Bonjour à tous.

Je ne sais plus vraiment comment m'est venue l'idée pour cette histoire, ça fait très longtemps que je travaille dessus, mais il est très vite devenu évident qu'elle ne se terminerait pas bien. Le drame n'est pas ce que j'écris généralement, mais pour cette fois-ci, c'était nécessaire.

Parfois, les mots ont leur vie propre et nous ne pouvons que les suivre.

Comment lire cette histoire : s'installer confortablement dans son canapé, un fauteuil moelleux ou dans son lit, s'enrouler dans un plaid tout chaud, se préparer un chocolat chaud à la cannelle et prévoir à portée de main une boîte de mouchoirs et un ours en peluche à utiliser sans modération en cas de besoin. Les animaux de compagnie fonctionnent aussi très bien (pour remplacer la peluche, pas les mouchoirs ! Quoi que...)

Bonne lecture à tous et on se retrouve en commentaires où vous pourrez me dire à quel point vous me détestez. Je sais, moi aussi.

WARNINGS : Cette histoire dépeint des relations intimes entre deux hommes. Elle aborde des sujets comme la dépression et la mort.

"On peut trouver le bonheur même dans les moments les plus sombres... il suffit de se souvenir d'allumer la lumière." Albus Dumbledore


SI LOIN DU CŒUR

Quand Harry Potter avait quitté le Royaume-Uni quelques mois après la fin de la guerre, il avait tout laissé derrière lui. Passé, renommée, famille et amis. En bon héros, il avait fait absolument tout ce qu'on attendait de lui. Il avait sacrifié son enfance, chaque instant de sa scolarité, il était mort puis était revenu pour détruire Voldemort et mettre fin à la guerre, il avait pleuré et enterré les morts, avait consolé les vivants, il avait accepté les remerciements du monde sorcier avec un hochement de tête puis assisté à tous les procès sans exception. Il avait été au bout des choses, au bout de ce qu'il pouvait humainement faire. C'est donc avec le sentiment du devoir accompli qu'il avait réuni tous ses proches une dernière fois quelques semaines après Noël afin de leur expliquer sa décision.

Il partait.

Tous avaient protesté, chacun y allant de son argument pour le faire changer d'avis, mais Harry avait tenu bon. Il savait qu'il agissait égoïstement en partant, mais il ne pouvait pas rester. Pas sans sombrer, pas sans s'abandonner à ses démons et faire souffrir ceux qu'il aime. Les faire encore plus souffrir.

Certains avaient fini par comprendre, d'autres pas, mais ça n'avait pas d'importance pour lui. Il ne pouvait pas rester et affronter ses cauchemars plus longtemps. Toutes ces années de guerre, de malheurs et de morts l'avaient fatigué, usé jusqu'au point de non-retour. Certains jours, il pouvait presque sentir son cœur brisé ralentir, rater quelques battements.

Alors Harry avait rassemblé toutes ses affaires dans sa malle, avait vidé ses coffres à Gringotts puis avait pris le premier Portoloin pour le Canada. C'est là qu'il s'était installé, dans un petit cottage perdu en pleine nature, à quelques kilomètres du premier village, entouré uniquement par la forêt, les animaux sauvages et les étoiles.

La paix. C'est ce qu'il avait trouvé dans son cocon, son premier vrai chez-lui. Pas l'affreuse maison des Dursley, ni celle trop sombre des Black que lui avait légué Sirius. Certes, il était seul, mais il s'y sentait si bien. Libre, pour la première fois depuis sa naissance, loin des attentes et sollicitations du monde extérieur, loin de la souffrance et du malheur.

Malgré la petite fortune laissée par ses parents et son parrain, Harry n'avait pas tardé à prendre un job de serveur dans l'unique bar Moldu du village le plus proche, le Trapper's. Il y passait quelques heures par semaine pour se tenir occupé et palier à la solitude et, quand ça ne suffisait plus, il transplanait dans une plus grande ville à une centaine de kilomètres à l'Ouest pour un verre, une danse, une nuit…

Cette vie lui convenait parfaitement.

Parmi tout cela, il gardait le contact avec ses amis grâce aux lettres et à quelques voyages transatlantiques brefs mais suffisants. Du moins pour lui.

Quand il les accueillait chez lui et leur faisait découvrir son nouvel univers si vaste et tranquille, il avait l'impression qu'ils comprenaient son choix à défaut de vraiment l'approuver. Puis, au moment du départ, ou dans les lettres qui suivaient, le contraire était évident. Ils ne comprenaient pas et ne renonceraient jamais à le voir rentrer et reprendre sa vie là où ils pensaient qu'elle s'était arrêtée.

Mais ça lui était égal. Harry était enfin heureux, en paix avec lui-même et avec son passé.

Ou il pensait l'être.

.xXx.

L'invitation arriva près de cinq ans après la victoire du monde sorcier sur Voldemort. C'était un élégant carton crème orné d'or où était couché une écriture fine à l'encre noire. Harry avait lu et relu les quelques phrases ainsi que la lettre plus personnelle accompagnant l'invitation sans réussir à complètement assimiler leur sens et, surtout, ce que ça impliquait.

Blaise Edward Zabini et Ronald Billius Weasley ont le plaisir de vous inviter à leur mariage.

Venez célébrer leur amour le samedi 23 Août 2003 à partir de 10h au Terrier, Loutry Ste Chaspoule, Devon.

Réponse souhaitée pour le 15 juin au plus tard.

.

Harry,

Nous avons enfin bloqué une date pour le mariage ! Ce sera cet été, au Terrier ! Tu sais à quel point j'attends ça depuis que Blaise m'a demandé de l'épouser à Noël dernier. Maintenant, je trépigne encore plus d'impatience. Tout comme Hermione (probablement elle plus que moi, d'ailleurs).

J'espère que tu pourras venir parce que j'aimerais que tu sois mon témoin. Je sais que c'est toujours compliqué pour toi de revenir, mais tu es mon meilleur ami, Harry, même si tu vis de l'autre côté de l'océan et je n'imagine pas me marier sans toi.

Si tu viens et que tu acceptes d'être mon témoin (et je croise les doigts pour que ce soit le cas), ce serait bien que tu viennes un peu avant le mariage.

À part ça, j'espère que tout va bien pour toi et que tu as bien reçu les biscuits que Maman t'a envoyé. Elle n'a pas reçu de réponse et s'en est inquiétée.

Blaise et Mione t'embrassent !

À très bientôt,

Ron.

.xXx.

Il avait mis près de deux semaines à prendre une décision, retournant les choses dans tous les sens, imaginant tous les scénarios possibles, pesant le pour et le contre. Il en était arrivé à la conclusion qu'il voulait sincèrement aller au mariage de son meilleur ami et être son témoin, mais il avait peur. Pas de rentrer et de revoir tout le monde. Il y était habitué désormais et passait généralement un bon moment avec ses proches, même s'il était toujours soulagé de rentrer à la fin de son séjour et de retrouver sa solitude paisible. Non, il avait peur de le revoir. Parce que c'était inévitable. Tout comme la souffrance qui viendrait avec.

Harry souffla en accrochant sa lettre à la patte de sa chouette lapone qui secoua son plumage gris avant de s'envoler par la fenêtre ouverte. Il regarda le ciel pendant un moment, espérant presque la voir revenir avec son fardeau, mais il dût rapidement se rendre à l'évidence. Quoi qu'il arrive, il allait le revoir dans un peu moins de trois mois. Après tout, il était ami avec Blaise à Poudlard, non ? Et, d'après ce que Ron lui avait raconté, ils étaient restés très proches après la guerre. Donc il y avait de grandes chances qu'il soit lui-aussi invité au mariage.

Quand Harry avait appris que Ron sortait avec Blaise plus de trois ans auparavant, ça l'avait surpris. Tout d'abord parce qu'il ignorait que Ron était gay. Pas que ça le dérange, lui aussi l'était, mais ils avaient partagé un dortoir et tant d'aventures pendant sept ans et jamais il ne l'avait su. Ça l'avait également surpris parce que Blaise était un Serpentard et, s'il n'avait jamais été un Mangemort, il en partageait certaines idées. Mais, après tout, ils n'étaient pas meilleurs amis pour rien, puisque tous deux avaient succombé aux charmes d'un vert et argent.

Les pensées de Harry s'envolèrent bien malgré lui cinq ans auparavant, vers le jeune homme aux cheveux si blonds et aux yeux si froids qui avait partagé ses nuits pendant un temps juste après la guerre.

Draco Malfoy.

Malgré tous ses efforts pour l'oublier, l'ancien Serpentard hantait toujours ses pensées et ses rêves. Et pourtant il avait essayé. Douce Morgane, même partir à l'autre bout du monde n'avait pas suffi ! Et voilà que Ron allait se marier avec l'un des meilleurs amis de Malfoy. Absolument parfait ! Pourtant, Ron lui avait annoncé ses fiançailles des mois auparavant, alors il aurait dû y penser plus tôt, mais ça ne lui avait même pas traversé l'esprit. Ce qui n'aurait rien changé à son dilemme, mais il aurait au moins eu plus de temps pour s'y préparer… et pour trouver un moyen de se défiler.

À la fin de la guerre, Harry avait mis un point d'honneur à assister à tous les procès d'anciens Mangemorts et de leurs familles. Les Malfoy en faisaient partie et, si le patriarche avait été envoyé à Azkaban très rapidement, l'intervention de Harry avait pu éviter à sa femme et à son fils de partager son funeste destin. Le soir-même, les deux jeunes hommes de dix-huit ans prenaient un verre ensemble, seul remerciement qu'avait accepté Harry malgré les suppliques du blond. Une semaine plus tard, ils couchaient ensemble pour la première fois.

Leur histoire avait duré un peu plus de deux mois. Deux mois passionnés, pendant lesquels Harry avait eu l'impression de revivre, de trouver un second souffle grâce à Draco. Deux mois pendant lesquels il avait enfin recommencé à penser à l'avenir, à s'imaginer être heureux un jour, amoureux.

Puis, la lassitude, la fatigue lui était tombé dessus, suivies par cette envie irrépressible de changement, de fuite. Ça avait été l'une des décisions les plus difficiles à prendre de sa vie. Partir sans Draco. Parce qu'il ne pouvait pas lui imposer ça, l'obliger à tout quitter pour aller vivre avec lui à l'autre bout du monde, au milieu de nulle part, lui l'aristocrate habitué aux manoirs, aux restaurants gastronomiques et aux soirées mondaines. Il ne pouvait pas non plus lui imposer ses cauchemars, ses angoisses et sa détresse, cette vie de tourments qui attendait Harry dans la quiétude de sa forêt.

Alors il était parti. Mais, s'il l'avait annoncé à ses proches de vive voix, il n'avait pas eu le courage d'en faire autant avec Draco et s'était contenté de lui laisser une lettre. Quelques mots tremblants et froids couchés sur papier. Jamais il n'avait reçu de réponse du blond après ça, tout comme Harry n'avait pas non plus essayé de lui écrire. À quoi bon ? Draco avait probablement refait sa vie depuis le temps et le haïssait sûrement comme avant leur brève histoire.

Elles étaient loin les nuits entre ses bras, entre ses cuisses, la passion, les baisers et les soupirs de plaisir après ces années d'insultes et de provocations. Harry aurait pu l'aimer, c'était probablement déjà le cas. Mais il était parti sans se retourner... et Draco ne lui avait pas couru après. Pas qu'il lui en a laissé l'occasion, mais il aurait au moins pu essayer, le chercher.

Encore une fois, cinq ans après tout ça, Harry s'efforça d'en vouloir à Draco Malfoy. Mais, même s'il en avait encore la force, c'était une chose impossible pour lui. Harry l'aimait toujours, après tout. Et Draco était son seul regret. Le seul qui compte.

.xXx.

Le mardi de la semaine précédant le mariage, Harry, qui travaillait au bar comme tous les jeudis, avait demandé à Jerry, son patron, de terminer un peu plus tôt que d'habitude. En effet, le Portoloin qu'il avait réservé partait de l'aéroport de Vancouver à vingt-deux heures et il devait repasser chez lui pour prendre ses bagages, transplaner à l'aéroport et passer les formalités imposées aux sorciers pour tout voyage intercontinental. Il ne pouvait pas se permettre d'être en retard. Enfin si, il le pouvait, il le voulait, même. Mais s'il ratait ce Portoloin, il allait devoir attendre vingt-quatre heures pour en prendre un autre, ce qui lui donnerait vingt-quatre heures de plus pour changer d'avis. Et il ne pouvait pas faire ça à Ron.

Pourtant, il en crevait d'envie. Une grande part de lui espérait que quelque chose l'empêcherait de partir, comme un Portoloin défectueux, ou une malheureuse désartibulation entre chez lui et l'aéroport. Mais Harry avait toujours été un bon ami et il était hors de question que ça change.

Alors à vingt-heures trente, Harry raccrocha le petit tablier noir que portait les serveurs et enfila sa veste avant d'aller saluer Jerry et ses deux autre collègues, Ryan et Isabella.

"Tu sais, si c'était pour venir bosser une heure, tu pouvais rester chez toi, hein ?" Se moqua gentiment un jeune homme blond tout en essuyant un verre.

"Laisse-le tranquille, Ryan. Tu as tout ce qu'il te faut, mon garçon ?"

Harry sourit au propriétaire du bar et hocha la tête. Jerry avait toujours été sympa avec lui, presque paternel, même quand il cassait dix verres à la minute les premiers mois. Il avait rapidement compris que ce boulot, s'il n'en avait pas besoin pour vivre, était important pour Harry. Que c'était peut-être la seule chose qui le faisait se lever le matin. Il n'avait jamais vraiment posé de questions à ce sujet, mais il le savait rien qu'en observant les yeux verts et vides. C'est pour cela qu'il avait accepté d'embaucher ce petit anglais mal dégourdi alors qu'il avait déjà deux employés et pas suffisamment de clients. Ça et le fait que Harry avait déclaré ne pas vouloir de salaire. Il lui donnait un petit quelque chose, bien sûr, mais il était rapidement devenu clair que les heures passées là, entouré de ses collègues et des clients, étaient bien plus importantes que le salaire le plus élevé.

"Oui, merci Jerry. Je vais repasser chez moi rapidement et je file à l'aéroport."

"Ton avion est à quelle heure, déjà ?" Lui demanda Isabella en passant à côté de lui, un plateau rempli de verres à la main.

"Minuit. Le temps de faire la route et de passer les formalités, ça devrait largement le faire."

"Effectivement, mais ne traîne pas trop quand même. File, mon garçon. Et fais attention sur la route."

Harry hocha à nouveau la tête et salua tout le monde avant de quitter le bar pour les dix prochains jours, riant intérieurement en pensant qu'il ne pouvait pas lui arriver grand-chose pendant la demi-seconde que durerait le trajet jusqu'à l'aéroport. Mais il n'avait pas d'autre choix que de leur mentir, ou d'altérer un peu la vérité, puisque tous sans exceptions étaient des Moldus.

Il n'y avait aucun sorcier dans les environs et c'était plutôt rafraîchissant. Quand il avait débarqué ici après la guerre, c'est ce qui avait frappé Harry en premier. Personne ne le connaissait, personne ne savait ce qu'il s'était passé dans sa vie ces dernières années. Personne, aucun sorcier pour le juger, le plaindre ou l'acclamer comme en Angleterre. Et c'est ce qui lui plaisait le plus ici, l'anonymat. Bien sûr, ça demandait quelques ajustements dans sa vie de tous les jours, mais sa petite maison étant parfaitement isolée, il pouvait se servir de la magie chez lui comme bon lui semblait. Et les sorts qu'il avait jetés tout autour de la maison le prévenant de l'arrivée de tout visiteur, il avait peu de chances de se faire surprendre par un Moldu en pleine pratique de la magie. C'est d'ailleurs la situation de la maison qui avait attiré l'attention de Harry sur la petite annonce cinq ans auparavant.

Charmante maisonnette perdue au milieu des bois au Canada.

Après lecture et relecture des détails, il avait appelé le numéro de téléphone et, deux jours plus tard, il achetait la maison sans même l'avoir visitée à un couple de Moldus anglais fatigués de faire autant de trajet pour aller dans leur maison de vacances. Il avait toujours dit que c'était le destin qui l'avait poussé à lire la presse Britannique Moldue ce jour-là.

Après s'être enfoncé dans les bois, Harry regarda autour de lui et une fois certain que personne ne pouvait le voir, il transplana directement dans son salon. La pièce, comme tout le reste de la maison, n'était pas grande mais était chaleureuse avec la cheminée accolée au mur du fond, le lourd et moelleux canapé et l'épais tapis jeté sur le sol en bois. Harry aimait cette maison, il s'y sentait bien et en sécurité, comme dans un cocon qu'il avait toujours un peu de mal à quitter. Sans s'arrêter pour réfléchir, Harry fit rapidement le tour de chaque pièce pour s'assurer que tout était en ordre et verrouillé. Salon, cuisine, la porte de devant, celle de derrière, puis la salle de bain pour finir par les deux petites chambres. Il attrapa le sac de voyage posé sur son lit, glissa son passeport dans la poche de sa veste et, après un dernier coup d'œil autour de lui pour s'assurer qu'il n'avait rien oublié, il disparut dans un craquement sonore.

Harry arriva presque instantanément dans la zone de transplanage de l'aéroport de Vancouver et, immédiatement, son corps se crispa. Il était habitué à ne voir presque personne dans sa forêt et être confronté à la masse des voyageurs d'un seul coup comme ça, c'était violent pour lui. Mais il devait s'y réhabituer rapidement car il risquait de croiser beaucoup de monde pendant les dix prochains jours. Désormais habitué aux voyages intercontinentaux, Harry se fraya aisément un chemin parmi les voyageurs et mis à peine dix minutes à arriver au comptoir d'enregistrement.

Au cours des dernières années, le nombre de sorciers désirant voyager avait énormément augmenté devenant difficilement contrôlable et ce qu'il s'était passé dans le monde Moldu à peine deux ans auparavant avait fait peur aux autorités sorcières du monde entier. Si les Moldus ne pouvaient pas arrêter les terroristes malgré leur technologie, les sorciers, malgré leurs sorts, n'en était pas forcément capables non plus. Tous s'étaient mis à craindre l'attaque d'un nouveau Mage Noir venant de l'étranger, arrivant clandestinement sur leur territoire pour terroriser le monde. Alors après des mois de concertation, les différents Ministres de la Magie avaient annoncé de nouvelles mesures de contrôles aux frontières. Afin de réguler les entrées et les sorties, il n'était plus possible d'emprunter un Portoloin personnel pour aller à l'étranger. Il fallait désormais réserver un Portoloin, partagé ou privatif, au départ d'un aéroport, d'un port ou d'une gare et passer les formalités grâce à un passeport magique. Ces nouvelles mesures avaient tout d'abord provoqué l'indignation de toute la communauté sorcière qui s'était sentie contrôlée, surveillée puis, comme toujours, ils étaient passé à autre chose et avaient adopté cette nouvelle façon de voyager.

Il lui fallut une bonne demi-heure pour passer les formalités, remplir le formulaire obligatoire, présenter son passeport, puis sa baguette et répondre à quelques questions, mais quand il arriva dans la zone de transit réservée aux sorciers, il restait à Harry un moment à attendre avant de prendre son Portoloin. Le jeune homme déambula dans les boutiques, acheta un magazine pour passer le temps, quelques cadeaux pour Teddy et ses amis, puis alla s'installer dans un des restaurants pour un rapide dîner. L'inconvénient avec les voyages en Portoloin, c'est qu'ils ne tiennent pas compte du décalage horaire. Ainsi, quand il partirait à vingt-deux heures ici, il serait six heures du matin quand il arriverait en Angleterre. Au moins en avion, on peut dormir pour s'adapter au nouvel horaire. Du coup Harry, qui avait réservé un hôtel pour toute la durée de son séjour, avait prévu d'y dormir quelques heures avant de rejoindre le Terrier car il savait que s'il allait directement chez les Weasley en arrivant, il ne pourrait pas se reposer de la journée. Et il avait besoin de dormir pour affronter les embrassades et, surtout, les remontrances de sa famille d'adoption. Il y en avait toujours.

Ainsi, près de deux heures plus tard, Harry s'effondra sur le lit moelleux de sa chambre d'hôtel et ferma les yeux, accueillant les ténèbres réconfortantes du sommeil.

.xXx.

"À quelle heure arrive Harry ?"

"Il sera probablement là pour le déjeuner, il n'a rien dit à ce sujet dans sa lettre."

Molly Weasley pinça les lèvres en une moue désapprobatrice. "Je vois. Il aurait pu le préciser, comment suis-je sensée savoir si je dois lui préparer à manger, moi ?"

"Maman, avec ce que mange Harry, ça ne fera aucune différence. S'il n'est pas là, Ron mangera sa part." Se moqua George en donnant la dernière cuillérée de compote à Fred Junior.

"Hey !"

Tout le monde dans la pièce éclata de rire et le plus jeune des fils Weasley se renfrogna.

"Ne boude pas, mon cœur. Tu ne voudrais pas que Harry fasse demi-tour en te voyant, si ?"

Ron couina, scandalisé par une nouvelle vague d'hilarité. "Vous êtes horribles. Tu es horrible, Blaise. Je ne sais même pas pourquoi je t'épouse !"

"Parce que tu m'aimes et que je suis un amant fantastique."

"Hey, il y a des oreilles innocentes, ici !" S'exclama George en désignant son fils, un sourire goguenard sur le visage.

"Et ici aussi." Renchérit Molly en se désignant elle-même.

Un nouvel éclat de rire retentit et ils faillirent ne pas entendre les légers coups donnés sur la porte d'entrée. Heureusement, Ginny se tenait près de celle-ci et alla ouvrir sous les yeux de sa famille.

"Harry ! On parlait justement de toi ! Viens, entre."

À l'instant où le brun posa un pied dans la maison, une marée rousse lui sauta dessus. Il salua les Weasley présents les uns après les autres, embrassant Molly, Ginny et Angelina, la femme de George, sur les deux joues et enlaçant étroitement Arthur, George, Ron, puis Blaise qui était resté en retrait. En bon Serpentard, le jeune homme comprenait la notion d'espace personnel qui semblait totalement inconnue aux Weasley.

"Salut, Harry. Tu as fait bon voyage ?" Demanda le jeune homme avec un sourire poli.

Il n'avait jamais été aussi chaleureux que les Weasley, ou pas avec lui en tout cas. Il gardait ses distances et Harry s'était toujours demandé pourquoi. Il avait deux hypothèses, cependant. La première était qu'il reprochait à Harry son absence dans la vie de Ron qui faisait certainement souffrir son fiancé, la seconde était qu'il était au courant de son histoire avec Malfoy et lui en voulait. Dans les deux cas, il avait raison et Harry se gardait bien de lui faire une quelconque remarque. Mais, à cause de ça, il appréhendait encore plus les retrouvailles avec Malfoy. Si Blaise lui en voulait encore, alors qu'en était-il du blond ?

"Oui, merci Blaise. J'ai toujours autant de mal à me remettre du décalage horaire, mais ça va."

Molly le tira dans une étreinte d'ourse. "Mon pauvre chéri ! Tu devrais monter te reposer le temps que je prépare le déjeuner. J'enverrais Ron te chercher."

"Tout va bien Molly. En fait, je suis arrivé tôt ce matin et j'ai dormi un peu à l'hôtel avant de venir. Je voulais être en forme pour passer l'après-midi avec tout le monde."

"Oh, c'est adorable de ta part. Mais n'hésite pas à monter au calme si tu te sens fatigué. Et ne laisse pas ces idiots t'entraîner dans un match de Quidditch jusqu'à la tombée de la nuit."

"Maman, qui est-ce que tu traites d'idiots, exactement ?"

"Hey ! Mère indigne !"

Harry se mit à rire en même temps que tout le monde. Malgré ses réticences, il était heureux d'être là, avec ceux qu'il considérait comme sa famille.

En attendant le déjeuner, ils s'installèrent dans le salon, discutant tranquillement alors que Fred Junior babillait sur les genoux de son père.

"Alors Harry," demanda George tandis que le brun s'extasiait de voir à quel point le bébé avait grandi depuis qu'il l'avait vu à Noël, "comment vont les caribous ?"

"Les caribous se portent bien. Ils s'acharnent toujours à détruire mon jardin, mais ça va."

"Ça ne m'étonne pas d'eux, tient. Sales bêtes !" Gloussa le jeune père de famille. "Et toi ? Tu travailles toujours dans ce bar... comment c'était déjà ?"

"Le Trapper's. Et oui, j'y travaille toujours. Tant que Jerry voudra de moi, je m'emploierais à détruire tous ses verres."

"Harry ! Est-ce que tu pourrais passer à la maison, demain soir ? J'aimerais qu'on voie deux ou trois choses ensemble pour le mariage."

Harry hocha la tête. "Oui, bien sûr Ron. Dix-huit heures, ça ira ? Je passe l'après-midi chez Andromeda demain, je viendrais directement."

"Parfait. Ensuite on dînera tous ensemble. Blaise va nous préparer ses fameux Tortellinis au Pesto."

Une clameur d'appréciation résonna dans le salon. Ce plat devait être particulièrement bon si même les Weasley, qui avaient été nourris par Molly toute leur vie, réagissaient comme ça.

"Super. J'apporterais le vin."

Quand ils passèrent à table, les discussions passèrent du mariage à Harry inlassablement puis, Molly avait raison, le brun fut entraîné dans un match de Quidditch qui, s'il ne dura pas jusqu'à la tombée de la nuit, le laissa totalement épuisé. Quand il annonça un peu avant six heures du soir, qu'il ne resterait pas pour dîner tout le monde tenta de l'en dissuader, mais il promit à Molly et Arthur de repasser rapidement les voir et put s'échapper du Terrier pour transplaner à Londres et rejoindre le calme de sa chambre d'hôtel.

Il aimait les Weasley et il aimait passer du temps avec eux, mais après des mois passés seul dans sa forêt, ne voyant que ses collègues et les quelques clients du bar trois jours par semaine, Harry avait du mal à se réadapter à la vie en société. Tout ce bruit, ces discussions, ces rires, le besoin constant d'attention... il était épuisé et avait besoin de se retrouver seul. Quand il revenait, les premiers jours étaient toujours un peu compliqués mais, généralement, il finissait par s'y faire et passait systématiquement de bons moments avec ses amis. Mais cette fois-ci, il savait que ça allait être différent et qu'il devait se préserver. Parce que Ron se mariait alors que lui avait l'impression de stagner, de ne pas avoir de futur ; parce qu'il allait revoir tous leurs amis et se rendre compte, là aussi, qu'il avait laissé le monde évoluer sans lui ; et, surtout, parce qu'il allait revoir Draco et que ça le terrifiait plus qu'il ne voulait bien se l'avouer.

C'est avec cette pensée et le visage du blond en tête qu'il s'endormit enfin.

.xXx.

Sa seconde journée en Angleterre, Harry la passa avec son filleul, Teddy chez sa grand-mère, Andromeda Tonks. Il avait toujours beaucoup aimé la mère de Tonks qui élevait son petit-fils avec une bienveillance teintée de fermeté et avait toujours accueilli Harry les bras ouverts, sans jamais le blâmer pour son absence dans la vie de Teddy. Et pourtant elle aurait pu, car depuis la fin de la guerre et son départ, Harry n'avait vu le petit garçon qu'une fois par an environ. Mais si la grand-mère ne lui en voulait pas, le petit-fils, lui, faisait bien sentir à son parrain qu'il n'appréciait pas son absence. Du haut de ses cinq ans, Teddy avait déjà un caractère qui aurait fait rougir sa mère et il ne se priva pas pour envoyer des piques à Harry tout au long de l'après-midi qu'ils passèrent ensemble.

Ça avait commencé quand Harry lui avait offert la peluche en forme de caribou qu'il avait achetée à l'aéroport, le petit garçon s'était empressé de lui faire remarquer qu'il avait désormais cinq ans et qu'à cinq ans, on ne joue plus avec les peluches. Bien sûr, il l'avait tout de même câlinée longuement alors qu'il se pensait seul et l'avait installée avec soin parmi la dizaine de peluches et doudous qui peuplaient son lit. Puis, quand Harry s'émerveilla de le voir préparer des crêpes avec sa grand-mère, il n'hésita à lui dire que c'était normal, qu'il était grand maintenant et que Harry le saurait s'il venait plus souvent.

Ces remarques, bien que mêlées dans un océan de câlins et de rires, avaient blessé Harry. Il savait qu'il vivait loin et que son absence blessait ses proches, il savait aussi qu'il avait fait un choix voilà cinq ans et que, sans ce choix, il ne serait probablement plus là pour offrir des peluches ridicules à son filleul une fois par an. Mais à chaque fois qu'il revenait, il était confronté à ce choix et à ses conséquences et si les reproches de ses amis l'agaçaient maintenant plus qu'autre chose, ceux de Teddy le peinaient énormément. Pour ce qui semblait être la première fois depuis son départ, Harry se rendait compte que Teddy souffrait réellement de son absence et qu'il en avait fait une victime collatérale.

Les mots rassurants d'Andromeda et le dernier câlin de Teddy ne suffirent pas à lui faire oublier cette sensation et c'est le cœur gros qu'il arriva chez Ron et Blaise un peu après dix-huit heures.

La table était dressée dans la salle à manger et plusieurs personnes étaient installées dans le salon, discutant et riant, des verres à la main. Harry salua tout le monde, ravi de revoir Neville, Luna, Dean et Seamus, mais également Pansy Parkinson et Théodore Nott. Il enlaça longuement Hermione qui essuya une larme au coin de son œil en se dégageant, comme elle le faisait toujours quand ils se revoyaient pour la première fois après de longs mois séparés et s'il remarqua le regard attendri et plein de nostalgie de Pansy rivé sur sa meilleure amie, il ne fit aucun commentaire et se contenta d'accepter le verre tendu par Ron.

Mais alors même que Harry commençait tout juste à se détendre et à discuter avec ses amis, la sonnette de la porte retenti une nouvelle fois et le dernier invité entra. Le souffle de Harry se bloqua dans sa poitrine quand son regard se posa sur la chevelure blonde du nouvel arrivant, une vague de nausée l'envahi et ses oreilles se mirent à bourdonner.

"Tiens, Draco est là ! Je croyais qu'il ne devait arriver que demain ?" Entendit-il Neville demander à Ron.

"C'est ce que je croyais aussi. Blaise ne m'a rien dit de plus, mais vu sa tête, il n'était pas au courant."

En effet, le visage de Blaise était barré d'un immense sourire quand il prit son ami dans ses bras à peine la porte d'entrée fermée derrière lui. Draco lui donna de grandes tapes dans le dos en riant et Harry regarda ses lèvres remuer tandis qu'il parlait à Blaise. Même après cinq ans, il se souvenait encore de leur goût et cette réalisation lui fit fermer les yeux un instant. Il devait se contrôler. Dans quelques instants, Draco et lui allaient se retrouver face à face pour la première fois depuis son départ et la dernière chose à faire était de penser à ses lèvres. Il avait beau s'être préparé mentalement ces dernières semaines, il redoutait cet instant et ce qui en découlerait. À vrai dire, il aurait de la chance si le blond ne lui jetait pas son verre à la figure.

Draco salua tout le monde aussi chaleureusement qu'il l'avait fait avec Blaise, prouvant qu'il était relativement proche de chacun d'eux, à la grande surprise de Harry. Pourtant, aucun ne parlaient jamais de Malfoy quand Harry revenait en Angleterre. Peut-être parce que lui n'était pas censé avoir de relation avec le blond et qu'ils ne le pensaient pas intéressé.

"Bonjour Potter."

Harry sursauta presque quand le blond s'adressa à lui, la main tendue.

"Oh, euh... bonjour Malfoy. Ça fait un bail." Idiot.

"Ouais. Cinq ans."

Le regard indéchiffrable de Draco perturba légèrement Harry qui lui serra machinalement la main. Que ressentait-il à cet instant ? Colère ? Tristesse ? Surprise ou douleur ? Harry, lui, ressentait tout ça et plus encore, mais il se cala sur l'attitude du blond et ne laissa rien paraître. S'il voulait faire comme si rien ne s'était passé, il respecterait ça et ferait de même. Dans un sens, ça simplifiait beaucoup de choses.

"Tiens Draco, prends un verre. Alors, tu as abandonné mon frère un jour plus tôt ?"

"Merci. Oui, j'ai décidé de faire une surprise à Blaise en arrivant aujourd'hui. C'était son idée, en fait, il voulait sûrement me chasser pour faire des cochonneries avec quelqu'un d'autre."

Tout le monde éclata de rire, laissant Harry s'interroger en silence. De quoi est-ce qu'ils parlaient ? Le frère de Ron ? Qu'avait-il à faire avec ses frères ? Et puis lequel ? Il en avait quatre ! Le cerveau tournant à plein régime, il failli manquer le reste de la conversation qui lui apporta pourtant la réponse dont il avait besoin.

"Non mais franchement, c'est louche cette histoire." Commença Neville en sirotant son verre. "D'abord Ron et Blaise, puis Charlie et Draco... il se passe vraiment un truc entre les frères Weasley et les Serpentard ! On parie combien que l'été prochain, c'est à votre mariage à vous qu'on assistera ?"

Tout le monde éclata de rire sauf Harry dont les oreilles avaient recommencé à bourdonner. Pendant toutes ces années, Harry s'était demandé si le blond avait refait sa vie, s'il l'avait oublié dans les bras d'un autre homme, ou s'il l'attendait désespérément. Visiblement, Harry était le seul dont le cœur brisé paraissait irréparable. Il aurait voulu être soulagé, être heureux de savoir Draco en couple, amoureux, mais il se sentait simplement horriblement mal et triste au point d'en avoir mal au cœur. Littéralement.

Cette fois-ci, il laissa les conversations couler sur lui, ne réagissant que par des hochements de tête mécaniques, des sourires par-ci par-là ou encore de petits rires pour imiter les autres. Rapidement, il perdit le fil et il lui fallut un long moment pour s'impliquer réellement dans une conversation avec Hermione, Neville et Luna. Il avait beau les voir à chaque fois qu'il revenait, il était toujours aussi déboussolé de voir à quel point leurs vies évoluaient entre chaque visite. Vie de couple, ruptures, études, travail... certains en étaient même à parler bébés !

Et lui pendant ce temps, il vivait toujours de l'autre côté de l'Atlantique, dans sa cabane au fond des bois, seul sauf pendant quelques heures quand il travaillait au bar. Pas de petit ami à présenter, pas de grande nouvelle à annoncer, aucun changement. Et si ça lui convenait parfaitement en général, c'était plus difficile à accepter une fois entouré par toutes ces personnes qui évoluaient, dont la vie n'était pas statique et immuable comme la sienne. Il ne se sentait pas rabaissé ou comme un moins que rien, juste... déboussolé. Comme s'il était resté sur le quai tandis que tous ses amis montaient dans le Poudlard Express pour continuer leur vie sans lui.

Bien sûr, c'est exactement ce qu'il voulait en partant. S'éloigner, mener sa propre vie, les laisser évoluer sans lui, sans ses démons. Et pourtant...

À cet instant, le vide qu'il ressentait depuis tant d'années, depuis la fin de la guerre, lui parut encore plus grand, encore plus vide. Comme un trou noir dans sa poitrine engloutissant absolument tout ce qui restait encore de lui et de ses espoirs. Inconsciemment, il s'était raccroché au maigre espoir qu'un jour peut-être, Draco et lui se retrouveraient et reprendraient là où ils s'étaient arrêtés, qu'enfin il pourrait se sentir vivant dans ses bras pour la première fois depuis son départ cinq ans plus tôt. Alors réaliser que cela n'arriverait jamais, même si ç'avait toujours été logique dans un sens, lui donnait l'impression de couler, de se noyer, de perdre le combat qu'il avait toujours mené contre lui-même.

"Harry ?"

Le brun sursauta quand Hermione l'appela un peu plus tard dans la soirée alors qu'il était sur le balcon, une cigarette éteinte entre les doigts. Il ne fumait pas, mais il avait pris l'habitude de s'en servir comme excuse pour s'échapper quand les réunions de ce type devenaient trop pour lui. Il regarda la jeune femme fermer la baie vitrée derrière elle en souriant.

"Salut."

"Tu es là depuis un moment. Est-ce que ça va ?"

"Ouais. Désolé, j'étais dans mes pensées."

"Je vois ça, tu ne l'as même pas allumée."

Il baissa les yeux sur la cigarette et soupira.

"Je sais. J'essaie d'arrêter, donc..."

"C'est vrai que fumer une cigarette éteinte, ça doit être plutôt efficace."

"Il paraît que c'est le geste, qui est important."

Hermione l'observa un moment, avant de hocher la tête.

"Je comprends, tu sais ? Tu as juste besoin d'être seul, de temps en temps. Ça ne doit pas être évident de passer de la forêt quasiment vide à... ça." Dit-elle en désignant l'intérieur de l'appartement où la bande d'amis jouait à un jeu de mimes dont il n'avait pas vraiment compris les règles.

"Ouais. C'est clair que c'est un peu intense. Je ne suis plus vraiment habitué."

"C'est bien que tu sois là malgré tout. C'était important pour Ron que son meilleur ami soit son témoin."

"Je sais. Je ne pouvais pas louper ça."

"Mais tu y as pensé, n'est-ce pas ?"

Il connaissait suffisamment Hermione pour savoir qu'il était inutile de nier. "Ouais. J'ai failli faire demi-tour un bon paquet de fois. Mais c'est Ron, alors... quand tu te marieras toi aussi, je viendrais également."

D'une façon ou d'une autre, cette phrase sonnait faux. Pourtant, il ne mentait pas, il lui était inconcevable de ne pas voir Hermione marcher jusqu'à l'autel alors qu'il était là pour Ron. C'était autre chose, comme une certitude viscérale que si ça devait arriver un jour, lui ne serait pas en mesure de respecter cette promesse.

"Merci Harry, mais je ne suis pas persuadée que tu auras ce plaisir."

"Pourquoi ?"

"Je n'en sais rien. Je crois juste que le mariage, ce n'est pas vraiment fait pour moi."

Il garda le silence un moment, cherchant une façon de la rassurer, mais il réalisa rapidement qu'elle n'avait pas besoin d'être rassurée, loin de là.

"Je comprends. Je sais à quel point tout le monde... la société, peut mettre la pression pour ce genre de chose, alors il ne faut pas que tu les laisses faire. Si c'est ce que tu ressens, si c'est ta décision, tu en as tous les droits. Et si, au final, tu rencontres la personne qui te fera changer d'avis sur ce point, qui te donnera envie de te marier, alors tant mieux. Ou tant pis, d'ailleurs."

Hermione gloussa, puis son regard bifurqua vers le salon illuminé derrière la baie vitrée.

"Je pensais avoir trouvé cette personne. Je pensais... mais ça n'a pas marché. Ce n'était sans doute pas censé arriver, de toute façon."

"Est-ce que tu parles de Parkinson ?"

Elle n'eut même pas la décence de paraître surprise. "Oui. C'est si évident, hein ?"

"Un peu, oui. Quand on prend le temps de vous observer, en tout cas. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

"On est sorti ensemble quelques temps. J'étais bien avec elle, mais... disons que nos avis et nos désirs divergent pas mal sur certains points."

"Des divergences impossibles à surmonter ?"

"Pas forcément. Elle n'a juste pas voulu essayer aussi fort que moi. Mais ce n'est pas grave, si nous deux ça doit se faire un jour, je ne m'inquiète pas, ça arrivera. Sinon, il y a beaucoup de poissons dans l'océan, pas vrai ?"

"Effectivement. Mais... si tu penses que c'est la bonne, que tu l'aimes, si tu rêves d'elle toutes les nuits et que penser à elle est douloureux parce qu'elle n'est pas à tes côtés, bats-toi pour elle. Sinon, tu auras des regrets jusqu'à la fin de ta vie."

Elle observa Harry pendant de longues secondes avant de murmurer. "Qui t'as brisé le cœur, Harry ?"

"Personne. Je crois que je me le suis brisé moi-même." Harry soupira, leva les yeux vers le ciel étoilé et glissa sa cigarette dans la poche de son pantalon. On ne sait jamais, elle pourrait très bien servir un peu plus tard. "Je suis désolé de ne pas être là plus souvent, tu sais ? Pour toi, pour Ron... pour tout le monde. Je réalise que je manque énormément de choses et que tout le monde, tous mes amis évoluent, changent, avancent sans moi. C'était mon choix, et je l'assume, mais..."

"C'est parfois lourd à porter."

"Ouais. Et puis je me sens toujours un peu perdu quand je reviens. Tant de choses ont changées depuis la dernière fois, j'ai l'impression d'être en dehors de tout ça, d'être un inconnu. Regarde, même le truc entre Charlie et Malfoy... ils sont ensemble depuis quand ?"

"Un peu plus d'un an, je crois. Ouais, c'était à Noël. Pas le dernier, celui d'avant. Ils se sont rencontrés en Roumanie, Draco était parti faire un tour d'Europe pendant quelques mois après la guerre et il a voulu visiter la réserve où travaille Charlie. Ils ont accroché, ils se sont plu et ils ont un peu flirté, je pense. Draco y est resté quelques mois avant de repartir. Ensuite, ils se sont revus au Terrier à Noël. Celui encore avant. Ron et Blaise étaient ensemble depuis peu et Narcissa venait de mourir, donc Draco était tout seul, alors Molly l'a invité. Tu n'as pas pu venir cette année-là, tu te rappelles ?"

"Ouais." Il s'en souvenait parfaitement. Il était prévu qu'il revienne au Terrier pour y passer Noël avec les Weasley cette année-là, mais il avait changé d'avis au dernier moment, ne se sentant pas capable de voir tout le monde en cette période de fêtes. Ça lui avait semblé être la bonne décision à l'époque, mais apprendre qu'il aurait pu revoir Draco s'il était venu le fit douter de ses propres choix. Ç'aurait probablement été étrange et douloureux et il serait certainement reparti plus tôt que prévu pour l'éviter, mais... il n'était pas encore avec Charlie à l'époque, alors peut-être aurait-il eu une chance.

Harry secoua la tête pour chasser ses pensées et se reconcentrer sur ce que lui racontait Hermione. Se voiler la face ne changerait rien ni au passé, ni au futur et, de toute façon, il ne vivait plus ici alors ç'aurait été impossible entre eux.

"Du coup, ils se sont revus et... enfin tu vois quoi." Son petit gloussement fut comme un coup de poignard dans le trou béant qui remplaçait le cœur de Harry dans sa poitrine. "Mais Charlie a dû repartir en Roumanie et Draco travaillait au Ministère, donc ils se sont séparés de nouveau. Ce n'est qu'au Noël suivant il y a un an et demi qu'ils se sont de nouveau revus, encore au Terrier. Sauf que cette fois-ci, Draco a décidé de suivre Charlie en Roumanie pour voir s'ils avaient une chance et a priori ça a fonctionné parce qu'il est resté là-bas avec lui. Ils sont tellement adorables tous les deux, tu verras. Draco a vraiment changé, tu sais ?"

"Oui. Enfin, j'imagine qu'il a changé si vous êtes si proches de lui."

"Tu devrais lui parler, je suis sûre que vous vous entendriez. Tout ce qu'il s'est passé à Poudlard et pendant la guerre... c'est loin maintenant, nous ne sommes plus des enfants."

"C'est vrai. Je le ferais peut-être."

"En même temps tu n'as pas vraiment le choix, puisqu'il est le témoin de Blaise. Vous allez devoir organiser leur enterrement de vie de garçon ensemble, entre autres choses."

"Génial." Harry soupira, réalisant qu'elle avait raison et qu'effectivement, il allait devoir passer beaucoup de temps avec le blond dans les prochains jours.

Plus tard cette nuit-là, quand il se glissa enfin dans son lit à l'hôtel, Harry réalisa encore une chose. Alors que Harry avait voulu protéger Draco en partant et en ne lui imposant pas de le suivre, le blond avait fait exactement ça en suivant Charlie en Roumanie. Il n'avait pas hésité à tout abandonner en quittant le Royaume-Uni pour rejoindre un homme avec qui il ne sortait même pas officiellement. Pour la première fois, Harry regretta de ne pas lui avoir proposer de le suivre voilà cinq ans, parce que s'il l'avait fait pour Charlie, peut-être alors aurait-il suivi Harry et peut-être vivraient-ils heureux ensemble, seuls au fond des bois.

.xXx.

Pendant la semaine qui suivi, Harry évita autant que possible de se retrouver seul avec Draco, puisqu'il ne pouvait pas vraiment l'éviter tout court mais les fois où ils ne pouvaient pas faire autrement, l'ambiance était étrange. Dans un sens, Harry avait l'impression que Draco l'ignorait ou, en tout cas, ne désirait pas parler de leur histoire et il s'y plia bien volontiers.

Pourtant, être aussi proche de lui jour après jour sans pouvoir rien faire, sans pouvoir le toucher ou réellement lui parler était douloureux pour le brun.

Mais ce n'était rien comparé à ce qu'il ressentit quand, à une semaine du mariage et alors qu'ils étaient tous attablés au Terrier pour le déjeuner, Charlie Weasley poussa la porte, un grand sourire aux lèvres. Les cris de joie qui résonnèrent alors faillirent rendre Harry sourd, mais ça ne l'empêcha pas de voir Draco se jeter dans les bras du rouquin et de l'embrasser en riant.

Bien entendu, Harry se mêla aux autres pour saluer le nouveau venu et afficha un sourire de circonstance, mais le cœur n'y était pas. Il avait beau être au courant, désormais, que les deux sortaient ensemble, le voir était une tout autre affaire. Une affaire pénible et douloureuse qui approfondissait le vide en lui et faisait craquer ses os.

Il dû rester là pendant des heures à les regarder se dévorer des yeux, les mains liées sous la table, des pensées d'intimité sans doute plein la tête. Il serait bien rentré à l'hôtel pour échapper à tout ça, mais ils devaient finaliser l'organisation de la soirée d'enterrement de vie de garçon qui devait avoir lieu le lendemain et il ne pouvait disparaître comme ça. Même si ce n'est pas l'envie qui lui manquait.

Ça lui permis aussi de se rendre compte qu'ils semblaient très amoureux. La façon dont Charlie regardait le blond, les yeux pleins d'amour, de reconnaissance et de révérence, était presque aveuglante pour Harry qui dû détourner le regard à plusieurs reprises. Draco, lui, n'avait d'yeux que pour son dragonnier et son sourire heureux, rêveur et serein était lui aussi une bonne indication de ses sentiments.

Harry dû se faire violence pour ne pas expédier leur réunion avec les autres témoins et pour participer du mieux qu'il pouvait, mais c'est avec soulagement qu'il transplana enfin à son hôtel, les laissant monter dans leur chambre au Terrier pour faire Merlin seul savait quoi.

Non, c'était faux, Harry savait très bien ce qu'ils allaient faire une fois seuls. Le langage corporel des deux hommes et, surtout, de Draco qu'il connaissait bien, ne laissait aucune place au doute et Harry n'avait aucune difficulté à l'imaginer. Cette nuit-là, les images fabriquées se mêlèrent aisément à ses souvenirs et Harry ne ferma pas l'œil. Parfois, les rêves pouvaient être bien pire que les souvenirs.

.xXx.

La fête battait son plein dans le bar où la soirée était organisée. Les futurs mariés étaient arrivés sous les applaudissements et les hourras de leurs amis réunis pour célébrer leurs derniers instants avant le mariage et, depuis, l'alcool coulait à flot et la musique, assourdissante, résonnait dans les haut-parleurs.

Comme toujours, Harry ne tint pas plus de deux heures avant de ressentir le besoin de s'isoler. Il aurait pu sortir bien plus tôt, mais il s'était retrouvé coincé dans une discussion mouvementée entre Hermione et Pansy et n'avait pas osé bouger avant que l'une d'elles ne s'en aille. Il était dehors, sur la terrasse du bar depuis vingt bonnes minutes quand il entendit la porte s'ouvrir et des pas s'approcher. Impossible de dire comment il devina qui c'était. Son odeur ? Sa façon de marcher ? Ou son aura, peut-être. En tout cas, Harry n'eut pas besoin de tourner la tête vers lui quand Draco s'assit à ses côtés sur le banc.

"Je ne savais pas que tu fumais."

"Je ne fumes pas." Dit Harry en montrant la cigarette éteinte.

"Je vois. Pas mal l'astuce pour rester tranquille un moment. J'aurais dû y penser."

"Pourquoi ? Besoin de prendre tes distances ?"

"Non. Si, un peu. Parfois. Disons que les Weasley et tous vos amis peuvent être parfois..."

"Étouffants ?"

"Entreprenants. Je ne m'attendais pas à te voir ici. Pour le mariage, je veux dire."

"C'est Ron. Je ne pouvais pas dire non."

"Ça n'aurait pas étonné grand monde à vrai dire. Tu loupes tellement de choses."

"Je sais. Je suis désolé."

"Tu es désolé pour eux... ou pour moi ?"

"Les deux ?"

"Au moins, tu leur as dit au revoir, à eux."

Ça y était. Ils allaient enfin avoir cette discussion qu'il redoutait depuis tellement d'années.

"Draco..."

"Je t'en veux toujours, Harry. Je t'en veux tellement... Tu m'as brisé, en partant. Je sais que ça ne faisait que deux mois et qu'on n'était pas un couple ou quoi que ce soit, mais... tu m'as brisé le cœur. Est-ce que tu te servais juste de moi ? De mon corps ?"

"Non ! Bien sûr que non ! J'étais... j'étais dingue de toi, j'étais en train de tomber amoureux et te quitter a été la chose la plus dure que j'ai faite de toute ma vie."

"Enfoiré. Je n'en reviens pas que tu me dises un truc pareil maintenant, après cinq ans. Enfoiré." La voix brisée du blond s'insinua dans les veines de Harry, les glaçant encore un peu plus.

"Je sais. Je suis horrible d'être parti comme ça et de ne pas avoir eu le courage de te parler. J'aurais dû le faire, te proposer de partir avec moi, mais... j'avais l'impression que j'aurais gâché ta vie en faisant ça. J'étais en train de sombrer, Draco, et il était hors de question que j'entraîne qui que ce soit avec moi. Surtout pas toi, tu méritais bien mieux. Charlie est quelqu'un de bien, de génial. C'est lui que tu mérites. Depuis le début."

"Ça n'enlève rien au fait que tu m'as brisé le cœur et que je t'en veux. Je t'en voudrais probablement toute ma vie. Je sais qu'il n'y avait rien de sérieux à ce moment-là et que tu ne m'avais rien promis, mais quand tu es parti... personne n'était au courant pour nous, alors je me suis retrouvé tout seul avec mes larmes et personne à qui en parler. C'est pour ça que je suis parti, parce que je ne me suis jamais senti aussi seul de toute ma vie et que j'avais besoin de la remplir d'autre chose que tes souvenirs. Dans un sens, j'imagine que c'est grâce à toi si j'ai rencontré Charlie et peut-être que je devrais te remercier pour ça, mais pour le moment, je n'y arrive pas. Désolé."

"Tu n'as pas à me remercier, Draco. Ni à t'excuser."

"Ce n'était pas le cas. C'était juste une façon de parler."

Un long silence s'en suivit. Harry n'était pas sûr de ce qu'il devrait ajouter, ou même s'il devrait ajouter quoi que ce soit, d'ailleurs. Il ne valait probablement mieux pas.

"Est-ce que tu es heureux, Harry ?" Demanda finalement le blond après de longues minutes. "Est-ce que vivre là-bas seul, loin de tous tes amis, te rend heureux ?"

"Je ne vis pas, Draco. Je survis depuis cinq ans, ni plus ni moins."

"Alors pourquoi être parti ?"

"Parce que si j'étais resté, je ne ferais plus ni l'un ni l'autre depuis longtemps."

"Tu... Tu avais l'air d'aller plutôt bien, à ce moment-là pourtant. Je pensais que tu allais bien. Qu'est-ce qui a changé ?"

"Rien. Sans toi, je serais sans doute parti deux mois plus tôt, c'est tout."

"Donc tu savais déjà que tu allais partir quand on-" La porte du bar s'ouvrit et deux femmes ivres en sortirent avant de s'éloigner en gloussant, mais Draco ne termina pas sa phrase.

"Non, je ne le savais pas. Je n'ai rien prémédité, absolument rien. Je savais que quelque chose n'allait pas, que j'avais besoin... d'autre chose, mais j'ignorais quoi. Quand on a commencé à... se fréquenter, j'ai cru que c'était de ça dont j'avais besoin. De toi. Mais après deux mois..."

"Je n'étais pas suffisant."

Harry aurait aimé le contredire, lui dire que si, qu'il était plus que suffisant, mais il ne le pu pas. Il ne pouvait pas lui mentir à ce sujet après toutes ces années.

"La fuite non plus n'était pas suffisante, si tu veux tout savoir. Franchement, je doute que quoi que ce soit le soit un jour. Même à des milliers de kilomètres je me sens... vide. Tu m'as aidé, il y a cinq ans. Ça a été la première fois en très longtemps où je me suis senti un tant soit peu vivant. Dans tes bras. Et depuis, ça n'est plus jamais arrivé. Peu importe avec qui ou combien de fois j'ai essayé, ce n'est jamais suffisant. Je ne retrouve jamais cette sensation de respirer de nouveau comme je l'ai eu avec toi."

"Alors... si je te permettais de respirer, de revivre, pourquoi être parti ? Pourquoi ne pas m'avoir parlé ou proposé de te suivre ?"

"Je te l'ai dit, je ne voulais pas t'imposer quoi que ce soit. Fuir, changer de vie, s'isoler en plein milieu de la forêt... ce n'est pas ce que tu voulais dans la vie."

"Oui, et à la place, quand tu es parti, j'ai fui le Royaume-Uni, j'ai changé de vie pour aller m'installer au beau milieu des forêts roumaines avec Charlie. Effectivement, ce n'était pas pour moi ce genre de vie, hein ? Parfois, on ne sait pas ce qu'on veut avant d'y être confronté. Tu as juste pris cette décision pour moi, Harry, alors que tu aurais dû m'en parler." Draco éleva la voix légèrement puis, s'en rendant compte, pris une grande inspiration pour se calmer. "Est-ce que tu regrettes, au moins ?"

"Tous les jours. Puis, je réalise que si tu m'avais suivi, je t'aurais probablement détruit depuis longtemps déjà."

"Ou alors tu irais bien, maintenant, et on serait heureux."

Harry l'observa longuement avant de sourire tristement. S'imaginer aller bien avec Draco était un beau rêve mais, au fond de lui, il savait que rien, pas même Draco, ne l'aurait sauvé.

"Je suis mort, Draco. Ça fait plus de cinq ans, maintenant. On ne ressuscite pas un mort. Pas complètement." Profitant du silence du blond, Harry se leva et commença à s'éloigner. "Est-ce que tu peux gérer la fin de la soirée et dire à Ron que je suis parti ? Je suis vraiment crevé."

Draco mis quelques secondes à réagir avant de se lever à son tour pour le suivre.

"Attends ! Tu..." Harry s'arrêta, se tourna vers lui et attendit. Quoi qu'il eût à lui dire, ça ne changerait rien à la situation. "Tu vas venir au mariage, hein ? Tu ne pars pas complètement, pas vrai ?"

"Non, je ne peux pas faire ça à Ron. Ne t'en fait pas."

"Ce n'est pas-" Il souffla et Harry suivit du regard la main qu'il passa dans ses cheveux. "Tu rends les choses tellement compliquées."

"Comment ça ?"

"Toi, t'entendre me dire tout ça, te voir... je voulais juste te détester jusqu'à la fin de mes jours et tu me rends la tâche tellement compliquée."

"Je comprends que tu me détestes, que tu m'en veuilles. Tu en as tout à fait le droit et je ne te demande pas ton pardon. Juste que tu comprennes pourquoi j'ai agi comme ça. Je te le devais bien."

"Okay. Je comprends, tu sais ? Pas avant, mais maintenant... Et je voulais... Mais ça me donne juste l'impression de te perdre une nouvelle fois, sans explication, sans au revoir, avec juste des questions et cette inquiétude pour toi qui ne me quittera sans doute jamais."

Surpris, Harry sourit et franchi les quelques pas qui les séparaient. Arrivé à sa hauteur, il prit le visage de Draco dans ses mains, approcha son visage et, après une brève hésitation, scella leurs lèvres. Il ne donna pas le temps à Draco de réagir et se recula presque immédiatement, libérant son visage et remettant de la distance entre eux. Le brun ne jeta même pas un regard vers le bar ; ils étaient suffisamment éloignés pour ne pas avoir à s'inquiéter d'être vus.

"Je suis désolé, Draco. J'espère que tu seras heureux avec Charlie, parce que tu le mérites. Vous le méritez tous les deux. Au revoir."

Avec un dernier regard, il transplana jusque dans sa chambre d'hôtel, sans voir les larmes qui dévalaient les joues de Draco. Enfin, il avait eu l'au revoir qu'il avait tant désiré, ce qui lui avait manqué toutes ses années. Peut-être pourrait-il ainsi tourner la page et repartir de zéro avec Charlie. Harry, lui, sentit son cœur se briser plus profondément encore et, avec un gémissement de douleur, il se laissa tomber sur le sol, inerte.

.xXx.

Harry grogna alors qu'un rayon de soleil vint lui lécher le visage.

Il avait passé les deux derniers jours enfermés dans sa chambre d'hôtel à dormir, totalement hermétique au monde extérieur. Il avait bien appelé le roomservice une fois, lors d'une de ses courtes phases d'éveil, mais le plateau et les assiettes traînaient toujours sur la table du salon sans avoir été touchés. Deux jours passés à dormir, sans manger, sans voir personne... il était une vraie loque et le serait peut-être resté si aujourd'hui n'avait pas été le jour du mariage.

Aussi tenté qu'il le soit de rester au lit, Harry se fit violence et se traîna jusqu'à la douche, tenta de retrouver forme humaine avant de transplaner jusqu'au Terrier où devaient avoir lieu la cérémonie et la réception.

"Harry ! Enfin tu es là ! Tout le monde était inquiet, on ne t'a pas vu depuis deux jours !"

Harry grimaça tandis que Ginny le prenait dans ses bras et lui criait dans les oreilles. Enfin, c'était l'impression qu'il avait après deux jours plongé dans le silence de sa chambre d'hôtel.

"Désolé, je n'étais pas en forme. Je ne voulais pas contaminer tout le monde alors je suis resté dans ma chambre."

"Je vois. Monte, Ron t'attends. Tu vas avoir du boulot, je ne l'ai jamais vu aussi stressé !"

Toutes les chambres de la maisonnée avaient visiblement été transformées en cabines d'essayage géante où tout le monde s'habillait, se coiffait, papotait joyeusement. Harry traversa cette ruche en essayant d'éviter au maximum de se faire repérer. Plus vite il monterait, plus vite il serait au calme. Mais c'était sans compter sur sa chance légendaire, car au quatrième étage, il tomba nez à nez avec Draco qui sortait de la chambre où se préparait Blaise.

"Harry !"

Celui-ci sursauta légèrement mais se força à sourire alors qu'une vive douleur envahissait sa poitrine.

"Salut."

"Tout va bien ?" Demanda le blond après quelques secondes pendant lesquelles il étudia Harry attentivement.

"Ouais, ça va. Blaise est prêt ?"

"Bientôt. Et Ron ?"

"J'allais justement voir. Je viens d'arriver."

"Oh, ça marche. À plus tard, alors ?"

Hochant la tête, Harry repris son ascension et poussa la porte où l'attendait une marée de rouquins.

"Harry ! Hey les gars, Harry est là !"

"Merci Merlin, mon témoin est de retour d'entre les morts ! J'ai cru que j'allais devoir embaucher un de ces crétins pour te remplacer."

Harry ricana et alla enlacer son meilleur ami. Il avait déjà enfilé son costume et le voir comme ça lui retourna l'estomac.

"Désolé, j'ai eu du mal à me lever ce matin."

"Tu étais où ? Personne ne t'a vu depuis deux jours. J'ai cru que tu étais reparti au Canada sans nous dire au revoir !"

"Non, j'étais malade. Je suis resté cloué au lit dans ma chambre d'hôtel."

"Quoi ? Tu aurais dû nous le dire, on serait venu t'apporter à manger, ou de quoi te soigner."

"Je ne voulais pas prendre le risque de vous contaminer aussi près du mariage. Ne t'en fais pas, ça va mieux, maintenant."

"Okay, je te crois. Tu as ton costume ? La cérémonie commence dans un quart d'heure. Bon sang, mec... je vais me marier. Tu réalises ?"

Les yeux écarquillés de son ami le firent rire même si, à l'intérieur, il avait envie de pleurer. Oui, Ron, son meilleur ami, son partenaire dans toutes ses aventures ainsi que toutes ses conneries, allait se marier avec l'homme de sa vie. Il était heureux pour lui, immensément, mais pour Harry c'était comme la fin d'une époque, la fin d'un cycle, d'une vie dont il avait fait partie alors qu'il n'était pas certain d'être présent pour la suivante.

Quand il était rentré après la soirée, après avoir embrassé et dit au revoir à Draco, et qu'il s'était effondré dans sa chambre, il avait cru mourir. Pendant ces deux jours, il avait attendu la mort, étendu sur son lit, persuadé qu'une femme de ménage inquiète trouverait son corps quelques jours plus tard, en voie de décomposition. Il allait forcément mourir, la douleur était bien trop forte pour qu'il y survive. Et pourtant, deux jours plus tard il était encore là. Mieux, il était debout et souriait, riait avec ses amis tout en enfilant son costume. C'était à n'y rien comprendre.

Mais son sourire n'était qu'une façade. À l'intérieur, Harry était une coquille vide ; encore plus qu'il ne l'était le jour de son arrivée ou même depuis ces cinq dernières années. Et à ce vide, s'ajoutait désormais la douleur. Une douleur lancinante dans la poitrine, comme un couteau qu'on lui enfonçait entre les côtes encore et encore pour le torturer, le rendre dingue. Et ça fonctionnait.

Derrière les sourires, derrière les rires, Harry avait l'impression de se noyer. Son propre souffle lui manquait, ses oreilles bourdonnaient... un instant, il entendait son meilleur ami raconter pour la quinzième fois de la journée la demande en mariage de Blaise et, l'instant d'après, il ne voyait que ses lèvres bouger, sans le son. Plus d'une fois, il eut l'impression de tomber et se rattrapa de justesse avant de s'effondrer au sol, heureusement sans que quiconque s'en aperçoive, trop absorbés qu'ils étaient par les derniers détails et préparatifs.

Pour la première fois depuis longtemps, Harry eut peur. Peur que toutes ces sensations, tous ces symptômes, prouvent que sa fin était proche. Peur qu'il s'effondre ici et maintenant, devant tout ce monde dont le seul réflexe serait de l'emmener à l'hôpital pour l'y soigner. Il voulait rentrer chez lui, loin de tout ça, là où personne ne tenterait de le retenir, de le sauver.

"Ça va, Harry ?"

Le brun sursauta quand Hermione se faufila pour prendre son poste de témoin à ses côtés.

"Oui, toi ?"

"Tu es affreusement pâle. Ginny m'a dit que tu avais été malade ces derniers jours ? Tu devrais peut-être t'asseoir."

"Non, ça va, ne t'en fait pas. Je vais mieux." C'était vrai. Il avait juste besoin que la cérémonie commence et que cette journée se termine pour qu'enfin, il puisse rentrer chez lui.

"Okay, mais si tu as besoin de te reposer, je peux-"

"Ça va, Mione." Sa voix claqua plus qu'il ne l'aurait voulu. "Désolé."

"Non, ne t'en fait pas."

Un frisson le parcourut quand la main de son amie lui frotta le dos gentiment. Il avait froid. Non, il était glacé, en fait. Est-ce qu'il faisait toujours aussi froid en Angleterre au mois d'août ?

Peu de temps après, tous les invités regardèrent les mariés descendre l'allée l'un après l'autre, puis réciter leurs vœux et, quand ils s'embrassèrent, un tonnerre d'applaudissements félicita leur union. Le repas fut rapidement servi et petits et grands se précipitèrent sous l'immense tente érigée dans le jardin pour attaquer le buffet et se servir un verre.

Malgré ce qu'il avait dit à Hermione, Harry fut soulagé de s'asseoir enfin mais il ne réussit pas à avaler grand-chose. Et tant pis s'il n'avait rien mangé depuis presque trois jours. Il discuta avec ses amis puis quand le bal fut ouvert, il les regarda se déhancher sur la piste de danse, un sourire aux lèvres.

"Tu ne danses pas ?" Lui demanda Draco en s'asseyant à ses côtés soudainement.

"Ce n'est pas trop mon truc."

"Ce n'est le truc de personne, mais c'est un mariage, alors... je suis sûr que Molly ne dira pas non à une danse avec toi, même si elle prend un risque pour ses orteils."

Harry pouffa. Vu ses joues rouges et ses yeux brillants, le blond avait clairement abusé du vin. "Peut-être plus tard. Je lui donne un peu de répit. Et toi, tu ne danses pas ?"

"Charlie voulait danser avec sa sœur. Qui suis-je pour leur refuser ça ? En fait c'est faux, je suis affreusement jaloux."

"Ça se comprend, Charlie est canon dans ce costume."

"N'est-ce pas ?"

Les deux hommes rirent en cœur, le regard toujours fixé sur la piste de danse.

"Vous formez un beau couple, Charlie et toi. Il a l'air heureux. Toi aussi."

"Nous le sommes. Je ne pensais pas ressentir ça un jour pour quelqu'un d'autre. Et surtout pas pour un Weasley."

Harry ricana. "Ouais, ils ont leur charme, il paraît. Demande à Blaise."

Devant eux, les nouveaux époux tournoyaient en riant et en se dévorant des yeux. Il n'y avait pas à dire, ces deux-là étaient faits l'un pour l'autre, personne n'aurait pu le nier en les voyant ensemble.

"Pourquoi est-ce que tu m'as embrassé, Harry ? Tu n'aurais pas dû faire ça."

"Je sais. Je suis désolé."

"C'est pour ça que tu as disparu ces deux derniers jours ?"

"Non. J'étais malade."

"Harry..."

"C'est la vérité. Je n'ai pas quitté mon lit et j'ai à peine mangé en deux jours." Pas juste à peine, pas du tout.

"C'est vrai que tu as l'air pâle. Ça ne va pas mieux ? Tu aurais dû rentrer te reposer."

"Ne t'en fait pas, je vais survivre. Et puis, mon Portoloin pour rentrer est demain, ensuite je pourrais me reposer chez moi."

"Tu ne restes pas plus longtemps ?"

"Non. Je dois travailler."

"Conneries."

La soudaine colère dans la voix du blond interpella Harry qui tourna la tête vers lui.

"On sait très bien tous les deux que tu n'as pas besoin de travailler. Tu as assez d'argent de côté pour vivre plusieurs vies sans rien faire et je doute que tu dépenses beaucoup de fric au fond des bois. Alors ne me dis pas que tu dois travailler. Tu veux juste fuir, c'est tout. Encore une fois."

"Peut-être, oui. Mais c'est mon droit."

Draco renifla et se leva de sa chaise. "J'imagine que je devrais m'estimer chanceux. Cette fois au moins, tu m'as prévenu de ton départ. Au revoir, Harry. J'espère que tu trouveras le bonheur, là-bas."

Puis, il disparut sur la piste de danse à la recherche de son petit ami, laissant Harry de nouveau seul et songeur. Encore une fois, la douleur dans sa poitrine se rappela à lui mais, cette fois-ci, il ne réagit pas. La douleur, aussi horrible soit-elle, n'était rien comparé à ce que les paroles et le regard de Draco lui firent ressentir. Honte, colère, désespoir... Il ignorait qu'une coquille vide pouvait ressentir autant de choses.

Il finit par se laisser traîner sur la piste par Hermione et dansa avec elle, Ginny ou encore Molly mais un peu après minuit, il finit par aller embrasser son meilleur ami et son mari avant de s'éclipser. Il avait réussi à tenir toute la journée sans s'écrouler, mais une fois seul, son corps lâcha finalement.

.xXx.

S'il se réveilla à temps pour attraper son Portoloin le lendemain, ce fut uniquement par miracle et courir à travers l'aéroport pour ne pas le rater fut le coup de grâce. Une fois de retour chez lui, il ferma la porte de sa maison, se déshabilla rapidement et se laissa tomber sur son lit dont il ne bougea plus pendant les jours suivants.

Il dû se forcer pour en sortir et retourner travailler au bar où ses collègues l'accueillirent chaleureusement, mais le cœur n'y était pas. Pourtant, il essayait, il se forçait et se faisait violence pour s'accrocher mais rien n'y faisait.

Peu à peu, jour après jour, il sentait ses forces le quitter et si son corps tenait encore par il ne savait quel miracle, son esprit, lui, se renfermait sur lui-même. C'était une manière de ne plus rien ressentir, d'éloigner ces sentiments qui avaient ressurgis au mariage et en revoyant Draco, d'éradiquer cet espoir fou, stupide qu'il pourrait un jour lui pardonner et, peut-être, revenir vers lui. À l'instant où il le réalisa, il sut qu'il n'y avait plus d'issue et qu'il ne servait plus à rien de lutter. À quoi bon ? Plus personne ne l'attendait, de tout façon.

Son salut provisoire pris forme en la personne de Jerry, son patron. Alors qu'il continuait à travailler quelques jours dans la semaine, plus par habitude que par réelle envie, Jerry fit une mauvaise chute dans la réserve de son bar, un soir. Heureusement, il n'était pas seul et fut rapidement pris en charge et emmené à l'hôpital le plus proche ou on soigna ses côtes cassées et un léger traumatisme crânien. Ça n'avait rien de grave, mais les médecins lui avaient imposé au minimum un mois de repos total à son plus grand désarroi ainsi qu'à celui de ses clients.

Le Trapper's n'était pas un grand établissement et Jerry ne pouvait se permettre d'embaucher quelqu'un pour le remplacer. C'est pour ça qu'il était si heureux d'avoir Harry dans son équipe, puisqu'il ne réclamait pas de salaire pour ses heures de travail et sa présence le dépannait bien les jours où le bar était plein à craquer. Cette fois également, Harry fut son sauveur puisqu'il se proposa de travailler plus pour le remplacer, toujours sans rémunération. Jerry insista pour le payer, bien entendu, mais rien n'y fit et Harry enchaîna les heures à servir derrière le bar jusque tard dans la nuit.

Il rentrait épuisé et dormait une partie de la journée avant de reprendre son service en milieu d'après-midi, mais ce rythme soutenu était exactement ce qu'il lui fallait à ce moment-là. Enfin, après des semaines à ruminer et à laisser le vide l'envahir, Harry se sentait mieux. Il voyait du monde, riait aux blagues gentiment graveleuses des clients et ne voyait pas les heures passer et, surtout, il ne pensait pas à Draco. Enfin, pas tout le temps. C'était un soulagement, même si ce n'était pas parfait et, enfin, il avait l'impression de pouvoir respirer de nouveau. Il se battait pour rester en vie, maintenant plus que jamais et entrevoyait une petite lueur d'espoir. Minuscule, mais bien là.

.xXx.

Les mois s'écoulèrent tranquillement, l'été laissa la place à l'automne, puis l'hiver s'installa rapidement et la neige recouvrit la forêt comme tous les ans dans cette partie du monde. Jerry avait repris son poste et Harry avait de nouveau plus de temps libre qu'il occupait à regarder tomber la neige pendant des heures ou à se promener dans les bois, suivant les traces des animaux dans l'épais manteau blanc. Il adorait cette saison, c'était paisible et il avait l'impression d'être seul au monde. Plus que d'habitude, en tout cas.

Trois semaines avant Noël, Harry se réveilla au son d'un hibou picorant sa fenêtre. Il se précipita pour le faire rentrer et lui donna des friandises avant de récupérer son fardeau. C'était une enveloppe d'un bleu si pâle qu'il paraissait blanc où son nom, fine et délicate calligraphie argentée, semblait le toiser.

Il lui fallut de longues minutes avant de se décider à l'ouvrir car, au fond de lui, il savait ce que c'était. Il avait déjà reçu ce genre d'enveloppes et la dernière l'avait forcé à rentrer au Royaume-Uni pour célébrer le mariage de son meilleur ami. Or, il ne connaissait pas beaucoup de couples susceptibles de se marier. Seulement un, à vrai dire.

Les mains tremblantes, il décacheta l'enveloppe et son cœur s'arrêta encore un peu plus à mesure qu'il lisait le carton d'invitation.

Vous êtes cordialement invité au mariage de Charlie Weasley et Draco Malfoy qui se tiendra le 24 juillet 2004 dans la Réserve des Dragons de Rodna en Roumanie.

Nous serions ravis de vous compter parmi nous pour cette occasion si spéciale et espérons recevoir votre réponse dès que possible.

À très vite, Charlie et Draco.

Harry lu et relu ces quelques mots des dizaines de fois sans réussir à réellement les comprendre. Ce n'était pas compliqué en soit, Draco allait épouser Charlie et ils l'invitaient au mariage, point. Pourtant, ça n'avait aucun sens pour Harry. Draco allait épouser Charlie ? Et ils l'invitaient au mariage ? Dans quel monde était-ce normal ? Compréhensible ? Dans quel monde était-il sensé prendre un Portoloin vers la Roumanie et regarder l'homme qu'il avait aimé, l'homme qu'il aimait encore en épouser un autre ? Il savait que c'était probablement Charlie qui avait souhaité l'inviter parce qu'il était Harry et qu'il était pratiquement un Weasley après toutes ces années et Draco n'avait sûrement pas eu son mot à dire, ou n'avait pas voulu avoir à expliquer à son fiancé pourquoi il ne voulait pas de Harry à son mariage.

Après tout, il doutait qu'il lui ait parlé de leur relation un jour. Ça n'avait plus d'importance. Mais il aurait dû l'en empêcher car ces quelques mots brisèrent le cœur de Harry bien plus profondément qu'il ne l'était déjà et si avant ce courrier, il n'en restait déjà pas grand-chose, il avait au moins réussi, ces derniers mois, à trouver un équilibre. Fragile, certes, mais suffisant pour continuer à survivre encore quelques temps.

Mais là...

Harry resta enfermé pendant trois jours et même les gros flocons qui tombaient dehors ne furent pas suffisants pour lui remonter le moral. Finalement, il trouva le courage d'attraper sa plume et de rédiger sa réponse qu'il confia au hibou qui n'avait pas non plus quitté le chalet.

Il le regarda s'envoler à travers les flocons, priant pour qu'il trouve son chemin et que, cette fois-ci, aucune réponse ne lui parvienne.

Draco,

Merci pour ton invitation, mais je ne serais pas présent à votre mariage.

Je suis désolé, mais c'est au-dessus de mes forces. Vous voir si heureux, si amoureux alors que je ne peux pas t'oublier…

Ne te méprends pas, je suis sincèrement heureux pour vous, vous le méritez, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que ça devrait être moi, ton fiancé et que, si ce n'est pas le cas, c'est entièrement de ma faute.

Je sais que c'est hypocrite de ma part de penser ça alors que c'est moi qui suis parti et, crois-moi, je me déteste tellement de ne pas avoir eu le courage de t'avouer mes sentiments à l'époque. Tout serait tellement différent aujourd'hui.

Ou peut-être pas, au final. Après tout, Charlie est peut-être ton âme sœur depuis le début et je n'aurais été qu'une transition…

Quoi qu'il en soit, je ne serais pas là et je tenais à m'en excuser et à t'expliquer pourquoi. Je ne sais pas si tu as tout raconté à Charlie et, si ce n'est pas le cas, ne le fait pas. Il n'a pas besoin de savoir ce que je ressens pour toi puisque ça n'a pas d'importance. Tu peux juste lui dire que je ne viendrai pas car je suis un crétin égoïste, ce qui est vrai d'ailleurs. Ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude de passer pour le fautif ces dernières années, ça me change de mon statut de héros sauveur du monde sorcier.

Draco, je te souhaite d'être heureux avec lui, vous le méritez tous les deux tellement. De mon côté, c'est promis, j'essaierais de l'être à ma façon et peut-être qu'un jour, je trouverais la force de revenir pour de bon et vivre dans un monde où tu es heureux dans les bras d'un autre.

Tu seras toujours dans mon cœur Draco.

Harry.

.xXx.

"Potter ! Potter, ouvre cette putain de porte !"

Harry leva la tête de son oreiller, complètement perdu, et regarda l'horloge accrochée au mur. Quinze heures. Encore une fois, il avait dormi une grande partie de la journée mais c'était devenu une habitude depuis deux semaines, depuis qu'il avait reçu l'invitation au mariage de Draco et Charlie. Il était une loque, pire qu'avant et, cette fois-ci il ne semblait pas y avoir d'amélioration possible. Le vide en lui était trop grand, trop lourd et, bientôt, il tomberait dedans pour y disparaître. Ce n'était rien, il ne ressentait ni peur, ni regret. Il avait juste abandonné, c'est tout.

"Potter !"

Pourtant, cette voix criant son nom à l'extérieur de son chalet le tira de sa transe et le força à se lever. Il tituba jusque dans le salon, puis vers la porte d'entrée qu'il tira d'un coup sec, révélant un Draco Malfoy furieux et grelotant. Il avait encore beaucoup neigé ces derniers jours et personne ne s'aventurait dehors sans une tenue spéciale grand froid et, vu le jean fin et trempé qui disparaissait dans la neige, Draco ne portait pas ce genre de tenue.

Avant même de prononcer le moindre mot, Harry le tira à l'intérieur de la cabane et referma la porte. Un feu flambait dans la cheminée, constamment alimenté en buches grâce à un sort, ce qui avait sauvé Harry du froid ces derniers jours.

"Putain, c'est pas trop tôt. J'ai cru que tu étais mort, là-dedans. Et que je n'allais pas tarder à suivre."

"Qu'est-ce que tu fais là ?"

"À ton avis, Potter ? Je suis venu chasser le caribou, ça ne se voit pas ?"

"Tu aurais dû me prévenir que tu venais. Et si je n'avais pas été chez moi ?"

"Si je t'avais prévenu, tu aurais fui. Tu fuis toujours."

"Uniquement pour te protéger."

"Menteur. Arrête de te cacher derrière ton statut de héros. Il n'y a que toi que tu protèges, en faisant ça. Parce que si tu voulais me protéger, tu ne m'aurais pas quitté comme ça, sans rien dire. Et tu ne m'aurais pas embrassé l'été dernier avant le mariage. Et tu ne m'aurais pas non plus envoyé cette lettre. "

"Quoi ? Tu voulais sérieusement que je vienne à ton mariage ? Vraiment ?"

"Mais putain ! Ça n'a rien à voir avec mon mariage, Harry ! Rien du tout ! Je te parle de ta putain de lettre ! Celle où tu dis que tu m'aimes et que tu regrettes, celles où tu me souhaites d'être heureux avec Charlie alors que j'aurais dû l'être avec toi ! T'es un enfoiré, Harry. Un putain d'enfoiré et d'égoïste ! J'étais parfaitement heureux avant de te revoir au mariage de Blaise et de Ron. Ou encore avant que tu m'envoies cette lettre ! Je suis fiancé, je vais me marier avec Charlie, avec l'homme que j'aime et toi... toi, tu m'envoies cette putain de lettre et... merde."

Arrivé à ce point, les larmes dévalaient les joues de Draco, miroir de celles qui inondaient le visage de Harry face à lui. À cet instant, tout était clair. Harry n'était pas le seul à être brisé, il n'était pas le seul à se sentir vide et froid. Et tout ça, c'était de sa faute. Alors qu'il voulait le protéger, il n'avait fait que blesser Draco. En partant, en lui brisant le cœur, en lui avouant ses sentiments avec cette lettre alors qu'il aurait pu si facilement les emporter dans la tombe il l'avait blessé bien plus que toutes les guerres du monde.

Pendant ces cinq dernières années, il avait ressenti beaucoup de choses, mais jamais il ne s'était senti minable. Pas comme aujourd'hui. Minable d'avoir fait souffrir inutilement la personne qu'il avait le plus aimé au monde, et qu'il aimerait toujours jusqu'à son dernier souffle.

"Je suis désolé, Draco. Tellement désolé, si tu savais. Je n'aurais pas dû t'envoyer cette lettre, c'était égoïste et... je suis désolé."

"Arrête de t'excuser. Arrête. J'en ai marre de t'entendre t'excuser. Tout ça, cette souffrance, c'était tellement inutile. Je ne sais pas ce qui te pousse à te détruire à ce point, Harry, mais il faut que ça cesse. Parce que tu as beau avoir fui à l'autre bout de la Terre, tu vas quand même entraîner tout le monde dans ta chute."

"C'est exactement ce que je voulais éviter. Je croyais que... que si j'étais loin, personne ne serait blessé. Personne d'autre. Mais j'avais tort, visiblement."

"Oui, tu avais tort."

"Qu'est-ce que tu veux que je fasse pour tout arranger ? Dis-le-moi, et je le ferais."

"Reviens. En Angleterre, dans la vie de tes amis. Tu leur manques. À Teddy aussi."

"Je... je ne peux pas."

"Tu vois, tu es un menteur."

"Draco, s'il te plaît..." Il avait beau ne pas les voir, il savait que ses yeux étaient suppliants, pleins de doute et de douleur. "Si je rentre, je n'y survivrais pas. Je ne veux pas qu'ils assistent à ça, je t'en supplie."

Un long silence accueilli ses paroles, s'étirant et emplissant toute la pièce jusqu'à en étouffer le crépitement des bûches dans la cheminée. Finalement, Draco soupira et se laissa tomber sur le canapé. Il se tortilla pour sortir sa baguette de sa poche et l'agita, séchant dans un même temps pantalon, chaussures et chaussettes.

"Je vais te préparer du thé."

"Non. Je n'ai pas besoin de thé, Harry. J'ai besoin de parler. Assieds-toi."

Le brun hésita avant de finalement le rejoindre. Il n'y avait qu'un canapé dans le salon, alors il prit place à l'autre bout de celui-ci, laissant le plus d'espace possible entre eux. Il supposait que c'était ce dont avait besoin Draco à cet instant.

"Pourquoi es-tu parti ?"

"Tu le sais bien, je te l'ai déjà dit."

"Non, je veux la vraie raison. Pas celle que tu sors à tes amis et qu'ils sont assez stupides pour gober."

Le regard fixé sur les flammes, Harry ne répondit pas tout de suite. Parce que s'il le faisait, s'il était honnête, il savait qu'il verrait débarquer une dizaine de Gryffondor dans l'heure.

"Harry."

"Je me sens vide." Il ne s'embêta même pas à parler au passé. Pour quiconque d'un peu observateur, il était clair que cette révélation était toujours d'actualité, alors à quoi bon le cacher ? "J'ai l'impression qu'un immense trou noir a pris la place de mon cœur et qu'il ne va pas tarder à m'engloutir. Toute cette noirceur qu'il y avait en moi à cause de Voldemort, de l'Horcruxe, je crois qu'elle ne m'a jamais quitté et que, petit à petit, elle m'a dévoré jusqu'à ne laisser qu'une coquille vide. Quand je suis mort dans la forêt... je n'aurais jamais dû revenir. J'aurais dû accepter mon destin et rejoindre mes parents à ce moment-là, Sirius, Remus, Fred et tous les autres. Mais je m'inquiétais pour mes amis, pour tout le monde, je croyais que ma mission était de revenir, de terminer le boulot et de les sauver tous. Je croyais qu'avec cette seconde chance, j'allais pouvoir recommencer à zéro, enfin commencer à vivre. Ensuite, j'ai tué Voldemort et la guerre a pris fin. Il y a eu les deuils, les derniers combats et puis... toi. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à croire que j'avais réellement une chance de vivre, d'être heureux. Grâce et pour toi. J'étais heureux et... amoureux. Je m'imaginais passer le reste de ma vie dans tes bras, t'épouser, fonder une famille... Mais ça n'a pas duré. Malgré mon bonheur avec toi, le vide a commencé à s'installer et... j'ai très vite compris que mon bonheur n'était qu'une façade et que ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle s'effondre en m'attirant avec elle. Tout me paraissait si difficile, insurmontable, tout le monde autour de moi commençait à revivre tandis que moi, je m'enfonçais de plus en plus. J'aurais dû en parler, je voulais en parler, mais tout le monde souffrait autour de moi alors... je n'avais pas le droit d'ajouter à leur souffrance. Alors je me suis tût. Jusqu'à ce que ce ne soit plus possible. J'ai fait un choix, Draco. Sans doute pas le bon, mais ça reste un choix et c'était le mien. Et je ne le regrette pas, malgré tout ce qu'il s'est passé. Je ne t'ai pas menti, cet été. Si je n'étais pas parti, je serais mort. Point. Donc, s'il ne te faut qu'une réponse, garde celle-ci."

Le silence fut de nouveau assourdissant et, cette fois, il dura. Encore et encore. Après sa tirade, Harry n'avait plus l'énergie de dire quoi que ce soit, alors il attendit. Que Draco réagisse, qu'il dise quelque chose, qu'il parte en claquant la porte... n'importe quoi. Mais il resta silencieux. Encore et encore.

Finalement, le blond se leva et alla dans la cuisine où il entreprit de préparer du thé. Ce n'est qu'une fois les deux tasses fumantes posées devant eux qu'il ouvrit enfin la bouche.

"Je ne suis pas sûr que cette réponse me convienne, Harry. Ni maintenant, ni un jour." Harry ferma les yeux. Il n'aurait pas la force de recommencer, ni celle de lui avouer ce qu'il lui cachait encore. "Mais je comprends. Tu aurais dû en parler. À tes amis, à Hermione, à moi, peu importe. Tu n'aurais pas dû souffrir comme ça tout seul. Tu aurais dû... on aurait pu t'aider. Moi, j'aurais pu t'aider."

"Il n'y avait rien à faire, Draco. Même aujourd'hui. C'était déjà trop tard depuis la seconde où j'ai rouvert les yeux dans la Forêt Interdite. Les humains ne sont pas censés revenir à la vie et, aujourd'hui, j'en paye le prix."

"C'est ridicule ! Il y a forcément quelque chose à faire ! On pourrait aller voir des spécialistes à Sainte Mangouste, consulter les Langues de Plomb... je suis sûr que-"

"Draco. Arrête. Même s'il y avait un moyen, ce ne serait pas ton rôle de le trouver."

"La faute à qui ?"

Harry secoua la tête. "Je sais, je n'ai pas dit le contraire. Je suis désolé. Non, ne dit rien, tu ne peux pas m'empêcher de l'être et je suis sincère. Je suis désolé, mais tout ceci ne te regarde pas. Ma vie ne te regarde pas. J'ai encore des sentiments pour toi, c'est vrai, mais je n'ai pas l'intention de tenter quoi que ce soit. J'ai fait mon deuil de notre histoire et je sais que tu en as fait autant, sinon tu n'épouserais pas Charlie. Et crois-moi, je suis réellement heureux pour toi. Pour vous."

"Arrête de dire ça. Je sais que c'est faux."

"Non, je le pense vraiment. Tu mérites d'être heureux et, oui, j'aurais aimé que ce soit avec moi, mais tu ne l'aurais pas été. S'il n'y avait pas eu la guerre, si je n'étais pas mort ce jour-là dans la forêt, j'aurais peut-être pu te rendre heureux, mais... je t'aurais fait souffrir, crois-moi. Bien plus que tu as souffert à cause de mon départ."

Draco rejeta la tête en arrière, la posant sur le dossier du canapé et Harry en profita pour observer son profil. Il l'avait toujours trouvé beau, même pendant leurs années à Poudlard quand ils étaient ennemis, bien qu'il ne l'aurait jamais avoué. Il n'avait pas beaucoup changé, après toutes ces années, à part ses cheveux libres de tout gel lui tombant sur les yeux et sa peau hâlée par le soleil. Il y avait aussi les muscles qu'il devinait sous son pull, mais c'était plus une supposition qu'une réelle observation. Le travail physique, au grand air, lui allait bien.

"Qu'est-ce que je vais dire à Charlie ?"

"Rien. Dis-lui juste que je ne viendrais pas. Je peux envoyer une autre lettre pour le lui expliquer. Il ne devrait pas être trop surpris."

"Je vais l'épouser, il va devenir mon mari. Je ne peux pas lui cacher ça. Je ne sais même pas pourquoi je le lui ai caché toutes ces années, d'ailleurs. C'est ridicule."

Harry haussa les épaules, même si le blond ne le regardait pas. "Non. Tu ne lui as pas parlé de nous parce que ce n'était pas pertinent. Ça a duré deux mois et on n'était pas réellement ensemble, alors... il n'y a pas grand-chose à dire, je trouve."

Cette fois-ci, Draco le regarda, la douleur évidente dans ses yeux. "Pas grand-chose... ouais, tu as sans doute raison. Ça ne vaut pas le coup que je mette ma relation en danger à cause de toi. Au final, c'est mieux si tu ne viens pas. Quand tu es là, tout le monde est tellement..." Il ne termina pas sa phrase, mais le brun n'en avait pas besoin.

Déçu, en colère, à cran... il y avait tellement de possibilités.

"Ouais, je me doute. Quand est-ce que tu repars ?"

"Je... je n'en sais rien. Je suis venu sur un coup de tête et je n'ai pris qu'un aller simple. J'imagine que je trouverais bien un Portoloin pour retourner à Londres."

"Pas à cette heure. Demain matin, sans doute. Tu peux dormir ici, j'ai une chambre d'ami."

"Je peux aller à l'hôtel."

"Draco, c'est la semaine de Noël, tu ne trouveras aucune chambre disponible dans le coin. Reste, je ne tenterais rien, je te le promets."

"Je ne pensais pas que tu allais... je sais très bien que tu ne tenteras rien, Harry. Tu es un connard, mais par pour ce genre de choses."

"Tant mieux. Est-ce que tu veux manger quelque chose ? Il doit me rester des pâtes et peut-être un peu de jambon."

"Comme tu veux. Hum... est-ce que je peux prendre une douche ? J'ai froid aux pieds."

"Oui, bien sûr. Première porte à droite, il y a des serviettes sous l'évier."

"Merci."

Finalement, Harry trouva dans ses placards de quoi préparer une soupe et il terminait d'éplucher les légumes quand son invité inattendu ressorti de la salle de bain, ses cheveux blonds encore humides.

"Cet endroit est sympa. Loin de tout, mais chouette. Tu as déjà été attaqué par des loups ?"

Harry pouffa. "Non, juste par des caribous mangeurs de salade. Je n'ai pas pu en récolter une seule cette année. Pareille pour les carottes. Sales bêtes."

"J'aimerais tellement te voir leur courir après pour récupérer un bout de carotte. Ça doit être hilarant."

"Oh, je ne leur cours pas après, j'ai abandonné l'idée depuis longtemps. Depuis que j'en ai poursuivi un jusqu'à la rivière et que je suis tombé dedans. Elle était fraîche."

Les deux anciens amants éclatèrent de rire en cœur avant de se regarder, la nostalgie évidente sur leur visage.

"Ça fait tellement longtemps que je ne t'ai pas entendu rire. C'est rassurant de voir que tu en es encore capable."

"C'est rare, en effet. Tu y es pour beaucoup, je crois."

"Est-ce que tu as besoin d'aide ?" Demanda Draco après s'être raclé la gorge et Harry lui tendit un couteau, l'invitant à découper les légumes qu'il venait d'éplucher.

Les deux hommes discutèrent encore un peu pendant le dîner, puis après en revenant sur le canapé, puis Draco bailla à s'en décrocher la mâchoire et Harry le conduisit à la chambre d'amis avant de rejoindre la sienne. Cela faisait des jours qu'il dormait quasiment non-stop mais, ce soir-là, il lui fut impossible de trouver le sommeil. Ses pensées étaient bien trop parasitées par la venue de Draco, leur discussion et sa présence à seulement quelques mètres de lui. Il avait été honnête en disant qu'il ne tenterait rien, mais cela ne l'empêchait pas de le désirer si fort que c'en était douloureux. Heureusement qu'il était habitué à la douleur, ou il aurait cédé depuis longtemps déjà. Tout son être était attiré par le blond et seules sa volonté et sa promesse l'empêchèrent d'agir.

Visiblement, Draco lui-même n'était pas aussi fort que lui dans ce domaine, car un peu avant minuit, Harry entendit la porte de sa chambre s'ouvrir doucement, suivi de bruits de pas légers, se rapprochant de son lit. Ne pouvant s'en empêcher, Harry se retourna et regarda Draco, debout au-dessus de son lit. Il faisait nuit noire et il lui était impossible de discerner les traits de son visage, mais il savait que c'était lui. Qui cela pourrait-il être d'autre ?

"Draco ? Tout va bien ?"

"Je... je n'arrive pas à..."

"Dormir ? Ouais, moi non plus."

"Non. Je n'arrive pas à comprendre. Pourquoi tu es parti, pourquoi tu m'as abandonné. Je t'aimais, Harry. J'étais dingue de toi et... je n'avais pas envie de te détester, j'en ai encore moins envie aujourd'hui, après ce que tu m'as raconté, mais..."

"Mais tu me détestes."

"Oui. Une part de moi, en tout cas. L'autre... Merde." Il chuchota ce dernier mot et Harry vit sa silhouette s'approcher un peu plus de lui avant qu'il sente le matelas s'affaisser.

"Draco..."

"Je te déteste tellement, Harry. Mais toute ma volonté et toute la haine du monde ne parviendront pas à effacer l'amour que j'ai ressenti pour toi. Que je ressens encore. Tu m'as détruit. Morceau par morceau et..." Harry resta immobile quand il sentit le souffle de l'autre homme sur ses lèvres. "Je crois que toi seul peut me reconstruire."

Harry était fort, mentalement plus que physiquement. Il avait après tout survécu toutes ces années alors que son corps était mort depuis longtemps. Pourtant, il lui fut impossible de résister quand les lèvres de Draco effleurèrent les siennes. Il savait qu'il aurait dû reculer, mettre fin à tout ça sur le champ, mais ses barrières s'écroulèrent à l'instant où leurs souffles se mêlèrent et ses mains trouvèrent mécaniquement le corps de Draco.

Ce baiser, le premier après toutes ces années, fit courir des frissons tout le long de son corps, tout comme le soupir que poussa Draco. Soulagement, satisfaction, désespoir... Harry n'aurait su dire ce que c'était et, pour être honnête, il s'en fichait. Tout ce qui lui importait à cet instant était le corps de Draco contre le sien, ses lèvres, son odeur... tout son être enfin à lui. Il n'était pas dupe et même à travers le brouillard de son désir qui s'élevait rapidement, il était conscient que tout cela ne serait que pour une nuit, que pour cet instant interdit et pourtant tellement attendu. Alors, si c'était réellement le cas, il devait en profiter pour mémoriser chaque millimètre du corps de Draco, ses soupirs, ses gémissements, les volutes de mercure dans ses yeux...

Rapidement, les deux hommes s'abandonnèrent au désir et se retrouvèrent nus dans le lit, le corps du brun recouvrant celui du blond tandis qu'il l'embrassait passionnément et que ses mains caressaient ses hanches, son ventre, ses cuisses... Draco gémissait dans sa bouche, ses doigts entremêlés dans ses cheveux tiraient sur des mèches sombres, arrachant des grognements à Harry et, quand les doigts de celui-ci se posèrent sur son entrejambe, l'ancien Serpentard poussa un juron, rejetant la tête en arrière et offrant sa gorge aux lèvres de son amant.

"Putain... Harry, s'il te plaît..."

"Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Parle-moi, Draco."

"Tout. Je veux... tout. Prends-moi, je t'en supplie."

La voix désespérée, gémissante, envoya une décharge de désir dans le membre déjà si dur du brun qui, pourtant, s'éloigna de lui pour le regarder dans les yeux.

"Draco... on ne devrait peut-être pas-"

"Non ! Ne dis rien. Juste cette nuit, s'il te plaît Harry."

Harry ferma les yeux et soupira. Il ne devait pas faire ça, tous deux allaient le regretter dans quelques heures. Pourtant, quand le blond fit glisser ses doigts le long de son torse et les enroula autour de son érection, toute trace de résolution disparue et il fondit de nouveau sur lui.

Gémissements et soupirs envahirent la chambre alors qu'ils se caressaient mutuellement, puis Harry inséra ses longs doigts entre les fesses du blond, un par un jusqu'à ce que ce dernier le supplie de le prendre. À l'instant où il plongea en lui, Harry cru qu'il allait exploser. Cette sensation, il avait passé cinq ans à la rechercher entre les cuisses d'inconnus et ce n'est qu'aujourd'hui qu'il la retrouvait, avec celui qu'il n'aurait jamais dû aimer et qui allait en épouser un autre. Harry étouffa un sanglot et, enfouissant son visage dans le cou du blond, il commença à bouger ses hanches.

Il fit voir des étoiles à son amant, le fit crier encore et encore, réveillant sûrement toute la forêt et Harry ne parvint pas à en être désolé. Tout ce qui lui importait, c'était l'instant présent, Draco sous lui, ses lèvres entrouvertes en un gémissement permanent, ses doigts agrippées à ses bras et son corps, complètement offert et consentant tandis qu'il s'enfonçait au plus profond de lui, y laissant sa marque, son empreinte.

Draco et Harry firent l'amour pendant des heures, laissant le monde tourner sans eux à l'extérieur du chalet. Leur passion, dévorante, ne se tarît qu'avec le lever du soleil et quand ils s'endormirent enfin, Draco parfaitement enfoui dans l'étreinte du brun, aucun d'eux ne vit que, dehors, la neige s'était remise à tomber à gros flocons.

.xXx.

Harry n'avait pas dormi plus de deux heures. Quand il s'était réveillé, Draco toujours endormi dans ses bras, il s'était levé discrètement, avait pris une douche avant d'aller se faire un café, attendant.

Il attendait que Draco se réveille à son tour, qu'il réalise ce qu'il avait fait, ce qu'ils avaient fait et qu'il panique. Il attendait qu'il le gifle, qu'il l'insulte et quitte sa maison pour repartir en Roumanie, auprès de son fiancé. Parce que c'était la seule façon dont tout ça pouvait se terminer, la chose correcte à faire. Ils ne pouvaient pas être ensemble, c'était impossible et cette nuit l'avait prouvé à Harry.

Car, malgré le désir, la passion qui les avait consumés, Harry savait. Son cœur qui aurait pu, qui aurait se remettre à battre dans les bras de Draco s'était simplement brisé plus profondément. Il était bien au-delà de l'irréparable et la présence de Draco, si tant est qu'il souhaiterait rester avec lui, n'y changerait rien. Ça n'aurait jamais rien changé.

"Harry ?"

Le brun détourna le regard du paysage blanc qu'il observait à travers la fenêtre depuis près d'une heure maintenant pour le poser sur Draco. Quelques minutes auparavant, il avait entendu l'eau couler dans la salle de bain et attendait depuis de le voir apparaître.

"Salut."

"Tu es réveillé depuis longtemps ?"

"Un peu. Il y a du café dans la cuisine."

"Merci."

Quand le blond pris place à côté de lui après s'être servi une tasse, Harry frissonna. Il était bien trop proche.

"Tu as bien dormi ?" Demanda-t-il après s'être raclé la gorge.

"Oui. Je ne sais pas trop quelle heure il est, mais j'ai l'impression d'avoir dormi des jours."

"Il est seulement midi."

"Bien."

"Tu as le temps d'aller à l'aéroport pour trouver un Portoloin. Il devrait y en avoir pour Sofia cet après-midi. Tu seras chez toi avant le dîner."

"Je... j'espérais pouvoir rester un peu plus longtemps. On a encore besoin de parler."

Il le sentit se rapprocher un peu plus et Harry se leva en soupirant. "Je ne pense pas, Draco. On a déjà beaucoup parlé, hier. Et pour le reste... c'était une erreur, on n'aurait jamais dû coucher ensemble."

"Harry..."

"Il faut que tu rentres, Draco. Que tu retrouves ton fiancé, il t'attend sûrement."

"Attends, il faut qu'on parle de ce qu'il s'est passé."

"Non. Il n'y a rien à dire."

"Harry..."

"Va-t'en." La douleur dans sa poitrine en disant cela fut si vive qu'il failli s'écrouler. Pourtant, il ne laissa rien paraître et se tourna vers le blond. "S'il te plaît."

"Ne recommence pas. Ne me fait pas ça encore une fois, Harry."

"Draco, ça ne sert à rien que tu restes, vraiment. Tu veux quoi ? Qu'on parle un peu plus ? Qu'est-ce que ça changera ? Est-ce que tu vas quitter Charlie pour venir vivre ici, avec moi ? Tout ça parce qu'on s'est envoyé en l'air ? Ce serait débile. Ça n'aurait jamais dû arriver et tu le sais parfaitement, alors au lieu de rester ici plus longtemps et risquer de nous blesser tous encore plus, va-t'en. Rejoins ton fiancé."

Il failli craquer en voyant les larmes silencieuses couler sur les joues du blond, mais il tint bon. Il avait raison, tout ça ne mènerait à rien et si Draco ne le voyait pas à cet instant, il s'en rendrait rapidement compte. Lui et Harry n'avaient pas d'avenir ensemble, il était fait pour être avec Charlie et ça ne servait à rien de tout gâcher à cause d'une nuit de passion.

Sans rien dire, Draco alla récupérer ses affaires dans la chambre d'amis et s'avança vers la porte mais, avant de sortir, il se retourna une dernière fois pour regarder le brun.

"Une part de moi sait que tu as raison, Harry mais, là tout de suite, je te déteste de ne pas nous donner une chance. Juste de voir où ça pourrait nous mener. Peut-être que-" Il se tut et baissa la tête. "Ça n'aurais jamais été possible toi et moi, n'est-ce pas ?"

"Non, probablement pas. Je suis désolé, Draco."

"Moi aussi. Si tu savais à quel point." Après une brève hésitation, Draco fit quelques pas vers lui et se pencha pour l'embrasser. C'était un baiser simple, chaste mais qui trahissait tant de sentiments qu'une boule se forma dans la gorge du brun. "Soit heureux, Harry."

"T-toi aussi."

Je t'aime. Son cœur le cria tellement fort, qu'il était persuadé que l'autre homme l'avait entendu et, pourtant, celui-ci se retourna et sorti enfin de chez lui. Quelques secondes plus tard, Harry entendit le craquement sonore d'un transplanage et, enfin, il laissa les larmes couler le long de ses joues.

Ses larmes traduisaient toute sa peine, sa douleur, toutes ces années de regret et d'espoir, cet amour qu'il avait ressenti et ressentait toujours pour Draco et la réalisation que, quelque part, si Draco avait été son premier, il serait aussi son dernier.

Incapable de rester chez lui plus longtemps, là où l'odeur du blond traînait encore derrière lui, Harry attrapa son manteau et enfila ses bottes. Puis, il sorti à son tour et ferma la porte de la maison derrière lui, le regard attentif d'une biche et de son petit posé sur lui tandis qu'il s'enfonçait dans la forêt blanche sans un bruit.

.

.xXx.

.

Draco grogna en se massant les tempes.

Cela faisait une semaine qu'il ne dormait que quelques heures par nuit, hanté par ses démons, et ça commençait franchement à se voir. Migraines, nervosité, fatigue et changement d'humeur... il n'était pas sûr de pouvoir tenir très longtemps à ce rythme.

Pourtant il ne s'en plaignait pas. Draco méritait tout cela et même encore plus pour ce qu'il avait fait à Charlie.

À son retour du Canada, il n'avait pas pu le lui cacher, ni lui mentir. C'était impossible pour lui, il avait déjà caché tellement de choses dans sa vie, il ne pouvait pas le faire avec son fiancé. Pas maintenant.

Ils ne s'étaient pas disputés, Charlie ne lui avait pas crié dessus, Merlin, il n'était même pas en colère contre lui. Quand il lui avait tout raconté du début à la fin, il lui avait juste dit qu'il comprenait et qu'il était désolé pour tout ce qu'il avait vécu. Puis, il était parti à la réserve pour travailler comme d'habitude.

Draco avait pleuré, hurlé. Il aurait préféré que Charlie hurle, lui aussi, qu'il lui dise qu'il le détestait de l'avoir trompé ; peut-être se sentirait-il moins mal si ça avait été le cas.

Alors il avait pris quelques affaires et était parti à l'hôtel après avoir laissé un mot à Charlie. Il voulait lui laisser du temps, de l'espace pour réfléchir et décider s'il voulait ou non lui pardonner et lui laisser une seconde chance parce que Draco lui l'aimait et souhaitait toujours l'épouser.

Mais ce n'était pas son choix. Ça ne l'était plus.

Pendant ces quelques jours, Draco était principalement resté à l'hôtel, craignant de sortir et de rater le passage de son fiancé. Il aurait pu retourner travailler à la réserve, mais l'idée d'y croiser Charlie, de le voir le regarder avec tristesse, colère ou dégout le rendait malade. Il aimait cet homme plus que tout au monde et s'il avait été brisé quand ils s'étaient rencontrés, s'il était sorti avec lui la première fois principalement pour oublier Harry, ce n'était plus le cas aujourd'hui. Oui, il n'oublierait jamais Harry, il le considérait comme son premier réel amour, mais il était passé à autre chose et cette nuit dans la forêt avait été une erreur. Monumentale, certes, mais une erreur tout de même.

Après deux semaines à pleurer et à souffrir, il le savait désormais. Harry avait eu raison de le chasser de chez lui, rester n'aurait fait qu'empirer la situation et ils n'auraient de toute façon jamais pu finir ensemble, ils n'avaient jamais été bons l'un pour l'autre. Peut-être dans une autre vie...

Charlie n'était pas un second choix, il n'était pas revenu vers lui par dépit. Sa vie était auprès de lui parce qu'il l'aimait et qu'il le rendait heureux, point. Il ne le méritait sûrement pas vu ses actions récentes, mais il était prêt à se battre toute sa vie s'il le fallait pour retrouver sa confiance et son amour. Charlie ne méritait pas moins.

C'est exactement ce qu'il lui dit quand, enfin, le dragonnier frappa à la porte de sa chambre d'hôtel un soir. L'homme l'écouta sans rien dire, installé sur le lit tandis que le blond faisait les cents pas devant lui puis, quand il se tut enfin, Charlie se leva et pris le visage de Draco entre ses mains.

"Tu crois que je ne sais pas tout ça, Draco ? Je te connais par cœur, mon Amour et ça fait longtemps que je me doute qu'il y a quelque chose que tu ne me dis pas. J'avoue que je n'aurais jamais misé sur une relation avec Harry, mais ça explique beaucoup de choses au final. Comme par exemple les mois où tu m'as fait poireauter avant d'accepter de sortir avec moi. Ou ton stress à chaque fois que je partais sans te prévenir. J'ai l'impression de mieux te connaître, maintenant, de connaître le vrai Draco, celui que j'ai envie d'épouser."

La confusion envahi Draco. "Tu veux toujours m'épouser ?"

"Bien entendu, idiot."

"Mais... je t'ai trompé."

"C'est vrai. Et je t'en veux pour ça, il va me falloir du temps pour accepter ce qu'il s'est passé et te pardonner complètement, mais... je sais que je t'aime suffisamment pour le faire. Un jour. Donc, sauf si tu as d'autres amants cachés quelque part ou des secrets dont tu voudrais me parler, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'annuler le mariage."

Soupirant, Draco ferma les yeux et laissa tomber son front contre celui du rouquin. "Je ne te mérite tellement pas, Charlie Weasley. Il n'y a que toi pour me pardonner un truc pareil en deux semaines."

"Comme je viens de le dire, je ne t'ai pas encore pardonné, donc..."

"Oui, mais tu me donnes au moins un espoir et, surtout, tu veux toujours te marier avec moi. C'est... j'étais persuadé que tu allais me quitter. Et tu aurais eu raison."

"Je ne ferais jamais ça, mon cœur. Sinon, ma mère me tuerait. Elle dit que tu es la meilleure chose qui me soit arrivé, donc..."

"Oh, donc tu restes avec moi juste pour ta mère. Je vois." Draco gloussa avant de plonger son regard dans les yeux bleus de son fiancé. "Je t'aime, Charlie. Tu me rends tellement heureux et tu m'as tant apporté. Ton amour, une famille, un univers que j'adore... je te dois toute ma vie, aujourd'hui."

"Ce n'est rien à côté de ce que toi tu m'apportes. Tu veux bien rentrer à la maison ? Notre lit est vide, sans toi."

Draco sourit, hocha la tête et approcha ses lèvres de celles de Charlie, s'arrêtant à quelques millimètres d'elles. Il ne savait pas s'il accepterait un baiser, alors il préféra le laisser faire le dernier pas. Ce que Charlie fit sans une hésitation. Il réclama ses lèvres et l'entraîna dans un baiser passionné, désespéré qui fit frissonner Draco de la tête aux pieds. Merlin, ça lui avait tellement manqué !

Quand ils se séparèrent enfin, des larmes coulaient sur les joues du blond que Charlie essuya du bout des doigts avant de lui prendre la main et de transplaner chez eux, enfin réunis.

.xXx.

Encore une semaine plus tard, Draco reçu une lettre non pas par hibou, mais pas la poste Moldue. Il avait observé l'enveloppe de longues minutes avant de la ranger dans un tiroir sans l'ouvrir. Il connaissait cette écriture en pattes de mouche, même s'il s'était un peu amélioré avec les années.

La lettre venait de Harry. Il en était sûr mais il décida de ne pas la lire et de l'oublier, tout comme il voulait oublier l'autre homme. Charlie et lui était de nouveau ensemble, toujours fiancés et aussi amoureux qu'avant, si ce n'est plus. Depuis son retour chez eux, ils faisaient l'amour toutes les nuits et Charlie le tenait dans ses bras jusqu'au matin, le protégeant des démons et des cauchemars comme il l'avait toujours fait. Il était exactement là où était sa place et aucune lettre au monde ne pourrait changer cela.

Pourtant, la savoir là, dans ce tiroir à quelques mètres de lui le hantait. Littéralement. Il avait l'impression de pouvoir l'entendre se lamenter, comme une beuglante qu'on tarde à ouvrir, et plusieurs fois il faillit l'ouvrir. Mais il résista et il en était fier, même si cette obsession commençait à se voir.

"Qu'est-ce qui ne va pas mon cœur ?"

Draco sursauta légèrement quand la voix de Charlie s'éleva à côté de lui dans le lit. Ils venaient de faire l'amour et il croyait son fiancé endormi depuis un moment déjà.

"Rien. Ne t'en fait pas." Il voulait lui en parler, mais il avait trop peur de remettre le sujet sur le tapis et de le mettre en colère, cette fois-ci.

"Draco..."

"Rien, je te dis. Dors."

Soupirant, Charlie alluma sa lampe de chevet et s'assit en le regardant. "Impossible de dormir avec ton cerveau qui tourne à plein régime à côté de moi. Parle-moi, mon cœur."

"Je..." Draco se mordilla la lèvre, pesant le pour et le contre. Devait-il vraiment lui en parler ?

"Mon cœur, on a dit qu'on devait être honnêtes l'un envers l'autre si on veut que ça fonctionne. Parle-moi, je peux peut-être t'aider à y voir plus clair."

"J'ai reçu une lettre. De Harry."

Il y eut un léger silence avant que Charlie ne prenne la parole. "Et ? Qu'est-ce qu'il dit ?"

"Je n'en sais rien, je ne l'ai pas ouverte. Et ça me rend dingue."

"Où est-elle ?"

"Dans le tiroir du buffet."

Il regarda Charlie se lever et sortir de la chambre pour réapparaître quelques instants plus tard, une enveloppe à la main.

"Tiens, lis-la."

"Tu... tu es sérieux ?"

"Oui. Tu ne seras pas tranquille tant que tu ne l'auras pas lue, alors fais-le maintenant."

"Tu veux la lire avec moi ?"

"Seulement si tu le veux. Et s'il détaille votre nuit ensemble, évite."

Le blond pouffa légèrement et décacheta l'enveloppe pour en sortir un parchemin blanc où quelques lignes s'étiraient, tremblantes et fatiguées.

Draco,

Si tu savais comme j'ai été surpris et heureux de te voir sur le pas de ma porte, malgré ta colère. Tu étais si beau, comme toujours.

Cette nuit avec toi a été merveilleuse et m'a donné l'impression d'être vivant pour la première fois depuis des années.

Merci pour ça. Mais je sais aussi que tu aimes Charlie profondément et que c'était un moment d'égarement, de faiblesse de notre part à tous les deux. J'ai vu ton désarroi quand tu es reparti et je sais ce que tu ressens. Tu dois être tellement perdu…

C'est pour cela que je te demande de ne pas lui en parler, si ce n'est pas déjà fait. Je sais que ça va te ronger et que tu vas vouloir tout lui dire un jour ou l'autre mais, crois-moi, ce serait une erreur car, très bientôt, ça n'en vaudra plus la peine. Vous vous aimez et vous allez être heureux alors ne gâche pas tout à cause de moi.

Je ne lui dirais rien, je ne tenterais rien et je te promets que ce sera ma toute dernière lettre. Quand tu la recevras, je serais parti et tu n'auras plus à douter, ni à penser à moi.

Je t'aime Draco, de tout mon cœur et je veux que tu sois heureux avant tout. Et ce bonheur, c'est Charlie qui peut te l'apporter. Pas moi et mon cœur malade.

Soyez heureux et vivez à fond. La vie est trop courte.

À toi pour toujours,

Harry.

Draco dû la relire deux, trois fois pour comprendre la lettre et chaque relecture lui laissait un sentiment d'inquiétude grandissant.

"Quelque chose ne va pas."

"Quoi ? Montre." Il tendit la lettre à Charlie qui la parcourut à son tour avant de le regarder, les sourcils froncés. "Tu as raison, c'est étrange. Qu'est-ce qu'il veut dire par son cœur malade ?"

"Oui, et... quand tu la recevras, je serais parti ? Parti où ? Ça m'inquiète, Charlie."

"Va le voir."

"Q-quoi ? Non ! La dernière fois-"

"Draco, cette lettre est alarmante et tu t'inquiètes alors va le voir. Je te fais confiance pour ne pas finir dans son lit cette fois-ci, mais tu dois t'assurer qu'il va bien."

"Alors viens avec moi."

"Non. Les œufs de l'Opalœil doivent éclore d'un jour à l'autre et il faut que je sois là."

"Ivan peut s'en occuper."

"Tu sais bien que non, Draco. Et puis... c'est à toi qu'il a écrit. Tu dois y aller seul. Tout va bien se passer, d'accord ?"

"O-okay. Je partirais demain, alors. Est-ce que j'appelle Hermione ? Ron ?"

"Non. Il leur aurait écrit s'il le souhaitait. Si quelque chose ne va pas, contacte-les une fois là-bas."

Draco relu une dernière fois les mots de Harry avant de la reposer sur la table de chevet et de s'allonger sur le côté, face à Charlie.

"J'ai un mauvais pressentiment."

"Je sais. Tout va bien se passer, ne t'en fait pas."

"Je t'aime, tu sais ?"

"Moi aussi. Dors maintenant, tu auras des réponses demain."

.xXx.

Le temps de trouver un Portoloin pour le Canada et de transplaner jusqu'à chez Harry, la journée était déjà bien entamée et il était plus de midi quand Draco frappa à la porte du chalet. Il frappa, frappa, mais personne ne lui répondit et quand il dégaina sa baguette pour tenter un Alohomora, il se rendit rapidement compte que la porte n'était, en fait, pas fermée.

Sourcils froncés, Draco l'ouvrit et observa l'intérieur de la maison depuis l'entrée. Devait-il entrer ? Pourquoi était-ce ouvert ? Harry n'avait-il pas de clé ? N'utilisait-il pas de sorts pour sécuriser sa maison ? Ça ne lui ressemblait pas. Son inquiétude grimpa en flèche et c'est presque à reculons qu'il entra. Il s'attendait à tout comme, par exemple, à retrouver son ancien amant mort sur le sol de sa salle de bain, mais il ne trouva rien. Pas une trace du brun. Ses affaires étaient toujours là, rangées dans les placards. Une tasse traînait sur l'égouttoir, des chaussettes au pied du lit mais, à côté de ça, les plantes vertes semblaient assoiffées et une fine pellicule de poussière recouvrait les meubles.

Quand il fut évident que la maison était vide sans doute depuis un moment déjà, Draco se mit à la recherche d'informations pouvant lui indiquer où était Harry. C'est dans un tas de papiers posés sur un buffet en bois qu'il tomba sur un contrat de travail avec, en entête, l'adresse du Trapper's. Peut-être Harry était-il au travail ? Après tout, on était vendredi midi, la plupart des bars étaient ouverts à cette heure, non ? Une vague d'espoir envahie Draco et il ne perdit pas une minute de plus avant de transplaner.

En entrant dans le bar, Draco compris pourquoi Harry aimait travailler ici. Bien qu'affreusement vieillot, le Trapper's avait ce quelque chose de chaleureux qu'on ne voulait pas quitter après s'être installé. Les quelques clients présents levèrent le nez pour le regarder avant de retourner à leurs verres à l'exception une femme qui lui souriait depuis le comptoir qu'elle essuyait avec énergie.

"Bonjour monsieur. Que puis-je faire pour vous ?"

"Hum, je cherche un ami. Je crois qu'il travaille ici."

"Vraiment ? Qui ? Si c'est Jerry, il est parti faire une course, il ne devrait pas tarder."

"Non, il s'appelle Harry. Harry Potter."

La femme stoppa ses mouvements et le dévisagea. Longuement. Il y avait quelque chose dans son regard qui glaça le sang de Draco. Quelque chose qui confirmait ses craintes mais qu'il refusait encore de comprendre.

"Vous le connaissez ? Vous savez où il est ?"

"Je..."

"Comment connaissez-vous Harry ?"

Draco se retourna et tomba nez à nez avec un homme plutôt âgé, au visage rond et à la barbe bien fournie. Il était habitué aux barbes, vu les spécimens qu'il y avait à la réserve, même Charlie se laissait pousser la sienne de temps en temps et Draco avait appris à aimer ça au fil du temps, mais la barbe de cet homme était d'un autre niveau. Un oiseau aurait pu y faire son nid.

"Vous êtes Jerry ?"

"Oui. Et donc ?"

"Je... Harry et moi on se connaît depuis des années. On est allé à l'école ensemble."

"Vous venez du Royaume-Uni ?"

"Je vis en Roumanie maintenant, mais oui, on s'est connu là-bas. Il... on s'est vu il y a deux semaines, mais j'ai reçu une lettre hier et... je ne sais pas, je suis un peu inquiet. Vous savez où il est ?"

"Venez. Izzie, apporte-nous deux cafés, tu veux ? À moins que vous ne préfériez du thé ? Vous les anglais..."

"Non, du café ce sera très bien." Il aurait bien demandé quelque chose de plus fort que du café, mais sentait qu'il allait avoir besoin de toutes ses capacités d'attention. Draco suivit Jerry jusqu'à une table au fond du bar et s'installa en face de lui, les mains croisées. C'était la seule solution qu'il avait trouvée pour qu'elles ne tremblent pas. "Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

L'homme, Jerry, pris une profonde inspiration et se frotta le visage. Au-delà de la barbe, ses traits étaient tirés.

"Je suis désolé, monsieur-"

"Draco."

"Oui. Je suis désolée, Draco. Harry a beau travailler pour moi depuis des années, je ne sais pas grand-chose de lui. Pareil pour Izzie ou Ryan, mes autres employés. Je ne savais donc pas qui prévenir. Harry..." Il se racla la gorge dans une tentative d'éloigner un sanglot et une envie de vomir pris Draco. Il n'aimait pas ça du tout, il ne voulait pas l'entendre. "Il a eu un malaise il y a presque deux semaines, ça devait être peu après votre départ j'imagine. Il est venu travailler et... au milieu du service, il est tombé. Il a emporté deux tables dans sa chute, le pauvre gosse. On a appelé les urgences et ils l'ont conduit à l'hôpital."

"À... il est à l'hôpital ? Où ?"

"Non, il n'est... il ne s'en est pas sorti. Je suis désolé."

Interdit, Draco étudia l'homme devant lui. "Qu'est-ce que vous voulez dire ? Comment ça il ne s'en est pas sorti ? Je ne comprends pas."

"Harry est mort, Draco. Il est tombé dans le coma après son malaise et il est mort il y a quelques jours. On l'a enterré dans le cimetière du village avant-hier. Je peux vous y conduire, si vous voulez."

"Je... non. Non, il ne peut pas... c'est lui qui vous a dit de dire ça ? Pour que je ne le cherche pas ? Il est parti, n'est-ce pas ? Mais juste parti, pas... mort."

"Je suis désolé, gamin. Il est bien mort. J'étais présent à son enterrement et Izzie aussi. Presque tout le monde au village était là. On ne le voyait pas beaucoup, mais il était gentil, les gens l'aimaient bien avec son accent et ses petites lunettes. Il m'a beaucoup aidé en travaillant ici pour quelques sous. Surtout quand je me suis blessé, après l'été. Mais ces derniers temps... il n'était pas bien. Il avait l'air fatigué et faisait des malaises. Quand il est rentré de chez vous cet été, son état s'est empiré et il est allé voir un médecin qui lui a dit que c'était son cœur. Je ne savais même pas qu'on pouvait être malade du cœur à son âge. C'est bizarre, il n'avait pas l'air surpris ou triste, juste... résigné. Il s'est battu ces derniers mois pour rester en vie mais... j'imagine que son cœur a fini par lâcher. C'est bien que vous l'ayez vu une dernière fois juste avant qu'il meure."

Les mots de l'homme traversaient avec peine le brouillard envahissant le cerveau de Draco. Et s'il ne les comprenait pas tout à fait pour le moment, il y reviendrait sans doute un peu plus tard.

Mort. Harry était mort. Son cœur était malade, il avait lâché et... était-ce à cause de lui ? Est-ce que son passage, leur dispute, la nuit qu'ils avaient passé ensemble l'avait achevé ? Était-il responsable de sa mort ? Était-ce pour ça qu'il était parti plus de cinq ans auparavant ? Et qu'il l'avait chassé deux semaines plus tôt ? Était-ce pour cela qu'il ne rentrait que rarement au Royaume-Uni ? Il se savait malade, mourant et ne voulait pas imposer ça à ses proches.

"-co. Draco ? Vous m'entendez ?"

Il sursauta et se concentra de nouveau sur Jerry. "Pardon ? Oh, désolé."

"Y a pas de mal. J'imagine que vous devez être choqué."

"Hum... oui, un peu. J'avais l'impression qu'il allait bien, quand je l'ai vu l'autre jour."

C'était faux. Il savait. Il avait remarqué les cernes sous ses yeux et le poids qu'il avait perdu. S'il était tout à fait honnête, il pouvait même dire qu'il avait vu les pilules dans sa salle de bain, mais il n'avait pas fait attention. Il n'avait pas fait le lien et ne s'était pas inquiété. Comment aurait-il pu ? Il était trop inquiet pour lui-même, après tout.

"Je sais. Certains jours il allait bien, mais d'autres... c'est comme si ses démons le rattrapaient. Il en parlait des fois, mais je ne pensais pas qu'on pouvait avoir des démons à son âge. J'imagine que j'avais tort pour ça aussi. Je peux vous conduire au cimetière, si vous voulez. Mais je n'ai pas plus d'infos à vous donner. Comme je le disais, Harry était très discret. Peut-être que son médecin pourrait vous en dire plus ? Je dois avoir noté son nom quelque part, je reviens."

Alors que l'homme disparaissait, Draco fixa un point devant lui. Il n'arrivait plus à réfléchir, à penser. La seule chose qui envahissait son esprit était : Harry est mort. Mort. Mort.

Mort.

Et lui ne ressentait rien. Au-delà de la surprise, il n'y avait rien. Peut-être était-il en état de choc ?

"Tenez. C'est le docteur Hamada au Sechelt Hospital. C'est là qu'il a été envoyé après son malaise, et c'est lui qui le suivait ces derniers mois. Vous avez une voiture ? C'est à une demi-heure au sud-ouest. Sinon, je peux vous y conduire cet après-midi si vous voulez."

"Non, ça ira je vous remercie. Je vais me débrouiller."

"Très bien. Je vous emmène au cimetière ?"

"Je... okay."

Il le suivit le long d'une rue menant à la forêt et, à l'orée de celle-ci, il devina un petit cimetière avec quelques tombes entourées d'arbres. Jerry le conduisit un peu plus loin et s'arrêta devant un tas de terre fraîchement retourné avec, plantée dessus, une croix provisoire en bois où avait été gratté le nom de Harry.

"On s'est tous cotisé pour son enterrement, mais on n'a pas encore pu commander une pierre tombale. Peut-être l'été prochain, quand la saison touristique reprendra. Il aimait bien la forêt, alors on s'est dit qu'il serait bien là. Mais si vous voulez ramener son corps en Angleterre..."

"Non !" Draco avait hurlé, interrompant efficacement Jerry et quand celui-ci vit les tremblements de ses mains, puis de son corps s'intensifier, il ne releva.

Son corps... avec juste un mot, Draco venait de réaliser. Harry était là, sous ses pieds. Son corps était dans un cercueil sous la terre. Il était mort. Harry était...

Enfin, Draco craqua et se laissa envahir par toutes ces émotions qui l'avaient déserté depuis que Jerry lui avait annoncé la nouvelle. La tristesse et le désespoir remplirent ses poumons, l'empêchant de respirer. L'horreur, la douleur lui comprimèrent sa poitrine, menaçant d'arrêter son cœur. La réalisation, enfin et les regrets, firent fléchir ses genoux, le projetant sur le sol, les deux mains dans la terre. Là, il pleura. Longtemps, en silence. Il sentit la présence de Jerry derrière lui pendant un moment, puis plus rien mais il continua de pleurer malgré tout, rongé par le chagrin.

Il ne voulait pas y croire et, jusque-là, il avait encore eu un infime espoir que Jerry lui mentait et que Harry était peut-être quelque part, caché, libre et vivant. Mais plus maintenant. Dès qu'il avait vu la tombe, la terre, il avait su. Il pouvait sentir sa présence là-dessous, sa magie encore active bien que très légère. Dans quelques jours, quelques semaines, elle ne serait plus perceptible du tout. Mais c'était la preuve que Jerry n'avait pas menti. La preuve que Harry était bien mort.

"Non..." Les sanglots l'étouffaient presque, le forçant à les laisser sortir, intenses et interminables. Il avait l'impression que plus jamais il ne s'arrêterait de pleurer et, quand la nuit commença à tomber, seules les deux mains de Jerry le tirant sur ses pieds lui permirent de se détacher de la tombe. De Harry.

"Allez gamin, il ne faut pas rester là."

Il le reconduisit au bar où il le fit s'asseoir et lui servit un repas chaud que Draco toucha à peine. Le bar était presque vide mais il aurait pu être plein, ça n'aurait rien changé, Draco se sentait seul, complètement perdu dans les limbes de son chagrin.

"Vous êtes venu seul ? J'ai appelé l'hôpital, le docteur Hamada sera là demain si vous voulez le rencontrer. Est-ce que vous avez un endroit où dormir pour la nuit ?"

"Je... oui." Il pouvait retourner chez Harry et dormir dans la chambre d'amis, même s'il avait juste envie de rentrer en Roumanie et de se pelotonner dans les bras de Charlie pour y pleurer encore et encore. "Charlie." Murmura-t-il en réalisant qu'il devait le prévenir.

"Qui est Charlie ?"

"Mon fiancé. Il faut que je l'appelle, qu'il vienne ici."

"Oui, c'est bien si vous ne restez pas tout seul. Mangez, je vais demander à Ryan de vous raccompagner ensuite."

Jerry retourna au bar pour parler à son employé mais quand il se retourna, Draco avait disparu.

.xXx.

Draco avait passé la nuit roulé en boule sur le lit de Harry.

En transplanant dans la cabane, il s'était mécaniquement dirigé vers la chambre de son ancien amant et s'était enroulé dans sa couverture, la tête posée sur son oreiller, le nez dans son odeur. Il n'avait pas dormi, il avait juste pleuré encore un peu plus, avait parlé à voix haute, crié, interpellé un homme qui n'était plus là pour répondre à ses questions jusqu'à ce que le jour se lève enfin. C'est ainsi, immobile et le regard fixé sur le mur en bois que Charlie le trouva au petit matin.

"Draco ?" Quand celui-ci ne réagit pas, il s'approcha et s'agenouilla devant lui, à hauteur de ses yeux. "Mon cœur, c'est moi. Parle-moi, qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

La présence de Charlie mis quelques secondes à atteindre le cerveau du blond. C'était tellement incongru de le voir ici, dans la chambre de Harry. D'ailleurs, pourquoi était-il là, lui ? Est-ce qu'il avait encore couché avec le brun ? Non, il avait promis à Charlie et ne l'avait pas trouvé, de toute façon. Alors quoi... La vérité, le souvenir de la veille le frappa de nouveau si violemment qu'il en eu le souffle coupé quelques secondes.

"Harry..." Murmura-t-il quand il put enfin parler. "Il est mort."

"Quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire ?"

Draco fronça les sourcils. Comment ça ce qu'il voulait dire ? Ce n'était pas clair ? Pourquoi est-ce qu'il ne comprenait pas ? Puis, il se souvint que lui aussi, la veille, il avait eu du mal à y croire. Alors il se redressa et s'assit sur le lit, le regard baissé vers Charlie.

"Harry est mort, Charlie. Mort. Je ne vois pas comment le dire autrement."

"Tu... non, c'est impossible."

"Je sais, je n'y croyais pas non plus mais... j'ai vu sa tombe. Il est vraiment mort."

"Sa tombe ? Il a une tombe ? Mais quand est-ce qu'il... comment ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

"Je ne sais pas trop. Je dois aller voir son médecin ce matin, mais il avait des problèmes de cœur apparemment. C'est son patron qui m'a raconté. Jerry. C'est lui aussi qui m'a dit qu'il était mort. Il ne savait pas comment nous joindre, c'est pour ça qu'on ne l'a pas su. Je... J'ai senti sa magie sous la terre. Il est bien là."

"C'est impossible." Répéta Charlie et Draco ferma les yeux.

Il était passé par ce stade lui aussi i peine quelques heures. Il était toujours un peu dans le déni, à certains moments mais, dans l'ensemble, il savait, il le croyait.

"Harry est mort ? Merde..." Un sanglot étrangla Charlie et Draco glissa au sol, à genoux, pour le prendre dans ses bras.

"Je sais. Moi aussi j'ai du mal à y croire."

De nouvelles larmes qu'il pensait taries coulèrent le long de ses joues et les deux hommes pleurèrent ensemble un long moment.

Charlie avait beau être celui des frères Weasley qui le connaissait le moins, la mort de Harry restait une déchirure. Depuis leur rentrée à Poudlard à Ron et lui, ils l'avaient tous considéré comme leur petit frère et perdre un frère était une douleur qu'il connaissait déjà et qui, il le savait, ne disparaitrait jamais réellement. Déjà, il anticipait la réaction de sa famille. Les cris de sa mère, le mutisme de son père, les larmes et la douleur de tous les autres... ça avait été le cas pour Fred et, aujourd'hui encore, il leur était difficile de parler de lui. Ce ne serait pas différent pour Harry, tout Potter qu'il était.

"Il faut qu'on y aille, Charlie. Son médecin nous attend, il pourra nous expliquer ce qu'il s'est passé. Ensuite, on retournera au cimetière. Je vais prendre une douche. Tu peux nous préparer du café ?"

"Okay. Draco ?" Déjà debout, le blond regarda son fiancé. "Je suis tellement désolé. Je sais que tu tenais à lui et... que tu l'as aimé."

"C'est toi que j'aime, Charlie. Toi."

Le rouquin se leva à son tour et entoura son visage de ses mains. "Je sais. Et je t'aime aussi. Mais on ne peut pas nier ton histoire avec lui et... je sais que tu souffres. Et j'en suis désolé."

"Je..." Draco ravala ses larmes. Il avait assez pleuré pour le moment. Désormais, il avait surtout besoin de réponses. "Je sais. Moi aussi je suis désolé. Et je t'aime. Plus que tout au monde. Mais... mon cœur me fait tellement mal, j'ai l'impression qu'il va exploser."

Charlie lui sourit tendrement et déposa un baiser sur son front. "Va te préparer, ensuite on ira voir ce médecin."

Une heure plus tard à peine, ils étaient dans la salle d'attente du petit hôpital de Sechelt, une ville à deux heures de roue à l'ouest de Vancouver. Draco regardait les patients et les infirmières défiler devant eux sans vraiment les voir, ne sentant plus grand-chose à part la main de Charlie dans la sienne. Il était reconnaissant qu'il soit là, avec lui. En réalité, il se souvenait à peine avoir envoyé un Patronus à son fiancé la veille, après être retourné au chalet et l'avait sans doute fait mécaniquement, sans réellement y penser, mais le soulagement qu'il ressentait désormais avec l'autre homme à ses côtés prouvait qu'il avait bien fait.

"Draco ?" Les deux hommes levèrent la tête vers un homme vêtu d'une blouse blanche. Il avait une petite cinquantaine d'années et les observait de ses yeux sombres à travers ses lunettes. "Vous êtes Draco, n'est-ce pas ?"

Le blond se racla la gorge avant de se lever, la main tendue. "Oui. Et vous devez être le docteur Hamada."

"Exact. Jerry m'a appelé hier pour m'informer de votre venue. J'espérais bien voir les proches de Mr Potter un de ces jours. Venez, allons dans mon bureau."

Ils le suivirent à travers les couloirs, l'odeur d'antiseptique donnait des nausées à Draco qui se refusa à regarder ailleurs que devant lui. Ce n'est qu'une fois enfermés dans le bureau qu'il put enfin se détendre. Autant que possible, du moins.

"Bien. J'ignore de quoi vous étiez au courant concernant l'état de santé de Mr Potter."

"De rien. Il n'a rien dit à personne."

"Ça ne m'étonne pas trop. Il m'a donné l'impression d'être assez... solitaire. Vous vous connaissiez depuis longtemps ?"

"Quelques années. On a fait une grande partie de notre scolarité ensemble."

"Il était très proche de ma famille. On le considérait comme un frère." Ajouta Charlie et Draco lui serra la main.

"Je vois. Mr Potter est venu me voir pour la première fois en septembre, après avoir fait plusieurs malaises. Il commençait à s'inquiéter mais c'est surtout Jerry qui l'a obligé à venir. J'étais à l'école avec son neveu, donc il fait appel à moi quand il a un souci d'ordre médical." Les deux britanniques hochèrent la tête machinalement, même si ce n'était pas tellement pertinent pour comprendre ce qui était arrivé à Harry. "Je lui ai fait passer plusieurs examens qui ont révélé une anomalie dans son cœur. Une insuffisance cardiaque sévère. En réalité..." L'homme fronça les sourcils mais ne continua pas.

"En réalité ?" Demanda Draco, curieux.

"En vingt-cinq ans de carrière, je n'ai jamais vu ça. Un cœur aussi abîmé chez quelqu'un de son âge et sans symptômes au préalable ?" Il secoua la tête lentement. "Non, jamais. Je ne sais même pas comment il a pu tenir aussi longtemps, à vrai dire. C'est le genre de cœur qu'on voit chez quelqu'un d'âgé, de malade ou chez certains fumeurs, mais c'est très rare chez les personnes de moins de trente ans. Ou alors la maladie est diagnostiquée avant et ils sont mis sous traitement et sur la liste d'attente pour une transplantation cardiaque. Arrivé à ce stade, les dégâts sont irréversibles. Il aurait dû s'en rendre compte avant, avoir des symptômes... Je ne comprends pas."

"Depuis combien de temps était-il comme ça, vous croyez ?"

"Sans doute des années. Généralement, ce genre de dégâts met toute une vie à s'installer et à se répandre, mais je parle de dizaines d'années. Il avait quoi ? Vingt-cinq ans ?"

"Pas tout à fait. Est-ce qu'il... est-ce qu'il a souffert ?"

"J'aimerais vous dire que non, vous soulager de ce poids, mais je vous dois d'être honnête. Oui, il a sans doute beaucoup souffert, surtout ces derniers mois. Mais il devait surtout être très fatigué. Est-ce qu'il lui arrivait de faire des malaises, ou de passer des journées au lit par manque de force avant cela ?"

"Je... je n'en sais rien. Je vis en Roumanie."

"Je vois."

Pourtant, l'esprit de Draco retourna au mariage de Blaise et Ron. Il se souvenait à quel point Harry avait été pâle ce jour-là et comment il lui avait dit être resté au lit pendant deux jours sans rien manger parce qu'il avait été malade. Le Harry du mariage n'avait rien à voir avec le Harry qu'il avait connu cinq ans plus tôt. Il n'était plus que l'ombre de lui-même et Draco n'avait rien vu. Ou alors si, il avait vu mais il avait choisi de l'ignorer. Il était avec Charlie maintenant et ce n'était plus son rôle de s'inquiéter pour le brun. Sauf qu'apparemment, ce n'était le rôle de personne et, maintenant, il était mort. Il y avait aussi ce qu'il lui avait raconté deux semaines plus tôt, ce vide qu'il ressentait et qui semblait le ronger. Il comprenait mieux, maintenant.

Un sanglot s'échappa des lèvres de Draco. Il aurait pu l'aider, réagir plus tôt et peut-être serait-il encore en vie aujourd'hui.

"Qu'est-ce qu'on aurait pu faire pour éviter ça ?" Demanda Charlie, semblant deviner les pensées de son fiancé.

"Pas grand-chose, malheureusement. Comme je vous le disais, son cœur devait être dans cet état depuis des années et je doute que vous auriez pu faire quoi que ce soit. Peut-être aurait-il pu bénéficier d'une transplantation cardiaque si on l'avait repéré à temps, mais à part ça..."

"Vous dites qu'il est venu vous voir après cet été... il était donc au courant."

"Oui. Je lui ai conseillé d'en parler à ses proches. C'est important de ne pas être seul dans ce genre de situation. Mais il avait l'air de quelqu'un de têtu, votre ami."

"Donc il y a deux semaines, il savait." Draco regarda Charlie, les larmes envahissant ses yeux de nouveau. Pourquoi ne lui avait-il rien dit ? Pourquoi l'avait-il laissé lui hurler dessus comme ça ? Est-ce qu'il avait couché avec lui parce qu'il savait qu'il allait mourir ? Désormais, il comprenait pourquoi le brun l'avait chassé de chez lui de cette façon. Il ne voulait pas qu'il souffre et avait voulu le protéger à sa manière. "Connard..." Souffla-t-il, bien que ce mot avait une tout autre signification aujourd'hui.

"Est-ce qu'on sait pourquoi son cœur était comme ça ? À quoi c'est dû ?"

"Pas vraiment, non. Dans certains cas, c'est à cause d'une maladie, mais ça met des années à véritablement se détériorer. Ça aurait pu être le tabac, mais il m'a dit ne pas fumer. Dans le cas de Mr Potter, je pencherais plutôt pour un trauma important qu'il aurait subi il y a des années et qui a affecté son corps et, surtout son cœur. Il n'a pas voulu me dire grand-chose, mais je pense qu'il avait une petite idée de ce qu'il s'était passé."

Charlie et Draco échangèrent un regard. Bien sûr qu'il savait. Eux aussi, d'ailleurs. À vrai dire, il n'y avait pas un traumatisme, mais des dizaines, il n'y avait qu'à en choisir un. La mort de ses parents et l'Avada qu'il avait reçu à tout juste un an, les diverses attaques de Voldemort au fil des années, la maltraitance de sa famille Moldue, la perte de Sirius en cinquième année, celle de Dumbledore en sixième plus toutes les autres ensuite, les combats, les blessures et enfin, sans doute le plus grand traumatisme de tous, sa mort de la main de Voldemort. Il l'avait dit lui-même : on n'est pas censé revenir à la vie sans conséquences.

"Je vois que vous aussi, vous avez une petite idée. J'imagine que je n'en saurais pas plus."

"Disons juste que Harry a eu son lot de traumatismes dans la vie. Donc... oui, ça ne m'étonne pas qu'il a fini par y succomber."

"Je dois vous avouer une chose. Quand j'ai revu Mr Potter pour lui donner mon diagnostique, il n'a pas eu l'air si surpris que ça. J'ai même eu l'impression qu'il était soulagé et quand je lui ai demandé pourquoi, il m'a juste dit qu'il était heureux d'enfin savoir ce qu'il avait, de réaliser qu'il y avait bien une raison à tout ce qu'il ressentait, qu'il n'était pas fou. Je n'ai jamais vu quelqu'un de son âge aussi résigné et soulagé à l'idée de mourir."

"Il a accueilli la mort comme une vieille amie." Murmura Draco sans vraiment le réaliser.

"Quand il a fait son malaise il y a quelques jours, il a été amené ici et j'ai fait ce que j'ai pu, mais ce n'était pas suffisant. Il est rapidement tombé dans le coma et ne s'est plus réveillé. Il est mort dans la nuit, paisiblement. Je savais que sa mort était inévitable et lui aussi, mais j'espérais qu'il aurait plus de temps. C'était quelqu'un de bien, votre ami. Un gentil garçon. Je suis désolé qu'il ne s'en soit pas sorti et que vous n'ayez pas pu lui dire au revoir."

"Merci."

"Voudriez-vous récupérer ses affaires ?"

Draco leva les yeux, surpris. "Ses... affaires ?"

"Oui. Il avait peu de choses sur lui en arrivant à l'hôpital et comme il n'avait pas de proches ici, nous les avons gardées, c'est la procédure. Il était vraisemblablement important pour vous et je pense que vous devriez les avoir. Ne bougez pas, je vais aller les chercher."

"Ça va ?"

Draco sourit à Charlie tandis que celui-ci lui caressait la joue du bout des doigts.

"Oui, je crois."

"Est-ce que tu as eu les réponses que tu attendais ?"

"Je ne sais pas trop. J'imagine, oui. Tu connais la vie de Harry aussi bien que moi, tous les traumatismes qu'il a vécus... dans un sens, c'est logique que ça ait laissé une trace."

"Oui, je suppose que c'est pour ça qu'il n'a pas été surpris."

"Mais savoir qu'il a traversé tout ça seul... j'ai l'impression de l'avoir abandonné. Pas seulement moi, nous tous. On l'a laissé partir et, ensuite, on n'a rien fait pour lui, pour nous assurer qu'il allait bien. Réellement bien."

"Il ne nous aurait pas laissé faire. Il aimait sa liberté, il en avait besoin. C'est pour ça qu'il a tenu tout le monde à distance. Et puis... tu as entendu ce qu'a dit le médecin, ça n'aurait sans doute rien changé, les dégâts étaient trop importants."

"Maintenant, oui. Mais à l'époque, juste après la guerre, il aurait pu être soigné. On aurait dû l'amener à Ste Mangouste, le traîner de force si besoin. Peut-être que la magie aurait pu l'aider là où la médecine Moldue n'était pas suffisante !"

"Draco..."

"Et peut-être que si je n'étais pas venu le voir, il ne serait pas mort aujourd'hui, peut-être qu'il aurait encore tenu des mois, des années !"

"Ce n'est pas le cas, mon cœur.

"Tu ne comprends pas, Charlie. Je l'ai tué, il est mort à cause de moi, parce que je lui ai brisé le cœur."

"Non Draco, au contraire. Je pense que sans toi, il n'aurait pas survécu toutes ces années. Il serait sans doute mort peu de temps après la guerre. Son cœur était mal au point et ça n'a rien à voir avec toi. La guerre, les deuils, sa mort... ça l'a affaibli et les années ont empiré les choses. C'était irrémédiable et il serait mort quoi qu'il arrive. Toi ni personne n'aurait pu y changer quoi que ce soit."

Les larmes du blond avaient repris de plus belle. Charlie le serra contre lui, contre son cœur et le laissa pleurer tout son saoul jusqu'à ce que le médecin revienne, une boîte en plastique blanche dans les mains.

"Voilà. Il n'y a pas grand-chose, mais c'est important que vous les ayez."

Les mains tremblantes, Draco ouvrit la boîte et en sorti le contenu élément après élément. Il y avait un portefeuille avec, à l'intérieur, quelques billets et pièces, une carte bancaire et une photo cornée de Harry et Teddy prise à un Noël quelques années auparavant. Le petit garçon le regardait avec un tel émerveillement que le blond en eu les larmes aux yeux. Malgré la distance entre eux ces dernières années, Teddy allait être détruit par la nouvelle, il en était persuadé.

Il y avait aussi un téléphone portable éteint qu'il tendit à son fiancé. Vu sa propre ignorance en matière de technologies Moldues, il ne risquait pas d'en faire grand-chose.

"Il est déchargé. Le chargeur doit être chez lui, on devrait pouvoir le redémarrer ensuite."

Ils avaient l'espoir d'y trouver quelque chose, des messages, des notes, des photos... n'importe quoi.

Les deux derniers éléments étaient un sac contenant les vêtements qu'il portait à son arrivée à l'hôpital ainsi qu'une clé accrochée à une chaîne en argent, probablement celle de son chalet.

Déçu, Draco reposa le tout sur la table et dévisagea le médecin.

"Vous vous attendiez à autre chose, n'est-ce pas ?"

"Oui, sans doute. Je pensais qu'il aurait peut-être laissé quelque chose, un mot ou je ne sais quoi."

"Il a envoyé plusieurs lettres."

"Pardon ?" Plusieurs ?

"Quand il est arrivé à l'hôpital, il est resté conscient quelques heures et, juste avant de tomber dans le coma, il a écrit des lettres et nous a demandé de les poster. Je ne m'en suis pas occupé personnellement, mais j'ai cru voir votre nom sur l'une d'elle."

"Et les autres ?"

"Je ne sais pas. Je l'ai juste vu en écrire trois ou quatre différentes. C'est Anna, l'une de nos infirmières qui les a postées pour lui. Elle est sûrement à l'accueil si vous voulez lui poser la question en repartant."

"Je... d'accord, merci."

"Avez-vous d'autres questions, messieurs ? Je veux faire mon possible pour vous aider."

"C'est gentil, mais... je ne sais pas quoi demander d'autre."

L'homme acquiesça et leur tendit un bout de carton. "Voici ma carte. Appelez-moi si vous avez la moindre question."

Charlie la récupéra avant de la glisser dans la poche de son jean, puis ils se levèrent, les maigres effets personnels de Harry sous le bras.

"Au revoir messieurs, et encore toutes mes condoléances."

Sur le chemin de la sortie, ils s'arrêtèrent à la réception et interrogèrent Anna sur les fameuses lettres mais celle-ci leur affirma en souriant qu'elle n'avait posté qu'une seule lettre.

"Vous en êtes certaine ?"

"Absolument. Je me rappelle le nom sur l'enveloppe, Draco Malfoy. Ça m'a intrigué. Moi aussi je l'ai vu en écrire d'autres, mais il ne m'en a donné qu'une seule. Peut-être sont-elles dans ses affaires ?"

"Non, il n'y avait rien de tel."

"Alors je ne sais pas. Navrée."

Ce dernier mystère occupa l'esprit de Draco tandis qu'ils sortaient de l'hôpital.

"Tu crois qu'elles sont où, ces lettres ?"

"Je ne sais pas. Il a peut-être décidé de ne pas les envoyer, au final. Ne te prends pas trop la tête avec ça, mon cœur. Si on doit avoir la réponse à cette question un jour, on l'aura. Qu'est-ce que tu veux faire, maintenant ? Tu as faim ? Ou tu veux rentrer à la cabane te reposer un peu ? Tu as l'air épuisé."

"Pas tout de suite. On devrait aller au cimetière."

"Je te suis."

Cinq minutes plus tard, ils se tenaient devant la tombe de Harry, main dans la main, le regard rivé sur la petite croix en bois et le monticule de terre en-dessous.

"Il faut qu'on le ramène, Draco. Chez lui, près de ses parents."

"Non. Il aimait cet endroit. Il se sentait libre, ici. Il devrait rester. On viendra lui rendre visite, on peut bien faire ça pour lui."

"Ron, Hermione, Maman... ils ne seront pas d'accord avec ça."

"Ils n'ont pas le choix, ce n'est pas leur décision. S'il avait voulu être enterré à Godric's Hollow avec eux, il l'aurait demandé."

"Okay, j'imagine que tu as raison. On devrait commander quelque chose pour remplacer cette croix, alors. Une pierre tombale, une plaque... peu importe."

"On verra ça avec tout le monde. Mais il faut les prévenir d'abord."

"Merlin... ça me rend malade rien que d'y penser. Comme l'imaginer là-dessous, d'ailleurs."

Un sanglot étrangla Draco qui se blottit dans les bras de Charlie. "Je sais, moi aussi. Toi aussi, tu sens sa magie ?"

"Ouais, elle est partout. Il était vraiment puissant. Je ne serais pas surpris de voir pousser un arbre ici, dans peu de temps."

"Ça ne m'étonnerait même pas, le connaissant. On s'occupera d'entretenir sa tombe, tous ensemble. Tu entends, Harry ? On t'a abandonné de ton vivant, mais on ne fera pas la même chose pour ta mort. Je te le promets."

"Maman et papa viendront te rendre visite très vite, j'en suis sûr. Et Ron, Hermione, George, Ginny... tout le monde. Embrasse Fred de ma part, tu veux ?"

"Tu sais ce qui me console un peu ?"

"Quoi ?"

"De savoir qu'il a enfin retrouvé ses parents. Et Sirius, Remus et tous les autres. Toutes ces pertes l'ont beaucoup éprouvé, bien plus que la plupart d'entre nous et je suis sûr que c'est en partie ce qui l'a rongé. Comme si une part de lui mourrait en même temps qu'eux. Pas étonnant qu'il soit mort si jeune."

"C'est même étrange qu'il ait vécu aussi longtemps, alors."

"Oui, étrange."

Draco se repassa leur discussion le soir où ils avaient couché ensemble, quand Harry lui avait dit qu'il était la raison pour laquelle il avait tenu aussi longtemps après la guerre. Aujourd'hui, au pied de sa tombe, ces paroles avaient une tout autre saveur et renforçait son sentiment d'avoir précipité sa mort en agissant comme il l'avait fait.

"On devrait y aller, il commence à se faire tard."

"Où ?"

"Au chalet, non ? Pourquoi ? Tu veux rentrer à la maison maintenant ?"

Draco haussa les épaules. "Je n'en sais rien. Non, probablement pas. On doit aller prévenir tout le monde au Royaume-Uni, de toute façon. Mais... je crois que j'aimerais rester encore au moins cette nuit. Je me dis qu'il y a peut-être quelque chose chez lui qui nous aiderait à comprendre."

"Tu veux dire en plus de ce que son médecin nous a dit ?"

"Oui. Non ? Désolé, je suis... j'ai juste cette sensation qu'il manque quelque chose, tu vois ? Comme un..." 'Je me sens vide.' "Un vide."

À cet instant, Draco compris ce que Harry avait dû ressentir toutes ces années, ce vide qui le remplissait, qui lui vrillait les tripes. Ça ne faisait que quelques heures et, déjà, ça le rendait dingue alors que Harry avait vécu ça pendant des années.

Sans un mot de plus, les deux hommes transplanèrent chez Harry et tandis que Charlie préparait du thé, Draco passait en revue ce qu'il trouvait sur et dans les meubles. Photos, papiers, courriers... il ne savait même pas ce qu'il cherchait. Probablement le saurait-il en le trouvant. Une ou deux fois, il s'arrêta, se sentant horrible de fouiller dans les affaires d'un mort, mais quand il se souvenait à chaque fois que ce mort était Harry, il reprenait ses recherches, plus déterminé que jamais. S'il n'avait pas voulu qu'il fasse ça, il ne lui aurait pas envoyé cette lettre et quelqu'un d'autre serait venu dans quelques semaines, quelques mois, s'inquiétant de ne pas avoir de ses nouvelles. Moins que d'habitude, bien sûr. Ron ou Hermione seraient venus, auraient été voir Jerry, auraient rencontré le docteur Hamada, se serraient recueilli sur sa tombe. Ce sont eux qui auraient fouillé la cabane à la recherche de réponses avant de rentrer et de l'annoncer à tout le monde.

Draco avait envie que ça se passe comme ça, il voulait revenir en arrière, ne pas ouvrir l'enveloppe et ne pas venir. Il voulait tout remettre en place et rentrer chez lui comme si de rien n'était, ne prévenir personne et attendre. Juste attendre que quelqu'un d'autre prenne sa place ici.

Mais ce n'était pas possible. Il était venu et il était celui qui devait trouver des réponses aux questions que tous allaient lui poser dès qu'ils sauront. Il était là, alors c'était son rôle et, heureusement, Charlie était avec lui pour l'assister.

Un bruit aigu vint de la cuisine et Draco leva les yeux pour regarder Charlie ramasser la cuillère qu'il venait de laisser tomber, avant de la poser sur le comptoir et de s'y appuyer en soufflant. Il resta immobile une bonne minute, les yeux fermés et quand il le rouvrit, sa tristesse et sa douleur était palpable. Draco reposa le livre qu'il tenait et le rejoignit, l'enlaçant par derrière, sa tête posée sur l'épaule de son fiancé.

"Je suis désolé, Charlie."

"J'ai l'impression d'avoir perdu un second frère. Après Fred... Ce n'était pas censé se passer comme ça."

"Je sais. Je suis désolé. Il va nous falloir un peu de temps pour digérer, réaliser et faire notre deuil ensuite, mais tant qu'on est tous les deux... Merci d'être là, Charlie. D'être venu. Tu n'étais pas obligé de le faire."

Charlie se retourna et enroula lui aussi ses bras autour de Draco. "Je suis exactement là où je suis sensé être, mon cœur. Tu n'as pas à vivre ça tout seul. Personne ne le devrait." Il l'embrassa doucement. "Je t'aime."

"Moi aussi, je t'aime."

Les deux hommes restèrent ainsi de longues minutes, enlacés et immobiles, jusqu'à ce que le ventre de Draco grogne, leur arrachant un petit rire.

"Il n'y a pas grand-chose à manger, ici. Tu veux que j'aille prendre des pizzas à Vancouver ?"

"Oui, pourquoi pas. Des pizzas, ça me semble bien."

Draco et Charlie passèrent une partie de la nuit à étudier les papiers de Harry avant de dormir quelques heures dans la chambre d'amis, puis ils continuèrent le lendemain matin mais, rapidement, il fut évident qu'ils ne trouveraient rien. S'il y avait eu quoi que ce soit d'important, comme un courrier, un coffre, un testament, ils l'auraient trouvé. Si Harry avait laissé quoi que ce soit, c'était sûrement en sécurité quelque part à Gringotts.

C'est dans cette idée qu'ils décidèrent de repartir non pas en Roumanie, mais en Angleterre. Il était temps de prévenir tout le monde de la mort de Harry.

Au moment de partir, Draco jeta un dernier coup d'œil autour de lui, tentant de se remémorer la seule fois où il s'était trouvé là en présence du brun. Ça avait était bref, mais il était certain de pouvoir le voir évoluer dans chaque pièce, laissant sa trace derrière lui sur chaque meuble, chaque objet.

"Et le chalet ?" Demanda Charlie, debout devant la porte ouverte. Il n'attendait plus que Draco pour fermer derrière eux et transplaner à l'aéroport.

"Quoi le chalet ?"

"Qu'est-ce qu'on en fait ?"

Draco haussa les épaules. Que voulait-il qu'ils en fassent ? Ils n'allaient pas le rétrécir pour le mettre dans leur poche et le ramener au Terrier, si ? "Rien. Harry a sûrement fait un testament. On saura quoi en faire à ce moment-là. J'imagine qu'il l'aura légué à Teddy."

"J'imagine, oui. Tu es prêt ?"

Après un dernier regard, Draco rejoignit son fiancé et, ensemble, ils quittèrent le petit bout de forêt où Harry avait été si seul, mais si libre.

.xXx.

Quand ils poussèrent la porte du Terrier, une partie de la famille Weasley était réunie pour le déjeuner dominical et tout le monde se leva, surpris et ravis de les voir. Mais la joie fut de courte durée et l'air sombre sur leur visage alerta immédiatement la famille, à commencer par Molly. Ironiquement, elle s'inquiéta d'abord pour leur mariage, pensant sans doute qu'ils s'étaient disputés et venaient leur annoncer l'annulation du mariage. Puis, tous comprirent qu'il ne s'agissait pas de cela et que, peu importe la nouvelle, c'était grave.

À la demande de Charlie, on fit appeler Ron et Hermione ainsi que Percy et sa femme qui n'étaient pas présents. Tous arrivèrent rapidement, Ron accompagné de son mari Blaise et Hermione, à la surprise quasi-générale, arriva avec Pansy. Draco n'eut même pas la force de paraître étonné, il savait tout des sentiments de Pansy pour l'ancienne Gryffondor et ne comptait plus les heures qu'ils avaient passé la tête dans la cheminée à en discuter.

Quand enfin tout le monde fut présent et installé dans le salon, Draco et Charlie prirent la parole, main dans la main. L'annonce de la mort de Harry fut, comme prévu, accompagnée de cris, de pleurs, d'incompréhension.

Molly se leva et agrippa les bras de son fils avant de le secouer, le suppliant de lui dire que ce n'était pas vrai avant de s'effondrer, retenue de justesse par Charlie et Arthur qui les avait rejoints.

Ginny éclata en sanglots dans les bras de George qui, stoïque, lui caressa les cheveux tout en fixant un point devant lui sans rien dire.

Hermione, elle, sorti de la maison en courant et quand Pansy se leva pour la suivre, Blaise l'en empêcha d'une main tandis que Ron rattrapait son amie.

Bill et Percy restèrent, comme George, silencieux tandis que leurs épouses se tenaient à leurs côtés, un roc dans la tempête intérieure qui devait les secouer.

Le reste de la journée, ils la passèrent à discuter. Draco et Charlie leur expliquèrent tout ce qu'ils savaient et quand on lui demanda pourquoi il semblait bien plus proche de Harry qu'il ne le devrait, Draco regarda Charlie et leur avoua la relation qu'ils avaient eu avant le départ de Harry. Cet aveu fit l'effet d'une bombe pour certains tandis que, pour les autres, c'était presque logique. Harry et lui avaient toujours eu une relation particulière, même à Poudlard et le départ de Draco juste après celui de Harry avait éveillé quelques soupçons à l'époque.

Draco pris sur lui de tout expliquer à Teddy en se rendant chez Andromeda le lendemain. Il y passa quelques heures à discuter avec le garçon et à répondre à ses très nombreuses questions, puis il lui promit de l'accompagner, un jour, sur la tombe de son parrain. Quand il sera prêt, quand il sera plus grand. Quand il pourra réellement comprendre.

Comme ils s'en doutaient, Harry avait laissé un testament dans lequel il disait léguer la maison des Black à Square Grimmauld et le chalet du Canada à Teddy. Il lui avait également légué le contenu de son coffre dont l'accès ne lui sera possible qu'à ses dix-sept ans. À ses amis, sa famille, il avait laissé quelques objets, des souvenirs dont la valeur était surtout sentimentale. À Draco, cependant, il ne laissa rien.

Il ne lui en voulu pas, bien entendu, mais il avait tout de même espéré, une dernière fois, obtenir des réponses. Peut-être l'une de ces fameuses lettres qu'il avait écrites à l'hôpital et qui semblaient avoir disparu à l'exception de celle qu'il avait reçue.

La baguette de Harry avait elle aussi disparue. Avait-il été enterré avec comme de nombreux sorciers ? Peu probable, puisqu'il avait été enterré par des Moldus. Alors peut-être ceux-ci, la prenant pour un simple bout de bois, l'avaient-ils jetée sans se rendre compte de ce qu'ils faisaient. Là encore, personne n'aurait de réponse

La seule et unique chose que Draco garda, au-delà de ses souvenirs, fut la clé que Harry avait avec lui à l'hôpital le jour de sa mort. Après s'être assuré qu'elle n'ouvrait pas une porte du chalet ou de la maison des Black, il enfila la chaîne en argent autour de son cou. De cette façon, il pourrait le garder contre son cœur à jamais. Ce geste ne gêna pas Charlie qui comprenait ce besoin de son fiancé de conserver une part de Harry avec lui. Il n'avait pas peur de n'être que le remplaçant dans le cœur de Draco, ou de se sentir menacé en voyant la clé autour du cou de son homme et Draco le savait. Si quelqu'un pouvait rivaliser avec un fantôme, c'était bien Charlie Weasley. Il savait que le brun aurait toujours une place dans leur vie, dans celle de Draco, mais que son souvenir ne se mettrait jamais entre eux. Sauf s'il le laissait faire.

Ils se marièrent comme prévu à l'été, entouré de leurs familles et amis et si tout le monde ressenti l'absence de Harry en cette si belle journée, tous en profitèrent pour se souvenir plutôt que se lamenter, célébrer au lieu de pleurer...

… et aimer, plus que tout.

.

.xXx.

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# 11 ANS PLUS TARD #

"Lyra, laisse ton frère, tu veux ?"

"Mais papa, il m'a encore piqué mon livre !"

"Arthur, rend le livre à ta sœur."

"Mais papa, elle ne veut pas jouer avec moi !"

Soupirant, Draco se laissa tomber sur le pouf qu'ils avaient installé dehors, sur la terrasse. Le soleil était resplendissant en cette fin juillet et ils avaient décidé d'en profiter en famille. Mais c'était sans compter sur ses chers enfants adorés qui avaient décidé de s'entendre comme chien et chat, cet été.

"J'abandonne. Vas-y, gère tes enfants."

"Pourquoi moi ? Tu te débrouilles très bien, je trouve."

"Mais bien sûr. Et dire que tu voulais en avoir un troisième... Hors de question d'être en infériorité numérique avec ces monstres."

Charlie éclata de rire et Draco du se retenir pour ne pas lui envoyer sa tongue à la figure.

"Tu dis ça, mais quand Lyra entrera à Poudlard l'an prochain, tu verseras quand même toutes les larmes de ton corps."

"Bien sûr que oui. Mon bébé à Poudlard... ça va m'achever."

Cette rentrée serait la dernière avant Poudlard pour leur fille, puisque celle-ci allait fêter ses onze ans en décembre et la simple idée de la voir disparaître dans le train pour des mois d'absence faisait renifler Draco. Il avait bien l'intention de profiter de cette dernière année avec ses deux enfants réunis sous leur toit car, bientôt, il se retrouverait seul.

Enfin, seul avec son très cher époux, bien entendu.

Onze ans après leur mariage, Draco et Charlie étaient toujours aussi amoureux et même la naissance de leurs deux enfants et les épreuves de tous les jours n'avaient pas réussi à les séparer. À croire qu'ils avaient vécu suffisamment d'épreuves au début de leur relation pour les réunir à vie.

Quand la sonnette de la cheminée retentie, annonçant un visiteur, Draco grogna et Charlie se leva, toujours hilare. Hors de question qu'il bouge ses fesses alors que le pouf en épousait si bien les formes. Il leva les yeux vers le ciel, toujours d'un bleu pur et sourit. Revenir au Royaume-Uni n'avait pas été une décision facile à prendre pour Charlie et lui, mais la naissance de leur fille puis, trois ans plus tard de leur fils les avait décidés à changer de vie. Élever des dragons, c'était bien, mais avec des enfants en bas-âge à la maison, il y avait mieux. De un, c'était un métier dangereux et ils n'avaient pas envie de faire d'eux des orphelins, de deux, être au Royaume-Uni leur permettait d'avoir l'aide de Molly pour les garder. Et puis ils souhaitaient tous deux les voir étudier à Poudlard, donc autant rentrer afin de ne pas trop compliquer les choses et leur laisser le temps de s'adapter à la vie anglaise.

Mais aujourd'hui, Draco ne regrettait absolument rien. Il était heureux ici avec sa famille, dans leur maison au cœur de la campagne anglaise avec leur chien, leurs trois chats et les deux moutons qu'ils avaient recueillis parce que Lyra les trouvait tristes dans leurs anciens pâturages. Bien sûr, elle avait promis de s'en occuper et, bien sûr, elle ne l'avait jamais réellement fait. Mais il n'y avait pas que ça, si la vie lui avait appris une chose, c'était qu'être proche de sa famille était une chance et il n'était jamais plus heureux que quand ils recevaient leurs amis pour une journée, une soirée... Le must, c'était les fêtes de fin d'année et les anniversaires qui leur laissaient à chaque fois des souvenirs plein la tête.

D'ailleurs, l'anniversaire d'Arthur, leur fils, approchait à grands pas et il devait encore décider quel gâteau il allait commander. Oui, il n'était pas le genre de père qui savait comment préparer un gâteau d'anniversaire à la perfection. Non, lui il racontait des histoires du tonnerre et leur enseignait comment battre leur autre père au Quidditch. Pour ça, il était doué.

"Draco ? Regarde qui est là."

Le blond se retourna et un grand sourire envahi son visage en reconnaissant leur visiteur.

"Teddy ! Ça alors, ça faisait un bail ! Je croyais que tu étais à Rome ?"

Teddy venait d'avoir dix-sept ans et il profitait de l'été avant sa dernière rentrée à Poudlard pour faire le tour de l'Europe avec ses meilleurs amis.

"On est revenu quelques jours avant de repartir pour Vienne. Ça me permet d'être là pour l'anniversaire d'Arty."

"C'est génial, il va être content." Draco regarda le jeune homme se balancer d'un pied sur l'autre nerveusement quelques secondes avant de se décider à abréger ses souffrances. "Qu'est-ce qu'il se passe, Teddy ? Je vois bien qu'il y a autre chose et l'anniversaire de ton filleul n'est que dans deux jours, alors... pourquoi es-tu venu ?"

"Je... Est-ce que je peux te poser une question, Draco ?"

"Bien sûr, assieds-toi."

Sentant que le jeune homme avait besoin d'être seul avec Draco, Charlie se dirigea vers la maison. "Je vais chercher du thé glacé."

"Vas-y, raconte." Lança Draco une fois son mari parti. "Qu'est-ce qui te tracasse ?"

"Je me demandais si toi et parrain... est-ce qu'il y a eu quelque chose entre vous avant sa mort ?"

Draco resta silencieux à cause du choc et de l'incompréhension. Pourquoi lui posait-il cette question tout à coup, onze ans après la mort de Harry ?

"Qu'est-ce qui te fait dire ça, Teddy ?"

"Tu sais que j'ai eu accès à son coffre à mes dix-sept ans, non ?"

"Oui, c'était dans son testament. Tu y es allé ?"

Teddy hocha la tête et sortit une enveloppe de sa poche. "Il y avait plusieurs lettres dans son coffre. L'une était pour moi, deux autres pour Ron et Hermione et la dernière..." Il regarda l'enveloppe, la tourna entre ses doigts puis la tendit à Draco. "La dernière t'est destinée, tonton Draco." Ils avaient beau être cousins, Teddy l'avait toujours appelé tonton en grandissant et l'entendre l'appeler ainsi lui serra le cœur.

Les mains tremblantes, il récupéra l'enveloppe et observa l'écriture qu'il reconnaissait toujours, même onze ans plus tard.

"Je me doute que s'il t'a écrit une lettre avant sa mort, ça doit forcément vouloir dire quelque chose. Moi, Ron et Hermione, je comprends, mais toi... je n'ai pas souvenir que vous étiez proches, tous les deux."

"Tu as raison, il s'est bien passé quelque chose. C'était avant que je rencontre Charlie. Harry et moi... on est sorti ensemble quelques temps juste après la guerre, ça n'a pas duré longtemps et ça s'est terminé quand il est parti sans rien dire. J'en ai beaucoup souffert, parce que je l'aimais énormément et je n'ai pas compris pourquoi il était parti comme ça. Alors je suis parti aussi, j'ai fait le tour de l'Europe, comme toi et j'ai fini en Roumanie, avec Charlie. Ensuite... tu connais le reste de l'histoire."

"Et c'est tout ? Tu ne l'as pas revu jusqu'à sa mort ?"

"Si. On s'est revu au mariage de Blaise et Ron, on était tous les deux leurs témoins. Ça a remué pas mal de choses et... je suis allé le voir là-bas, au Canada. Ensuite, il est mort."

"Je suis sûr qu'il y a plus que ça."

"C'est vrai, il y a plus. Mais je ne pense pas que tu as besoin de connaître tous les détails, Teddy. Ils n'appartiennent qu'à moi et à Harry. Et à Charlie aussi."

"Je comprends. Et la lettre me paraît plus logique, maintenant."

"Tu l'as depuis quand ?"

"Depuis qu'on est parti. Je suis désolé, j'aurais dû te l'apporter tout de suite. Je ne l'ai pas lue !" Ajouta-t-il précipitamment.

"Non, ne t'en fait pas. Tu as lu la tienne ? Est-ce qu'il y avait quelque chose d'intéressant dedans ? Des réponses, des trucs qu'on ne savait pas ?"

"Pas vraiment, non. Il me dit juste qu'il est fier de moi, qu'il me souhaite une belle vie, qu'il est désolé de ne pas avoir été présent. Il a aussi noté des trucs sur mes parents, sur mon père principalement, tu sais à quel point j'en sais peu sur lui."

"Ça a dû te faire plaisir."

"C'est clair. Mais j'aurais préféré qu'il me dise toutes ces choses lui-même. Je lui en veux, tu sais ? Enfin, une part de moi lui en veut, même si je sais qu'il n'a pas eu le choix, que c'est la guerre qui a fini par le tuer. Mais..."

"Tu aurais voulu qu'il reste près de toi."

"Ouais."

"Crois-moi, lui aussi l'aurait voulu. Je sais qu'être loin de toi était son plus grand regret, mais il l'a fait pour te protéger. Toi et nous tous. Parfois, il vaut mieux vivre avec le souvenir de quelqu'un plutôt qu'avec ses démons."

"J'imagine, oui."

Les deux hommes se sourirent, puis le silence fut rapidement brisé par les cris des enfants accourant pour sauter dans les bras de Teddy. Tous les cinq passèrent le reste de l'après-midi à jouer, discuter et rire jusqu'au départ du jeune Poufsouffle après le dîner. Coucher les deux petits fut un réel parcours du combattant et il était près de vingt-trois heures quand Draco se posa enfin dans le salon, une tasse de thé à la main.

"Alors ? Que voulait Teddy ?"

Charlie et lui n'avaient même pas pu discuter de la lettre, mais maintenant qu'ils étaient seuls, Draco claqua des doigts pour la faire apparaître et la montra à son mari.

"Harry m'a laissé ça, apparemment. C'était dans son coffre."

"C'est Teddy qui l'y a trouvée ?"

"Oui. Il m'a demandé quelle relation on avait, vu qu'il n'en a laissé qu'à lui, Ron et Hermione. Et moi."

"Il a dû être surpris."

Draco soupira et se blottit contre le flanc de Charlie qui entoura ses épaules d'un bras et planta un baiser sur son crâne. "Un peu. Il était surtout chamboulé. Harry lui a parlé de Remus dans sa lettre. Il sait tellement peu de choses sur lui."

"Que dit la tienne ?"

"Je ne sais pas, je ne l'ai pas encore ouverte. Je pensais le faire maintenant."

"Tu veux que je te laisse ?"

"Non. Reste."

Ensemble, ils ouvrirent l'enveloppe et entreprirent de lire les derniers mots de Harry.

Draco, mon Draco.

Je suis désolé de t'avoir tant fait souffrir alors que j'aurais juste dû t'aimer.

Te voir heureux aujourd'hui avec Charlie est à la fois un soulagement et une torture, mais je remercie le ciel de m'avoir permis de le voir. Ainsi, je sais qu'il sera là pour prendre soin de toi à ma place.

Je t'aime, Draco. Probablement depuis toujours et certainement jusqu'à la fin.

Je suis désolé de ne pas t'avoir parlé de mon cœur, de ma mort qui approche et qui est inévitable. Je n'en ai parlé à personne à part à mon médecin que tu auras peut-être rencontré.

Si je n'ai rien dit, c'est surtout pour vous protéger et parce que vous méritez de vivre vos vies paisiblement. Après tout le malheur de la guerre, je souhaite que vous soyez tous heureux, qu'avec ma mort disparaissent tous les mauvais souvenirs, toute la tristesse et la douleur. Je les emporte avec moi et, c'est promis, je ne les laisserais plus vous atteindre.
Comme un ange gardien, tu vois ?

J'aurais aimé savoir ce que la vie vous réserve à tous, à Teddy et, surtout, à toi. Auras-tu des enfants avec Charlie ? Resterez-vous en Roumanie ? Les accompagneras-tu à Kings Cross pour leur première rentrée à Poudlard ? Ce sont des choses que j'aurais aimé voir, vivre, mais savoir que tu les vivras aux côtés de Charlie et de nos amis me remplit de bonheur.

Te connaissant, je me doute que tu te poses beaucoup de questions, peut-être encore aujourd'hui, après toutes ces années. S'il te plaît, ne les laisse pas te torturer.

Mais si c'est le cas, utilise la pièce, c'est un Portoloin. Tu y trouveras tout ce qu'il te faut et tu pourras y amener Teddy aussi.

Je n'ai pas peur de mourir, tu sais ? Ni de le faire seul. Je suis en paix avec ma vie et, oui, j'ai des regrets, mais je les laisse derrière moi comme tout le malheur et n'emporte que les bons souvenirs, les sourires, les rires... je vous emporte avec moi et même à distance, je sais que vous m'accompagnez. Peu importe que je sois seul.

J'étais sensé mourir pendant la guerre, ou même avant, cette nuit où mes parents sont morts et tout le reste n'a été que du bonus. Alors... qu'y a-t-il à regretter ? Rien.

Merci d'avoir fait partie de ma vie, Draco. Je t'ai aimé et je t'aimerais même par-delà la mort.

Une chose est sûre : nous nous reverrons (le plus tard possible, bien sûr) et à ce moment-là, tu pourras me frapper. Je sais que tu en meurs d'envie.

Soi heureux, Draco.

À toi pour toujours.

Harry.

"Eh bah..."

Sans un mot, Draco secoua l'enveloppe pour en faire sortir une pièce en argent toute simple.

"Tu crois que ça mène où ?"

Draco fit rouler la pièce entre ses doigts, les sourcils froncés. "Je n'en sais rien. Le chalet au Canada ?"

"Ça m'étonnerait, il l'a légué à Teddy et on n'y a rien trouvé, de toute façon."

"J'imagine qu'il n'y a qu'un moyen de le savoir, alors. On appelle ta mère pour qu'elle vienne garder les enfants ? Sinon, ça peut attendre demain."

"Non, tu devrais y aller seul. Maintenant. Fais juste attention à toi, d'accord ?"

"Tu es sûr ?"

Pour toute réponse, Charlie l'embrassa avant de se lever pour monter dans leur chambre, laissant le blond seul avec la lettre et la pièce.

Une profonde inspiration plus tard, Draco attrapa sa baguette et activa le Portoloin qui le fit immédiatement disparaître. Si cela ne venait pas de Harry il se serait méfié, mais il avait confiance en lui, même onze ans après sa mort. Il se laissa donc porter jusqu'à atterrir sur une falaise face à la mer. Il faisait nuit mais la lune presque pleine éclairait les vagues en contrebas et, à quelques pas de là où il avait atterri, une petite maison de pierre.

Draco n'hésita qu'une seconde avant de s'avancer vers la porte, mais quand il abaissa la poignée, celle-ci était verrouillée. Merlin, pourquoi diable Harry avait-il fait tout ça pour qu'au final il trouve porte close ? Il avait écrit une lettre sur son lit de mort, caché un Portoloin dans l'enveloppe et enfermé le tout dans un coffre qui ne pouvait être ouvert avant le dix-septième anniversaire de Teddy et maintenant qu'il était devant la maison, onze ans plus tard, il ne pouvait pas entrer ? Draco tenta plusieurs Alohomora et tous les sorts qu'il connaissait, mais rien n'y fit. Désespéré, il se laissa glisser contre la porte en bois et leva les yeux vers la lune.

"Tu trouves ça drôle, hein ? Tu me fais attendre onze ans, tu me fais espérer et, maintenant, je suis à la porte ? Tu aurais au moins pu mettre la putain de clé dans l'enveloppe, enfoiré !"

Il ne voulait pas pleurer, pas après toutes ces années, mais il fut incapable d'empêcher les larmes de couler sur ses joues.

"Merde..."

Il resta comme ça, immobile sur le sol, pendant plus d'une heure à écouter les vagues s'écraser en bas de la falaise. Plus la lune se levait haut dans le ciel étoilé, plus elle illuminait les environs. Draco ignorait où il était exactement, mais ça ressemblait fortement aux côtes anglaises et à sa connaissance, Harry n'avait pas de maison sur la côte. Ses seules propriétés selon son testament étaient la maison des Black à Londres et le chalet du Canada. Il n'était nulle part fait mention d'une maison en bord de mer et ils n'en avaient pas non plus trouvé de trace dans les affaires laissées dans le chalet ou à Square Grimmauld, ni dans les affaires qu'il avait sur lui à l'hôpital.

Soudain, Draco se redressa. "C'est..."

Ça ne pouvait quand même pas être ça, si ? Il se leva d'un bon et posa une main sur son torse avant de tirer sur la chaîne qu'il portait depuis onze ans maintenant. C'était devenu un réflex, une évidence, elle faisait partie de lui maintenant et il n'y faisait même plus vraiment attention, mais elle était bien là. Les mains tremblantes, il la détacha de son cou et dirigea la clé vers la serrure, son cœur s'arrêtant de battre quand elle tourna et que la porte s'ouvrit enfin. Depuis le début, il avait la réponse sur lui. La clé, la seule chose qu'il avait gardé de Harry ouvrait la porte de cette maison dont il ne connaissait même pas l'existence. Harry savait-il qu'il allait la garder ? Avait-il tout prévu à ce point ?

À l'instant où il entra dans la maison, des dizaines de bougies s'allumèrent, illuminant la maison. C'était une grande pièce avec un salon, une salle à manger et, au fond, une petite cuisine ouverte. Sur la droite, il pouvait voir deux portes fermées, plus deux autres à gauche. Probablement des chambres. Draco s'avança, regardant autour de lui. Tout était propre et bien rangé et un côté chaleureux donnait l'impression que quelqu'un vivait là.

Sur la table du salon, il trouva un document à l'allure officiel et le parcourut rapidement, bouche-bée. C'était un acte de propriété au nom de Draco signé de la main de Harry. Cette maison lui appartenait ? Harry la lui avait donnée ? À côté, il y avait une autre lettre, bien plus courte.

Draco,

Cette maison est à toi, fais-en ce que tu veux, que ce soit une résidence secondaire pour ta famille, ou un refuge pour toi seul, avec Charlie...

La maison est sous le sort de Fidelitas et tu es désormais le seul détendeur du secret, c'est pour ça qu'elle n'est pas dans mon testament. Libre à toi de conserver ou de lever le sort.

Je l'ai achetée il y a quelques mois, quand j'ai su que j'allais mourir, parce qu'il me fallait un endroit où mettre tout ce que j'avais besoin de protéger : mes souvenirs.

Dans une des pièces à gauche, tu trouveras une Pensine et, sur les étagères, des fioles. Il y en a beaucoup, je sais, mais ce sont là les souvenirs d'une vie. De ma vie. Imagine ce que ça aurait été si j'avais vécu plus longtemps.

J'ai utilisé ces quelques mois avant ma mort pour les rassembler et les classer. C'était un travail très... dur mais aussi cathartique qui me permet d'être en paix, aujourd'hui.

Certains souvenirs sont de toi, pour toi. D'autres sont pour tous ceux qui pourraient en avoir besoin, comme Teddy par exemple. Des souvenirs de ses parents, notamment.

Quand il le souhaitera, qu'il sera prêt, amène-le ici.

Pour ce qui est de nos souvenirs... là aussi, fais-en ce que tu veux. Détruis-les si tu ne veux pas les voir, je les emporte avec moi de toute façon.

Le reste des objets est aussi à toi. Il n'y a pas grand-chose, juste le plus important.

Je voulais que ce soit toi qui hérites de tout ça, tu sauras en faire bon usage. Peut-être que certains ne comprendront pas pourquoi, mais je sais que toi, si.

Soyez heureux ici, remplissez cette maison de beaux souvenirs.

Je t'aime,

Harry.

En poussant l'une des portes à gauche, Draco s'arrêta net. Des centaines de fioles remplissaient des étagères du sol au plafond. Toutes étaient classées et la personne concernée désignée à chaque fois par une étiquette portant son nom. Il y avait Teddy, Remus, Sirius, Ron, Hermione, les Weasley... toutes les personnes qui avaient compté dans la vie de Harry.

Draco se dirigea vers son nom pour y lire les étiquettes sur chaque fiole.

Première rencontre

Premier duel au Quidditch

Retenue en commun

.

.

.

Premier baiser

Première nuit ensemble

.

Draco dort

Draco rit

.

Dernière nuit ensemble

.

Les heures suivantes, Draco les passa à regarder certains souvenirs le concernant, puis d'autres comme les moments qu'il avait passés avec Ron et Hermione à rechercher les Horcruxes, ou ses derniers instants dans la Forêt Interdite face à Voldemort. Il sentit son cœur se briser quand le sort du Seigneur des Ténèbres atteignit le brun en pleine poitrine et ressortit du souvenir en larmes.

Enfin, alors que le soleil commençait à poindre à l'horizon, Draco décida de choisir un dernier souvenir avant de rentrer. Charlie devait certainement s'inquiéter et il allait avoir besoin de quelques heures de sommeil avant de partager ce qu'il venait de découvrir.

Explorant les étagères, il s'arrêta sur une fiole seule dans son coin, sans aucune étiquette pour la nommer. Intrigué, Draco la versa dans la Pensine et se pencha, plongeant la tête la première dans le souvenir.

Il était dans une forêt, entouré d'arbres touffus se balançant au gré du vent. Tout était calme jusqu'à ce que, devant lui, apparaisse une biche. Elle trottina vers lui, ne s'arrêtant qu'à un mètre avant de ficher son regard noisette dans le sien.

'Tu es venu pour moi, n'est-ce pas ?' L'animal ne bougea pas, clignant seulement des yeux. 'Je suis prêt, je crois. J'ai fait mes adieux. Tu restes avec moi ?'

'Jusqu'au bout, mon chéri.' Retentit une voix, semblant venir de partout et de nulle part à la fois.

Il tendit alors la main mais l'image se brouilla juste avant qu'il ne touche le museau de l'animal.

Cette fois encore il était dans une forêt mais celle-ci était bien plus sombre. Aucun son ne filtrait, comme si la mort régnait dans ces lieux. Là, il baissa le regard sur sa main et fit tourner une pierre noire au creux de celle-ci. L'instant d'après, des silhouettes pâles l'entouraient.

'Vous resterez avec moi, n'est-ce pas ?'

'Jusqu'à la fin.'

Encore une fois, l'image changea et il se retrouva dans la maison sur la falaise, dans la pièce des souvenirs. Là, il regarda autour de lui en souriant. Tout était prêt, tout était parfait. Il posa la dernière fiole sur l'étagère puis sorti sa baguette de sa poche et la déposa sur un bureau contre le mur opposé avant de sortir, fermant la porte derrière lui. Définitivement.

Draco sursauta, revenant à la réalité. Il n'avait même pas réalisé que le souvenir était terminé et le bruit de la porte se fermant derrière lui lui parut tellement réel sur l'instant qu'il se retourna, espérant à moitié voir Harry l'ouvrir de nouveau. Mais elle était ouverte, exactement comme il l'avait laissée en arrivant. Il remarqua en revanche le bureau qu'il n'avait pas vu en entrant dans la pièce et s'en approcha, le cœur battant. Elle était bien là, à l'endroit où il l'avait déposée dans le souvenir.

Du bout des doigts, Draco effleura la baguette de Harry et étouffa un sanglot. C'était comme le retrouver, revoir, toucher une part de lui après toutes ces années.

"Harry..." Murmura-t-il, la voix tremblante.

Il aurait pu la prendre, la ramener avec lui, mais il n'en fit rien. Cet endroit était rempli des souvenirs de Harry, littéralement et, désormais, sa baguette magique qui l'accompagnait depuis ses onze ans en faisait partie. Peut-être Teddy souhaitera-t-il la conserver mais, jusque-là, elle resterait ici.

Draco sortit enfin de la maison et fit face à la mer. Le soleil était levé et sa lumière remplaçait celle de la lune au-dessus de l'eau et le blond resta là un moment, le regard fixé sur l'horizon.

"Merci, Harry. J'avais besoin de voir tout ça. Depuis tout ce temps quelque chose manquait, des réponses... Mais maintenant je sais. Tu as préparé tout ça, réuni tous tes souvenirs pour qu'un jour on puisse venir ici pour y trouver les réponses qu'on attendait. J'amènerais Teddy, Hermione, Ron et tous les autres. J'amènerais aussi mes enfants quand ils seront plus grands et qu'ils pourront comprendre. Si tu les voyais... Lyra va rentrer à Poudlard l'année prochaine, je ne suis clairement pas prêt à la laisser partir, tu me connais. Son frère... c'est un vrai petit monstre. Je crois qu'il a pris les gênes de son père et de ses oncles tous réunis. Il nous rend dingue, tu l'aurais adoré. C'est son anniversaire demain. Il va avoir sept ans. Le jour de sa naissance... j'ai prié pour que ce ne soit pas ce jour-là mais aujourd'hui, j'en suis heureux, ça nous permet de nous réunir pour une occasion joyeuse tout en pensant à toi. Tu imagines ? Quelle était la probabilité pour que mon fils naisse un 31 juillet lui aussi ? C'est toi qui me l'as envoyé, n'est-ce pas ? C'est ce que je me suis dit, c'est pour ça qu'on l'a appelé Arthur Henry. Autant je ne m'en fais pas pour Lyra, c'est une Serpentard toute crachée, au pire elle sera à Serdaigle, mais Arty... il est comme son père, ses oncles et... comme toi, il finira à Gryffondor, j'en suis sûr. J'essaie de me faire à l'idée, mais ça risque de me tuer. Charlie se moque de moi quand je dis ça, mais c'est la vérité. Avoir un enfant Gryffondor pour un Serpentard, c'est l'horreur, l'humiliation ultime. Pansy m'a déjà dit que si Rosie est envoyée à Gryffondor comme sa mère, elle la déshéritera. Aucune pression, bien sûr. Il n'y a que Blaise qui s'en fiche. Alistair va faire sa première rentrée cette année et je ne les ai jamais vu aussi zen. Il faut que je demande à Ron comment il fait pour ne pas pleurer toutes les larmes de son corps quand il y pense. Certes, il leur reste les jumeaux et Merlin sait qu'ils ont largement de quoi faire avec eux, mais quand même... Tu as manqué tellement de choses, Harry. Mais tu étais là avec nous à chaque étape, j'en suis sûr. Et maintenant... maintenant je sais que tu n'étais pas seul quand tu es parti. Ils étaient tous avec toi, n'est-ce pas ? Embrasse-les pour nous, tu veux ? On pense à toi. Je pense à toi tous les jours et... moi aussi je t'aime, Harry. Pour toujours."

Les larmes aux yeux, Draco sourit tandis qu'un rayon de soleil frappait la mer en contrebas. Puis un son strident brisa le silence et il leva la tête. Au-dessus de lui, un Phoenix le survola une fois, deux, avant de s'éloigner vers l'horizon.

Loin, si loin de lui et, pourtant, toujours plus près.

.FIN.