Hello there ! & oui, au lieu de poursuivre ma fic je vous sors un OS, mais 33k mots ya un peu de quoi vous faire patienter & me faire pardonner non ?

Je vous avoue que je cours encore après le temps & vous avez surtout de la chance que j'ai retrouvé cette fic sur mon ordi au bureau. C'est pas celle que je comptais publier parce que je la trouve moins aboutie que certaines mais je l'ai un peu retravaillée & Marine ( Mystik.7 ici : si vous la connaissez pas, allez vite voir ce qu'elle fait ! ) a eu la gentillesse de lire tout ça dans la nuit & me donner quelques conseils ;)

Autre chose : MERCI pour vos réactions à Business Woman & OUI il se peut fort qu'il y ait une suite qui se déroulerait pendant la campagne de Regina pour accéder à la mairie ( mais j'ai à peine quelques scènes d'écrites donc vous emballez pas ).

Sur ce my dears, bonne lecture !

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The Ex-Wife.

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Résumé : La mort de sa mère oblige Emma à rentrer à New York pour y côtoyer l'espace de quelques jours la famille qu'elle passe le reste de son temps à fuir et Henry, le fils qu'elle partage avec son ex-femme, Regina Mills.

( NB : Les spécialistes en droit patrimonial, excusez-moi d'avance, ça doit être totalement incohérent à ce niveau - mea culpa )

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Le coup de fil l'avait laissée bête. Autour d'elle les hommes dans la salle de repos s'étaient tus, peu habitués à la voir ébranlée par quoi que ce soit.

Blanche était venue jusqu'en Palestine quelques années plus tôt pour un entretien avec elle. Et ce qu'elle avait d'abord pris pour un simple rendez-vous avec une future cliente dont elle devrait assurer la sécurité s'était avéré être tout autre chose. Après un entretien d'une heure, elle avait demandé à son équipe de commencer une rapide enquête de routine qu'ils avaient l'habitude de faire avant d'accepter une quelconque mission.

C'était Scarlett qui était venue la voir avec un air gêné le lendemain. Son bras droit était la seule personne qu'elle considérait comme une véritable amie et c'était peut être la raison pour laquelle elle avait été chargée de lui annoncer la nouvelle. Emma avait parcouru le dossier épais de quelques pages avec les sourcils froncés.

Très jeune elle avait renoncé à retrouver ses parents, s'étant imaginée une jeune femme sans le sous, obligée de se séparer de son enfant pour lui offrir une chance dans la vie. C'était plus facile comme ça. Mais force était de constater qu'elle s'était menti. Sa mère était une femme richissime qui avait eu un enfant avant de se marier et qu'elle avait caché des années durant à l'homme qu'elle avait ensuite épousé. Vingt-cinq ans après, à la mort d'un grand-père plus que strict, ils s'étaient apparemment mis en tête de la retrouver mais Emma n'avait pas voulu en entendre parler.

Pas de quelques temps du moins ... Ensuite la curiosité avait été plus forte ... Ces derniers temps elle commençait à peine à se faire à l'idée qu'elle était amie avec Blanche et avait même réussi à se réjouir de la nouvelle qu'elle lui avait annoncée par Skype quelques mois plus tôt. Elle allait être une grande sœur. Et c'était presque absurde mais pas autant que le coup de téléphone qui l'avait laissée sans voix la veille.

Sa mère était morte en couches.

Elle était grande sœur et une nouvelle fois orpheline. Le malaise ne l'avait pas quitté depuis ses quartiers dans l'hôtel en Jordanie où elle avait été en mission, ni sur le tarmac où elle avait embarqué en urgence dans un hélicoptère qui l'avait amenée au jet privé dans lequel elle volait à présent.

Dans quelques heures, elle serait à New York pour dire adieu à une mère qu'elle n'avait jamais vraiment connue et assister à des funérailles où des centaines de personnes la regarderaient en marmonnant des messes basses.

- Tu veux un film ?

La voix de Scarlett la fit sursauter, surprise qu'elle cacha derrière une fausse toux dont l'autre ne fut certainement pas dupe.

- Non merci, j'ai pas vraiment la tête à ça, répondit-elle en caressant distraitement la fourrure du doberman sagement assis à ses côtés.

- Tiens, au cas où, rétorqua tout de même l'intéressée en lui tendant un Ipad. Je t'ai mis quelques articles aussi. Y en a un sur Gina.

À ses pieds l'animal émit un petit grondement dont elle sourit, trouvant la motivation suffisante pour s'emparer de l'objet qui lui était tendu. Elle ne toucha pourtant pas à la tablette de longues minutes, préférant observer le soleil couchant raser le coton des nuages en dessous de l'oiseau d'acier.

La curiosité fut tout de même plus forte qu'elle et elle ne mit pas plus de quelques secondes à localiser le numéro digital du New York Times où le nom de Regina Mills apparaissait dans les gros titres. Un petit soupir résigné lui échappa avant de commencer sa lecture.

« C'est dans une de ses nombreuses propriétés de New York que la très élusive Regina Mills nous a accordé sa première interview depuis sa nomination sur le podium des femmes les plus influentes d'Amérique l'année dernière.

Dans le manoir hyper sécurisé de l'Upper West Side, celle que tous voient déjà comme le futur Procureur Général des Etats Unis, nous reçoit entre deux rendez-vous dans un bureau aussi impeccable que celui du Président.

- Qu'est-ce qui vous a poussée à accepter cette interview ?

- Un pari perdu, nous répond-t-elle étonnamment.

- Regina Mills perd des paris ?

- Ça lui arrive. Je suppose que vous avez préparé des questions ?

On a presque l'impression d'être à la place de l'accusé lorsque son regard nous transperce mais la jeune trentenaire répond à nos questions avec l'aisance d'une femme qui a fait ça toute sa vie. »

Emma eut un sourire. Regina détestait les interviews mais bien sûr ça ne l'empêchait pas d'y exceller comme dans tout ce dans quoi elle se lançait. Ses yeux glissèrent rapidement sur la série de questions classiques que les journalistes du Times avaient sans doute du envoyer à l'avance à l'attachée de presse de son ex-femme. Comment vivez-vous la médiatisation de votre profession ? Que pensez-vous de la rumeur qui parle de vous comme futur Procureur Général ? Vous êtes à la hauteur ? Pas un peu trop jeune ? Comment trouvez-vous du temps à accorder à votre vie de famille ? Qu'avez-vous à dire à toutes celles que vous inspirez en tant que femme aussi accomplie ?

Rien sur sa vie de mère célibataire, aucune allusion à son homosexualité, Emma devait avouer que la brune contrôlait d'une main de fer son image. Un instant elle se permit de détailler la photo qui accompagnait l'article. Un portrait en noir et blanc, assise derrière un bureau où Regina avait posé un coude pour soutenir son menton. Le regard d'ébène transperçait bel et bien le lecteur et la blonde dut avaler sa salive, habituée depuis longtemps au désir qui rodait toujours non loin de la surface lorsqu'elle avait le malheur de poser un œil sur elle.

Son index effleura la surface lisse de l'écran de la tablette là où une immense bague Cartier en forme de tête de panthère cachait la seule imperfection de son ex-femme.

Elle se rappelait encore avec un sourire du jour où elles avaient décidé de se faire tatouer. Et de la fureur de Cora lorsqu'elle avait remarqué la silhouette du chevalier noir enroulé autour de l'annulaire de sa fille. Emma n'avait jamais pris la peine de cacher la Reine de pique qui avait élu domicile autour de son doigt même si elle était parfois une raison de plus de boire un peu trop.

Elle n'avait pas dix-sept ans lorsqu'elle avait rencontré celle qui resterait la femme de sa vie. Envoyée à l'université de Stanford par une famille d'accueil qui avait toujours conservé pour elle les bourses qu'elle avait décrochées, elle y était rapidement tombée amoureuse de la jeune femme après qui beaucoup courraient. Rien ne l'avait préparée à ce que la brune la remarque, ni qu'elle trouve son impertinence rafraîchissante. Mais c'était arrivé.

Elle avait été le divertissement, la bouffée d'oxygène dans l'univers de la jeune héritière oppressée par les attentes de sa mère. Ensemble, elles avaient découvert la vie nocturne de Stanford et les bars clandestins où elles passaient des nuits entières et arrivaient à peine à l'heure en cours. Ensemble elles avaient dormi dans des maisons témoin dont Emma crochetait les serrures, ensemble elles avaient « emprunté » des voitures pour aller prendre un bain sur la côte, ensemble elles avaient rêvé d'un avenir ...

Mais le paradis avait été de courte durée.

De quatre ans son aînée, Regina avait terminé sa dernière année de faculté par un stage de six mois dans un bureau ministériel et Emma avait découvert le sens du mot Enfer. Et pas même ce qu'elle avait vécu plus tard en Irak ou en Palestine n'avait été aussi terrible que de se rendre compte qu'elle ne savait plus vivre sans la brune. Alors que ses journées, ses cours, la réussite de ses examens avaient été organisés autour de la vie qu'elle avait construite avec celle qu'elle aimait, tout s'était écroulé quand elle avait du passer des semaines sans la voir, des jours et des jours sans un signe de vie parce que le travail était trop prenant.

La vie lui avait mis une véritable claque le jour où elle avait compris que Regina avait une vie à côté d'elle tandis qu'elle, n'avait rien.

Abandonnée lorsqu'elle n'avait que quelques jours, ballottée de famille d'accueil en famille d'accueil, elle n'avait pas pris la peine de se construire en dehors de la relation trop belle pour être vraie qu'elle avait développée avec celle qui lui avait échappée.

Alors c'était elle qui avait cessé d'envoyer des messages, de chercher à prendre des nouvelles, elle qui avait recommencé à sortir dans toutes ces soirées où elle rencontrait tout le monde et n'importe qui ... Surtout n'importe qui ...

Neal avait été un accident, une erreur qu'elle avait immédiatement regrettée et avouée quelques semaines plus tard en pleurs après des heures passées à conduire la vieille Volkswagen qu'elle lui avait volée pour rejoindre Washington où Regina travaillait.

Il y avait eu des cris, des disputes terribles qui lui avaient fait penser à mettre fin à ses jours, des heures et des heures passées dans le silence de la chambre de motel qu'elle avait louée à attendre que son téléphone sonne et que la brune lui donne des nouvelles.

Elle l'avait fait.

Emma avait cru qu'elle allait imploser ce jour là tellement elle était heureuse quand la femme qu'elle aimait lui avait dit comprendre, lui pardonner. Quelques jours plus tard Regina avait quitté son poste pour un séjour à Los Angeles et dans une suite de luxe au dessus d'un casino, Emma avait fait sa demande.

Elle n'avait pas de bague, pas grand chose de plus que les derniers dollars gagnés la veille au soir au poker et dépensés pour se payer la plus belle suite de l'hôtel mais elle avait eu une autre idée. Elle s'était souvent moquée de la façon dont Regina avait failli s'évanouir lorsque le tatoueur s'était présenté à elle avec son aiguille encrée de noir.

Mais le mariage avait eu lieu le soir même et Henry était né quelques mois plus tard, baptisé du nom du père de Regina. Le bonheur avait duré encore un an et des poussières ...

Jusqu'à ce qu'elle se rende compte que sa femme ne lui avait jamais pardonné sa faute, ne lui faisait pas confiance lorsqu'il s'agissait qu'elle finisse ses études et parte à l'étranger compléter quelques mois de stage avec l'armée. Les disputes s'étaient multipliées et un jour Emma avait pris le premier billet d'avion pour l'Irak et claqué la porte. Elle avait reçu les papiers de divorce au milieu de son stage et les avait signés à moitié ivre sous le regard compatissant de son supérieur.

C'était il y a sept ans ...

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Emma ne put s'empêcher de frissonner lorsqu'elle descendit au pas de course les escaliers escamotables du jet privé de sa compagnie. Il était bientôt onze heures mais le soleil n'avait toujours pas montré son nez. Caché derrière une épaisse couche nuageuse, le blouson en cuir usé qu'elle portait n'était pas suffisant à la protéger de la température avoisinant les dix degrés.

- Ma !

Le petit corps qui percuta le sien lui fit lâcher son sac de voyage pour le prendre dans ses bras et le soulever aussi haut qu'elle le pouvait avant de lui permettre de s'accrocher à elle. La blonde ferma les yeux de toutes ses forces pour empêcher des larmes de couler. Cela faisait des mois qu'elle n'avait pas vu Henry et l'enfant avait toujours le don de réveiller en elle toutes les sensibilités qu'elle s'évertuait à repousser au quotidien.

Ses paupières papillonnèrent quelques secondes et elle eut un frisson qui n'avait rien à voir avec la température ambiante lorsque son regard tomba sur la Mercedes garée non loin derrière. Elle n'avait pas besoin d'une vision thermique pour deviner la présence de son ex-femme derrière les vitres fumées à l'extrême. D'ailleurs, le moteur gronda dès que ses yeux se furent plissés dans sa direction. Apparemment la brune n'avait aucune intention de la voir.

Les dernières années, elles avaient uniquement communiqué par mail. Et communiqué était un bien grand mot si on considérait le montant d'insultes déguisées qu'elles ne cessaient de se lancer surtout quand Regina avait l'occasion de critiquer son métier et lui interdire d'y mêler Henry de près ou de loin. Parce que " travailler dans la sécurité " ne décrivait pas exactement ce qu'elle faisait au quotidien pour des clients privés qui payaient très cher son silence ... Garde du corps à la limite … Tueuse à gage parfois même.

Sur le tarmac, la berline noire se mit en marche, n'accélérant vraiment que lorsqu'elle fut assez loin pour laisser dans son sillage le rugissement sourd digne d'un petit avion. Si elle s'était vaguement attendue à recevoir des condoléances, c'était apparemment rappé …

- Comment tu vas gamin ? murmura-t-elle finalement la voix enrouée d'émotions après avoir déposé un baiser sur sa tempe.

- Et toi ?

La réponse évasive lui arracha un petit rire.

- Mieux maintenant que je suis avec toi, répondit-elle pourtant honnêtement.

- Est-ce que ça veut dire que tu vas rester ?

Cette fois elle ne répondit pas tout de suite, balayant le tarmac d'un regard, ses habitudes repérant immédiatement les quatre gardes du corps armés jusqu'aux dents qui leur avaient laissé assez d'intimité pour leurs retrouvailles.

- Une voiture va arriver, entendit-elle Scarlett lui annoncer dans son dos comme si elle avait lu dans ses pensées.

Elle avait laissé sa meilleure amie se charger de l'organisation du séjour mais lui adressa tout de même un sourire en coin lorsqu'elle repéra la Camaro jaune et noire qui déboula sur la piste quelques secondes plus tard, immédiatement surveillée par les hommes en costards qui ne semblaient pas au courant que la voiture lui appartenait.

- On mange ensemble ? lui demanda son fils qu'elle tenait toujours d'un bras sur sa taille.

- Si tu veux gamin. Où est-ce que tu veux manger ?

- Burger King ! s'exclama-t-il immédiatement.

La réponse lui arracha un véritable rire. Il ne manquait jamais de profiter de leurs retrouvailles pour échapper au régime strict que son autre mère lui imposait. Et qui était-elle pour refuser une occasion de contredire son ex-femme ?

- C'est parti !

Elle le regarda échapper à son emprise pour se précipiter vers la voiture de sport avec enthousiasme. Il n'avait jamais le droit de monter à l'avant de la Mercedes de Regina se rappela-t-elle lorsqu'il ouvrit la portière avant pour s'enfoncer dans les sièges en cuir noir.

- Tu veux que je te l…

- Non, coupa-t-elle Scarlett. Viens avec nous.

Son invitation lui valut un petit sourire. La jeune femme qui était devenue son bras droit à l'étranger était aussi sa meilleure et seule véritable amie et si elle n'avait jamais pris le temps de lui en faire la déclaration, il était clair que l'intéressée devait s'en douter.

Quelques heures défilèrent pendant lesquelles Emma oublia où elle était et pourquoi elle avait été forcée de s'y rendre, savourant la compagnie agréable et écoutant son fils parler de ses projets à l'école et de ses cours d'équitation.

Mais après trois tentatives de l'ignorer, la blonde fut finalement obligée à décrocher son téléphone pour une brève conversation avec David.

La mise en bière.

C'était pour ça qu'elle avait pris l'avion aujourd'hui, pour ça qu'il fallait qu'elle soit là impérativement si elle voulait une chance de dire au revoir à sa mère.

Pas qu'elle soit sûre de vouloir mais elle n'était pas prête à prendre le risque de le regretter des années plus tard. Étrangement c'était Henry qui l'avait finalement convaincue en lui disant qu'il voulait l'accompagner.

- Ça va aller ? entendit-elle Scarlett lui demander discrètement sur le chemin qu'ils firent vers la propriété dans laquelle ses parents vivaient.

- On verra bien …

La brune eut la présence d'esprit de s'éloigner la première dans l'immense jardin, la laissant seule avec son fils l'espace de quelques secondes dont elle avait besoin.

- Henry, tu es sûr ? tint-elle à savoir une dernière fois ses doigts jouant avec les clefs de la Camaro.

- Oui.

Avec son air décidé il parvenait à ressembler à Regina malgré l'absence de lien biologique et elle eut un pincement au cœur qu'elle ignora pour rejoindre le perron où David les accueillit avec un sourire qui atteignit difficilement ses yeux délavés.

Elle ne jeta qu'un rapide coup d'œil au corps immobile sur l'immense lit, la peau encore plus pale qu'elle ne l'était d'habitude, préférant rester focalisée sur la façon dont Henry avait l'air de dévorer la scène de ses grands yeux d'enfant. D'ailleurs, elle avait été étonnée que son autre mère accepte aussi facilement de le lui laisser dans de telles circonstances mais leur fils ne semblait pas horrifié par ce qu'il voyait. Moins qu'elle en tout cas.

Faussement impassible, elle observa la dépouille de sa mère être soulevée par deux hommes qui la déposèrent dans un cercueil en bois vernis.

Postée près de la fenêtre où elle voyait son Doberman s'amuser à courser un des paons qui arpentaient la propriété, la jeune femme demeura silencieuse lorsque son père biologique se pencha sur sa femme pour déposer un dernier baiser sur son front. Le visuel qui lui rappela étrangement celui d'une scène de Blanche Neige lui arracha un frisson, envisageant l'espace d'un instant ce qu'elle aurait du faire si Scarlett, Henry ou même Regina avait été entre ces trois planches.

- Est-ce que tu veux lui dire quelque chose ? entendit-elle David murmurer, la voix presque éteinte, à ses côtés.

Un instant elle fut incapable de répondre, étonnée par les petits doigts qui enserrèrent son poignet.

- Je ... Je sais pas, mentit-elle.

Mais Henry l'enjoignit d'essayer d'un regard significatif et elle sentit ses jambes avancer pour elle, ses doigts se crispant quelques secondes plus tard sur la soie qui débordait presque du dernier lit de sa mère. La ressemblance physique était frappante quand elle y réfléchissait, quelque chose qu'elle aurait pu remarquer dès leur premier entretien si elle y avait fait attention mais à l'époque elle avait abandonné toute idée de retrouver ses parents biologiques depuis longtemps déjà.

Je te pardonne.

Les mots ne sortiraient pas mais elle les répéta à plusieurs reprises, les yeux rivés sur les mains croisées de la petite brune qui avait l'air de n'attendre qu'un baiser pour sortir d'un sommeil éternel. Mais oui, elle la pardonnait. Elle l'avait fait des mois et des mois auparavant, après que Blanche ait fait des centaines de pas dans sa direction, jamais dissuadée par son mutisme ou son sarcasme.

Elle l'avait pleinement réalisé le jour où en prenant milles et une précautions, la femme lui avait annoncé qu'elle était enceinte et qu'Emma se surprenne à être contente pour elle. Elle savait que la brune n'avait jamais voulu d'autre enfant après celui qu'elle avait abandonné, trop rongée par la culpabilité ... Mais l'avoir retrouvée lui avait donné l'espoir de refonder une famille et elle avait enfin cédé aux demande de son mari malgré leurs âges déjà avancés.

- Madame ? Est-ce que nous pouvons ... ?

Ce ne fut pas elle qui donna le signe de tête affirmatif, se contentant de s'éloigner pour laisser à son père le soin d'autoriser les deux hommes à clouer la quatrième planche. Dehors elle accepta sa première cigarette depuis des années lorsque Scarlett la lui tendit, appuyée sur le capot jaune et noir de la Camaro.

- Je vais conduire, l'entendit-elle annoncer certainement lorsqu'elle vit ses doigts tremblant tenter d'allumer le briquet bon marché.

Elle ne répondit pas, se contentant de se glisser sur le siège passager où elle prit Henry sur ses genoux sans même tenter de lui demander de passer à l'arrière. Regina aurait été folle de les voir ainsi elle qui était tant à cheval sur la sécurité routière malgré les fréquents excès de vitesse dont elle la savait friande.

Mais comme d'habitude, satisfaire les idéaux de son ex-femme était bien loin dans la liste des priorités de la blonde qui passa la totalité du trajet le visage enfoui dans le creux du cou de son fils.

Sa relation avec Henry avait mis du temps à décoller. Quand elle s'était littéralement enfuie à l'étranger, quasiment deux ans s'étaient écoulés avant qu'elle ne puisse le revoir pour la première fois et si elle était reconnaissante à Regina d'avoir continué à lui parler d'elle – et pas en mal avait-elle été surprise – il avait encore fallu des mois et des mois pour qu'ils parviennent à renouer une réelle complicité.

Il avait fallu des cadeaux, des tours en hélicoptère et le faire entrer dans un tank, des heures passées sur Skype et des dizaines de milliers de dollars dépensés en billets pour le faire venir dès qu'elle parvenait à trouver un accord avec son autre mère … Mais ça avait marché. Et aujourd'hui Henry était la seule personne dont elle reconnaissait éprouver un manque dès que sa petite silhouette disparaissait à bord d'un avion de ligne ou d'un jet dépêché pour l'occasion.

L'avoir à ses côtés en de telles circonstances était à la fois une bénédiction et une malédiction, capable de deviner que le manque serait encore plus terrible quand elle devrait bientôt repartir.

- Je veux dormir à la maison, l'entendit-elle demander d'une petite voix toujours assis sur ses genoux au restaurant où ils avaient mangé le soir même.

Scarlett les avait quitté deux heures plus tôt pour manger dans sa chambre d'hôtel, les laissant apprécier un repas plus intime et si Henry avait paru ravi de partager un tel moment en tête à tête avec elle, la fatigue et autre chose aussi commençait à le rattraper. Une ombre qu'elle connaissait bien s'était étendue sur ses jeunes traits et elle s'en voulut immédiatement de l'avoir laissé l'accompagner comme il l'avait voulu.

- Je vais bien, sembla-t-il vouloir la rassurer comme s'il pouvait deviner ses doutes. J'ai juste envie de dormir dans mon lit …

- Ok, décida-t-elle de le croire pour le moment. Ok gamin, je paye l'addition et on y va d'accord ?

- Ok 'ma.

Il n'avait pas bougé et elle s'était finalement résolue à le hisser sur une de ses hanches pour aller régler leur repas auprès d'une serveuse qui avait regardé le duo avec un sourire adorateur. Elle avait tout de même pu se départir de l'enfant qu'elle avait installé – une fois n'est pas coutume – couché sur la banquette arrière de la Camaro, souriant toute seule aux deux ceintures de sécurité qu'elle avait réussi à lui enfiler.

Mais le sourire s'était effacé au fur et à mesure qu'elle avait approché l'Upper West Side et elle était restée de longues minutes immobile dans sa voiture. L'impeccable Mercedes noire derrière laquelle elle s'était garée et les lumières au rez-de-chaussée ne laissaient aucun doute sur la présence de son ex femme à l'intérieur de la maison et Emma n'était pas sûre d'être capable de l'affronter.

- Elle t'en voudra pas, lui parvint la voix enrouée de sommeil de son fils qui ne fit aucun effort pour changer de position.

La blonde eut un petit rire. Non, Regina ne lui en voudrait certainement pas de lui ramener son fils au lieu de le garder pour la nuit dans une chambre d'hôtel avec elle mais là n'était pas la question.

Poussant un dernier soupir résigné, la jeune femme sortit du bolide jaune pour détacher Henry qui s'accrocha à nouveau à elle comme s'il avait oublié sa capacité à marcher. Le bruit de ses pas sur le gravier qui menait à la porte d'entrée lui parut presque assourdissant, autant que les trois coups qu'elle donna rapidement sur la surface en bois blanc où le numéro 108 brillait en chiffres d'or.

Le cœur battant la chamade, Emma n'eut pas à tendre l'oreille pour entendre le claquement de talons aiguilles sur du sol en marbre avant que le battant ne s'ouvre pour la confronter à celle qu'elle n'avait pas vue d'aussi près depuis tant d'années.

Le regard sombre était interdit lorsqu'il se posa sur elle pour un très bref examen avant de se reporter sur leur fils.

- Tout va bien ?

Il y avait une pointe d'anxiété dans la voix qui lui avait tant manquée mais elle fut incapable de lui répondre sur le champ, paralysée par la force des émotions que Regina semblait ignorer sans difficulté.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Elle avait envie de céder aux nerfs qui réclamaient qu'elle tombe à genoux et pleure toutes les larmes qu'elle avait empêché de couler ces derniers jours et depuis bien des années.

- Il voulait dormir dans son lit, finit-elle tout de même par parvenir à articuler d'une voix éteinte.

Un éclair de compréhension passa dans les yeux d'ébène avant que la brune ne s'efface pour la laisser entrer dans l'immense hall auquel elle prêta beaucoup moins attention qu'à la fine silhouette encore moulée dans une jupe crayon noire et un chemisier d'un beige brillant.

- Premier étage, deuxième porte à droite, lui fut-il indiqué sans un regard de plus par celle qui s'éloignait déjà vers une autre pièce.

Muette, elle mit quelques secondes à parvenir à faire un pas vers les escaliers qu'on voyait dès l'entrée, montant sans difficulté les marches avant de pénétrer dans la chambre qu'elle n'avait vue qu'au travers de vidéos. Les murs peints d'un bleu très pale étaient striés d'une bande marine où une multitude d'étoiles brillaient dans l'obscurité. Un système de veilleuse ingénieux qui lui soutira un sourire.

- Reste avec moi ? lui réclama l'enfant qu'elle avait délicatement déposé sous la couverture d'un lit parfaitement fait après lui avoir ôté ses chaussures.

- Henry …

- Juste le temps que je m'endorme, s'il te plaît maman …

Maman

- Ok, céda-t-elle en se débarrassant à son tour de ses bottines pour se poster à ses côtés.

L'enfant eut un soupir soulagé et elle sentit sa gorge se nouer d'émotion lorsqu'il se rapprocha d'elle pour trouver une position dans laquelle s'endormir.

- Quand est-ce que vous allez mourir toi et maman ?

La question manqua la faire rire autant qu'elle la dérangea profondément, incapable d'y trouver une réponse pendant de longues secondes jusqu'à ce qu'il réajuste sa position pour pouvoir sonder son regard perdu.

- Et bien ... Pas dans l'immédiat. Dans longtemps en fait.

- Mais vous allez mourir ?

- Tout le monde meurt gamin, mais ça veut pas dire qu'on sera plus là à tes côtés.

- Blanche est encore à tes côtés ?

- N... Oui, se força-t-elle à mentir. Quand on aime quelqu'un il n'est jamais très loin. Même après ...

- Même après la mort ?

- Voilà, bafouilla-t-elle heureuse de l'intelligence avec laquelle Regina avait sans doute élevé leur fils.

- Et quand tu pars à l'autre bout du monde, tu as l'impression que maman et moi on est pas très loin ?

- C'est pas la même chose Henry mais non ... Vous n'êtes jamais très loin de mes pensées.

Et cette fois il n'y avait aucun mensonge dans l'aveu qu'elle venait de lui faire sans qu'il puisse en saisir toutes les nuances.

- Je t'aime, l'entendit-elle murmurer.

- Moi aussi je t'aime Henry.

Il était le seul à qui elle s'autorisait désormais à dire ces mots même s'ils lui laissaient toujours un goût amer qu'elle n'expliquait pas. Pourtant elle l'aimait. Il était la seule chose qu'elle avait réussie dans sa vie après l'entreprise qu'elle avait bâtie avec les fonds du divorce. Mais une petite voix qui ressemblait beaucoup à celle de Regina ne cessait de lui répéter qu'elle n'avait pas été celle qui l'avait élevé et que l'avoir porté neuf mois durant et visité quelques mois en huit ans ne faisait certainement pas d'elle une mère.

La blonde le regarda de longues minutes respirer d'un tout petit souffle semblable à celui qu'elle avait guetté lorsqu'il était encore nourrisson avec la peur irrationnelle de l'entendre s'arrêter.

À l'étage inférieur la sonnerie d'un téléphone la fit se tendre, horrifiée à l'idée qu'elle avait presque oublié l'endroit où elle se trouvait. Il était hors de question qu'elle s'endorme à son tour ici décida-t-elle en s'extirpant précautionneusement de l'embrasse de son fils qu'elle combla avec un immense loup en peluche.

Sur la pointe des pieds, la jeune femme referma la porte derrière elle, se faufilant jusque dans la cuisine qu'elle fut surprise de trouver éteinte. Le ventre encore noué, la blonde se dirigea vers le frigo américain où elle s'empara d'une barre glacée au chocolat qu'elle dégusta perchée sur le comptoir. Elle observa un long moment le rayon de lumière qui filtrait par dessous la porte du bureau de son ex-femme avant de se décider à y entrer sans frapper.

Elle dut faire l'effort de ne pas paraître surprise en la découvrant assise dans un fauteuil en cuir derrière un bureau en verre et bois noir où elle avait relevé ses jambes. Ses yeux glissèrent le long des formes découvertes à la limite de la décence jusqu'aux talons aiguilles d'un noir verni qu'elle portait encore. Le regard sombre croisa brièvement le sien par dessus la monture noire de lunettes de vue mais Regina ne fit aucun commentaire quand elle alla s'asseoir sur un petit canapé devant une table basse recouverte de dossiers, apparemment trop occupée par l'interlocuteur qu'elle avait pourtant l'air d'à peine écouter à l'autre bout du fil.

La blonde força son attention sur les photos qui dépassaient de l'une des pochettes colorées, s'emparant d'une pile visiblement prise sur une scène de meurtre où une femme avait été égorgée et violée à en croire les traces violacées un peu partout sur le corps nu tordu par endroits en des positions quasiment inconcevables.

- Charmant, nota-t-elle à voix basse.

- Et que veux-tu que j'y fasse ?

Un instant elle crut que la réplique lui avait été adressée, relevant les yeux pour trouver la brune en train de barrer une ligne d'un dossier au stylo rouge malgré le combiné qu'elle tenait près de son oreille.

- Ecoute, ce n'est même pas moi qui ai décidé de ces délais. Trouve quelque chose, invente quelque chose s'il le faut mais mercredi je ne pourrais pas faire renvoyer l'audience.

Le ton était sans appel et elle ne fut pas surprise du claquement du téléphone sur son socle quelques secondes plus tard et cette fois, elle fut incapable de détacher son regard de la silhouette de son ex-femme.

Dans cette position, les cheveux courts qui tombaient d'habitude à peine au dessus de la courbe de ses épaules effleuraient celle de sa poitrine dégagée par les pans du chemisier qui n'avait pas totalement été boutonné. Emma avait beau avoir voyagé à travers le monde entier, elle n'avait jamais rencontré quelqu'un de plus attirant que la brune. Il y avait quelque chose de différent dans la façon dont elle se tenait, se comportait, existait, qui la rendait unique et ne manquait jamais d'allumer en elle un feu qu'elle savait d'ores et déjà qu'elle mettrait des jours voire des semaines à éteindre.

Un claquement de doigts la fit rapidement remonter les yeux vers ceux qui l'observaient à présent avec un intérêt détaché. Regina avait l'air de savoir l'effet qu'elle avait encore sur elle sans pour autant vouloir l'exploiter.

- Pourquoi est-ce que tu es là ? lui demanda finalement l'intéressée avec une voix basse qui laissait présager que son examen ne l'avait pas non plus laissée indifférente.

- Henry ... Henry m'a demandé si nous allions bientôt mourir. Il était vraiment proche de Blanche ?

- Plus que je ne l'aurais souhaité.

- Tu ne l'aimais pas hein ?

- Non, j'ai quelque chose contre les mères qui abandonnent leurs enfants, fut la réponse immédiate tandis que la brune se redressait sur sa chaise, adoptant une position plus classique en lui offrant au passage un aperçu des sous-vêtements bleu électrique qu'elle portait.

- Je n'ai pas abandonné Henry, se défendit-elle en reconnaissant la pique pour ce qu'elle était.

- Non ?

Voilà, c'était exactement comme ça qu'elle imaginait la voix qui lui soufflait souvent qu'elle n'avait rien d'une mère. Et ce soir, plus encore que d'habitude, elle n'avait pas envie de se battre contre elle. Non, elle n'avait aucun argument à avancer en sa faveur tandis que Regina avait été là sur toutes les étapes du chemin qui avait construit l'enfant qu'elle avait quitté à l'étage quelques minutes plus tôt.

- Ok, on va arrêter là, déclara-t-elle en se relevant.

Elle n'eut droit qu'à un haussement de sourcil indifférent tandis que l'autre n'avait même pas amorcé un geste pour quitter le confort de son fauteuil en cuir.

- Est-ce que je dois venir chercher Henry demain ou … ?

Elle ne finit pas sa question. Elle avait supposé que Regina ne viendrait pas à l'enterrement puisque c'était elle qui devait se charger d'y emmener Henry mais à présent qu'il avait tenu à dormir chez lui …

- Je le ferai. Dix heures c'est ça ?

- C'est ça.

La confirmation lui valut un petit hochement de tête mais la brune s'était déjà replongée dans le dossier qu'elle était en train d'examiner lorsqu'elle était entrée dans la pièce. Elle dut serrer la mâchoire lorsqu'elle comprit que la tempête d'émotions qui faisaient rage en elle n'était absolument pas partagée par son ex-femme.

Et pourquoi après tout ? C'était elle qui avait fui pour une vie vide de sens tandis que Regina était restée pour bâtir une famille avec leur fils, un métier épanouissant et des relations dans toute la ville. Que pouvait-elle encore représenter pour elle ?

- Bonne nuit, s'entendit-elle dire en quittant le bureau sans que la politesse lui soit retournée.

.

.

Elle avait pleuré dans sa voiture une bonne demie heure avant de s'enfuir du manoir dont les lumières du rez-de-chaussée où la brune travaillait avaient encore été allumées. Certaines choses ne changeraient jamais …

Elle n'avait quasiment pas réussi à dormir, poursuivie par des cauchemars qui parvenaient à allier le fantôme de sa mère et le visage de plusieurs personnes qu'elle avait été obligée de tuer ces derniers mois. Si aujourd'hui, son poste au dessus de tous les autres lui permettait d'éviter le terrain lorsqu'il était trop dangereux, il était encore trop fréquent qu'elle doive appuyer sur la gâchette. Il était sept heures lorsqu'elle était descendue dans le hall de l'hôtel en tenue de sport pour aller courir avec son Doberman le long du fleuve, Kanye West dans les oreilles.

- Merde t'étais allée courir ?! J'étais en train de devenir folle ! l'alpagua Scarlett dès qu'elle fut rentrée dans la suite.

Elle ne lui demanda même pas comment elle avait fait pour obtenir un double de la carte qui permettait l'accès à sa chambre. Après tout c'était elle qui avait les réservations et elle était déjà surprise qu'elle n'ait pas tenu à leur faire partager une chambre pour s'assurer qu'elle dormait et mangeait suffisamment.

- Ta tenue est en bas au pressing, ils la montent dans une demie heure.

- Parfait, merci Scarlett. T'as mangé ? Il me faut une douche mais je meurs de faim.

La grande brune aux cheveux tressés en une vaine tentative de masquer ses mèches rouges l'observa quelques secondes avec suspicion.

- Quoi ? releva-t-elle finalement.

- Comment tu vas ? Tu l'as vue hier soir non ? Henry n'est pas là …

- Ouais, répondit-elle simplement.

- Et ?

- Et rien Scarlett. Je suis seule dans le bateau.

Elle n'attendit pas une réponse avant de s'enfermer dans la salle adjacente pour prendre une douche brûlante jusqu'à ce que le jet d'eau menace d'abimer la peau sensible qu'elle sécha dans l'une des immenses serviettes grises de l'hotel où elle s'enroula avant de ressortir de la pièce.

- J'ai commandé de tout.

Assise en tailleur sur le canapé en face de la télévision où une série passait en fond sonore, son amie avait en effet fait monter de quoi nourrir toute une équipe et elle eut un sourire.

Elles n'avaient pas reparlé de Regina, échangeant à peine quelques mots sur le trajet à bord de la Jeep noire qu'elle avait commandé pour éviter le jaune criard de sa propre voiture dans un cortège funèbre.

Elle n'était définitivement pas une spécialiste des rapports humains, ne put-elle s'empêcher de penser. Elle qui se targuait de pouvoir déjouer n'importe quel scénario inventé par un cambrioleur ou de parvenir à penser comme un criminel en fuite ou un kidnappeur, n'arrivait même pas à entretenir une relation aussi simple qu'une amitié.

- Scarlett ? finit-elle par demander une fois que le moteur fut coupé dans la cour de la basilique.

- Emma ?

- Je ... Je tenais à te remercier pour ce que tu fais, tu sais ? T'as fait un job d'enfer pour tout prévoir, tu es là avec tout ce dont j'ai besoin même quand je sais pas encore que j'en ai besoin ...

- C'est une demande en mariage ?

- Ta gueule s'il te plaît. Ce que j'essaie de te dire c'est que ...

- Tu vas m'augmenter ?

- Scarlett, gronda-t-elle cette fois.

- Ok, ok, je me tais. Vas-y fais moi ta déclaration.

Cette fois elle laissa échapper un petit rire derrière ses dents serrées. Dans le rétroviseur, elle pouvait voir une Mercedes noire s'engager sur le chemin en gravillon, le moteur à faible allure ronronnant avant de s'arrêter quelques mètres plus loin. Ses yeux se brouillèrent de larmes lorsqu'elle observa Regina en sortir puis se précipiter sur leur fils qui était apparemment parvenu à faire sortir sa chemise du petit pantalon de costume qu'il portait.

- Tu es ma meilleure amie Scarlett, finit-elle par murmurer la voix tremblante. Et quasiment presque de la famille quand j'y réfléchis même si tu dois te dire que ce n'est pas grand chose pour moi qui passe ma vie à fuir la mienne ... Je te remercie d'être là et ... Et je te demande de m'excuser si parfois je manque de reconnaissance.

- Emm...

- Cet enterrement ... Tout est très bizarre. J'ai même pas l'impression que c'est réel.

- C'est normal Em, tu apprenais à peine à la connaître. Tu dois trouver ça terriblement inju...

- Non, la coupa-t-elle. Non en fait, ça ... Ça me met plus en colère qu'autre chose tu sais ... Mais ... Je préfère cent fois que ce soit elle que toi.

L'aveu arracha un rire à la jeune femme qui lui tendit les lunettes de soleil qu'elle avait jusque là coincé dans ses cheveux.

- Tiens, qu'on surprenne pas la grande guerrière dans un moment de faiblesse.

- Merci.

- Merci toi.

La brune fut la première à sortir de l'habitacle, lui laissant quelques secondes encore avant de la suivre et affronter brièvement le regard impassible de son ex-femme. Aucune larme n'avait coulé mais elle savait que Regina serait capable de deviner ses états d'âmes si elle restait trop longtemps à ses côtés et elle s'apprêtait à s'emparer de la main d'Henry pour s'éloigner quand elle fut surprise de la voir les suivre.

- Tu … Tu viens ?

- Oui, fut la seule réponse comme une évidence alors qu'elle était presque certaine que sa présence n'était pas prévue pas plus tard que la veille.

Alors qu'elle portait un tailleur pantalon noir où seul son chemisier blanc faisait tache, la brune avait apparemment choisi une robe cachée sous un manteau dont les pans flirtaient avec ses genoux. La blonde s'autorisa un instant à laisser son regard glisser le long des jambes galbées jusqu'aux talons aiguilles semblables à ceux qu'elle l'avait vue porter la veille à quelques centimètres près en plus.

À l'intérieur elle fut évidemment assise au premier rang aux côtés de David avec l'impression d'être une intruse. Elle ne connaissait pas la majorité des gens qui se pressaient pour s'accumuler dans les rangées plus lointaines, en surprenant quelques uns à adresser des signes de têtes discrets à son ex-femme dont la notoriété devait en faire un spectacle aussi divertissant que le sien.

Elle ne se souvenait même plus de la dernière fois où elle avait mis un pied dans un endroit de ce genre réalisa-t-elle lorsque l'orgue se mit à chanter. À ses côtés Henry ne tarda pas à pleurer et elle fut surprise de le voir se rapprocher d'elle plutôt que de Regina, entourant son petit corps d'un bras qu'elle referma sur lui en une embrasse dans laquelle il se relaxa immédiatement.

- ... Blanche était certainement la femme la plus sensible que j'ai pu croiser, certains d'entre vous l'ont connue aussi jeune que lorsque je l'ai rencontrée et tout le monde s'accordait pour dire qu'elle respirait la joie de vivre. Mais quelque part avant ... Avant notre mariage, sa joie de vivre s'était éteinte.

Le regard clair de David posté derrière un pupitre habillé d'une étole noire se posa sur elle, continuant à l'observer lorsqu'il reprit.

- J'ai mis des années à réussir à comprendre que jamais je ne retrouverais l'insouciance de la femme dont j'étais tombé amoureux mais quelque chose n'avait pas changé ... Il n'y avait pas plus optimiste que Blanche et alors que j'avais perdu tout espoir de réussir à lui redonner le sourire, elle qui n'avait jamais abandonné, a réussi contre toute attente à retrouver ce qui lui manquait.

Elle avait déjà entendu l'histoire. Comment sa mère des années durant avait employé des détectives privés pour retrouver l'enfant qu'elle avait perdu et son bras se referma un peu plus sur Henry, coupable à l'idée que Blanche se soit finalement montrée peut être plus à la hauteur qu'elle en tant que mère.

- Ces derniers temps son seul espoir était d'enfin réussir à faire partie de la famille dont elle avait toujours rêvé. Et parce qu'elle avait assez d'amour pour nourrir toute une colonie, nous avions décidé d'avoir un ... un autre enfant.

La voix de David s'étrangla légèrement sur ses derniers mots et si la tristesse qu'elle sentait étreindre son cœur était inhabituelle, quelque chose d'autre le fit battre la chamade lorsqu'une main se glissa dans la sienne. Elle détacha brièvement son regard de l'estrade pour examiner le profil parfait de son ex-femme qui ne daigna pourtant pas la regarder.

La brune avait abandonné son manteau pour dévoiler une simple robe noire au décolleté rond dont le manque de manches avait été compensé par de longs gants en soie noire. Ses doigts se crispèrent sur ceux qui semblaient faits pour s'y emboîter et elle faillit avoir un sanglot pour une toute autre raison lorsqu'elle remarqua que Regina ne portait pas l'éternelle bague en forme de tête de panthère à son annulaire.

- ... heureuse, c'est de savoir que nous allons tous faire notre possible pour réaliser ce dont elle avait toujours rêvé.

.

.

Emma n'avait pas écouté la fin de l'éloge, consumée par la sensation qui brûlait un chemin de ses doigts jusque dans son cœur en une traînée de feu le long de son bras. Elle tremblait pour une dizaine de raisons différentes lorsque son père vint se rasseoir à ses côtés, l'étreignant brièvement avant de céder aux larmes qu'il avait sans doute retenues durant son discours.

La main quitta pourtant bien vite la sienne, remplacée par celle de son fils lorsqu'elle dut se forcer à rester debout près du cercueil de Blanche tandis qu'une foule d'inconnus venaient à sa rencontre pour lui adresser des paroles de soutien qu'elle n'écoutait même pas.

A l'extérieur, elle rejoignit Scarlett qui s'était tenue en retrait lors de la cérémonie et accepta sans tergiverser la cigarette qui lui fut tendue malgré le regard empli de dédain qu'elle sentit émaner de son ex-femme restée à quelques mètre de là.

- On va au cimetière et après on rentre à l'hôtel ? proposa-t-elle à son amie en caressant le Doberman qui lui faisait la fête après plus d'une heure passée sans la voir.

- Je croyais que ton père avait préparé un repas à la villa ?

- Merde. C'est vrai, t'as raison ça m'était complètement s…

- On dit pas de gros mots 'ma ! la reprit Henry qui venait d'apparaître à ses côtés déjà à moitié accroupi pour mettre deux bras autour de son chien.

- C'est vrai gamin, t'as raison, opina-t-elle immédiatement en tentant de cacher derrière son dos la cigarette qu'elle avait été en train de fumer.

- Maman me fait mettre un dollar dans une boite à chaque fois que j'en dis un.

- Elle a raison.

- Tu devrais faire pareil.

À ses côtés Scarlett émit un petit rire étouffé dans une quinte de toux lorsque Regina arriva à leur hauteur.

- J'y penserai Henry, se contenta-t-elle de répondre pour sa part.

- Henry, mon chéri, je vais devoir y aller …

C'était bizarre d'entendre sa voix emprunter des tons aussi doux alors que la veille et leurs dernières disputes avant qu'elle ne fuie New York ne lui en avaient laissé qu'un souvenir acerbe.

- Tu dois travailler ?

Il y avait une déception palpable chez l'enfant qui aurait pu la faire sourire amèrement mais elle ne le fit pas, préférant enserrer ses lèvres autour du filtre de la cigarette dont elle tira nerveusement une grande bouffée.

- Hey, c'est qui le type appuyé sur ta caisse ?

La question posée innocemment par son amie la fit se tourner vers le parking où adossé au gros SUV noir, quelqu'un qu'elle n'aurait jamais pensé revoir observait leur petit groupe avec un sourire. Par réflexe plus qu'autre chose sa main se porta à sa hanche, là où était d'habitude sécurisé son fidèle Beretta mais en face l'homme se contenta de lui adresser un signe de la main.

- Emma ?

- Bouge pas, ordonna-t-elle à la brune dont elle s'empara du poignet pour la traîner un mètre plus loin, devant Henry.

Le cœur battant, elle s'autorisa un regard en arrière pour plonger brièvement dans celui de son ex-femme qui n'avait rien perdu du manège. Les yeux sombres avaient l'air de l'épier avec l'attention d'un aigle, une main déjà posée sur l'épaule de leur fils et elle eut un hochement de tête à son encontre. Elle ne savait pas très bien le message qu'elle tentait de lui communiquer mais ses pas la guidaient déjà en bas de quelques escaliers en pierre et sur le parking où elle rejoignit sa Jeep le dos raide en compagnie de son Doberman.

- Qu'est-ce que tu fous là ?

- Et bien j'ai appris pour ta mère … Et que tu étais en ville alors …

- C'est des conneries.

- Non, écoute Emma … Pourquoi tu m'as pas dit pour … Pour Henry ?

Dans sa bouche le prénom lui arracha un frisson. Neal n'avait pas changé et si elle n'avait pas une seule fois prononcé son nom, elle se demanda brièvement si Regina parviendrait à voir sur ses traits la ressemblance qu'elle y voyait douloureusement avec leur fils. Elle n'avait aucun doute sur le fait que le sujet serait épineux s'il venait à nouveau à être soulevé.

- Depuis quand est-ce que tu fumes ?

- Je fume pas, répondit-elle sur la défensive malgré la cigarette sur laquelle elle tirait nerveusement.

- Ok, accepta l'autre avec un petit rire qui lui déplut.

- Qu'est-ce que tu fous là ? répéta-t-elle en écrasant le mégot sous la semelle des talons aiguilles qui lui faisaient déjà mal.

- Je te l'ai dit … Je … Je voulais avoir de tes nouvelles. Je sais que c'est pas vraiment le moment, mais j'aurais bien aimé qu'on parle … De … De notre fils et de nous …

Le jeune homme avait ponctué sa phrase d'un nouveau sourire adressé par dessus son épaule avec un petit signe de la main et elle faillit imploser en comprenant qu'il avait été destiné à Henry.

- Regina Mills hein ?

Malgré la distance elle n'avait aucun mal à voir la furie noire qui avait envahi les yeux de l'intéressée. Figée comme une statue, la femme avait l'air d'une déesse sur le point d'exercer son courroux sur tout ce qu'elle pourrait atteindre. À l'exception sûrement de l'enfant sur lequel elle avait toujours une main clairement possessive. Leurs regards se croisèrent un instant et elle fut blessée d'y retrouver le manque total de confiance qui l'avait malheureusement poussée à s'enfuir des années plus tôt.

- Ouais, répondit-elle finalement. Sa mère.

- Je sais.

- Donc tu dois savoir qu'il n'y a aucune chance pour que tu fasses partie de la vie du gamin. T'as jamais été là, c'est pas maintenant qu'il commencera à avoir besoin de toi.

- Quoi ?! Hey, justement, tu diras plus pareil quand il sera ad…

- Je m'en fous Neal. Dégage.

Elle fut surprise par la colère qu'elle vit brièvement passer dans ses yeux avant que ses traits se détendent en un sourire facile dont elle se rappelait très bien.

- Ok, je comprends Em. Tu es bouleversée, c'est compréhensible, je … Je repasserai.

Bonne chance eut-elle envie de lui dire. Dans quelques jours elle aurait déjà décollé pour l'Europe de l'est et elle n'imaginait pas une seconde Regina le laisser approcher de leur fils.

- Fais ce que tu veux Neal mais là tout de suite, dégage.

Bien que tout à fait sérieuse, sa demande fut accueillie d'un petit rire et il devait être complètement inconscient ou sacrément culotté se fit-elle la remarque lorsqu'il combla l'espace qui restait entre eux pour la prendre dans ses bras. La brève embrasse la laissa figée, incapable de bouger alors qu'il s'éloignait déjà avec un nouveau sourire.

Le rétroviseur de la Jeep fut la victime de son indignation, écrasant son poing contre la surface vitrée qui explosa sous l'impact. Elle aurait aimé continuer à s'abîmer les jointures de ses articulations mais la présence de son fils à quelques mètres la fit reprendre le contrôle, enfonçant ses mains dans les poches de son pantalon pour tourner les talons et rejoindre le perron de la basilique où le petit groupe l'observait toujours.

- Beau crochet, la félicita Scarlett.

- Appelle August, je veux que la sécurité autour d'Henry soit renforcée et prend moi le premier avion la semaine prochaine.

- La sécurité autour d'Henry, entendit-elle son ex femme répéter avec une incrédulité colérique. Emma …

- Pas maintenant, refusa-t-elle.

- Emma

- J'ai dit pas maintenant, gronda-t-elle cette fois.

Mais l'avertissement fut largement ignoré par la femme qui se saisit de son avant bras.

- Oh que si maintenant, fut-elle contredite, déjà entraînée en bas des marches qu'elle venait à peine de monter.

La conversation s'annonçait épique … Un sifflement la fit brièvement se tourner, attrapant au vol le paquet de cigarettes qui lui fut jeté par sa meilleure amie tandis que Regina allait se poster près de sa Mercedes. Elle avait un air tendu qui ne laissait présager rien de bon et la blonde retarda de quelques secondes la confrontation en allumant une Philip Moris, surprise lorsqu'elle lui fut arrachée des mains par celle qui ne la jeta pas comme elle s'y était attendue mais la porta à sa propre bouche.

Muette, la jeune femme réitéra l'opération pour elle même, glissant le paquet dans sa poche avant d'adresser un regard noir au Doberman qui leur tournait autour avec l'enthousiasme d'un chien qui pense partir en promenade.

- Couchée Gina, ordonna-t-elle par habitude quand son regard n'eut aucun effet.

Le nom provoqua une quinte de toux qui aurait pu la faire rire si elle ne s'était pas figée dans son erreur. Elle avait peut être prévu de lâcher le prénom en de différentes circonstances pour énerver son ex-femme mais l'occurrence était terriblement mal choisie.

- Tu … Tu as appelé ta … Ton chien, Gina ?

La voix était incrédule, le ton bas et les yeux brillants de quelque chose qui ressemblait presque à de l'amusement quand elle osa relever la tête pour l'affronter. Mais elle savait d'expérience que l'amusement n'avait rien à faire dans cette histoire. Si elle était capable de reconnaître la plaisanterie pour ce qu'elle était, c'était surtout la flamme d'une guerrière prête au combat qui s'était allumée dans les perles d'ébène.

- Ouais, releva-t-elle le défi. Ma chienne. Elle me rappelait quelqu'un.

- Je suppose que je devrais être ravie que ce ne soit pas un Yorkshire …

- Te fie pas aux apparences, elle montre les dents mais elle est très bien dressée.

La réponse lui valut un soupir désabusé et quelque chose dans la posture de la brune lui annonça que la conversation allait prendre une toute autre tournure.

- Qui était-ce ?

- On serait pas là si tu savais pas qui c'est …

- Son nom. C'est son nom que je veux.

- Neal Cassidy, répondit-elle après un moment d'hésitation.

Il fallait toujours réfléchir à deux fois avant de donner un nom à Regina. Elle était capable de faire tout et n'importe quoi avec si peu et la blonde savait déjà qu'elle ne s'en servirait certainement pas à bon escient.

- Tu … Tu as gardé contact avec ce … Avec lui ?

- Non. Je sais pas comment il m'a retrouvée, je vois même pas comment il est au courant …

À ses côtés l'autre consentit enfin à lui offrir autre chose que son profil, fouillant son regard avec la claire intention d'y trouver une preuve.

- Mais tu me crois pas hein ? comprit-elle avec amertume, habituée au regard empli d'incertitude en ce qui la concernait.

Son emportement ne mérita apparemment aucune réponse, Regina se contentant d'écraser le mégot de sa cigarette sous sa semelle rouge.

- Je veux qu'Henry soit à la maison à huit heures au plus tard.

- Ok, répondit-elle simplement contente de savoir quand choisir ses combats.

Elle eut le droit à un dernier regard pénétrant avant que la beauté ténébreuse ne baisse les yeux sur le Doberman dont la vue fit naître une petite grimace sur les lèvres pulpeuses.

- Elle a sauvé des dizaines de vie à Tel-Aviv, l'informa-t-elle avec une fierté non dissimulée.

- Et toi, combien est-ce que tu en as pris ?

La réplique lui coupa le souffle. Ses activités à l'armée avaient été un des premiers différends qu'elle avait eus avec Regina et aussi impitoyable puisse-t-elle se montrer à New York, la brune n'avait en effet jamais tué qui que ce soit. Les perles d'ébènes pesèrent quelques secondes encore sur elle, chargées d'un jugement contre lequel elle ne pouvait rien avant que les portes de la Mercedes ne s'ouvrent avec un bip discret.

.

.

Le buffet organisé à la villa de ses parents lui avait parut interminable, finissant près du stand à alcool malgré la compagnie d'Henry qui ne cacha pas toute son inquiétude au fur et à mesure que se vidaient les verres. Scarlett avait disparu quelque part en fin d'après midi pour rentrer à l'hôtel et elle se retrouva une fois de plus avec un enfant endormi sur les bras.

Huit heures approchaient et elle était toujours ivre constata-t-elle lorsqu'elle eut un premier vertige en montant à bord de la Jeep où son fils était de justesse parvenu à se hisser tout seul. Elle prit de longues minutes encore pour reprendre ses esprits, attendant d'avoir l'esprit suffisamment clair pour conduire. Et s'il avait été encore conscient lorsque le moteur fut allumé, Henry dormait paisiblement contre la vitre du SUV quand elle le coupa devant le manoir de l'Upper West Side.

Pour le deuxième soir consécutif, elle dut frapper à la porte le gamin callé sur sa hanche deux petits bras enroulés autour de son cou. Les talons aiguilles qu'elle portait encore lui faisaient un mal de chien mais tout inconfort fut éclipsé par une sourde jalousie lorsqu'une blonde lui ouvrit la porte.

- Emma !

Aussi vite était-elle apparue, aussi vite l'émotion fut-elle estompée quand elle reconnut la trentenaire qui la couvait d'un regard adorateur.

- Kat' … Ça faisait …

- Une éternité ! Le bébé dort ?

- Le bébé pèse une tonne. Je peux le monter ? Où est Regina ?

- Oui oui bien sûr, vas-y. Elle doit être dans la cuisine, on était en train de boire un verre.

Elle ne répondit que d'un sourire, abandonnant les escarpins au pied des escaliers qu'elle monta rapidement pour aller déposer l'enfant dans sa chambre après l'avoir délesté de ses chaussures et de sa veste de costume.

- Bonne nuit 'ma !

- Bonne nuit petit démon, lui souhaita-t-elle en comprenant qu'il avait fait semblant de dormir pour éviter toutes les corvées imposées avant d'aller se coucher.

- Dis rien à maman !

- Promis. Dors bien, on se voit bientôt.

- Promis ?

- Promis, répéta-t-elle.

En bas des escaliers elle récupéra ses escarpins, prête à s'enfuir quand elle fut interceptée par la meilleure amie de la maîtresse des lieux.

- Em tu n'as pas changé c'est fou !

Elle ne répondit pas, incapable de retourner le compliment quand elle n'avait brièvement pas pu reconnaître la blonde. La responsable de communication qu'elle était devenue avait pris des rides et quelque chose dans son regard trahissait une vie un peu trop remplie.

- Tu devrais aller la voir … Elle a quelque chose à te dire.

- Des excuses à présenter peut être ? railla-t-elle.

La proposition fit naître un petit rire. Non, bien sûr ...

- Je vais y aller, lui assura-t-elle avec un air résigné tandis que Katrin lui adressait un sourire facile en partant en direction de la sortie.

Regina était debout près d'une des baies vitrées qui donnaient sur le jardin arrière de son manoir lorsqu'elle entra dans la cuisine et elle ne fut pas surprise d'y apercevoir les contours d'un pommier. Après tout, c'était de famille que de concocter son propre cidre …

La brune ne pouvait pas avoir raté son entrée malgré les escarpins qu'elle tenait à la main mais elle ne sembla pas pour autant vouloir lui parler et Emma laissa son regard dériver sur la pièce immaculée faite de marbre, d'acier et de bois. Elle n'avait aucun mal à l'imaginer un soir de semaine en train de préparer à manger pour un Henry posté devant l'immense écran télévision qu'elle apercevait dans le salon attenant.

Un épais dossier attira son attention sur le comptoir en marbre noir et si elle était incapable de reconnaître le sigle de la société qui y était imprimé, la blonde n'eut aucun mal à y lire le nom du père biologique d'Henry écrit en toutes lettres un peu plus bas.

- Comment va Henry ? fut la question à laquelle elle aurait du s'attendre.

- Il dort.

- Bien.

Elle ne répondit pas, laissant le silence replonger dans la pièce avant que l'autre ne se décide finalement à reprendre.

- Quand est-ce que tu repars ?

- Dimanche. Je passerai certainement voir Henry d'ici là.

- Jeudi.

- Jeudi ?

- Jeudi nous avons été convoquées chez le notaire pour la succession de ta mère. Je suppose que ta lettre a du arriver là bas quand tu n'y étais plus …

- Oh … Mais euh … Pourquoi toi ?

La question certainement maladroite fit se retourner la brune qui l'examina d'un œil critique.

- Tu as bu, déclara-t-elle comme si le fait pouvait expliquer son manque évident de logique.

- Pourquoi ? ragea-t-elle. Tu as peur que je perde mes moyens et d'être ma prochaine victime ?

- Je n'ai pas peur de toi non ...

- Et bien tu devrais, gronda-t-elle en se rapprochant d'elle en une menace explicite.

La soudaine promiscuité ne parut pas déranger la brune qui se contenta d'hausser un sourcil désabusé à son encontre.

- J'ai regardé des gens comme toi dans les yeux avant de les tuer Regina et certains d'entre eux ne l'avaient même pas mérité.

- Est-ce que je dois appeler la police pour prendre ta déposition ?

Elle ne s'était pas départie de son air hautain qui donnait à Emma envie de l'étrangler.

- Je suis sûre qu'un voisin le fera pour toi quand on t'entendra crier depuis l'autre bout de la rue.

- L'autre bout de la rue Emma ? C'est un peu prétentieux pour quelqu'un qui ne m'a pas touchée depuis des années, tu ne crois pas ?

Le sous-entendu aurait pu la faire rougir si elle n'avait pas été consumée par une colère qui s'électrifia d'un désir qu'elle choisit d'ignorer.

- C'est toi la prétentieuse si tu crois que je poserais une main sur toi pour autre chose que te faire mal.

Le mensonge ne passa pas inaperçu, provoquant un petit rire qui alla se loger entre ses reins et elle se força à reculer d'un pas. La distance soudaine lui laissa un goût amer encore plus puissant que l'alcool qu'elle avait consommé et elle se sentit brusquement vulnérable face au regard qui épiait la moindre de ses réactions.

- Je vais envoyer quelqu'un dans le coin les prochaines semaines, préféra-t-elle finalement changer de sujet. N'appelle pas la police si tu vois une voiture noire garée en face de chez toi.

- Pourquoi ? Est-ce que cet homme est dangereux ?

- Je sais pas … T'as qu'à regarder dans ton dossier, ça doit être marq…

- Emma, contrairement à toi je ne plaisante pas avec la vie de mon fils.

- Notre fils, corrigea-t-elle rageusement. Et t'étais même pas au courant que j'avais un œil sur lui toutes ces années !

Elle n'avait rien à rajouter décida-t-elle en tournant les talons pour échapper au regard pénétrant mais peine perdue, des ongles parfaitement manucurés s'enfoncèrent dans le tissu de sa veste jusqu'à parvenir à lui faire mal pour la retenir et forcer leur affrontement.

- Si tu oses partir avant que le problème soit reg...

- Pour qui est-ce que tu me prends ?

Elle n'eut pas le droit à une réponse à haute voix mais le haussement de sourcil qu'elle obtint valait toutes les insultes que la brune aurait pu lui lancer. Regina la prenait pour une lâche. Pour une mauvaise mère. Pour une inconsciente. Et elle était peut être ça et bien d'autres choses encore mais que son ex-femme puisse penser qu'elle la laisserait seule dans un moment pareil l'énervait plus que de raison.

- Lâche-moi, ordonna-t-elle en réussissant à se dégager cette fois.

Le regard perçant la jugea encore quelques secondes avant que les traits parfaits encore maquillés se détendent en une fausse indifférence.

- Si le problème n'est pas réglé d'ici la fin de la semaine c'est moi qui m'en charge, sembla-t-elle tout de même prévenir.

- Il le sera, lança-t-elle par dessus son épaule en fuyant les quelques mètres qui la séparaient de la porte d'entrée.

.

.

Le lendemain matin c'était la secrétaire de Regina qui lui avait adressée par mail l'adresse du notaire chez qui ils avaient apparemment tous rendez-vous le jeudi et elle avait profité de sa journée libre pour mettre un pied dans les locaux de l'entreprise qui lui appartenait.

Le bilan positif l'avait laissée satisfaite et elle était même arrivée à éclipser une part de son humeur morose lorsqu'elle pénétra dans les locaux du notaire le jour suivant. Elle ne fut pas surprise de trouver David et Regina déjà assis dans la salle d'attente, subjuguée l'espace d'un instant par la vision qu'offrait son ex-femme moulée dans une robe bleu marine, les traits illuminés par un véritable sourire qu'elle offrait au nourrisson posté sur ses genoux.

- Emma !

Son nom la fit sortir de sa transe, acceptant l'embrasse de son père qui s'éternisa un peu trop longtemps comme s'il était en manque d'un quelconque contact humain qu'elle n'était pas prête à lui offrir. Et comme pour confirmer sa théorie, David ne perdit pas une seconde pour commencer un interrogatoire qui la mit mal à l'aise.

- À quel hôtel est-ce que tu restes chérie ?

- Le Greenwitch, répondit-elle prudemment.

- Ecoute je me disais … Je ne sais pas pour combien de temps tu comptes rester mais tant que tu es là … Peut-être que tu pourrais t'installer à la villa ? Tu as l'embarras du choix en chambres d'amis et … Je cracherais pas sur de la compagnie.

- Euh je …

Elle n'aurait pas du hésiter. Qui était-elle pour refuser ce genre d'invitation à un homme qui venait de perdre l'amour de sa vie et se retrouvait avec un nouveau né sur les bras ? Son regard papillonna en direction de Regina dont les yeux sombres avaient quitté le petit être pour l'observer avec une intensité qui lui était propre. Dénuée de jugement mais attentive au point de vous faire douter de votre propre nom.

- Monsieur White ? Miss Swan ? Miss Mills ?

Les trois relevèrent immédiatement la tête vers la secrétaire qui venait de les appeler et elle ne put s'empêcher de remercier le dieu qui venait de la sauver, échappant de justesse à la question à laquelle elle ne savait répondre. Introduits dans un bureau aux vitres teintées, ils s'assirent dans des petits fauteuils en un silence qui pesa jusqu'à l'arrivée de l'homme qui leur serra la main tour à tour.

- Je vous prie de m'excuser du retard, commença-t-il certainement plus pour Regina que pour qui que ce soit d'autre, nous avons tous des agendas chargés alors je vais faire au plus vite.

- Merci, la brune fut-elle d'ailleurs la seule à répondre d'un ton pincé.

- Madame White est venue me voir il y a trois ans pour changer son testament. Ses demandes étaient particulières et j'ai du obtenir l'accord de son mari ici pour parvenir à ce qu'elle voulait ...

- Je croyais qu'on allait faire vite ?

- Oui ... Bien ... J'ignore si elle vous en avait fait part mais Blanche tenait beaucoup à vous Miss Swan et ... Au fils que vous avez eu avec Madame le Procureur.

- Je suis désolée mais je ne suis vraiment pas d'humeur à entendre ce genre de laïus, est-ce qu'on ne peut pas directement en venir à ses termes ? pressa-t-elle en sentant sa bonne humeur s'évaporer à vue d'œil.

- Non. En fait ... Ce sont justement ses termes. Que je vous explique ses raisons avant de vous annoncer son choix.

- Allez-y, se résolut-elle avec un vague signe de main en s'enfonçant un peu plus dans son assise pour écouter ce qui allait suivre.

- Madame White ... Madame White était particulièrement concernée par l'avenir de sa famille. Par votre avenir Miss Swan et ... Elle estimait que votre place était ici à New York.

- Sauf votre respect Maître, je paie déjà assez cher quelqu'un pour me servir ce genre de conseils. Je peux vous assurer que ma ... Ma mère m'avait déjà clairement expliqué ce qu'elle pensait de mon comportement, est-ce qu'on peut passer à la suite ?

Et son ton avait beau être léger, elle savait que la colère qui brillait dans ses yeux était explicite. L'homme dut le sentir, lui adressant un signe de tête les lèvres pincées avant d'ouvrir le fichier en carton qui trônait sur son bureau. Emma le vit en écarter une enveloppe où son prénom avait été écrit en lettres noires mais se força à l'écouter parler.

- Il y a deux bénéficiaires. Monsieur, son époux, vous héritez de l'ensemble du patrimoine immobilier et des meubles qui y sont attachés. Idem pour les collections d'œuvres d'art et les liquidités sur les comptes. En ce qui concerne la société ... Elle lègue l'intégralité de ses parts à Monsieur Henry Mills c'est à dire ... soixante-dix pour cent au conseil d'administration. C'est pour ça que vous êtes là aujourd'hui. Bien sûr, tant qu'il n'est pas majeur, Monsieur ne pourra pas disposer de cet héritage et c'est à ce titre que ...

La blonde l'observa pousser un ensemble de feuilles imprimées vers le bord du bureau.

- ... Madame White a expressément demandé que vous soyez toutes les deux chargées des intérêts de son petit fils en attendant.

A sa droite Regina croisa nerveusement ses jambes mais Emma ne l'écouta même pas poser la question qu'elle vit se dessiner sur les lèvres pulpeuses laquées d'un rouge profond. Un instant, elle garda les yeux rivés sur la femme de sa vie, l'observant sans vraiment la voir.

Il était évident qu'avec son éternel optimisme, Blanche avait du croire que la forcer à demeurer à New York auprès de sa vraie famille resserrerait les liens négligés depuis bien trop longtemps. Mais c'était faux. La forcer à quoi que ce soit ne ferait qu'envenimer la situation. Tout comme elle savait que Regina et elle seraient incapables de travailler en harmonie. Aussi fut-elle surprise de la voir fouiller son sac à main pour en sortir un stylo plume dont elle parapha chaque feuillet.

- Est-ce que je peux lire la lettre ? s'entendit-elle demander après avoir eut le droit à un haussement de sourcil impatient de la part de son ex-femme.

- La l...

- Celle qui porte mon nom là, s'il vous plaît ?

- Oh ! Oui, oui bien sûr, je vous en prie.

Elle fit de son mieux pour ignorer les trois regards rivés sur elle lorsqu'elle s'empara de l'enveloppe d'un blanc crème où une simple feuille de papier avait été recouverte de l'écriture droite de sa mère biologique.

"Emma, ma chérie,

Si tu lis ces mots, c'est que je ne suis déjà plus à tes côtés. Je dis déjà parce que les années passées en ton absence m'ont donné envie d'y rester une éternité et qu'importe que tu lises ça à trente, cinquante ou soixante-dix ans, sache que le temps écoulé n'aura pas suffi à rattraper celui perdu.

Je t'ai souvent répété qu'il n'y avait rien de plus sacré pour moi que ma famille Emma et tu n'as jamais caché la colère que t'inspiraient ces mots ... Si la famille m'était si importante, pourquoi t'avais-je abandonnée ? Je ne reviendrai pas sur les raisons que j'ai déjà tenté de t'expliquer des dizaines de fois et je ne cherche pas ton pardon. Je ne suis pas sûre de le mériter.

Une chose est sûre en revanche, je veux que tu comprennes ce que je ressens et que tu cesses de te cacher à l'autre bout du monde pour fuir celles et ceux à qui tu préfères fermer ton cœur plutôt que risquer de souffrir. Je t'en prie, ne m'en veux pas de te forcer la main, tu ne m'as peut-être pas laissée voir grand chose de toi, mais si je suis sûre d'une chose à ton propos c'est que j'ai raison de faire ce que je fais.

Veille sur Henry. Sois la mère que tu aurais voulu avoir. Sois la mère que tu aurais voulu que je sois.

Je t'aime et je t'aimerai à jamais.

Blanche."

La blonde prit une profonde inspiration, repliant doucement mais fermement le papier que tous l'avaient observée lire.

- Ce sera tout ? demanda-t-elle au notaire en tentant d'ignorer la larme qui s'était sournoisement échappée de son œil droit.

- Ce sera tout, confirma-t-il. Une signature et je vous remettrai officiellement un double des clefs du building de la compagnie. Les papiers dans quelques jours ...

- Et si je refuse ?

- Si vous refusez, je serai forcé d'appliquer la volonté de Madame votre mère et de procéder à la liquidation de la société pour que les fonds soient redistribués aux associations dont elle a établi la liste.

- Je vois. Combien de temps j'ai pour me décider ?

- Une semaine Madame.

Le regard clair tomba sur les papiers qui trônaient encore devant Regina. La brune y avait apposé sa signature comme sur un simple chèque et elle ne savait pas si elle devait attribuer le manque d'hésitation à de l'effronterie ou à son éternelle confiance en elle. Mais peut être n'avait-elle réfléchi qu'à l'avenir de leur fils. Accepter l'héritage c'était lui assurer un train de vie princier quoiqu'il décide de faire plus tard, une opportunité qui n'aurait pas du la faire hésiter en tant que mère ...

Mais voilà, ce n'était pas un secret pour qui que ce soit, elle n'était pas vraiment une bonne mère. Et elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'apposer cette signature sur ce document l'obligerait surtout à côtoyer Henry et Regina bien plus qu'elle ne se l'était permis ces derniers temps. Les mots que Blanche avait écris noirs sur blanc dans la lettre qu'elle tenait toujours fermement entre ses doigts dansaient encore devant ses yeux qu'elle s'empressa de faire papillonner à travers la pièce.

- Quand est-ce que je p...

Sa question mourut quand la porte du bureau fut ouverte et si elle s'était apprêtée à fustiger le manque de professionnalisme de la secrétaire, le visage qui apparut dans l'entrebâillement fit éclater une colère sourde. À ses côtés, son ex-femme ne fit aucun effort pour retenir le grondement animal qui s'échappa d'elle mais elle stoppa quoi qu'elle se soit apprêtée à faire d'une main qui effleura sa cuisse. Le bref contact l'électrifia suffisamment pour lui donner l'énergie nécessaire de bondir hors de son fauteuil.

- Excusez-moi une minute, gronda-t-elle en repoussant sans ménagement le fauteuil dans lequel elle était installée depuis le début du rendez-vous.

Les panneaux vitrés du bureau étaient suffisamment teintés pour laisser assez d'intimité à toute personne se trouvant derrière ou devant eux, mais Emma ne se força pas à une quelconque délicatesse lorsque son poing se referma sur l'avant bras du jeune homme qu'elle entraîna quelques mètres plus loin à sa suite et jusque dans la première salle qu'elle trouva, où tournaient en continu un ensemble d'imprimantes.

- Qu'est-ce que tu fous là ?

- J'ai eu un mal de chien à rentrer.

- Qu'est-ce que tu fous là ?!

- Et bien je voulais te parler ! L'autre jour déjà mais tu m'as rembarré comme un moins qu...

- Et t'as rien trouvé de mieux que venir me faire chier dans un moment pareil ?

- Dans un moment pareil, justement, Emma. C'est à propos de nous, à propos de notre fils, avant que tu fasses une erreur.

- Une erreur ? releva-t-elle uniquement.

- Je ... J'aurais voulu t'en parler autrement mais ...

- Accouche.

- Je veux re-rentrer dans ta vie. Je veux être le père dont Henry a besoin. C'était bien nous deux non ? Je suis certain que ça aurait pu marcher, que ça pourrait marcher ... T'as pas besoin de cette garce pour réussir à en faire quelqu'un de bien, on peut s'occuper de lui.

La proposition lui arracha un petit rire désabusé qui fit nerveusement sourire son interlocuteur.

- Em ... Alors, qu'est-ce que tu en dis ?

- Qu'est-ce que j'en dis ? répéta-t-elle en se rapprochant de lui pour envahir son espace personnel.

- Oui ? Si je t'invitais au restaurant un de ces soirs ? Pour parler de tout ça ... Je suis sûr que tu peux les faire attendre avant de prendre une décision.

- Ma décision est toute prise Neal. Je sais pas comment tu as su ce que Blanche manigançait mais je te connais assez pour savoir que t'es là uniquement pour les millions que t'as flairé.

- Non c'est f...

- Tu te tais quand je parle, ordonna-t-elle d'une voix sans appel qu'elle utilisait d'habitude avec ses hommes de main. Tu veux savoir ce que j'en dis de ta proposition Neal ? Tu peux aller te la carrer là où je pense. Je préférerais encore renoncer à tous mes droits au profit de cette garce, comme tu l'appelles, plutôt que de te donner une chance avec Henry !

- Hey ! Tu es complètement injuste ! J'ai jamais eu mon mot à dire dans cette histoire !

- Et tu ne l'auras jamais. J'ose à peine appeler Henry mon fils, alors le tien ...

- Tu fais une grave erreur, eut-il l'air de la menacer.

- La seule erreur que j'ai faite c'était de te laisser poser une main sur moi Neal. Tu peux retourner ramper dans le trou d'où t'es sorti, ta présence n'est pas la bienvenue ici.

- Je te laisserai p...

- Je vous conseille de faire exactement ce que vous a conseillé ma femme, Monsieur Cassidy.

La voix glaciale les fit frissonner tous les deux mais certainement pas pour les mêmes raisons. Hébétée, elle tourna les talons pour découvrir la brune dont les yeux fusillaient le père de leur fils avec une haine aussi vive que le jour où elle lui avait avoué l'avoir trompée. Et elle ne se rappelait même plus de la dernière fois où Regina l'avait appelée " ma femme ".

- Riez tant que vous le pouvez encore Madame la juge, j'ai autant de droits sur cet enfant que vous !

- C'est Madame le Procureur et je vous assure que la situation est loin de m'amuser.

- Alors préparez-vous à ce que ça devienne pire.

- Est-ce que ce sont des menaces ?

- Et qu'est-ce que vous allez faire ?

- Oh je ne sais pas ? Passer un coup de fil au département de la justice pour qu'ils s'amusent à faire de votre vie un enfer ? Ou demander à ma femme de faire venir un de ses hommes pour vous faire extrader à l'autre bout du monde où des anciens militaires vous feront tourner dans une cave jusqu'à ce que vous ayez oublié votre nom ?

Elle avait presque oublié à quel point Regina était sexy lorsqu'elle proférait une menace qui ne lui était pas directement destinée. Les iris d'ébène s'assombrissaient d'avantage, la promesse que ce qu'elle avançait n'était pas à prendre à la légère.

- Qui est-ce qui menace là, Madame le Procureur ?

- Moi, Monsieur Cassidy. Et contrairement à vous je l'assume totalement.

- Tu vas voir ce que je vais assumer sale pet...

- Ok ça suffit, gronda-t-elle en s'arrachant à l'admiration de la brune pour empêcher Neal de se rapprocher d'elle comme il en avait apparemment eu l'intention.

- Lâche-moi.

Elle obéit à sa façon, tirant d'un coup sec sur son avant bras pour l'envoyer tituber un mètre plus loin.

- Dégage Neal, que je te revoie plus.

- Tu me reverras bien assez tôt.

Elle ne fit pas cas du regard noir qu'il lui adressa mais tout contrôle qu'elle avait pu exercer sur sa colère mourut à l'instant même où il prit soin de cracher aux pieds des talons aiguilles que portaient Regina. Sa main agrippa une épaule à l'aveugle mais avec juste assez d'assurance pour le faire pivoter à la rencontre du poing qu'elle écrasa sur sa mâchoire. Le coup fut assez fort pour le faire tomber à la renverse sur une étagère emplie de dossier qui s'écroula en même temps que lui.

Un instant elle resta immobile, épiant une quelconque réaction sur le corps inanimé où elle fut à peine soulagée de remarquer une faible respiration avant de reporter son attention sur l'autre spectatrice qui était restée de marbre. Les yeux sombres l'observaient avec une attention dévorante qui lui fit se demander à quel moment de sa conversation avec Neal, Regina avait bien pu débarquer.

- C... Ça va ? demanda-t-elle un peu maladroitement en étendant ses phalanges pour s'assurer que son coup de poing n'avait pas abîmé quoi que ce soit.

Les mains qui s'abattirent sur le col de son blouson en cuir lui arrachèrent un hoquet de surprise.

- La prochaine fois qu'il nous menace je veux que tu le tues, c'est clair ?

- À vos ordres Madame le Procureur.

Son obéissance lui valut un bref signe de tête et elle allait s'écarter lorsque les derniers centimètres qui les séparaient furent anéantis par la brune. Les lèvres qui enserrèrent brièvement les siennes avec un air de finalité la firent frissonner, le contact quasiment irréel et presque aussitôt terminé.

- Qu ...

La seule syllabe qu'elle était parvenue à articuler mourut sous l'intensité du regard qui la dévorait. Emma sentit ses entrailles se tordre et son cœur s'emballer à un rythme qu'il n'avait plus atteint depuis la dernière fois qu'elle avait du se servir de son arme à feu. En face d'elle les iris d'ébène brillaient d'une vérité qui lui explosa en pleine figure à lui en faire trembler la mâchoire. L'espace d'un instant les masques s'estompèrent pour laisser place à ce qu'elles avaient passé des années à se cacher obstinément.

Ce fut elle qui réagit en premier, avant que Regina puisse reconstruire la façade derrière laquelle elle se protégeait systématiquement. Son bras droit fila s'enrouler autour de la taille parfaitement cintrée par la petite robe qu'elle portait pour l'immobiliser là où elle était, l'occasion trop belle pour être perdue. Leurs regards s'affrontèrent encore quelques secondes – minutes – l'incertitude s'estompant au profit de ce qui les fit simultanément plonger.

Les lèvres se rencontrèrent à mi chemin avec une volonté dévorante, le baiser plus passionné que tout ce qu'elle avait pu vivre jusque là. Des dents se refermèrent brièvement sur elle, forçant un petit hoquet de surprise dont la brune profita pour investir sa bouche et elle ne retint pas le gémissement que provoqua la caresse de sa langue. Comment avait-elle pu oublier ce qu'était d'embrasser Regina Mills ? Et comment avait-elle pu espérer un jour trouver mieux ?

- Em …

Et si elle crut d'abord que son ex-femme n'était pas parvenue à finir son prénom, elle se rappela avec émotion que le diminutif lui échappait uniquement dans l'urgence de leurs ébats.

- Bordel … jura-t-elle contre les lèvres qui n'hésitèrent pas à reprendre les siennes la seconde d'après.

Une main exigeante se faufila sous le cuir dont elle ne s'était pas délestée en entrant dans le bureau et elle se félicita du grondement sourd que provoquèrent les muscles fermes sous les ongles courts. D'autres doigts s'enfoncèrent à la base de la queue de cheval qu'elle avait rapidement attachée ce matin là et elle choisit d'oublier toute prudence pour faire quelques pas en arrière et entraîner la brune vers la porte qu'elle ferma.

Elles devaient toutes deux être devenues folles pour laisser à ce point la situation dégénérer. Folles ou complètement dépassées par la puissance de ce qu'elles ressentaient. Emma, en tout cas, était sûre que c'était son cas. Son corps était en feu, consumé par l'unique besoin qui lui commandait d'être au plus près de la brune.

- N… Neal, se rappela-t-elle pourtant.

- Prononce encore une fois son nom quand tu me touches et tu peux dire adieu à ça.

La voix rauque de désir et de colère anéantit ses dernières appréhensions, guidant une jambe nue autour de ses hanches tandis que ses lèvres descendaient sur la gorge où elle goûta au parfum de son ex-femme avec nostalgie avant de passer sa langue le long de la ligne d'un décolleté rond.

Le contact arracha un gémissement à Regina, immédiatement renouvelé quand les mains qui avaient traîné sur sa taille remontèrent ses flancs pour aller emprisonner ses seins. Le son la fit écraser ses hanches entre les jambes de la brune dont la tête retomba brièvement contre la porte avec un juron.

Leurs lèvres se retrouvèrent presque aussitôt avec une urgence qui parlait d'années et d'années de manque, la blonde laissant une main se faufiler entre elles et jusqu'à la fermeture éclair de son jean sans tenter d'empêcher le mouvement naturel avec lequel son ex-femme referma une emprise possessive sur son sexe. Les doigts qui se recourbèrent un peu plus sur le tissu brûlant parvinrent à lui arracher son premier gémissement dont les lèvres pulpeuses sourirent.

Le temps se suspendit quelques secondes pendant lesquelles elles finirent par s'écarter. Juste assez pour que l'ébène puisse plonger dans le jade presque gris avec une question claire que la plus âgée sembla pourtant vouloir poser à haute voix.

- Tu …

Trois coups frappés à la porte contre laquelle elles étaient appuyées les firent se figer dans la même culpabilité silencieuse.

- Madame le Procureur ? Miss Swan ? C'est la sécurité. On nous a signalé un intrus.

Un instant encore elles partagèrent un regard brûlant avant que Regina n'ouvre la bouche pour parler d'une voix certainement plus contrôlée que la sienne.

- Un instant je vous prie, parvint-elle à leur dire le plus naturellement possible.

- Regina … murmura-t-elle pour sa part.

Elle avait peur. Peur de ce que signifiait ce qui venait de se passer et peur de ce qui allait suivre. Avec Regina. Avec Neal. Avec Henry … Un vieil instinct était doucement mais sûrement en train de remonter à la surface en lui ordonnant de fuir.

- Signe les papiers, fut-elle à la place enjointe, la main encore dans son jean resserrant brièvement son étreinte en un rappel clair avant de se retirer totalement.

Elle eut un faible hochement de tête, remontant la fermeture éclair de son pantalon tandis que l'autre ajustait sa robe bleue et son brushing avec l'air d'une professionnelle.

- Tu devrais certainement refaire ta queue de cheval, rajouta-t-elle d'ailleurs avant de sortir dans le couloir où elle entendit sa voix inébranlable s'entretenir avec les agents de sécurité dépêchés sur place.

.

.

Elle avait tout de même demandé au notaire le bénéfice d'une semaine de réflexion. Par principe. Parce qu'elle savait qu'elle finirait par dire oui pour le bien d'Henry. Quand elle était retournée dans le bureau aux vitres fumées, Regina l'avait accueillie avec une expression parfaitement maîtrisée et même elle aurait pu douter d'avoir vu quelques minutes plus tôt les mêmes traits brièvement trahir tristesse, manque et affection.

Elle avait passé le reste de la journée au siège de son entreprise, ignorant tout excepté August qui lui expliqua la mise en place du nouveau service de sécurité autour d'Henry et le développement d'une agence pour particuliers qu'il avait à cœur.

En fin de journée, elle avait préféré refuser son offre de partager un repas, la frustration de toutes les dernières heures refaisant surface en un cocktail toxique et s'était réfugiée dans le confort des sièges en cuir de sa Camaro.

Sa conduite trop rapide lui valut plusieurs coup de klaxon qu'elle ignora totalement, allant jusqu'à griller un feu rouge et manquer de frôler plusieurs voitures qu'elle dépassa parfois même sans visibilité. La jeune femme finit sa course dans un bar du Bronx où les hommes de mains russes qui gardaient l'entrée la jugèrent gravement avant de l'autoriser à entrer accompagnée de son fidèle Doberman. A l'intérieur et à son plus grand soulagement personne ne tenta de l'arrêter de boire ou de l'aborder et elle avait fini la soirée plusieurs heures – et plusieurs verres – plus tard en jetant un billet de cinquante sur le comptoir où elle s'était postée.

Vers deux heures du matin, elle avait étouffé le nom de Regina dans les coussins du lit de sa chambre d'hôtel, la force de son orgasme lui faisant simultanément regretter d'avoir abandonné l'idée de penser à elle ces derniers temps et office d'un amer rappel. Rien de comparable à ce qu'elle savait que la brune pouvait lui offrir …

Immanquablement, elle s'était réveillée le lendemain avec une migraine atroce et un chien impatient de goûter à l'air libre. Cachée derrière des lunettes de soleil, Scarlett l'avait tout de même reconnue quand elle était sortie à l'accueil et rejointe pour la promenade qu'elle fit au pas traînant.

- Où t'étais passée ? J'ai essayé de te joindre je sais pas combien de fois mais t'es sur répondeur.

- Plus de batterie, hasarda-t-elle.

- T'as bu ?

- Ouais. Un peu trop récurent ces derniers temps hein ?

- Je te juge pas Em. C'est pas une bonne période.

Pourtant bonne ou mauvaise période l'idée de se transformer en ce genre de personne la révulsait.

- C'est quoi le vol que tu nous as pris dimanche ?

- Privé. C'est un petit jet. Pourquoi ?

- Comme ça … Y a eu … Des complications avec l'héritage, Henry, tout ça … J'espère pas mais il faudra peut être le reporter.

- Je pense pas que ce serait un souci.

La compagnie de sa meilleure amie lui avait permis de remonter la pente plus facilement que ce qu'elle l'avait prévu, partageant un petit déjeuner durant lequel elle se confia sur ce qu'il s'était passé la veille, amusée par l'enthousiasme et la colère de la brune au fur et à mesure de son récit.

- Oh mon dieu ! Avec Neal dans la pièce ?! s'était-elle exclamée.

- Hum …

- Vous êtes tarées. Mais vous êtes parfaites. Je la connais pas mais je suis sûre qu'elle est parfaite pour toi Em …

Le soutien l'avait fait rire, acceptant une après midi de shopping durant laquelle la jeune brune avait acheté l'équivalent d'une valise entière de vêtements qu'elle ne risquait pas de trouver en Jordanie et qui lui valaient généralement des regards brûlants quand elle n'était pas habillée en treillis et débardeur comme l'exigeait la plupart du temps leurs missions.

Le soir elle s'était écroulée sur son lit avec l'intention de rattraper quelques heures de sommeil quand le téléphone qu'elle avait réanimé au bout de son chargeur se mit à vibrer furieusement.

Elle avait une dizaine de mails et des appels manqués de la part de son père, Scarlett et … Regina. Voir le prénom affiché sur son écran la fit frissonner mais elle se contenta d'ouvrir sa boîte mail avec appréhension. L'intéressée ne lui avait envoyé qu'un message, la veille.

« Cassidy a pris un avocat. Règle le problème ou je m'en charge ».

- Merde, lâcha-t-elle à haute voix.

Elle faillit tomber deux fois dans sa hâte de re-rentrer dans son jean noir, enfilant encore son blouson en cuir bleu et ses bottines usées lorsqu'elle sortit en courant sur le parking de l'hôtel où elle fit rugir la Camaro.

Le bref soulagement qu'elle avait éprouvé en se garant derrière la berline noire de Regina fut estompé quand Katrin vint lui ouvrir la porte du manoir.

- Où est-ce qu'elle est ?

- Je … Regina ? Je sais pas … Partie faire une course. Pourquoi ?

- Partie faire une course et tu gardes Henry ?

- Oui, pourquoi ?

- Elle a pas pris sa voiture, pourquoi ?

- J'en sais rien Em, elle a pris un taxi, c'est quoi le problème ?

L'intéressée ne répondit pas, sortant son téléphone à peine chargé pour ouvrir l'application espion dont elle ne s'était jamais servie sur le continent américain. Heureusement le logiciel mit à peine quelques secondes à se synchroniser avec le GPS et le numéro de téléphone qu'elle avait tapé de mémoire.

- Partie faire une course à Port Morris mon cul ouais, gronda-t-elle au petit point rouge qui clignotait sur son écran.

Elle ne prêta même pas attention aux prochains mots de la meilleure amie de son ex-femme, se précipitant sur sa voiture pour faire les quelques kilomètres qui la séparaient du quartier chaud du Bronx. Elle n'avait aucune idée de ce que Regina était allée faire là bas et si elle se doutait que la brune n'avait pas besoin de sa protection, il était hors de question qu'elle règle le problème toute seule. Elles n'étaient peut être plus un couple à proprement parlé, mais des deux c'était elle qui tenait le rôle de celle prête à toutes les illégalités pour protéger sa famille.

Son téléphone s'éteignit quelque part au bout du septième kilomètre mais le voyant rouge de la position de son ex-femme s'était immobilisé à une adresse qu'elle avait eu le temps de mémoriser, sillonnant le quartier à la recherche de la rue en question. Elle s'arrêta dans un crissement de pneus devant le bar sous le regard attentif de quelques hommes qui avaient plutôt l'air de garder l'entrée que de fumer en extérieur.

Elle n'avait même pas d'arme sur elle réalisa-t-elle lorsqu'elle sortit de la voiture, mâchoire serrée et poings fermés dans les poches de son blouson.

- Voiturier, railla un jeune homme qui ne devait même pas être majeur en tendant une main.

- Le jour où tu auras ton permis peut-être, répondit-elle la voix ferme.

La réplique eut le don de faire rire les autres qui se moquèrent de l'infortune de leur camarade et elle poussa un soupir quand elle eut franchi le seuil du bar où son regard parcourut l'assemblée avec appréhension.

Il aurait fallu être aveugle pour rater quelqu'un comme Regina Mills au milieu d'une foule pareille où tous semblaient sortis d'un mauvais film sur la mafia. Pourtant la blonde fut incapable de repérer sa silhouette parmi les clients qui buvaient au comptoir ou dans la salle. Le regard clair sauta de table en table avant de s'immobiliser sur l'une d'entre elle où le père d'Henry était en pleine conversation avec deux camarades autour de verres de whisky.

Le visuel lui noua le ventre, réalisant avec quelques seconde de retard qu'il ne lui restait que deux options possibles : soit Neal était en possession du téléphone de son ex-femme et ce n'était vraiment pas une bonne nouvelle, soit Regina était dans les parages parce que lui s'y trouvait. Et c'était beaucoup plus plausible …

Mais pourquoi ?

- EMMA ?

Evidemment il avait fallu qu'il la voit ne put-elle s'empêcher de grimacer un faux sourire à son encontre. De là où elle était elle pouvait distinguer un bleu sous la barbe qu'il avait laissée pousser pour masquer le coup qu'il avait reçu et son sourire se fit un peu plus sincère alors qu'il approchait.

- Pourquoi est-ce que tu es là Em ?

Elle se demanda quelles étaient les chances pour que Regina soit en train de les observer à l'instant même. Nombreuses. Mais pouvait-elle se permettre de se montrer aussi désagréable avec lui que ce qu'elle le voulait ? Dans un bar empli d'inconnus en plein milieu du Bronx ?

- Discuter, se décida-t-elle.

- Maintenant ?

- Pourquoi ? J'interromps quelque chose ? plaisanta-t-elle avec un regard pour la table où ses deux acolytes étaient restés à les observer.

- Non, du tout, viens t'asseoir je vais te présenter.

La facilité avec laquelle il avait l'air d'oublier leur dispute de l'avant veille la déstabilisait mais assise à son tour, elle comprit qu'il avait eu besoin de se sentir en sécurité entouré de gens en qui il avait confiance.

- Drôle d'endroit pour traîner vous trouvez pas les garçons ?

Ted et Anthony se présentèrent avec un sourire qui se voulait désarmant et auquel elle ne répondit pas.

- Alors, de quoi est-ce que tu voulais discuter Em ?

- Moi j'ai rien à te dire Neal, c'est toi qui est venu me chercher plusieurs fois déjà, je me disais qu'il était peut être temps de t'écouter …

En face d'elle les deux parties extérieures au conflit eurent l'air d'opiner du chef avant de rajuster leur position dans leurs fauteuils inconfortables, reculant de quelques centimètres comme pour leur laisser un peu d'intimité.

- Ecoute Emma j'ai … Je travaille dans un gros cabinet d'affaire et ça fait quelques temps que j'étais tombé sur des documents concernant Mills. Des trucs pas clairs et je me rappelais que c'était elle la fille que t'avais larguée pour être avec moi.

- Trompée, ne put-elle s'empêcher de corriger. Je l'ai trompée, jamais larguée.

- Comme tu veux. Bref du coup j'ai fouillé un peu partout et quand j'ai vu le petit … J'ai compris que c'était le mien. Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

- C'était pas tes affaires.

- Tu sais qu'elle a tué quelqu'un ?

- Regina ? couina-t-elle réellement surprise.

- Ouais. Quelqu'un qui avait le poste de Procureur avant elle, rajouta-t-il avec quelque chose dans le regard qui laissait à penser qu'elle aurait dut réagir à l'information.

- Ok, se contenta-t-elle de noter en se promettant d'y mettre personnellement le nez. Et alors ?

- Alors ? Cette femme est une manipulatrice. Tu lui as confié Henry, tu vas lui confier la moitié de ta fortune, de la fortune de notre fils.

- Sauf que Regina a déjà suffisamment d'argent pour en élever six comme lui Neal !

- On a jamais suffisamment d'argent. Si cette femme est capable de tuer pour un poste, pourquoi est-ce qu'elle le serait pas pour une grosse entreprise et quelques millions de dollars ?

Elle avait tué pour moins que ça. Mais le lui avouer n'aurait avancé en rien leur situation.

- Et alors ? C'est quoi ton plan Neal ? demanda-t-elle à la place.

- Être le père d'Henry, répondit-il avec une finalité qui lui déplut souverainement.

Elle ne releva pas le fait que par la même lui aussi avait l'air de quelqu'un prêt à éloigner un enfant de sa mère juste pour avoir accès à sa fortune ni qu'il était hors de question qu'elle le laisse l'approcher.

- Je vois, répondit-elle simplement.

- Est-ce que … Est-ce que tu es prête à y réfléchir ?

- J'ai jusqu'à jeudi prochain pour signer les papiers. Tu auras ta réponse d'ici là.

- Ok. Ok Emma, c'est … C'est bien. Je suis ravi d'avoir pu te parler.

Qui pensait-il tromper avec ses airs de jeune innocent ?

- Tu sais quoi ? Je vais te laisser, j'ai besoin d'une bonne nuit de sommeil.

- Tu as besoin que je te ramène quelque part ?

- Non, tu as bien plus bu que moi, refusa-t-elle avec autant de politesse qu'elle le put.

Son sourire était forcé lorsqu'elle se leva, le poids de trois regards dans son dos la faisant frissonner pour d'autres raisons que le vent frais qui l'accueillit à l'extérieur où le petit groupe qu'elle avait croisé en entrant avait disparu. La Camaro était toujours arrêtée là où elle l'avait garée. Le bip strident avec lequel les portes se déverrouillèrent la fit grincer des dents, se laissant choir dans le siège en cuir où elle poussa un soupir résigné.

Sur le tableau de bord le téléphone qu'elle avait mis en charge s'était rallumé et avec un froncement de sourcils elle constata que l'emplacement de son ex-femme n'avait pas bougé.

- Je croyais que tu n'étais plus en contact avec lui ?

La voix glaciale la fit sursauter, lâchant son iPhone en un couinement dont elle ne fut pas fière.

- Putain Regina comment t'as fait pour rentrer là dedans ? s'exclama-t-elle par dessus les battements erratique de son cœur.

- J'ai donné un gros billet à un gamin qui tournait autour de ta voiture, sembla lui avouer sans gêne la brune installée sur la banquette arrière.

Le regard clair tomba sur l'arme négligemment posée sur les genoux nus et elle ne put s'empêcher de repenser aux paroles de Neal.

- Est-ce que t'as tué le mec qui avait le poste avant toi ? demanda-t-elle avant d'avoir pu y réfléchir.

- Est-ce que tu as gardé contact avec ton ex ? fut la réponse à côté.

- C'est pas mon ex. Ça a jamais été mon ex Regina. La seule personne qui a le droit à ce titre c'est toi et non j'ai pas gardé contact avec lui ! Je suis là parce que je suis tombée sur ton mail et que ton téléphone était localisé ici.

- Tu pistes mon téléphone ?

- C'était la première fois. Qu'est-ce que tu foutais là ?

- À ton avis ?

Cette fois ce ne fut pas elle qui poussa un soupir exaspéré et les lèvres pincées elle observa la brune renverser sa tête.

- Tu peux pas tuer quelqu'un comme ça Gina. Pas parce qu'il te gêne.

- Il ne me gêne pas Emma, il menace la vie de mon fils.

- Il n'a jamais parlé de s'en prendre à lui …

- L'enlever à sa mère c'est pas s'en prendre à lui ?

- Mais bordel Regina on parle de meurtre ! Tu sais ce que c'est ?! Tu sais ce que c'est de mettre fin à la vie de quelqu'un ?

Son emportement raisonna quelques secondes dans l'habitacle, les perles d'ébènes la dévisageant avec gravité avant que la bombe ne soit lâchée.

- Oui.

- Put…

Elle se força à étouffer les jurons que la révélation avait précipité dans sa bouche.

- C'était vrai ce qu'il m'a dit alors ? finit-elle par demander les yeux résolument rivés sur son volant. T'as tué un type dont tu voulais le poste ?

- Ça s'est pas exactement passé comme ça Emma … Mais si l'expérience n'était pas particulièrement agréable, je peux t'assurer que je suis prête à le refaire si mon fils est à la clef.

- C'est ce que tu t'es dit aussi la dernière fois ? Qu'un bon poste assurerait qu'il ne manque jamais de rien ? C'est pour ça aussi que t'as signé tous les papiers chez le notaire ?

- Qu'est-ce que tu es en train de dire ?

- Que t'es compl…

L'insulte qui allait certainement lui échapper mourut dans sa gorge aux coups frappés à sa vitre et elle manqua sursauter en apercevant la silhouette qui n'était définitivement pas la bienvenue.

- Les vitres sont teintées, bouge pas, prévint-elle son ex-femme avant d'appuyer sur un bouton.

- Alors Em ? Tu t'es toujours pas décidée à rentrer ?

- Toi si je suppose ?

- Faut bien, tant que j'arrive à conduire. Joli bolide, t'as toujours aimé le jaune hein ? Tu te rappelles de cette vieille coccinelle ? Celle où on …

- Ouais, je me rappelle, coupa-t-elle. Rien à voir avec celle là.

- Tu me fais faire un tour ?

- Non, j'aime pas laisser les gens y monter.

- Oh allez, on pourrait tester les sièges arrières ?

- Tu sais ce qu'on pourrait tester aussi ? Mon pare-choc.

- J'aurais plutôt opté pour le cap…

- Dans tes jambes, finit-elle.

Son ton glacial parvint tout de même à le faire rire de bon cœur.

- Alors t'es vraiment passé aux filles ?

- J'ai toujours aimé les filles Neal. T'as été ma seule erreur.

- T'as pas eu l'air de mal le vivre.

- Parle en à mon psy, il aimerait que j'arrête d'en faire des cauchemars.

À nouveau, son insulte tomba à l'eau, faisant naître quelques notes d'un rire qui lui avait autrefois plu.

- Toi et moi on va se revoir Swan, finit-il par déclarer en tapant du plat de la main sur sa portière.

- Touche encore à ma cai…

- … Autour d'un verre ou deux et on discutera de ce qu'on peut s'apporter, continua-t-il comme si elle n'avait pas été sur le point de le menacer. Je suis sûr qu'on finira pas trouver un terrain d'entente. Pour le petit, ok ? Pour Henry.

- Ouais.

Elle pouvait presque sentir la rage émaner de la banquette arrière où la présence de la brune lui faisait aussi froid dans le dos que celle d'un fantôme.

- On s'appelle ?

- Avant jeudi, confirma-t-elle faussement avec un hochement de tête et un sourire tendu.

- Parfait. Bonne nuit Princesse.

Elle ne répondit pas à son clin d'œil, se contentant d'appuyer sur la commande qui remonta la vitre fumée de son coupé sport. La blonde était sur le point de pousser un soupir de soulagement lorsque le canon glacé d'un revolver fut plaqué contre le côté de sa gorge.

- Démarre Princesse, gronda la voix emplie de venin de son ex-femme.

Emma ne se fit pas prier, tournant la clef dans le moteur qui rugit lorsqu'elle partit en trombe sans même prendre le temps d'attacher sa ceinture. Le contact désagréable de l'acier ne dura pas plus de quelques secondes avant qu'elle aperçoive la brune se laisser choir sur la banquette arrière, l'arme jetée avec une négligence colérique sur le siège passager.

Elles n'échangèrent pas un seul mot sur le trajet qu'elle fit à bien trop vive allure pour rejoindre l'Upper West Side mais le silence devint plus que pesant lorsqu'elle se fut arrêtée, la brune toujours immobile à l'arrière. Emma observa de longues secondes son profil éclairé par les lampadaires dans le rétroviseur. En plus d'être clairement irritée, la brune avait aussi l'air profondément lasse. Une combinaison qui ne faisait jamais bon ménage chez elle.

- Je vais m'occuper de lui, finit-elle par promettre.

- Tu l'as déjà dit.

- Je sais. Je suis désolée, je vais le faire. Ce sera réglé demain.

Cette fois Regina ne daigna même pas lui adresser une autre réponse que la moue désabusée qu'elle vit plisser ses lèvres pulpeuses. Et si elle attendit encore quelques minutes la moindre réaction de sa part, elle frissonna tout de même lorsqu'elle vint sous la forme de quelques mots qui sonnaient plus comme un adieu qu'autre chose.

- Bonne nuit Emma.

L'intéressée n'eut pas le temps de trouver une réponse, la portière jaune claquant déjà, forcée de regarder la silhouette perchée sur talons aiguilles s'éloigner d'un pas décidé. Le regard clair s'y abîma quelques secondes encore avant qu'elle ne décide au dernier moment de s'emparer de l'arme qui avait été envoyée sur son siège passager.

- Hey ! s'écria-t-elle en sortant du véhicule.

Elle fut presque surprise du regard en arrière auquel elle eut le droit, les sourcils parfaitement dessinés se fronçant en l'observant se rapprocher à grands pas.

- Je veux pas d'une arme non enregistrée dans ma caisse, trouva-t-elle à redire en lui tendant l'objet en question.

Les doigts fins se refermèrent avec une précaution suspicieuse sur le revolver qu'elle refusa de lâcher quand la brune voulut le ramener à elle et elle ne parvint pas à retenir son sourire quand les perles d'ébènes brillèrent de rage.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je croyais que t'étais sexy quand t'étais en colère mais je t'avais jamais vue en colère avec une arme.

Le compliment fut accueilli d'un maigre haussement de sourcil hautain qui lui était bien familier. Même lorsqu'elle n'était encore qu'une étudiante, Regina avait toujours eu quelque chose qui ressemblait à du mépris pour ceux qui tombaient trop facilement sous le charme de ses apparences. Comme tous, Emma n'avait pas pu s'empêcher d'admirer la beauté fatale qu'elle était et serait certainement toujours, mais elle avait su trouver les arguments que d'autres n'avaient jamais eu.

- Fais en sorte de ne pas avoir à me voir m'en servir.

- A vos ordres, Madame le Procureur, répondit-elle facilement avec un sourire en coin parce que la dernière fois qu'elle les avait prononcés ces mots lui avaient valu un baiser dont elle ne s'était toujours pas remise.

- Maman ?! Emma ?!

L'exclamation les fit toutes les deux se figer pour différentes raisons. Regina certainement parce qu'elle tenait encore dans sa main l'arme à laquelle elle renonça immédiatement et la blonde parce qu'elle ne put qu'amèrement constater la différence avec laquelle l'enfant les qualifiait.

- Henry, qu'est-ce que tu fais debout ?! sermonna la première son ex-femme les yeux levés vers l'étage où leur fils avait ouvert la fenêtre de sa chambre.

- J'ai entendu le moteur de la voiture !

- Ne te penche pas comme ça par la fenêtre tu vas tomber !

- Est-ce qu'elle peut monter me faire un bisou ?

- Oui, fut-elle surprise de la voir accepter sans tergiverser. Oui mais ferme cette fenêtre ! Si tu ne tombes pas tu vas attraper froid …

- Fais ce qu'elle te dit gamin sinon je monte pas, rajouta-t-elle.

Son ordre immédiatement obéit lui valut un soupir désabusé de la part de celle qui s'éloignait déjà pour ouvrir la porte blanche du manoir.

A l'intérieur, elle observa de loin la brune se diriger vers son bureau pour aller jeter le revolver dans l'un de ses tiroirs. A distance, leurs regards se croisèrent, les orbes sombres luisant de quelque chose qu'elle n'y reconnut pas.

« Vas-y » put-elle lire sur les lèvres dont elle rêvait régulièrement.

.

.

Un instant elle avait failli hésiter. La mauvaise mère en elle sans doute ... Celle qui aurait préféré passer du temps avec Regina qu'avec leur fils. Mais finalement ses pieds l'avait conduite à l'étage et dans la chambre où les étoiles intégrées à la peinture des murs baignaient la pièce dans une ambiance intimiste.

- Tu me racontes une histoire ?

- Je croyais que tu voulais juste un bisou ?

- Mais maintenant j'ai plus sommeil …

- Qu'est-ce que tu veux que je te raconte ? demanda-t-elle un peu mal à l'aise. T'as des livres que Reg … Que ta maman te lit ?

- Non. Je veux que tu me racontes un truc sur toi ?

- C'est pas des histoires qui aident à dormir ça chéri.

- Alors raconte moi la fois où tu t'es cassé la jambe pour maman !

L'anecdote qui lui avait échappée par erreur lors d'une de leurs conversations lui arracha un petit rire dont elle fut surprise d'entendre l'écho près de la porte. Adossée contre une embrasure, la brune les observait bras croisés sur le décolleté de sa robe.

Regina n'avait pas même vingt-cinq ans lorsqu'elle l'avait entraînée avec elle dans un magasin désert après les heures d'ouverture. Elle garderait toujours un très bon souvenir de leur pique-nique improvisé au rayon jardinerie sur de la pelouse artificielle où elle avait fait jouir sa petite amie au milieu des coussins qu'elles avaient subtilisés dans l'espace literie … Mais l'arrivée d'un gardien les avait fait détaler comme des fugitives.

Coincées sur une petite terrasse à l'étage de service où elles avaient trouvé refuge, c'était Emma qui s'était dévouée pour sauter les deux niveaux qui les séparaient du parking où était encore stationnée la vieille Volkswagen. Jambe tordue, elle était tout de même parvenue à avancer la coccinelle où la brune avait sauté avant de regagner terre ferme.

- Alors ?

- Alors ta maman et moi on était coincées sur une terrasse donc j'ai sauté pour aller chercher de quoi l'aider à descendre. Rien de très romantique.

- A quoi est-ce qu'on reconnait quelque chose de romantique ?

- Euh … Oula … Et bien … C'est quand on fait quelque chose de particulièrement spécial, quelque chose dans lequel on met beaucoup de soi pour faire plaisir à quelqu'un d'autre.

- Comme quand je fais un cadeau de la fête des mères pour maman à l'école ?

La question la fendit d'une douleur sourde. Elle n'avait jamais eu le droit aux cadeaux auxquels il faisait allusion.

- Non pas exactement, se força-t-elle pourtant à répondre. C'est romantique quand on le fait à quelqu'un qu'on aime.

- Mais j'aime maman, sembla-t-il vouloir se défendre.

- Quelqu'un qu'on aime et avec qui on est ou on voudrait être en couple, se corrigea-t-elle.

- Mais … Tu as dit que ce que tu avais fait n'était pas romantique … Tu … Tu n'aimais pas maman ?

L'interrogatoire manqua de lui arracher un soupir d'exaspération. Une raison de plus pour laquelle elle n'était pas une bonne mère. Simplement parce qu'elle n'était pas du tout douée avec les enfants. Pas comme Regina à qui c'était toujours naturellement venu malgré ses abords systématiquement froids avec les adultes. Penser à la brune lui fit jeter un coup d'œil par-dessus son épaule mais l'intéressée avait disparu, certainement pour retourner travailler dans le bureau où elle passait plus de temps que n'importe quelle autre pièce.

- Bien sûr que j'aimais ta mère, consentit-elle donc à avouer.

- Alors pourquoi est-ce que je suis là moi ?

- Qu… Quoi ? balbutia-t-elle sciée par l'intensité avec laquelle l'enfant la dévisageait.

- Pourquoi est-ce que je suis là ? Si tu l'aimais pourquoi est-ce que tu es allée avec mon papa ?

- Oh mon dieu … Bon sang Henry qui t'a … C'est ce que tu penses ? Que tu es là parce que je n'aimais pas assez ta mère ?

- Non … Je … Je sais pas. Parfois … Parfois elle me regarde comme si elle était triste et je me dis que c'est peut-être parce que ça lui rappelle que tu ne l'aimais pas.

- N… Non. Ne redis plus jamais ça Henry.

Mais son ordre ne lui valut qu'un froncement de sourcils perdu. Et si elle n'avait aucune confiance en son esprit maternel, Emma avait toujours été honnête. Honnête et Juste étaient les qualificatifs qui étaient le plus revenus dans carrière aux côtés de « effrontée et déterminée ». Consciente que ce qu'elle allait dire risquait d'envenimer la relation durement bâtie avec son fils, la blonde mit quelques secondes avant de reprendre.

- La vérité Henry … La vérité c'est que j'étais idiote et inconsciente. J'ai fait une terrible erreur et beaucoup de mal à ta maman et … Et quand j'ai su que j'étais enceinte j'ai … Moi, j'ai pensé que si tu venais au monde je passerai ma vie à voir cette erreur en toi. Mais ta mère … C'est grâce à elle que tu es là gamin. Parce qu'elle m'aimait tellement qu'elle t'aimait déjà avant que tu sois né. Parce qu'elle a considéré que tu étais son fils dès la première seconde où elle a su que tu existais. Elle était … Elle était tellement …

- Tellement ?

- Ta mère est la femme la plus forte que je connaisse Henry. Je te le souhaite mais tu auras du mal à trouver quelqu'un qui t'aimera plus qu'elle ne t'aime.

- Et toi ?

- Moi quoi ?

- Comment est-ce que tu m'aimes ?

- Mal, répondit-elle honnêtement. Je sais pas aimer les gens Henry. Je leur fais du mal et puis je pars.

- Et com …

- Ça suffit gamin, se força-t-elle à le couper sans être méchante. Il est tard tu devrais dormir.

- Mais j'ai plus sommeil.

- Et moi j'avais pas envie de parler de ça mais je l'ai fait pour te faire plaisir. Tu veux bien me faire plaisir et aller dormir ? On en reparlera une prochaine fois si tu y tiens.

- Promis ?

- Promis.

- Tu me fais un bisou ?

Elle était tendue lorsqu'elle se pencha au dessus de lui pour poser ses lèvres sur son front en un baiser qu'elle fit durer quelques secondes.

- Dors bien.

- Merci 'Ma, toi aussi.

Le diminutif la fit à peine sourire et elle retint son soupir chargé d'une lassitude éplorée jusqu'à ce que la porte de la chambre d'enfant soit fermée derrière elle. Mais la détresse dans laquelle les questions l'avait mise ne fut rien comparée à ce qu'elle sentit se déchirer en elle en découvrant la silhouette de son ex femme adossée au mur du couloir près du battant en bois qu'elle venait de fermer.

La dernière fois qu'elle avait vu des larmes sur le visage de la brune, Emma venait de mettre au monde leur fils et ce fut peut-être le rappel de ce moment si particulier qui la fit combler l'espace entre elles deux.

Le corps qu'elle emprisonna dans une embrasse se raidit l'espace d'un instant, un poing allant froisser son pull mais Regina sembla abandonner le combat lorsqu'elle glissa une main dans ses cheveux pour attirer son visage dans le creux de son cou. En silence elle écouta la respiration erratique, posant brièvement ses lèvres sur les mèches de soie brune à chaque fois qu'elle se transformait en un sanglot mal réprimé.

- Je te déteste, l'informa la voix éraillée au bout d'une éternité.

- Moi aussi je me déteste, lui répondit-elle facilement en un murmure les yeux rivés au mur clair à quelques centimètres d'elle.

Evidemment, elle n'obtint aucune réponse digne de la rassurer et de longues minutes semblèrent encore s'écouler avant que les doigts crispés dans le tissus de son pull-over ne se détendent. La blonde en profita pour s'en emparer, joignant leurs mains sans pouvoir s'empêcher de penser que la bague Cartier dont l'or brillait faiblement dans l'obscurité des lieux gâchait le contact.

Contre elle les muscles de la brune se raidirent encore lorsqu'elle fit pivoter entre deux doigts les milliers de dollars qui couvraient le tatouage si semblable au sien. Son pouce tremblait quand il traça les quelques millimètres de peau souillée qu'elle avait découverts mais sa bouche était beaucoup plus sûre d'elle quand elle s'y posa.

Le geste fit trembler son ex-femme et elle ne prit pas la peine de demander la moindre autorisation avant d'y faire courir sa langue puis ses dents qui se chargèrent de débarrasser l'annulaire de sa bague. Le contact eut finalement raison de la brune dont la tête se renversa contre le mur où elle était plaquée et un instant leurs regards se croisèrent. Les perles d'ébène brillaient encore des larmes qu'elle avait senti couler dans son cou mais Emma leur trouvait une profondeur hypnotisante.

Ce fut d'ailleurs les yeux rivés aux siens qu'elle continua son manège, observant les orbes s'assombrir d'un désir qui lui vrillait elle-même le ventre. Au point qu'elle finisse par s'immobiliser, le souffle coupé à l'idée d'être si proche de ce dont elle rêvait souvent à l'autre bout du monde.

Les vingt grammes d'or aux deux yeux d'émeraude qui étaient restés en équilibre au bout de ses doigts tombèrent sur le sol en marbre avec un bruit sinistre qui lui valut un grondement auquel elle ne put pas faire attention.

Parce que la seconde d'après Regina avait fondu sur elle, une véritable panthère attaquant une proie plus que consentante. Les lèvres qui s'étaient emparées des siennes avaient beau être exigeantes, elle avait l'impression de retrouver son souffle. Une main qui était restée immobile sur sa hanche remonta le long de son corps, enserrant brièvement sa gorge avant de briser leur baiser et ses genoux manquèrent flancher quand elle servit à maintenir son menton d'une prise ferme. Ses lèvres tremblaient lorsqu'un pouce retraça les courbes de sa bouche entrouverte. Un instant la brune sembla sur le point de chercher ses mots et elle était presque certaine que ce qui vint à la place n'était pas ce qu'elle avait eu l'intention de dire.

- Troisième porte à gauche.

Mais qui était-elle pour la contredire ? La voix encore rauque de pleurs et de désir la fit céder, se baissant juste assez pour pouvoir passer un bras sous les fesses de son ex-femme et soulever le corps dont les cuisses trouvèrent leur place autour de ses hanches.

Elles heurtèrent le mur à plusieurs reprises sur le chemin qui lui avait été indiqué mais Emma était bien trop occupée à gouter le parfum que la journée avait étiolé dans le cou de la brune, recouvrant de baisers chaque centimètre carré qu'elle lavait de sa langue avec la terrible envie d'y enfoncer ses dents et marquer un territoire qui ne lui appartenait plus.

Ce fut Regina qui claqua la porte d'un coup de pieds dès qu'elles entrèrent dans la pièce qu'elle ne connaissait pas, déjà guidée vers un lit où elles s'effondrèrent en même temps. Et elle avait beau mourir d'envie de l'entendre gémir, leurs baisers avaient beau parler d'urgence, ni l'une ni l'autre ne semblait capable de s'écarter suffisamment pour cesser de s'embrasser, les bouches glissant de quelques centimètres pour se retrouver un battement de cil plus tard comme si le geste leur était vital.

- Em … Emma, sembla profiter la brune tandis qu'elle était descendue sur sa mâchoire.

- Je sais, s'excusa-t-elle sans trop vraiment savoir pourquoi. Je sais. Je sais. Je sais …

Chaque mot était un effort terrible pour la blonde qui se força à glisser dans le décolleté dont elle gouta brièvement la peau avant de planter ses dents par dessus les épaisseurs de tissus qui la séparaient d'un sein. Sous elle le corps se cambra violemment en un gémissement qui mit feu à tous ses nerfs. Et cette robe avait beau lui aller à merveille, elle devait disparaître décida-t-elle.

Quelque chose qui ressemblait suspicieusement à de la peur flasha dans les iris d'ébène lorsqu'elle recula soudainement mais elle ne prit pas la peine de la rassurer, deux mains se refermant sur l'ourlet qu'elle remonta sauvagement au dessus des hanches qui s'étaient levées pour l'aider. Regina se chargea elle même de finir le travail et son cœur eut une ratée en redécouvrant le corps toujours aussi parfait.

- Emma …

Cette fois il y avait un avertissement qu'elle ne comprit pas tout de suite dans la voix enrouée de désir. Pas avant de sentir la larme couler le long de sa joue. C'était peut être de la honte qui la força à essuyer rageusement l'eau sur les boucles blondes qui finiraient certainement la soirée emmêlées avant de descendre du lit, refermant ses mains sur les mollets qu'elle attira à elle pour pouvoir se retrouver à genoux entre ses jambes. Mais c'était définitivement du désir qui la poussa à enfouir son nez dans le sous-vêtement en dentelle noire.

L'odeur familière fit trembler sa mâchoire mais la seconde d'après une main aux ongles courts s'était faufilée dans son cuir chevelu et elle crut qu'elle allait jouir quand sa langue effleura le tissu brûlant. C'était à la fois trop et pas assez pensa-t-elle brièvement avant que ses mains ne prennent le relais, arrachant presque le string pour pouvoir plonger sur sa cible.

- Emma !

Crié par la femme dont les hanches avaient bondi, son prénom la fit elle même gémir mais l'instant d'après elle n'était même plus consciente de grand chose. Les deux bras enroulés autour du bassin de la brune, Emma avait l'impression de revivre et de se noyer dans le désir qui trempait le sexe de son amante qu'elle connaissait encore par cœur. Sa langue lapa avec application chaque centimètre de chair tremblante, refusant de laisser la moindre seconde de répit à la brune dont les gémissements se tintèrent presque de désespoir lorsque ses lèvres se refermèrent autour de son clitoris.

Dans son dos, un talon aiguille glissa le long de sa colonne vertébrale avec la claire intention de lui faire mal et elle sourit lorsque son ex-femme fut incapable de continuer sa torture quand elle changea de tactique pour plonger sa langue aussi loin qu'elle pouvait aller en elle. Elle eut presque du mal à se battre contre les hanches qui sautèrent sous ses assauts, une poigne de fer serrant les mèches blondes à la base de son crâne où elle ne semblait pas pouvoir se décider entre l'éloigner et la forcer à rester au plus près d'elle.

Un instant elle fit l'erreur de relever les yeux et croiser le regard incendiaire de Regina. Dents plantées dans sa lèvre inférieure pour retenir elle ne savait quoi. Des cris peut-être. Elle avait surtout l'air effroyablement belle. À en faire des cauchemars à l'idée que qui que ce soit d'autre puisse la mettre dans des états pareils.

Une vieille jalousie la fit gronder mais ce ne fut pas elle qui cria lorsqu'elle suça la petite boule de nerfs dans sa bouche pour la taquiner du bout de sa langue. Sur ses épaules les cuisses se tendirent, et ce fut le moment qu'elle choisit pour reculer.

- N… Non, Em …

Mais son nom mourut en un cri lorsqu'elle dégagea un bras pour aller enfoncer deux doigts en elle. Elle accueillit le corps qui bondit vers elle en position assise, cachant les larmes qui coulaient elle ne savait trop pourquoi contre la peau veloutée du ventre de son ex-femme. Elle souriait pourtant quand l'orgasme frappa comme l'éclair, ignorant les griffures sur ses épaules que lui valut le plaisir soudain, consciente qu'elle les regarderait avec nostalgie dans les jours à venir.

Près d'elle le corps encore tendu retomba en arrière et elle abandonna presque à regret son poste entre ses jambes pour remonter jusqu'à ses lèvres où elle emprisonna le prochain gémissement quand Regina se rendit compte que ses doigts n'avaient aucune intention d'arrêter leur torture.

- Emma … Emma.

Si elle avait eu encore un tant soit peu d'espoir pour elles, Emma se serait certainement laissée aller à penser que son ex-femme avait l'air de répéter son nom comme quelqu'un à qui cela avait manqué mais la jeune femme s'efforça de chasser la pensée.

- Encore, s'entendit-elle pourtant demander parce que les deux syllabes étaient en train de ruiner le boxer qu'elle portait encore sous le jean dans lequel elle était mal à l'aise.

Et comme si l'autre avait pu lire dans ses pensées, une main encore postée dans ses cheveux glissa le long de son dos avant de le contourner pour s'attaquer à la fermeture éclair de son pantalon. Comme l'autre jour, Regina ne prit pas la peine de la déshabiller totalement pour se faufiler entre ses jambes où les ongles courts griffèrent brièvement le tissu trempé avant de l'écarter brutalement.

- Putain Gina, cria-t-elle presque contre les lèvres pulpeuses quand deux doigts s'enfoncèrent en elle.

- Regina, sembla-t-elle la corriger. Je ne suis pas ta chienne.

Le terme couplé à la sensation des doigts qui frappaient en elle avec une violence compensant le manque d'espace qu'ils avaient pour manœuvrer la fit gémir de plus belle. Leurs dernières réunions dans un lit avant leur séparation avaient été loin d'être tendres, des nuits passées à se marquer et parfois s'insulter à en rougir le lendemain mais le souvenir parvint pourtant à embraser son ventre.

- Emma ! s'insurgea la brune lorsqu'elle s'écarta.

Ses jambes tremblaient presque quand elle s'efforça de tenir debout juste assez longtemps pour se débarrasser des vêtements qui l'étouffaient. Et si son amante l'avait fusillée du regard dans un premier temps, les yeux noirs traquèrent le moindre détail du corps qui était découvert et Emma fit de son mieux pour ne pas remarquer les perles sombres s'arrêter brièvement sur plusieurs cicatrices qu'elle avait gagnées.

Sans un mot, elle retrouva sa place sur le lit mais la brune lui arracha un couinement lorsque le corps svelte parvint à la faire rouler sur elle même. L'instant d'après son ex-femme était à genoux au dessus d'elle et les regards chargés de désir s'affrontèrent à peine quelques secondes avant qu'elle ne soit forcée à étouffer un cri dans le coussin en plumes le plus proche.

Les trois doigts qui s'étaient insinués en elle n'étaient là que pour la mener le plus rapidement vers son premier orgasme comprit-elle quand elle les sentit se recourber en elle. Comme si l'autre ne voulait surtout pas lui devoir quelque chose. Aussi tenta-t-elle de retarder l'inévitable le plus longtemps possible, les dents serrées alors que Regina s'emparait d'une de ses jambes pour la recourber et se donner plus de marge manœuvre. Elle avait beau avoir plus de place que toute à l'heure, la force de ses va-et-vient ne s'était pas atténuée et Emma en accueillit la morsure avec joie.

- Gina … Mon am… Gina, je vais …

- Oui, sembla l'autoriser l'autre – l'encourager.

Le plaisir qui s'était accumulé dans son organisme vibrait sous tous les pores de sa peau, les doigts qui travaillaient inlassablement entre ses jambes en apportait toujours plus au point qu'elle sache qu'elle n'allait pas tarder à exploser.

- Em-ma …

Son nom avait été prononcé comme un avertissement, une menace pour qu'elle s'exécute et les dents qui s'enfoncèrent quelque part en dessous de son oreille eurent raison d'elle. Comme si l'émail blanc avait pu percer la carapace qui retenait encore son orgasme, la blonde sentit son enveloppe corporelle se déchirer, ignorant le grondement désapprobateur de son amante lorsqu'elle l'arracha à la marque qu'elle avait été en train de lui donner pour étouffer un hurlement dans leur baiser.

Elle tremblait comme une feuille, les entrailles en charpie lorsque la brune s'écarta de quelques centimètres avec un gémissement satisfait pour retourner à sa tâche et s'assurer que son passage ne serait pas oublié avant quelques jours. Entre ses jambes les doigts avaient adopté un rythme beaucoup plus lent, lascif et si elle avait cru qu'ils ne faisaient que prolonger l'ouragan qui l'avait terrassée elle gémit de plus belle lorsqu'elle sentit son ex-femme descendre le long de son corps sans s'arrêter.

Et elle n'avait pas rêvé un peu plus tôt comprit-elle lorsqu'elle sentit les lèvres s'attarder sur une cicatrice au niveau de sa poitrine et puis plus bas là où un couteau avait faillit l'éventrer trois ans plus tôt. Emma dut détacher son regard de la femme qu'elle aimait encore pour contenir les nouvelles larmes qui brûlaient ses paupières. Les yeux résolument fixés au plafond elle s'abandonna au contact de la main qui massait ses seins avant de descendre toujours plus bas étreindre une hanche comme pour l'ancrer à elle.

- Emma ?

Elle ne répondit pas tout de suite à l'appel dont elle avait sentit le souffle entre ses jambes où la brune s'était finalement immobilisée mais les dents qui effleurèrent sa cuisse la firent finalement capituler.

- Regarde-moi Emma, l'entendit-elle à peine murmurer contre son sexe.

L'intéressée se sentit obligée d'obéir, luttant pour ne pas siller quand les lèvres pulpeuses se refermèrent délicatement sur sa petite boule de nerfs.

Une litanie de « Je t'aime » tournait en boucle sur le bout de sa langue qu'elle mordit.

Les yeux toujours autant noirs de désir brillaient de leur habituelle intensité, dénués de jugement même lorsque de nouvelles larmes coulèrent le long de ses joues. Déjà, elle pouvait sentir le plaisir lové dans son ventre, tendre ses tentacules pour agripper tous ses muscles. Regina la connaissait encore par cœur réalisa-t-elle lorsque la langue vint taquiner son clitoris.

Autrefois elle aurait eut honte de la plainte mi humaine mi animale qui gronda dans sa poitrine avant de passer la barrière de ses lèvres, déchirée par l'envie que l'instant ne s'arrête jamais et celle d'atteindre un nouvel orgasme le plus vite possible.

Et la brune le comprit à en croire son petit sourire satisfait et la façon dont ses doigts se bousculèrent à nouveau en elle à un rythme soutenu. Leurs regards se perdirent lorsque son corps se cambra, son bassin sautant à la rencontre des doigts et de la langue qui l'emmenaient vers un nouveau sommet sans grand effort.

Cette fois elle dut se servir de son poing pour étouffer les cris qui éclatèrent dans ses poumons en même temps que son orgasme. Entre ses jambes la brune gémit sans retenue quand son nom déformé par le plaisir passa la barrière de ses lèvres.

- Viens. Viens ici, supplia-t-elle pour que son amante remonte à elle et lui permette de se goutter sur les lèvres pulpeuses qu'elle embrassa avec ferveur.

Le temps ralentit sa course et de longs instants elles oublièrent ce qu'elles n'étaient plus pour se contenter de baisers brûlants qui auraient autrefois valu tous les aveux du monde. Regina s'installa un peu plus confortablement au dessus d'elle et la blonde eut un frisson quand la nouvelle position la plaça juste au dessus d'une de ses cuisses. Trempée.

- Oui, la brune lui confirma-t-elle comme si elle pouvait lire ses pensées. J'aime toujours autant te faire jouir.

Une main qui avait trainé dans sa nuque descendit le long de son bras pour s'emparer de la sienne et la guider entre ses jambes où Emma eut le loisir de faire courir quelques doigts sur les lèvres détrempées avant d'être forcée à se retirer. Elle allait protester quand son ex-femme la fit taire d'un regard, portant les doigts brillants à sa bouche pour les lécher l'un après l'autre.

La vision pornographique aurait pu faire exploser son cœur dans sa cage thoracique mais le désir céda sa place à quelque chose d'encore plus terrible lorsque la langue agile retraça les contours de la Reine de pique qui ornait fidèlement son annulaire.

Les yeux sombres se chargèrent d'émotion en même temps qu'elle, aucun masque sur le visage de celle qu'elle admira encore de longues secondes jusqu'à ce qu'elle doive chasser des larmes en faisant papillonner ses cils.

- Emma …

Elle n'aurait pas pu répondre et heureusement son amante ne s'attendait pas à ce qu'elle le fasse à en croire la façon dont elle se contenta de lâcher sa main, autorisant l'autre à fondre entre ses jambes. Cette fois elle fut laissée libre de la façon de la toucher et la blonde n'aurait peut être pas du mais le rythme qu'elle initia était terriblement lent. Le genre à faire frissonner celle qui tomba presque sur elle au bout de quelques secondes.

- Emma, répétèrent les lèvres qui effacèrent les traces de ses larmes sur la courbe de ses joues.

- Je suis là.

Je t'aime.

Mais elle n'avait définitivement pas besoin de le dire à haute voix quand elles faisaient déjà l'amour. Quand elle ne l'embrassait pas avec l'application de quelqu'un qui aurait voulu s'y perdre, Regina enfouissait son visage dans le creux de son cou où ses gémissements lui rappelaient des moments de bonheur passés une éternité plus tôt. Au dessus d'elle, les hanches avait beau onduler tranquillement sur ses doigts, elle avait l'impression que la guerre qui faisait rage dans son amante était encore plus terrible que celle qui les avait animées lorsqu'elles étaient entrées en titubant dans la pièce.

- Em-ma …

Et cette fois la voix cassée de plaisir qui avait réussi à étrangler les deux syllabes contenait un tout autre genre d'appel.

- C'est moi, répondit-elle.

- Oui, sembla-t-elle lui répondre alors qu'elle sentait ses muscles refermer leur grippe sur ses doigts. Oui, Emma, oui.

Elle ne l'embrassa que lorsqu'elle fut sûre que Regina était trop épuisée pour pouvoir répéter une autre fois son nom.

.

.

Elle avait froid quand elle se réveilla.

Seule.

Des muscles dont elle ne se souvenait même plus de l'existence la lançaient en un rappel qui étira ses lèvres d'un sourire triste. Bien sûr que Regina ne serait pas restée avec elle … La connaissant, elle devait être en train de travailler à l'étage inférieur. Un instant elle s'accorda le fantasme de l'imaginer à peine habillée, cheveux en pagaille, lunettes de vue perchées sur le nez derrière son immense bureau où elle examinait un dossier.

Son cœur se brisa une nouvelle fois.

- Gamine, se réprimanda-t-elle en tendant une main à l'aveugle vers une table de nuit où elle trouva un interrupteur.

La lampe de chevet inonda la pièce d'une lumière blanchâtre et un simple coup d'œil à la chambre serra amèrement son cœur. Si les quatre murs étaient décorés avec goût et le lit un des plus confortables dans lesquels elle n'ait jamais séjourné, Emma connaissait assez son ex-femme pour savoir que ce n'était pas sa chambre.

Pas de salle de bain attenante. Aucune photo d'Henry. Regina l'avait amenée dans une chambre d'amis … Certainement pour ne pas avoir à se rappeler de leur écart chaque soir avant de devoir s'endormir dans ses propres draps.

Il fallait qu'elle parte comprit-elle avec un dégoût pour elle même qu'elle n'avait pas ressenti depuis des années.

A son poignet le chronographe affichait plus de quatre heures du matin et ses jambes tremblèrent lorsqu'elle les força à soutenir son poids pour déambuler dans la chambre à la recherche des vêtements dont elle s'était débarrassée un peu plus tôt.

Dans un moment de rage, elle en profita également pour arracher la couverture du lit plus ou moins bien fait et elle la traînait déjà dans le couloir lorsque ses pas se firent hésitants en passant devant la porte d'Henry. Elle ne se rappelait pas de l'avoir laissée entrouverte et un instant sa respiration se bloqua dans sa gorge mais la vision qui l'accueillit dans la chambre aux murs étoilés était encore plus déchirante que celle qu'elle avait imaginée.

Pressés l'un contre l'autre dans le lit une place, mère et fils dormaient à poings fermés en une embrasse dont elle n'avait jamais eu l'occasion d'être témoin. Un instant ses yeux gravèrent le souvenir en silence, les perles claires glissant sur les joues de la brune où elle voyait encore les traces de larmes dans le mascara qui avait coulé. Les dents serrées, elle lutta contre celles qui brûlèrent un chemin sous ses paupières quand elle traqua la main posée sur le ventre d'Henry.

Main gauche. L'annulaire à nouveau orné de la bague dont elle l'avait débarrassée pour dévoiler le précieux tatouage.

La blonde tourna les talons avant que ses sanglots n'éclatent, s'emparant rageusement de la couverture pour aller la jeter dans une machine à laver qu'elle trouva sans difficulté dans la buanderie à côté de la cuisine où elle lança un programme intensif avant de sortir du manoir.

La Camaro était toujours là où elle l'avait laissée, son portable complètement déchargé et elle dut attendre d'avoir rejoint son hôtel pour pouvoir aller taper à la porte de Scarlett. La brune l'accueillit avec un air ahuri.

- Dis moi que c'est pas une prostituée.

- Quoi ?

- Dis moi que tu viens pas de payer une prostituée, répéta celle qui avait l'air de sortir peu à peu de son état léthargique en désignant vaguement une zone dans son cou.

- Non, se rappela-t-elle en couvrant machinalement d'une main la marque que Regina avait pris soin de laisser. Depuis quand est-ce que j'ai besoin de payer quelqu'un ?

- Je sais pas. Est-ce que tu lui as payé à boire ?

- Y a des années, ouais.

- Merde.

- Ouais.

Sa meilleure amie ne lui répondit pas, s'effaçant un peu plus pour la laisser rentrer dans la suite où elle s'effondra sur un des canapés en cuir beige.

- J'ai besoin de savoir où est-ce que je peux trouver Neal Cassidy, demanda-t-elle sur un ton sans équivoque.

- Quoi, genre, maintenant ?

- Maintenant, confirma-t-elle. Je vais à la douche. Et après cherche moi tout ce que tu trouves sur le type qui était au poste de Regina avant elle.

- Tu sais que je t'ai payé ta propre chambre avec la carte de la société ?

- Je sais.

La douche ne fit rien pour calmer les pensées qui se bousculaient dans sa tête mais l'eau chaude eut le mérite de détendre les muscles endoloris. Sans surprise elle dut ravaler de nouvelles larmes face au miroir lorsqu'elle inspecta la marque rougeâtre qui ornait le côté de son cou. Pourquoi ?

Les cheveux mouillés et sans prendre la peine de s'habiller d'autre chose qu'une serviette, la jeune femme sortit de la salle de bain pour trouver Scarlett assise en tailleur sur son lit devant deux ordinateurs et un plateau de pâtisseries encore chaudes.

- Mange, apparemment ça sort du four à cette heure et tu vas en avoir besoin.

Elle se contenta de lever un sourcil interrogateur en s'affalant sur les couvertures défaites et elle était en train de mordre dans son premier croissant quand son regard tomba sur une photo qui lui fit froncer les sourcils.

- Ton ex est louche, il devrait pas être aussi difficile à trouver, marmonna dans son coin la brune.

Elle ne lui fit pas attention, uniquement focalisée sur l'ordinateur où tournait un logiciel de renseignement. Elle avait déjà vu cette photo quelque part se souvenait-elle avec difficulté. Et puis ses yeux traquèrent les informations déjà récoltées.

À commencer par le nom.

Léopold White.

Qu'avait dit Blanche quand elle avait parlé de son père ? Léo était un homme bien, un homme durs aux principes inébranlables mais un homme au service de la justice qui était mort quelques mois plus tôt d'une tragique crise cardiaque … Et quand Regina avait-elle été parachutée au poste de Procureur de New York ? Cinq ans plus tôt, se rappela-t-elle avec l'envie soudaine de vomir la seule bouchée de la pâtisserie qu'elle avait avalée.

Blanche n'avait-elle jamais fait le rapport ? Jamais suspecté son ex-femme ?

- Ouais, je t'avais dit que ça allait te faire un choc.

- Scarlett …

- Ouais ?

- Regina a tué mon grand père.

- Quoi ?

- C'est Neal … L'autre jour quand j'étais chez le notaire, il m'a dit que je ne connaissais pas Regina … Que je ne savais pas de quoi elle était capable … Et puis il m'a dit qu'elle avait tué le type qui avait son poste avant et Regina … Hier soir, Regina me l'a confirmé.

- T'es sûre de ça ? Je veux pas remettre en doute ta parole, mais Regina ? Elle m'a l'air de pouvoir être une sacrée garce mais … Une meurtrière, Emma ?

- Je … Je sais pas, tiens-moi au courant dès que le fichier est complet et envoie moi l'adresse de Neal par texto ! ordonna-t-elle en se levant déjà.

- Hey, attends, où tu vas comme ça à moitié à p…

Mais Emma ne l'écoutait déjà plus, traversant le couloir en serviette pour aller dans sa propre suite où elle enfila un jean noir et un pull à col roulé blanc avec des baskets en cuir assorties au blouson qui coupa le vent froid de New York au petit matin.

La Camaro fila dans les rues quasiment désertes et elle se retrouva bien assez tôt devant la porte de la bâtisse où elle se gara aux côtés d'un immense SUV blanc. Ses jambes encore courbaturées la menèrent jusqu'au porche où elle hésita une fraction de seconde avant d'appuyer sur la sonnerie.

- Merde, pesta-t-elle quand elle se souvint de la présence d'un nouveau né.

Mais elle n'eut pas à s'en vouloir plus longtemps, la porte en bois massif s'ouvrait pour révéler un David à l'air exténué mais heureux de la voir.

- Emma ! Chérie, comment vas-tu ?

- Ça peut aller, je te réveille pas ? Il est super tôt !

- Non tu sais Léo ne dort pas beaucoup ...

Léo ... Le prénom la frappa au ventre et elle dut s'accrocher au battant de la porte pour ne pas céder à l'envie de se plier en deux et rendre le contenu de son estomac sur le plancher laqué.

- L... Léo, réussit-elle pourtant à rebondir. C... Comme mon ... Comme le père de Blanche, c'est ça ?

- C'est ça, lui affirma-t-il avec un petit sourire.

- Tu ... Tu le connaissais bien ? Quel genre d'homme c'était ?

.

.

Au final, il s'était avéré que David ne connaissait pas grand chose de son beau père. Un puissant homme d'affaires qui avait renoué avec ses études de droit lorsqu'il avait laissé sa place à Blanche à la direction de la compagnie. C'était à cette période qu'il était devenu procureur. Huit ans exactement avant de mourir d'une tragique crise cardiaque qu'Emma suspectait d'être tout autre chose.

La seule chose qui l'avait faite sourciller - et mon dieu que le monde était petit - avait été d'entendre David s'exclamer que le vieil homme avait autrefois été un ami proche de Cora Mills. "Tu te rends compte, nos familles étaient si proches sans le savoir ?!"

Nos familles ... Non, la blonde n'avait jamais considéré sa belle mère comme un membre de sa famille et elle était presque certaine que la réciproque était vraie. Elle n'était même plus sûre que Regina la considère comme un membre de sa famille ...

Regina ...

Les yeux clairs cachés derrière des lunettes de soleil s'attardèrent quelques secondes sur la silhouette habillée d'un tailleur haute couture. Elle avait demandé à un de ses employés de placer un logiciel espion sur le téléphone de Neal la veille et il n'avait pas fallu plus de quelques heures pour surprendre une conversation qui avait noué son estomac. Un rendez-vous dans un petit night club où son ex-femme aurait fait tâche dans sa tenue si elle n'était pas parvenue à afficher un masque de dédain qui la plaçait au dessus de tous les pauvres clients.

Emma était arrivée en avance. Suffisamment pour acheter les services d'un jeune homme qui avait placé son micro à côté de la table que le père biologique d'Henry avait réservée. Aussi était-elle confortablement installée à l'étage supérieur à siroter un coca cola une main pianotant sur la crosse du pistolet glissé à sa taille.

L'écouteur grésilla un instant avant que les voix ne retentissent avec clarté.

- Madame la juge, bonsoir ...

- Madame le Procureur, corrigea la brune qu'elle vit s'asseoir avec distinction dans le fauteuil laissé libre.

- Quelque chose à boire Madame la juge ?

L'effronterie la fit serrer les dents et en bas le manque de respect fit se tendre d'avantage l'intéressée qu'elle s'étonna de voir croiser les bras. C'était rare que Regina montre un quelconque signe de faiblesse. Mais Neal n'était pas n'importe qui pour elle se rappela-t-elle en avalant amèrement une gorgée de sa boisson gazeuse.

- Non ? Moi qui croyait que c'était un rendez-vous pour apprendre à me connaître ... Ça ne se fait plus autour d'un verre de nos jours ?

- Je n'ai pas besoin de partager un verre de vin bon marché avec vous pour apprendre à vous connaître Neal. D'ailleurs, je vous connais déjà très bien. Plus que je l'aurais souhaité.

- Ah, voilà la femme dont on m'a parlé, sembla-t-il se réjouir de son regain de confiance.

- En chair et en os. On a aussi du vous dire que je détestais perdre mon temps, alors empressez-vous de finir votre scotch à dix dollars et me dire ce que vous voulez.

- Mon fils. Et votre femme.

- Mon fils, Neal. Cet enfant ...

- Que j'ai conçu avec Emma. Un très bon souvenir. Dommage qu'on ait du faire ça sur une banquette de voiture.

Elle n'aurait pas eu besoin du micro pour entendre le claquement de la main sur la table en bois noir qui raisonna jusqu'à l'étage. Emma savait d'expérience que son ex-femme avait du se retenir de ne pas la porter sur l'homme en face d'elle.

- Mon fils, répéta l'autre en un grondement qui la fit frémir. Mais nous savons tous les deux que vous n'avez que faire de lui. C'est l'argent qu'il représente qui vous intéresse. Combien vous faut-il ?

- Vous croyez que je vais me contenter de vous faire signer un chèque ? Emma peut m'apporter bien plus que ça ...

- Mais ma femme n'a aucune intention de vous apporter quoi que ce soit Neal. Et soyons honnête, à quoi bon avoir une petite société de sécurité dans la poche quand quelqu'un comme moi peut vous devoir une faveur ?

La remarque la fit pincer les lèvres. Elle n'aurait pas qualifié la multinationale qu'elle dirigeait de " petit société de sécurité "

- On achète plus facilement un homme de main qu'un homme de loi, Monsieur Cassidy, rajoutait l'autre avec aplomb.

- Mais c'est moi que vous tentez d'acheter là, Mills.

- Et j'ai besoin d'un prix.

Il y eut un silence durant lequel elle aurait aimé voir leur échange de regards et elle eut un nouveau frisson quand l'autre reprit sur un tout autre sujet.

- Est-ce qu'ils savent tout ce que je sais sur vous ?

- Ils ?

- Emma ? Henry ? Tous ces gens qui veulent vous faire prendre du gallon ?

- Peut-être que c'est justement parce qu'ils savent, qu'ils veulent de moi aussi haut Monsieur Cassidy ... Il faut être capable de tout quand on a de grandes responsabilités ...

- Comme tuer son prédécesseur ? Est-ce que Emma sait que c'était son grand-père ? Et que vous avez du trafiquer des preuves pour faire tomber certaines personnes un peu trop dérangeantes qui étaient au courant ?

- Tâchez de ne pas devenir trop dérangeant mon cher, ce serait dommage de ne pas saisir une offre tant qu'elle est encore à votre portée.

- Mais vous n'avez rien à m'offrir qui m'intéresse. Je vous ai déjà dit ce que je voulais ... Mon fils et Emma.

- Et vous n'aurez ni l'un ni l'autre.

- Ecoutez Gina, si c'est comme ça que vous voulez jouer, il n'y a pas de souci. Sachez seulement que j'ai plus de cartes que vous ne le croyez en main et je ferai en sorte que tout le monde sache ce que vous avez fait ... Et Henry ? C'est avec moi et Emma qu'il grandira quand sa mère sera en prison. Je savais pas si j'aurais à m'en servir pour convaincre Em ou pour vous faire taire mais je crois que j'ai trouvé ...

Cette fois la menace n'était pas du tout voilée et Emma tira une dernière fois sur sa paille pour avaler les derniers centimètres de soda encore frais dans son verre. Après tout elle avait promis à Regina qu'elle se serait chargée de Neal d'ici vingt-quatre heures. Elle n'était pas en retard, c'était la brune qui avait décidé d'agir en avance et tant pis si elle était là pour voir ce qu'elle s'apprêtait à faire.

- Et qui croyez vous impressionner avec vos menaces exactement ? entendit-elle l'autre railler, signe qu'elle allait contre-attaquer. Vous pensez vraiment qu'un petit dealer de pacotille me fait peur ? J'ai démantelé des cartels, des hommes et des femmes devant lesquels vous vous mettriez à genou s'en remettent à moi pour le moindre conseil et Neal Cassidy pense pouvoir m'impressionner ? Votre petit business a beau fleurir depuis que vous vous êtes mis à la prostitution, n'oubliez jamais que je peux arracher les ailes que vous vous sentez pousser d'un claquement de doigt.

Elle ne savait pas très bien quel effet aurait les paroles sur le concerné mais Emma avait le cœur qui battait la chamade quand la voix suave eut finit son petit monologue dans le creux de son oreillette. Et rien à voir avec ce qu'elle s'apprêtait à faire. Ses jambes avaient retrouvé l'assurance que la nuit dernière lui avait ôtée et son pas était léger quand elle descendit les escaliers en direction de leur table.

Et s'il lui avait fallu une preuve de plus que leur connexion n'était définitivement pas brisée, attirés par sa présence, les yeux sombres la trouvèrent presque immédiatement quand elle mit un pied au rez-de-chaussée. Evidemment quiconque d'autre aurait eu besoin de quelques secondes de plus pour la reconnaître camouflée sous l'épais maquillage que Scarlett s'était évertuée à lui appliquer. Mais il fallait d'abord passer la barrière du pull à capuche qu'elle portait redressée sur sa tête pour apercevoir l'épais trait d'eye-liner et les lentilles noires qui lui piquaient la rétine.

Bien sûr, pour quelqu'un qui la connaissait aussi bien, le premier coup d'œil permit à Regina de la reconnaître et elle se força à ne pas faire attention à la façon dont les sourcils parfaitement dessinés se froncèrent à la vue des faux tatouages qui ornaient ses jambes dont la peau était largement découverte par les trous faits dans son pantalon en cuir déchiré.

- C'était beau tu trouves pas ? susurra-t-elle à l'oreille de l'homme au dessus duquel elle s'était penchée.

Si de dos n'importe quel client aurait pu croire qu'elle s'était simplement pressée dans son dos pour passer un bras affectueux autour de ses épaules, il en était tout autrement. Mais seule son ex-femme pouvait voir le canon brillant du neuf millimètre sur lequel elle avait vissé un silencieux pressé sous le menton de son interlocuteur.

- Em, qu'est-ce qu...

- Shhh, tu voudrais pas gâcher ce moment en ouvrant ta bouche Cass.

- Elle a t...

- Je m'en fou, l'interrompit-elle avec un sourire. T'as jamais été à la hauteur Neal, t'aurais jamais pu gagner. C'est pas grave, l'important c'était de participer hein ?

- Em ...

Elle ne saurait jamais s'il avait eu l'intention d'utiliser son surnom mais l'intéressée ne lui laissa pas le temps de finir ce qu'il avait à dire, son doigt appuyant fermement sur la gâchette. En face d'elle les perles d'ébènes s'écarquillèrent en une stupeur dont elle n'avait jamais été témoin lorsque la balle traversa la boîte crânienne en un éclaboussement mouillé mais elle ne s'y attacha qu'une seconde avant de se détourner.

Si le coup de feu étouffé par le silencieux était passé inaperçu au milieu de la musique ambiante, personne n'aurait pu manquer le hurlement de pure terreur que poussa une jeune femme assise non loin de là. Soudain, elle était de retour sur le terrain, souffle maîtrisé et tous les sens en alerte. "Fie-toi à tes entraînements, ton corps s'en rappelle" disait-elle toujours aux bleus qu'elle envoyait en mission. Et ce n'était pas un mensonge, nota-t-elle avec un demi sourire lorsqu'elle se redressa, levant son arme par réflexe.

Son index s'abattit à six reprises en quelques secondes sur la petite pièce métallique qui ouvrit les portes de l'enfer aux deux hommes qu'elle avait observés entrer en même temps que Neal une heure plus tôt.

Ted et Anthony, se rappela-t-elle avec une moue en redressant ses épaules. Les petits dealers n'avaient même pas eu le temps de faire sauter la sécurité du glock qu'ils portaient illégalement à la ceinture. Son regard glissa de leurs vestes déjà tâchées de sang au reste du night club où les rares clients qui n'avaient pas osé la dépasser pour se sauver l'observaient tous avec une peur horrifiée.

- Appelle la police, conseilla-t-elle à voix basse à la brune vers laquelle elle se retourna brièvement.

Les perles d'ébènes étaient noyées de larmes qui ne couleraient pas. Malgré sa bravade, c'était sans aucun doute la première fois qu'elle voyait quelqu'un perdre la vie devant elle. Et le fait qu'Emma soit celle qui venait d'appuyer sur la gâchette ne devait rien arranger ... Tant pis, décida-t-elle en détournant à nouveau son regard sur le reste de la pièce pour résister à l'envie de se rapprocher d'elle pour la rassurer. Regina était une grande fille, elle trouverait le réconfort dont elle avait besoin auprès de quelqu'un d'autre.

Quelque chose comme de l'appréhension passa brièvement au fond des orbes sombres lorsqu'elle se rapprocha un tant soit peu mais l'expression tourna à l'horreur lorsqu'elle s'empara du micro qui avait été caché dans un des faux chandeliers à côté de la table où ils avaient été assis.

Et oui, j'ai tout entendu Mills ...

- Emma...

- Appelle la police, répéta-t-elle avec dureté avant de tourner les talons.

Personne ne tenta de l'arrêter sur le chemin qu'elle fit jusqu'à la porte et la berline sport qu'elle avait volée un peu plus tôt et garée non loin de l'établissement où les clients la regardèrent démarrer téléphones en main. Elle se doutait bien qu'il y aurait des photos mais pas assez pour que quiconque la reconnaisse.

# Merci

# Mais tout le plaisir est pour moi ;)

La réponse de Scarlett la fit sourire. C'était leur code. La planque de Neal à Port Morris et son loft dans l'Upper West Side venait certainement de s'embraser en un terrible feu de joie. De quoi détruire les preuves physiques qu'il aurait pu rassembler contre Regina. Son équipe se chargerait de nettoyer les serveurs dans la foulée. Par sécurité, elle enverrait certainement August vider les coffres forts que le père d'Henry avait pu ouvrir un peu partout pour vérifier si l'un d'eux contenait des données sensibles.

- Allez, il est temps de tirer sa révérence, murmura-t-elle en pianotant sur le volant à trois branches de l'audi qu'elle avait volée un peu plus tôt dans la soirée.

Un feu de joie de plus.

.

.

Elle n'avait pas répondu aux trois appels de Regina, se contentant de s'assurer que l'interrogatoire qu'elle avait subi en tant que témoin du meurtre se soit bien passé. " La vingtaine, cheveux blonds délavés, pentalon en cuir et des tatouages atroces sur les jambes. Certainement une petite junkie en manque " avait-elle lu sa description d'elle dans sa déposition.

La semaine qu'elle avait demandé au notaire s'était écoulée et la veille elle avait enfin reçu l'intégralité des documents qu'elle avait signé sans vraiment les lire. Elle ne voulait pas de l'entreprise. Elle ne voulait pas de l'argent. Et surtout elle ne voulait pas rester une semaine de plus dans la même ville que Regina dont elle avait déjà vu plusieurs vidéos à la télévision. La brune était apparue fatiguée durant sa dernière interview sans rapport aucun avec l'incident dont elle avait été témoin.

Emma l'avait à peine écoutée assurer que tous les moyens de la ville étaient mis en place pour retrouver l'homme qui avait abattu un policier qui avait tenté de protéger un fourgon blindé. Son ex-femme avait l'air vidée de quelque chose qui lui nouait l'estomac et le feu qu'elle avait si souvent admiré dans ses yeux n'avait pas fait une seule apparition.

- Tu les as lu ? entendit-elle vaguement Scarlett lui demander avec un signe de tête en direction du dossier vert qu'elle tenait sous le bras.

- Non, avoua-t-elle en refermant la porte de sa chambre d'hôtel, son fidèle Doberman dans les jambes. Je les lirai dans l'avion.

- Hum ...

- Quoi ?

- Rien. La voiture est en bas, je te suis.

Un dernier arrêt chez le notaire et elle pourrait enfin sauter dans le jet privé qui l'attendait sur le tarmac de La Guardia. Elle ferait ses excuses à Henry par Skype et ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu'elle le décevrait. Elle était faite pour ça. Elle le lui avait dit l'autre jour. Blesser les gens et prendre la fuite c'était sa spécialité.

En bas, elle fit à peine attention au jeune voiturier qui lui tendit les clefs du bolide en la félicitant comme si elle l'avait elle même construit. Elle n'avait aucun mérite mis à part celui d'avoir eu l'argent pour l'acheter et Emma se désespérait souvent des gens qui lui glissaient des " bravo, belle voiture " avec l'impression qu'elle devait en être fière comme de son enfant. Même constat quand elle s'arrêta devant le building du notaire où un homme d'affaires d'une trentaine d'années qui était resté sur les marches pour passer un coup de fil lui adressa un sourire charmeur et leva un pouce en désignant la Camaro.

- Merci ! répondit pour elle Scarlett qui la suivit en courant presque jusque dans l'ascenseur où elle appuya sur le bouton du dix-huitième étage.

- Est-ce que tu as eu le temps de dire au revoir à August ? demanda-t-elle pour s'occuper pendant la montée.

- Longuement oui, lui répondit la grande brune avec un sourire en coin qui lui confirma qu'ils n'avaient pas réussi à s'en tenir aux stricts rapports professionnels pour lesquels ils s'étaient décidés après leur dernière rupture.

- Est-ce que je dois m'attendre à le voir débarquer quand on sera là bas ?

- Peut être.

Elle n'avait pas encore perdu le petit sourire qu'elles échangeaient quand l'ascenseur s'ouvrit sur l'étage qu'elle avait fréquenté une semaine plus tôt. À l'accueil, la secrétaire sembla la reconnaître immédiatement et elles rentraient dans la petite salle d'attente lorsque la blonde se figea. L'odeur d'abord avait effleuré ses narines avant même que l'image de la femme dont elle avait senti le parfum ne lui parvienne.

Assise sur l'un des fauteuils en faux cuir, Regina sembla comme bondir à son entrée. Tailleur noir et chemisier bleu électrique, elle serait facilement passée pour l'un des notaires si elle n'avait pas encore eu son sac à main sur elle.

- Oula, je vais ... Je vais attendre dehors, entendit-elle Scarlett s'excuser.

Ce qui ne les laissait pas pour autant seules. L'ambiance électrique partagée avec un groupe de personnes qui se ressemblaient assez pour faire partie d'une même famille. Son ex-femme sembla les ignorer pendant un instant, traversant la pièce pour venir à sa rencontre jusqu'à l'effleurer.

- Emma ...

Et à nouveau les deux syllabes ressemblaient presque à une véritable bombe lâchée à quelques centimètres d'elle dans cette intimité relative.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Tu ne réponds pas quand je t'appelle et je n'ai pas réussi à trouver le nom de ton hôtel ...

- Alors tu as payé le notaire pour qu'il te dise quand je passerai ?

- La secrétaire, sembla-t-elle la corriger par automatisme et Emma dut s'empêcher de sourire à la flamme qu'elle voyait briller au fond des perles d'ébènes. Est-ce que ... Est-ce que tout va bien après ... Après mardi soir ?

- Mardi soir ? répéta-t-elle tranchante. Qu'est-ce qu'il s'est passé mardi soir ?

Un instant les orbes sombres la contemplèrent comme si elles avaient pu percer tous ses secrets. Le fameux regard qui devait faire trembler tous les accusés.

- Emma, on ... On a pas parlé de ce qu'il s'est passé samedi.

Et elle aurait pu pousser le bouchon jusqu'à lui demander ce qu'il s'était passé samedi mais les images étaient encore fermement ancrées en elle. Jusque dans sa peau et dans son cou où elle sentit le regard de Regina s'attarder une fraction de seconde sur la marque qui avait presque disparu.

- Ah bon ? demanda-t-elle avec son plus beau venin.

En face d'elle les sourcils parfaitement dessinés se froncèrent et la brune avait un air adorablement perdu qui brisa un peu plus son cœur lorsqu'elle s'empara de la main restée accrochée à la hanse du sac Hermes. Leurs doigts s'emboîtèrent comme s'ils avaient été destinés à le faire et un instant elles baissèrent toutes deux le regard pour observer le manège de son pouce qui caressa toute la longueur de son index.

Si elle n'avait pas entendu sa respiration se couper brièvement, le désir qui avait assombri les yeux qui se relevèrent brusquement vers elle ne laissa pas la place au moindre doute. La blonde dut se mordre l'intérieur de la joue pour ne pas réagir et se forcer à resserrer son étreinte à un point qui fit grimacer la brune lorsqu'elle attrapa son annulaire avec résolution.

- Pourtant je crois que tu ne pouvais pas être plus claire, siffla-t-elle avec un vague regard pour la panthère d'or qui masquait le tatouage qui allait de paire avec le sien.

Les paupières maquillées d'un simple trait d'eye liner s'écarquillèrent et Regina allait certainement lui répondre quand une porte s'ouvrit derrière elles, la forçant au silence.

- Moi d'abord ! s'exclama-t-elle digne d'une enfant quand le groupe de personne leva un regard attentif vers le notaire qui venait de faire son apparition. Désolée, ça ne sera pas long, un dossier à déposer et je pars. J'ai un avion à attraper.

- Un avion ? releva son ex-femme en un grondement qui fit frémir quelque chose au fond d'elle.

Elle avait toujours adoré la voir hors d'elle.

- Un avion, confirma-t-elle. Plus vite je serai partie, plus vite tu pourras m'oublier.

- Et Henry ? Emma, Henry ne ...

- Henry a déjà la mère qu'il lui faut, lança-t-elle par dessus son épaule en ayant l'impression de s'arracher à une partie d'elle même lorsqu'elle dut se séparer de la brune pour entrer dans le bureau du notaire.

Elle s'était presque attendue à ce que l'autre force l'entrée mais la pièce demeura désespérément vide à l'exception de l'homme qu'elle observa d'un œil morne vérifier la présence de sa signature sur toutes les pages. Debout les bras croisés, elle hésita encore quelques secondes avant de lui tendre le reste des papiers qu'elle avait demandé à son équipe.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Un petit truc en plus. Il y a un chèque en blanc pour que vous vous chargiez des détails de la donation.

L'appât du gain fit brièvement briller les yeux du professionnel qui s'empara du fichier d'un geste vif.

- Ce n'était pas ce que voulait feu votre mère Miss Swan ...

- Et malheureusement j'ai signé les droits de succession et elle n'est plus là pour le contester.

- Etes-vous sûre d'avoir mûrement réfléchi cette décision ?

- Je ne connais personne d'autre au monde plus à même de défendre les droits de mon fils que Regina Mills, confirma-t-elle en toute honnêteté.

- Très bien ... Si c'est votre décision.

Oui, opina-t-elle d'un signe de tête. Donner ses parts de la société à Regina serait non seulement le moyen de s'assurer qu'elle serait dirigée d'une main intransigeante mais aussi celui de s'éloigner définitivement de New York. Hors de question qu'elle se retrouve dans la grande ville une fois tous les trois mois pour assister à des assemblées générales à la même table que son ex-femme. Et puis avec un peu de chance, les nouvelles responsabilités lui ferait abandonner l'idée du poste à risques qu'elle envisageait d'accepter.

L'intéressée n'avait pas bougé lorsqu'elle sortit de la pièce qui l'étouffait et un instant elle faillit sourire de la vision qu'elle offrait aux côtés du Doberman qui était resté assis les oreilles en alerte à ses côtés faute d'avoir pu suivre sa maîtresse.

- On y va Gina, indiqua-t-elle au chien qui se mit immédiatement à trotter vers elle.

- Emma ...

Les dents serrées la jeune femme refusa de regarder derrière elle et fut soulagée de retrouver le visage souriant de Scarlett qui l'avait attendue à l'accueil.

- Swan !

Le nom qu'elle entendit grondé derrière elle la fit se figer momentanément. Depuis qu'elle avait eu le privilège de devenir sa femme, Regina ne l'avait jamais plus appelée par son nom de jeune fille et si aujourd'hui c'était comme ça qu'elle se présentait à tout le monde, l'entendre dans la bouche de la brune manqua retourner son estomac.

- Emma ...

La main qui se posa dans le creux de son coude la fit sursauter, son mouvement de panique provoquant un aboiement inquiet de la part de son chien de garde qui aurait attaqué sur commande.

- Allez, viens, préféra-t-elle l'enjoindre en se dégageant fermement de la prise qui avait pourtant été douce.

Cette fois rien ne l'arrêta quand elle alla écraser son index sur le bouton d'appel de l'ascenseur qui sembla mettre une éternité à monter les dix-huit étages. A ses pieds, le Doberman jappa avec excitation certainement à l'idée de regagner la voiture de sport et la jeune femme en profita pour passer une main dans sa fourrure sombre, ligne de vie à laquelle elle se raccrocha jusqu'au dernier moment.

- Miss Lucas ! entendit-elle vaguement Regina appeler derrière elle.

Et depuis quand la brune connaissait-elle le nom de famille de son employée ? Emma sentit une pointe de trahison lorsque l'intéressée se retourna, acceptant de reculer de quelques pas pour aller converser avec le Procureur dont les yeux d'ébène croisèrent une dernière fois les siens avant qu'elle n'appuie rageusement sur le bouton du rez-de-chaussée.

- Hey ! s'écria Scarlett comme elle partait sans elle.

Mais les portes en verre se refermaient déjà et de toute manière son ex-femme avait abattu une main de fer sur son bras pour la retenir.

.

.

Aussi puéril son comportement soit-il, la blonde serra les dents sur toute la longueur du trajet jusqu'à l'aéroport de La Guarda pour s'empêcher de parler à Scarlett. En bref, elle boudait aurait dit la brune si elle avait osé parler mais la jeune femme semblait elle aussi perdue dans ses pensées au point qu'il lui devienne de plus en plus difficile de ne pas lui demander ce que l'autre avait bien pu lui dire.

Emma s'occupa comme elle le pouvait, appuyant plus que de besoin sur la pédale d'accélération pour profiter des derniers moments à manier le bolide avant de passer au gros 4x4 tout terrain qu'elle avait laissé derrière elle en Jordanie. Elle savait déjà que le voyage allait être terrible et pourtant sur la banquette arrière les aboiement enthousiastes de la chienne à la vue du tarmac lui arrachèrent un sourire. Un chien qui aimait prendre l'avion ... Elle aurait tout vu.

- Emma Swan, se présenta-t-elle au pilote qui lui tendit la main quand elle embarqua dans l'appareil tout confort prêté par un client de la compagnie.

Et le nom ne lui avait jamais semblé aussi misérable constata-t-elle une fois sorti de sa bouche. Elle n'accorda même pas un regard à l'hôtesse qui voulut s'adresser à elle, envoyant son blouson en cuir sur l'une des tables en bois vernis avant d'aller s'affaler sur un fauteuil côté hublot. À ses pieds Gina émit un chouinement triste qui laissait à penser qu'elle était connectée sur tous les niveaux avec sa maîtresse et la blonde dut à nouveau serrer les dents pour ne pas pleurer.

Il fallait qu'elle arrête de penser à Regina comme si elle était la huitième merveille du monde. Pourquoi l'avait-elle quitté déjà ? Ah oui, la brune n'avait aucune confiance en elle, était caractérielle, dominatrice, manipulatrice et prête à tout pour réussir sa vie professionnelle. Même au meurtre.

Au meurtre de son grand père se rappela-t-elle d'ailleurs avec un coup d'œil pour la pochette verte qu'elle avait envoyée sur la table vernie en même temps que son blouson. Avec un soupir, la jeune femme s'empara des fichiers sous le regard pesant de son acolyte à qui elle adressa un froncement de sourcil menaçant.

Les yeux clairs s'arrêtèrent quelques instants sur la photo en première page, cherchant à traquer des traits familiers. Et il y avait quelque chose dut-elle avouer. Quelque chose de Blanche ... Emma parcourut les premières lignes sans grand intérêt, ne retenant que l'essentiel.

Parents morts dans un accident d'avion. Jeune diplômé d'Harward héritant d'une fortune et d'un projet familial qu'il achève de rendre possible avec des camarades de promotion. Rencontre l'amour de sa vie à l'âge de vingt ans et l'épouse dans la foulée. Mort tragique de l'épouse quelques années après avoir mis au monde leur fille unique. Entreprise florissant dans l'import-export mais dix ans plus tôt tout s'arrête.

Première crise cardiaque et le quinquagénaire décide de se retirer de l'entreprise. Pour une retraite au calme ? Non, se dédier à la politique. Assistant du Procureur, Avocat spécialisé dans le droit des affaires, brève star du barreau New Yorkais avant d'être parachuté en tant que Procureur de la ville.

- Prftft

La gorgée d'eau minérale qu'elle venait d'avaler fut expulsée par la surprise qui l'avait faite hoqueter. À ses pieds le Doberman ouvrit un œil agacé par l'averse et la brune assise quelques rangs plus loin devant son iPad lui adressa un sourire moqueur mais elle n'eut pas le cœur à l'en châtier.

Le contrat de mariage qu'elle avait sous les yeux l'avait privée de toute pensée cohérente. Comme pour s'assurer qu'elle n'était pas en train de rêver, un doigt tremblant retraça le nom écrit noir sur blanc mais non ... Regina Mills restait bel et bien l'une des deux parties signataires.

Enfin non, pas signataires. Le contrat n'était qu'un projet. Extrêmement bien réalisé. Extrêmement avantageux en faveur de l'épouse. Mais un simple projet.

Il y avait huit ans Regina était encore une jeune avocate pénaliste dont les exploits avaient du remonter aux oreilles du vieux loup qu'était Léopold White. Comment l'expliquer autrement ?

- Cora, gronda-t-elle à voix basse.

David avait dit que son ex belle mère et Léopold avait été amis. C'était elle qui avait du les présenter et connaissant la sorcière, elle avait du tout faire pour pousser sa fille dans les bras d'un homme qui aurait pu lui apporter un avenir tout tracé. Mais elle voyait mal la brune accepter un tel marché. Cela s'était-il joué dans son dos ? Regina y avait-elle été forcée ? La simple idée noua son estomac.

Pourtant on ne forçait pas une Mills. La brune était plus du genre à forcer les autres et bien qu'Emma se la rappelait parler de sa mère en des termes bien peu élogieux, elle ne l'avait plus crainte depuis des années ... Alors c'était ça, devina-t-elle en sautant plusieurs pages pour arriver à des articles de presse.

" Mort soudaine du Procureur White " titrait le Times. L'homme avait été retrouvé dans son lit par une de ses femmes de ménage. Crise cardiaque avait confirmé le docteur Whale chargé de procéder à une brève autopsie en raison de ses antécédents.

Mais le dossier ne s'arrêtait pas là. Les sourcils froncés, Emma parcourut les quelques pages jaunies qui avait été rajoutées à la suite. Deux rapports d'autopsies. Non. Un seul mais différent à en croire les passages qui avaient été surlignés par une main bienveillante au stabilo rose.

- Présence de digitaline sur le myocarde, lut-elle à voix basse la phrase qu'on ne trouvait que dans l'un des deux.

Et comme si on avait pu une nouvelle fois anticiper sa question, la prochaine page était un extrait d'une encyclopédie médicale où ses yeux sautèrent immédiatement au passage qui avait été mis en avant pour elle.

" Cardiotonique à absorption et élimination lente. Utilisé dans de nombreux traitements de pathologies cardiovasculaire. Autrefois dur à doser et craint pour sa propension aux morts accidentelles "

Du poison. Regina avait utilisé du poison. Pas étonnant qu'elle ait eu l'air épouvantée par les trois meurtres de sang froid qu'elle avait fait devant elle à coup de neuf millimètres. Les mains tremblantes, la blonde tourna les dernières feuilles du dossier qu'avait assemblé Scarlett pour elle, les yeux clairs se brouillant de larmes quand ils tombèrent sur les articles découpés dans des journaux où la photo de son ex femme entourée de journalistes accompagnait quelques lignes dans les colonnes dédiées à l'actualité policière.

" Je ne vois pas en quoi mon impartialité peut être remise en cause. S'il était innocent des faits qui lui étaient reprochés lorsque je l'ai défendu en 2012, il est clair que les nombreuses violations déontologiques que le docteur Whale s'est permises méritaient amplement la sanction qui vient d'être prononcée. "

" Ce n'est pas à l'un d'entre vous que j'apprendrai que le métier de journaliste flirte souvent avec les limites de la légalité quand il s'agit de la course au scoop. Bien sûr le fait que l'accusé ai plaidé coupable au dernier moment nous arrange mais la défense disposait d'éléments accablants. Le harcèlement n'est pas et ne sera jamais pris à la légère durant mon mandat. Que le cas de Sidney Glass vous serve d'exemple à ne pas suivre Messieurs. "

Victor Whale et Sidney Glass faisaient donc partie de la liste de personnes "dérangeantes" auxquelles Neal avait fait allusion lors de son entretien avec Regina ? Son équipe avait beau être douée, elle doutait que les deux hommes mis sur le coup ait pu dénicher toutes ses informations en si peu de temps ... Le dossier lui avait été donné juste après la destruction de toutes les affaires du père biologiques d'Henry, c'était donc de là que les informations provenaient ...

- Tu savais ?! réalisa-t-elle soudain en une exclamation dramatique.

- Quoi ? releva Scarlett avec un air méfiant qui trahissait sa culpabilité.

- Tu as lu le dossier n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu m'as demandé si je l'avais fait quand on a quitté l'hôtel !

- Et tu m'as dit que tu allais le faire !

- Mais quand j'ai insisté tu m'as dit " rien ", s'écria-t-elle cette fois en bondissant du siège. Mon grand-père Scarlett ! Tu m'as laissée croire que la femme que j'aime avait tué mon grand père pour un poste !

- Quoi ? C'est pas ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que t'en sais qu'elle était pas d'accord et qu'au dernier moment elle a changé d'avis ?

- Qu'est-ce que t'en sais toi ? Il y a autre chose que ce dossier ?

Aucune réponse à part un signe de tête négatif qui avait l'air désolé.

- Et puis qu'est-ce qu'elle t'a dit toute à l'heure ? craqua-t-elle enfin

- Rien, lui répondit-elle cette fois à voix haute un peu trop vite pour être honnête.

- Scarlett ...

- Elle ne m'a pas vraiment dit quoi que ce soit, sembla-t-elle se confier difficilement. A part que tu étais une idiote.

- C'est tout ? pressa-t-elle.

- Non, mais je suis censée te le donner quand tu auras "cessé de faire l'enfant" et que tu seras calme ...

- Je suis calme, contra-t-elle immédiatement sans chercher à paraître convaincante. Je suis très calme Scarlett. Tu m'as vue, tu sais ce que ça donne quand je le suis pas.

En face d'elle l'intéressée haussa un sourcil qui lui rappela un peu trop celui que Regina levait souvent vers elle.

- Je suis sérieuse, gronda-t-elle cette fois. Tu me donnes ce qu'elle t'a filé maintenant, ou tu peux dire adieu à la compagnie.

Un instant elle crut qu'elle n'allait pas répondre, crut qu'elle allait devoir menacer tout autrement la brune ou la contraindre par la force mais après une autre hésitation, l'intéressée plongea dans la poche arrière de son jean avec un soupir. Quelque chose attira brièvement la lumière des plafonniers en un éclat particulier et Emma attrapa au dernier moment l'objet qui venait de lui être envoyé sans précaution aucune.

L'estomac noué, elle crut que ses jambes allaient flancher sous son poids quand elle ouvrit son poing pour découvrir l'or blanc couvert de diamants. La bague qui valait quelques milliers de dollars de plus que sa Camaro avait l'air de la narguer avec ses deux yeux en émeraude. Dans sa poitrine, son cœur manqua quelques battements avant qu'elle ne reprenne ses esprits.

- Appelle moi le pilote.

.

.

Il faisait déjà nuit quand ils avaient atterri à New York dans le premier aéroport qui avait eu une piste libre et elle n'attendit pas une seconde de plus que Scarlett soit sortie de l'appareil pour se précipiter vers un des hommes de sa société dépêché pour les attendre.

- File moi les clefs, avait-elle ordonné à l'homme en costard qui lui avait confié sans question le volant de la Lexus qui ne lui permettait pas d'aller aussi vite qu'elle l'aurait voulu.

Dans le rétroviseur, elle avait vaguement vu son employée lui faire de grands signes contrariés et le Doberman tenter de courir après la berline sur quelques centaines de mètres mais elle ne s'était pas arrêtée. En ville non plus, aucun feu rouge ne l'avait stoppée, empruntant les voies réservées aux taxis et aux bus pour éviter des embouteillages tardifs avant de rentrer dans la zone un peu plus résidentielle de l'Uper West Side.

L'adrénaline lui avait donné chaud et puis froid maintenant, les doigts crispés sur le volant qu'elle tenait comme un naufragé s'accroche à sa bouée lorsqu'elle pénétra dans l'allée en gravillon où elle se gara non loin de la Mercedes S63 d'un noir si brillant qu'il lui renvoya son reflet l'espace d'un instant.

Elle eut l'impression d'à peine entendre le bruit étouffé de la sonnette par dessous le battement de son sang dans ses tympans et ses jambes manquèrent à nouveau se dérober lorsque la maîtresse des lieux apparut dans l'embrasure de la porte. Les yeux clairs glissèrent sur le brushing parfait, les courbes moulées dans une robe bourbon et les talons aiguilles d'un noir laqué avant de bondir jusqu'à la main appuyée contre le mur beige de l'entrée.

La silhouette du chevalier noir lové autour de l'annulaire de la brune aurait pu la faire gémir et la pression qui s'était accumulée dans son ventre migra à la vitesse de l'éclair jusqu'entre ses jambes où elle éclata en un désir qui la fit littéralement perdre ses moyens.

- Em...

La question à laquelle elle avait sûrement été sur le point d'avoir droit mourut sur ses lèvres et le baiser ne mit qu'un instant à lui être rendu une fois la porte claquée derrière elle. Ses mains ballantes volèrent enserrer les hanches qu'elle précipita contre elle avec urgence, profitant de son hoquet de surprise pour investir sa bouche. Elles gémirent toutes les deux au premier contact mais c'était loin de suffire à la blonde.

Le besoin de sentir Regina au plus près la fit brièvement se baisser pour pouvoir s'emparer d'une cuisse à hisser sur elle et la brune sembla profiter de son court instant de liberté pour tenter de réfléchir à voix haute.

- Em, qu'est-ce que ... Qu'est-ce que tu fais ici ? Ils ... Ils savent ?

- Qui ? Quoi ? souffla-t-elle entre deux baisers qu'elle arrachait à son amante qui semblait avoir du mal à rassembler ses idées.

- Pour Neal ?

- Et quoi ? ricana-t-elle contre les lèvres dont elle avait brouillé le maquillage. Je reviendrais en courant te faire une dernière fois l'amour avant qu'on m'arrête ?

Son sarcasme lui valut d'être mordue sans vergogne avant qu'une langue brûlante ne vienne apaiser la douleur et embraser ses reins.

- Où est Henry ? voulut-elle savoir.

- En haut mais j...

- Tant mieux.

Et la protestation qui était née s'éteignit sous ses assauts, des mains aux ongles manucurés allant s'enterrer dans la masse des cheveux d'or qu'elle avait laissés libres quand leur baiser reprit avec une nouvelle intensité. Regina fondait contre elle, son corps cambré à la recherche du moindre contact qu'elle lui donnait bien volontiers.

- Dis moi oui, supplia-t-elle en descendant dans le cou où elle fit courir ses dents.

Le bref moment d'hésitation passa lorsque sous elle le simple contact fit bondir les hanches à sa rencontre, l'encouragement silencieux se transformant en un véritable gémissement lorsqu'elle appuya le contact pour marquer le territoire qu'elle voulait revendiquer.

- A ... A quoi ? l'entendit-elle pourtant demander d'une voix tremblante.

- Tout. Que tu veux de ça, de nous. Que tu es toujours ma femme. Que ça va marcher parce que tu m'aimes toujours autant que je t'aime. Que tu vas m'apprendre à devenir une bonne mère pour Henry et que ce soir tu vas me laisser te faire l'amour dans ton lit ?

Dans ses cheveux les ongles courts griffèrent un chemin jusque sur sa nuque pour l'attirer au plus près et Emma eut un frisson en entendant sa voix aussi rauque de désir que d'émotion.

- Oui. Oui à tout.

Oh ce ne serait pas aussi facile qu'un simple "oui", mais en attendant ceux qui étaient sortis de la bouche de la brune court-circuitèrent son système nerveux. La main qui avait été occupée à couper un sein au travers de la robe que portait la brune descendit de quelques centimètres pour la pousser contre le mur le plus proche. Le besoin impérieux de se sentir au plus près d'elle, en elle, l'emporta sur tout autre instinct.

- Non, non, non, Em, je ne suis ...

Mais elle s'était déjà faufilée sous la robe et le tissu trempé qui l'avait encore séparée de son but et la protestation mourut en un gémissement qu'elle sentit vibrer contre ses lèvres lorsque plusieurs de ses doigts allèrent s'enfouir en elle.

- OH MON DIEU !

- ... Pas seule, sembla finir la brune dans ses bras en un grondement animal qui la fit frémir.

Pas seule ? Un instant Emma faillit gronder, sa main libre resserrant brièvement son étreinte sur la cuisse qu'elle avait encore soutenue contre une hanche.

- Oh mon dieu, pourquoi est-ce que je n'ai pas laissé maman aller voir où tu étais passée ?

Elle mit quelques secondes encore à reconnaître la voix avant de se tourner, lâchant précipitamment celle qu'elle avait encore eue dans ses bras pour faire face à la rousse qu'elle n'avait pas vue depuis des années.

- Certainement parce que tu mourrais d'ennui, répondit son ex-femme avec beaucoup trop de sarcasme pour quelqu'un qui aurait du avoir honte d'être surprise dans une telle position.

- La faute à qui ? Tu n'étais plus là pour faire les yeux doux à Monsieur Hunter, c'est à moi, qu'il essayait de faire la conversation.

Monsieur Hunter, nota la blonde au moment même où une main se posait dans le bas de son dos.

- Maman est sous l'impression que Regina est intéressée par les jeunes commissaires célibataires, l'informa Zelena comme si elle avait pu lire dans ses pensées. Bon retour parmi nous Emma.

- Merci Zelena.

- Tu m'excuseras de ne pas te faire la bise mais vu ce que je viens d'interrompre ...

- Ça suffit Lena, réussit à la sermonner la brune tandis qu'Emma se sentait rougir.

- Oh si on a même plus le droit de se moquer gentiment de la famille ...

L'expression la fit étrangler un hoquet de surprise. Elle avait rarement côtoyé la plus jeune des Mills, l'électron libre qui contrairement à Regina s'était affranchie des diktats de sa mère dès le plus jeune âge en partant étudier à l'étranger mais aujourd'hui plus que jamais il lui semblait se rappeler qu'elle l'avait toujours appréciée. L'intéressée lui adressa d'ailleurs un clin d'œil avant de tourner les talons.

- Venez donc mettre un peu d'ambiance, leur lança-t-elle par dessus son épaule avec un sourire qui semblait sincère.

Emma resta pourtant figée quelques secondes après son départ, juste assez longtemps pour qu'à ses côtés la brune pose une main inquiète sur son avant bras.

- Monsieur Hunter ? se fit-elle l'écho sarcastique de la révélation qui lui avait été faite.

- Un benêt. Mais très agréable au demeurant, lui répondit naturellement l'autre en réajustant sa robe bourbon. Est-ce que tu comptes rester plantée là ou est-ce que je peux compter sur toi pour sauver la soirée ?

Sauver la soirée ? Alors qu'elle aurait certainement envie de tordre le cou de Cora à l'instant même où elle la verrait ? Comment Regina espérait-elle qu'elle arrive à avoir une conversation civile avec une vieille manipulatrice qui avait essayé de vendre sa fille pour asseoir leur style de vie ? Qui plus est, elles n'avaient pas encore parlé de ce qu'elle venait d'apprendre à propos de son grand père et Emma savait qu'il lui faudrait entendre sa propre version tôt ou tard. Pour être sûre ...

Mais pour l'instant, son ex-femme attendait une réponse avec un air confiant qui réchauffa ses entrailles. Blanche avait eu raison comprit-elle, il était temps d'arrêter de fuir. Qu'importe les réponses qu'elle obtiendrait, quoiqu'il se passe, elle devait choisir de se battre aux côtés de ceux pour qui le combat en valait la peine. En face d'elle Regina n'avait pas cessé de l'observer, tranquille comme si elle connaissait déjà sa réponse. Et ce n'était pas un excès de confiance en elle, réalisa-t-elle, non ... Regina n'avait aucun doute sur sa réponse parce qu'elles ressentaient la même chose, avaient réalisé la même vérité très récemment. Elles ne pouvaient plus continuer à faire semblant de vivre loin de l'autre.

- Et me présenter ta mère ? Le premier soir ? Tu es sûre qu'on va pas un peu trop vite ? décida-t-elle en copiant un haussement de sourcil bien familier.

- Oh ne t'en fais pas, je suis sûre qu'elle va t'adorer.

Le sourire auquel elle eut droit avait beau être complètement faux, la blonde ne parvint pas à retenir le rire qu'il provoqua. Oui, elle était sûre d'elle.

- Je t'...

L'aveu qui avait failli lui échapper fut stoppé d'une main impérieuse dont les doigts frais caressèrent un instant ses lèvres.

- Plus tard. Toute à l'heure après ... Après ma mère et tout le reste ... Quand on sera seules.

- Pourquoi ? voulut-elle tout de même savoir.

- Parce que je veux qu'on soit en train de faire l'amour quand tu me le diras ...

Et que pouvait-elle vraiment répondre à ça à part hocher la tête comme un enfant à qui on promettait d'ouvrir ses cadeaux après un repas ? Sa réaction eut le droit à un nouveau sourire. Honnête cette fois. Le genre qu'elle ne lui avait pas vu lui accorder depuis une éternité avant que la brune ne tourne les talons pour la précéder dans le salon où elle l'entendit annoncer sa présence d'une voix posée.

- Je suis désolée ce n'était pas au programme mais ma femme vient de me faire la surprise de rentrer à la maison plus tôt que prévu.

Elle aurait juré pouvoir entendre Cora manquer s'étouffer dans un verre et Zelena ricaner dans le sien.


Voilà, voilà ...

Sinon, j'ai trois autres OS sur mon ordi au bureau : Un autre AU qui se passe à Poudlard, un dans la forêt enchantée & un à Storybrook ... Sur lequel vous préférez que je planche pour la prochaine fois ? ^^