Ce truc a plus de 10 ans.

Vous vous rendez compte? C'est quand je parcours ce recueil que je vois à quel point j'ai évolué. C'est effrayant, ne le faites pas.

Bon, sinon, même si le fandom est on ne peut plus mort, on a enfin la date de Rebirth et on est en Octobre, vous savez ce que ça veut dire? J'aime toujours autant l'horreur. Désolée.

Comme d'habitude, ce truc a pris un peu trop d'ampleur donc il sera fragmenté en plusieurs petites parties - sous entendu au moins deux. J'espère que j'aurai pas la flemme de les finir.

Enjoy!


Construction d'équipe - Jour 1

Angeal était en train de se demander s'il était encore temps de prétexter des injections mako de dernière minute et de courir se réfugier dans les laboratoires – là, au moins, il avait une chance que personne ne vienne plus jamais le chercher.

Genesis, lui, commençait à se demander si après tout, il ne préférait pas démissionner et aller reprendre la ferme des Rhapsodos plutôt que de se soumettre tous les six mois aux lubies délirantes de Shinra senior.

Sephiroth avait quant à lui tout simplement arrêté de se poser ce genre de question et s'était résigné à son destin – ce qui n'était pas du tout le cas des Turks.

-Comment ça ? demandait Tseng, les bras croisés devant le bureau du Président Shinra, tout professionnalisme oublié depuis les cinq dernières minutes. C'est impossible, je refuse.

-Aaah, les débutants, soupira Genesis en s'étirant et en croisant les mains derrière sa tête. On ne peut pas refuser.

-Bien sûr que si ! s'énerva presque le chef des Turks, s'attirant un regard déstabilisé de la part d'Elena qu'il ne remarqua même pas. Monsieur le Président, je ne peux pas décemment déforcer mon équipe de quatre membres. Qui va assurer la sécurité du Vice-Président ?

Rufus, debout derrière son père, ouvrit la bouche pour répondre lui-même qu'il s'en sortirait très bien tout seul une semaine, mais son père fut plus rapide :

-Si ce n'est que ça, il vient avec vous.

Rufus fusilla l'arrière du crâne de son père du regard, une expression de stupéfaction si immense peinte sur le visage que même Angeal lui adressa un sourire contrit.

-Attendez deux s'condes, intervint Reno, parce que moi j'ai toujours pas compris c'était quoi le problème. Vous avez dit qu'on allait faire quoi, déjà ?

-Oh Gaia, soupira Genesis, je ne sais pas si je vais pouvoir supporter de l'entendre encore une fois…

Mais le Président se fit une joie de répéter son nouveau plan :

-J'ai organisé un team building SOLDIER-Turks.

-Un quoi? demanda Reno.

Devant l'air dépité des autres, il continua sur sa lancée :

-Non parce que « construction d'équipe », ça veut rien dire, à moins que vous vouliez qu'on crée un genre de super-unité à part.

-Pitié non, cassa Genesis.

Reno tourna le dos au Président et montra son majeur à la seule vue du Commandant.

-Considère que c'est une sorte de camp scout, dit Angeal.

-Un stage d'éveil pour les employés d'une entreprise en déclin, railla Sephiroth à mi-voix.

-Messieurs, intervint Shinra senior, les mains en l'air en signe d'apaisement. Tout est déjà arrangé. Vous verrez quand vous y serez.

-Et on va où ?

Rude venait de prononcer ses premiers mots du meeting, et Angeal avait presque oublié qu'il était là.

-Icycle Inn ! triompha le Président.

-Oh, Shiva… soupira Genesis, évidemment, ça ne pouvait même pas être dans un endroit sympa, comme Costa ou un spa cinq étoiles…

-C'est un team building, Commandant, pas des vacances, reprit le Président avec un demi sourire. Vous verrez, je vous ai quand même réservé un excellent chalet de montagne.

Angeal tapota l'épaule de Genesis avec compassion.

-Je te ferai du chocolat chaud avec de la cannelle, assura-t-il.

-Retire le chocolat, mets-y du vin et je suis ton homme, soupira Genesis, avachi dans son fauteuil.

-Et on part quand ? Il faut que nous fassions nos valises.

Rude à nouveau, le pragmatisme incarné. Le Président éclata de rire.

-Vous pensiez que j'allais me faire avoir et vous donner du temps pour disparaitre dans la nature ? Tout est fait, vous partez tout de suite ! L'hélicoptère vous attend déjà.

Sephiroth croisa le regard désespéré de Genesis. C'était peut-être bien la pire idée de toutes.


Le chalet, merci Shiva, était effectivement luxueux, et Genesis soupira de soulagement à la seconde où il le vit.

C'était plus un manoir qu'un chalet, en vérité, niché en hauteur sur le flanc d'une montagne, seul édifice planté dans la neige à des kilomètres à la ronde.

-Faudrait pas que l'un de nous ait besoin d'une ambulance, souffla Elena.

-Pourquoi faire ? demanda Rude avec un haussement de sourcils.

Elena ne se donna même pas la peine d'expliquer, et Rude finit par comprendre tout seul qu'être enfermés pendant une semaine dans un chalet isolé en compagnie de leur boss et de trois SOLDIERS allait forcément résulter à un moment ou à un autre par un appel aux secours locaux.

Une Jeep du SOLDIER s'approcha à toute vitesse et se gara dans une gerbe de neige à côté de celle qui les avait amenés jusqu'ici.

-Hé les gars ! Vous m'avez oublié à la Tour !

La tête de Zack Fair dépassa du haut de la voiture.

Rude soupira. Ça allait finir en bain de sang, avec ou sans les secours locaux.

-Zack, qu'est-ce que tu fais là ? soupira Angeal.

De tous, il était celui qui avait l'air de prendre au mieux la nouvelle de leur future cohabitation, alors que ses deux collègues avançaient, la mort dans l'âme et leur valise en main, vers la porte d'entrée du chalet. Même l'annonce de l'arrivée de Fair ne les avait pas faits réagir. Reno s'en inquiéta :

-Vous saviez que votre gamin venait avec nous ?

Sephiroth haussa les épaules. Genesis posa sur lui un regard désespéré.

-Franchement, ça aurait été trop beau qu'il ne vienne pas.

-C'est comme ça à chaque fois, appuya Sephiroth.

Puis ils reprirent tout deux leur lente marche dans ce qui semblait être leur petit couloir de la mort personnel.

-Pourquoi on fait ça ? demanda Reno, sa valise toujours oubliée dans la Jeep.

Il était occupé à shooter dans la poudreuse pour passer sa frustration, les bras croisés et la bouche plissée en une moue boudeuse. Il ressemblait encore plus à un enfant que d'habitude.

-C'est pour resserrer les liens, prit le temps d'expliquer Elena. Enfin, normalement…

-Y en a d'jà pas de liens, grommela le Turk. Y a rien à serrer…

-Prends ta valise, Reno, ordonna Tseng.

De son côté, Angeal essayait de rattraper ses deux amis partis devant sans un regard en arrière.

Genesis laissait derrière lui deux tranchées dans la neige à force de trainer les pieds.

-Allez, voyez ça du bon côté, tenta de rassurer Angeal en les rejoignant sur le gigantesque perron du chalet.

-Franchement Geal, où que je regarde, il n'y en a pas, dit Sephiroth.

-Mais si ! Pendant que nous sommes ici, nous ne sommes pas en train de participer à je ne sais quelle soirée, speed dating, caméra cachée ou concours farfelu.

-Si notre consolation est devenue ça, dit Genesis, alors on est tombés encore plus bas que ce que je pensais.

-Je préférerais le Wutai, confia Sephiroth à mi-voix, perdu dans la contemplation du chalet, le nez pointé vers le ciel.

-Je vous jure que si on doit commencer à partager des chambres, commença Genesis.

Il n'eut pas le temps d'expliquer ce qu'il ferait si c'était le cas : un klaxon enjoué se fit entendre en bas de la route, et ils se tournèrent de concert vers une troisième Jeep qui remontait l'allée. Lorsqu'elle s'arrêta près de Zack et des Turks, en bas, Sephiroth fronça les sourcils. Rufus sortit du véhicule, du côté passager. Il salua Tseng mais n'ajouta rien, l'air maussade, debout et immobile à côté de ses Turks. Le conducteur, qui avait si joyeusement klaxonné, sortit à son tour de la Jeep.

-Qu'est-ce qu'il fait ici ? s'étonna Genesis.

Engoncé dans un manteau de froid, les joues rougies et un immense sourire aux lèvres, se tenait Reeve Tuesti.

-Bonjour à tous ! lança-t-il à la cantonade. J'imagine que vous avez tous hâte d'entrer au chaud, alors allons-y !

Il avança à grands pas vers le chalet avec tant d'enthousiasme que même Sephiroth s'écarta pour lui laisser la place. Reeve sortit un trousseau de clefs de la poche de sa parka et farfouilla dedans jusqu'à trouver celle qu'il recherchait. Il ouvrit la porte et s'effaça pour les laisser tous entrer. Dans le vestibule sombre et gelé, Turks et SOLDIERS s'amassèrent comme du bétail attendant l'abattoir.

-Bordel, souffla Reno, le visage brouillé par les volutes blanches de son souffle. Je croyais que vous aviez dit « rentrer au chaud » ?

-Exactement ! triompha Reeve en tapant dans ses mains. Première activité de groupe : préparer le feu dans la cheminée !

-Alors là je comprends plus rien, souffla Reno.

-Un conseil, n'essaye même pas : attends que ça passe, répondit Genesis.

Rufus, caché derrière la haute stature de Rude, semblait sur le point de fondre en larmes. Angeal lui adressa un sourire compatissant auquel le jeune Vice-Président n'eut même pas la force de répondre.

-Alors, continuait Reeve sans remarquer le désespoir grandissant de son auditoire, il me faut deux volontaires pour aller chercher du bois dehors, dans l'abri à l'arrière du chalet. Rufus ? Angeal ?

-Rufus ? s'indigna Angeal.

-Angeal ?! renchérit Rufus.

-Doux Odin, je commence à apprécier cette mascarade, intervint Reno.

Reeve esquissa un sourire contrit tout en déplaçant son poids d'un pied sur l'autre.

-Pour le bien de ce team building, il serait bénéfique que nous nous appelions tous par nos prénoms, pour tisser des liens personnels plutôt que professionnels. Reno, pourriez-vous vous occuper de trouver un briquet ou des allumettes ?

-Alors ça, avec grand plaisir, Reeve, clama le Turk en s'échappant dans les profondeurs encore obscures du chalet.

-Il va avoir besoin de lumière pour trouver ; Genesis, est-ce que vous pourriez chercher-

Le Commandant le coupa instantanément :

-Une matéria Foudre pour mettre le feu à ce tas de bois ? Mais bien sûr, il suffisait de demander !

-Non, je pensais plutôt au tableau électrique, expliqua Reeve.

-Je m'en doutais un peu. Le second degré n'est pas qu'une température, directeur.

-Reeve, insista-t-il avec un sourire indulgent.

-Reeve, concéda Genesis.

-Prenez Sephiroth avec vous.

-Alors ça c'est hors de question !

Angeal, qui s'apprêtait à retourner dehors avec Rufus, avait lancé cette phrase avec autorité.

-Genesis et Sephiroth, ensemble, les mains dans un tableau électrique ? Croyez-moi, ils n'auront pas besoin de matéria Foudre si vous laissez ça arriver.

-J'irai avec le Command- avec… Genesis, intervint Tseng.

-Parfait, dit Reeve. Sephiroth, Rude, est-ce que vous voulez bien amener ça dans la cuisine et vous en occuper ?

Ce disant, il tendit au Général deux énormes sacs en plastique remplis de choses qui, dans l'obscurité ambiante, n'évoquaient rien à personne.

Sephiroth accepta un sac, Rude le second, puis ils échangèrent un regard et s'éloignèrent eux aussi dans les profondeurs du chalet. Angeal et Rufus sortirent enfin, et lorsqu'ils fermèrent la porte d'entrée derrière eux, le peu de lumière qui filtrait entre les battants s'évanouit.

-Qu'est-ce qu'il nous reste ? demanda Reeve à Elena, restée seule avec lui et Zack. Nous allons attribuer les chambres, qu'est-ce que vous en pensez ?

Zack jeta un regard soucieux aux bagages de tout le monde, abandonnées dans l'entrée.

-Sincèrement, Reeve, je n'ai pas envie de porter tout-

-Oui ! coupa Elena. Allons distribuer les chambres.

Elle s'empara de la valise de Tseng en lançant à Zack un regard qui lui intimait de jouer le jeu, au prix de terribles souffrances.

Zack ravala sa langue et la suivit dans les escaliers avec deux sacs de voyage dont il ignorait qui étaient les propriétaires. Avec l'aide de Reeve, ils partagèrent les chambres entre leur petit groupe, en grande partie au hasard. Elena avait fait la moue lorsqu'elle avait remarqué que toutes les chambres contenaient deux lits simples et pas un lit double, mais Zack n'avait pas jugé utile de chercher pourquoi. Il s'était simplement occupé de jeter deux valises par pièce et avait béni le peu d'exercice et de chaleur que cela lui avait apporté. Alors qu'ils découvraient la dernière chambre, le courant revint et Reeve put éteindre sa lampe de poche.

-On dirait que Genesis et Tseng ont trouvé le tableau électrique.

-Ils ont mis un sacré bon bout de temps, remarqua Elena.

-Chacun avance à son rythme sur les différentes tâches, Elena, dit Reeve avec philosophie. Il ne faut pas juger.

Zack fronça les sourcils.

-Il vous arrive quoi, Directeur ? demanda-t-il d'un ton suspicieux.

-Reeve. Et rien, en vérité, j'ai simplement toujours rêvé d'améliorer les conditions de travail de la Shinra. Je considère ce séminaire comme le premier pas en ce sens et j'entends bien y mettre toute mon énergie.

Il leur sourit et Zack trouva ça étrange.

-Donc vous avez organisé cette retraite ? demanda Elena en refermant la porte de la dernière chambre après y avoir déposé son chargement.

-Le Président me l'a demandé.

Ils commencèrent leur descente vers le rez-de-chaussée et Reeve n'eut pas le temps d'élaborer davantage : Rufus et Angeal firent irruption dans le hall, le Commandant les bras remplis d'énormes buches de bois qui lui cachaient même le visage, et le Vice-Président tenant une maigre branche dans sa main gauche, à bout de bras, pour s'assurer qu'elle n'agripperait pas sa parka immaculée.

-Encore une blague comme celle-ci, Reeve, et vous pourrez aller trouver du travail à la voirie, lança Rufus, les yeux furieux, dès qu'il vit son Directeur se tenir là dans les escaliers.

Reeve rougit, et nul doute qu'il se fit une note mentale de mieux choisir les tâches attribuées à la seconde puissance mondiale, puis il voulut se précipiter pour aider Angeal. Rufus, cependant, fut plus rapide que lui : il posa une main sur le coude du Commandant et l'entraîna dans le salon.

-Venez Angeal, dit-il. Je vous guide jusqu'à la cheminée.

Zack échangea un regard avec Elena, auquel elle répondit en haussant les épaules. Le jeune Lieutenant décida donc de quitter cette étrange ambiance et de rejoindre Rude et Sephiroth dans la cuisine.

Ils étaient en train de préparer les en-cas amenés par Reeve dans le plus religieux des silences, et le moins que Zack put dire, c'était que le Directeur avait vu les choses en grand. Des immenses saladiers de marshmallow, des bonbons et des gâteaux, du popcorn, des amuse-bouche, des chips, du soda et de quoi faire d'innombrables cocktails.

-Waw, qu'est-ce que c'est que ce festin ? s'exclama Zack à la vue de toutes ces surcreries.

Sephiroth et Rude se contentèrent de le regarder et, avec la nette impression d'être tombé d'Ifrit en Shiva, Zack quitta la cuisine et se carapata vers le salon dans lequel le reste de l'équipe s'était rassemblé.

Tout le reste ? Non ! Car il manquait toujours à l'appel Genesis et Tseng. Reeve était d'ailleurs en train de s'en inquiéter, et pendant qu'Angeal entassait du bois dans la cheminée avec un air dépité, le Directeur enquêtait auprès de tout le monde s'ils avaient vu ou non le duo envoyé sur le tableau électrique.

Il en était d'ailleurs à Rufus lorsque Zack entra.

-Rufus, auriez-vous vu Tseng ou Genesis ?

-Pas depuis que vous les avez envoyés fourrer leurs doigts dans un tableau électrique aussi vieux que Palmer, non, désolé.

-Si ça se trouve, ils y sont encore accrochés, lança Reno.

-S'ils étaient accrochés au tableau, le disjoncteur aurait sauté, tempéra Angeal.

Ce qui ne calma pas du tout les tendances jouettes du Turk :

-À moins que leurs corps laissent parfaitement passer le courant.

-Ça sauterait, imbécile, dit Elena en frappant l'arrière de son crâne. Ça créerait une perte et ça sauterait.

-Autant j'aime beaucoup vous voir vous instruire les uns les autres, commença Reeve, autant je m'inquiète de ne pas les voir revenir. Je vais aller les chercher.

Au même moment, la porte d'entrée s'ouvrit en grand, laissant entrer avec elle une gerbe de neige poudreuse, puis Genesis et Tseng firent leur entrée dans le salon. Reno lança la question qui brûlait les lèvres de tout le monde :

-Vous faisiez quoi dehors ?

-Qu'est-ce que tu crois qu'on faisait, Reno ? répondit Tseng, agacé.

-Bah justement… Si c'est ce que je crois, c'est bizarre…

-Le tableau électrique est dehors, dans une remise à l'arrière, coupa Genesis. De rien.

-C'est pas super pratique, ça, remarqua Elena.

-C'est le moins qu'on puisse dire, souffla Rufus.

Le Vice-Président semblait au bout du rouleau. Assis religieusement sur le canapé, les mains posées sur ses genoux, il regardait la cheminée d'un air absent. Alors que le reste de leur équipe s'employait enfin à faire du feu, Angeal le prit en pitié et vint s'asseoir à ses côtés.

-Vous verrez, ce ne sera pas si terrible, dit-il. Ça a l'air d'être une perte de temps, comme ça, mais je suis sûr qu'on finira par tous bien s'entendre.

-Oui, ça vous avez certainement raison, dit Rufus sans le regarder, mais je crois que je suis encore sous le choc de la facilité avec laquelle mon père m'a envoyé ici.

-Vous verrez, répondit Angeal, on s'y fait.

Cette dernière réplique n'eut pas l'air de remonter le moral de Rufus, aussi Angeal abandonna, surtout que Sephiroth et Rude entrèrent à ce moment les bras remplis de victuailles, et que Reno parvint enfin à allumer un feu respectable dans la cheminée. Ils se rassemblèrent tous autour, presque instinctivement, pour échapper au froid mordant qui saisissait encore tout le reste du chalet.

Dans le silence grandissant de la pièce, Reeve se racla la gorge.

-Bon, dit-il, et si chacun ici expliquait ce qu'il ou elle attend de ce team building ?

Tous les autres s'entreregardèrent, perplexes, se demandant lequel d'entre eux allait annoncer la douloureuse nouvelle à leur enthousiaste Directeur, mais avant que Tseng n'ait pu y mettre les formes requises, Sephiroth avait déjà ouvert la bouche :

-J'attends que ça se finisse.

-Oh Gaïa… se désola Angeal en cachant ses yeux dans sa main.

-Vraiment, Sephiroth ? demanda Genesis avec un air désapprobateur.

-Quoi ? J'ai dit, c'est à votre tour maintenant.

Reeve, grâce à Shiva, ne parut pas souffrir outre mesure de la brutale franchise de Sephiroth.

-D'accord, c'est noté, je suis sûr qu'au fil des jours, nous saurons tous ici vous faire oublier ce sentiment. Les autres ?

Après plusieurs secondes de silence gêné, Angeal se jeta à l'eau pour l'équipe :

-J'attends de mieux connaître mes collègues, surtout ceux avec lesquels j'interagis moins dans ma vie quotidienne.

-Parfait ! s'exclama Reeve.

Pour un peu, Angeal en aurait juré qu'il avait les larmes aux yeux.

-Et vous, Rude ? relança le Directeur.

L'interpelé haussa les épaules.

-Rien.

Sephiroth et lui échangèrent un regard entendu, que Sephiroth appuya même d'un haussement de sourcil à l'égard de Genesis, l'air de dire « t'as vu ? »

-Vous pouvez expliciter ? demanda Reeve sans se laisser démonter.

-Je ne sais pas pourquoi nous sommes là, ni ce qu'il est prévu que nous fassions ensemble pendant une semaine. Puisque je ne sais pas à quoi m'attendre, je n'attends rien.

-Logique, intervint Reno.

-De toute façon, quand vous n'êtes pas d'accord vous deux… commença Elena.

-Bah vas-y, dis-le ! défia le Turk.

-S'il vous plait.

Reeve levait une main pour calmer le jeu. Il s'empara ensuite du bol de popcorn et le tendit à Elena.

-Grignotons un peu de sucre, ça nous apaisera.

Reno prit le conseil de Reeve comme un feu vert et se jeta sur les marshmallow. Zack l'imita sous l'œil désapprobateur de son mentor, mais Angeal garda le silence : s'il devait en plus garder un œil sur son élève en permanence, il était certain de ne pas survivre à la semaine dans ce chalet.

Reeve ne revint heureusement jamais sur leurs attentes et se contenta de lancer des sujets de conversation banals – peut-être avait-il enfin compris les dangers auxquels il s'exposait. Ils tentèrent du mieux qu'ils purent de s'éloigner du sujet de la Shinra et de leur travail, et, grâce à Zack et à Reno en grande partie, ce fut assez facile.

Reeve parvint également à leur faire livrer une montagne de pizzas qu'ils se contentèrent de grignoter, l'appétit coupé par tous les en-cas qu'ils avaient déjà mangés. Zack se proposa pour les ranger au réfrigérateur, pendant que Reeve déplaçait la table basse devant la cheminée sous l'œil dubitatif des autres.

-C'est quoi ce cirque ? grommela Reno à voix basse en le regardant revenir avec une chaise de la salle à manger.

-Nous allons tester votre confiance ! lança Reeve comme s'il avait entendu la pique du Turk.

-Comment ça ? s'inquiéta immédiatement Genesis avec un regard en coin à Sephiroth.

Le Général ne le lui rendit même pas, trop occupé à fixer Reeve, les sourcils froncés et l'air lugubre.

-Ce que je veux dire, c'est que nous allons faire un simple petit exercice pour apprendre à être moins méfiants les uns avec les autres. De ce que j'ai pu juger jusqu'ici, il y a certaines tensions entre vous et j'espère vous prouver que vous pouvez les oublier.

Reno souffla à l'assemblée :

-Je vous jure que si c'est le truc où il faut se laisser tomber dans…

-Vous allez littéralement vous tomber dans les bras ! coupa Reeve avec un sourire complice et un clin d'oeil.

-Et merde.

Reno pivota sur ses talons et donna l'impression de vouloir s'enfuir sur le champ, jusqu'au moment où Tseng l'attrapa par le col et le fit tourner dans l'autre sens.

-Tiens, commençons par vous, Reno ! dit Reeve avec un immense sourire avenant en invitant Reno à le rejoindre d'un geste de la main.

Alors que le Turk avançait d'un air hésitant vers le Directeur, Reeve enchaîna :

-Et Genesis, venez !

Aussitôt, les yeux de Genesis s'écarquillèrent comme des soucoupes.

-Quoi ?!

-Vous allez le réceptionner bien sûr. À moins que vous ne préféreriez le laisser tomber ?

Genesis fit la moue, l'air de sous-entendre qu'il se posait sérieusement la question, mais Reeve ne leur laissa pas plus le temps d'hésiter.

-Allez, venez.

Il tira presque Reno sur la chaise, debout sur l'osier, puis il saisit la manche de Genesis et le plaça dans le dos du Turk.

-Je vais compter jusqu'à trois. Reno, fermez les yeux.

-Oh, Gaïa, souffla Reno.

Il hésita une seconde, puis il s'exécuta en croisant ses bras sur son torse.

-Une…

Genesis tendit les mains vers le dos de Reno. Angeal le regarda faire avec une terreur sourde dans le ventre : si son ami le laissait tomber au sol, ils risquaient tous de très sérieux ennuis.

-Deux…

-Rhapsodos, je te jure que si tu me rattrapes pas… commença Reno.

-TROIS !

Avec un gémissement d'angoisse, Reno se laissa tomber. Le temps sembla se suspendre et même Rufus regarda son employé basculer dans le vide, les mâchoires serrées et les sourcils froncés dans l'attente inévitable d'une catastrophe… Qui ne se produisit pas.

Genesis réceptionna les omoplates de Reno et le fit glisser contre lui pour lui permettre de toucher le sol. Le tout n'avait pas duré plus d'une seconde, mais si Reno pouvait donner son avis, ça n'avait été que trop long. Il souffla de soulagement, les mains appuyées sur les genoux, courbé en deux comme s'il se remettait du pire sprint de sa vie.

-Comme si ça avait été si terrible, persiffla Genesis en le regardant avec mépris. J'aurais dû te laisser tomber. Quel cinéma…

-Au suivant ! triompha Reeve dans l'agitation qui avait saisi son assemblée. Sephiroth, Zack !

Le chiot d'Angeal coula son célèbre regard suppliant vers son supérieur.

-Seph, promets que tu me rattraperas.

-C'est toujours Général pour toi, soldat.

-Et non, coupa Reeve, Zack a raison, c'est Seph pour la semaine.

-Seph ? s'épouvanta Rufus.

-De mieux en mieux… gronda le Général en s'avançant vers la chaise avec un regard de mise en garde vers Zack.

-Je suis sûre que des villages ont brûlés pour moins que ça, dit Elena.

Zack, désormais certain que Sephiroth le laisserait s'écraser au sol à cause de sa bourde, se mit debout sur la chaise avec hésitation. Il jeta un dernier regard par-dessus son épaule.

-Une…

-Hé, sans rancune, hein ? demanda Zack.

-Deux…

Sephiroth ne répondit pas.

-TROIS !

Zack se laissa lentement tomber en arrière. Sephiroth n'allait pas le laisser tomber, n'est-ce pas ? Encore, s'il avait été Genesis, il aurait commencé à s'inquiéter, mais là il n'allait pas lui en vouloir pour une pauvre blague, si ?

Il continua à chuter en arrière. Son cœur rata un battement.

-Sephiroth ! hurla la voix d'Angeal, quelque part à sa gauche.

C'était la fin. Le Général avait certainement fait un pas en arrière et il allait éclater sa colonne vertébrale d'une seconde à l'autre. Il cria de terreur sans s'en rendre compte, puis il heurta le sol.

Pas si dur que ça.

Il ouvrit un œil, hurlant toujours à la mort, puis l'autre, et se rendit compte qu'il était suspendu à cinquante centimètres du carrelage. Il arrêta brusquement de crier.

-Nom d'un chien, Sephiroth ! Tu aurais pu le tuer ! s'épouvanta Angeal en entrant dans le champ de vision de son élève.

-Hey, Angeal, dit-il. Toi aussi t'es mort ?

-Je voulais juste lui faire peur, dit une voix au-dessus de sa tête, faisant trembler le dos de Zack comme un bateau dans une tempête.

Sephiroth le tenait d'une seule main entre les omoplates, à l'horizontale au-dessus du sol. Le Général avait posé un genou à terre et le regardait d'un air inexpressif.

-Pourquoi faire ? C'était une blague, Seph, dit Angeal, clairement agacé, en saisissant Zack par le col et en le remettant debout.

-Angeal, tant que vous êtes là, montez donc sur la chaise, intervint Reeve sans aucune considération pour ce qu'il venait de se passer, ou pour le traumatisme de Zack.

Angeal grimpa sur la chaise sans même réfléchir, maugréant toujours dans sa barbe contre Sephiroth.

-Et… Disons, Rufus, venez le réceptionner.

-Vous rigolez, là ? demanda Angeal en laissant tomber ses bras massifs le long de son corps. Reeve, vous savez combien je pèse ?

-Aucune idée, quatre-vingt kilos ?

-Vous avez de l'espoir, fit Zack entre ses dents, et tout le monde l'entendit.

Rufus, jusque-là silencieux, s'approcha de Reeve.

-Je peux le faire, dit-il, mais peut-être pas depuis la chaise. Sans vouloir vous vexer, Angeal...

-Non, laissez tomber, répondit Angeal en faisant mine de descendre de la chaise. C'est ridicule.

Reeve l'en empêcha immédiatement.

-Vous n'avez donc pas confiance en Rufus ? en déduisit-il.

-Quoi ? Mais ça n'a rien à voir !

-Le jeu est le même pour tout le monde, Angeal.

-Je vais littéralement l'écraser.

-Ne soyez pas si complexé, vous n'êtes pas si gros.

-Quoi ? Mais non mais, je ne suis pas –

-Raison de plus dans ce cas ! Allez, en place !

Reeve poussa Rufus devant lui jusqu'à la chaise. Lorsqu'il leva les yeux, Angeal lui lançait un regard désemparé.

-Dites non, le supplia-t-il.

-S'il dit non, ça prouvera qu'il n'a pas confiance en vous, intervint Reeve. Rufus, vous n'avez pas confiance en Angeal ?

Rufus hocha lentement la tête.

-Si, dit-il, mais…

-Alors prouvez-le ! Une ! Deux !

Rude et Tseng échangèrent un regard, pas très sûrs de savoir quelle était la limite exacte de leur profession dans un cadre tel que celui-là, mais c'était déjà trop tard.

-TROIS !

Angeal serra les dents, Rufus leva les bras. Tout doucement, Angeal se laissa basculer, mais il le regretta instantanément. Il essaya de se rétablir et voulut descendre de la chaise mais il perdit l'équilibre. La jambe qu'il avait balancée dans le vide ne trouva pas le sol et ses bras s'écartèrent comme des ailes pour battre désespérément dans les airs. Rufus se mit à hésiter et, au lieu de poser ses mains sur les omoplates d'Angeal pour stopper sa chute, il les ouvrit davantage pour être certain de le réceptionner quoiqu'il advienne. En conséquence, il reçut en plein torse l'épaule saillante du SOLDAT, ce qui lui coupa la respiration et l'entraina lui aussi irrémédiablement vers la chute.

Cette fois, Rude et Tseng identifièrent le danger comme étant dans leur cahier de charges et ils se précipitèrent pour sauver Rufus. Ce qui en résultat fut un Commandant de décidément bien plus que quatre-vingt kilos étalé sur le sol - il avait réussi à pivoter au dernier moment pour sauver un Vice-Président du destin de crêpe ; Vice-Président qui reposait désormais sur le dos d'Angeal, les yeux fermés et le corps entier préparé à l'impact qui n'arriverait plus. Complétaient le tableau deux Turks penchés en avant, bien trop tard pour avoir changé quoi que ce soit à l'histoire. Alors qu'Angeal grognait tout son soûl, face contre terre en dessous de Rufus, Reeve s'avança d'un pas et demanda d'un ton pragmatique :

-Qu'est-ce que cet exercice peut donc nous apprendre ?

Sous le choc, personne ne pensa à lui répondre, ce qui ne l'empêcha pas de terminer :

-Nous apprenons donc qu'avant de faire confiance aux autres… Il faut savoir se faire confiance à soi-même. N'est-ce pas Angeal ?

Le Commandant grogna ce qui ressembla à un qualificatif très peu distingué que Reeve n'entendit pas. Pendant que Rufus débarquait du porte-avions qu'était le dos d'Angeal, le Directeur frappa dans ses mains avec enthousiasme.

-Bon, terminons-en là pour ce soir. C'était un exercice facile, nous entrerons dans le vif du sujet demain !

Si l'exercice avait lui été « facile », ce fut moins le cas de faire accepter à chacun la chambre dans laquelle il s'était par hasard retrouvé. Aucune paire ne semblait avoir été réfléchie, et c'était sûrement parce qu'aucune d'entre elles ne l'avait été. Reeve, Zack et Elena s'étaient contentés de jeter les bagages au hasard dans les chambres.

Tout à fait au hasard ? Tseng en doutait, lorsqu'il vit sa jeune collègue entrer dans la pièce à sa suite.

-Elena, mit-il en garde dès qu'elle ferma la porte derrière elle.

-Quoi ? Vous avez choisi votre lit ?

Tseng était en train d'étaler ses affaires sur le lit collé à la fenêtre. Il restait donc celui près de la porte pour Elena.

-Normalement, on se met entre une dame et les potentiels voleurs qui entreraient, mais d'accord, maugréa-t-elle en lançant son sac sur son lit désigné.

-Estime-toi heureuse que je n'aie pas encore déménagé dans le salon.

-Vous n'allez pas le faire ? demanda Elena en se tournant vers lui, la voix pleine d'espoir.

-Pas encore, répéta Tseng. À la seconde où tu me feras regretter mon choix, je ne me gênerai pas.

C'était une réponse qui sembla convenir à la jeune Turk, puisqu'elle retourna à ses affaires avec un sourire satisfait.

Dans la chambre voisine, l'arrangement ne tombait pas autant sous le sens.

Après avoir essayé de déterminer leur place au pierre/feuille/ciseaux, puis avec une manche de poker, puis à la lutte, ni Reno ni Genesis n'était disposé à abandonner le lit de la fenêtre. Ils hurlaient tellement que Sephiroth, dans la chambre à côté, tapa du poing sur le mur.

Reeve le regarda faire avec un air désapprobateur sur le visage.

-Il faut les laisser régler leurs histoires par eux-même, dit-il.

-Honnêtement, Reeve, je m'en fous. Bonne nuit.

Sephiroth, sur ces belles paroles, s'enroula dans sa couverture et tourna le dos au Directeur.

Zack et Rude, dans la chambre en face, avaient suivi un schéma similaire. Enfin, Zack avait essayé de discuter avec son collègue Turk, sans trop de succès, et il avait fini par le laisser dormir, non sans relancer une fois ou deux une tentative de conversation hasardeuse auquel Rude ne répondait que par « Mmh ».

Dans la dernière chambre, Angeal se confondait encore en excuses.

-Vraiment, vous auriez dû refuser dès le début. J'aurais dû refuser dès le début. Et dire que j'ai failli vous écrabouiller comme ça…

-Mais vous ne l'avez pas fait. Vous avez d'ailleurs préféré vous blesser l'épaule plutôt que de me laisser heurter le sol en premier. Je n'ai pas eu la moindre blessure.

-Oui, mais tout de même, insista Angeal, Reeve et ses idées stupides, encore un peu et…

-Angeal, coupa Rufus d'une voix ferme en posant sa main sur son épaule. Honnêtement, ça suffit. Tout va bien, alors arrêtez de vous torturer.

Angeal fit la moue, visiblement toujours pas apaisé. Rufus haussa une épaule.

-Très bien, alors si vous tenez à ce point à ce que je vous en veuille, vous n'avez qu'à prendre le lit à côté de la porte. Je prendrai celui de la fenêtre. Ça vous va ?

Angeal acquiesça, sourit au Vice-Président et lui souhaita bonne nuit. Rufus s'occupa d'éteindre la lumière et on n'entendit plus dans le chalet que les chamailleries de Reno et de Genesis.

Ça, et…

-T'as entendu ça ? dit brusquement Reno, à genoux sur le lit de la fenêtre et armé d'un coussin en plumes brandi au-dessus de sa tête.

Genesis saisit l'occasion et lui écrasa le sien en plein visage.

-Oui, c'est le bruit de la défaite, habitue-toi, dit-il en jetant le Turk du lit.

-Je rigole pas ! cria Reno en se redressant. Écoute !

Genesis se tut, uniquement parce qu'il était satisfait d'avoir enfin remporté le lit qu'il voulait, et il finit par l'entendre à son tour : des petits pas, au-dessus de leurs têtes.

-Ce sont des fouines, dit-il en s'installant dans son lit. Le chalet est vieux comme Ramuh.

-Mmh, dit Reno en s'asseyant à reculons sur son lit, le nez pointé au plafond. Si tu le dis…

-Bonne nuit ! triompha Genesis en se roulant dans la couverture avec bonheur.

Reno resta encore quelques instants dubitatif, puis il éteignit la lumière et s'allongea à son tour.

Le calme se fit enfin sur le chalet, et même les mystérieux pas dans le grenier finirent par s'interrompre.


J'ose espérer que la suite ne tardera pas trop, en attendant n'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de cette première partie!

À la prochaine!