Bonjour à tous ! Je suis ravie de vous retrouver pour ce nouveau chapitre qui s'annonce douloureux pour nos protagonistes débauchés ! Comme d'habitude, je remercie les reviewers qui sont toujours fidèles au poste et qui me donnent envie de poster des chapitres en avance... Ce que je ne fais pas, puisque je suis en retard sur la suite ! D'ailleurs, je suis actuellement en déplacement, et cela durera quelques semaines. J'ai normalement de quoi faire pour poster les prochains chapitres pendant ce temps, mais à mon retour, je serai à sec ! Et ça m'étonnerait fortement que j'aie le temps d'avancer d'ici là.

En attendant, je vous souhaite une excellente lecture avec ce chapitre qui arrive à l'heure et vous dit "à lundi" pour le prochain chapitre !


Chapitre 22 - L'Opération "Claudia"


Lorsqu'Edward se réveilla le lendemain matin, il se sentit vaseux et atrocement mal. Sa tête lui tournait douloureusement et il était incapable d'ouvrir les yeux. Il lui fallut une bonne heure pour réussir à se lever et aller à la salle de bain, descendant marche après marche. Arrivé dans la pièce, il lui fallut encore une demi-heure pour trouver des médicaments tant ses bras étaient lourds et que ses yeux faisaient, en divergeant sans cesse, défaut à leur fonction première. Avec un verre d'eau et des médicaments, il s'assit sur le canapé et bu avec extrême lenteur.

Lorsque Roy descendit à son tour de l'étage, ses bruits de pas lui firent l'effet d'un marteau qu'on enfonçait dans son crâne.

- Comment vas-tu ? demanda Roy. Tu étais dans un de ces états, hier...

Edward avait l'impression qu'il hurlait.

- Shhhh... eut-il la force de murmurer.

Roy se mit à rire doucement et disparut dans la cuisine pour revenir avec des cafés. Cela eut le don d'écœurer Edward qui repoussa la tasse le plus loin possible de lui.

- Tu es vraiment dans le mal.

- Mm...

La matinée se passa tranquillement. Edward occupa son temps à larver sur le canapé tandis que Roy faisait des allers retours entre la véranda, sa chambre et le salon, un bouquin à la main. Il lui fit à manger et s'occupa de son bien-être.

Lorsqu'il se senti mieux, Edward repassa en revue tout ce qu'il s'était passé dans la soirée. La scène du baiser lui noua l'estomac et ses yeux se remplirent de larmes. L'épuisement y était pour quelque chose, mais il se rendit quand même compte de son état étrange. Il avait voulu que Roy se trouve quelqu'un, qu'il redevienne ce mec populaire qui enchainait les conquêtes. Maintenant, il espérait tout le contraire.

- Roy, appela-t-il soudain.

Ce dernier était assis sur le fauteuil en face de lui, à lire son livre.

- Mm ?

- Que s'est-il passé ?

Roy se mit à rire.

- Tu t'es mis à vomir partout et on s'est fait viré du club de strip tease.

- Le club de… strip tease ?

- Tu ne t'en souviens pas ?

- C'est une strip teaseuse que tu as embrassé ?

Roy parut gêné.

- C'est peut-être aussi un peu pour ça qu'on s'est fait viré, avoua-t-il.

- Je me demandais aussi pourquoi il n'y avait personne avec toi, quand tu es descendu.

- J'ai dû te gérer, je ne pouvais pas tout faire, rit Roy.

Edward ne trouva pas ça drôle du tout.

- Désolé, s'excusa-t-il, coupable. J'ai dû gâcher un peu la soirée.

- Pas du tout. Il était déjà six heures du matin et il ne restait plus que nous et Hughes.

- Il est rentré chez lui ?

- Oh, non. Il est ici. Il n'est pas dans un meilleur état que toi. Il a dormi dans ma chambre. Notre maison était la plus proche.

Edward regarda l'heure : c'était presque le milieu de l'après-midi.

- Il dort encore ? demanda Edward, ahuri.

- Il a plus bu que nous deux réunis.

- Tu as prévenu Gracia ?

- Oui, ne t'en fais pas.

Hughes finit par descendre l'escalier, aussi lentement que l'avait fait Edward. Lorsqu'il s'assit sur le canapé après qu'Edward lui ait fait une place, Roy lui apporta immédiatement un verre d'eau et un doliprane. Hughes le remercia et but avec lenteur.

- Il y en a pas un pour rattraper l'autre, pouffa Roy.

- Shhhh...

Même Edward trouva la situation amusante.

Hughes resta pour le repas du soir, mais finit par s'en aller. Edward et Roy étaient tous les deux fatigués et allèrent se coucher de bonne heure. Edward avait pris l'habitude des sommeils agités. Il cauchemardait souvent et il se réveillait en pleine nuit à cause de ses visions morbides. Cependant, ce fut tout autre chose qui le réveilla cette nuit-là.

Son corps était tendu, son cœur battait à tout rompre, et son entrejambe, elle, s'était douloureusement dressée. De quoi avait-il rêvé ? De cette strip teaseuse. De Roy. De Roy, surtout. Ils s'embrassaient, et ils étaient nus. Il s'était réveillé en sursaut quand...

- Putain de merde...

Il prit sa tête entre ses mains. Il ne faisait jamais de rêves érotiques, ou, du moins, très rarement. Son esprit était toujours tellement occupé ailleurs qu'il n'avait quasiment pas de libido, au grand damn des quelques femmes avec lesquelles il était sorti. Or, non seulement ce rêve-là avait supplanté ses cauchemars habituels, mais en plus la personne qui l'excitait n'était autre que ce bâtard de Roy Mustang.

Il se leva, complètement crispé, et descendit d'un étage pour se calmer à coup d'eau froide. Il posa son front sur le carrelage glacé de la salle de bain tandis que l'eau dégoulinait le long de son corps.

- Ce n'est qu'un rêve, se persuada-t-il pour se rassurer. Ce n'est qu'un rêve.

Pourtant, les nuits qui suivirent ne le laissèrent pas en paix. Il ne faisait pas forcément toujours des rêves érotiques, mais Roy était toujours présent, et la nature de leur relation ne laissait place à aucune ambiguïté. En plein jour, il se surprit à passer beaucoup de temps à regarder Roy dans ses gestes du quotidien. Son cœur battait fort en sa présence, et le manque le tiraillait lorsqu'il n'était pas là. Il avait déjà ressenti cela auparavant, lorsqu'il était avec Winry et qu'il ne la voyait pas pendant longtemps. Sauf que Roy n'était pas Winry, qu'ils ne sortaient pas ensemble, et qu'ils se voyaient tous les jours. Une angoisse monta progressivement en lui, de celles qui prennent de plus en plus de place lorsqu'on est dans le déni. Il se mit à éviter Roy, passant ses soirées dans sa chambre à bricoler des formules et à approfondir ses connaissances en elixirologie. Il se remit également à travailler sur ses cercles alchimiques. Il n'avait qu'une seule envie : fuir immédiatement cet endroit et rentrer chez lui. Il avait suffisamment perdu de temps.

Pourtant, lorsque Roy l'aidait en tentant d'utiliser l'alchimie - toujours en vain - il se sentait étrangement vexé. Il ne comprenait pas comment cet homme pouvait vouloir l'aider à s'en aller alors qu'il était censé l'aimer. Mais l'aimait-il réellement ou ce baiser, à Noël, était-il accidentel ? Il se mit à douter, se renferma sur lui-même et son caractère en pâtit. Roy ne s'en alarma pas et prit son comportement pour de l'énervement : après tout, cela faisait plus de neuf mois qu'il était coincé ici, et tout ce qu'il entreprenait se soldait par un échec. Il y avait de quoi être de mauvaise humeur.

A l'inverse de son colocataire, Roy ne pouvait s'empêcher d'être d'excellente humeur. Il aimait sa nouvelle maison, il adorait la relation qu'il avait avec Edward, tout se passait bien au travail et il avait même un peu de temps libre tant il avait travaillé ces derniers temps. Ses collègues étaient heureux : entre Havoc qui continuait de fréquenter la jolie rousse du bar et Hughes qui préparait l'arrivée de son enfant, il était difficile de se plaindre d'une mauvaise ambiance au QG. Pour couronner le tout, Edward ne semblait pas avoir l'ombre d'une piste pour rentrer chez lui ce qui, il fallait l'avouer, le réjouissait plus qu'autre chose.

- Tu sors avec lui, finalement ? demanda Hughes.

- Non, toujours pas, affirmait Roy qui, pourtant, gardait le sourire.

- Je ne vois vraiment pas pourquoi, soupira Hughes.

Roy lui répéta les mêmes arguments que d'habitude - oui, car cette conversation revenait régulièrement - mais Hughes fit un "non" de la tête.

- J'ai vu comme il te regarde. Je ne crois pas que ça le dérange des masses que tu sois un mec.

- Comment ça ? demanda Roy en levant un sourcil.

- Allons, à mon enterrement de vie de garçon, ça crevait les yeux.

- On ne s'est même pas parlé !

- Oui, justement. Il ne t'a pas lâché du regard une seconde.

- Pardon ?

Hughes se redressa, tendit le bras et se mit à lui tapoter la tempe du bout du doigt.

- Tu as toutes tes chances avec lui, mon vieux ! Aller, séduis-le ! Rends-le jaloux ! Il finira bien par craquer ou baisser sa garde pour te laisser une petite place dans son cœur.

Roy dégagea le bras de son meilleur ami d'un revers de la main, agacé.

- Tu es d'un niais ! Ce n'est pas parce que tu as harcelé Gracia et que tu as fini par l'avoir à l'usure que toutes les histoires se passent de la même manière !

- Comment oses-tu ? pleurnicha Hughes, les mains portées à sa poitrine. Ce n'est pas du tout ce qu'il s'est passé, ma Gracia m'aime d'un amour sincère !

- Peut-être maintenant, mais tu as eu du mal à l'avoir, ta Gracia.

- Tu crois que c'est facile d'obtenir la meilleure partie de soi ? Notre âme-sœur, il faut la mériter ! Si on ne se bat pas pour elle, on ne l'obtient jamais.

Cette discussion troubla grandement Roy qui réfléchit un peu en se remémorant le comportement d'Edward. Y avait-il quoi que ce soit dans son attitude qui pouvait lui révéler qu'il avait un quelconque intérêt pour lui ? Il ne lui semblait pas : il passait son temps à le fuir, à faire sa vie, à étudier, à parler science, à vouloir s'en aller. Mais d'autres instants lui revinrent en mémoire : leur complicité générale, ces coups de fils inutiles qu'Edward lui passait lorsqu'il travaillait dans sa ferme et, plus que n'importe quel autre moment, il y avait eu le moment du déménagement. Ce souvenir lui revint en tête et le frappa avec force. Il revit la main d'Edward s'approcher de son visage, lui dégager le front de ses quelques mèches de cheveux. Il revit son sourire étirer ses lèvres avec douceur, ses yeux se noyer dans les siens et attendre qu'enfin il lui avoue ce qu'il devait lui avouer depuis tant de temps. Il ressentit ce moment où son cœur battait si vite, où l'amour gonflait sa poitrine, où ses mots allaient franchir le seuil de ses lèvres avant d'être interrompu par la sonnette de l'entrée, annonçant la fin de cette seconde volée, perdue dans le temps.

L'espoir se mit à germer en lui. Oui, peut-être que Maes avait raison. Peut-être pouvait-il se mettre à croire qu'il avait une chance, même infime, qu'il se passe quelque chose avec Edward. Il ne savait pas exactement ce qui était possible. Mais, au bout de neuf mois d'attente, il aurait été capable de tout accepter, même si c'était pour une seconde. Il se mit alors à faire des expériences pour voir si ce que Maes supputait pouvait s'avérer véritable : de temps en temps, il laissait glisser une main dans ses cheveux ; perdait "malencontreusement" ses doigts contre les siens ; frôlait sa jambe de son pied sous la table dans une caricature de maladresse... Il vit les réactions d'Edward, qui semblait paniquer de l'intérieur et cherchait à fuir dès qu'il le pouvait. Il le vit blêmir, il le vit rougir, il le vit bafouiller sans savoir comment réagir. Même si ce comportement était loin de montrer qu'il avait un quelconque penchant amoureux pour Roy, ce devint pour lui une source d'amusement intense.

Pour Edward, c'était de la torture. Il voyait clair dans le jeu de son colocataire et prenait ses gestes pour des avances évidentes. D'un côté, il avait envie de répondre par la positive et un sourire énorme fendait involontairement son visage à chaque fois que Roy faisait un peu attention à lui ; d'un autre côté, son esprit rigide lui faisait croire en l'impossibilité de cette relation qui le faisait d'ailleurs frissonner d'horreur. Il se crispait alors, grommelait des choses désagréables et trouvait un moyen de s'enfuir dans sa chambre.

Un jour qu'ils mangeaient, Roy changea de stratégie.

- Il y a une nouvelle collègue, au travail, raconta-t-il. C'est une blonde superbe, et j'ai l'impression qu'elle s'intéresse à moi : je crois que je vais l'inviter à sortir, un soir.

Edward arrêta de manger et leva un regard impassible vers lui.

- Comment s'appelle-t-elle ?

- Claudia, inventa Roy.

- Jamais entendu parler.

Il retourna à son assiette. Roy fut déçu.

- Et toi, ça ne te manque pas trop de sortir avec des gens ?

- Je n'ai pas que ça à faire, cassa Edward, grognon.

Ah, je l'ai énervé.

- Tu n'as vraiment jamais eu de petite amie ? demanda Roy par curiosité.

Il avait déjà posé cette question lorsqu'ils s'étaient rencontrés, mais Edward était resté assez évasif.

- Si, répondit Edward.

- Qui était-ce ?

- Winry Rockbell.

Roy se souvenait d'une petite fille dans la maison où il avait rencontré l'Edward jeune.

- Ton amie d'enfance ? La mécanicienne ?

- Oui.

- Vous n'êtes plus ensemble ?

- Non, elle m'a plaqué. On est resté ensemble quatre ans.

Le regard d'Edward s'était attristé. Le cœur de Roy se serra : non seulement il ne verrait pas Edward pendant treize ans, mais il devrait supporter les évènements de son passé.

- Tu l'aimes encore ? interrogea Roy, incertain de savoir s'il voulait connaitre la réponse.

- Je ne pense pas. Elle est fiancée, maintenant, de toute façon. Et nos modes de vie n'étaient pas compatibles.

- Je vois.

Roy n'avait plus faim. Edward non plus.

- Et toi ? demanda Edward.

- Moi, quoi ?

- Tu as cette "Claudia" qui t'intéresse, mais sinon, tu as déjà rencontré quelqu'un qui t'intéressait vraiment. Genre… plus que pour un soir ?

- Oui.

- Je connais ?

- Je pense.

- Ah ?

- C'est un mec.

Edward releva une tête horrifiée de son assiette.

- Quoi ? demanda Roy avec un naturel un peu forcé.

Edward essaya de se reconstituer une expression neutre.

- C'est qui ?

Toi. Bien sûr que c'est toi.

- Je ne pense pas que j'aie envie de le dire.

Edward haussa les épaules, apparemment indifférent. A l'intérieur, il était à la fois curieux, jaloux et dégoûté. Il se mit à s'énerver tout seul et préféra quitter la table.

- Je vais me coucher.

- Bonne nuit, Edward.

Deux jours plus tard, Roy invita Hughes à aller boire un verre, après le travail. Hughes accepta avec joie et se rendit directement sur place après ses heures de service. Roy, lui, devait trainer au bureau car il n'arriva que plus tard. Hughes le vit pourtant se présenter à lui habillé sur son trente-et-un, les cheveux coiffés en arrière et plus beau que jamais. Il s'assit en face de lui.

- Qu'est-ce que tu fabriques ? lui demanda Hughes qui le regardait comme s'il venait de faire exploser le restaurant d'un claquement de doigt.

- Ce soir, je sors avec Claudia, une jeune recrue de mon service que j'ai invité à diner au restaurant. Elle m'intéresse et j'aimerais bien me la faire.

- Claudia ? Mais il n'y a pas de Claud- ... Oh, que tu es mauvais. Il t'a vu sortir dans cette tenue ?

- Précisément.

Hughes se mit à rire bruyamment.

- Tu es pas possible !

- Je suis tes conseils.

- Ca veut dire que tu cherches vraiment à sortir avec lui ?

- Je ne sais pas, mais en tout cas je trouve ça très amusant.

- Il a fait quelle tête ?

- Je crois qu'il pensait sérieusement à me tuer.

- C'est bon signe, ça ? s'esclaffa Hughes.

- J'en sais rien, mais j'étais mort de rire tout le long du chemin avant arriver jusqu'ici. Bien sûr, je ne t'ai pas demandé avant parce que je viens d'en avoir l'idée, mais je pourrais dormir chez toi, ce soir ?

Hughes hocha la tête, hilare.

- Ne le fais pas trop tourner en bourrique, quand même.

- On verra, sourit Mustang. Bon, et alors, cette échographie ?

- Tout semble en ordre. Notre petite fille est en bonne santé ! Et on a enfin choisi un prénom !

- Ah bon ? Vous en avez mis, du temps.

- C'est difficile de choisir le plus beau nom du monde pour la fille la plus belle que cette terre aura vu naître !

Roy leva les yeux au ciel tandis que Maes sortait de son porte-monnaie une photo de la dernière échographie.

- N'est-elle pas magnifique ?

- Oui, oui.

- Devine un peu comment on va l'appeler, au moins !

- Mm, fit mine de réfléchir Roy. Elysia ?

Hughes le regarda avec de grands yeux.

- Comment... ?

- Moi aussi, j'ai mes sources, rit Roy en lui adressant un clin d'œil.

Lorsque Roy rentra le lendemain matin, Edward était déjà levé et buvait son café dans la véranda en lisant un livre. Il ne leva pas les yeux vers lui.

- Salut, fit Roy qui voulait quand même qu'Edward jette un œil à son déguisement d'homme dont la nuit a été bien remplie.

- Salut, répondit machinalement Edward sans lever son nez du livre. Bien, cette soirée ?

- Pas mal, écoute. On a fini chez elle. La nuit a été courte.

- J'ai cru comprendre. J'imagine que tu vas aller dormir, maintenant.

- Peut-être pas tout de suite. Pourquoi ?

- J'ai un nouveau cercle à te faire tester.

Roy fut déçu. Encore et toujours ses cercles… Plus que de la déception, c'était même du découragement qui s'empara de Roy. Edward n'en avait complètement rien à faire de lui, et seul lui importait son retour chez lui. Cette histoire de Claudia lui sembla soudain être parfaitement absurde et il se rendit compte du niveau pathétique de la situation et de lui-même. Il soupira, soudain déprimé, tandis qu'Edward levait finalement les yeux vers lui. Il le vit alors, les cheveux en pétard, sa chemise froissée et le visage visiblement fatigué. Il ne vit même pas sa déception : son sang ne fit qu'un tour et il bondit sur ses pieds, les bras tendus vers le bas, les poings serrés, le regard brûlant. Il fulminait d'une rage si palpable qu'elle remplaça en une seconde le découragement de Roy en inquiétude.

- Edward, ça va ? demanda stupidement Roy.

- Parfaitement bien !

Roy prit une posture un peu moins nonchalante en voyant Edward debout et le visage rouge de colère. Il connaissait suffisamment le jeune homme pour savoir que la tempête arrivait et qu'il allait être soufflé par sa force s'il ne tentait pas de l'endiguer un peu.

- Ed, qu'est-ce qu'il y a ? demanda Roy aussi doucement que possible. Je vois bien que tu es furieux…

- Bien sûr que ça ne va pas, espèce de bâtard !

- Je ne te permets pas de me parler sur ce ton...

- Et moi, je ne te permets pas de jouer avec moi !

Alors, ça y était. Roy se recoiffa immédiatement.

- Jouer avec toi ? interrogea-t-il prudemment.

- Oui, parfaitement ! Tu crois que je ne vois pas ce que tu fais ? Tu crois que je suis aveugle au point de ne pas capter tes petites manigances à la con ?!

- De quoi est-ce que tu parl-

- Je ne comprends pas bien ton petit manège, mais j'espère au moins que ce que tu as fait à Mithra ne fait pas partie de ton putain de plan !

Roy tomba des nues. Son innocence feinte se transforma en une réelle surprise mêlée de peur.

- A Mithra ? bredouilla-t-il.

Il avait oublié une partie de la soirée. Edward n'avait jamais voulu lui raconter ce qu'il s'était passé. Roy se sentit soudain beaucoup moins assuré et tout, en-dehors du visage hérissé de son colocataire, lui parut se perdre dans le vague.

- Ah, ça, c'est bien ton genre d'oublier qui tu embrasses !

- Quoi ? souffla Roy d'une voix blanche.

Lui qui pensait avoir la situation bien en main, il se trompait.

- Je... Je ne voulais pas t'embrasser...

- Ah oui ? Eh bien moi non plus, je ne voulais pas que tu le fasses ! s'emporta Edward.

Il s'approcha dangereusement de Roy et planta un doigt autoritaire sur son torse.

- Je ne comprends pas comment ça a pu arriver, s'excusa Roy. Vraiment, je...

- JE N'AI AUCUNE ENVIE QU'IL SE PASSE QUOI QUE CE SOIT ENTRE NOUS !

Edward s'était emporté. Il avait dérivé trop loin. Il avait trop peur. Il brisa le cœur de Roy qui tenta pourtant d'expliquer d'une voix tremblante.

- Je... J'étais chez Hughes, il n'y a pas de... Claudia.

- Quoi ?

S'il avait arrêté de crier, la voix grave d'Edward tremblait d'une colère noire.

- Hughes pense que j'ai mes chances avec toi, alors j'ai...

Il ne termina pas sa phrase et se prit le poing d'Edward en plein dans la face. Il recula, titubant, à moitié sonné. Il allait parler mais une autre douleur au niveau de l'abdomen le plia en deux. Edward avait visiblement envie de se battre. Roy reprit ses esprits aussi vite que possible pour éviter les coups suivants avec difficulté. Par chance, le faux brun était tellement en colère qu'il se battait mal : ses coups, trop puissants, le ralentissaient.

- Edward !

Il n'écoutait pas. Roy saisit ses poignets au vol.

- Edward, arrête ! Arrête, je te dis !

- T'ES QU'UN PUTAIN D'ENFOIRÉ !

Toutes ses paroles lui faisaient atrocement mal. Il avait l'impression qu'un rouleau compresseur lui broyait la cage thoracique avec acharnement. Roy sentit une bouffée d'émotions s'emparer de son corps, ses yeux s'embuèrent et, pour calmer la douleur irrationnelle qui secouait ses membres, il ne trouva rien d'autre à faire que d'attirer Edward à lui pour l'embrasser dans un élan désespéré. Le jeune homme se figea immédiatement. Roy le serra contre lui, regrettant déjà ce qu'il était en train de faire. Il avait imaginé ce baiser de mille et une manières, mais pas comme ça. D'ailleurs, Edward ne répondait pas au baiser. Au contraire. Il le repoussa. Roy se heurta au mur et vit Edward lui foncer dessus. Il ferma les yeux, prêt à se prendre des coups. Mais il sentit juste les lèvres d'Edward - ou plutôt ses dents - l'embrasser - ou le mordre - avec fureur. Roy essaya de se dégager de cet horrible « baiser » tandis que le goût du sang envahissait sa bouche. Finalement, il saisit fermement Edward par les épaules et le fit reculer. Il y eut un instant de flottement pendant lequel Edward resta figé, haletant, le visage complètement déconfit. Roy, lui, le fixait avec intensité, incapable de respirer devant l'expression incertaine de son vis-à-vis. Au moins, sa haine s'était évaporée et il semblait avoir repris le contrôle de lui-même. Mais Roy imaginait très bien ce qui allait suivre : il allait bredouiller quelque chose, s'en aller et s'enfermer dans sa chambre pour éviter de parler ou même de penser à ce qu'il venait de se passer. Il ne permettrait pas que ce moment se termine ainsi. Avec douceur, il serra ses épaules qu'il tenait toujours.

- Tu as dit que tu ne voulais pas qu'il se passe quelque chose entre nous. Est-ce que c'est vrai ?

Edward tourna la tête ailleurs.

- Edward, on fera comme tu voudras, murmura Roy d'une voix rendue rauque par l'angoisse. Mais il me faut une réponse claire.

Edward déglutit difficilement en le regarda à nouveau. Ses yeux s'attardèrent sur ses lèvres pendant plusieurs secondes avant qu'il ne parvienne à bafouiller maladroitement :

- Tu saignes.

Malgré lui, Roy lui offrit un maigre sourire et leva l'un de ses sourcils.

- Je crois que je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui embrassait aussi mal.