Chapitre 48 : Une visite inopinée

Note : Le bug du site persistant toujours, et ce, depuis trois semaines maintenant, je vous remercierai donc de me faire savoir si vous avez lu l'histoire. Bonne lecture.

Hôpital Mercy à Cleveland, l'Ohio

01h du matin. Ici, tout était paisible dans la chambre qu'occupait Margaret. Les bruits de l'hôpital avaient peu à peu cédé la place à la quiétude. Toutes les visites avaient pris fin depuis longtemps et les lumières éclatantes qui avaient recouvertes la pièce pendant la journée avaient été ainsi réduites à de douces lueurs nocturnes. Margaret, appuyée contre son oreiller, était en position assise, bien calée au fond de son lit, se réfugiant dans la lecture d'un magazine que le jeune caméléon lui avait apporté tantôt afin de lui tenir compagnie lors de cette soirée solitaire. Les minutes s'étaient écoulées bien lentement, ponctuées seulement par les gémissements et les nombreuses plaintes des autres patients. Pour la sexagénaire, c'était un moment de calme bienvenu, tandis qu'elle tentait de se remettre avec peine de son mal qui l'avait subitement frappée. Quand soudain la porte s'ouvrit, laissant entrevoir une silhouette qui semblait alors la connaître. La vielle femme avançait silencieusement vers elle. Margaret, encore fragile et alertée par l'intrusion, avait reposé son magazine sur la table de nuit, son regard scrutait la forme cachée par l'obscurité dissimulant, de ce fait, son identité. Cette intruse

debout près de son lit, était une présence bien trop familière pour Margaret, étonnée, mais malgré tout soulagée, lui fit signe de s'asseoir.

C'est alors qu'une voix chaleureuse interrompir le silence. « Je suis de retour, Margaret, et il est temps que nous parlions. »

« Pourquoi es-tu venu jusqu'ici ? Il faut que tu t'en ailles, elle secoua la tête. Comment as-tu su que j'étais là ?

- Chut, Margaret. Ne bouge pas. Tu dois rester calme. Je suis venue m'assurer que tout aille bien pour toi.

- Non, non, il ne faut pas que tu restes ici. Quelqu'un pourrait te reconnaître, elle regarda autour d'elle.

- Ne t'inquiètes pas, personne ne m'as vu. Repose-toi.

- Jarod risque de revenir à tout moment. Il s'est fait embaucher ici comme médecin pour rester auprès de moi.

- C'est quelqu'un de bien, je l'ai toujours su. Je l'ai su, la première fois que je l'ai vu, elle enleva un châle qui lui recouvrait ses longs cheveux noirs.

- Son âme, c'est la seule chose que le Centre n'a jamais réussi à lui prendre.

- Nous avons très peu de temps, Margaret, je dois savoir ce qui se passe très exactement. Tout ce que nous avons fait jusqu'ici est en train de s'effondrer. La situation est en train de nous échapper totalement.

- Non, tu te trompes, c'est tout le contraire.

- Margaret, le Centre est toujours après nous.

- C'est vrai. Seulement, depuis que Jarod nous a tous réunis, Charles prévoit de faire quelque chose.

- C'est-à-dire ? Qu'est-ce qu'il veut faire ?

- Avec Jarod, Ethan, le petit clone… Ah ! Je ne m'y ferais jamais et de l'aide d'un certain Sydney et Broots. Enfin, ils veulent détruire le Centre en démantelant tout de l'intérieur. Un moyen de rendre justice pour tout ce qu'ils nous ont fait subir, pour ce qu'ils t'ont fait subir, elle lui prit les mains.

- Non, c'est de la pure folie ! Si jamais le Centre remontait jusqu'à moi, si lui ou elle découvrait mon existence…

- Ils finiront par le découvrir. Ce n'est qu'une question de temps. Je suis sûre qu'avec Jarod à nos côtés, on peut mettre fin à tout ça. Je lui fais confiance. Et toi aussi, tu devrais leur faire confiance.

- Alors comment puis-je vous aider, comment pouvons-nous aider Jarod ?

- Je ne sais pas encore.

- Je vais te donner des informations, des noms, des contacts, des moyens financiers si tu en as besoin... Mais tu dois me promettre que tu feras exactement ce que je te dirai, sans poser de questions pour le bien des enfants.

- Ce n'est pas tout. Il y a autre chose que tu dois savoir. »

Maison de Mlle Parker 431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991

Elle n'arrivait pas à fermer l'œil, se retournant sans cesse d'un côté à un autre puis ses yeux se fixèrent sur les aiguilles de sa montre. Les heures défilaient comme si le temps lui-même se moquait absurdement de son insomnie. Ses pensées étaient monopolisées par un seul nom : Jarod. Elle se redressa dans son lit, tendit sa main et en sortit du tiroir une enveloppe que la jeune femme porta à son nez, contemplant la lettre qu'elle avait rédigée pour lui. Celle-ci renfermait ses sentiments les plus intimes, des paroles qu'elle n'avait jamais osé lui dire de vive voix. C'était une déclaration, voire un appel à la vérité, et elle se demandait si elle aurait le courage de la lui remettre un jour. Le papier, dont les mots écrits à l'encre bleue, trembla légèrement entre ses doigts tandis qu'elle la relisait. Aujourd'hui, elle ne pouvait plus nier l'évidence : elle aimait Jarod, d'un amour qui ne lui était pas permis d'éprouver pour lui. Elle se leva de son lit et reposa la lettre dans le tiroir avant de quitter la pièce. Ses pas la conduisirent vers le salon où son frère, Ethan, était allongé confortablement sur le canapé, une pomme rouge à la main et absorbé par le clignotement rapide de l'écran de l'ordinateur. Maladroite, elle fit tomber quelques feuilles qui traînaient sur le bord de la table. Et sans rien dire, elle s'installa à ses côtés, tapotant du pied. Il remarqua aussitôt sa contrariété et lui lança « Quelque chose ne va pas ? »

« Je suis inquiète pour Jarod, Ethan se tourna entièrement vers elle.

- Inquiète ? Pourquoi tu sens quelque chose ?

- Non, mais je… elle se mordilla les lèvres. Enfin, Jarod a quitté l'hôtel si précipitamment que j'ignore pourquoi.

- C'est Margaret, elle est à l'hôpital... Elle va bien.

- Je… Je ne le savais pas. Il ne m'a rien dit.

- Je suppose qu'il ne voulait pas t'inquiéter davantage. Et puis, tu te rappelles que la dernière fois que vous vous êtes vus, les choses n'étaient pas faciles entre vous deux.

- Il te l'a dit alors ? Il t'a dit que je l'avais rejeté encore une fois ? elle cachait son visage dans ses mains.

- Non. Il a juste mentionné le fait que tu ne te souvenais plus de ta relation avec lui.

- J'ai été insupportable avec lui. Jarod ne faisait que m'aider, et moi, je l'ai repoussé encore !

- Il s'en remettra.

- Qu'est-ce que tu faisais ?

- J'étais en train de visionner un disque. C'est dingue, ce que le Centre peut cumuler comme paperasse. Regarde ça ! Dans ce carton, il n'y est fait mention que du projet Évolution. Si seulement ça nous disait où était le petit ! Tiens, lis ça, il lui tendit un tas de feuilles. C'est le dossier de Jarod. Il est inscrit sous le nom #S001.

- #S001 ? elle le feuilleta prenant son temps pour emmagasiner les informations. Ce sont des dossiers individuels sur chacun d'entre eux contenant des renseignements tels que leurs identités, leurs aptitudes si spéciales, leur historique médical, et leur rôle dans ce programme. Peut-être qu'il y en a un sur elle.

- Et là, Parker, ce sont des rapports de suivi. Des rapports périodiques sur les progrès des différents sujets pour évaluer l'efficacité de leur objectif, ceux qui ont servi à la création de ces nouveaux êtres et ces nouveaux êtres ! Cela inclut des données scientifiques et des observations aussi bien comportementales que relationnelles ainsi que des résultats d'expériences.

- Montre-moi ça, Ethan… elle lui arracha brusquement le rapport. Celui-ci ne concerne que Jarod. La date ne correspond pas… Il a été fait avant l'évasion de ton frère. Et celui-là… Il doit sûrement s'agir de la mère du petit Junior. Son nom n'y figure pas ! Oh, c'est pas vrai ! Quelle poisse ! C'est étrange, il n'y a pas de date. Pas de signature. Juste un tampon. Tandis qu'elle lisait le document à voix basse, elle tomba des nues en parcourant les lignes suivantes, son regard vif et soucieux marqua un bref temps d'arrêt. Relation entre les deux individus : les deux attributs féminin et masculin continuent d'interagir fréquemment ensemble. Toutefois, les interactions entre eux ne peuvent être étroitement contrôlés. Mais il n'en reste pas moins un domaine de recherche fondamentale. Dès lors, il en résulte que malgré sa position, ses responsabilités et son dévouement envers le Centre, la principale intéressée dénommée #S002 éprouve des sentiments à l'égard du #S001 et vice versa. Leur proximité et leur connexion s'étant intensifiée avec les années, et ce, du fait que ni l'un ni l'autre ne soient réellement conscients de la véritable nature de leur lien. Bien que les détails de leur relation ne soient clairement définis, il est important de souligner que aucun de ces deux individus n'aient participé directement aux tests, il est essentiel de noter que l'utilisation de leurs gènes a un impact direct sur les performances de chacun de nos essais étudiés dans le cadre de notre programme. Progression et observations de l'enfant : le bébé, résultat du projet "Genius", montre, à ce jour des signes de précocité. Il est en avance dans plusieurs disciplines, croissance physique et mentale pour un jeune nourrisson. Des études plus poussées seront nécessaires pour surveiller sa santé et son développement et évaluer les conséquences de ces modifications génétiques sur lui. Conclusion des premiers éléments : #S002 présentant des aptitudes sensorielles uniques la distinguent comme un sujet capital et indispensable du projet « Évolution ». Les relations familiales avec le bébé offrent des possibilités pour des actions futures. On peut en conclure que cette première phase est une réussite dans sa totale globalité.

- Qu'est-ce que ça veut dire Parker ?

- Probablement rien, Ethan. »

Hôpital Mercy à Cleveland, l'Ohio

« Il s'est produit quelque chose d'inattendu, toi qui l'avais tant espérée.

- Quoi ? Dis-moi ! elle avait l'air incrédule.

- C'est toi qui avais raison. Ils ont tous les deux entamé une liaison.

- C'est merveilleux. Raconte-moi ça ! son sourire timide s'élargissait au fur et à mesure que Margaret lui expliquait la situation.

- C'est compliqué. Elle a des sentiments pour lui, c'est sincère et réciproque. Et lui, il est fou d'elle. Seulement, elle ne semble pas être prête à s'engager.

- Oh. J'osais espérer que tous deux finiraient par trouver la paix et le bonheur ensemble. Il faut croire que ce n'est pas encore le bon moment.

- Peut-être. Ils ont tellement souffert à cause du Centre qu'ils ont du mal à se laisser aller à la confiance.

- La seule chose que je désire, c'est qu'un jour, ils puissent trouver le courage d'aller de l'avant, vers un avenir meilleur, elle ferma les yeux, des larmes coulaient le long de ses joues.

- Jarod veut à tout prix nous la présenter officiellement. Je ne peux pas lui refuser ça.

- Je sais, Margaret. C'est déjà bien assez, ce que tu as fait pour moi. Je ne te demanderai qu'une seule chose. Ne lui dis jamais. Je ne veux pas qu'elle sache. Si elle l'apprenait, ça la détruirait. Et le DSA ?

- Je suis désolée. Je n'ai pas eu l'occasion de le lui remettre.

- C'est sans doute mieux ainsi. Je ne veux pas les mettre en danger plus qu'ils ne le sont déjà. Qu'est-ce qu'il t'a dit à son propos ?

- Jarod m'a juste dit qu'elle était une personne merveilleuse. Qu'il en était très amoureux et prêt à tout pour elle, pour la protéger. Si tu le voyais, il est heureux. Je suis sûre que pour elle, c'est pareil. Rassure-toi, je vais essayer de gagner encore un peu de temps. Moi aussi, je n'ai pas oublié que tu étais là pour moi quand on m'a privé de mes deux enfants. Ne t'en fais pas, je ne lui dirai jamais, même si je pense que c'est une énorme erreur que tu commets, Margaret lui proposa un mouchoir propre.

- Non, elle ne pourrait pas comprendre. Tu as vu Ethan ? Comment est-il ?

- C'est devenu un homme, il est sensible tout comme Jarod. Il me fait beaucoup penser à lui. C'est un garçon très gentil et toujours prêt à aider. Je regrette que tu n'es…

- Et elle ? Tu l'as vu ? Comment va-t-elle ?

- Je l'ai vu l'espace d'un court instant sur cette île, là-bas en Écosse. C'est une très belle jeune femme, d'ailleurs, c'était assez troublant de se retrouver en face d'elle. Et d'après tous le bien que Jarod m'en a dit, elle inspire la fierté. Oui, il est très fier d'elle. Écoute, je crois qu'il est temps que tu changes d'avis et que tu reviennes.

- Margaret, je ne pourrai jamais revenir. »

L'amie en question se leva aussitôt pour se retrouver face à la fenêtre. Ses yeux jadis qui autrefois lumineux, étaient désormais voilés par le poids du secret qu'elle portait depuis si longtemps. Elle tenta difficilement, mais avec des phrases simples, d'expliquer pourquoi elle ne pouvait plus retourner là-bas, à Blue Cove, cette petite ville qui abritait sa famille et ses proches. Sa voix résistait à quitter sa bouche, chaque syllabe lui était arrachée presque de force. Ce n'était pas à cause du Triumvirat où encore même du Centre. Non, ce n'était rien comparé à ce qu'il risquait de l'attendre une fois revenu chez elle. Margaret, presque timidement osa lui demander ce qu'elle avait fait ces temps-ci. C'est alors qu'elle lui fit le récit de ce qu'il lui était arrivé ces derniers mois. Puis peu à peu, toutes deux évoquèrent leur passé ensemble, toujours trop douloureux et les événements qui avaient changé le cours de leurs vies. L'histoire tragique qu'il valait mieux enterrer sous des tonnes de couches de terre. Le regard de Margaret ne quittèrent pas un instant le visage endolori de son amie, et elle écoutait chacune de ses paroles s'estimant être assez chanceuse d'avoir pu retrouver sa famille, seulement voilà, cette visite aussi impromptue était-elle, allait bouleverser sa propre existence, mais également remuer les fondements de tout ce qu'elle avait réussi à préserver jusqu'à présent et ce depuis son retour.

431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991

« Hey ! Ethan, assis sur le sol fouillait dans le carton, Mlle Parker faisait de même à ses côtés. Vise un peu ce que j'ai là, grande sœur ! Je n'y comprends vraiment rien à tout ça et toi ? Des analyses détaillées de profils génétiques… Des combinaisons spécifiques d'ADN utilisées pour créer ces êtres surdoués. Qu'est-ce que ça veut dire, Parker ?

- Cela fait référence aux gènes modifiés. Tu vois, Ethan, ici, il est noté que la première modification génétique consiste en une amplification du quotient intellectuel déjà élevé de Jarod. Les gènes responsables de la plasticité cérébrale ont été renforcés, ce qui permettra à l'enfant qui naîtra d'assimiler rapidement de nouvelles compétences comme par exemple de résoudre des problèmes assez complexes à un niveau extraordinaire. Si on se réfère à ce document, ils sont allés jusqu'à modifier quatre de ses gênes. Peut-être même plus... Ça me donne la nausée.

- Quels sont les autres ?

- Sa sensibilité. Sa résilience émotionnelle. Son empathie. Sa perception sensorielle. C'est uniquement la première page, ils ne se sont pas arrêtés là.

- Cela veut-il dire que le petit Parker serait plus intelligent et plus sensible que Jarod ?

- C'est ce qu'il est… Ils ont dû faire la même chose du côté de la mère de Junior.

- Junior ? il haussa les sourcils, étonné.

- Oui. Le fils de Jarod, elle hocha la tête.

- Junior, j'aime beaucoup. C'est étrange. Toi qui ne veux pas t'impliquer dans sa vie, tu lui trouves un prénom, tu t'inquiètes pour lui, tu recherches ses origines, tu veux le préserves. Et je suis sûr que tu l'aimes. En fait, Parker, tu te comportes comme sa mère.

- Disons que… Ça n'a rien à voir avec de l'amour maternel. C'est un être innocent, on se doit de veiller sur lui, elle détourna le regard.

- Vraiment ? Pourquoi ne pas le reconnaître ? Parce que ça a l'air plutôt simple de mon point de vue. Parker, en apparence, tu es une personne distante, insensible, prête à tout pour atteindre tes objectifs, mais avec Junior, c'est différent. Tu es attentive, protectrice, tu te soucies de lui. C'est comme si une part de toi se révélait sous un nouveau jour. Pour moi, il n'y a pas de doute.

- Tu as raison sur un point, Ethan. C'est très différent avec lui. Mais cela ne signifie pas que je suis devenue mère pour autant. C'est une connexion que je n'arrive pas à expliquer. Une connexion qui me pousse à vouloir le protéger, à comprendre son histoire, à vouloir le meilleur pour lui. Je veux qu'il ait la vie que nous n'ayons jamais eue.

- Moi, je crois que c'est plus que ça. Et tu le sais. Tu as juste peur de l'admettre… Celui-là concerne la mère. Il est dit que la première modification génétique accentue le côté Caméléon. En améliorant l'adaptation et la capacité à se…

- Donne-moi ça ! Connaissance et savoir. Agilité. Polyglottisme. Sens intérieur… Non ! C'est impossible. Il ne m'aurait pas fait ça !

- Qu'est-ce qu'il se passe Parker ?

- Rien. Rien du tout. Continue de chercher. »

Mlle Parker se releva et s'éloigna de son jeune frère, se mettant à l'écart, relisant encore et encore le papier qu'elle tenait fortement dans ses mains. Ça n'avait aucun sens. Et pourtant, c'était bien son profil génétique qu'elle avait là devant les yeux. Oui, c'était le sien ! Et voilà ce qu'il en ressortait de ce dossier : l'ADN de base du #S002 attestait d'une anomalie génétique similaire à celle du #S001, la prédisposant à des dons particuliers et exceptionnels. Cette anomalie se manifestait par une combinaison génétique rare, la préparant à être un potentiel Caméléon, possédant également un sixième sens et d'une incroyable maîtrise naturelle de plusieurs langues étrangères ainsi que d'une sensibilité accrue aux changements environnementaux. La suite la glaça littéralement sur place. Des larmes brûlaient ses iris. Des modifications spécifiques avaient alors été conçues pour accentuer ce sens intérieur permettant aux futurs caméléons d'anticiper les événements à venir et de percevoir le monde différemment. Elle secoua la tête. Non ! Cela ne signifiait pas qu'elle était ce qu'elle pensait qu'elle était ! Non, cela voulait simplement dire que son père lui avait menti et trahi, une fois de plus. Devait-elle être surprise par ces agissements ? Ethan, lui, continua d'étudier chacun de ces dossiers. Il sentait que Mlle Parker n'allait pas très bien et il lui suggéra d'arrêter pour cette nuit, de reprendre les investigations un peu plus tard. Ah, non ! Sûrement pas maintenant qu'ils étaient sur une piste, elle n'allait pas lâcher l'affaire « Poursuivons, Ethan ! Je sens que nous nous rapprochons de quelque chose. » En réalité, le jeune cadet n'osait pas avouer qu'il manquait de sommeil et qu'il n'allait certainement pas tarder à tomber dans les bras de Morphée. Ethan découvrit un journal de recherche tenu par les scientifiques, celui-ci décrivait les méthodes et les technologies utilisées dans la création d'individus surdoués. Ces procédés étaient adoptés pour servir les desseins malhonnêtes du Centre en matière de recherche. Il se frotta son œil gauche avant de marmonner à sa sœur. « Hum ! Parker, écoute ça. C'est intéressant leur façon de pratiquer. C'est immoral, néanmoins pertinent. » Selon le journal qu'Ethan tenait dans ses doigts, ces scientifiques avaient tout d'abord identifié des gènes distinctifs chez de jeunes adultes dotés de dons et de capacités. Ceux-ci étaient, par la suite isolés et servit comme points de départ pour des modifications, qui ces derniers, une fois sélectionnées, avaient été combinées dans des configurations très particulières, créant des profils spécifiques pour chaque sujet. Des techniques de recombinaison ultra avancées avaient été employées et l'ADN modifié était alors injecté dans les cellules embryonnaires, permettant ainsi aux modifications de devenir une partie intégrante du développement de l'individu.

« Oui, je m'étais renseignée un peu sur cette méthode. Et qu'est-ce ça raconte d'autres ? il lui donna le journal, ses gestes devenaient très lents. Et puis à voix basse : Suivi précoce : dès la naissance, les sujets sont alors placés sous surveillance constante afin de détecter les premiers signes de leurs croissances. Environnement : les sujets sont élevés dans des environnements riches et spécialement conçus pour stimuler leur développement intellectuel et sensoriel. De nombreux programmes éducatifs intensifs sont rapidement mis en place pour favoriser la progression de leurs compétences juvéniles. Expérimentation et Entraînement : dès lors, des expériences et des entraînements ciblés sont réalisés pour accroître leurs génies, les amenant à leur plein potentiel. Supervision continue : la progression des facultés de ces sujets est contrôlée en permanence à l'aide de tests, d'observations comportementales, et d'analyses génétiques régulières.

- On sait à quoi s'attendre maintenant. On sait ce que Junior va subir. On doit le sortir de là ! il s'étira les membres supérieurs. Voyons ce que c'est, ce papier… Rapports de Sécurité ? En raison de la sensibilité de ce projet et des implications éventuelles, il est impératif de maintenir un niveau élevé de sécurité et de confidentialité pour protéger les informations et prévenir les fuites…

- Ils ont fait en sorte que rien ne sorte de leurs laboratoires.

- Mais alors pourquoi avoir laissé tous ces documents dans cet entrepôt s'ils ne voulaient pas que l'on soit au courant ? Ça n'a vraiment aucun sens. Sauf si…

- Sauf si cette personne savait ce qu'on cherchait. Et il n'y a qu'une seule personne qui soit susceptible de nous aider.

- Angelo ?

- Qui d'autres sinon lui ? »

Hôpital Mercy à Cleveland, l'Ohio

« Comment vas-tu, toi ? demanda Margaret.

- Moi, c'est très difficile. J'essaie comme je peux de me faire la plus discrète possible. Et d'éviter d'attirer l'attention sur moi... Mais les enfants me manquent. Terriblement. Je me sens très seule. J'ai si souvent envisagé de revenir chez moi. Et puis au dernier moment, sa voix était larmoyante et monotone. J'y renonce.

- Alors reviens. Reviens. Viens vivre avec nous, là-bas. Le Centre et le Triumvirat ne sauront jamais que tu es…

- Je.. Je dois y réfléchir. Ce n'est pas une décision que je peux prendre dans la minute.

- Si tu changes d'avis, tu sais comment me contacter, elle serra les poignets de son amie.

- Et toi, n'oublie pas ta promesse.

- Je n'oublierai pas. Je te le promets.

- Et Emily, comment va-t-elle ?

- C'est une femme maintenant. Le retour de Jarod au sein de la famille l'a totalement perturbé. Son monde est sens dessus dessous. Ethan fait souvent le tampon entre les deux. Et la situation amuse énormément Charles. Je t'avoue que pour moi, c'est très dur.

- Ça va s'améliorer. Je suis très heureuse qu'Ethan ait pu enfin retrouver une famille. Je m'inquiétais énormément pour lui. Que peux-tu me dire de la relation entre Ethan et elle ?

- Il n'en parle pas beaucoup. Je suppose que c'est pour éviter de faire de la peine à Emily. Il s'entend très bien avec Jarod. Avec Mlle Parker également. Je crois que ce qu'ils ont vécu tous les trois, les rapproche davantage. Sans oublier que Mlle Parker et Ethan ont le même don, ce qui les lie d'une manière bien plus profonde qu'avec son autre sœur. Ils ont une réelle connexion. Et la pauvre Emily se sent délaissée. Elle a l'impression d'être mise à l'écart. Et puis elle a une telle rancœur envers le Centre et Mlle Parker.

- Pourquoi ?

- Je crois qu'Emily est Jalouse. Elle n'a jamais connu ses frères alors quand elle a su que Jarod fréquentait…

- Je comprends. Mais ça lui passera avec le temps, elle bascula sa tête en arrière pour regarder vers le plafond puis la fit retomber lentement vers l'avant.

- Je suis désolée, je n'ai pas d'informations utiles concernant Mlle Parker. Je ne sais que ce que Jarod nous a raconté à son sujet.

- Je t'en prie, Margaret, parle-moi encore d'elle. Je veux savoir tout ce que tu as appris sur elle, sur Ethan et sur Jarod. Et n'omets aucun détail ! »

Margaret et l'inconnue de la nuit discutèrent pendant plus d'une heure. Leur conversation sur Jarod, Mlle Parker et Ethan se déroulait dans la quasi-noirceur de la pièce, éclairée par la lumière verte des moniteurs médicaux. Les murmures chuchotés se mêlaient au silence nuiteux. Les deux amies s'étaient replongées dans de vieux et tristes souvenirs. Margaret, préoccupée, mais plutôt heureuse et soulagée, partagea avec elle ses pensées les plus profondes. Lorsque elles entendirent la porte s'ouvrir, l'amie se cacha derrière un rideau. Une jeune infirmière en uniforme se tenait debout. Elle entra, veillant à ne surtout pas perturber la patiente. Ses petits pas l'emmenèrent vers la femme aux long cheveux écarlate. Puis avec un demi-sourire aimable, elle alluma la petite veilleuse juste au-dessus du lit afin de vérifier les signes vitaux de Margaret, s'assurant que tout était en ordre. La tension dans la pièce augmenta aussitôt d'un cran alors que celle-ci se trouvait près de la visiteuse. Tout à coup, les bip-bips des machines s'affolèrent. Après avoir terminé son examen, elle se retira tout en douceur, refermant la porte derrière elle et y laissant Margaret seule et pourtant désireuse de continuer sa discussion avec son amie. « Mais où es-tu ? » murmura-t-elle. Cependant, son visage s'assombrit lorsqu'elle réalisa que cette dernière venait de partir. C'est alors que Margaret se questionna sur la venue fortuite de cette personne. Sa visite l'avait beaucoup plus chamboulée qu'elle ne le pensait. Quand se reverront-elles ?

431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991

« Dis-moi, si on retrouve Junior, quelle est la première chose que tu ferais avec lui ? avait-il dit en s'écroulant sur le canapé.

- Si nous retrouvons Junior, la première chose que je ferais, c'est le serrer dans mes bras et lui dire combien je l'adore. Je voudrais être là pour lui, pour le voir grandir, et prendre soin de lui, déclara-t-elle le regard dans le vague, un léger sourire aux lèvres.

- Vraiment ? Tu te sens prête pour ça ? Ethan commença à bâiller.

- Oui. Pour Junior, je suis prête à tout.

- Est-ce que Jarod sera inclus dans tes projets avec Junior ? Comment tu vois les choses entre vous deux ?

- Jarod est son père, Ethan. Il a le droit de faire partie de sa vie. Et Jarod m'a assuré que j'aurai ma place dans celle de son fils. Il veut que nous soyons là tous les deux pour Junior. Que l'on soit une vraie famille. Il veut que je m'occupe de son enfant. C'est une très grande responsabilité.

- Oui, c'est ce qu'il m'a dit. Il ne veut plus chercher à savoir qui est la mère du petit. Je comprends que ça t'effraie, ses yeux se fermaient petit à petit.

- C'est que… Je ne sais pas exactement ce qu'on est censé faire ou même comment se comporter avec un bébé de cet âge. Je n'ai pas vraiment eu de modèle alors je suis un peu perdu. J'imagine qu'il y aura des décisions à prendre pour son éducation, sa santé ou son bien-être... Par où commencer ?

- Il paraît qu'avoir un enfant est un long processus d'apprentissage. Tu peux commencer par lire des livres sur la parentalité, et surtout, écouter ton cœur. Suis ton instinct, Parker. Tu t'en sortiras très bien. Et puis, tu ne seras pas toute seule. Jarod sera là. Je serai là, moi aussi, il bâilla de nouveau.

- Pour le moment, la question ne se pose pas. Jarod doit me haïr après ce que je lui ai fait. Je ne suis pas sûre qu'il me veuille encore dans sa vie. Et qui l'en blâmerait ? Je ne peux pas lui en vouloir de me détester. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je l'ai déçu et trahi tellement de fois… Il est toujours revenu vers moi. Et aujourd'hui, je crains qu'il ne soit trop tard pour nous deux… J'ai un don pour détruire tout ce que je touche. Je n'ai jamais voulu que les choses se passent ainsi entre nous, c'était inévitable, elle versa quelques larmes qu'elle laissa couler. Avant mon amnésie, Jarod m'avait proposé de vivre ensemble. Je me suis montré égoïste et sans le vouloir, je l'ai blessé profondément. Je m'en veux de lui faire du mal. Pourtant, je sais au fond de moi que notre histoire n'est pas encore terminée... Et j'ai envie de vivre avec lui. J'aime, Jarod. Je l'aime depuis si longtemps que ça me fait souffrir... elle prit une photo du caméléon dans l'un des dossiers.Cette traque incessante de Jarod, a été tout sauf normale. Elle m'a éloignée de tout ce que je désirais le plus : une famille, un foyer, et un avenir. Comme je voudrais qu'un jour, nous puissions être tous les trois réunis, ensemble. Est-ce que j'en demande beaucoup trop ? Je me refuse de penser que je ne mérite pas le bonheur. Je me refuse de penser que je ne suis pas faite pour l'amour. As-tu déjà ressenti ce sentiment au plus profond de toi ? Celui qui te pousse à être véritablement toi-même, sans craintes, sans réserve, sans honte. C'est ce que je ressens quand je suis avec Jarod. Tu vois, c'est cet amour qui en apparence paraît si innocent et pourtant, il te dévore de l'intérieur. Il te rends heureux et malgré tout, il te fait toujours autant souffrir. Tu ris, tu pleures, tu aimes et ton cœur lui ne guérit jamais. Tu dois me.prendre pour une folle ! Peut-être le suis-je vraiment ? Je me souviens de tous ces moments passés avec notre mère. Tu sais, elle avait pour habitude de m'emmener au zoo le premier samedi de chaque mois. Et puis le week-end, on faisait de grands piques-niques et de très longues promenades, elle me lisait des histoires pour m'endormir le soir. C'est ce que je rêve de vivre avec Junior, avec Jarod, à nos côtés… Peut-être que c'est ça la malédiction des Parker d'être condamnée à être seule. Vivre seule… elle soupira. Il est tard. Tu devrais aller dormir. Je vais rester encore un peu. Je crois que… »

Alors que Mlle Parker, appuyée contre le mur, continuait à se confier à son frère avant de lever ses yeux humides pour remarquer que celui-ci avait finalement succombé à l'épuisement. « Oh, il s'est endormi... Bonne nuit Ethan. » Un sourire égayait son visage tandis qu'elle se dirigeait vers lui et sans le réveiller, elle remonta doucement jusqu'à ses épaules une couverture posée sur le canapé puis s'écarta. Devant la cheminée, un vieux journal, datant de quelques jours, entre ses mains, la jeune Miss, avec précaution, plia celui-ci en un éventail de petits bâtons, sortie une allumette de sa boîte et la craqua avec vivacité avant de.l'approcher de la pile. Le feu naissant embrasa le papier, qui s'imprégna du bois. Elle prit une grande inspiration, sentant l'odeur familière du brûlé. Soudain, son regard azur s'était perdu dans la contemplation de ses couleurs flamboyantes. Mlle Parker s'avança un peu plus et d'un geste automatique, elle attrapa une poignée de bûches et la plaça dans l'âtre. Le crépitement du feu emplissait déjà la pièce d'une chaleur réconfortante. Elle retourna ensuite vers la table basse où elle avait laissé les documents qui la concernaient. Elle s'en saisit fermement. À genoux devant la cheminée, elle relisait une à une toutes les feuilles. Devait-elle les déchirer afin de se libérer des mensonges de sa famille ? Et Jarod devait-il être mis au courant ? « Que dois-je faire ? » Les flammes dansaient devant elle, prêtent à consumer une partie importante de son existence. Pendant ce temps-là, dans une allée sombre, une ombre à l'allure féminine se cachait derrière un énorme chêne, observant le moindre faits et gestes de la demoiselle. À la vue de la jeune femme, elle ressentit comme un pincement au cœur. C'était vrai qu'elle était magnifique et cette ressemblance si troublante qu'elle avait l'impression de se voir dans un miroir. Elle l'admirait. Et cette nuit-là, cette personne savait que quelque chose se préparait, quelque chose qui pourrait changer le cours de l'histoire. Elle attendait, patiente, silencieuse, gardant ses propres secrets pour le moment opportun.