Chapitre 24 : Une lecture édifiante
Dès que les six gamins eurent quitté le bureau directorial, McGonagall commanda du thé et des sandwichs, nous désigna deux fauteuils en nous priant de rester encore un peu Lupin et moi et s'installa en face de nous. Elle nous tendit le parchemin sur lequel les gamins avaient noté leur traduction du texte en runes portant sur la malédiction des Black.
« Dès que vous aurez récupérer le livre, Remus, j'aimerais que tous les deux vous vérifiez et vous complétiez la traduction de ces jeunes gens. Cet après-midi, si vous n'avez rien de plus urgent à faire. » dit-elle
Lupin me jeta un coup d'œil en biais, il n'avait pas l'air en enthousiaste. Moi non plus à la vérité. J'avais certes étudié les runes dans le cadre de ma formation de potionniste, c'était nécessaire pour lire certaines recettes anciennes, mais cela ne faisait vraiment pas de moi un spécialiste.
« Pourquoi ne demandez à Bathsheda Babbling de le faire ? » demanda le loup-garou en parlant de notre collègue en charge des enseignements de runes « Si vous lui proposez un texte ancien qu'elle ne connait pas, elle va sauter de joie. »
« Et les personnes concernées par cette malédiction, comme votre belle-mère Andromeda ou Narcissa la grand-mère de Scorpius Malefoy, vous croyez vraiment qu'elles sauteraient de joie à l'idée de savoir leur secret de famille ainsi divulgué ? » répliqua notre Directrice
« Probablement pas, en effet. » admit Lupin « Mais vous ne voulez quand même pas que nous gardions pour nous les évènements qui se sont produits aujourd'hui ? »
« Evidemment que non. » soupira McGonagall « Ce qui s'est passé aujourd'hui est trop grave pour que je le cache au Ministère. D'autant plus que les évènements d'aujourd'hui se sont produits hors de nos murs et mettent en cause des sorciers extérieurs à l'école qu'il faut identifier pour faire cesser leurs agressions. Je vais donc contacter Madame la Ministre et je ne doute pas que concernant une malédiction inconnue, elle confie le dossier aux Langues-de-Plomb. Des langues-de-plomb qui je n'en doute pas vont venir récupérer le livre portant sur la malédiction Opes ac Dolor pour le faire étudier par leurs propres experts. Je souhaite donc que vous sachiez ce qu'i tirer de ce document avant que les représentants du Ministère viennent le chercher. Car après nous n'y aurons plus accès. J'imagine mal le Ministère le rendre à la bibliothèque de Poudlard avant cette affaire soit résolue. »
J'acquiesçai et le loup-garou aussi. Notre Directrice avait raison, cette histoire nous dépassait désormais.
« Je vous propose aussi de prévenir directement ceux de vos proches qui sont concernés. » reprit Minerva « Remus, vous devriez informer Andromeda. Severus, allez passer un moment chez les Malefoy pour en parler avec Narcissa et Drago. Le Ministère se débrouillera avec les autres descendants d'Uranus Black, d'autant plus que les coupables se trouvent apparemment parmi eux, mais nos amis ne nous pardonneraient pas de leur avoir cacher cette situation. »
J'indiquai que j'allais envoyer un hibou à Lucius pour lui suggérer de m'inviter à dîner le soir même. Quant à Lupin, il passerait à Pré-au-Lard discuter avec sa belle-mère, dès que nous en aurions fini avec les runes.
McGonagall reposa lentement sa tasse avant d'ajouter en regardant la cheminée, peut-être pour ne pas choisir celui de nous deux auquel elle s'adressait :
« Je vous suggère de prévenir aussi Harry Potter. Pas en tant qu'auror, cela regarde Hermione Granger, mais en tant que père d'Albus étant donné l'implication de ce jeune homme dans le sauvetage de ses camarades. »
Le loup-garou reprit la balle au bond :
« Avant même d'en parler à Harry, ne serait-il pas temps d'avoir une petite discussion entre nous sur la magie que pratique Albus Potter ou plutôt Albus P. comme j'ai entendu dire qu'il se faisait parfois appeler. Sans doute parce qu'il a l'intention de donner un jour une signification au P qui n'est pas Potter ! »
Manifestement, Harry lui avait fait des confidences.
« Je ne vois pas en quoi ça vous regarde ! » me braquai-je immédiatement
« Je suis d'accord sur le fait que le patronyme d'Albus ne me regarde pas. C'est à Harry et vous de régler cette question. » admit le Lupin avant d'ajouter « En revanche, en tant que son professeur à Poudlard, il me semble que je suis parfaitement en droit de m'inquiéter du niveau de magie qu'il pratique ! »
« Vous parlez sans doute de la magie qui vient de sauver la vie à plusieurs de nos élèves dont votre fils ! » rétorquai-je d'un ton sarcastique
Le loup-garou s'apprêtait sans doute à répliquer vertement, mais Minerva interrompit notre échange en nous priant sèchement de faire « au moins semblant d'être des adultes » avant d'ajouter :
« N'empêche, Severus, que la magie d'Albus interroge. Imaginez la tête qu'ont fait tout à l'heure Pomona et Filius après votre départ en catastrophe pour le Square Grimmaurd, quand j'ai dû leur expliquer que le Patronus qui était venu solliciter votre aide, était envoyé par Albus Potter, un élève de deuxième année ! »
Lupin enfonça le clou :
« Et moi, je fais quoi en Défense contre les Forces du Mal ? Je lui fais passer sa BUSE cette année et je l'inscris en ASPIC pour l'année prochaine ? Quoi que même en ASPIC, je n'enseigne pas l'Occlumencie et la Legilimencie aux élèves ! »
« Je me demande, Severus, si vous ne poussez pas trop cet enfant. Je sais bien qu'il s'agit de votre petit-fils, mais … » reprit McGonagall
Immédiatement, je m'agaçai :
« Le pousser, le pousser, mais vous voulez rire, Minerva. Je l'accompagne tout au plus ! D'ailleurs, je n'ai pas vraiment d'autre solution. »
« Qu'est-ce que vous voulez dire Severus ? » s'inquiéta notre Directrice
« Vous vous imaginez sans doute qu'il suffirait que j'interdise à Albus de pratiquer une magie qui dépasse son niveau scolaire ou qui déroge au programme enseigné à Poudlard pour qu'il m'obéisse. D'ailleurs, c'est bien connu les enfants obéissent toujours à leurs professeurs et à leurs parents ! » m'écriai-je avant d'ironiser en prenant le loup-garou à témoin « Il n'y a qu'à voir Remus, un vrai modèle de sagesse avec ses petits camarades quand il était à l'école, n'est-ce pas ? Pareil pour Harry et ses amis, toujours soucieux de respecter à la lettre le règlement intérieur de l'école, nous nous en souvenons tous ! Quant à moi, je dois admettre que je me suis intéressé à des aspects de la magie peu recommandés, voire franchement interdits par l'école, pendant mes années à Poudlard. »
Je m'arrêtai pour regarder les deux gryffondors manifestement peu ravis d'entendre les vérités que j'énonçais.
« Dans ces conditions, je préfère accompagner Albus dans ses apprentissages que de l'amener à les faire en dehors de moi en lui posant des interdictions qu'il ne respecterait probablement pas. » indiquai-je avant d'ajouter « J'ai déjà assez à me préoccuper de comprendre les effets de sa magie en Fourchelang que je ne maîtrise pas, faute d'être capable de la pratiquer moi-même ! »
…
« Dites donc, elle n'est pas si mal leur traduction. » remarqua Lupin alors que nous bataillions depuis deux heures déjà sur le texte en runes expliquant les spécificités de la malédiction Opes ac Dolor « Jamais ils n'auraient fait de tels efforts pour un devoir donné par Bathsheda Babbling ! »
« Oui, j'étais moi-même en train de songer à interdire aux élèves d'étudier les potions pour qu'ils cherchent enfin à apprendre quelque chose. » soupirai-je
« Malgré tout il manque quelques mots qu'ils n'ont pas réussi à traduire dans cette phrase qui parle des méfaits de la détention simultanée de plusieurs maillons pour certains sorciers. » remarqua-t-il « Il faut dire que je ne les comprends pas non plus. »
Je lui tendis un dictionnaire. J'en pris un aussi.
« Les sorciers concernés seraient les « sorciers sans baguette » et les « sorciers avec une nouvelle baguette ». C'est très bizarre ! » m'exclamai-je après quelques minutes d'effort
Lupin bondit :
« Je crains de comprendre. Ces expressions pourraient désigner les jeunes sorciers, les enfants sans baguette et ceux qui viennent d'avoir leur baguette. »
Je poussai un énorme juron. Comprendre ça alors même que Teddy Lupin, Delphini Black et Scorpius Malefoy avaient désormais deux maillons chacun.
« Il faut changer nos plans pour ce soir, faire venir Andromeda, Narcissa et Drago à Poudlard au lieu d'aller les voir en dehors, pour qu'ils puissent récupérer un maillon chacun, afin que les gamins n'en portent plus qu'un seul. » indiquai-je avant de me retourner vers Lupin surpris par son manque de réaction « Vous m'entendez, Remus ? »
Les machoires serrées, le directeur de la maison Gryffondor regardait droit devant lui sans rien dire, avant de craquer brusquement à ma grande stupéfaction.
« Quand je pense que Teddy va devoir se trimbaler toute sa vie avec une saleté d'objet de magie noire sur lui. Comme s'il n'avait pas assez à supporter à être le fils d'un loup-garou ! » beugla-t-il soudain
Jamais il n'avait traduit devant moi ce qu'il venait de révéler de culpabilité vis-à-vis de son propre fils d'être ce qu'il était. Je m'employai à le rassurer d'une façon que certains, Minerva par exemple, aurait pu juger maladroite :
« Et alors ? La lycantropie ne se transmet pas de père en fils. Même le plus débile des sorciers sait ça. Au choix, il ne me semble pas plus difficile de descendre d'un gentil loup-garou que d'un vilain mangemort. Or, de nombreux élèves qui sont ici sont dans cette situation à commencer par les cousins de Teddy, Delphini Black et Scorpius Malefoy. »
Lupin restait songeur ou sous le choc, mais je n'étais pas vraiment capable de faire la différence. Faute de savoir quoi dire de plus, j'entrepris de détourner son attention :
« En tout cas, il y a un point sur lequel les gamins ont absolument raison : la malédiction ne devait normalement se réactiver que chez un seul des descendants d'Uranus Black à la fois. Alors que nous les avons retrouvés face à trois adversaires Square Grimmaurd. Pensez-vous que celui qui a rédigé ce texte ait pu se tromper sur ce point ? »
« J'ai vraiment du mal à le croire. » répondit-il « Il me semble à peu près certain que le sorcier qui l'a rédigé, est aussi celui qui a réussi à neutraliser la malédiction en séparant les maillons. Je vois mal un sorcier capable de faire un acte magique aussi complexe qui prouve une connaissance extrêmement approfondie des malédictions, se tromper sur un point aussi essentiel ! »
« Encore un mystère de plus autour de cette fichue malédiction ! » déplorai-je avant de poursuivre en jetant un coup d'œil au parchemin remis par Miss Granger-Weasley « Leur traduction s'arrête là. Il ne reste plus que quelques lignes de texte avant les deux pages qui ont été découpées. »
Les dernières lignes dont nous disposions expliquaient que le descendant des Black chez qui se réveillerait la malédiction serait prêt à recourir à toutes les méthodes, même les plus perfides, même les plus violentes, pour obtenir les maillons qui lui manqueraient.
« Voilà qui est rassurant ! » ironisa Lupin avant d'ajouter « A votre avis, il y avait quoi sur les deux pages manquantes ? »
« Je dirais bien qu'elles portent sur la magie nécessaire pour inverser le processus et recréer la chaîne originelle, afin de pouvoir s'en servir à nouveau pour créer de l'or. » répondis-je
« Créer de l'or en tuant des licornes ! » s'écria le loup-garou « Mais il faut être fou pour écrire des choses pareilles. »
« Ce n'est pas un appel à faire des actes magiques illégaux, c'est juste une note technique à propos d'une malédiction. Probablement écrit comme vous le disiez par le sorcier qui a réussi à neutraliser la malédiction à la demande des fils d'Uranus Black. Il a simplement écrit tout ce qu'il savait à propos de cette malédiction. » remarquai-je pour essayer de calmer son emportement.
« N'empêche qu'il s'est trouvé quelqu'un pour s'emparer des pages en question. » gronda Lupin avant d'ajouter en promenant sa baguette au-dessus des deux pages découpées « Et manifestement, c'est récent, le sortilège de découpage est encore perceptible. »
Cet aspect-là était en effet très inquiétant.
« Oui, et je pense qu'il s'agit d'un sorcier de talent et qui connait bien l'école. C'est une chose d'arriver à pénétrer dans Poudlard grâce au Polynectar, s'en est une autre de réussir à dérober un livre dans la Réserve de la bibliothèque ! » remarquai-je
« Mais la quasi-totalité des sorciers du pays sont passés par Poudlard. » déplora Lupin
« Je reconnais que ce n'est pas très discriminant. » admis-je
…
Quelques heures plus tard, alors que les Langues-de-Plomb du Ministère étaient déjà venus récupérer l'ouvrage portant sur la malédiction Opes ac Dolor, Andromeda Tonks, Narcissa et Drago Malefoy étaient réunis dans le bureau directorial où ils apprenaient avec effarement les évènements du matin, ainsi que l'existence d'une malédiction familiale dont ils n'avaient jamais soupçonné l'existence.
Trois maillons noirs étaient posés sur le bureau de McGonagall. Car dès que notre traduction lui avait appris que la détention de plusieurs maillons pouvait être nocive pour de jeunes sorciers, notre Directrice avait reconvoqué Teddy Lupin, Delphini Black et Drago Malefoy afin qu'ils se débarrassent de l'un des deux maillons en leur possession, tout en leur promettant de les réattribuer au plus vite à des membres de leur famille. Après avoir regardé un moment ces trois maillons, puis un maillon identique qu'il venait de tirer de la poche de sa robe, Drago fixa tour à tour sa mère et sa tante.
« Je n'avais pas la moindre idée de cette histoire de malédiction. » dit Narcissa en réponse à la question muette de son fils « J'avais toujours cru qu'il s'agissait d'un précieux porte-bonheur comme le prétendait mon père. Sinon, jamais je ne t'aurais donné ça et jamais je n'aurais donné mon propre maillon à Scorpius ! »
« Tu en avais donc deux. » remarqua Andromeda Tonks
« Père m'en a donné un deuxième après la naissance de Drago. » lui expliqua sa sœur
« Moi, je n'en ai évidemment pas reçu à la naissance de Nymphadora ! Mais je lui ai donné le mien sans savoir de quoi il s'agissait et elle l'a transmis à Teddy dès sa naissance. » raconta Andromeda
« Comment allez-vous vous répartir ces trois maillons ? » interrogea McGonagall « L'un d'entre vous en aura forcément deux, puisque Drago a déjà un maillon. »
« J'en prends un autre quand même. » trancha celui-ci avant d'ajouter avec une ironie triste « Il me semble que je cours peu de risque d'être un jour frappé par la fièvre de l'or. »
Certes, je voyais mal mon filleul s'intéressait à un or qui ne lui rendrait pas la seule chose au monde qui lui manquait, Astoria, son épouse décédée. Mais c'est d'un tout autre sujet que je m'inquiétais à voix haute en voyant Narcissa et Andromeda s'avancer à leur tour pour s'emparer chacune d'un maillon :
« Puisque vous allez désormais être à vous deux en possession de trois de ces maillons, il faudrait que vous renforciez les défenses du manoir Malefoy. » soulignai-je à l'intention de Narcissa et Drago avant de me retourner vers Andromeda Tonks « Et je me demande s'il est raisonnable, Andromeda, que vous continuiez à habiter à Pré-au-Lard seule, quand Remus et votre petit-fils ne sont pas là. »
Les uns et les autres m'assurèrent qu'il n'y avait pas de souci à se faire, qu'ils avaient toujours vécu avec ces objets dans leur maison sans que cela les mettent en danger. En même temps, tout le monde me regardait d'un air apitoyé, en mode « le pauvre, la guerre l'a vraiment rendu définitivement paranoïaque… ». Certes, la guerre m'avait rendu définitivement paranoïaque, mais c'était bien grâce à cela que j'y avais survécu !
