- Depuis que c'est arrivé, Liam reste seul. Il ne veut voir personne.

La voix de Théo avait beau être assurée, elle laissait entrevoir un embêtement certain : il était clair que la situation ne lui plaisait pas mais comme son entente avec le louveteau était toute récente et qu'il connaissait son tempérament quelque peu colérique, la chimère lui laissait son espace.

- Il a honte… Il digère ça à sa manière, ajouta-t-il.

Isaac lança un regard à Lydia, qui lui avait demandé de mettre le haut-parleur. Jusque-là, il ne voyait rien d'anormal et appréciait même, d'une manière un peu malsaine, que le bêta de Scott éprouve de lourds remords. A ses yeux, c'était toujours ça de gagné. Bien évidemment, cela n'effacerait jamais ce qu'il avait fait, ces gestes plus qu'indécents qu'il avait eus à l'égard de Stiles. Pour Isaac, la situation était simple : Liam avait achevé de détruire l'hyperactif. Certes, ses pratiques solitaires ne dataient pas d'hier d'après Derek, mais le bouclé n'avait rien remarqué jusqu'à lors et tout avait dérapé, tout s'était intensifié après l'agression. Isaac mentirait s'il disait ne pas ressentir la moindre honte à ce sujet. En tant qu'ami, il aurait dû savoir, remarquer que quelque chose n'allait pas, sentir que Stiles s'était fait quelque chose. Mais, par souci pratique, il choisit de mettre sa culpabilité de côté pour l'instant. La priorité, c'était d'être efficace – d'écouter Lydia. D'autant plus qu'Isaac n'avait pas pour intention de faire durer cet appel plus que nécessaire. Penser à Liam le répugnait, alors parler de lui…

La banshee s'empara du téléphone.

- Stiles n'a cessé de prononcer son nom durant une crise, lui apprit-elle. J'ai des raisons de penser qu'il y a quelque chose que l'on ne sait pas.

- Qu'est-ce que vous attendez de moi ? S'enquit alors Théo.

Depuis quelques mois, la chimère s'était passablement radoucie et ce, notamment depuis qu'elle avait commencé à se rapprocher de Liam. Malgré leurs caractères diamétralement opposés, ils s'entendaient étonnamment bien et Théo… Avait un peu moins l'air d'un enfoiré. Mieux que cela : il faisait de réels efforts pour être sympathique et se racheter par rapport à ses actes passés.

- Que tu ailles le voir, répondit Lydia de but en blanc.

La banshee ne s'était pas proposée, pour la simple et bonne raison qu'elle commençait à entrevoir un certain schéma dont le point central était Stiles. Tout ce qu'il se passait semblait tourner autour de lui. Ainsi, elle voulait tenir Derek et Isaac à l'œil, les seuls ayant pour l'instant montré des signes un peu étranges et un besoin de proximité avec l'hyperactif. Quand elle comparait ça à l'agression aussi particulière qu'inattendue de la part de Liam… Il y avait vraiment quelque chose qui ne tournait pas rond, d'autant plus qu'elle avait réellement l'impression que le blondinet s'en voulait – en fait, elle n'avait aucun doute là-dessus. Elle aurait bien envoyé Peter voir ce qu'il se tramait du côté du louveteau, mais elle avait peur que la présence de l'ancien alpha ne le braque. Ainsi, elle comptait sur son rapprochement avec Théo, qui pourrait peut-être lui permettre d'en apprendre davantage sur cette histoire et surtout, de comprendre ce qui l'avait poussé à agir.

- Je ne suis pas sûr que Liam veuille que…

- Théo, il faut qu'on sache, le coupa Lydia d'une voix ferme. Et tu es, à mon sens, la seule personne à pouvoir nous aider – et aider Liam par la même occasion.

Autrefois, elle aurait sans doute pu dire la même chose de Scott mais la manière dont il avait récemment parlé à Stiles l'avait suffisamment horrifiée pour qu'elle décide de ne rien lui dire concernant cette affaire. Pour l'instant, elle choisit de ne pas s'attarder sur se détail et considéra le fait que l'alpha puisse être dans sa « période de con », comme le disait parfois Stiles.

A côté des deux lycéens, Peter fronça les sourcils alors qu'il regardait son propre téléphone. Sur son écran, une notification de message. De son côté, Isaac croisa les bras sur son torse : il avait juste hâte que cette histoire se termine, que les choses se calment… Hâte de retrouver son ami hyperactif en tant que tel. Lui montrer qu'il était entouré et qu'à partir de maintenant, tout irait mieux. Il pensait toujours ce qu'il lui avait dit l'autre jour : Stiles avait toujours été là pour lui, le protégeant au mieux de ses angoisses… L'amitié allant dans les deux sens, Isaac voulait à tout prix lui rendre la pareille et faire renaître ce sourire solaire qu'il lui avait toujours connu.

A l'autre bout du téléphone, un soupir.

- Je vais y réfléchir, concéda finalement Théo.

- Tu vas surtout t'y rendre de ce pas.

Isaac et Lydia se retournèrent d'un même mouvement vers Peter, qui venait de relever le nez de l'écran de son téléphone. Il se rapprocha d'eux et fit une Lydia, s'emparant du téléphone d'Isaac sans prévenir.

- Qu'est-ce que…

- Ton petit pote est en train de foutre sa vie en l'air alors si tu veux éviter que son nom se résume à celui d'un défunt, je te conseille de ne pas perdre de temps.

Sur cette menace à peine voilée, Peter raccrocha sous les yeux ahuris d'Isaac et Lydia.

- Mais qu'est-ce qui te prend ? S'emporta Lydia. Il allait accepter !

- Il n'avait pas l'air extrêmement convaincu, objecta Isaac. Au moins, Peter sait se montrer persuasif.

- J'ai surtout dit la vérité, intervint à nouveau Peter.

Rendant son téléphone à Isaac, il se saisit du sien et le mit devant leurs yeux sans en rallumer l'écran.

- Deaton m'a envoyé un message, fit-il simplement. Il pense que notre petit louveteau se drogue à l'aconit.

Peter, qui pensait que cette explication suffirait et qu'il pourrait retourner vaquer à ses occupations – à savoir espionner son neveu de façon bienveillante –, mais il aurait dû savoir que les deux adolescents face à lui ne se contenteraient pas de ça.

xxx

Stiles était dans un état étrange, entre conscience et inconscience. Un état qui lui allait parfaitement : ici, pas de réflexion, pas de pensées, pas de souvenirs, juste… Une chaleur bienheureuse, un confort infini. Dans un mouvement instinctif, il se pelotonna davantage dans le cocon qui l'entourait, à la recherche de cette impression de sécurité dont il avait tant besoin et à vrai dire… C'était le cas. Dans le fond, il savait que rien ne pouvait lui arriver à cet instant, que d'une manière ou d'une autre, on le protégeait.

Chaleur.

Stiles se sentait entouré, au sens propre du terme. Prisonnier consentant, à la recherche d'une sérénité oubliée, il en demandait plus sans jamais l'exprimer, profitant simplement de ce qu'il n'identifia pas tout de suite comme le moment présent. Car malgré son souhait en filigrane de vouloir rester dans cette espèce d'entre-deux de conscience, il s'éveillait lentement.

Douceur.

Les caresses dans ses cheveux, il les sentait. Elles le faisaient agréablement frissonner, le poussant malgré lui à se faire tout petit, prendre le moins de place possible… Juste pour ne pas qu'elles s'arrêtent. De l'affection, il en avait toujours manqué. Sa façon d'en réclamer sans un mot ? Se rendre disponible, nuit et jour. S'occuper des affaires de la meute, se démener pour sauver les fesses des uns et des autres, fourrer son nez partout… C'était également un moyen pour lui de s'oublier, de mettre momentanément son mal-être de côté.

Mal-être entièrement anesthésié par cette douceur inattendue dont il ne connaissait absolument pas la provenance. S'il émergeait doucement, Stiles n'avait pour l'instant aucun souvenir de sa mémoire à court terme.

Brouillard.

Mais tout n'était pas rose et Stiles apprendrait à ses dépens que sa santé mentale, fragile en ces temps incertains, ne tenait plus à grand-chose car dans son esprit se jouait une bataille dont il n'avait aucune conscience – une bataille qui l'affaiblissait davantage qu'il ne pourrait l'imaginer.

Le temps s'écoula à une vitesse trouble et vint un moment où Stiles reprit réellement connaissance. Fébrile et le corps entier quelque peu engourdi, il eut bien du mal à trouver la force d'obliger ses paupières à se soulever. Le monde qui lui apparut alors était sombre, plongé dans une espèce de pénombre qui ne l'empêcha pas d'observer son environnement… Et de reconnaître, après un temps mort, une chambre. D'apercevoir, dans son champ de vision, un bras, un torse. Son souffle se coupa un instant. Il leva la tête et ses yeux écarquillés rencontrèrent ceux, fatigués, de Derek. Une myriade d'interrogations passèrent au travers de son regard chocolat au lait… Auxquelles l'ancien alpha répondit par quelque chose de simple.

Il resserra légèrement son étreinte sur lui, sans que sa main droite ne quitte ses cheveux.