Hello ! On se retrouve pour la douloureuse réalisation d'Izuku... courage à lui ! (je ne me moque pas, c'est faux...)
Vous m'avez appelé dans l'urgence, inquiet que je ne vous donne pas de nouvelle depuis deux jours.
Deux jours.
Je me rappelle avec un sourire amer de ma dernière année de collège, après vous avoir rencontré et où vous ne me donniez que de rares nouvelles. Quand un court et concis message hebdomadaire de votre part était déjà un miracle que je chérissais de tout mon cœur.
Notre relation a drastiquement évolué et je me prends cette réalisation avec une force semblable à l'un de vos Detroit Smash. Car je n'arrive plus à lutter contre : Tôya a semé cette idée dans mon crâne et elle ne veut plus partir. Donc, si évolution il y a eu... Elle était peut-être encore plus importante que tout ce que j'imaginais, en réalité.
Pour la première fois depuis des mois, je suis sans voix lors de notre appel. Je ne sais même pas vous expliquer pourquoi je ne vous ai pas appelé. Je n'arrive même pas à vous demander pourquoi, de votre point de vue, cet « oubli » est si grave. Je ne trouve pas les mots pour vous expliquer ce que Tôya m'a fait. Des lunettes qu'il m'a mise de force sur le nez pour m'obliger à regarder la vérité en face.
Vous parler est à nouveau un supplice. À nouveau, vous me manquez comme vous ne m'avez jamais manqué jusqu'ici. À nouveau, je crève de vous demander - de vous supplier même -, de rentrer pour que je tente de vous parler de ça en face.
Mais pour vous dire quoi, exactement ?
« All Might, si je rame autant dans ma vie amoureuse par moments et même dans ma vie tout court, c'est parce que je pense avoir des sentiments pour vous »?
L'éventualité même me donne le vertige.
Je me plie en excuses, bafouille que je vous expliquerai en temps voulu mais que pour le moment, je me dois de ralentir un peu nos appels quotidiens. Je vous supplie de ne pas vous inquiéter avant de raccrocher, même si je sais que c'est vain.
Vous devez être éreinté de mes caprices d'adolescent.
Mais je ne sais pas quoi faire d'autre et je ne vous laisse même pas le choix. La panique qui me gagne est dix fois plus intense que lorsque j'ai compris que j'étais gay. Je me sens étouffer, je me sens sombrer. Assis dans la pénombre de ma chambre, je suis aveuglé. Le sang pulse dans mon cerveau à m'en rendre sourd et mon cœur n'a jamais pesé aussi lourd dans ma poitrine.
Je dois me reprendre.
Ce n'est qu'une idée. Une mauvaise idée. Et même s'il y a un fond de vérité, il est forcément moindre par rapport à la réalité des choses. Je suis avec Shôto et je suis bien avec lui. Heureux, entier, comblé...
... Non, ce n'est pas vrai. Tôya a raison. Shôto a raison : j'ai beau être bien plus à l'aise dans l'intimité avec lui, j'ai beau chercher sa chaleur régulièrement, je me retrouve à chaque fois frustré de je ne sais quoi. Je suis bien, mais je ne le suis pas totalement. Il y a toujours ce quelque chose qui manque et qui n'est pas là. Ce « plus » inconnu qui rendrait les choses meilleures, je le sais au fond de moi.
La bile au bord des lèvres, je pense à mes recherches pornographiques récentes, qui ont étrangement évoluées ces dernières années, et je prends conscience de l'intensité de mon déni. Des mots-clés tous plus ridicules les uns que les autres, mais bien réels, s'enchaînent derrière mes yeux clos et la violence de ce qu'ils représentent me met un peu plus à terre.
Ce n'est pas de quelqu'un comme Shôto dont j'ai envie.
Et même en mettant l'intimité de côté. Je repense à toutes ces fois où l'embrasser ne me paraît pas naturel malgré notre complicité. De toutes ces fois où je me sentais étrangement mal à l'aise lorsqu'un de vos appels interrompait des moments intimes entre nous. Du simple mal que j'ai à vous parler de ma relation avec lui, alors même que je ne rencontre ce problème avec personne d'autre.
Oui, j'ai la sensation de vous tromper quand je suis avec Shôto.
C'est ridicule.
Je suis ridicule.
C'est Shôto que je trompe en me perdant dans toutes ces idées aussi saugrenues et malsaines les unes que les autres.
Vous êtes trop âgé, je vous admire trop, vous êtes trop loin. Et j'oublie un millier d'autres raisons, mais je ne peux simplement pas être amoureux de vous. Je ne peux pas. C'est inconcevable et grotesque et horrible.
Et pourtant... ça expliquerait tellement de choses.
