Chapitre 11 - Qui est cet homme ?
Les yeux dorés d'Edward s'ouvrirent avec lenteur sur un plafond blanc. Il se sentait tout engourdi et il était fatigué. Tellement fatigué. La moindre parcelle de son corps s'enfonçait dans la surface molle sur laquelle il était allongé. Elle l'absorbait, l'empêchant de bouger ne serait-ce que le petit doigt. Il était si lourd, écrasé par le poids agréable d'une somnolence presque artificielle. Ses paupières se refermèrent d'ailleurs avec lenteur et son esprit commença à rebasculer dans l'inconscience. C'était sans compter sur son cerveau qui, lui, se mit en route. Il vit Barry, il vit Gabrielle. Il entendit ses gémissements, son agonie. Il se souvint du combat et il se redressa d'un bond, bien réveillé cette fois. L'entièreté de son corps le broya douloureusement et une main le plaqua contre son lit avec force.
- Ne bouge pas, ordonna la voix de Mustang avec sévérité.
- Colonel ? demanda faiblement Edward, encore à moitié endormi et engourdi par la peine.
- Roy, Edmund. Tu ne reconnais pas ton cousin ?
Edward mit un peu de temps à comprendre pourquoi il disait cela. Aussi fronça-t-il les sourcils avant de se mettre à réfléchir et à faire attention au lieu dans lequel il se trouvait : c'était évidemment un hôpital, et il était le témoin d'une affaire morbide. De plus, Riza Hawkeye, les cheveux courts, attendait sagement près de la porte.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? croassa-t-il.
- J'ai reçu un appel de ta mère, et je suis venu te voir à l'hôpital. Tout va bien maintenant.
Edward fronça un peu plus les sourcils. Sa mère ? Quelle mère ?
- Je...
- Économise tes forces, tu auras bien le temps de me raconter ce qu'il t'es arrivé.
Edward ferma la bouche, comprenant soudain qu'il allait devoir inventer un tas de mensonges pour expliquer sa situation.
- Gabrielle, fit-il. Qu'est-ce qu'elle est devenue ?
Le regard jusque-là dur de Mustang se radoucit.
- Elle est morte durant son transfert à l'hôpital.
Edward ferma les yeux. Tout ce qu'il avait fait n'avait servi à rien. La fatigue le reprit alors, à la manière une vague gigantesque qui le frappait de plein fouet pour l'emporter vers les abysses, et il se sentit soudain très vieux. Il n'avait qu'une envie : dormir de nouveau. Mais Mustang ne lui en laissa pas le loisir.
- Voilà deux jours que tu dors. Une fois que les médecins sauront que tu es réveillé, ils vont prévenir l'armée et les personnes en charge de l'affaire viendront te voir. Tu es le seul témoin vivant, en-dehors du boucher. Tu veux savoir comment ils t'ont retrouvé ?
Edward hocha la tête, vaguement intéressé.
- Un voisin anonyme a appelé la police très tôt ce matin : il affirmait entendre des cris de la maison de Barry. Il a également affirmé l'avoir vu sortir une personne de son camion, la soirée précédente. Cette personne était inconsciente.
Edward hocha la tête une nouvelle fois.
- C'est exactement ce qu'il s'est passé, marmonna-t-il. Je ne me suis réveillé qu'une fois dans sa cave. Il a voulu m'écraser avec sa voiture... la camionnette réfrigérée.
Mustang hocha la tête, visiblement satisfait.
- J'ai quoi ? demanda Edward, abandonnant l'idée de s'énerver en voyant l'air très professionnel de son colocataire.
- Une commotion cérébrale, une fracture de l'épaule, une grosse blessure à la cuisse mais, heureusement, pas de fracture, deux côtes fêlées, et une autre plaie au niveau du mollet.
- Je peux sortir quand ?
- Quand tu auras répondu aux policiers, et quand tu seras remis sur pied. Ils vont peut-être te garder encore une semaine.
- Mais...
- Malheureusement, le devoir m'appelle et je vais devoir repartir.
- Je veux partir avec... toi.
- Tu ne peux pas.
- Roy, j'ai pas envie de rester tout seul ici.
Sa voix avait quelque chose d'étrangement suppliant et cela le surpris tant qu'il détourna les yeux tandis que du rouge lui montait aux joues. Mustang, dont le regard avait jusque-là été assez dur, se radoucit soudain. Avec délicatesse, il prit la main d'Edward dans la sienne avant de la serrer d'une manière qu'il voulait rassurante.
- Je t'aurais bien ramené aussi...
Il y avait quelque chose dans son regard d'incroyablement sincère. Edward se perdit dans le noir de ses yeux et ils restèrent ainsi quelques secondes, à se tenir la main. Il n'avait plus du tout envie qu'il le lâche. La chaleur de ses doigts irradiait son corps tout entier, le réchauffait comme un soleil d'été l'aurait fait alors qu'il venait tout juste de se réveiller d'un cauchemar aux températures hivernales. Pourtant, Mustang et son air tendre disparurent soudain dans une fin de phrase :
- ... mais il faut assumer tes conneries.
Edward se mit aussitôt en colère.
- Mes conneries ?
- Tu as de la chance d'être encore en vie. Alors tu assumes ce que tu as fait et tu te démerdes tout seul.
Mustang lâcha sa main et se leva.
- Tu me tiens au courant du rapport du médecin. Nous, on doit y aller.
Riza hocha la tête et salua Edward.
- Bon rétablissement.
Et ils le laissèrent là, ignorant les insultes qui fusèrent et traversèrent la cloison même lorsque la porte fut refermée. Mustang quitta l'hôpital à pas rapides et Riza le suivit silencieusement. Ils s'avancèrent dans le parking et la jeune femme déverrouilla sa voiture. Mustang s'installa sur le siège passager et elle se mit au volant. Elle traversa la ville, parcourut la campagne. Il leur fallait cinq heures de route pour retourner à East City, et ce fut au bout d'une que Riza rompit le silence qu'avait imposé Roy depuis le début du trajet.
- Lieutenant-colonel, dit-elle. Qui était cet homme ?
Elle n'avait pas posé de questions lorsqu'il s'était soudainement levé de son bureau après un étrange coup de fil. Elle n'avait pas posé de questions lorsqu'il l'avait chargé de répondre au téléphone en son absence. Elle ne lui avait pas posé de questions lorsqu'il était revenu, deux heures plus tard, avec une carte de Central City et des documents pleins les bras. Elle avait accepté qu'il emprunte son véhicule, à condition qu'elle le conduise. Elle n'avait rien dit non plus lorsqu'il était sorti de la voiture au beau milieu de la nuit, après cinq heures de route silencieuses, pour entrer par effraction dans une boucherie à Central ; ni lorsqu'il lui avait demandé de le conduire ailleurs, dans une maison de résidence pavillonnaire excentrée du centre-ville. Elle l'avait laissé tourner autour de la maison, entrer dans le camion réfrigéré du propriétaire. Elle s'était bien demandé pourquoi il y avait autant de sang, là-dedans, mais elle l'avait laissé faire sans rien dire et elle l'avait suivi jusqu'à une cabine téléphonique. Le soleil commençait à se lever, à cet instant, et Mustang avait feint d'être un voisin inquiet et avait reporté des cris inexistants provenant de la maison du boucher. Riza l'avait ensuite suivi dans la voiture, et ils avaient attendu là, sans rien faire, que la police intervienne et ne sorte de la maison trois personnes sanguinolentes. Pendant les deux jours qui avaient suivi, elle avait laissé Mustang s'inquiéter et veiller au chevet de son prétendu cousin. Mais maintenant, il était temps de poser la question. Et Mustang savait qu'elle n'attendait pas pour réponse : "C'est mon cousin".
- Je ne peux pas vous répondre.
Elle resta silencieuse, mais n'en pensait pas moins.
- Il savait que le kidnappeur de Central était cet homme, n'est-ce pas ? Il s'est fait prendre volontairement ?
- Je ne pense pas qu'il se soit laissé prendre volontairement, mais en tout cas il m'a appelé pour me prévenir et faire de moi son joker.
- Vous n'avez pas de cousin, n'est-ce pas ?
Mustang soupira.
- Pas vraiment.
Riza se demandait bien qui il pouvait être. Pourquoi cachait-il son identité ? Pourquoi Mustang l'aidait-il ? Pourquoi l'hébergeait-il chez lui depuis plus d'un mois ? Pourquoi s'inquiétait-il autant pour lui ? Et ce geste, et ce regard qu'il lui avait lancé...
- Je sais bien que ça ne me regarde pas, dit-elle. Mais je peux vous poser une question personnelle ?
Mustang soupira une nouvelle fois, très las.
- Essayez toujours.
- Qui est-il, pour vous ?
La question aurait pu être innocente si elle n'avait pas été si bien orientée par le ton de sa voix. Le sous-entendu était si évident que Roy pensa d'abord que c'était une blague, et il se mit d'ailleurs à rire. Mais le visage sérieux de la jeune femme lui fit comprendre que non. C'était on ne peut plus sérieux. Son sourire s'effaça. Il ne s'était pas posé la question. Il était apparu, comme ça, dans sa vie, et il avait dû faire avec. Pourtant, il ne pouvait nier qu'il ressentait pour lui une certaine affection qui tanguait entre l'amitié et quelque chose qu'il était incapable de nommer.
- Personne, répondit-il dans un mouvement d'épaule vague. Ce n'est même pas exactement un ami.
La police vint au chevet d'Edward qui expliqua alors sa version des faits. Il relata tout exactement comme les événements s'étaient déroulés, à la différence qu'il omit le fait qu'il était allé chercher Barry dans sa boutique avant l'épisode du kidnapping dans la camionnette. La version de Barry différait de la sienne, mais on le laissa finalement tranquille après qu'il ait plusieurs fois répété son histoire. Il serait en revanche convoqué au tribunal le jour du jugement du boucher.
Il fut gardé à l'hôpital une petite semaine avant qu'on ne le laisse finalement s'en aller. Ce fut Chris Mustang, la tante de Roy et sa prétendue mère, qui vint le chercher à l'hôpital pour l'emmener à la gare. De là, il prit un train et rentra à East City.
Lorsqu'il arriva à la gare, Mustang l'attendait, bien qu'il aurait encore dû être au travail à cette heure-là.
- J'ai pris mon après-midi, expliqua-t-il.
- Moi qui pensais avoir la paix deux minutes... soupira Edward.
Lorsqu'ils arrivèrent à l'appartement, Edward se laissa tomber sur le canapé. Il attendit que Roy le rejoigne avec deux tasses de café avant de demander :
- Alors, c'est quoi, la véritable version de l'histoire ?
Mustang lui expliqua tout ce qu'il s'était passé après le deuxième coup de fil que lui avait passé Edward. Le visage de ce dernier se transforma quand il sut que Mustang n'était pas intervenu alors qu'il savait qu'il était là-dessous.
- Vous êtes sérieux ?! J'aurais pu crever et vous n'êtes même pas venu me chercher ?
- Il fallait bien que quelqu'un réfléchisse ! Je n'étais pas censé me trouver ici. Et tu as intérêt à ne plus jamais me refaire un coup pareil...
Edward grommela mais n'ajouta rien devant le visage fâché du militaire. Mustang lui laissa le temps de râler intérieurement avant de demander :
- Et toi, c'est quoi ta version de l'histoire ? Raconte-moi comment tu es devenu chauve.
Le moral d'Edward tomba d'un coup et il passa une main sur son crâne. On lui avait rasé complètement avant son réveil - ce qui paraissait logique puisqu'on l'avait retrouvé avec une tête sanguinolente à moitié rasée à blanc - et ça lui avait fait un choc. D'aussi loin qu'il se souvienne, il avait toujours eu des cheveux assez longs. Maintenant, seuls quelques millimètres de poils lui faisaient office de tignasse. Et comme il avait les cheveux blonds, ils se voyaient à peine. Il soupira et se mit à raconter le pourquoi du comment il en était arrivé là, en omettant cependant d'apporter les détails des combats et des atrocités qu'il avait vues dans la cave. Depuis ces évènements, il passait son temps à faire des cauchemars incluant "Barry le Boucher" - c'était ainsi qu'il avait été nommé par la presse - et des tortures qu'il lui faisait subir. Quand il n'y avait pas Gabrielle, c'était lui qu'on découpait en morceaux et il se retrouvait à regarder Barry manger son corps, totalement impuissant et submergé par la douleur.
Mustang n'insista pas pour avoir les détails et fit mine de ne pas remarquer la difficulté avec laquelle Edward racontait certains passages. Mais il n'était pas dupe : le corps entier d'Edward lui montrait ce qu'il avait vécu, et il avait également pu accéder au rapport du médecin légiste sur la mort de Gabrielle et de sa description.
- C'est fou que tu aies réussi à faire de l'elixirologie dans ces conditions.
Edward n'avait pas tellement eu le temps d'y penser.
- C'est vrai. Je crois que je n'avais pas tellement le choix, c'est venu tout seul. Et j'étais un peu... somnolant. Je n'arrivais pas à réfléchir clairement dans cette situation : peut-être que ça m'a aidé à utiliser cette alchimie qui est trop abstraite pour moi...
Edward entra dans une réflexion méditative et Roy sourit en le voyant se plonger dans ses pensées. Lorsqu'il était comme ça, rien ne pouvait le déstabiliser et Roy pouvait lui annoncer l'information la plus grave du monde que le jeune homme ne l'entendrait pas. Les yeux dorés d'Edward se perdaient avec intensité sur le mur d'en face, un mur qu'il ne voyait pas véritablement. Mustang reprit alors une habitude qu'il avait prise depuis qu'ils vivaient ensemble et détailla chacun de ses traits : son menton volontaire, ses joues halées, son nez droit, ses yeux intenses, son front découvert, son crâne blessé. Puis de nouveau son front, son nez, ses lèvres. Il s'attarda. Son cœur se mit à battre fort. La voix d'Hawkeye raisonna dans sa tête : "Qui est-il, pour vous ?".
Roy se leva brusquement et détourna le regard pour prendre les affaires d'Edward et les apporter dans sa chambre.
- Qu'est-ce que vous faites ? entendit-il.
- Je te laisse ma chambre le temps que tu te remettes. Il faut que tu te reposes.
- Le canapé me convient très bien.
Roy ne l'écoutait pas. Il avait déjà pris sa décision. Il resta cependant dans la chambre, à ne rien faire, le cœur battant. Que lui arrivait-il ? Il avait déjà trouvé quelques hommes séduisants et ne se l'était pas caché, mais il avait toujours préféré les femmes et ne se voyait vraiment pas dans les bras d'un personnage de l'autre sexe. De plus, Edward n'était pas de son monde, et celui qui était dans le sien était un gamin qui n'avait que onze ans. Mais il avait eu tellement peur lorsqu'il avait reçu ce coup de fil. Il n'avait jamais eu aussi peur de sa vie, à vrai dire. Même à Ishbal où combattaient tous ses amis.
L'arrivée d'Edward dans la chambre le fit sursauter et il fit mine de faire le lit - qui était déjà fait.
- Sérieusement, qu'est-ce que vous fabriquez ?
- Je m'assure de ton bien-être.
- Mon cul. Je suis très bien dans le salon. Me traitez pas différemment juste parce que je suis un peu amoché.
- Un peu ?
Sans se contrôler, Mustang fit volte-face et se tourna vers l'autre homme, en colère.
- Une compresse sur la tête, un plâtre et une béquille pour éviter que tu n'utilises une jambe que l'on t'a poignardé. Tu appelles ça : "un peu amoché" ?
- Vous énervez pas.
- Je m'énerve si je veux ! Ce que tu as fait était imprudent, stupide et inutile ! Si tu ne m'avais pas prévenu et si je ne faisais pas partie de l'armée pour avoir accès à des dossiers rapidement, tu serais sans doute dans le même état que Gabrielle, à l'heure qu'il est !
Il posa son doigt sur le torse du blond.
- Alors maintenant tu vas faire ce que je te dis.
- Vous n'avez pas d'ordre à me donner, Mustang.
- Ah, c'est quand ça t'arrange ! "Colonel" par-ci, "Colonel" par-là ! Ensuite, c'est "Mustang" lorsque tu n'as pas envie de m'écouter et un beau jour, c'est "Roy", au téléphone, comme si c'était un adieu. Tu n'avais pas le droit ! TU N'AVAIS PAS LE DROIT !
Mustang était hors de lui, rouge, et ses yeux brillaient d'une colère sans nom. Edward ne l'avait jamais vu dans cet état, aussi ouvert, fou de rage à cause d'une inquiétude dont il n'avait égoïstement pas pris conscience. Son regard doré soutint les yeux d'onyx de son colocataire qui respirait fort en essayant visiblement de se maîtriser. Mais il finit par baisser les yeux.
- Je suis désolé. J'ai été pris dans le feu de l'action. Je n'ai pas réfléchi.
Un silence s'installa pendant lequel Edward regarda ses pieds. Il ne s'était jamais excusé devant le Colonel, et n'avait jamais baissé les yeux. Là, c'était différent. Ce n'était pas la même personne qu'il avait en face de lui. Une ombre passa soudain, et il sentit alors les bras de Mustang l'entourer. Sa tête se retrouva contre son épaule, le nez dans le creux de son cou. Il sursauta d'abord, mais s'immobilisa ensuite, laissant l'autre homme le serrer dans ses bras. C'était gênant et bizarre, mais il finit par lui rendre son étreinte : il pouvait comprendre que ça pouvait le rassurer. Son odeur était agréable ; ses bras, rassurants. Pour la première fois, Edward se rendit compte qu'il était presque aussi grand que le brun et cela lui fit un effet étrange : il était à la fois fier, mais aussi un peu déçu. Chaque jour, il démystifiait un peu plus Roy Mustang.
Ils restèrent ainsi un petit moment. Mustang ne semblait pas décidé à vouloir le lâcher et Edward sentait son souffle chaud caresser sa nuque. Il finit par s'éclaircir la gorge et il le repoussa doucement. Mustang revint à lui et détourna les yeux, embarrassé.
- J'ai la flemme de cuisiner, annonça-t-il. Ça te va si je t'invite au restau ?
- Si vous m'invitez, ça me va.
- Il faudrait quand même que tu te trouves un job, lui reprocha Mustang en souriant.
- J'ai bien postulé dans une boucherie, mais je ne crois pas que le patron me prendra.
Il était encore tôt alors ils passèrent par un bar avant de se rendre au restaurant. Ils parlèrent peu et laissèrent des silences agréables planer entre eux. Mustang était heureux de retrouver Edward à ses côtés, surtout après toutes les aventures qu'il avait eues. Il ne l'avait presque pas revu depuis plus de deux semaines, et il lui avait manqué. Lorsqu'il était chez Madeleine, il l'appelait régulièrement, presque tous les deux jours, en réalité, pour savoir comment avançaient ses travaux. Mais c'était surtout pour avoir de ses nouvelles et entendre sa voix qu'il composait le numéro.
- Avec toute cette histoire à Central, tu ne m'as toujours pas raconté ce que tu as trouvé chez Madeleine, remarqua Mustang.
- Ah ! C'est vrai.
Le visage d'Edward s'était illuminé.
- C'était une histoire vraiment très étrange que celle des Green, commença-t-il sur un ton de conteur. Mais j'ai fini par comprendre, je pense, ce qu'il s'est passé.
- Je suis tout ouïe.
- Allan Green était un alchimiste compétent, tout comme sa femme qui était bien plus talentueuse encore en matière d'elixirologie. Ils ont eu un enfant mais il est mort lors d'une épidémie. Ils ont alors essayé de ramener leur enfant à la vie. Ils ont bien entendu échoué. Mon hypothèse est la suivante : en contrepartie de la transmutation humaine, les deux ont perdus quelque chose, comme ça m'est arrivé avec ma jambe. Elle, se furent les os de ses jambes, ainsi que quelques côtes. Lui, se furent ses poumons et il mourut immédiatement.
- Mais... La transmutation humaine a eu lieu il y a plus de deux ans. Il est mort en juillet de cette année.
- Exact. Mais attendez d'entendre la suite de l'histoire. Bian Green s'est retrouvée toute seule avec Madeleine. Alors qu'elle voulait ramener son fils, elle avait aussi perdu son mari. Elle ne s'est pourtant pas démontée et a décidé d'approfondir ses connaissances en elixirologie pour comprendre comment marchaient les fils du temps. Après plusieurs années, elle a finalement trouvé une solution, mais elle était dangereuse, et finalement inutile pour retrouver son fils. Mais elle pouvait encore sauver son mari.
Mustang fronça les sourcils et croisa les bras sur son torse.
- Il se trouve qu'en elixirologie, le poult du dragon est un concept qui lie chaque être aux autres ainsi qu'à la terre. Il est donc théoriquement possible de trouver le poult du temps et de le remonter. Cependant, ce n'est pas normal que nous puissions nous balader d'une temporalité à l'autre : l'échange équivalent n'est plus d'actualité et nous ne pouvons pas disparaitre complètement d'un endroit pour aller vers un autre comme ça. Sauf dans un seul cas.
Edward laissa planer le silence tandis que Mustang réagissait d'un haussement de sourcil.
- Dans le cas d'une transmutation humaine, on met notre corps, voire notre âme en jeu. Alphonse a failli disparaitre comme ça. J'ai toujours pensé que c'était cher payé alors que nous étions deux à effectuer la transmutation humaine : le sacrifice aurait dû en être amoindri. Le problème était que, parallèlement, j'ai trouvé non pas le poult du dragon, mais le poult du temps car j'étais au même endroit que le Edward de cette temporalité à faire exactement la même chose. Le cercle elixirologique que j'avais marqué était en fait celui qu'a utilisé Bian pour remonter dans le temps. Il s'agit en réalité du cercle elixirologique plus ou moins équivalent de celui de la transmutation humaine en alchimie. Les deux cercles se sont liés, j'ai senti ma propre âme et j'ai été transporté dans ce monde en échange du corps entier de mon frère. Je pense que si je n'avais pas récupéré l'âme d'Alphonse, il serait simplement allé dans ma temporalité et se serait retrouvé bloqué dans son futur. Bian, elle, en avait conscience. Elle savait que, si elle trouvait le poult du temps, ce serait via la porte qu'elle avait elle-même ouverte dans le passé. Elle ne pourrait pas sauver son fils, et son mari serait en train de mourir lorsqu'elle arriverait. Elle s'est donc concentrée sur l'elixirologie médicale. Lorsqu'elle est passée de l'autre côté, elle a sauvé son mari en échange de l'un de ses poumons. C'est pour ça que le poumon d'Allan Green semblait disproportionné par rapport à son corps d'homme adulte : il s'agissait en réalité d'un poumon de femme adulte.
- Ca veut dire...
- Affaiblie comme elle l'était, elle n'a fait que retranscrire son savoir à son mari et à sa elle-même plus jeune avant de mourir. Elle ne pouvait pas non plus retourner dans sa temporalité parce que personne ne pouvait la faire revenir.
Roy ouvrit grand les yeux.
- Tu ne peux donc pas retourner chez toi.
- Bien sûr que je peux, mais ça ne dépend pas de moi.
- Comment est-ce que tu veux retourner chez toi, dans ce cas ?
- C'est simple : il suffit qu'un alchimiste me transmute ici et chez moi en même temps, en échange de quelque chose d'équivalent.
- Je ne ferais aucune transmutation humaine seulement pour te ramener chez toi ! le coupa directement Mustang.
- Je sais. Je ne le souhaite pas non plus. Mais qui parle de transmutation humaine ? J'ai trouvé son cercle, je connais également le mien. Ça n'a rien à voir avec une transmutation humaine : il s'agit simplement d'une porte qui ouvre sur un cercle suffisamment puissant dans le passé pour pouvoir faire un échange. Bian n'avait pas le choix que de l'utiliser pour changer les choses, puisque personne dans son passé ne pouvait créer un cercle jumeau à celui qu'elle voulait utiliser dans le présent. Mais pour ce qui est de faire l'inverse et de créer un cercle jumeau dans le futur, c'est tout à fait possible, puisque nous savons ce que nous avons fait dans notre passé.
- Donc, selon ta théorie, il suffit que je te transmute avec ce cercle, puis d'attendre le bon moment et refaire la même opération au même endroit, plus tard ?
- Exactement. Sauf que...
- Sauf que quoi ?
- Il va falloir vous mettre à l'elixirologie.
Comme d'habitude, prochain chapitre lundi prochain. En attendant, n'hésitez pas à laissez des reviews !
