Bonne année !
J'espère que vous avez passé de bonnes fêtes / de bonnes vacances et que vous avez donc quitté l'année 2022 en grandes pompes !
On commence l'année avec ce nouveau chapitre qui ravira ceux qui ont voulu m'insulter pour la fin du chapitre précédent... J'avoue, ça ne se fait pas trop de laisser un tel cliffhanger avant Noël, mais c'était pour mieux vous retrouver après les fêtes !
Sur ce, je vous souhaite une excellente lecture et vous retrouve le mois prochain.
Chapitre 35 – Faire une exception
Edward connaissait la colère.
C'était un sentiment qui lui était parfaitement familier.
Il avait détesté la maladie qui avait emporté sa mère ; exécré son père qui était responsable de sa fragilité pour l'avoir abandonné avec deux petits sur les bras ; abhorré Shou Tucker lorsqu'il avait fusionné Nina et Alexander ensemble ; hurlé un nombre incalculable de fois sur Mustang pour ce qu'il lui demandait de faire et pour la – fausse – mort de Maria Ross ; tenu l'armée et le gouvernement en horreur lorsqu'il avait compris quel était le plan final ; avait haï Envy pour ce qu'il avait fait aux Hughes et pour le mal qu'il avait fait autour de lui.
Pourtant, il n'avait pas laissé Roy le tuer, et il avait éprouvé une certaine compassion lorsque l'homonculus s'était finalement donné la mort.
En fait, il avait eu envie de mettre un poing dans la gueule de toutes ces personnes, de changer le cours des évènements et de hurler de rage contre les abominations et les injustices. Il avait aussi eu quelques rares envies de meurtres.
Pour autant, il n'avait jamais éprouvé le réel besoin de tuer quiconque.
À genoux sur la terre d'ocre de la région de Fosset, mutilé par de multiples blessures, vidé de son sang et de son énergie, il lui sembla que le monde basculait. Au moment où Isabelle avait commencé à tomber, ses jambes l'avaient relevé. Au moment où le corps de la jeune femme s'était abattu sur le sol, il avait commencé à courir. Au moment où Envy tournait vers lui un visage victorieux, il était sur lui, toutes ses limites repoussées, toute sa haine tournée vers un seul et même objectif : effacer ce monstre de la surface de la planète.
Ils roulèrent sur le sol sans que la douleur ou l'épuisement ne lui fasse le moindre effet. Il frappait sans discontinuer, donnait des coups de coude, des coups de tête, des coups de poings. Il lui sembla qu'il n'essuyait aucune riposte, mais son esprit était extérieur à son corps, et le ciel aurait bien pu lui tomber sur la tête qu'il n'en serait pas moins resté concentré sur l'objet de toute sa violence. A un moment, pourtant, il fut éjecté sur le côté et il s'écrasa contre la terre stérile de laquelle il se releva d'un bond. Envy, à quelques mètres de là, transpirait d'éclairs rouges et son expression ne semblait plus aussi assurée qu'elle ne l'était auparavant.
- Attends ! fit l'homonculus.
Edward l'ignora parfaitement et se rua sur lui, indifférent à la lame que son adversaire était en train de matérialiser à la place de son bras droit. Il sauta dans les airs, arma sa jambe gauche qu'il enroula autour de cette épée transmutée, emportant l'homonculus sous son poids. Ils s'abattirent contre la pierre et, sans qu'Envy n'ait le temps de réagir, l'homme enragé saisit son visage entre ses mains brisées et l'éclata contre le sol, indifférent aux craquements osseux, aux éclaboussures écarlates et aux hurlements de douleur. Il recommença plusieurs fois, encore et encore, transformant le visage qu'il avait entre les doigts en un amas de chair informe. Vint un temps où les éclairs rouges cessèrent même de reconstituer ce qu'il continuait de toute manière à cogner contre le sol.
Au bout d'un moment où Edward ne voyait aucune force s'opposer à lui sans pour autant que la larve verte ne sorte de son habitacle, il éclata d'un rire de fou :
- Tu t'économises, Envy ? Tu sais que ça ne sert à rien ! Tu as perdu ! Tu es un homme MORT !
Il brisa la face de son adversaire d'un coup de poing en plein dans le nez. Au même moment, il se rendit compte que les éclairs alchimiques qui reconstituaient l'homonculus avaient repris dans son dos. Il se retourna vivement, en vain, bloqué par la lame d'Envy qui s'était imperceptiblement enroulée autour de sa jambe de métal. À moitié tordu, il vit avec horreur que le bas du corps de son adversaire s'était modelé en un autre torse et en d'autres bras qui l'agrippèrent pour l'immobiliser :
- Tu ne me connais pas aussi bien que tu le prétends, susurra l'homonculus à son oreille.
Edward se mit à se débattre furieusement, mais les bras d'Envy s'enroulaient autour des siens à la manière de serpents et il se mit à hurler, horrifié.
- LÂCHE-MOI, ENFOIRÉ !
Il mit toute sa force, toute sa volonté, toute sa fureur pour tenter de se dégager, mais les membres d'Envy se refermaient autour des siens et il se retrouva bien vite les bras tendus des deux côtés de son buste, le dos cambré, à genoux et la tête au ciel, tout à fait incapable du moindre mouvement.
- JE TE HAIS ! hurla-t-il. JE TE VOMIS !
- En attendant, tu es quand même à ma merci, ricana Envy. Je dois admettre que tu m'impressionnes : j'étais persuadé que tu ne parviendrais pas à te relever vue l'état dans lequel tu es.
- Je vais te buter… Je te jure que je vais te buter…
- Tu es foutu, alors arrête avec tes inepties. On va laisser le corps de ta copine moisir au soleil, et nous, on va rentrer à Central.
- LÂCHE-MOI ! BAS-TOI !
- J'ai déjà gagné, et tu as perdu. Tu as échoué à protéger tes amis : j'ai tué Yves et Vivianne, un par un, sous les yeux de leur fils…
- TA GUEULE !
- J'ai adoré comme il a supplié pour que je les épargne. Comme il t'a vendu pour qu'ils restent en vie. Il pleurait comme une fontaine, c'était pathétique…
- MAIS FERME TA PUTAINE DE GUEULE !
- C'est fou comme l'être humain est fragile… Je l'ai à peine torturé, et il est totalement défiguré. Il a perdu l'usage de son œil, non ?
Edward se mit à hurler, juste pour arrêter d'entendre ce qu'Envy lui murmurait à l'oreille de sa voix doucereuse. Il se mit à crier à s'en casser la voix, vidant ses poumons avant de recommencer encore. Il répéta l'opération plusieurs longues minutes jusqu'à ce qu'il soit à bout de souffle et que son corps ne se laisse finalement aller mollement. Il se mit à haleter tandis que les larmes se mettait à perler au coin de ses yeux : son impuissance était si insupportable qu'il aurait préféré être achevé sur le champ.
- Tu as fini ton cinéma ? demanda Envy, agacé. On peut y aller ?
- Je viendrais pas…
- Tu n'as pas le choix. Et une fois que nous y serons, on passera beaucoup de temps ensemble, toi et moi. Je vais jouer avec toi jusqu'à ce que tu n'en puisses plus et que tu me balances le nom de tes complices. Ensuite j'irai les chercher, et on s'amusera tous ensemble, qu'est-ce que tu en dis ?
Edward ferma les yeux et les larmes coulèrent. Il ne pouvait plus rien faire du tout et, maintenant qu'il était immobile, il sentait la moindre parcelle de son corps trembler d'épuisement et de douleur. Pourtant, il ne pouvait tout simplement pas accepter qu'Envy l'emporte avec lui. Il fallait absolument qu'il s'en sorte, il ne pourrait pas survivre à la mort de Madeleine, et encore moins à la mort de Roy. Il avait été tellement stupide de venir jusqu'ici…
- Oh, et… Je t'ai prévu un spectacle rien que pour toi, continua joyeusement Envy. Je pense qu'on y arrivera à temps : j'ai mis des explosifs sur les rails de train allant vers Marco. On va pouvoir faire sauter toute la population de Fosset : ce sera un beau feu d'artifice. Je te réveillerai à ce moment-là.
Edward n'eut pas le temps de répliquer quoi que ce soit : il sentit une vive douleur lui vriller le crâne et le ciel bleu dans son champ de vision se transforma en un immense monde de ténèbres.
Tétanisé d'horreur et tremblant de peur, Gabin regardait la scène depuis l'arrière du véhicule stationné une cinquantaine de mètres plus loin. Il n'avait rien comprit à ce qu'il s'était passé et avait vu sa sœur disparaître sur le côté de la voiture sans jamais remonter. Il avait entendu le coup de feu, et il devinait qu'elle devait être blessée, pour autant, il avait été incapable de bouger et observait simplement le déroulement du combat, les yeux complètement exorbités.
Seulement voilà, maintenant, il lui semblait être parfaitement seul au monde. Il avait cru qu'Eric résolverait la situation, mais il était maintenant inanimé sur le sol, aux pieds d'un ennemi psychopathe capable de changer d'apparence à sa guise. Son visage victorieux avait laissé place à une haine pure qu'il manifesta d'un coup de pied furieux dans le corps de l'homme qu'il venait d'assommer. Cela sembla manifestement le soulager puisqu'il recommença, à chaque fois de plus en plus fort, sans qu'Eric ne réagisse d'une quelconque manière. Au bout de plusieurs longues minutes, le monstre resta un instant devant ce corps inanimé, les poings serrés, réfléchissant visiblement à ce qu'il allait ensuite faire tandis que certains morceaux de sa peau se détachaient étrangement de lui avant de s'évaporer dans les airs. Il finit par faire volte-face, ouvrit la portière de la Berliet à côté de laquelle il se trouvait et disparut à l'intérieur.
Gabin savait qu'il était le seul maître de sa situation à présent et il bondit sur le siège avant, le cœur battant la chamade. Il n'avait jamais eu aussi peur de sa vie, même lorsqu'il avait su que ses parents étaient morts. En réalité, ce n'était même pas lui qui décidait de ses gestes, mais c'était son instinct qui lui dictait quoi faire. Aussi passa-t-il la tête par-delà la portière avant, celle-là même que sa sœur avait ouverte moins d'une dizaine de minutes plus tôt. Isabelle était étendue sur le sol. Ses cheveux ensanglantés recouvraient son visage. Une énorme auréole écarlate s'était étendue en un cercle presque parfait autour de sa tête.
Le sang de Gabin se glaça et il détourna le regard dans un sursaut, comme s'il avait aperçu quelque chose qu'il n'aurait pas dû voir et il se sentit pris en faute. Ses yeux se perdirent un peu plus loin, là où gisait Eric dans un état non moins sanguinolent que celui de sa sœur. Aussitôt, le garçon plaqua ses mains sur son visage et se força à ne plus rien voir du tout, mais les images se bousculaient dans sa tête et s'imposaient à lui, entre le visage défiguré d'Adrien, le sang sur les corps d'Isabelle et d'Eric, la violence extrême du combat précédent, la monstruosité de leur ennemi à la fois immortel et changeforme. Gabin s'enfonça dans son siège et releva les paupières pour fixer le volant qui, lui, au moins, semblait parfaitement normal.
Il sursauta néanmoins en entendant la portière de la Berliet se claquer et il releva à peine le menton pour observer ce qu'il se passait. Le monstre était ressorti de la voiture avec des espèces de lanières et s'agenouillait désormais auprès d'Eric qu'il avait retourné d'un nouveau coup de pied. Sans ménagement, il se mit à lui lier les mains dans le dos, à le bâillonner et à le ligoter dans tous les sens. Après quoi, il se releva et ouvrit le coffre de la voiture avant de prendre Eric sur ses épaules à la manière d'un sac à patate et de le balancer à l'intérieur.
Gabin, recroquevillé sur son siège, comprit qu'Eric était en train de se faire enlever. Sa sœur, inconsciente non loin de lui, ne pouvait rien faire pour l'en empêcher, ni lui dire quoi faire. Pourtant, il entendit sa voix résonner sans sa tête :
« Adrien ! Sors de là ! Vérifie que l'évacuation se passe bien ! Monte dans le train et ne m'attends pas !
- Qu'est-ce qu'il se passe ? On a vu Eric partir à toute vitesse avec l'autre voiture…
- Aerugo attaque. Il va faire une connerie, et je dois absolument l'en empêcher avant qu'il ne se fasse tuer ! »
Les yeux de Gabin heurtèrent les clés qui étaient restées sur le contact et, sans réfléchir davantage, il démarra le moteur qui vrombit au moment même où le monstre refermait la porte sur Eric en un claquement sec. Gabin embraya alors, passa la vitesse et écrasa la pédale d'accélération. La voiture bondit dans un dérapage mal contrôlé tandis que l'ennemi levait la tête vers lui, visiblement surpris. Le temps qu'il comprenne ce qu'il se passait, la voiture avait déjà parcouru la moitié du chemin dans sa direction. Le monstre sauta sur le côté pour échapper à la charge de Gabin, mais celui-ci fit une embardée et cueillit l'homonculus de plein fouet dans un impact puissant. Le capot du véhicule s'enfonça presque entièrement, le pare-brise vola en éclat et le corps d'Envy fut complètement écrasé par le passage de l'engin. Gabin, lui, fut soulevé de son siège au moment du choc et passa à travers la vitre, heurta la ferraille du capot et s'écrasa sur le sol avant de rouler quelques mètres plus loin dans un tourbillon de souffrance.
Lorsque ce fut terminé, Gabin resta un moment allongé par terre, haletant et l'épaule en miette. La douleur était si intense qu'il n'était pas certain de pouvoir se relever. Mais lorsqu'il se rappela le monstre immortel qu'il avait écrasé, il releva la tête, terrorisé, et regarda tout autour de lui dans l'espoir de ne pas le voir apparaître. Le ventre face contre terre, il ne voyait aucun danger imminent et il resta ainsi allongé jusqu'à ce que son cœur arrête de tambouriner sa poitrine et qu'il puisse se redresser sans que son intuition ne lui dicte de partir en courant.
À pas prudents, la main sur son épaule douloureuse, il s'approcha de la voiture défoncée et en fit le tour, redoutant ce qu'il allait trouver. Pourtant, il ne vit aucune trace de l'affreuse créature qu'il avait écrasée, tant et si bien qu'il se baissa même pour voir si elle n'était pas restée sous le véhicule. Son absence avait quelque chose de rassurant mais elle l'inquiétait aussi tout autant. Il comprit l'urgence de la situation et se précipita sur le coffre de la Berliet pour l'ouvrir. À l'intérieur, Eric gisait dans une position tordue, les yeux fermés et le souffle court. Sa respiration difficile apaisa Gabin puisqu'elle lui affirmait au moins qu'il était encore en vie. Ce constat fait, il posa sa main sur l'épaule de l'homme et le secoua aussi fort qu'il le pouvait.
- Eric ! Réveille-toi ! Réveille-toi je te dis !
Il avait beau lui crier dessus et le secouer comme un prunier, Eric ne bougea pas d'un pouce. Le garçon se retourna alors et courut dans la direction de sa sœur, espérant qu'elle, elle se réveillerait. Il se précipita sur le sol et se mit à la remuer à son tour, mais, comme Eric, elle ne broncha pas. Pire, ses cheveux dégagèrent son visage et délivrèrent un œil crevé ; l'autre, vert et terne, fixait le ciel sans le voir. Gabin laissa échapper un cri et tomba, assis par terre, dans un mouvement de stupeur. Il resta d'abord complètement tétanisé, incapable du moindre geste, de la moindre pensée. Puis, il se précipita vers sa sœur et éclata en sanglot, cherchant à la réanimer d'une manière ou d'une autre, la suppliant de ne pas être morte et de revenir auprès de lui. À la fin, il se laissa simplement aller contre elle, pleurant toutes les larmes de son corps dans un silence de mort.
Le temps s'écoula sans qu'il n'en ait véritablement conscience. De toute manière, il avait trop mal, tant au cœur que physiquement, pour ne serait-ce que songer à bouger. Lorsque ses pensées recommencèrent à émerger, plusieurs informations s'imposèrent à lui : sa sœur était bel et bien morte ; Eric se trouvait toujours dans le coffre de l'autre voiture ; il n'y avait toujours pas signe de vie du monstre aux multiples vies ; Eric était un alchimiste, et il avait entendu dire que les alchimistes étaient capables de ramener les morts à la vie – même si c'était interdit. Pour Isabelle, Eric ferait une exception, il en était certain.
Fort de cette bonne nouvelle, il se releva et s'approcha du coffre de la Berliet duquel Eric n'avait pas bougé d'un pouce et continuait de haleter. Maintenant qu'il était plus posé, Gabin comprit qu'il n'était pas seulement assommé mais qu'il était également dans un état critique : son corps était couvert de sang, son visage semblait avoir été écrabouillé, ses mains se tordaient dans des angles étranges, des lacérations parcouraient son torse et une plaie béante ouvrait sa cuisse droite. Il semblait avoir énormément saigné de ce côté-là mais, désormais, la plaie semblait seulement ouverte sans laisser rien échapper.
Gabin se mit à secouer Eric et, comme il n'avait toujours aucune réaction, il s'occupa au moins de le délivrer de ses liens. Il laissa seulement une lanière qui lui enserrait la cuisse et qui semblait faire office de garot. Après quoi, il sauta au sol et partit fouiller dans la voiture qu'il avait complétement détruite. Il y trouva quelques barres de céréales, des documents, quelques vêtements de rechange, une trousse de soin, un bidon d'essence, et encore quelques autres babioles qu'il chargea sur le siège avant de la Berliet. Dans la trousse à pharmacie, il récupéra une petite bouteille d'alcool dont il vida une bonne quantité sur les plaies ouvertes d'Eric qui n'eut toujours aucune réaction. Enfin, il fouilla l'homme dans le coffre et trouva la clé du véhicule qu'il garda avec lui.
Il lui restait une dernière chose à faire avant de lever le camp : aller chercher sa sœur. Son bras droit était presque totalement paralysé, mais il ne s'en inquiéta pas. Il fallait avant tout qu'il ramène sa sœur, qu'il la hisse sur les sièges arrière et qu'il l'emporte avec eux afin qu'Eric puisse la ramener à la vie lorsqu'il serait réveillé. Lorsque ce fut fait – non sans efforts et sans larmes – Gabin prit le volant, démarra la voiture et s'éloigna de ce lieu maudit en laissant trainer derrière lui un nuage de poussière.
Le lendemain matin, à des centaines de kilomètres de là, Riza Hawkeye entrait dans le bureau où son équipe travaillait activement. À bout de bras, elle portait six gobelets de café chaud et, entre les doigts, apportait l'édition très matinale du journal d'East City ainsi qu'un sachet en papier translucide de matière grasse.
- Oh, super ! Merci lieutenant ! s'exclama Fuery qui sauta littéralement sur l'une des tasses.
- Vous êtes au poil ! sourit Havoc en lui adressant un clin d'œil bien inutile.
- Vous avez pris des croissants ? s'enjailla Breda en se levant de son siège pour la première fois depuis bien des heures.
- Tenez, répondit Riza en déposant le tout au milieu de leur îlot de bureaux.
Avant que ses collègues n'aient le temps de se jeter sur la nourriture, elle récupéra l'un des cafés et garda le journal avec elle avant de se tourner vers le bureau de leur supérieur. Celui-ci n'avait même pas levé les yeux vers elle et, malgré ses cernes, semblait parfaitement concentré sur ce qu'il était en train de faire. Elle s'approcha de lui à pas de loup et lut les documents qu'il était en train de lire : tous concernaient la nouvelle guerre qui opposait Aerugo à Amestris. Cela n'avait rien d'étonnant puisque cela faisait plus de vingt-quatre heures qu'ils étaient au courant et qu'ils buchaient avec acharnement sur toutes les conséquences que cela engendrait.
- Colonel, je vous apporte du café.
- Merci, Lieutenant, répondit Mustang sans lever les yeux vers elle.
Elle déposa le journal sur la pile de document qu'il avait à traiter.
- Vous devriez lire ça, conseilla-t-elle.
- Je n'ai pas le temps de m'occuper de ce que les journalistes ont à raconter comme conneries.
- Je vous assure pourtant que ça pourrait vous intéresser.
Il fronça les sourcils et releva les yeux vers la jeune femme avec mécontentement. Pourtant, le regard qu'elle lui lança en retour le força à considérer le journal qu'il ouvrit pour en parcourir les articles. Il fut pourtant stoppé à la première page qui affichait le portrait-robot d'une personne qu'il ne connaissait que trop bien :
Eric Ford, connu pour avoir sauvé les habitants de la ville de Fosset des griffes d'Aerugo et porté disparu depuis ces évènements, semble encore avoir des choses à cacher. Si la plupart des Fossetiens et des rebelles qui l'ont suivi dans leur ville-refuge qu'est Marco ont, lors du quotidien précédent, dressé de lui un portrait très positif, il s'avère être en réalité un homme aux deux visages.
En effet, Eric Ford n'est qu'un faux nom sous lequel il s'est présenté afin de devenir le héros de Fosset. Cette identité, parfaitement factice, en dit long sur les mensonges qu'il a pu inventer et faire entendre aux personnes qu'il a soi-disant sauvées. D'après les archives gouvernementales et les rapports militaires de ces derniers jours, il s'agit en effet d'un espion venu d'Aerugo chargé d'éloigner les civils d'Amestris de la guerre imminente qu'il contribuait à mettre en place. Après une enquête approfondie, il s'avère que son véritableme nom n'est autre qu'Andrea Rosseti, un célèbre espion Aerugien connu pour ses actions jusque-là uniquement menées à Creta.
Aujourd'hui, il s'agit de l'ennemi public numéro un. Si le gouvernement le suspecte d'être rentré dans les rangs d'Aerugo, il est toutefois possible qu'il soit encore à Amestris. Cet individu est dangereux et armé. Il vous est donc déconseillé de vous en approcher. Pour autant, vous pouvez voir son portrait-robot ci-contre. Il s'agit d'un homme à la vingtaine d'années, les cheveux noirs coupés courts et les yeux gris. Sa jambe gauche est munie d'un automail et il a été vu pour la dernière fois à l'est de Fosset. Vous pouvez également le reconnaître par des blessures récentes notamment visibles au niveau des mains et du visage. Il s'est enfui à bord d'une Berliet VURB-2 militaire noire, immatriculée AM-310-EF.
Roy arrêta là sa lecture, bien que l'article continuât dans des avertissements supplémentaires qui ne l'intéressaient guère. Tout ce qu'il retenait de cet article, c'était qu'Edward s'était de nouveau mis dans de sales draps, qu'il était désormais recherché dans tout le pays et qu'il était probablement blessé. Pire que ça, il n'avait aucune idée d'où il avait pu aller et, s'il avait imaginé pouvoir le retrouver le soir même en rentrant chez lui, il se rendait bien compte qu'il s'était fourvoyé.
Agité, il se leva de son siège, presque décidé à quitter le QG pour rejoindre la gare et se rendre à Marco où il aurait de plus amples informations. Pourtant, sa raison le retint et il plongea ses yeux dans ceux résolus de sa collègue.
- Colonel, fit-elle. Je sais que le moment est mal choisi, mais mon oncle est malade et j'aimerais demander une permission pour lui rendre visite pour quelques jours.
- Je comprends, répondit Mustang dans un demi-sourire. Je vous donne cinq jours : je doute pouvoir faire plus étant donnée la situation. Pensez-vous que cela sera suffisant ?
- Ce sera très bien. Merci Colonel.
Roy Mustang se rassit, saisit un document officiel, y écrivit quelques mots et signa avant de le tendre à sa collègue.
- Passez mes amitiés à votre oncle. Et qu'il prenne soin de lui.
- Je n'y manquerais pas.
- Et passez voir Hughes avant de partir, ajouta Roy. Je crois qu'il serait vexé que vous ne lui rendiez pas visite alors que vous êtes en permission.
Riza Hawkeye hocha la tête, fit volte-face et sortit du bureau d'un pas résolu.
Les paupières d'Edward s'ouvrirent sur la vision floue d'une silhouette sombre découpée sur un fond noir aux lueurs ternes. Très rapidement, il referma cet univers incertain dans la noirceur d'un demi-sommeil dont il peinait à sortir tant son esprit et ses sensations lui paraissaient éteints. Il avait l'impression de sentir et d'entendre les choses à travers une épais mur qui le coupait de ce qui avait réellement court et qui, de toute manière, l'indifférait. Il se sentait si fatigué qu'il aurait voulu dormir pour toujours en abandonnant la lourdeur matérielle d'un corps devenu embarrassant d'inutilité.
Pourtant, l'esprit humain semble toujours plus fort qu'il ne le laisse présager. Edward n'était pas du genre à être une exception à cette règle : même si son corps n'était pas prêt à reprendre pied avec la réalité, son cerveau, lui, se battait pour le stimuler d'une manière ou d'une autre. Lorsque ses paupières se levèrent de nouveau, sa vision avait quelque chose de beaucoup plus tangible et l'image d'Alphonse auréolé d'un ciel étoilé le ramena sur terre. Son sourire s'étira faiblement sur son visage engourdi et il lui fallut s'y reprendre à plusieurs reprises pour laisser échapper un murmure caverneux :
- Alphonse…
Ledit Alphonse le fixa d'un air surpris, puis lui sauta dans les bras.
- J'ai cru que tu ne te réveillerais jamais !
- Urgh… Calme-toi, frérot… J'ai mal partout…
Il avait l'impression qu'un train lui avait roulé dessus. Lorsqu'il remua, il se rendit compte que c'était probablement le cas tant la douleur le tiraillait de partout. Il souffrait tellement qu'il était tout à fait incapable ne serait-ce que de lever le petit doigt.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? croassa-t-il.
- Je t'ai sauvé la vie, répondit fièrement Alphonse.
Edward fronça les sourcils lorsqu'il se rendit compte qu'Alphonse ne devait avoir que douze ou treize ans, et qu'il était donc beaucoup trop jeune pour être le véritable Alphonse. Ses souvenirs lui revinrent en un flash : il se redressa d'un bond et sa tête lui tourna tant que sa vision s'assombrit et qu'il faillit perdre de nouveau connaissance. Ce simple effort l'avait rendu haletant et il dû s'immobiliser complètement pour stabiliser son état. Dès qu'il le put, il jeta un regard noir à Alphonse – qui s'avéra plutôt ressembler à Gabin – et cracha :
- On les a désamorcés, tes dynamites. Les habitants de Fosset doivent être à Marco à l'heure qu'il est… !
Gabin, l'air perplexe, semblait visiblement incapable de comprendre ce qu'il racontait.
- Je sais que c'est toi, Envy, arrête de jouer cette comédie ! gronda Ed en tentant de se relever pour se mettre en position de défense.
Sa jambe de chair refusa pourtant de répondre et il s'écroula sur le sol, retombant sur ses mains qui le paralysèrent de douleur. Le souffle coupé, il se recroquevilla par terre, incapable de penser à autre chose qu'au supplice qu'il était en train de subir. Il sentit vaguement qu'on le forçait à se rallonger sur le dos tandis qu'il paniquait, noyé de peine à chaque mouvement. Finalement, il décida de se laisser faire le temps de reprendre contact avec la réalité, fixant toute son attention sur la voûte céleste.
Lorsque sa respiration fut de nouveau normale, il tourna les yeux vers Gabin qui, la mine inquiète, s'était agenouillé auprès de lui en silence. Ses grands yeux innocents le troublèrent et il se demanda un instant si Envy était capable de jouer une comédie aussi réaliste.
- On est où ? demanda-t-il finalement de sa voix éraillée.
- Pas loin de Marco… Je crois.
Edward ne répondit pas, essayant de se remettre les idées en place.
- Montre-moi ta cuisse gauche, dit-il finalement.
- Quoi ?
- Ta cuisse. Montre-moi… Juste…
Il était si fatigué qu'il aurait pu se rendormir tout de suite et cette conversation n'était pas pour le reposer. Le gamin dû le comprendre car il finit par se débarrasser de son pantalon pour se plier à sa demande. Un soulagement intense dénoua aussitôt les entrailles d'Edward lorsqu'il découvrit une peau sans marques et il referma les yeux, tentant de comprendre comment il était possible qu'il se retrouve dans cette situation.
- Que s'est-il passé ? articula-t-il finalement.
Gabin ne répondit pas mais se rassit plutôt auprès de lui, anxieux. D'ailleurs il se pencha par-dessus Edward pour examiner sa jambe de chair.
- Ça s'est remis à saigner…
- Hein ?
- J'ai essayé de te recoudre, mais tu as bougé trop vite. La plaie s'est rouverte.
Edward baissa les yeux sur lui-même pour découvrir qu'on l'avait presque entièrement déshabillé pour bander son torse, sa cuisse, ses mains.
- Que… ?
Autour d'eux, il n'y avait qu'une voiture – la Berliet VURB-2 –, le ciel nocturne, et des arbres qui poussaient parmi les broussailles.
- Où est passé Envy ? finit-il par lâcher.
- Le monstre ? Je ne sais pas… Je l'ai écrasé, et quand j'ai regardé où il était passé, il avait disparu.
- Tu l'as… écrasé ? répéta Edward, incertain.
- Oui. Je crois que je me suis cassé l'épaule… Je n'arrive plus à bouger mon bras.
Edward le fixa avec de grands yeux interloqués.
- Pardon ?!
- C'était pas facile pour conduire la voiture…
- Attends… C'est toi qui as conduit ?! Attends… Il faut me raconter ce qu'il s'est passé, Gabin…
Le gamin parut gêné et quand il voulut prendre la parole, il n'avait pas l'air de savoir par où commencer.
- C'est que… Je me suis retrouvé vers vous sans le vouloir… Je dormais dans la voiture quand Isa est entrée dedans.
Sa voix se cassa lorsqu'il prononça le nom de sa sœur et le cœur d'Edward manqua un battement. Elle n'avait pas l'air d'être avec eux et, maintenant que son nom était prononcé à voix haute, il sentait son absence comme une anormalité insupportable. Pourtant, il ne coupa pas Gabin qui continua :
- Elle est partie à toute allure et je n'ai rien dit parce que je ne voulais pas qu'elle me ramène au tunnel. Quand elle s'est garée et qu'elle m'a vu, elle m'a dit de rester dans la voiture, alors je l'ai écouté pour ne pas la mettre plus en colère qu'elle ne l'était déjà. Ensuite, elle a disparu dans un trou et elle est revenue avec toi… C'est là que vous vous êtes battus avec un monstre et, moi, je ne pouvais pas du tout bouger. J'ai vraiment cru que tu arriverais à régler la situation… Mais quand il t'a assommé, attaché et installé dans le coffre de cette voiture, j'ai compris que c'était à mon tour de faire quelque chose. Alors j'ai démarré la voiture et je lui ai foncé dessus alors qu'il refermait le coffre sur toi. Je l'ai complètement écrasé, la voiture s'est presque stoppée net et moi, j'étais pas attaché parce que j'ai pas eu le temps, alors j'ai été éjecté à travers le pare-brise et je suis tombé par terre. C'est comme ça que je me suis cassé le bras.
Edward écoutait le garçon et le détaillait en même temps, réalisant les multiples égratignures et les quelques traces de sang qu'il avait sur le visage et sur les bras, son t-shirt abimé par endroit, et son bras gauche, plus bas que celui de droite, qui pendait mollement le long de son corps :
- Ton bras, tu peux le bouger ?
- Pas trop…
- Il y a un hématome quelque part ? Il forme un angle bizarre ? Où est la douleur ?
- Rien de tout ça… et j'ai mal à l'épaule.
- Il ne doit pas être cassé… Tu as dû te démettre l'épaule. Je peux te la remboiter facilement.
- Oh…
Edward profita du silence qui suivit pour prendre de grandes inspirations et ainsi se préparer à se relever malgré l'élancement qui le prenait tout entier et qu'il lui semblait impossible à surmonter. Le plus douloureux était probablement ses mains, et plus précisément sa main droite, bandé et fardée d'une atèle de fortune.
Avec toute la volonté du monde, il se redressa pour s'asseoir dans un halètement qu'il eut du mal à surmonter. Il avait dû perdre beaucoup de sang et ce simple effort le laissait pantelant, ce qui entrainait par ailleurs des pincements désagréables dans sa cage thoracique.
- Allonge-toi, demanda-t-il à Gabin en un souffle. Au niveau de mes pieds… Et le bras déboité tourné vers moi.
Le garçon se plia aux ordres de son aîné. Lorsqu'il fut en position, Edward plaça ses pieds vers lui pour faire levier, lui saisit la main avec lenteur, puis tenta de la tirer. Le geste lui arracha un gémissement et il se recroquevilla un peu sur lui-même, incapable de garder la main de Gabin entre les siennes.
- Ca va ? s'inquiéta Gabin.
- Pas vraiment, haleta Ed d'une expiration sifflante. Mes mains sont défoncées… Je peux rien faire avec. Il faudrait que tu trouves un morceau de tissu. Tu te l'attaches au poignet… et je vais tirer avec mes dents.
Il semblait si résolu que Gabin ne se fit pas prier et s'exécuta. Ils se remirent en position :
- Ca va te faire très mal, avertit Edward.
- Ok…
Le faux brun récupéra le tissu entre ses dents dans un geste lent, puis se laissa retomber en arrière, emportant avec lui le bras déboité de Gabin qui se mit à hurler. Edward relâcha l'étoffe et resta allongé dos au sol tandis que le gamin pleurait. Il aurait voulu le réconforter, mais il se sentait à bout de force et au bord de l'évanouissement. Il attendit donc que le garçon se calme pour bredouiller faiblement :
- Ca va ?
La réponse tarda un peu, mais, finalement, le garçon répondit :
- J'ai mal, mais ça à l'air d'être redevenu normal…
- Bien…
Edward sentait ses yeux se fermer, mais il lui semblait qu'il n'avait pas encore toutes les réponses dont il avait besoin pour se sentir en sécurité.
- Après avoir écrasé Envy… Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ?
- Je ne sais pas : quand je me suis relevé, il avait disparu.
- Disparu ?
- Oui, il n'était plus là.
Trop épuisé pour comprendre le pourquoi du comment, Edward fronça simplement les sourcils.
- Il t'a pas suivi ?
- Je pense pas.
- Et là ? On est en sécurité ?
- Je crois…
- Tu as bien fait de ne pas nous ramener en ville. Il nous aurait retrouvé…
Il reprit plusieurs grandes inspirations pour oxygéner son cerveau.
- Gabin, je suis désolé de te demander ça, mais… Je vais pas pouvoir aller bien loin, comme ça. Il faudrait que tu ailles à Marco pour voir William et Alice. Il faut qu'ils me trouvent un médecin de confiance… Que tu le ramènes jusqu'ici.
Le visage de Gabin, hésitant, entra dans son champ de vision. Il était entouré d'un paysage vaporeux et Edward su qu'il ne tiendrait plus très longtemps cette conversation.
- Je peux pas aller en ville, annonça pourtant Gabin, le regard ailleurs.
- … Pourquoi ? se força à demander Edward qui n'était pas sûr de parvenir au bout de leur dialogue.
- Il faut que tu soignes Isabelle, d'abord. On peut pas la laisser comme ça.
Le cœur d'Edward manqua un battement et il se sentit soudain très éveillé. Il cligna plusieurs fois des yeux pour remettre la focale et tenta de se redresser avec l'aide de Gabin qui voyait bien la difficulté qu'il avait à se mouvoir.
- Isabelle est là ?
- Oui.
- Où ?
- Dans la voiture.
- Je ne suis pas médecin : si elle est blessée, tu dois l'emmener tout de suite à Marco !
- Non…
- Quoi, non ?
- Eric… Elle est morte.
Le sang d'Edward se glaça, d'autant que Gabin avait annoncé cette nouvelle avec plus de gêne que de tristesse.
- Pardon ? articula Edward, la bouche sèche.
- Je pensais que tu pourrais faire quelque chose. Tu m'as dit que faire une transmutation humaine était interdite, tout comme le fait de transformer le plomb en or. Mais pour Isabelle, tu vas faire une exception, hein ?
Edward resta quelques secondes parfaitement interdit. Puis, l'absurdité de la situation lui parut si énorme qu'il éclata d'un grand rire qui l'aurait remis par terre si Gabin ne l'avait pas soutenu. Son hilarité lui faisait mal dans tout le corps et des larmes joignirent rapidement son sourire pour laisser dans sa bouche amère un arrière-goût de sel. Ses éclats de rire se transformèrent alors en hoquets de stupeur qui éclatèrent en aiguilles de douleur dans sa cage thoracique. Gabin, impuissant, le rallongea par terre tout en panique et le regarda trembler, suffoquer et cracher une salive rougeâtre sans pouvoir rien faire. Pendant un temps qui parut une éternité, Edward resta dans cet état de détresse. Gabin craignit qu'il ne s'en remette pas et se mit à chercher partout s'il n'y avait pas quelque chose qui pourrait l'aider : en vain. Les seules choses qu'il put lui ramener furent une gourde d'eau et des antidouleurs, impossible à donner étant donnée la situation.
Finalement, l'homme parvint à se calmer et à retrouver une respiration relativement normale. Gabin l'aida à boire un peu et à avaler le médicament qu'il avait trouvé, puis resta silencieux, attendant visiblement que le brun ne lui dise quoi faire, ou ne se lève miraculeusement pour ramener sa sœur à la vie. Mais, lorsqu'Edward reprit la parole d'une voix d'outre-tombe, ce fut seulement pour briser ses espérances :
- Je suis désolé, Gabin… Mais je peux pas faire ça.
Le garçon resta silencieux, parfaitement choqué. Lui qui avait tout mis en place pour que cela fonctionne…
- Je suis désolé… Je ne voulais pas que…
La voix d'Edward se brisa complètement et il sembla incapable de dire quoi que ce soit d'autre. Gabin, lui, sentait un certain agacement monter et lui irriter la poitrine.
- Je pensais que l'alchimie fonctionnait avec l'échange équivalent… !
- C'est le cas…
- Je t'ai sauvé la vie ! Alors tu dois sauver la vie de ma sœur, maintenant !
Edward ferma les yeux et tenta de garder toute sa contenance pour ne pas se remettre à pleurer. Il avait l'impression de la fin d'un monde, et il n'avait aucune idée de la manière dont il pouvait désormais s'en sortir. Tout était sans dessus dessous, et il ne savait pas si le calvaire qu'il subissait était physique ou mental. Pourtant, il avait encore un être humain auquel s'accrocher, et ce dernier avait de toute évidence besoin de lui.
- Gabin, balbutia-t-il avec difficulté. Je comprends ce que tu ressens… Si Alphonse… Je ne sais pas comment je ferai sans lui. Et sans Isabelle… La transmutation humaine est impossible… J'ai déjà essayé…
- Eh ben, essaie encore ! s'écria Gabin.
- Ça… ne marche pas…
- Ça va marcher avec Isa !
- NON !
De nouveau, son cœur s'emballait et il se sentait essoufflé. L'existence lui parut soudain très vaine et il eut envie de lâcher prise. Pourtant, la petite voix de Gabin le ramena :
- S'il te plait, Eric…
Sa gorge était si serrée qu'elle ne laissait échappée qu'une voix suraiguë et suppliante. Edward aurait voulu serrer le garçon dans ses bras, mais il en était tout bonnement incapable. Il prit une grande inspiration :
- J'ai tout perdu… La transmutation humaine… Ca marche pas… Al a perdu son corps… Et moi… mon bras, ma jambe. La Vérité, c'est qu'on ne peut pas. C'est impossible…
Il aspira une grande goulée d'air, puis continua :
- Gabin, je suis vraiment désolé… Je… Je me sens… Ça va pas du tout… Il faut… Il faut que tu ailles à Marco… Il faut… Je… Roy…
Edward ferma lentement les yeux, laissant à Gabin la charge de son corps.
