Et voici le chapitre 23 ! Je ne vous cache pas qu'on entre ici dans une autre partie de l'histoire dans laquelle l'écriture fut un peu plus délicate tout simplement parce que je suis moins à l'aise avec certains passages. Je rappelle par ailleurs que le raiting de ma fiction est "M", même si, dans le style, tout reste relativement sobre. Je tenais cependant à le rappeler pour les âmes sensibles puisque je n'aime pas tellement spoiler ce qu'il va se passer avant les chapitres. C'est pourquoi, à moins de cas de force majeur, je ne le répèterai pas pour les chapitres concernés.

Encore un petit mot pour vous annoncer que la vitesse de publication va désormais s'élargir : je ne posterai plus un chapitre tous les lundis, mais un lundi sur deux. Je ne sais pas si le rythme de publication initial pourra revenir, mais je vous tiendrai au courant ! Dans tous les cas, je vous souhaite une excellente lecture avec ce chapitre et vous dis "à dans deux semaines !" pour la suite de l'aventure avec un chapitre deux fois plus long que ce que vous avez l'habitude de voir ! En attendant, n'hésitez pas à lâcher vos reviews et à suivre l'histoire ;-)


Chapitre 23 - Du Grand n'importe quoi


Edward eut un mouvement de recul tandis que, dans ses yeux, passa le reflet d'une peur irrationnelle. Roy, pourtant, ne le lâcha pas, agrippant fermement ses épaules de ses deux mains. Indifférent au goût ferreux qui persistait sur sa langue, inattentif aux tremblements nerveux qui lui parcouraient le corps, sourd à la panique qui tentait de s'immiscer dans son esprit, le militaire cramponnait tant de ses doigts que de son regard le jeune homme paniqué qui lui faisait face. En réalité, il se raccrochait désormais au seul espoir qu'il lui restait encore : oui, Edward lui avait dit qu'il ne voulait pas que quelque chose se passe entre eux ; oui, il l'avait traité de tous les noms ; oui, il l'avait frappé pour l'éloigner de lui avec cette expression de colère mêlée d'aversion. Mais il avait fait quelque chose de plus : au baiser désespéré qu'il avait essuyé, il avait répondu avec brutalité, l'avait repoussé, l'avait empoigné pour, finalement, lui mordre les lèvres avec une violence presque animale. Il ne l'avait pas mordu n'importe où. Non. Ça aurait presque pu être un baiser. Un baiser qu'il n'osait pas se permettre, un baiser qu'il ne voulait pas se permettre, un baiser contre lequel il avait bizarrement lutté pour, finalement, le lui accorder dans toute la splendeur de la dualité qui le tiraillait. Alors, oui, Roy se raccrochait encore à cet espoir, souhaitant de tout son cœur avoir vu juste dans le comportement instable de son colocataire. Sauf qu'Edward ne bougeait pas, qu'il jetait des coups d'oeil partout sauf vers lui, qu'il frémissait sous ses mains et qu'il semblait incapable de sortir un son de sa bouche résolument close malgré que Roy lui ait tout de même fait savoir, non sans humour, qu'il avait rarement été embrassée avec autant de nullité.

Roy lâcha finalement un soupir irrégulier, puis repoussa Edward avec lenteur, lui faisant traverser la véranda blanchie par l'aube, pour le faire asseoir sur le canapé en osier. Il le rejoignit ensuite, gardant l'une de ses mains sur son épaule la plus proche, trop inquiet de couper ce contact physique. Le temps, pour Roy, paraissait interminable, mais son regard vissé sur le visage d'Edward ne put manquer certains changements. D'abord, il conserva son expression catastrophée. Mais, ensuite, les traits de son visage se durcirent peu à peu, ses sourcils se froncèrent, ses épaules se détendirent, ses mains se joignirent tandis qu'il se penchait en avant, posait ses coudes sur ses genoux, fixait l'extérieur que les couleurs agrémentées de lumière rendaient presque irréel. De la colère à l'épouvante, il était désormais entré dans une réflexion intense de laquelle Roy était âprement exclus. Malgré tout, il le laissa à son analyse interne de la situation, du moins jusqu'à ce qu'il n'y tienne plus et finisse par rompre le silence pesant qui avait envahit la pièce.

- Edward...

- Chut.

- On ne va pas se regarder dans le blanc des yeux toute la journée. Est-ce que je peux au moins te dire ce que je ressens ? Tu pourras continuer de réfléchir ensuite.

- Je n'ai pas besoin que tu m'embrouilles avec tes conneries.

- Mes "conneries", ce sont celles pour lesquelles tu es dans un tel état. Que tu le veuilles ou non, il va bien falloir qu'on discute.

- Je ne veux pas qu'on discute de ça. C'est juste du grand n'importe quoi.

Roy soupira et retira sa main à contrecœur pour venir se frotter le front. Il s'était dit exactement la même chose il y avait un moment déjà.

- Oui. Tu as raison. C'est n'importe quoi. Dans mon cas, avec l'objectif que je me suis fixé, aimer un mec, c'est condamner ma carrière, m'obliger à me cacher, prendre le risque de perdre une crédibilité que j'ai chèrement acquise. T'aimer toi, c'est me destiner à la solitude, à l'attente de retrouvailles lointaines, au désespoir de t'avoir comme subordonné, plus jeune, avec nos souvenirs en moins, et ton futur à venir. C'est te voir disparaitre de l'armée, partir loin de Central, aimer Winry, et peut-être d'autres, pendant que je brûlerai intérieurement, que j'attendrai que vienne mon heure : que tu reviennes de mon passé.

Il avait réussi à capter l'attention d'Edward qui, désormais, avait tourné vers lui des yeux saisis par la curiosité et l'effroi.

- Si tu crois que je n'ai pas pensé à tout ça, tu te goures. Je m'étais dit que, de toute façon, tu ne voudrais jamais, que ça ne pourrait pas fonctionner. Mais tu me fais rire, tu me fais rager, tu me fais peur, tu me fais me sentir vivant. J'en suis vite venu à la conclusion que, si je pouvais grappiller quelques mois, quelques semaines, quelques jours, voire même une seule seconde avec toi, je le ferai. Qu'importe le reste. Tu es la seule personne pour qui j'ai jamais ressenti ça. Et je ne te cache pas que tu vas atrocement me manquer. Lorsque tu es parti pendant ces cinq mois, dans le sud, c'était absolument insupportable. Heureusement que tu m'appelais de temps en temps. Et je sais très bien que, plus tard, tu ne pourras pas m'appeler, que ce sera le silence radio pendant treize ans. Mais je crois que je suis prêt à le faire. Tu en vaux trop la peine. Tu es une personne tellement unique, tellement authentique. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme toi, et je n'en rencontrerai jamais d'autres. Je t'aime à un point que tu ne peux même pas imaginer. Même si tu ne veux pas de moi, ton amitié seule me suffit, tant que tu es là.

Roy n'avait pas pensé qu'il dirait tout ça d'un coup. Il aurait pu le faire fuir. Ça aurait d'ailleurs fait fuir n'importe qui. Ce n'étaient que les paroles d'un amour désespéré, presque pathétique. Pourtant, Edward continuait de le fixer de ses prunelles d'or, troublé par sa longue tirade. Roy le trouva beau et il ne cacha pas son sourire tendre. Il ne retint pas non plus sa main qui vint doucement caresser la joue de cet homme éphémère. Il le sentit tressaillir sous son geste, mais il ne s'esquiva pas. Ses doigts descendirent le long de son cou, puis sur sa nuque. Ses yeux ne le lâchaient pas. Roy se pencha vers lui pour embrasser sa joue, doucement. Il ne voulait pas le brusquer. Edward soupira et ferma les yeux. Lorsque Roy recula, Edward s'avança, les yeux mi-clos.

- Je vais te montrer, moi, si je ne sais pas embrasser, dit-il d'une voix étrangement rauque.

Roy se laissa faire, le cœur battant d'espoir. Ce fut de loin le plus agréable baiser qu'il ait jamais eu. Il profita de chaque seconde et, s'il l'avait pu, il aurait suspendu l'instant. Au premier baiser succéda un second, puis un troisième, et encore un autre. Le temps s'évapora. Il n'y avait plus qu'eux. Ils étaient retombés dans l'adolescence, lors de leurs premiers baisers, d'abord timides, puis un peu plus téméraires, mais toujours chastes. Ni l'un, ni l'autre, ne semblait d'ailleurs vouloir précipiter les choses. Il y eut un moment où ils arrêtèrent même de s'embrasser et où Roy s'allongea contre les coussins pour accueillir Edward dans ses bras. De ses doigts, il jouait avec ses cheveux courts, effleurait parfois sa peau, embrassait son front. Edward, lui, avait passé ses bras autour de son torse et respirait l'odeur de son parfum.

- Tu étais chez Hughes, hier soir ? demanda-t-il finalement au bout d'un long moment.

Roy ne put s'empêcher de rire.

- Tu ne peux pas savoir à quel point ça lui a fait plaisir.

- Depuis quand sait-il ?

- Depuis qu'il t'a rencontré.

- Je ne t'aimais pas encore.

- Alors tu m'aimes ?

Edward devint rouge pivoine et ne répondit pas. Roy sourit.

- Moi, je t'aimais. C'est moi qu'il a remarqué.

Il y eut un petit temps pendant lequel aucun des deux ne dit rien.

- Alors comme ça, je t'ai embrassé, à Mithra ?

- Oui. Enfin. Si on peut appeler ça comme ça.

- Comment ça ?

- Tu as écrasé tes lèvres contre les miennes et tu t'es endormi sur mes genoux.

- Je me suis endormi en t'embrassant ?

- Oui.

- La honte...

- Carrément. Et après c'est moi qui embrasse mal...

Un sourire moqueur s'était dessiné sur les lèvres d'Edward. Roy le pinça, ce qui le fit glousser.

- Ce n'était pas bien, alors ?

- C'était surtout sorti de nulle part.

- Je comprends mieux ton comportement, ensuite.

Roy le serra un peu plus dans ses bras. Il avait eu de la chance qu'il n'ait pas fui. Mais, à tout bien y réfléchir, il l'avait fait.

- C'est pour ça que tu voulais aller dans le sud alors que je n'en parlais même plus ?

- Mm...

- Je suis désolé de t'avoir fait te sentir si mal…

- C'pas grave.

Il se passa encore un peu de temps avant que Roy ne pose la question fatidique :

- Alors... On fait quoi ?

- J'sais pas.

- Est-ce que tu veux bien être mon petit ami ?

Edward tressailli.

- On s'est embrassé, on vit ensemble, et tout... Il suffirait juste de rajouter le mot "petit" devant le mot "ami", fit remarquer Roy pour minimiser ses propos.

- J'suis jamais sorti avec un mec.

- Je sais. Moi non plus.

- Pas même le gars dont tu me parlais l'autre jour ?

- Ce gars-là, c'était toi, espèce d'idiot.

- Oh...

- Tu sais, je crois que c'est pas important cette histoire de gars ou de fille. Personnellement, moi je m'en fiche. Bien sûr il y aura peut-être des choses différentes, mais je ne crois pas que ce soit l'essentiel. C'est pas ton genre ou ton sexe, que j'aime, c'est toi. Qu'importe ce que tu es.

- Tu vas me faire des déclarations d'amour niaiseuses toutes les deux minutes, comme ça, ou c'est juste aujourd'hui ?

- J'en sais rien. Tu es la première personne que j'aime.

Edward releva vivement la tête.

- Pardon ?

- C'est comme ça. J'ai pas choisi de tomber amoureux ou non avant.

Roy se perdit dans les yeux d'Edward et un sourire se dessina sur son visage. Il n'avait plus besoin de se cacher. Il pouvait se permettre tous les gestes dont il rêvait depuis des mois. Doucement, lui ramena les cheveux teints d'Edward en arrière et voulut les placer derrière son oreille. Ils retombèrent cependant sur son front et Edward regarda ailleurs, le teint rosi.

- Ils ne sont pas encore assez longs.

- J'aime bien, avec les cheveux courts.

- Désolé pour toi, mais ils vont bien finir par repousser.

- Ah bon ? Des cheveux, ça pousse ?

- Gnagnagna.

Edward se redressa soudainement et s'assit à côté de Roy qui, lui, tenta de ne pas céder à la panique.

- Tu fais quoi ?

- On va pas rester ici toute la journée.

Le cœur de Roy se serra et il se redressa à son tour pour se poser en tailleur.

- C'est quoi cette tête de chien battu ?

- Edward, dis-moi que tu ne vas pas faire comme si rien ne s'était passé, ensuite.

Il vit de l'hésitation, mais Edward finit par faire "non" de la tête.

- On va essayer, puisque tu as l'air d'y tenir.

Roy leva les yeux au ciel.

- Parce que tu ne fais ça que pour moi, monsieur le jaloux ?

- On a un cercle à tester. Que je me casse vite d'ici.

Tout redevint comme avant, si ce n'est que, parfois, Roy ne pouvait s'empêcher de l'embrasser. Ce n'était jamais Edward qui faisait le premier pas, mais il répondait toujours à ses gestes et souriait pour l'encourager. Le premier soir, Edward ne voulut pas dormir à ses côtés. Roy trouva ça étrange. C'était même plus qu'étrange : c'était décevant. Pourtant, pendant la nuit, alors qu'il n'arrivait pas à s'endormir, il vit la lumière du couloir entrer par la porte entrebâillée de sa chambre et sentit derrière lui le corps chaud et musclé d'Edward se glisser entre les draps et l'enlacer pour ne plus le lâcher.

- Tu t'es enfin décidé ? le taquina Roy.

- Tu ne m'as pas invité, murmura Edward.

- Oh, ça, c'est de la mauvaise foi.

- Ferme-là.

- Trouillard.

- Ta gueule.

Roy se mit à rire et se retourna pour lui faire face. Dans la pénombre, il lui imaginait un air renfrogné et un regard noir. Il l'entoura de ses bras, apprécia la chaleur de son corps contre le sien et ferma les yeux pour profiter de cet instant inespéré. Il sentait les muscles d'Edward tendus sous ses vêtements dans une immobilité forcée, son souffle irrégulier et discret contre sa peau. Ce n'était pas bien difficile de deviner ce qui lui passait par la tête. Roy embrassa son front avec douceur, un sourire attendri aux lèvres.

- Je vais pas te manger, le rassura-t-il, non sans une teinte de moquerie dans la voix.

- Je sais qu'on est en crise, mais quand même, je n'imaginais pas que tu puisses te livrer au cannibalisme.

- Ca ne me déplairait pas, murmura Roy d'une voix suave. Mais pas ce soir. Ni les autres soirs. Si c'est le prix à payer pour que tu acceptes de dormir à mes côtés, alors je te promets de ne faire aucun geste déplacé.

- Tu peux pas la fermer deux secondes ? Sérieusement...

Pourtant, Roy sentit Edward se détendre un peu contre lui et il en profita pour déposer ses lèvres sur les siennes.

- Bonne nuit, le merdeux.

- Bonne nuit, enfoiré...

Ni l'un, ni l'autre ne fit de cauchemar cette nuit-là, ni celles qui suivirent. Roy ne s'était pas senti aussi en forme depuis qu'il était allé à Ishbal et Edward était heureux de retrouver un sommeil à peu près normal. Il faisait pourtant toujours ses rêves érotiques et Roy ne mit pas bien longtemps à s'en apercevoir.

- Tu as fait de beaux rêves ? lui demandait-il lorsqu'ils petit-déjeunaient, un sourire au coin des lèvres.

- Mmf, j'm'en souviens pas, répondait Edward en se noyant dans son café.

- Moi, je dirais en tout cas que ce qu'il se passait dans ton rêve te plaisait, continuait de le taquiner Roy qui s'amusait beaucoup à le voir perdre contenance. Tu es certain de ne pas t'en souvenir ?

- Puisque je te dis que j'm'en souviens pas ! C'est quoi ton problème, bâtard ?!

Roy se levait alors et l'embrassait sur le front.

- Passe une bonne journée, Ed. On se voit ce soir.

Edward grommelait quelque chose d'incompréhensible et Roy le laissait là. Lorsqu'il arrivait au travail, il se mit à prendre l'habitude de discuter gaiement avec tous ses collègues avant d'aller dans son bureau ou il se mettait à rêvasser en faisant semblant de lire ses dossiers. Parfois, n'y tenant plus, il appelait la maison et Edward répondait systématiquement.

- Tu es vraiment une grosse feignasse, lui disait Edward.

- Il faut me comprendre, aussi, Priscilla : notre soirée d'hier était merveilleuse. Comment pourrais-je passer une journée entière sans entendre ta douce voix ?

Riza, elle, s'exaspéra de voir son supérieur redevenir aussi inutile qu'avant. Elle pensait pourtant qu'il avait dépassé un cap et qu'il se souciait désormais réellement de son travail mais elle s'était visiblement trompée. Elle reprit donc bien vite son attitude menaçante, ce qui fit s'activer l'ensemble de l'équipe. Maes Hughes, lui, comprit très vite le petit jeu auquel jouait Roy.

- Ne me dit pas qu'c'est pas vrai ! avait-il crié en entrant en trombe dans son bureau.

Roy avait dû virer les membres de l'équipe qui se trouvaient dans la pièce à ce moment-là pour qu'ils puissent s'exprimer librement.

- Tu es pas possible, Maes.

- L'opération "Claudia" a donc marché ?

- L'opération fut un succès.

- Oh, mon cochon, je suis si content pour toi ! Je te l'avais dit qu'il y avait de l'espoir ! On va pouvoir sortir entre couple, maintenant !

- Ne dit pas le mot "couple" devant Ed, il risquerait de s'en rendre compte.

- Ca veut dire quoi, ça ?

- Ca veut dire qu'on est ensemble, mais qu'il ne faut pas le dire comme ça.

Roy leva les yeux au ciel, visiblement amusé par sa propre situation.

Si le bonheur de Roy était lumineux et palpable pour tous ceux qui le côtoyaient, celui d'Edward, lui, était entaché de milliers de questions existentielles, par la moralité de leur relation, par son inquiétude de savoir comment ses amis pourraient réagir et par l'improbabilité du couple absurde qu'il formait avec Roy Mustang, cet homme qu'il exécrait encore moins d'une année plus tôt. Pourtant, il était bien obligé d'admettre qu'il aimait sa présence, qu'il adorait passer des moments avec lui, qu'il attendait le moment où ils allaient se coucher pour s'endormir dans les bras l'un de l'autre toute la journée et que ses baisers faisaient de lui le plus heureux des hommes. Des idées absurdes lui passaient sans arrêt par la tête, l'image de Roy le hantait et il passait son temps à zieuter le téléphone, espérant qu'il l'appellerait aujourd'hui encore. Il n'arrivait plus à avancer dans ses recherches et, honnêtement, il n'en avait plus rien à faire. Il retourna même chez le libraire qui l'avait embauché pour postuler de nouveau et fut aussitôt prit tant il avait laissé une bonne impression la fois d'avant.

Travailler dans cette librairie offrait à Edward trois avantages non négligeables. D'abord, il adorait le milieu dans lequel il évoluait et ne voyait pas les journées passer : il pouvait donc retrouver Roy sans avoir eu à trouver le temps long. Ensuite, il pouvait farfouiller dans les différents ouvrages des rayonnages et il se mit à potasser des livres qu'il n'aurait jamais cru lire un jour : n'empêche qu'il en apprit beaucoup sur l'anatomie humaine et qu'il répondit scientifiquement à certaines des questions existentielles qui le taraudaient depuis qu'il avait commis la folie d'accepter d'appeler Roy son « petit » ami. Enfin, il disposait désormais d'un salaire ce qui lui permit de faire la surprise à Roy de l'inviter au restaurant - chose qu'ils n'avaient pas eu l'occasion de faire depuis leur virée à Resembool en raison de la crise alimentaire qui sévissait dans tout le pays.

- Je crois que je ne t'ai jamais vu mettre autant d'effort dans une tenue, remarqua Roy une fois l'agréable surprise passée.

Edward s'était effectivement mis sur son trente-et-un, et avait même pris la peine d'aller chez le coiffeur. Roy le remarqua d'ailleurs.

- Ca te va bien, comme ça, le complimenta-t-il en passant sa main dans ses cheveux.

- Ce n'est pas comme ça qu'ils pousseront, soupira Edward.

- Tu ne pouvais plus continuer comme ça.

Un matin, il s'était effectivement réveillé avec une vielle coupe au bol.

- Je ne me souvenais pas que la transition cheveux courts – cheveux longs était si ridicule, pleurnicha Edward.

Ils passèrent une excellente soirée dans un restaurant, sinon romantique - il ne fallait quand même pas s'attendre à ce qu'Edward soit ce genre de personne -, plutôt chic. Mais Roy se rendit bien vite compte que ce cadre ne lui permettait pas d'être détendu comme à la maison. Il lui était impossible de prendre la main d'Edward, de lui sourire en permanence et de se pencher vers lui pour l'embrasser. C'était d'autant plus agaçant qu'un couple non loin de là ne se gênait pas pour le faire. Lorsqu'ils arrivèrent au dessert, Roy et Edward le refusèrent d'un commun accord : la nourriture n'avait jamais été aussi bonne - surtout pour des gens dont les repas de résumaient en de vieilles conserves et beaucoup de pain -, mais ils avaient juste envie de s'éclipser et de rentrer chez eux pour rattraper ces moments d'intimité perdus.

Ils avaient partagé une bouteille de vin pendant le repas et c'est peut-être cela qui poussa Edward à lui sauter dessus sitôt le pallier franchi. Roy l'accueillit à bras ouverts, trop heureux de retrouver son contact et, pour une fois, de ne pas être à l'origine de cette initiative. Ils s'embrassèrent longuement, de plus en plus passionnément et Roy fut surpris qu'Edward aille jusqu'à le pousser sur le canapé pour lui grimper dessus, mordant doucement ses lèvres, sa gorge, son cou. Ses mains parcouraient son torse avec insistance et, s'il avait hésité, Roy ne le vit pas. Le cœur du militaire se mit à battre plus fort et son désir, qu'il avait jusque-là tenté de tempérer, monta en flèche lorsqu'il sentit ses doigts déboutonner les boutons de sa chemise. Haletant, il posa doucement ses mains sur celles d'Edward.

- Ed...

- Si tu me fais réfléchir, tu vas le regretter.

C'était vrai, et Roy relâcha aussitôt ses mains. Il n'avait aucune envie qu'il s'arrête. Même s'il n'avait jamais tenté d'aller plus loin avec lui, il en avait terriblement envie depuis le premier jour. Seulement, il savait qu'il faudrait du temps à Edward pour ne serait-ce qu'accepter qu'ils soient ensemble, aussi s'était-il fait une raison et avait tacitement accepté que leur relation soit platonique. Cette situation était donc d'autant plus surprenante qu'elle prenait place seulement quinze jours après qu'ils se soient embrassés pour la première fois et, à force de baisers, de caresses et de morsures, leurs corps se retrouvèrent bien vite nus l'un contre l'autre, vibrants de désir. Roy n'avait jamais vu une telle expression sur le visage d'Edward et il sut qu'il ne pourrait plus jamais s'en passer lorsqu'il le prit en main, sentant tout son corps se tendre contre le sien et ses yeux brûlants se poser sur lui d'une manière impérieuse. Edward le plaqua alors fermement contre le canapé et descendit en baisers le long de son corps embrasé.

- Je n'ai jamais..., douta-t-il lorsqu'il eut atteint la zone la plus sensible.

- Continue, l'encouragea Roy d'une voix tremblante d'envie.

Ce fut le seul moment où Edward sembla s'inquiéter. Ses gestes furent ensuite de ceux qui apprennent, un peu maladroits, mais attentionnés. Roy fut surpris de l'entendre poser des questions et de le voir agir à la manière d'un élève studieux. Il y avait, dans sa façon de faire, quelque chose de particulièrement attendrissant. Ses gestes se calquèrent sur ses soupirs, glissant comme l'auraient fait des doigts sur les cordes d'un instrument de musique inconnu, cherchant les accords pour former une mélodie depuis longtemps négligée. Roy Mustang n'était pas du genre à laisser l'autre mener la danse. Mais, face à Edward, il dut bien admettre qu'il était difficile de faire autrement. La moindre rébellion lui valait un regard dissuasif et ses espoirs premiers, ceux où il s'imaginait réaliser ses fantasmes les plus fous avec le jeune homme, s'évanouirent. Il lui faudrait attendre encore un peu pour gagner sa confiance et parvenir à lui faire l'amour comme il en avait envie, à se fondre en lui pour ne faire plus qu'un, à le prendre comme il rêvait tellement de le faire depuis des mois.

A la place, il se contenta de gestes agréables, d'échanges mutuels où ils découvrirent le corps de l'autre avec une certaine timidité, avec une délicatesse, même, qu'il n'avait jamais connue jusque-là. Avec ses partenaires éphémères, Roy avait pris des habitudes presque mécaniques, plus désireux d'aller droit au but que de découvrir l'autre avec une sensualité qu'il se surpris à apprécier. Confortablement assis sur sa réputation de séducteur accompli doublé de l'avantage d'un physique qu'il savait irrésistible, il lui était tellement facile de mettre n'importe qui dans son lit et de le contenter qu'il avait assumé la répétition du même schéma inconscient.

Mais avec Ed, c'était différent. Il aurait dû s'en douter : tout, avec lui, divergeait de ce qu'il connaissait et il se laissait surprendre sans cesse tandis que son imprévisibilité l'accaparait complètement, comme le reste de sa personnalité, d'ailleurs. Pourquoi le sexe aurait-il été identique qu'avec les autres ? Alors, lorsqu'ils se guidèrent l'un et l'autre sur le chemin de l'extase, lorsque leurs respirations s'élevèrent et se mêlèrent l'une à l'autre, lorsque leurs corps s'élancèrent voluptueusement dans un monde vertigineux qui n'appartenait qu'à eux, Roy se laissa subjuguer par ses sensations et par la vision magnifique de l'homme qu'il tenait dans ses bras sans regretter une seule seconde d'avoir fait le choix de suivre ses pas.

Ce soir-là, ils rejoignirent leur chambre pour se serrer l'un contre l'autre avec le sentiment d'avoir franchi une étape importante. Au bout d'un moment, Edward finit par rompre le silence paisible qui les enveloppait :

- Te fais pas de faux espoirs, grommela-t-il. Mais je crois que je pourrais m'y habituer.

Roy sourit et inspira son odeur. Comme on dit toujours : tout ce qui vient avant le "mais" ne compte pas.