D'abord, merci beaucoup aux rewievers et à tous ceux qui continuent de me suivre sur cette histoire ! Ca fait vraiment plaisir de voir que l'on est suivi et que son récit suscite des commentaires :D

Je poste ce chapitre un jour plus tôt puisque je ne suis pas sûre d'avoir internet dans les prochains jours... ça m'évitera donc de prendre du retard dans le rythme de publication !

Pour une fois, j'ai quelque chose à dire, alors voici une petite entrée en matière logistique sur ce chapitre. Après sa relecture attentive et ses corrections multiples, je n'étais toujours pas satisfaite du résultat. Aussi, me suis-je lancée dans sa réécriture en entier, ce qui fait qu'il était beaucoup, beaucouuuuup plus long que ce qu'il n'était au départ. De fait, j'ai dû le diviser en deux parties, ce qui a décalé le nombre de chapitres de mon histoire. Elle ne comportera donc plus 1 prologue et 35 chapitres, mais bien 1 prologue et 36 chapitres. L'aventure se rallonge donc ! En espérant que je ne refasse pas la même chose avec d'autres parties...

Avec ce chapitre en plus, la numérotation dans mon back-up du site est alors devenue anarchique. J'ai donc dû ajouter un titre à mes chapitres afin de ne pas m'y perdre... Je m'excuse d'avance pour leurs énoncés un peu merdiques - je ne suis vraiment pas douée pour ça, d'autant que cette histoire-ci ne se prête pas vraiment à ce genre de choses...

Je suis toute heureuse de poster - enfin ! - ce chapitre, car c'est à partir d'ici que les choses vont commencer à devenir intéressantes ! En tout cas, de mon propre point de vue tout relatif.

Sur ce préambule un peu - beaucoup - long, je vous souhaite une excellente lecture !


Chapitre 9 - Le Passé de Central


Madeleine accompagna Edward à la gare le lendemain matin. Ils se saluèrent et se jurèrent de garder contact. Edward lui promit de lui rendre visite dans quatorze ans, lorsqu'il serait revenu dans sa temporalité et elle apprécia l'idée. Ensuite, il monta dans le train et se rendit à West City. De là, il prit une correspondance jusqu'à Central. La journée était alors bien avancée lorsqu'il arriva en ville et, sortant de la gare, il redécouvrit la capitale telle qu'il ne l'avait pas revu depuis plusieurs années. Certaines rues différaient de ce dont il se souvenait, mais le Jour Promis n'était pas encore passé et la ville n'avait pas encore été reconstruite. Pris d'une nostalgie soudaine, il flâna d'avenue en avenue, observant les boutiques, les restaurants, les visages et l'activité humaine en général. Il trouva un hôtel et déposa ses valises. Bien que fatigué, il se sentait bien, étrangement en paix avec cet endroit tout droit sorti du passé. Il se décida alors à retourner en ville et à l'arpenter pour la redécouvrir, débarrassé de ses bagages.

Se baladant de rue en rue, il s'arrêtait sur les lieux qu'il avait connu mais qui différaient de ses souvenirs. Là, ce bâtiment, ne l'avait-il pas démoli lorsqu'il s'était battu contre l'alchimiste de glace ? Et cette rue : Scar avait littéralement détruit la route pour la transformer en un gouffre dans lequel il avait disparu. Ici, le restaurant de nouilles xinoises où il se rendait régulièrement n'existait pas encore.

Passant devant un kiosque, il acheta un journal qu'il plaça sous son bras avant de continuer sa promenade. Sans s'en rendre compte, ses pas l'avaient mené aux alentours du Quartier Général et il leva les yeux sur le drapeau blanc orné de son éternel dragon vert qui flottait dans la brise légère. Il en avait vécu, des choses, ici. Il en avait fait, des choses, pour en arriver là. Pourtant, dans cette temporalité, rien n'était encore joué. Il était encore un enfant, coincé à Resembool, le regard brillant d'une détermination irrationnelle : celle de l'espoir qu'à douze ans, il entrerait dans l'armée après avoir reconstitué ses membres, bien qu'artificiellement. Parfois, il pensait à la suite d'évènements qui l'avaient mené au bas de ce même escalier. Roy Mustang était à l'origine de son intégration dans l'armée, de sa motivation à l'intégrer et il l'avait toujours pris sous son aile, guidé vers de nouveaux sentiers de découvertes, aussi durs soient-ils. Mais, déjà, il n'arrivait plus à se rappeler de son masque d'indifférence, de ses yeux froids qui le scrutaient depuis l'arrière de son bureau, de son arrogance désagréable qu'il exécrait ; ces images étaient remplacées par celles d'une homme plus jeune aux yeux d'une transparence déconcertante, au visage ouvert et doux, aux ambitions d'un utopisme qui avait remplacé dans son esprit la grandeur d'une impertinence évanouie.

En s'asseyant sur la chaise de la terrasse d'un café, il scrutait toujours le bâtiment militaire. Comment Mustang avait-il pu changer aussi radicalement ? Bien sûr, dans le fond, il avait la même personnalité : toujours le même humour cynique, toujours ce sourire en coin, ce haussement de sourcil, cet appétence politique, cet idéalisme ridicule qu'il trouvait aujourd'hui touchant. Peut-être n'avait-il pas tellement changé, dans le fond, mais, alors, il n'avait pas su percevoir sa véritable personnalité derrière le voile qui lui collait au visage en permanence. Après tout, le militaire avait dû ignorer leur passé, faire comme s'il ne l'avait pas rencontré, se confronter à un autre lui, plus jeune, plus explosif, incapable, probablement, de le comprendre. Mais quelque chose, dans son cœur, le dérangeait. Il n'arrivait pas exactement à mettre le doigt dessus. A vrai dire, il était incapable de lier le vieux Mustang, celui qu'il avait connu pendant l'adolescence, du jeune qu'il avait rencontré un mois plus tôt. Il lui semblait qu'ils étaient deux personnes distinctes, deux entités que son esprit pourtant cartésien ne parvenait pas à lier.

Bah, qu'est-ce que j'en ai à foutre, de Mustang, de toute façon ?

Balayant ses réflexions qui ne le menaient à rien d'un revers de manche, il ouvrit le journal et se mit à lire attentivement en buvant le café qu'il avait commandé. Le fond de l'air était frais, mais le ciel était bleu, contribuant à le mettre, malgré lui, de bonne humeur. Ses yeux parcouraient distraitement les lignes du journal, passant d'un article sur la reconstruction du pays après Ishbal, à un autre qui traitait des tensions avec Aerugo, le pays voisin. L'actualité géopolitique rapidement passée, Edward lut distraitement les faits divers : l'élection de la meilleure boucherie de Central, des critiques gastronomiques de restaurants qui auraient pu lui convenir pour le soir, la meilleure chanson de l'année, un accident de voie ferrée sur la ligne entre Dublith et Central, la disparition de plusieurs individus...

Edward s'attarda sur ce dernier point.

"Une autre victime disparait

Depuis presque un an, plusieurs disparitions sont à déplorer dans la capitale d'Amestris. Ce lundi 16 octobre, une nouvelle victime est à ajouter au compte : il s'agit d'une jeune femme brune répondant au nom de Gabrielle Riesse. Elle est la vingt-troisième victime d'un kidnappeur en série qui n'a, pour le moment, laissé aucune trace. Pourtant, la police est sur le coup, mais le ravisseur semble être un professionnel : "Il agit toujours de la même façon, explique le capitaine en charge de l'affaire. C'est souvent en fin de journée que la victime disparait et le ravisseur ne laisse pas la moindre trace. Nous avons cependant pu cerner le quartier de ses agissements et nous sommes persuadés de pouvoir l'arrêter bientôt. L'Affaire Gabrielle sera très vite résolue".

Ce qu'on ne nous dit pas, c'est qu'aucune des victimes n'a été retrouvée pour le moment. Il est alors difficile de croire que la police a réellement prit les choses en main."

Le journal glissa des mains d'Edward. Vingt-trois enlèvements. L'affaire Gabrielle. Et cette histoire de meilleure boucherie de Central. Il resta là, un instant tétanisé. Puis il se redressa brusquement, reprit le journal, laissa un billet sur la table et se mit à courir à travers la ville. Il prit l'adresse de la boucherie et y accourut. Il entra aussitôt, mais fut bloqué par une queue qui l'empêchait de parler avec le boucher. Il n'avait aucune idée de l'apparence qu'avait la personne qu'il cherchait, mais il attendit patiemment avant de pouvoir enfin parler à l'individu qui avait servi tous les clients avant lui.

- Bonjour monsieur, que puis-je pour vous ?

- Bonjour. Dites-moi, vous êtes victime de votre succès.

- Oui, aujourd'hui, ça n'arrête pas. Je pense que c'est à cause de cet article dans le journal.

- Vous êtes le patron ?

- Non, il est dans l'arrière-salle.

- Son prénom est bien Barry, n'est-ce pas ?

Le jeune homme eut l'air surpris.

- Euh... non, pas du tout.

- Quelqu'un d'autre s'appelle Barry, ici ?

- Non. Je ne crois pas, en tout cas.

Edward fut pris d'un doute angoissé et son expression dû refléter un certain dénuement car, déjà, le jeune vendeur lui souriait d'une manière qu'il voulait rassurante.

- Je suis désolé de ne pas pouvoir vous aider plus.

- Ce n'est pas grave, ce doit être dans une autre boucherie.

- Je vais demander au patron. Peut-être qu'il connaitra un autre boucher qui s'appelle Barry. Tout le monde se connait, dans le quartier.

- Si ça ne vous dérange pas...

Le jeune homme s'en alla et revint quelques minutes plus tard.

- Oui, en effet, il est à trois rues. Attendez, je vous note l'adresse.

Edward le remercia chaleureusement et lui acheta deux entrecôtes, histoire de ne pas lui avoir fait perdre son temps.

- Et je vois que vous vendez des couteaux aussi ?

- Oui. Je peux vous aider à choisir ?

- J'aurais besoin de quelque chose de bien aiguisé et de solide. Pour couper de gros morceaux de viande.

Le jeune homme lui proposa donc un couteau d'une vingtaine de centimètres qu'Edward prit sans hésitation. Il n'avait pas vraiment réfléchi jusque-là. Il avait juste suivi son instinct. Une fois sorti de la boutique, il se dirigea vers l'autre boucherie que lui avait indiqué le vendeur. Elle se situait dans une rue bien moins commerciale et moins de monde affluait à l'intérieur. D'après les horaires de la boutique, ses portes allaient bientôt fermer.

L'article de journal sur la meilleure boucherie de Central, celui sur l'enlèvement de Gabrielle Riesse et le nombre de disparitions avait fait tilt dans son esprit. Pourtant, maintenant qu'il réfléchissait un peu et qu'il s'était visiblement heurté à une boucherie qui n'avait rien à voir avec l'affaire des disparitions, il était incertain de son raisonnement et troublé d'avoir réagi ainsi au quart de tour. Pourtant, l'adrénaline continuait à guider ses pas et il s'était retrouvé devant cette adresse qu'il avait eu en second lieu dans la première boucherie.

Maintenant qu'il était là, cela ne lui coutait rien d'aller jeter un coup d'œil pour vérifier son hypothèse. Cependant, cette fois-ci, il fit fonctionner son cerveau et se rendit dans une cabine téléphonique où il appela Mustang. Comme il ne répondait pas, il appela directement à son bureau, au QG. Se présentant comme son cousin, il finit par avoir le militaire au bout du fil.

- Mustang, c'est Ed.

- Je ne pensais pas entendre ta voix avant demain, fit remarquer Mustang.

- Écoutez. Je suis à Central et je m'apprête à faire quelque chose d'imprudent. Je ne suis pas exactement sûr que mon hypothèse soit bonne, je vous alarme peut-être pour rien. Mais si vous n'avez pas de nouvelles de moi d'ici une heure, pouvez-vous appeler la police et l'envoyer sur le terrain ? Prétextez avoir entendu des cris, ou je ne sais quoi. C'est important. Dans la boucherie d'un certain Barry, 58 rue Crémazie à Central.

- Qu'est-ce que tu me chantes, Ed ?

- Dans une heure, si je ne vous ai pas rappelé, faites ça. Compris ? Une boucherie, 58 rue Crémazie, Central.

- Edward !

Le blond - enfin, ex-blond - raccrocha et s'avança ensuite vers la boucherie. Il n'y avait plus personne à l'intérieur et le boucher était en train de compter sa caisse.

- Je suis désolé, nous sommes fermés.

La voix n'était pas trompeuse, il était au bon endroit.

- Barry ?

Le boucher leva les yeux vers lui, surpris. C'était un homme assez grand, brun, large d'épaules, avec de petits yeux et un ventre apparent. Edward sourit.

- Bonjour, dit Edward. Je m'appelle Edmund Ford. Je suis désolé de vous déranger si tard, mais je viens de loin. Dans mon école, on m'a donné votre adresse : ce serait pour un apprentissage.

- Un apprentissage ? répéta Barry.

- Oui, vous êtes assez réputé dans le milieu. Je voulais savoir s'il y avait possibilité que je puisse faire mon apprentissage dans votre boutique.

Le boucher jaugea Edward pendant un instant. Il se doutait clairement de quelque chose et Edward regretta de ne pas avoir un peu peaufiné son plan avant de le confronter. Mais il lui fallait faire vite : il savait que Barry avait été arrêté après avoir tué vingt-trois personnes. Gabrielle était peut-être encore en vie. Il pouvait peut-être la sauver et limiter le nombre de morts.

- Je vois que, même si vous voulez travailler avec moi, vous êtes tout de même allé voir la concurrence, remarqua Barry en lui désignant le sac qui contenait les entrecôtes et le couteau.

- Je ne vais pas vous cacher que je suis allé proposer ma candidature à plusieurs autres boutiques.

- Le travail ne manque pas, pourtant. Vous avez déjà dû être recruté.

- Je n'ai pas encore de réponse définitive.

Barry soupira et lui offrit son plus beau sourire.

- Malheureusement, je n'ai besoin de personne. Je tiens ma modeste boutique par moi-même et je ne peux pas me permettre d'accueillir quelqu'un d'autre. Maintenant, si vous voulez bien regagner la sortie...

Il lui désigna la porte et Edward mit un peu de temps pour réagir. Il n'avait qu'une seule envie : lui sauter dessus pour l'arrêter. Mais il ne faisait pas partie de l'armée et il n'avait aucune autre preuve que sa mémoire du futur pour le servir.

- Merci quand même, dit-il finalement. Au revoir, monsieur.

Il sortit. Il avait pu malgré tout repérer les lieux et il se mit à tourner autour du bâtiment pour dénicher une ouverture. La seule chose qu'il trouva fut un conduit d'aération, mais il avait trop grandi pour pouvoir s'y faufiler. Frustré et bredouille, il retourna à la cabine téléphonique et appela de nouveau Mustang.

- C'est moi, fit-il.

- Bon sang ! Ne me refais jamais un coup pareil !

- Je n'en ai pas fini avec lui. Je vais le suivre jusqu'à son domicile : je ne sais pas combien de temps ça prendra. Mais disons que si demain matin avant que vous ne partiez au travail je ne vous ai pas rappelé, il faudra que vous envoyiez quelqu'un.

- Mais enfin, je ne peux pas faire ça !

- Vous savez ce que je veux faire, c'est à vous de jouer.

- Attends ! Attends ! Ne raccroche pas.

Sa voix était paniquée.

- Je ne comprends pas ce que tu fais, Ed. J'ai bien compris que je ne pouvais rien faire pour t'en empêcher, mais laisse-moi au moins le temps de réagir...

Edward laissa planer le silence.

- Tu es encore là ?

- Oui.

- Qui est ce type ?

- C'est un boucher, Barry. En vérité, il s'agit d'un tueur en série. Il enlève des gens et les tue en les découpant en morceaux. Il a été arrêté après avoir assassiné vingt-trois personnes, dont sa propre femme. Hier, il a enlevé la vingt-troisième. J'aurais voulu faire quelque chose, peut-être, pour essayer de la sauver...

Mustang ne répondit pas tout de suite.

- Ok. Et tu n'as aucune preuve que ce soit lui, j'imagine ?

- Non. J'ai seulement confirmation de son prénom. Et j'ai reconnu sa voix.

- Tu ne l'as pas vu ?

- Je ne sais pas à quoi il ressemble. Lorsque je l'ai rencontré, dans mon passé, son âme était enfermée dans une armure, comme celle de mon frère.

- Edward, c'est trop risqué. Je ne suis pas sur place, je ne peux pas t'aider.

- Et Hughes ?

- Quoi, Hughes ?

- Il n'habite pas à Central ?

- Non, il travaille à East City. S'il a été muté dans tes souvenirs, ce n'est pas encore fait.

- Dans ce cas, je me démerderai. Je sais me battre, ça devrait aller.

- Et ensuite il portera plainte contre toi ! Tu n'as aucune légitimité, aucune preuve.

- Il me suffit de retrouver Gabrielle.

- Qui est Gabrielle, encore ?

- Sa dernière victime.

- Tu...

- On se voit demain, Roy.

Edward raccrocha. C'était la première fois qu'il appelait Mustang par son prénom. Il avait parlé d'une voix douce, rassurante. Ça ne lui ressemblait pas vraiment, et il s'en rendait compte. Son cœur battait à cent à l'heure. Il n'avait pas d'alchimie. Il n'avait plus son bras de fer. Il n'avait plus la forme qu'il avait lorsqu'il était dans l'armée. Il avait simplement ce couteau qu'il avait acheté dans la première boucherie et son intrépidité.

Il sortit de la cabine téléphonique. Au milieu de la rue déserte, il se rendit compte que ce qu'il avait tenté de faire était à la fois stupide et suicidaire. Il sentit sa gorge se nouer, son impuissance peser comme du plomb dans son estomac et le vide emplir sa poitrine. Il était arrivé dans ce monde en traitant Mustang d'idéaliste, et voilà qu'il agissait comme il avait refusé de le faire jusque-là : en tentant de faire changer les choses. Mais c'était trop frustrant de savoir et de ne rien faire. Il regarda la boucherie dont les lumières s'étaient éteintes, puis le reste de la rue déserte. Serrant les poings, il tourna le dos à la boutique et se mit à marcher à grands pas. Il n'allait rien faire. Il allait rentrer à East City et laisser les évènements se dérouler comme ils le devaient. Il était une anomalie et sa présence ne devait pas influencer le monde dans lequel il s'était retrouvé.

Alors qu'il avait pris sa décision, bien qu'elle soit à l'encontre de tous ses principes et que la moindre fibre de son corps lui hurlait d'intervenir, il entendit une voiture avancer derrière lui. Se rendant compte qu'il marchait au milieu de la rue, il se décala sur le trottoir. Il se sentait flotter, extérieur à lui-même, décalé entre ses pensées, ses choix et ses actes. La voiture le dépassa. C'était une camionnette réfrigérée. Elle se stoppa dix mètres devant lui. Edward s'arrêta également. Il y eut un instant pendant lequel l'esprit d'Edward réintégra complètement son corps tandis que son palpitant l'alarmait d'un battement d'urgence. Les phares arrière de la camionnette virèrent soudain au blanc et elle se mit à reculer à toute allure, grimpant sur le trottoir et fonçant droit sur Edward.

Le faux brun réagit au quart de tour et sauta sur le côté pour éviter le véhicule. Il s'écrasa lourdement sur les pavés et se redressa aussitôt, tous ses sens en alerte. Il ne regarda pas ce que la camionnette faisait, mais il se mit à courir sans se retourner. L'adrénaline avait pris le relai et il courrait comme jamais il n'avait couru. Avant, il aurait pu s'arrêter, plaquer ses mains sur un mur et se créer une ouverture, mais aujourd'hui, sa seule chance était seulement de détaler et de se trouver une cachette précaire au coin d'une rue. Il entendait le bruit du moteur se rapprocher. Il vit son ombre s'allonger sur le sol à mesure que le camion réfrigéré avançait. Il le sentait tout proche de lui, clairement pas aussi rapide qu'il pouvait l'être.

Edward se jeta alors par terre et se cogna la tête contre le goudron. Qu'importe : la camionnette lui était passée au-dessus.

Il se redressa une seconde fois, titubant et haletant. Barry sortit de la camionnette, armé d'un maillet, puis se dirigea lentement vers Edward qui saisit son couteau et laissa tomber les deux entrecôtes. S'il voulait se battre, tant mieux : s'il ne pouvait rien faire contre un véhicule de plusieurs tonnes, il était tout à fait capable d'engager un combat contre un homme. Barry se mit à rire en le voyant se mettre en garde.

- Eh bien, eh bien. Je ne sais pas qui tu es, mais tu vas regretter de ne pas t'être laissé écraser.

- Viens te battre, Barry. Je vais venger ta femme, ainsi que tous les autres.

- Ma femme...

L'homme se mit de nouveau à rire. Edward ne voyait pas franchement ce qu'il y avait de drôle.

- Je ne sais pas comment tu es au courant pour tout ça, mais bravo. La police elle-même n'a aucune idée de qui je suis.

La vision d'Edward se fit trouble. Il devait s'être cogné plus fort qu'il ne le pensait et il ne lui fallait pas perdre de temps : il bondit sur Barry, tentant de lui trancher sa main armée de telle sorte qu'il ne puisse plus être une menace. Contrairement à ce qu'il avait d'abord cru, Barry n'était pas un simple boucher psychopathe : il était également rapide et il n'eut aucun mal à l'éviter. Mais Edward était un soldat aguerri, et même s'il n'avait pas combattu depuis longtemps, ses mouvements n'avaient rien perdu de leur précision et, ainsi mêlés au feu de l'action, retrouvaient leur vivacité. Il se retourna donc dans un même élan et barra d'un trait aigu l'avant-bras du boucher. Le sang gicla et imbiba la manche abimée de son vêtement. Déjà, pourtant, le maillet s'abattait sur Edward dans un mouvement horizontal qui aurait pu lui fendre le cou s'il ne s'était pas reculé à temps. Il fit ainsi quelques sauts en arrière, aussi agiles et souples que lui permettait de faire son cerveau embrouillé. Sa vision se troubla une seconde et il trébucha, tombant pitoyablement en arrière et, dans le même temps, lâcha son couteau qui alla glisser contre la roue de la camionnette dans un froissement métallique.

Edward se ressaisit aussitôt, se retourna et bondit à la manière d'un chat pour récupérer son arme, mais Barry avait largement eu le temps de le rattraper tandis qu'il chutait et son saut se termina brusquement au sol tandis qu'un pied lui écrasait le dos, vidait ses poumons d'air et meurtrissait ses côtes. Edward plaqua aussitôt ses mains contre la route, usant se toutes ses forces pour décoller son torse de l'asphalte et tenter de se retourner. La rapidité de sa réaction lui permit sans doute d'y parvenir mais Barry ne perdit pas de temps pour écraser de nouveau son pied sur lui, enfonçant son talon dans son estomac.

-Qui es-tu ? demanda alors le boucher tandis qu'Edward crachait tout ce qu'il pouvait, tentant vainement d'aspirer quelques goulées d'air.

Son erreur fut sans doute d'attendre une véritable réponse du jeune homme à terre et de relâcher la pression qu'exerçait son pied sur son torse. Aussitôt, Edward lui attrapa le genou, faisant fléchir sa jambe avec fermeté, et emportant le reste de son corps dans ce déséquilibre soudain. Mais si Barry se retrouvait à son tour à terre et qu'Edward parvenait à se relever, le jeune homme comprit trop tard son erreur : le boucher s'était effondré en avant, près de la roue de son véhicule, et récupérait désormais le couteau qu'Edward avait perdu.

Cela faisait sept ans, désormais, qu'il ne s'était plus battu pour sa vie. Le départ d'Alphonse pour Xing n'avait rien arrangé à ses capacités de combattant. En cet instant, la scène lui semblait se dérouler au ralenti. La main ensanglantée du boucher se refermait sur le manche noir du couteau, le tâchant de plasma, et la lame remontait dans les airs avec une lenteur inexpliquée. Le métal brilla alors, reflétant froidement l'éclat des lampadaires, le faisant réagir. Autrefois, il aurait sauté sur son ennemi, l'automail transformé en une arme tranchante, et ne se serait pas posé de questions sur la manière d'agir. Ce soir-là, désarmé, démuni, la tête lourde et le cœur affolé, il tourna les talons et courut vers le véhicule pour sauter sur le siège conducteur. Au volant de cet engin, il pourrait rapidement s'enfuir et disparaitre loin du psychopathe qu'il voyait debout dans le rétroviseur. Sa main passa au niveau du contact mais, à sa grande stupeur, il n'y trouva pas la clé.

- C'est ça que tu cherches ? lui demanda la voix de Barry à quelques centimètres de lui.

L'homme lui montrait les clés. Il ne lui laissa pas le temps de réagir : le maillet s'abattit sur Edward. Le jeune homme tenta de s'échapper en se hissant sur le siège passager mais l'arme lui fracassa les os de sa jambe de chair. Il poussa un cri et s'écrasa contre la portière close. Déjà, Barry posait ses genoux sur le siège sur lequel il se trouvait quelques secondes auparavant et lui assenait un coup à la tête : il n'atteignit que l'épaule. Edward poussa un second cri et tira sur la poignée. La porte était verrouillée.

- Trop facile, rit Barry.

Edward lui donna alors un coup de pied avec sa jambe de métal et Barry fut désarmé : le couteau tomba avec bruit entre les pédales du camion tandis que le maillet allait s'écraser quelque part dans la rue. Aussitôt, le blond – qui ne l'était plus – lui bondit dessus et ils tombèrent tous les deux du véhicule pour s'écraser sur le sol. A califourchon sur le boucher et fou de rage et de frayeur mêlées, Edward se mit à lui assener des coups de poings en pleine figure. Aveuglé par la colère et la douleur, il ne vit pas Barry saisir la portière ouverte et la refermer avec force sur lui. Son dos percuta le marchepied du véhicule, lui coupant le souffle, et Barry se redressa à genoux pour lui assener de nouveaux coups de portière. La jambe et l'épaule meurtries d'Edward l'empêchaient de bouger. Il tenta bien de se défendre de ses avant-bras, de s'extirper de ce merdier sans nom, mais finalement, un coup plus fort que les autres le fit basculer dans l'inconscience.


Ne me tuez pas pour cette coupure... Mais n'hésitez pas à laisser quand même des commentaires !

Le prochain chapitre sera publié lundi 6 décembre, dans une semaine, comme d'habitude !