pas sa surprise de voir Rin, postée à ses côtés, dans le grand réfectoire au petit matin.

Il n'arrivait pas à se faire à sa nouvelle apparence. Ses longs cheveux, sa peau lisse qui avait doucement repris sa couleur mate, des habits enfin à sa taille… Non, décidément, il n'y arrivait pas.

— Je peux me mettre ici ? Demanda-t-elle en désignant la place vacance à sa droite.

Il opina du chef un peu, timide, et décala docilement ses couverts sous les yeux amusés de ses camarades. Ils avaient l'air de deux collégiens qui se plaisaient : leurs yeux ne se croisaient jamais et pourtant le rouge ne quittait jamais leurs joues. Cependant, comme si de rien n'était, Ace reprit la conversation qu'il avait avec ses Frères, sans prêter davantage attention à la jeune femme —c'est ce qu'il aurait voulu faire croire mais son coude le brûlait d'être si proche d'elle.

— Ace.

Aussi discrètement que la première fois, elle prononça son nom. Un étrange frisson le parcourut quand elle le fit, il ne la regarda même pas.

— Tu es libre cet après-midi ?

Elle avait levé les yeux vers lui, qui écarquilla les siens.

— Pardon, commandante ?

Elle fronça les sourcils, visiblement agacée et réitéra :

— Tu es libre cet après-midi, Portgas ?

— Et bien, oui, enfin…

Il jeta un coup d'œil à ses camarades qui s'étaient enfuis à grandes foulées, l'abandonnant lamentablement à son sort.

— Très bien, dans ce cas nous nous retrouvons dans 20 minutes sur le pont principal. Rompez.

Elle émit un hoquet après ce mot, qu'elle avait dit sans trop y penser. Ace éclata de rire, amusée que cette adorable habitude lui soit aussitôt montée à la bouche. En réponse, elle le toisa, évidemment honteuse.

.

Ace attendit près de 10 minutes, 10 longues minutes inattendues, à attendre Rin qui ne se faisait jamais attendre. Quand enfin il l'aperçut, ce fut par brides : d'abord ses longs cheveux qui apparurent par le pan de la porte. Puis une de ses mains, fébrile, qui entrebailla celle-ci. Des chaussures —et ce fut à ce moment qu'Ace constata une chose terrible. Quand elle apparut enfin, Kazuki la soutenait, perchée sur d'inhabituels talons noirs, surplombés d'une simple robe blanche.

C'était trop pour le second, qui commença à pouffer de rire. Sur quelle Terre, à quel moment Rin Utsuii porterait ses outils de torture ?

— Pourquoi tu rigoles ? S'emporta-t-elle, effrayant au passage Kazuki qui lui lâcha la main, la faisant inévitablement tomber au sol dans un brouhaha et un embarras certain.

Portgas éclata finalement de rire sous le regards amusés de ses camarades, qui pour certains ne se génèrent pas de faire pareil.

Une tête apparut de derrière la rivière de cheveux s'écoulant au sol et tous se turent.

— Oh merde… Lâcha Kazuki.

D'un geste rageur, elle arracha les chaussures qui la faisait gauche et les envoya entre les deux yeux des plus hilares.

— Pour ceux qui ne se calment pas, la sanction sera pire…

Devant les yeux brillant de malveillance, les garçons se crispèrent et acquiescèrent.

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Chaussant ses petites ballerines blanches, Rin se frayait un chemin dans la foule, oubliant parfois que son second avait plus de mal qu'elle à se faufiler.

— Commandante, attendez !

Dans sa stupeur, il vit sa supérieure se retourner et lui tendre la main. Un regard interrogateur glissa entre les doigts et le visage empourpré de Rin, quelques secondes passèrent sans qu'Ace ne réussisse à dire mot.

— Qu'est-ce que tu attends, Portgas ? Souffla-t-elle dans son embarras. Je pars sans toi sinon…

Il n'en fallut pas plus au pirate pour agripper cette si petite main mais dont la poigne l'empêcha de respirer :

— Tu me tiens trop fort, Rin…

Elle paniqua un peu et relâcha tout de suite sa poigne. Ace ne l'entendait pas ainsi et entreprit de lui reprendre la main dans un sourire amusé.

— Si quelqu'un m'avait un jour dit que je te verrai dans une telle position, je ne l'aurais pas cru !

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la remarque fit rire Rin :

— Moi non plus !

Les yeux écarquillés du second s'adoucirent. Qu'elle était belle aujourd'hui ! Elle rayonnait davantage avec ce sourire, avec ces pommettes rouges. Elle donnait l'impression qu'un poids s'était retiré de ses épaules. Était-ce parce qu'elle était presque morte ? Ace n'osait pas demander, mais le simple fait de la toucher lui rappelait qu'elle était là, près de lui.

Oui, il l'aimait.

.

Le soleil était bien bas déjà dans le ciel quand Rin et Ace arrivèrent sur la bute qui surplombait leur flotte. La petite traînée de bateaux, comme une comète, semblait miniscule. D'ici, même les matelots étaient ridicules, comme de petites fourmis travaillant durs pour subvenir aux besoins de leur reine.

La couleur cramoisie du soleil se reflétait sur l'eau : un océan de feu s'étendait à l'horizon, et les natives s'y engouffraient.

— Pourquoi m'avoir fait venir ici ? Demanda Ace.

A vrai dire, il avait deviné. Il était un couard mais pas un idiot. Il s'en voulait de ne pas l'avoir visitée plus tôt, que leur histoire se fasse plus vite… mais voir ce paysage avec elle en lui avouant son amour n'était pas si mal non plus.

Le visage grenat de sa commandante se tourna vers lui. Sa petite robe blanche volait en rythme du vent et elle la tenait comme si sa vie en dépendait.

— Portgas… enfin, Ace.

Finalement, leurs yeux se mêlèrent… Dans ses iris Rin avait des pastilles claires, quasiment blanches, des étincelles qui ne disparaissaient jamais. S'y perdre était facile.

Il posa une main sur sa joue, doucement pour qu'elle ne s'efface pas. Jamais.

— Je t'—

Elle s'était tut. Ace, sans comprendre, ressentit une sorte de malaise dans son dos et se retourna. Rin se plaça devant lui, menaçante, et héla :

— Sortez d'ici, montrez-vous !

Des branches que composaient les buissons qui les entouraient sortit une tête brune dont les cheveux, épais et bouclés, formaient un long manteau sur ses frêles épaules. La personne leva les mains en l'air en signe de bonne foi, sans pourtant arrêter de pester contre les feuilles accrochées dans son nid.

— Je viens en paix ! S'exclama-t-elle en s'ébrouant violemment.

De la montagne de cheveux noirs s'échappèrent deux yeux gris et un uniforme de la marine. Il ne fallut pas plus à Rin pour s'armer des diamants de Joz.

— Oh, oh, du calme ! J'ai un message à faire passer, moi je ne suis pas une pro du close combat, je suis une sniper tu sais.

— Un message ? Répéta Ace, sur ses gardes mais étonné.

— De la part d'Akazie…

Ace ne put retenir un sourire. Son ami d'enfance ne l'avait donc pas oublié ! (Contrairement à Ace qui l'avait totalement zappé.)

— … pour la commandante Rin.

— Hein ?

Rin et Ace se regardèrent, abasourdis, puis la fureur de la jeune femme reprit de plus belle :

— Il se paie ma tête… fulmina-t-elle.

— Vraiment pas, répondit la militaire, lisez et vous verrez. Ah, c'est dans ma poche avant au fait. La droite.

Rin entreprit alors de s'approcher de la jeune militaire qui se battait toujours des épines coincées dans son incroyable tignasse et y trouva effectivement un morceau de papier de la taille de sa paume.

— Il m'a dit… quoi, déjà ? Attendez, sortez le papier dans ma poche gauche.

Sans prévenir, Rin serra le cou de l'inconnue qui n'en parut pas surprise.

— Si tu te fous de ma gueule…

Son souffle s'arrêta en lisant le premier papier.

"14 ans plus tard"

La pirate lâcha sa victime qui toussota un instant. La main tremblante, elle sortit le deuxième bout de papier en fixant la commandante qui ne bougeait plus d'un poil. Ace avait envie d'intervenir : il ne comprenait rien de ce qu'il se passait devant ses yeux. La nuit commençait à tomber quand il vit Rin prendre docilement un escargophone du sac de la jeune femme.

— Rin ? Que se passe-t-il ? Quémanda-t-il.

— Rien du tout.

— Votre frère veut vraiment vous voir ! S'exclama alors la militaire qui ne tentait pas de se relever.

Son frère ? Son ami d'enfance ? Le contre-Amiral de la marine ?

— Hein ? Depuis quand tu as un frère, Rin ? On ne parle pas de Bittle, si ?

Le mur mental de Rin était revenue au galop et elle ne prit même pas le temps de répondre, trop occupée à sonder la jeune militaire.

— Pourquoi je vous croirais ? Siffla Rin.

Mais dans son regard, la marin savait déjà qu'elle avait déjà gagné. Le message sur ce papier… elle ne savait pas ce qu'il signifiait mais vu la tête de la pirate il avait visé juste.

— Vous pouvez l'appeler avec cet escargot, dit la jeune femme. Vous verrez.

— Rin, tu ne peux pas faire ça, et si c'était un piège ? Rétorqua calmement le second.

La commandante avisa Ace avec une grimace d'hésitation. Elle dévisagea un escargot endormi. Il attendit qu'elle refuse le téléphone, parce que c'était ce qu'elle aurait naturellement fait. Il attendait qu'il botte le cul de cette militaire, qu'elle rétorque qu'elle n'était pas stupide.

— D'accord.

Et à sa plus grande surprise, elle enfourna l'escargot dans sa poche.

.

Une réunion exceptionnelle avait lieu dans les quartiers personnels de Newgate. Quand cela se faisait, il s'agissait d'affaires privées, des choses que ses matelots voulaient parler à leur père.

Étaient présents les plus proches amis de Rin : Satch, Marco, Bittle, Barbe Blanche, Amaya et Vista.

Avant que Rin ne rentre dans la pièce, Ace l'avait attrapée avec douceur par le bras.

— Que se passe-t-il ? Demanda-t-il, le timbre empreint d'inquiétude.

Rin lui avait embrassé la joue prestement pour le rassurer.

— J'ai un frère jumeau, qui a été acheté à un marin. Celui-ci s'appelle Garp. Mon frère s'appelle Ren, je ne pense pas que tu te souviennes mais Isaac (sa voix s'est presque tuée quand elle prononça son nom) en a parlé.

— C'est flou mais… je me souviens.

Il n'osait pas dire qu'il se souvenait davantage du visage de détresse de Rin à ce moment-là.

— Akazie… pourrait être ce frère.

— Garp est mon grand-père ! C'est forcément Akazie !

Le visage de Rin fut une fois de plus déformé par l'hésitation, la détresse et l'espoir et entra dans la pièce en laissant Ace derrière elle (sans son consentement.)

— Elle t'a dit que tu pouvais appeler ton frère avec ça ? Demanda Vista.

— Hum. Confirma une Rin qui ne semblait pas être vraiment présente parmi eux.

Bittle lui prit le petit doigt pour lui signifier sa présence et elle leva finalement les yeux. La voir si perdue énerva le navigateur :

— Ça m'a l'air louche comme histoire, dit Bittle. Franchement je ne le sens pas.

— Ce n'est pas une question de ça, l'interrompit Marco. La question est : veux-tu décrocher cet escargophone, Rin ?

Le visage affolé de la jeune femme en disait long sur son ressenti.

— N'oublions pas que ça peut être un piège, rappela Satch. Il peut indiquer notre position.

— Les marines seraient déjà venus, dit Vista.

— Peut-être que c'est que si on décroche que-

— Nan, quelle idée de mettre un mouchard qui ne s'active que si on décroche alors qu'on a déjà l'objet à bord.

Satch se gratta la tête, gêné. Il n'avait pas d'idées. Le simple fait de penser que le frère de sa camarade était réapparu de nulle part lui faisait mal à la tête.

— Pourquoi Ace n'est pas parmi nous ? Remarqua-t-il alors.

— Cet idiot est trop impulsif, gronda Rin en serrant les poings. Il ne sait pas se tenir, ça causera sa perte un jour. Son sens de l'honneur est aussi trop grand.

Satch était assez étonné qu'elle ait remarqué tout cela seule, mais la seconde d'après il se dit que c'était sûrement parce que c'était Ace qu'elle l'avait remarqué.

— Alors, que fais-tu ? Lui demanda-t-il en passant son bras sur ses épaules.

Alors qu'elle hésitait, Newgate rigola :

— Quel que soit ton choix, tu seras toujours ma Fille !

Ces paroles firent écarquiller les yeux de Rin. Son coeur cessa de battre la chamade. Voilà ce dont elle avait peur : que cet équipage ne l'ait jamais considéré l'une d'entre eux. Le rouge au joue, elle jeta un regard déterminé à son capitaine :

— Je vais l'appeler, choisit-elle. Merci, le Vieux. Même si je ne peux pas t'appeler Père, j'admets être ta Fille.

Tous surpris, les personnes présentes dans la pièce se regardèrent alors qu'elle quittait la salle.

— Wow, dit Bittle. Elle sait faire preuve d'amabilité et de respect parfois.

— Non, le reprit Marco. Non ce n'est pas ça. Elle a appris notre façon de fonctionner.

Il était tellement heureux ! Elle réfléchissait avec son affection maintenant ! Barbe-Blanche n'était plus une tête forte à respecter, c'était un membre de sa famille.

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Rin se posta devant la machine qui dormait encore. Elle inspira. Son cœur battait la chamade.

En rouvrant les yeux, elle déplaça sa main au-dessus de l'escargophone.

— Rin !

Ace arriva en claquant la porte.

— Qu'est-ce qu'il y a ? S'étonna-t-elle de le retrouver essoufflé.

Reprenant son souffle, il rougit, peu sûr de ce qu'il était censé faire maintenant qu'il avait mis les pieds dans le plat. Il souffla une bonne fois puis reprit avec confiance et détermination :

— Je t'aime. Quelle que soit ta décision, je l'accepterai.

Rin ne comprit pas tout de suite le sens de ses paroles puis lâcha, le rouge lui montant dangereusement aux joues :

— Merci ?

— Tu pourrais répondre autre chose !

Elle se leva pour le serrer dans ses bras.

— Merci... chuchota-elle.

Rouge pivoine, il ne vit pas que Marco était derrière lui. Il le prit par les aisselles et le fit sortir.

— Laisse-la tranquille maintenant !

Dès qu'Ace avait su que Rin allait parler à son frère, il avait accouru la voir. C'était vraiment d'une impulsivité !

— Bonne chance, souhaita Marco en sortant de la chambre tout en virant Ace à coup de pied.

Rin sourit.

C'est tout ce qu'elle voulait. Se retournant vers l'escargophone, elle le décrocha lentement pour dire :

— Allo...?

Le silence qui s'ensuivit fut le plus glaçant qu'elle eût connu. Même ceux avec Isaac n'avait pas ce goût de nostalgie, ce relent d'incertitude. Puis elle entendit des meubles bouger, des objets être jetés. Sa cabine semblait si large à présent qu'il était difficile de respirer.

— Allo...? Fit une petite voix.

Pour ne pas trahir son sanglot, elle posa une main devant sa bouche. Le timbre de la voix de l'autre côté du combiné était un écho de son cœur, celui qu'elle cherchait depuis tant d'années. Elle se rappelait désormais son objectif principal, le but de sa vie depuis ses 6 ans. Barbe-Blanche n'avait plus aucune importance, Marco, Ace, Amaya, Bittle, Ness, Teach…

Il n'y avait que Ren.

— ... Rin ? Recommença la voix.

— Ça fait longtemps, frérot…

Elle l'entendit pleurer de l'autre côté du combiné. Elle l'aurait sans doute fait aussi si Rin ne voulait pas à tout prix garder la face. Ren restait le contre amiral qui les avait stalké pendant des mois, se faisant un nom sur leur dos.

— Tu m'as tellement manqué... Sanglotait-il. Je pensais ne jamais pouvoir entendre le son de ta voix…

— Ren…

Il n'avait pas changé, il restait le plus honnête d'eux deux. Même petite, Rin avait eu du mal à dire franchement ses sentiments, par fierté. Elle était prestigieuse et enflammée, avant qu'Isaac ne la trouve. Et Ren était aussi franc qu'il était prude -le pur inverse de sa sœur. La chose qu'ils avaient en commun, et elle le sentait, c'était leur masque et comment il fondait en se parlant. Un sourire sincère fleurit sur le visage de la pirate, qui rigolait aux sanglots comiques de son frère.

— Je suis si heureux ! Se justifia-t-il.

— Tu vas pleurer comme ça quand je te ferai regretter d'avoir fait de moi la risée de l'équipage ! S'esclaffa-t-elle

Il se confondit en excuses, se justifiant comme il le pouvait et encore une fois elle rigola.

— ... Je veux te voir… finit-il par chuchoter.

Voilà qu'elle pleurait aussi. Au diable les principes, c'était son frère, ce frère qu'elle n'avait pas vu depuis 14 ans, ce frère qu'elle brûlait de connaître et de voir. Elle savait aussi ce que cela voulait dire : bientôt il faudrait qu'elle le rejoigne.

— Je veux te voir aussi… Souffla-t-elle.

— Je ne te remercierai jamais assez... ce jour-là, tu m'as sauvé. Je ne l'ai jamais oublié. Je ne t'ai jamais oubliée. Cet amiral, maître Garp, m'a fait devenir marine. J'ai passé une enfance merveilleuse auprès d'Ace et Luffy.

— Ça me rassure… Ace n'est pas de tout repos alors je n'ose pas imaginer Luffy ! Ace m'a parlé de toi.

— J'ai été vraiment soulagé en sachant que vous étiez rencontrés. Je lui ai toujours dit que vous vous ressembliez.

— Ah bon ?

— Plus que tu ne le penses !

Un silence se fit entre eux, entrecoupé de reniflements. Rin essayait de voir en quoi elle et Ace se ressemblaient mais elle ne trouvait définitivement pas. En ressassant sans cesse ses émotions, elle se mit à réfléchir à haute voix :

— Ça a été dur sans toi. Je pensais que tu étais mort, qu'il te retrouverait. Qu'il te kidnapperait et qu'il te tuerait. Je n'ai jamais cessé de m'en vouloir de t'envier.

— J'ai toujours suivi ta trace. À chaque fois que j'entendais ton prénom, je prenais l'affaire. Ton nom n'apparaît presque pas dans la marine, maintenant.

— Tu n'avais pas à faire ça ! Gronda-t-elle. Tu sais ce que ça représente ?! Et si on trouvait tout ce que tu caches ?

— Ne t'inquiète pas, je suis en bon chemin et Garp-sensei est toujours derrière moi. Yuri aussi. C'est mon amie.

— Yuri ?

— L'officier qui est venu te délivrer l'escargophone.

— C'est la femme que tu aimes ? Demanda-t-elle avec taquin.

— … Pardon ? Na-na-nan pas du tout ! Nous sommes amis ! Balbutia-t-il avec sa sepiternelle timidité.

— Oh. Tu me déçois, Ren. Elle est jolie.

— Oui, elle est magnifique.

— Donc tu l'aimes.

— Mais nooooon je te dis !

Ils rigolèrent. Ça leur rappelait leur enfance. Et pourtant cette réunion avait un goût doux-amer. Ça ne faisait que rappeler à la pirate la triste vérité :

— Nous avons changé. Fit Rin.

— Oui, nous avons changé. Tu n'es plus la petite espiègle qui volait des fruits dans les vergers. Je ne suis plus le petit fauteur de trouble qui t'engueulait tous les jours.

— Qu'es-tu devenu, Ren ?

— Un contre-amiral. Un homme qui veut changer de l'intérieur ce système pourri jusqu'à moelle. Même si je ne réussirai sûrement jamais.

— Pourquoi tu dis ça ? Si c'est toi, c'est sûr que tu vas réussir !

— J'aimerais vraiment avoir ta conviction, c'est ce qui me manque en ce moment.

— Arrête de t'occuper de moi et pense plutôt à ton plan.

— Tu fais partie intégrante de mon plan, Rin.

« Le gouvernement veut nous faire croire qu'ils sont les gentils, alors que les plus gros secrets, se sont eux qui les détiennent. Je n'ai eu qu'à faire un tour dans les recoins des archives pour m'en apercevoir. Si j'ai décidé d'être marin, ce n'est pas pour suivre aveuglément les ordres de mes supérieurs. C'est pour avoir les réponses qui puissent me guider vers la Justice. Je vais devenir Amiral en chef, et faire partie du Conseil. Je refuse d'aider l'obscurantisme qu'Akainu suit. Aokiji en a marre lui aussi. On ne peut pas continuer à suivre des gens qui se foutent de nous.

Et toi Rin, dans tout ça, tu seras la voie vers un monde que le gouvernement veut dompter mais n'y arrive pas : l'ère des pirates. Gol D. Roger était plus proche de la Vérité que n'importe qui sur cette Terre, et celui qui est le plus proche de tout ça désormais est Edward Newgate. Mais de ce que j'ai pu comprendre, il ne cherche pas cette Vérité, mais une Famille.

Tu vas devenir un pirate plus fort encore que Newgate, Rin. Tu seras le nouveau Roi des Pirates, et je ferai tout pour mettre en œuvre cela.

D'abord, il faut que tu passes un accord avec la marine. Il faut que tu viennes. »

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Cet appel lui laissa une amertume aussi large que l'horizon.

« Yuri t'attendra demain à l'aube sur le port, elle t'emmènera directement à la base où je me trouve. »

Elle ne faisait pas confiance à cette Yuri, pour commencer. Evidemment : elle ne la connaissait pas. Mais elle n'avait pas lu de haine dans son regard, juste de la tendresse, quand elle était venue lui donner l'escargophone.

Que devait-elle faire ? Rester auprès de l'homme qu'elle aimait, ou rejoindre son frère ?

Rin regarda Ace s'endormir devant son dîner sous les rires de ses compagnons. Ça la fit sourire. Oui, elle l'aimait, c'était sûr.

Mais son frère avait besoin d'elle.

Elle aurait 20 ans la semaine prochaine, se dit-elle.

Newgate et elle se regardèrent. Il lut très nettement sur ses lèvres. Le capitaine fut seul témoin de cette déclaration :

« Merci. »

.

— Tu fais quoi ?

Le soleil allait se lever, et il avait choisi ce moment pour se réveiller.

Sur le pont, Ace lui faisait face. Son regard balança entre la jeune femme et son sac à dos.

— Tu vas quelque part ?

— Je m'en vais.

Hiken se figea sans comprendre.

— En mission ?

— Je quitte cet équipage.

Il la retint par le poignet quand elle voulut faire volte-face.

— Attend, c'est quoi ce bordel ? Explique-moi.

— Mon frère m'a demandé de le rejoindre. Alors je vais le rejoindre.

— Ton frère ? Ren ? Balbutia-t-il. Mais je croyais que-

— Je vais devenir un corsaire, Ace. C'est pour ça que je quitte cet équipage.

Elle descendit sur le port alors il la suivit, essayant de la raisonner :

— Tu ne peux pas partir comme ça ! Tu es la Commandante de la 2nde flotte de Barbe-Blanche !

— Je reste Les Chaînes Vengeresses, Mikito, à leurs yeux.

Elle aperçut la fameuse Yuri, qui lui faisait signe sur un petit bateau.

Rin se tourna donc vers son camarade, et, après avoir souligné tous les traits de son visage avec sa main, lui déposa un baiser sur la joue.

— Désolée mais je suis celle qui deviendra le Roi des Pirates.

Ces mots heurtèrent Ace bien plus qu'il ne pensa. Une sourde colère prit place dans son cœur, si meurtri qu'il aurait voulu crier. Mais pour s'en empêcher, il ne fit que se mettre en travers de son chemin.

— Si tu ne me laisses pas partir… Menaça-t-elle.

Ace ne bougerait pas. Il ne laisserait jamais son commandant quitter son poste et le trahir. Il en tenait à son rôle de second.

— Tu sais ce que ça signifie de partir, non ? Dit-il, avec son sourire amusé.

Rin le regardait de haut. Elle voulait qu'il comprenne qu'elle le méprisait. Ca ne marcherait pas, parce qu'il savait à quel point elle était douée pour mentir.

— Tu penses que je m'en vais sans le savoir ? Siffla-t-elle. Ou tu préfères que je t'appelle Commandant maintenant ?

Tout sourire disparut de son visage. Elle venait de passer le pas et de le nommer commandant. S'il n'y croyait pas trop au début, il ne pouvait plus que se dire qu'elle allait vraiment partir en les laissant derrière.

— Le Vieux ne va jamais l'accepter.

— J'ai l'air d'en avoir quelque chose à foutre ?

Ace lança une offensive qu'elle esquiva sans difficulté. Il brûla le voilier sur lequel elle devait partir (Yuri arriva à sauter du pont à la dernière seconde) et déclara d'une voix noire :

— Commandante, si vous partez maintenant, c'est pour la vie.

Elle serra les dents, et il le vit. Ace s'attendait à ce qu'elle rebrousse chemin. Il voulait qu'elle s'affaiblisse et qu'elle choisisse de rester avec eux.

— Commandant, vous m'avez déjà vu hésiter ?

Ace fut surpris quand elle l'attaqua de ses propres flammes. Il se rappelait quand elle avait avoué ne pas pouvoir s'en approcher, et pourtant son visage était désormais décontracté.

Un combat s'engagea entre les deux commandants de la deuxième flotte de Barbe-Blanche. Elle montrait avec ferveur qu'elle lui confiait la suite, et Ace n'avait pas envie de le comprendre. Il voulait qu'elle lui dise qu'elle renonçait à partir et qu'elle ne serait pas leur ennemi.

Ace faiblit. Ça permit à Rin de le clouer au sol sur le ventre, essoufflée. Le poing entouré de haki, elle le défia de faire ne serait-ce qu'un mouvement. Et il connaissait ce regard : elle était sérieuse. S'il n'esquissait qu'un geste, ce poing lui arriverait dans la gueule.

— Vas-y. Murmura-t-il.

Rin ne vacillait pas mais elle ne bougeait pas non plus. Ace se dit que c'était maintenant ou jamais.

— Vas-y ! Hurla-t-il.

Et alors qu'elle allait le frapper, une voix s'éleva dans l'air :

— Quel est ce raffut ?

Barbe-Blanche s'approcha de ses Enfants. Les commandants l'accompagnaient, alors Rin garda le pied qu'elle avait sur les omoplates d'Ace pour qu'il ne bouge pas et emprunta le pouvoir de Joz (qui fronça encore plus les sourcils) pour durcir son bras.

— Je m'en vais, le Vieux.

Ledit Vieux frappa l'espace qui se fractura. Un flot de vent vint les agresser tous, mais personne ne bougea.

— Ne m'appelle plus comme ça si tu nous trahis, Rin Utsuii.

Tout le monde la vit.

La larme que versa Rin, sur son visage impassible.

La seule, esseulée.

Si Barbe-Blanche lui-même ne l'appelait plus son Enfant, qui le ferait ? Marco, qui avait perdu son sempiternel sourire ? Satch, tellement choqué qu'il fixait le sol ? Ce dernier fit un pas en avant, une moue perplexe sur le visage :

— Rin chérie, reviens. Implora-t-il. Je ne sais pas ce que t'as dit ce Ren, mais tu n'as pas à faire ça-

— Pourquoi tu ne me l'as pas dit, le Vieux ?

Elle s'adressait à Barbe-Blanche en contractant les mâchoires. Il savait parfaitement de quoi elle parlait mais s'énerva encore, faisant trembler la terre :

— Ne m'appelle pas ton Père alors que tu n'es plus mon Enfant.

Marco n'osait rien dire. Il restait figé, sans savoir quoi faire. Quoi que fasse Rin, il savait qu'elle resterait sa fille, et il pensa trahir Newgate en admettant cela.

— Tu connaissais Jun Utsuii, Newgate ! Cria-t-elle. Tu le connaissais et tu m'as laissée venir dans ton équipage !

Elle semblait hors d'elle, plus énervée que personne ne l'avait encore vu.

— Toi, Shanks, Marco, Satch… Vous saviez très bien qui il était et vous me l'avez caché !

A l'intérieur d'elle, Rin bouillonnait. Pas parce qu'elle en voulait à Barbe-Blanche ou qui que ce soit. Parce qu'elle savait que son capitaine ne croyait pas du tout en sa mise en scène.

Elle avait tout prévu pour être détestée et pouvoir partir sans remords. Mais Newgate n'était pas né de la dernière pluie, et ne prendrait pas part à sa petite mascarade.

— Ils n'ont rien à voir avec tout ça. Dit Barbe-Blanche pour défendre ses enfants. Jun s'appelait juste Jun.

— Dis-moi, Newgate, sais-tu comment est morte Bayle D. Memoir ?

Grand silence. Barbe-Blanche venait d'admettre qu'il savait, et personne n'arrivait à comprendre de quoi ils parlaient depuis tout à l'heure. Jun et Bayle D. Memoir étaient très connus dans le monde des pirates, mais ça faisait au moins 20 ans qu'on ne les avait pas vus…

Et tout le monde comprit. Les yeux bleus de Jun se calquèrent à ceux de Rin. Ses cheveux blond à ceux de Memoir.

Satch passa une main sur son front transpirant, tenant la main de son petit-ami aux lèvres pincées. La grimace sur le visage de Joe montrait qu'il en voulait à Rin d'utiliser son pouvoir. Izou fronça les sourcils, sans comprendre, et zieuta Blamenco qui haussa les épaules.

— C'est la même chose pour Ren, Newgate.

Barbe-Blanche s'approcha encore un peu plus, ses commandants derrière lui. Ace ne comprenait pas la moitié de ce qu'il se passait et se sentait tellement impuissant. Ça ne faisait qu'un an qu'il était pirate et ne connaissait absolument pas ce monde avant d'y rentrer. Jun ? Bayle D. Memoir, l'amiral dont parlait toujours Ren ? Jun Utsuii ? Comme Rin… Tout ce qu'il arrivait à distinguer, c'était l'inquiétude dans les yeux de son capitaine.

— Si tu pars, tu cesseras à tout jamais d'être ma fille. Déclara finalement Newgate.

Ace pouvait le voir, d'ici. La lèvre tremblante de sa commandante.

— Très bien, je vais retrouver ma vraie famille.

Ace enrageait. Comment ça, "vraie famille" ? Il se dégagea enfin de l'emprise de Rin et voulut l'attaquer. Elle le bloqua et il replongea sur le sol. Jamais il ne s'était senti aussi trahi que par ces paroles. Il aimait Rin de tout son cœur, mais ça ne suffisait pas à faire taire la douleur qu'elle venait de créer.

— Tu veux devenir le nouveau commandant ? Railla Rin en le fixant dans les yeux, petit sourire mesquin sur les lèvres. Viens, Portgas, essaie un peu de me retenir.

Le combat qu'ils avaient engagé quelques minutes plus tôt reprit. Barbe-Blanche observa, dignement, respectueusement. C'était une bataille entre l'ancien commandant et le nouveau. Et il savait que Rin se battait pour qu'Ace soit accepté.

Les matelots de la deuxième division leur hurlaient d'arrêter et appelaient leur commandante. Ils ne voulaient pas qu'elle parte, ils ne voulaient pas voir leurs deux commandants se blesser…

— Commandante, reprenez vos esprits !

— Vous pouvez pas nous laisser là !

— Commandante !

Quand Ace ne fut plus en capacité de se relever, Rin alla chercher le chapeau qu'il portait toujours et qui s'était perdu quelque part dans la bataille. Elle l'épousta avec attention, profitant que ses camarades soient occupés à s'inquiéter de son second plutôt que de s'intéresser à elle.

— Commandant.

Tous les matelots de la seconde division qui s'étaient agenouillés près d'Ace -dont Amaya, Bittle et Ness- relevèrent la tête vers Rin. Elle déposa le couvre-chef sur la tête de son propriétaire :

— Commandant, je vous laisse gérer la suite.

— Rin, je te promets que je te nique ta gueule la prochaine fois que je te vois, marmonna Bittle.

Amaya, elle, se leva, et donna la plus grosse claque que Rin n'avait jamais reçue.

— … Dégage… Chuchota Amaya, les larmes aux yeux.

L'ancienne commandante se dirigea vers le ponton où un petit navire de la Marine l'attendait. Yuri était assise sur la balustrade, avec une désinvolture qui énerva d'autant plus tous les pirates de la deuxième flotte.

Pas un au revoir. Pas un mot. Ness fut le seul à la suivre, lui demander ce qu'il se passait. Teach serrait les poings.

— Ness, laisse-la partir ! Ordonna-t-il. Elle a pris sa décision.

Yuri l'intercepta, un sourire contrit sur les lèvres. Elle avait assisté à toute la scène, et elle n'avait vu que Rin essayer de tout faire bien avant de partir -et pourtant elle avait échoué. Elle ne pleurait pas, ne pleurerait pas, mais elle tenait avec ferveur le bracelet qu'elle portait. Quand elle se retourna, paniquée de comprendre qu'elle ne les reverrait peut-être jamais, ils lui tournaient le dos.

Marco fit volte-face.

Elle voulut lui faire un signe.

Mais il lui sourit.

Et elle sut qu'elle ne faisait plus du tout partie de cet équipage.

.

Elle était partie.

Ace pesta contre Ren autant qu'il put, répétant qu'il aurait pu trouver quelqu'un d'autre à enlever. Était-elle heureuse de partir ? Le soleil l'empêchait de la voir, alors il ne pouvait que se rappeler de l'expression qu'elle avait lorsqu'elle s'était retournée sur le bateau. Mais maintenant ? Ne regrettait-elle pas d'avoir pris cette décision ? On ne pouvait jamais être sûr avec elle. Marco lui manquerait tellement qu'elle reviendrait tout de suite, elle est dépendante de lui. Elle ne sait jamais ce qu'elle veut après tout.

Non.

C'était lui qui voulait qu'elle revienne. Si elle était partie, c'était qu'elle le voulait. Jamais elle ne se serait faite amenée par la marine.

Jamais.

Et il ne laisserait jamais quiconque penser cela de sa camarade : la Commandante de la 2nde flotte de Barbe-Blanche.

Rin Utsuii.