Chapitre 26 - Chemins oubliés
Roy sursauta lorsqu'il entendit le téléphone sonner, lui faisant lâcher l'œuf et sa coquille dans la poêle brûlante. Il lâcha un juron, s'avança à grands pas vers le combiné, décrocha avant de raccrocher aussitôt avec une violence qui fit couiner l'appareil. Il l'observa un instant, hésitant à le prendre pour l'exploser sur le sol, pour l'écrabouiller jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien, histoire de passer ses nerfs sur quelque chose à défaut de quelqu'un.
Il chassa l'image de ce « quelqu'un » indigne en débranchant le téléphone d'un coup sec, puis retourna dans la cuisine pour jeter l'œuf immangeable dans la poubelle. Il n'avait pas vraiment faim, mais il fallait qu'il occupe ses mains avec quelque chose. N'importe quoi. À défaut de pouvoir les utiliser pour exploser la tête d'Edward Elric.
Ce stupide Edward Elric.
Comment avait-il fait pour tomber amoureux d'un imbécile pareil ? D'ailleurs, pourquoi était-ce lui qui se retrouvait à devoir composer avec ce type soi-disant venu du futur pour lui dévoiler son avenir et pour le torturer psychologiquement avec des révélations dont il ne pouvait rien faire ? Pourquoi avait-il fallu que ce type-là soit aussi colérique, aussi impulsif, aussi impétueux ? Pourquoi ses actes irréfléchis n'avaient-ils d'égale que sa violence verbale ? Pourquoi opprimait-il son esprit en lui mettant sur le dos la mort future de son meilleur ami ; celui qui, moins d'une semaine auparavant, était devenu le père d'une adorable petite fille dont il avait lui-même été désigné comme le parrain ? Comment pourrait-il accepter de la voir devenir orpheline sans rien faire ?
Non, c'était impossible. Même s'il était sûr à cent pour cent des paroles d'Edward, même s'il était certain que la mort de son ami sauverait le pays, même s'il était le plus raisonnable des hommes, il ne pourrait pas laisser une chose pareille se produire sans intervenir. Ce serait plus fort que lui, ses sentiments prendraient le dessus sur sa raison et il tenterait de changer le cours des évènements. Hors de question de laisser Maes périr en toute connaissance de cause.
- Bordel, gronda Roy en balançant la poêle vide dans l'évier avant de quitter la cuisine.
Ca ne servait à rien qu'il mange quoi que ce soit : son estomac était trop noué par la colère, sa gorge serrée par la haine. Il n'avait qu'une seule envie : se défouler, cogner quelque chose, voire quelqu'un, de préférence. Ses yeux s'attardèrent sur sa montre qui lui indiqua qu'il était encore relativement tôt et qu'il avait peut-être une chance de pouvoir accéder au camp d'entrainement du QG avant qu'il ne ferme. Aussi se précipita-t-il dans sa chambre pour récupérer quelques vêtements avant de partir à la hâte de la maison, heureux de la laisser derrière lui.
Arrivé à la salle d'entrainement, il se changea avant de se diriger directement vers le coin des sacs de frappe sur lesquels ils se mit à se défouler complètement, imaginant qu'il s'agissait d'Edward. A mesure que ses poings heurtaient le cuir, que ses muscles se tendaient sous l'effort, que son cœur pressait sa respiration, le visage de son ennemi se transforma pour laisser place aux traits flous qu'il n'avait vu qu'une fois sur un croquis arraché, chez Madeleine, une dizaine de mois plus tôt : les homonculi, ceux qui étaient censés tuer Maes. Son esprit était si concentré sur son animosité qu'il s'enferma dans une bulle atemporelle, s'affranchit des limites de son corps pourtant peu habitué à ce genre d'exercices depuis qu'il était devenu un homme de bureau, indifférent à la plainte de ses membres, à son souffle erratique, aux tremblements de muscles.
- Eh ben, Lieutenant-Colonel, l'interrompit soudain une voix familière. Qu'est-ce qu'il vous a fait, ce pauvre sac ?
- Rien de plus que d'habitude, haleta Roy en suspendant ses gestes.
Il se tourna vers le sous-lieutenant Havoc avec une légère sensation de vertige qu'il dissimula sans mal. Ses poumons, eux, peinaient à lui faire avaler l'air correctement.
- Oh, fit le blond d'un air songeur. Pourtant je ne vous vois pas souvent dans le coin.
- J'ai une vie sociale à côté du travail, vous savez, répondit Roy après quelques secondes où il se contenta de calmer son anhélation.
- Oui, se renfrogna Havoc, bien au courant de cet aspect-là de sa vie et de la menace qu'il représentait pour sa vie amoureuse.
Roy s'assit sur un banc non loin de là et saisit la serviette qu'il avait apporté pour éponger son front couvert de sueur. Havoc, lui, ne semblait pas vouloir partir.
- C'est l'enquête qui vous met dans cet état-là ?
- Pas vraiment, répondit machinalement Roy sans vraiment réfléchir. Enfin, si. Ça fait deux mois qu'on est dessus et, franchement, je commence un peu à désespérer.
- Vous savez ce qu'on dit ? lui demanda Havoc.
- Dites toujours.
- Que si la résolvez, le Général Grumman envisage de vous promouvoir Colonel.
Roy le regarda avec des grands yeux, surpris par cette annonce prononcée avec nonchalance. Depuis plusieurs mois, il faisait acte de présence au bureau, mais ne travaillait pas tellement. Son esprit était ailleurs, dans la maison qu'il occupait avec Ed, incapable de se concentrer sur quoi que ce soit d'autre. Il était beaucoup trop heureux pour se soucier du reste, et son objectif initial, celui qui l'avait poussé à rejoindre l'armée, avait peu à peu été écarté sans qu'il ne s'en rende véritablement compte. L'affaire en cours, basée sur une série d'attentats qui avaient tous eu lieu dans la région Est, lui était un peu passée au-dessus de la tête, d'autant que les rebelles s'en prenaient à la figure du dirigeant du pays qu'ils qualifiaient de dictateur. Et il fallait dire qu'il n'en pensait pas moins.
Alors, certes, il faisait son travail, mais il n'y mettait pas beaucoup de cœur et ne donnait pas forcément les meilleures directives possibles. L'annonce d'un possible changement de grade à la clé était une perspective alléchante qui lui faisait se rendre compte du peu d'implication qu'il avait placé dans sa carrière ces derniers temps. S'il avait été un tant soit peu plus attentif, il aurait certainement su plus tôt qu'une promotion était possible et il aurait bouclé l'affaire bien plus efficacement. Il avait fait tellement de sacrifices pour en arriver là, et voilà qu'il se mettait à oublier ses idéaux pour les beaux yeux d'un pauvre type. Il était tombé bien bas.
- Quoi ? Vous ne saviez pas ?
- Si, mentit Roy en tâchant de reprendre une expression neutre.
Le blond hocha la tête avec un sourire un peu rêveur. Voyant que le silence s'éternisait, il regarda à gauche et à droite, gêné, puis finit par annoncer :
- Bon, eh bien, à demain lieutenant-colonel.
- Sous-lieutenant Havoc ?
- Oui ?
- Vous n'auriez pas une cigarette ?
Roy ne fumait jamais. Il n'aimait pas particulièrement ça, d'ailleurs. Mais, lorsqu'il était énervé, en fumer une lui permettait de se détendre, au moins un peu.
- Euh… Si, répondit Havoc, troublé. Vous venez avec moi dehors ?
- Je me rhabille et j'arrive.
Sans attendre que le sous-lieutenant ne réponde, Roy s'en alla dans les vestiaires, prit une douche express et sortit pour rejoindre Jean Havoc qui écrasait un mégot dans le cendrier public, non loin de l'entrée de la salle d'entrainement. Voyant son lieutenant-colonel le rejoindre, il lui tendit son paquet de cigarettes et Roy se servit avant de l'allumer une avec le briquet qu'Edward lui avait offert à Mithra. Ce rappel l'agaça, mais il chassa l'image du jeune homme en se concentrant sur Havoc.
- Alors, vous avez une petite amie, en ce moment ? demanda-t-il sans trop savoir de quoi il pouvait bien parler avec lui.
- Malheureusement non, déplora le grand blond avec dépit. Vous savez, je ne suis pas comme vous. C'est plutôt difficile, pour moi, d'aborder une femme.
- Vous ne devriez pas vous montrer aussi timide. Vous avez tout pour bien faire.
- Visiblement, elles préfèrent les hommes comme vous.
- Elles ont tort : ce n'est pas comme si elles pouvaient imaginer un avenir avec moi.
- Je pensais que vous aviez une petite amie, en ce moment.
Roy fronça les sourcils en tirant sur la cigarette. Il sentit ses poumons se charger de fumée et, paradoxalement, il se détendit un peu, scrutant son sous-lieutenant dont l'expression naïve n'avait définitivement rien de bien méchant.
- C'est vrai, admit Roy. Mais n'en parlez à personne.
- Oh, vous savez, ce n'est pas moi qui l'ai remarqué.
- Ah…
- D'habitude, vous vous tapez tout East City, et tout East City en parle. Alors, à force de ne plus entendre parler de vos exploits, tout le QG se met à se poser des questions.
- Je vois.
- Je suis content pour vous, lieutenant-colonel.
- Moi pas.
C'était sorti tout seul, alors qu'il ne pensait pas vouloir se confier, et certainement pas à l'un de ses collègues. Encore moins à Jean Havoc qui, s'il lui était très loyal, n'était pas le genre de personne qui savait garder un secret. Non pas qu'il aimât particulièrement faire circuler des bruits de couloir – encore qu'avec l'influence du sous-lieutenant Breda, c'était à voir… -, mais il n'était pas le genre d'homme à savoir mentir et pouvait se montrer gaffeur lorsqu'il détenait une information dont il n'était pas censé parler.
- Oubliez ce que je viens de dire, ajouta Roy immédiatement après avoir compris son erreur.
- Vous semblez bien remonté contre elle, hésita Havoc.
Roy ne répondit pas, bien décidé à garder le silence, cette fois. Le sous-lieutenant sembla s'en rendre compte et prit un air pensif tandis qu'il allumait une nouvelle cigarette. Roy, lui, terminait la sienne – et il était temps qu'il clôture définitivement cette discussion. Au moment où il se débarrassait de son mégot, Havoc rompit le silence :
- Vous savez, je connais pas votre copine, mais j'imagine que vous devez sacrément tenir à elle si vous vous êtes décidé à vous caser.
- Cela ne vous regarde pas.
- C'est vrai, je… je suis désolé. Excusez-moi… Je… je suis maladroit. C'est peut-être pour ça que mes copines finissent toutes par me larguer, ajouta-t-il avec un humour qui s'accompagnait d'un sourire contrit.
Roy soupira, bien conscient que son subordonné ne pensait pas à mal. Embarrassé, Jean Havoc passa sa main derrière sa propre tête et lui adressa un sourire un peu forcé.
- Vous m'excuserez, mais je vais devoir y aller, fit le grand blond en voyant que le lieutenant-colonel ne répondait rien. Alors… Euh… A demain…
Il s'enfuit précipitamment dans une démarche un peu maladroite que la grandeur de son corps rendait un peu ridicule. Roy ne put s'empêcher de s'amuser à le voir s'éloigner ainsi, puis il partit de son côté en direction de chez lui. Mais les paroles d'Havoc résonnèrent dans sa tête et il changea finalement de direction pour retourner au QG d'East City, prendre place dans la salle qu'il occupait à longueur de journée et se mettre à ressortir tous les documents de l'affaire en cours, allant jusqu'à fouiller dans les bureaux plus ou moins ordonnés de ses collègues pour récupérer tous les éléments.
Deux mois de travail fumeux, d'enquête à peine étudiée, de dossiers négligemment signés, d'ordres donnés avec désinvolture : il fallait qu'il reprenne tout cela, qu'il reparte de zéro, qu'il s'émancipe de toute sorte de distraction pour régler l'affaire pour de bon. Le Sous-Lieutenant Breda avait beau être adroit et astucieux, il n'était pas aussi bon stratège que lui et n'était de toute manière pas en charge du dossier. Alors, lorsque le Lieutenant-Colonel avait balayé d'un revers de main toutes ses hypothèses pour classer au plus vite les dossiers, le Sous-Lieutenant Breda s'était plié à ses ordres. Quant à Riza Hawkeye, si elle était une excellente tireuse et la personne la plus sérieuse de son équipe, elle n'avait pas ses capacités de déduction ; Falman avait beau être un dictionnaire humain, il n'était pas très efficace quand il s'agissait de lier des évènements les uns avec les autres ; Havoc avait un poil dans la main lorsqu'il s'agissait du travail de bureau et, de toute évidence, c'était pour ses capacités à agir efficacement sur le terrain qu'il l'avait pris dans son équipe ; quant à Fuery, il était encore jeune et inexpérimenté et cela faisait plusieurs semaines qu'il avait été réquisitionné par une autre équipe faute d'avoir suffisamment de travail de communication dans la sienne. Il fallait se rendre à l'évidence : la moitié de son équipe ne servait actuellement à rien puisqu'il ne lui donnait aucun os à ronger tandis que l'autre moitié tentait d'œuvrer ou de le faire besogner sans grand succès puisqu'il ne sortait pas les mains de ses poches et ignorait nonchalamment leurs hypothèses pour se tourner sur des cas plus faciles à résoudre qui lui permettaient de quitter le bureau à l'heure tous les jours.
- Comment est-ce que j'ai pu déconner comme ça ? se flagella-t-il en se rendant compte de l'ampleur de sa connerie.
Lorsque le Lieutenant Hawkeye arriva au quartier général, le lendemain matin, elle trouva le Lieutenant-Colonel en plein travail, le bureau dans un désordre rare, la pièce complètement réaménagée avec des tableaux de liège qui sortaient d'on ne savait où, punaisés de documents et de photographies réimprimées, de cordages de laine qui liaient les évènements les uns aux autres tandis que, sur un tableau noir, des mots à la craie avaient été tracés, élaborant des hypothèses et des raisonnements qui allaient franchement plus loin que tout ce que l'enquête avait donné jusque-là. Le Lieutenant, plutôt que de s'énerver d'un tel chaos, tourna les talons et revint quelques minutes plus tard avec un café bien noir qu'elle donna à son supérieur.
- Bon retour parmi nous, fit-elle simplement tandis que Roy récupérait le café pour en boire quelques gorgées.
- Il faudrait récupérer le Sergent Fuery, grogna-t-il pour toute réponse.
- Bien, Lieutenant-Colonel.
Lorsque ses autres subordonnés arrivèrent au bureau, ils perçurent immédiatement le changement de dynamisme de leur supérieur. Le Sous-Lieutenant Breda fut sans doute celui qui s'en réjouit le plus. Il s'immisça immédiatement dans les théories de Roy, enfin capable d'exposer ses suppositions et ses raisonnements sans se heurter à un mur sourd à tout avancement. Le Sergent Fuery revint joyeusement dans l'équipe en début d'après-midi et se retrouva à devoir gérer de nombreux points de surveillances, répondant aux questions de son supérieur et contactant d'autres experts en communication qui travaillaient dans d'autres villes de la région Est ayant été touchées par les attentats du groupe actif contre lequel ils se battaient, ou d'autres susceptibles d'en être les prochaines cibles.
A la fin de la journée, l'enquête n'avait jamais autant avancé et, même si les solutions n'étaient pas encore à portée de main, tous se sentaient optimistes quant aux résultats trouvés. Vers vingt heures, tout le monde était reparti en-dehors de Roy et de son Lieutenant, et celle-ci finit par mettre un point final au rapport sur lequel elle travaillait jusque-là avant de lever un œil vers son supérieur.
- Je vais y aller, Lieutenant-Colonel, signala-t-elle.
- Bonne soirée, Lieutenant, répondit Roy sans lever ses yeux de sa lecture.
- Depuis combien de temps êtes-vous au bureau ?
Roy soupira et se frotta les yeux, fatigué malgré lui.
- Ça ne sert à rien que vous restiez plus longtemps, indiqua la jeune femme. Vous devriez aller vous reposer pour repartir plus efficacement demain matin.
Roy leva la tête pour la dévisager, puis laissa échapper une longue respiration.
- Vous avez raison, concéda-t-il. Je vais vous suivre.
Il abandonna sa paperasse et se leva, récupérant la veste de son uniforme au passage. Il faisait tellement chaud qu'il l'avait laissée de côté pendant la journée et avait même ouvert quelques boutons de sa chemise en espérant trouver un peu de fraicheur. Le Lieutenant Hawkeye l'attendit à la porte, puis ils refermèrent le bureau avant de traverser le QG en silence. Ce n'est qu'en arrivant en bas des escaliers du bâtiment, au moment de leur séparation, que la blonde se tourna vers lui pour demander :
- Que s'est-il passé ?
- Pas grand-chose, répondit Roy en haussant les épaules.
- Qu'est-il encore arrivé à votre « cousin » ?
Roy soupira, trop exténué pour avoir cette conversation.
- Pourquoi est-ce que tout le monde pense que c'est à cause de lui ?
- Parce que c'est toujours à cause de lui.
Le Lieutenant-Colonel scruta son Lieutenant, contrarié. Il avait travaillé toute la nuit et toute la journée, oubliant un instant Edward et ses propos. A présent, elle lui renvoyait ses problèmes en pleine figure.
- Je ne sais pas pourquoi vous lui faite confiance, ni ce que vous manigancez avec lui, ni pourquoi le Commandant Hughes semble l'apprécier. Moi, ce que je vois, c'est qu'il perturbe la qualité de votre travail, vous détourne de vos objectifs et rend votre comportement instable. J'ai de plus en plus de mal à vous cerner, et je dois avouer que ça m'a fait plaisir de vous avoir retrouvé avec toutes vos capacités et votre sérieux aujourd'hui.
L'expression de Roy s'était peu à peu fermée à mesure de la remontrance de Riza Hawkeye. Il avait l'impression de se faire remonter les bretelles comme s'il avait été un enfant irresponsable, et, ce qui était le plus douloureux, c'est que c'était peut-être le cas. Il n'avait pas grand-chose à dire pour sa défense et, même s'il était officiellement le supérieur hiérarchique de la jeune femme, il lui avait donné tous les droits de lui parler franchement, de le guider sur le droit chemin et, s'il s'en écartait trop et perdait raison, de prendre les mesures nécessaires qui l'empêcheraient de nuire. Pour toutes ces raisons, Roy se contenta de hocher la tête sans oser protester : que pouvait-il lui dire, de toute manière ? Il se voyait mal lui annoncer : « Vous vous souvenez de ce gamin amputé et de son frère enfermé dans une armure que nous sommes allés voir il y a presque un an ? Eh bien, mon cousin, c'est ce type-là, venu du futur, et qui essaie de changer les évènements. Ah, et, aussi, il est devenu la personne que j'aime le plus au monde ». C'était complètement absurde et ça n'excusait rien. Au contraire.
Voyant que Roy avait accepté son sermon sans broncher, l'expression du Lieutenant Hawkeye s'adoucit un peu.
- Monsieur Mustang, je sais vous avoir déjà posé cette question, mais qui est-il ? Je me doute bien que vous ne donneriez pas votre confiance à n'importe qui. Que vous avez vos raisons. Mais je crois aussi qu'il est temps que vous vous confiiez à quelqu'un. Si ce n'est pas moi, peut-être que vous devriez en parler au Commandant Hughes. Il a l'air d'en savoir plus que moi sur lui : je ne sais pas ce qu'il a découvert, il n'a pas voulu m'en parler. Mais lui comme moi, nous sommes derrière vous et nous vous soutiendrons jusqu'au bout pour atteindre votre but. Alors vous devriez nous mettre dans la confidence pour qu'on puisse vous comprendre.
Roy envisagea sérieusement de tout lui raconter. Il avait besoin d'alliés, il avait besoin qu'on lui dise quoi faire, il avait besoin de ne pas être tout seul à décider de l'avenir d'Amestris. Malgré tout, il n'avait pas envie d'entrainer quelqu'un d'autre dans son enfer.
- Lieutenant, je vous fais entièrement confiance. Je vais réfléchir à votre proposition, mais vous ne pourrez pas réellement m'aider face à ce que j'ai à dire.
- Deux esprits valent mieux qu'un, répondit-elle sagement en lui adressant l'un de ses rares sourires.
Il le lui rendit faiblement. Il se sentait complètement vidé, entre sa dispute avec Ed, son entrainement de la veille, sa nuit blanche, ses réalisations, ses réflexions, et l'affaire sur laquelle il s'était enfin penché sérieusement. Il n'avait qu'une envie : rentrer chez lui et s'enfoncer dans son matelas pour s'y perdre dans un sommeil sans rêves. Le jeune Lieutenant-Colonel prit donc congés de sa subordonnée et retourna chez lui. Par réflexe, il appuya sur le répondeur avant de commencer à se débarrasser de ses bottes. Alors qu'il commençait à les délasser, la voix d'Edward se mit à raisonner dans la pièce, sérieuse, presque frêle.
« Roy, c'est moi. Je voulais te dire que tu pouvais m'appeler à ce numéro, à Central. Je vais encore rester un peu en ville. Je suis désolé pour notre dispute, je ne pensais pas ce que je disais. Je t'aime. Tu me manques ».
Sa voix avait arrêté les gestes de Roy, son cœur s'était mis à battre contre sa poitrine, rassuré de l'entendre, heureux de savoir qu'il pensait à lui malgré leur dispute. Mais son ventre se noua, sa gorge s'assécha, son corps entier se figea. Son timbre sonnait différemment, ses paroles n'étaient pas les siennes. Ce n'était pas le genre d'Edward de s'excuser, de lui dire qu'il l'aimait et qu'il lui manquait dans trois phrases successives. Il s'était indubitablement passé quelque chose. Qu'était-il arrivé à Central ? Dans quel pétrin s'était-il encore fourré ?
Lorsque le « bip » du répondeur laissa place au silence, Roy bondit sur le téléphone et rappela le dernier numéro qui l'avait appelé.
- Hôtel Couleur D'Est, bonsoir.
- Bonsoir. Est-ce que je pourrais parler à Edw-… Edmund Ford, s'il vous plait. Il a essayé de m'appeler. Il doit être client dans votre établissement.
- De la part de ?
- Son cousin, Roy.
- Ne quittez pas.
Il attendit tandis qu'une petite musique inutile accompagnait son angoisse.
- Roy ? appela soudain la voix d'Edward.
- Edward, souffla Roy, soulagé malgré lui d'entendre sa voix à son oreille. Tu vas bien ?
Il y eut un court silence.
- Roy, je suis désolé d'être parti comme ça, s'excusa Edward dans une sincérité presque fragile qui ne rassura pas du tout Roy. Je n'aurais pas dû.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? demanda aussitôt le militaire, inquiet.
- Rien. Juste que tu me manques.
- Edward, tu ne sais pas mentir.
Il y eut un nouveau silence pendant lequel Roy retint son souffle. Edward devait être en train de peser le pour et le contre. Il espérait que ce n'était pas grave, qu'il n'avait pas fait un truc aussi stupide que la dernière fois qu'il avait été à Central. Roy se revoyait, dans la voiture aux côtés de Riza, à se ronger les sangs tandis qu'il attendait, terrassé par la peur, que la police ne vienne récupérer Edward chez Barry Le Boucher.
- J'ai rencontré Shou Tucker, lâcha finalement Edward.
L'alchimiste tisseur de vie. Celui qui allait transmuter sa femme et sa fille en chimères, traumatiser les deux enfants Elric, marquer Edward à vie des atrocités que l'on pouvait faire avec l'alchimie.
- Qu'as-tu fais ? demanda Roy, tentant de garder la voix la plus neutre possible, bien qu'il se sentît paniquer à l'idée qu'Edward ait une nouvelle fois agi impulsivement.
- Rien, rassura Edward précipitamment. J'ai juste parlé à sa femme.
- Qu'est-ce que tu lui as dit ?
- Que son mari était dangereux. Qu'il fallait qu'elle parte avec sa fille.
- Edward, tu ne dois pas faire ce genre de choses !
- Elle ne m'a pas cru, de toute façon. Elle m'a vite viré de chez elle.
La voix d'Edward était enrouée. Roy imaginait sans mal le choc que cette rencontre avait pu être pour lui. Sa rancune s'était envolée : sa seule pensée allait à son bouleversement qu'il aurait voulu alléger d'une étreinte.
- Je ne veux pas que ça se reproduise, Roy. Je ne sais pas quoi faire.
- Attends un peu, souffla Roy. Tu as encore deux ans pour faire quelque chose avant qu'il ne s'en prenne à sa femme. Mais arrête de laisser tes instincts et ta colère te conduire…
Ses paroles semblèrent troubler Edward puisqu'il l'entendit prendre une inspiration sans pour autant commenter.
- Je t'aiderai, compléta Roy après un instant.
- … Quoi ? résonna sa voix rauque contre son tympan.
- Je t'aiderai. On va tout changer. Il est hors de question que Maes meurt, qu'Elysia grandisse sans lui, que Gracia soit laissée seule alors que nous pouvons faire quelque chose.
- Roy…
- Tu m'as balancé ça en pleine figure, cracha Roy que la rage reprenait. Tu devrais être content : tu m'as encore fait changer d'avis. Et je t'interdis d'essayer de me contrarier.
Edward avait regretté d'être parti fâché avec Roy à l'instant même où son train avait commencé à s'éloigner du quai. Il avait maudit son impulsivité, ses actes, ses paroles. En reprochant à Roy de ne pas vouloir sauver Hughes, il l'avait aussi incité à le faire. Or, la mort de Hughes avait fait avancer les choses. Elle était donc nécessaire s'il voulait faire en sorte qu'Amestris soit encore debout après le Jour Promis. Il avait retourné le problème dans tous les sens, mais il ne comprenait pas comment le sauver : s'il le faisait, quelqu'un d'autre mourrait invariablement. C'était le principe même de l'échange équivalent. Ce soir-là, allongé dans son lit, il avait été incapable de s'endormir, tiraillé entre la culpabilité d'avoir quitté Roy en mauvais termes et par l'impossibilité de changer le cours des évènements qui allaient avoir lieu. Sauf s'il prenait le risque de tout changer sans se soucier des conséquences et de voir si cela menait Amestris à sa perte. Cela lui semblait pourtant cher payé pour un simple test.
- Il faut qu'on discute de ça ensemble, répondit prudemment Edward.
- Edward : aller dans le sud, rencontrer la mère de Nina, arrêter Barry le Boucher… Tout ça, c'est parce que tu n'as pas supporté que les drames que tu as vécus se reproduisent. Alors, moi aussi, je ne supporterai pas que les drames que tu as vécus, que je vivrai, se produisent. Tu dis qu'il faut être prudent, mais tu es tout sauf prudent. Maintenant on va agir, mais on va réfléchir avant. Pas jouer les crétins comme tu le fais depuis un an.
Edward déglutit, encaissant la colère de Roy qui montait progressivement. Il n'avait pas envie de le contrarier. Pas encore. Pas au téléphone. Pas tant qu'ils ne s'étaient pas véritablement réconciliés.
- D'accord, accepta Edward, conciliant. On va dresser un plan pour savoir comment on agit. Est-ce que tu penses pouvoir me rejoindre chez Madeleine ?
- J'ai une affaire en cours.
Le cœur d'Edward se serra et il se sentit soudain très mal. Il avait prévu de partir dans le sud. Il ne savait pas combien de temps il serait absent, ni les horreurs qu'il allait vivre. Il aurait voulu revoir Roy une dernière fois avant son départ.
- Je vais essayer de la boucler le plus vite possible, ajouta Roy. On verra si on me laisse du temps libre ensuite.
- Je pars chez Madeleine demain. Je te laisse son numéro ? Que tu puisses me contacter ?
- Vas-y, je note.
Edward sortit son carnet d'adresse d'une main tremblante et se mit à énoncer la série de chiffres qui lui permettrait d'avoir l'espoir que Roy veuille bien le contacter. Un fois fait, il ajouta, incertain :
- Roy, je suis vraiment désolé. Je m'en veux terriblement. J'espère que tu n'es pas trop fâché contre moi. J'aimerais vraiment qu'on se revoie pour qu'on discute.
- Ca ne dépend pas de moi.
- Roy…
- Ed, je suis complètement claqué. J'ai besoin de dormir, donc je vais te laisser. Appelle-moi demain pour me dire que tu es bien arrivé. En attendant, ne fais pas de conneries.
- … D'accord.
- Bonne nuit.
- Bonne nuit. Roy, je…
Roy raccrocha.
- … t'aime…
Ca fait mal.
Ca fait atrocement mal.
Terrassé, Edward reposa doucement le combiné téléphonique sur son socle et remonta dans sa chambre en trainant des pieds, complètement abattu. Il s'écrasa sur le lit, délaissant son bureau et ses documents d'étude, pour s'étouffer de l'odeur désespérément neutre des draps, pour enlacer son oreiller dépourvu de toute chaleur humaine, pour désespérer de ne pas sentir des bras s'enrouler autour de lui.
- Putain, maugréa-t-il en laissant machinalement retomber sa tête sur l'oreiller à plusieurs reprises. T'es qu'un con, Ed. T'es vraiment qu'un con.
Il regrettait tellement d'être parti. Tout ça pour aller on ne savait où pour faire on ne savait quoi. D'accord, la perspective de revoir Isabelle et Gabin l'avait franchement motivé ; son emportement l'avait aussi fait bouger. Mais, honnêtement, est-ce que ça valait vraiment la peine de partir de manière aussi dramatiquement ridicule ? Est-ce que ça valait la peine de blesser Roy de la manière la plus horrible qui soit ? Est-ce que ça valait la peine de recommencer à tout gâcher comme il l'avait fait avec Winry, en voyageant sans cesse, sans dire systématiquement où il allait, ni pour combien de temps ? Est-ce que ça valait encore la peine de tout détruire juste parce qu'il était trop impulsif et incapable de réagir correctement face à des situations imprévues ? Est-ce que ça valait la peine d'anéantir leur relation seulement parce qu'il était incapable de rester tranquille, incapable de vivre une vie normale, sans action, sans énigme, sans bataille ?
Il avait envie de se lever, de prendre ses cliques et ses claques pour retourner à East City et se répandre en excuses jusqu'à ce que Roy accepte de le prendre dans ses bras, de le garder avec lui, de le guider dans leur lit pour le retrouver dans une étreinte au goût d'éternité.
Cette idée figea complètement Edward, réalisant soudain à quel point la profondeur de ses sentiments s'apparentait à une certaine dépendance.
Autrefois, il ne regrettait presque jamais de laisser Winry. Elle ne lui manquait d'ailleurs pas tant que ça, lorsqu'ils étaient ensemble, même si leurs retrouvailles lui apportaient toujours une joie immense. Leurs disputes le laissaient fulminant mais rarement coupable. Il n'avait jamais vraiment eu peur de la perdre, et, lorsqu'elle avait pris la décision de se séparer de lui, il l'avait accepté avec regret, consolé malgré tout par l'idée qu'elle restait son amie d'enfance et qu'ils se reverraient régulièrement. Il l'avait sincèrement aimé, mais il ne l'avait pas fait correctement, ni ne lui avait offert l'attention qu'elle méritait. Il avait continué de vivre selon ses habitudes et elle s'était accommodée de sa personnalité telle qu'elle la connaissait déjà. Il n'avait pas vraiment fait d'efforts, il n'avait jamais eu besoin d'elle, et, au bout de quatre ans, il l'avait payé.
Roy, lui, ne se laisserait pas traiter de la même manière. Edward n'avait pas envie non plus de refaire les mêmes erreurs et, de toute manière, il ne pourrait même pas les refaire : ils s'étaient quittés moins de quarante-huit heures et il lui manquait déjà horriblement. Il ne pouvait pas laisser Isabelle et les enfants chez Madeleine sans faire acte de présence, mais si Roy ne pouvait pas venir, ou ne voulait pas venir avant qu'il ne doive partir dans le sud, il ferait le détour par East City, quitte à retarder son départ. C'était hors de question qu'il disparaisse sans s'expliquer. C'était hors de question qu'il parte là-bas avec le goût amer de la colère, le déchirement de la dispute et la peur de ne jamais pouvoir régler cette situation. C'était hors de question de s'éloigner sans se presser une dernière fois dans ses bras, sans entendre une dernière fois sa voix, sans s'imprégner de lui, de sa force dont il avait terriblement besoin.
La journée avait été tellement difficile. Il avait sérieusement songé à assassiner Shou Tucker en le voyant. Il l'avait pris en filature, la haine pulsant dans ses veines, s'était apprêté à bondir au détour d'une rue vide, à le battre jusqu'au sang, jusqu'au dernier souffle de vie. Il n'avait pas seulement pensé à le faire, il avait ressenti le besoin de le faire. La dernière fois, Alphonse avait été là pour l'arrêter. Aujourd'hui, Alphonse n'avait pas été avec lui et il n'avait pas pu l'arrêter. Mais il n'était pas un meurtrier et il s'était finalement dégonflé. Il s'était effondré sur un banc, le regard vide, sa conscience détruite, laissant filer un Shou Tucker inconscient du danger qu'il avait couru et totalement indemne. Alors quoi ? Il n'avait rien trouvé de mieux à faire que d'aller discuter avec sa femme, de lui faire peur, de passer pour un aliéné. Même si Roy avait raccroché, ce soir, sans lui avoir accordé son pardon, il l'avait au moins rassuré sur ce point : il avait encore deux ans pour faire quelque chose, et c'était bien suffisant pour avoir l'esprit un peu en paix.
Edward soupira, conscient que la nuit allait être longue ; conscient aussi que, dans l'état dans lequel il était, seules les recherches et le travail pourraient le soulager. Ce n'est que le lendemain matin, une fois dans le train pour West City, qu'il réussit à tomber de fatigue pendant le trajet. Après un changement en direction d'Oysixayxe, il s'effondra de nouveau et arriva finalement en ville sous des torrents d'eau. C'est donc trempé de la tête aux pieds, le pantalon couvert de boue, qu'il parvint jusqu'à la maison de Madeleine, frigorifié malgré le mois d'août. Les aboiements de Oups accueillirent les quelques coups qu'il donna à la porte et, finalement, il se retrouva nez à nez avec une Madeleine couverte de sciure. Son sourire sincère et sa joie de la revoir ne suffirent pas à adoucir son air contrarié et, avant même qu'il n'ait eu le temps de la saluer, elle s'écarta de l'ouverture pour le laisser passer.
- Aller, entre, somma-t-elle sur un ton grognon.
Edward ne s'attendait pas tellement à être accueilli les bras ouverts, mais il ne put s'empêcher d'être déçu par la froideur de la jeune femme à qui il vouait une amitié sincère. Heureusement, voir la boule de poil fauve foncer sur lui en quête de caresses le soulagea un peu.
- Laisse tes affaires ici, j'ai pas envie que tu foutes de la boue partout, prévint Madeleine qui disparut dans la pièce d'à-côté. Je vais te chercher un pantalon.
Edward acquiesça, même s'il n'y avait plus personne pour le voir en-dehors du chien, et s'exécuta de peur de contrarier la jeune femme. Il se débarrassa de ses affaires et termina en caleçon dans l'entrée, terriblement mal à l'aise. Seulement, il n'eut pas le temps de trouver le temps long qu'il se retrouvait nez à nez avec Isabelle. Un bonheur sincère gonfla soudain sa poitrine, dessinant un sourire sur son visage et le poussant à s'avancer dans un élan ou il aurait voulu la prendre dans ses bras. Mais l'expression d'Isabelle était fermée et elle croisa les bras, le jaugeant de la tête au pied avec suspicion.
- C'est bien toi ? demanda-t-elle presque froidement.
Edward n'avait pas l'habitude d'un tel comportement chez elle et il en fut déstabilisé. Pendant un instant, il ne sut quoi répondre.
- Hortensia, répondit-il finalement.
- Limonade.
- Il y a un autre moyen de savoir, ajouta Edward en remontant son caleçon sur sa cuisse gauche. Ici, il a un tatouage : c'est un serpent qui se mord la queue. C'est la seule chose, je pense, qui ne peut pas être effacée chez lui.
- C'est bon à savoir, acquiesça Isabelle en remontant les pans de sa robe un peu trop large pour lui montrer sa jambe immaculée.
Isabelle était une femme aux formes plutôt généreuses, mais Edward voyait bien qu'elle avait maigri pendant les trois mois qu'il ne l'avait pas vu. Cela l'attrista, bien qu'il fût soulagé de voir que sa cuisse était aussi immaculée que la sienne.
- Eric ! s'étonna soudain la voix de Gabin.
L'adolescent venait d'arriver dans le couloir et se précipita dans les bras d'Edward sans aucune forme de prudence et avec une maladresse qui désarçonna de son nez les lunettes que le faux brun arborait quotidiennement. Edward le réceptionna, un peu surpris, mais franchement ravi de voir le garçon et encore plus touché par son enthousiasme. Il le pressa contre lui en laissant échapper une exclamation réjouie tandis qu'Isabelle, elle, desserrait les bras et laissait enfin apparaitre sur son visage la vraie nature de ses émotions. Elle attendit que Gabin recule pour s'approcher elle aussi d'Edward dans une accolade enjouée. Madeleine arriva à se moment-là, visiblement toujours aussi agacée, et Edward dû relâcher la jeune femme blonde pour récupérer le pantalon que son hôte lui tendait.
- Tu me dois des explications, grogna Madeleine, mécontente. Tu as sérieusement cru que ce serait une bonne idée de m'envoyer un troupeau de gamins clandestins ?
- Etant données les circonstances de mon évasion, je n'ai pas eu le temps de réfléchir à un plan. Tu te doutes bien que je préférais éviter qu'ils remontent jusqu'à nous…
- Ah, parce qu'en plus, Mustang s'est mêlé à tout ça ?
- Non, bien sûr que non… Mais s'ils me retrouvent, ils le retrouvent automatiquement aussi, et ce serait une catastrophe s'il était lié à moi.
- Je ne t'ai pas aidé par le passé pour que tu t'amuses à jouer avec la vie des gens.
- Je ne joue pas avec la vie des gens ! s'offusqua Edward.
- Non, pas du tout, ironisa Madeleine. Tu n'es pas du tout en train de te mêler de ce qui ne te regarde pas plutôt que de rentrer chez toi.
Edward hésita, son regard passant furtivement sur Isabelle et Gabin.
- Je n'ai pas encore trouvé de solution pour le faire, expliqua-t-il lentement.
- Normal, si tu passes ton temps à voyager partout plutôt que de te concentrer sur tes recherches.
Elle le fusillait du regard et il avait envie de lui répondre que cette histoire ne la regardait pas. Mais ce n'était pas vrai : elle avait accepté de lui montrer les travaux alchimiques et élixirologiques de son oncle et de sa tante pour l'aider à rentrer chez lui, pour que les choses rentrent dans l'ordre et qu'elle puisse vivre en paix avec elle-même et avec le passé de sa famille. Pas pour qu'il se mette à changer la face du monde et commence à l'impliquer dans des choses dont elle ne voulait même pas entendre parler. Comme Edward ne disait rien, elle soupira et ferma les yeux avant de se reconstituer un visage plus amical.
- Tu t'es coupé les cheveux, remarqua-t-elle.
- C'est une longue histoire, mais oui… Tu as maigri.
- Avec la crise actuelle, j'ai dû changer mon régime alimentaire. J'ai appris que c'était ta brillante idée, d'ailleurs.
- C'est un peu plus compliqué que ça…
- Ca fait plaisir de te voir.
Edward ne put s'empêcher d'être surpris pas la sincérité qui perçait dans cette déclaration, étant donné l'accueil glacial auquel il avait eu droit. Cela dit, avant qu'il n'arrive à convaincre Madeleine de rentrer chez elle, la première fois, il fallait bien admettre qu'il s'agissait d'une femme un peu rustre dont le fort caractère était accentué par sa petite silhouette sèche.
- Moi aussi, ça me fait plaisir de te voir, avoua-t-il finalement en s'autorisant un sourire.
- Aller, on va pas rester dans l'entrée, coupa Madeleine. Je vais nous faire une tisane. J'espère que ça te va : de toute manière il n'y a que ça.
Elle s'éclipsa, laissant Edward amusé par son comportement. Il se rendit compte qu'il tenait toujours le pantalon à la main et il l'enfila donc sous les regards étonnés de Gabin et d'Isabelle qui n'avaient pas tout suivi à l'échange qui s'était déroulé sous leurs yeux.
- C'est quoi cette histoire de « rentrer chez toi » ? demanda alors Isabelle. Je croyais que tu vivais en ville avec ta petite amie.
- C'est… compliqué… répondit Edward.
- Tu as une petite amie ? s'étonna Gabin.
- Allons dans le séjour, je crois que vous avez beaucoup de choses à me raconter, coupa Edward.
- Je crois que c'est toi qui as beaucoup de choses à nous raconter, le contredit Isabelle.
Edward ne releva pas, laissant ses deux amis passer devant lui pour se rendre dans le salon. Il les suivit, étendit ses affaires mouillées sur le pare-feu de la cheminée et se laissa tomber dans un fauteuil tandis que les deux autres s'asseyaient sur le canapé, juste en face de lui.
- C'est fou ce qu'il fait mauvais, se plaignit-il d'un ton badin. Ça donne pas l'impression qu'on est en été.
- Eric, interrompit Isabelle. Ou Edward. Je ne sais plus comment t'appeler… Il va falloir que tu nous expliques ce qu'il se passe.
- Je ne sais pas ce que vous avez découvert, ni ce qu'il s'est passé dans le sud. J'ai quelques informations parce qu'un ami à moi travaille dans l'armée, mais je n'ai, en réalité, aucune idée de ce qu'il se passe vraiment. Et je ne sais pas non plus ce qui vous a finalement fait changer d'avis pour venir ici. D'ailleurs, vous n'êtes que tous les deux ?
- Non, il y a aussi Valentin et les deux filles. Mais il ne vaut mieux pas les appeler maintenant parce que Valentin… Il risque de ne pas t'accueillir correctement.
- Je vois… Et Adrien ? Et Yves et Vivianne ?
- C'est nous qui avons des questions.
- Écoutez, je veux bien répondre à certaines de vos interrogations, mais je ne peux pas tout vous dire. Tout ça nous dépasse complètement… Alors, ce que je vous propose, c'est que vous me racontiez ce qu'il vous est arrivé et ensuite, je répondrais aux questions auxquelles je peux répondre.
Isabelle le scruta, lisant probablement en lui comme dans un livre ouvert. Il ne voulait rien lui cacher, et la seule raison pour laquelle il gardait encore des mystères était pour la protéger et aussi peut-être un peu pour ne pas passer pour un fou. Madeleine interrompit l'inspection d'Isabelle en posant des tasses et une théière sur la table basse. Isabelle soupira, puis s'enfonça dans le canapé avant de commencer à parler. Elle raconta ce qu'il s'était passé après son départ, la colère des paysans, l'injustice du gouvernement, le départ d'Yves et Vivianne pour le front, leur retour à la ferme, son escapade avec Adrien jusqu'à la maison d'Idamie, leur périple pour rejoindre Oysixayxe. Le visage d'Edward s'était assombri à mesure que le récit progressait, mais il n'était pas franchement surpris par ces annonces qui ne faisaient que confirmer ses hypothèses. Lorsqu'Isabelle se tut, il n'eut pas le temps de répondre quoi que ce soit que Madeleine prenait la parole.
- Je ne voulais pas entendre tout ça. Mais maintenant que je l'ai entendu, je vous conseille une chose : laissez tomber.
- Comment est-ce que vous pouvez dire une chose pareille ? s'interloqua Isabelle.
- Vous allez vous attirer des ennuis, et il y a des gosses dans l'histoire. Alors, franchement… Et toi, Edward, tu ferais mieux de te taire. Je crois que tu en as suffisamment fait.
Elle avait refusé qu'il lui raconte ce qui allait se passer, et elle avait eu raison. Il avait déjà fait suffisamment de dégâts en révélant le futur à Roy.
- Vous n'avez pas à lui dire quoi faire, s'impatienta Isabelle. On est venu ici exprès pour avoir des réponses. J'en ai marre de rester dans l'ignorance, et si vous ne voulez rien savoir, alors ne restez pas ici.
- Vous n'avez aucune idée de la vérité, cassa froidement Madeleine.
- C'est bien pour ça que je suis ici.
- Vous ne voulez pas la connaitre.
- Comment est-ce que vous pouvez en être aussi sûre ?
- C'est bon, coupa Edward. Arrêtez de vous disputer, ça ne sert à rien.
- Alors, tu sais qui sont les personnes qui se sont infiltrés chez Idamie et Christophe ?
- Oui.
Il y eut un silence et Edward leva les yeux vers Madeleine qui tourna la tête.
- Faites ce que vous voulez, je retourne travailler.
Elle disparut, les laissant tous les trois seuls.
- Pourquoi elle réagit comme ça ? interrogea naïvement Gabin.
- Il y a des gens comme ça qui préfèrent se voiler la face, répondit Isabelle.
- Elle connait des choses qu'elle n'aurait pas voulu connaitre, défendit Edward. Et si vous le saviez aussi, vous ne voudriez pas le savoir non plus. Vous avez eu raison d'aller chercher Yves et Vivianne sur le front, les choses ne vont pas bien se dérouler. En revanche, se rendre à Fosset, ce n'est vraiment pas la meilleure idée du monde.
- Eric, il faut que tu nous expliques, maintenant… D'après ce que j'ai vu, les mises en scène, les empreintes monstrueuses chez Idamie… C'est absolument terrible, mais… Qu'est-ce qu'il se passe ? On dirait que le gouvernement est lié à tout ça. Ou, en tout cas, que certaines personnes du gouvernement font des choses qui… Tu as dit qu'il y allait avoir un massacre. Comment est-ce que tu sais ça ? Pourquoi es-tu si sûr de ce que tu avances ? Pourquoi est-ce que tu es venu dans le sud si tu savais que les choses allaient mal se passer ? Qui t'informe ? Qui es-tu ?
Edward resta muet, incertain. La jeune femme avait compris plus de choses que ce qu'il n'aurait cru et il était difficile de lui dire de laisser tomber. Elle avait cette expression déterminée qu'Alphonse avait parfois et qu'il partageait avec lui : il était bien placé pour savoir qu'elle ne laisserait pas tomber. Son regard s'attarda sur Gabin, attentif à leur échange : s'il fallait qu'il parle, il faudrait l'écarter. Il était trop jeune pour savoir ce genre de choses et pour porter sur ses épaules les révélations qu'il pourrait se permettre de donner.
- Mon identité pourrait vous apporter beaucoup de problèmes, et si vous tombez sur les mauvaises personnes, elle pourrait vous porter préjudice, me porter préjudice, et, surtout, porter préjudice à une personne qui m'est chère et qui a un rôle important à jouer dans cette histoire. La seule chose que je peux vous dire, c'est que je sais ce qu'il va se passer dans les années à venir et que vous n'avez rien à voir avec tout ça. Je suis désolé de vous avoir impliqué d'une manière ou d'une autre en vous rencontrant, mais vous ne pouvez strictement rien faire. Madeleine a raison lorsqu'elle dit que vous ne voulez pas connaitre la vérité : d'ailleurs, c'est bien la seule personne que je connaisse qui soit assez sage pour demander à ne rien savoir.
- Qu'est-ce que… ?
- Ce qu'il vous faut savoir, c'est qu'Adrien, Yves et Vivianne ne sont pas du tout en sécurité à Fosset. Pour le moment, les gens de la région se battent contre l'armée de la Région Sud, mais je vous assure que ce ne sera pas la même chose lorsque Central s'en mêlera. Et elle va s'en mêler, croyez-moi. Il suffit d'étudier la manière dont le gouvernement agit à chaque fois qu'un conflit a lieu dans ce pays. Les militaires locaux tentent de contenir les émeutes. Il y a parfois des morts et des bavures, mais, globalement, ils tentent toujours de calmer les choses en commettant un minimum de dégâts. Et puis le conflit s'éternise, alors Central City envoie ses propres unités. Et là, plus personne n'a plus aucune chance de survivre : c'est ce qu'il s'est passé à Ishbal, mais aussi lors de la Première Guerre du Sud qui s'est déroulée à South City, en 1835 ; lors des émeutes de Weelsry, en 1811 ; et j'en passe.
- La Première Guerre du Sud ? demanda Isabelle, perplexe.
- Oui. Peut-être qu'elle s'appelle autrement… Mais nous sommes en train de vivre la Seconde Guerre du Sud, actuellement. Tout ce que j'ai fait jusque-là… j'essayais seulement de l'éviter.
Edward soupira. Les deux paires d'yeux qui le scrutaient ne reflétaient qu'une curiosité croissante. Il leur avait donné beaucoup d'indices sur ce qu'il pouvait être et il voyait déjà, dans le regard d'Isabelle, une lueur de crainte provoquée par une compréhension incertaine. Il se leva, rompant ici la conversation.
- Je dois passer un coup de fil, annonça-t-il avant de s'en aller.
Il ne trouva pas le combiné téléphonique là où il pensait le trouver. Aussi se retrouva-t-il à errer dans les couloirs de la maison, cherchant Madeleine. Il la trouva dans la grange qu'il surprit toute transformée en atelier de menuiserie. La jeune femme lui jeta à peine un coup d'œil sans interrompre son travail avant de se désintéresser de lui. Il s'avança sans vouloir la déranger.
- Tu as quitté ton atelier en ville ?
- Avec la crise, c'était trop coûteux de rester là-bas. Surtout quand on a un espace comme celui-là à disposition.
- Je vois…
Il se tut, fasciné par ce qui l'entourait, par les meubles finement travaillés qui attendaient dans un coin de la pièce, par l'odeur envoûtante du bois mêlé à celui du travail, par la concentration de Madeleine, par ses gestes d'une précision impeccable, par son regard vert intensément concentré…
- Qu'est-ce que tu veux ? fit-elle sèchement.
- Je cherchais le téléphone.
- Il est là. J'en ai besoin dans l'atelier pour les clients.
- Je peux ?
- Vas-y.
Edward la remercia, un peu gêné, puis s'avança vers un bureau encombré sur lequel trônait effectivement un téléphone. L'après-midi touchait à sa fin et il espérait que Roy soit rentré à la maison. De toute manière, il pensait à lui depuis la veille et il fallait absolument qu'il le contacte avant que son angoisse ne finisse par se transformer en folie. C'est donc avec une grande tristesse qu'il entendit le répondeur lui demander de laisser un message. Message qu'il ne pouvait pas laisser librement étant donné que Madeleine n'était pas loin.
- Hey, Roy, c'est moi, dit-il à voix basse. Juste pour te dire que je suis bien arrivé chez Madeleine. Appelle-moi quand tu rentres à la maison, s'il te plait. Je… t'embrasse.
Il avait hésité, de peur que Madeleine n'entende. Mais il n'avait pas pu s'en empêcher. Il avait trop peur que Roy lui en veuille trop, et il avait envie de lui faire comprendre à quel point il pensait à lui ; à quel point il l'aimait, aussi. Tant pis si Madeleine le découvrait. Il se ferait sans doute engueuler pour avoir commencé à construire sa vie dans cette temporalité, mais tant pis. Il reposa le combiné téléphonique, jeta un coup d'œil vers la jeune femme qui semblait l'ignorer parfaitement, puis repartit dans le reste de la bâtisse. A peine eut-il refermé la porte de la grange qu'il se retrouva nez à nez avec Isabelle, dans le couloir. Elle s'était visiblement débarrassée de son frère et elle n'attendit pas une seconde de plus pour saisir son poignet et l'entrainer dans la première pièce venue. Il commençait à faire sombre et elle se tourna vers lui sans que son visage ne lui paraisse très net.
- J'ai compris que tu ne pouvais pas dire certaines choses, commença Isabelle. Que tu voulais, d'une manière ou d'une autre, nous protéger. Mais qui es-tu ? Un paysan comme nous qui a tout perdu et qui attends la fin du conflit pour retrouver sa copine en ville ? Un guerrier solitaire qui agit dans l'ombre dans l'espoir de rendre le monde meilleur ? Un alchimiste au bras long aidé par certains militaires pour déjouer des plans créés par des monstres infiltrés dans le gouvernement ?
Il la toisa, incapable de cerner la totalité de ses traits dans la pénombre. Puis, il soupira en se laissant tomber sur le lit simple, juste derrière lui.
- Je ne sais pas quoi te répondre…
- Commence par le commencement.
- C'est trop long.
- Bon…
Elle s'assit à côté de lui et scruta son pied métallique qui brillait étrangement dans ce décor obscur.
- Comment as-tu perdu ta jambe ? demanda-t-elle.
- C'est une longue histoire.
- J'ai tout mon temps.
Il hésita, puis il finit par lui raconter. Parce que le crépuscule perdait ses mots dans l'ombre naissante de la nuit, parce que le calme ambiant était propice aux confidences, parce qu'il ne savait plus exactement qui il était, ni ce qu'il devait faire, parce que le silence de Roy le brisait, parce que Shou Tucker était encore en vie, parce que le poids du futur lui pesait horriblement, parce qu'elle insistait, qu'elle ne le laisserait pas se murer dans le silence. Parce que son frère lui manquait. Parce que c'était elle.
Il lui parla de sa mère, de son enfance à la campagne, d'Alphonse, de l'abandon de son père, de la mort de sa mère, de la tristesse de cette perte, de son maître, de sa tentative ratée de transmutation humaine qui lui avait pris sa jambe et son petit frère, de la manière dont il avait rencontré Roy, de l'importance que ce militaire avait eu dans sa vie, de son intégration à l'armée, de la difficulté de vivre adolescent au coeur des atrocités du monde, de la manière dont il avait retrouvé le corps de son frère, du sacrifice de son alchimie, de sa difficulté à vivre sans elle, de son abandon de l'armée. A chaque fois qu'il finissait de parler, elle le relançait, et il reprenait son récit, omettant toutefois l'existence des homonculi, la corruption de l'Etat, les combats qu'il avait dû mener pour sauver Amestris. Mais son récit lacunaire comportait de trop grandes failles, et Isabelle s'y engouffra finalement.
- Je ne comprends pas… Toute ton histoire… Tu ne fais plus partie de l'armée depuis des années, tu as réussi à trouver ce que tu cherchais… Quel rapport avec notre rencontre, la guerre qui se trame dans le sud, tes fausses identités, le meurtre d'Idamie ? Eric, ce sont des monstres qui étaient là-bas. Tout ça… ça n'a rien d'humain.
Il hocha la tête.
- C'est vrai. Je… Isabelle, c'est très compliqué.
- Oui, tu n'arrêtes pas de le répéter. Mais toute ta vie est « très compliquée », à ce que je vois.
- Écoute. Je… Je ne sais pas comment te dire ça mais…
Il déglutit.
- Tout ce qu'il se passe, je l'ai déjà vécu.
- Pardon ?
- J'ai déconné, avec l'élixirologie. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, exactement. Je… Tu sais, j'ai essayé de ramener ma mère. Avec mon frère, on a ouvert une porte pour la retrouver. Ce qu'il s'est passé, c'est que nous avons effectivement réussi à ramener quelqu'un, mais on ne l'a jamais su. En fait, c'était… c'était…
Il déglutit, son cerveau se mettant subitement en branle. Al et lui avaient mêlé leurs sangs pour ramener leur mère, cherchant, grâce à leur ADN, à retrouver son âme et son esprit. Ces informations étaient censées être suffisantes pour la détecter, mais, plus tard, il avait appris que ramener quelqu'un de mort était tout simplement impossible. Que l'esprit était trop loin, dans un espace sans doute impossible à atteindre par des moyens humains. Leur sang avait pourtant cherché quelque chose de similaire. Au même endroit, des années plus tard, il essayait de guérir une vieille griffure sur son bras lacéré par son chat. Son sang avait appelé son sang. Son ADN avait trouvé son ADN.
- Qu'est-ce que…
Toutes ses expériences ratées, son année à développer ses potions, son élixirologie, ses cercles alchimiques inutiles qui appelaient le futur sans succès.
- Je suis complètement CON ! s'écria-t-il en se redressant d'un bond, les yeux exorbités.
Depuis le début, tous ses cercles élixirologiques et alchimiques étaient corrects.
Ses mélanges chimiques fonctionnaient, ses théories étaient exactes.
Il avait simplement oublié le plus simple des ingrédients.
Son sang.
