"L'écriture est une aventure. Au début c'est un jeu, puis c'est une amante, ensuite c'est un maître et ça devient un tyran."

Je me suis faite tyranniser toute la nuit mais soyez heureux, j'en ai fini cette deuxième partie que beaucoup d'entre vous réclamaient ... Je ne vous fais aucune promesse que je ne pourrai tenir mais d'autres suivront si vous souhaitez toujours me lire après tant de temps ... Une fin pour Diabolique est mon Ange, aussi ...

Pdv Regina, une fois n'est pas coutume. Pas besoin de résumé du coup mais je vous invite à relire le premier chapitre si vous ne vous souvenez plus de leur histoire ;)

Enjoy my dears xx

.

..

.

Business Woman 2.0

.

..

.

Contrairement à ce qui se chuchotait un peu partout dans les couloirs du building où elle avait ses bureaux, Regina Mills détestait se lever tôt. Peut être que c'était ça justement qui causait toujours son humeur accablante de bon matin lorsque tous se pressaient pour tenter d'obéir à ses quatre volontés quand elle ne voulait qu'une seule chose …

Retourner dans son lit.

Mais voilà, les centaines de millions que brassaient ses sociétés n'existeraient pas si elle écoutait ce genre d'envies ... Alors, tous les jours, elle devait se résoudre à s'arracher aux bras de Morphée pour affronter une nouvelle matinée et consommer assez de café pour retrouver goût à la vie.

Et puis il y avait ces matins …

- Em … ?

Ceux là s'étaient produits de plus en plus fréquemment ces derniers mois même si en général lorsqu'elle se glissait hors du lit, la jeune femme avec qui elle s'y était endormie y restait encore de longues heures dans un état léthargique.

Mais pas ce matin.

Le prochain son qui sortit de sa bouche ressemblait à peine plus au prénom de la blonde, gémit dans le silence de la pièce où elle n'aurait pas entendu le petit rire si elle n'avait pas eu l'habitude de tendre l'oreille pour écouter ce qu'il se disait sur son passage.

Un instant ses yeux encore brouillés cherchèrent les chiffres rouges de l'horloge digitale. Cinq heures quarante cinq. L'alarme sonnerait dans quelques minutes mais Emma n'aurait pas besoin de plus à en croire la façon dont elle sentait déjà son corps réagir à la langue qui l'explorait.

D'un geste sec, la femme d'affaires arracha la couverture qui lui avait caché son amante, gémissant à nouveau quand son regard trouva celui de la blonde dont elle eut le temps de voir un sourire avant que ses lèvres n'aillent refermer leur étau autour de la petite boule de nerf qui la fit se cambrer. Comme si elle avait attendu ce moment, l'autre lâcha la cuisse qu'elle avait tenue pour plonger deux doigts en elle.

Cette fois elle ne fit même pas l'effort d'étouffer le nom qui sortit de sa bouche séchée par le plaisir qui était en train de la brûler de l'intérieur. Après tout elles étaient seules dans la villa que les parents d'Emma avaient désertée pour un voyage d'affaires et ce ne serait pas la première fois qu'une femme de ménage ou le garde du corps de la blonde les entendraient …

- Emma, répéta-t-elle donc un peu plus fort.

Son nom combiné à la façon dont sa main alla s'enterrer dans les mèches dorées firent relever les yeux de son amante qu'elle soutint un instant avant de donner son ordre.

- Fais moi jouir.

Le grondement animal auquel elle eut le droit était un mélange de frustration et d'excitation devina-t-elle quand les perles claires s'assombrirent d'avantage. Mais si elle faisait souvent semblant de ne pas apprécier la façon dont Regina lui dictait ses faits et gestes, la blonde ne manquait jamais d'obéir. Aussi n'accueillit-elle qu'avec un vague sourire le changement de rythme des doigts qui se bousculèrent en elle pour aller frapper exactement là où elle les attendait.

Et non, il ne lui faudrait vraiment que peu de temps comprit-elle quand elle sentit la tension s'accumuler entre ses reins, faisant bondir ses hanches et les jambes qui allèrent enserrer le corps de son amante en contrebas.

- Em-ma …

Cette fois le prénom ne contenait aucun ordre, simple indice qu'elle n'allait pas tarder à basculer dans le précipice et l'intéressée le comprit très bien. C'était comme si la blonde n'avait attendu que cet accord implicite pour se mettre à la dévorer, sa langue attaquant son clitoris avec la claire intention de la faire jouir au plus tôt tandis qu'un autre doigt allait rejoindre ceux qui frappaient en elle avec une précision mortelle.

Et parce qu'elle n'avait déjà plus aucune honte à cacher son plaisir devant elle, Regina laissa son corps se cambrer, une main allant agripper les mèches d'or pour arrimer le visage dont elle se servit vulgairement.

- EMMA !

Elle avait beau eut jeter un bras devant sa bouche pour étouffer le hurlement de son orgasme, il restait bien plus fort que d'habitude comme le lui confirma le gémissement satisfait de son amante. En bas les lèvres qui la connaissaient déjà trop bien finirent leur travail avec douceur et elle tremblait encore lorsqu'elle les sentit remonter déposer un baiser sur son ventre.

Les doigts qui étaient toujours en elle continuèrent à la faire gémir de longues secondes et elle faillit bondir quand des dents se refermèrent sur la pointe d'un de ses seins au travers du tee shirt qu'elle portait encore.

- Bonjour toi, finit-elle par entendre murmuré contre son menton.

La brune ne répondit que d'un vague gémissement, acceptant la main qui dégagea son bras et les lèvres qui trouvèrent les siennes en un baiser dont la tendresse la fit frémir.

- Trop tôt ?

- Trop bon, corrigea-t-elle.

- À qui le dis-tu …

Elle cherchait encore une réplique quand l'alarme de son téléphone se déclencha sur la table de nuit en bois et verre.

- Vas-y.

La perspective de quitter le lit la fit grimacer, s'étirant juste assez pour emprisonner le corps de la blonde contre le sien et le faire basculer sous elle. Le baiser fut bien plus passionné que le précédent. Lent et profond à l'en faire gémir à nouveau de pouvoir se goûter dans la bouche de son amante.

- Et toi ?

- Demain. Demain soir.

Demain soir Emma recevrait son premier diplôme de fin d'année, un diplôme que Regina avait fait en sorte de pouvoir lui remettre en s'achetant les bonnes grâces du comité de direction de l'établissement privé où elle avait même consenti à donner une conférence pour décrocher l'ultime privilège.

- Mais tes parents seront là, se rappela-t-elle.

- Il va falloir les affronter un jour ou l'autre tu sais … Et puis c'est pas comme s'ils ne savaient pas …

Elle avait beau être en train de lui faire la morale, la jeune femme baillait déjà, se dégageant prudemment mais sûrement de son étreinte pour s'emparer du coussin sur lequel elle avait dormi jusque là.

- Miss Swan je rêve ou vous êtes en train de vous rendormir ?

Sa voix basse, le vouvoiement et l'emploi du surnom qui faisait toujours fantasmer la blonde eurent l'effet voulu et Regina observa avec un sourire la peau claire être parcourue d'un frisson.

- Va te laver, tu vas être en retard ! parvint pourtant à protester l'autre.

La réplique la fit rire, accordant à la gagnante un baiser avant de se dégager à son tour pour la laisser dormir.

C'était comme ça ces derniers temps … Regina partait travailler en laissant derrière elle une jeune femme encore épuisée de la veille et ne pouvait s'empêcher d'avoir le cœur serré à l'idée de ne pas la retrouver le soir quand elle rentrait chez elle.

Bon cette semaine, elles s'étaient accordées une petite escapade dans la propriété des White mais la forme avait beau changer, le fond était le même. Elle se demandait quand est-ce qu'elle oserait lui en parler … Mais c'était trop tôt se rappela-t-elle avec un vague sourire adressé à son reflet qu'elle croisa dans le miroir de la salle de bain habillée d'un simple tee shirt star wars qui ne lui appartenait pas.

Emma semblait toujours rayonner lorsqu'elle la voyait dans ses habits … C'était forcément un signe qu'elle n'était pas seule dans le bateau, n'est ce pas ? Pas que ce soit le seul d'ailleurs ... Mais avec la campagne en cours, les journalistes qui se pressaient autour d'elle, de sa vie privée, avait-elle le droit d'embarquer la blonde avec elle ?

- Tu vas trop vite, répéta-t-elle à son reflet quand elle fut en train de se maquiller.

Emma s'était-elle rendue compte que sa salle de bain s'était remplie de produits qui lui appartenaient ? Qu'en six mois elle n'avait déjà plus besoin d'apporter quoi que ce soit de plus qu'une tenue de rechange pour le lendemain parce que la blonde avait déjà copié tout son univers chez elle ?

Jusqu'au détail du tapis en fausse fourrure dans lequel la jeune femme avait investi parce qu'elle lui avait avoué ne pas aimer le contact du plancher vernis au sortir du lit ...

- Emma, j'y vais … chuchota-t-elle comme d'habitude en se penchant au dessus de la silhouette roulée dans la couette qu'elles avaient occupée toutes deux peu de temps avant.

- Mmh …

Les lèvres qu'elle posa délicatement sur le front qui dépassait du couvert du lit firent à peine bouger la jeune femme et elle s'était déjà éloignée lorsque comme souvent la voix l'arrêta.

- R…Gina ?

- Hum ?

Cette fois les yeux clairs faisaient l'effort de rester ouverts pour la détailler et de là où elle était Regina pouvait en sentir la caresse brûlante.

- On se textote ?

- Bien sûr mon ange. Dès que tu te réveilles.

Apparemment satisfaite, Emma se laissa choir sur le matelas et la brune observa encore quelques secondes sa silhouette sous les draps avant de fermer la porte derrière elle.

A l'étage en dessous, elle retrouva son sac et adressa un sourire sincère au garde du corps d'Emma qui fit glisser vers elle un gobelet de café.

- Merci Will, elle devrait être au lit pour quelques heures encore. À votre place j'en profiterai pour aller m'entraîner à ce jeu vidéo où elle n'arrête pas de vous battre !

La remarque fit rougir l'homme d'habitude si stoïque et elle avait encore le sourire aux lèvres lorsqu'elle ouvrit la porte de la villa pour se retrouver nez à nez avec ceux qu'elle ne s'était définitivement pas attendue à voir.

- Oh je me disais aussi qu'Emma n'aurait pas acheté ce genre de Mercedes sans nous consulter … remarqua en premier David.

Il avait les yeux clairs mais fatigués d'un homme qui rentre de voyage et par-dessus son épaule Regina eut le temps de voir Blanche lui adresser un regard interloqué.

- Non, en effet, répondit-elle prudemment.

Mais ce n'était pas la peine comprit-elle au sourire compatissant qu'elle reçut de la part du père de sa petite amie. Il était aussi gêné qu'elle. Mais depuis quand Regina Mills était-elle gênée ?! Une vieille supériorité lui fit redresser les épaules tandis que l'autre brune se rapprochait avec un air méfiant qui la fit presque rire.

Non, Regina Mills ne donnait pas dans ce genre de sentiments embarrassants.

- Est-ce qu'Emma est debout ?

- Non, lâcha-t-elle un ton trop aigu. Elle dort encore, j'ai peur de l'avoir épuisée la nuit dernière.

Elle ne se retourna pas pour s'assurer de l'effet de ses paroles, captant à peine l'écho d'un hoquet de surprise tandis qu'elle serait les dents pour ne pas rire.

- David, Blanche, bonne journée.

Elle entendit vaguement David lui répondre par dessus le grondement de la décapotable qu'elle fit rouler un peu plus vite que d'habitude pour arriver à l'heure – bien avant l'heure – dans ses bureaux. Dans le hall d'entrée, elle eut le droit au regard attentif de plusieurs agents de sécurité qui signalèrent son arrivée et sans doute qu'elle avait l'air plus agréable que d'habitude.

Quelque part au dessus du vingtième étage, son téléphone vibra dans la poche de son manteau et elle riait encore sous le regard affolé de ses employés lorsqu'elle s'engouffra dans son bureau.

# Sérieux Regina ?!

##

À la surprise générale, elle avait gardé une bonne humeur relative durant toute la journée et malgré la visite de son attaché de presse qui avait encore tenté de la dissuader de se rendre en Suisse quelques jours plus tard où elle avait décidé de partir évaluer une société qu'elle avait envie de racheter. Elle ne parvenait pas à abandonner ses activités pour de la politique pure et simple et pour une fois sa mère s'était même montrée compréhensive.

- Mills, décrocha-t-elle distraitement le téléphone qui venait de sonner au milieu des dossiers épars sur son bureau.

- Je te dérange ?

La voix de la blonde fit couler une vague de soulagement sur les épaules qui se détendirent et Regina se laissa aller contre le dossier en cuir de son fauteuil.

- Non, excuse-moi je n'avais pas vu que c'était toi.

- Je devrais te mettre une sonnerie personnalisée.

- Non, refusa-t-elle tout de go en imaginant déjà de la pop music retentir en plein conseil d'administration.

- On se voit ce soir ? ne sembla heureusement pas s'en formaliser l'autre.

- Je croyais que tu devais retourner dans ta fac pour un repas avant la remise de prix demain ?

- Oui, je fais mon sac là ...

- Et ? poussa-t-elle comme Emma avait laissé sa phrase en suspend.

À l'autre bout du bureau trois coups secs signalèrent l'arrivée de celle qui ne lui demanda pas son autorisation avant de s'engouffrer dans la pièce et elle observa d'un œil sévère sa mère s'asseoir avec grâce sur un fauteuil en face d'elle.

- ... Je pensais que tu aurais pu venir.

- Je serai là demain. Je peux me débrouiller pour être là un peu avant la cérémonie si tu veux qu'on se voit ...

En face d'elle, la plus âgée leva les yeux au ciel en comprenant à qui elle était en train de s'adresser mais Regina l'ignora, faisant pivoter son fauteuil d'un coup de talon pour laisser son regard dériver vers la forêt de gratte ciels.

- Non, laisse tomber.

- Emma, si tu veux quelque chose demande le moi clairement.

- Je voulais que tu manges avec nous. Mais c'était bête.

Elle ne répondit pas tout de suite. Ce n'était pas la première fois que l'étudiante l'invitait à rencontrer ses amis. Mais à part la jeune brune du nom de Scarlett, elle n'avait pas fait l'effort de faire la connaissance de ceux avec qui elle partageait son amante. D'abord, l'idée la mettait mal à l'aise et si elle écoutait son attaché de presse, elle n'aurait même pas du penser à une telle éventualité. Si les journalistes avaient plusieurs fois capturé des photos d'elles côte à côte, il n'existait aucune preuve tangible de leur relation et l'officialiser était un mouvement risqué en pleine campagne.

- J...

- Laisse tomber, la coupa l'autre. On se voit demain de toute manière.

- Oui, confirma-t-elle simplement avant de raccrocher.

Lui couper la parole c'était un pécher capital dont la blonde avait tout à fait conscience et elle n'était pas prête à la sermonner en présence de sa mère. Elle mit quelques secondes encore à recomposer un masque impassible avant de faire volte face pour adresser un sourire à Cora.

- Qu'est-ce qu'elle voulait ? lui demanda-t-elle immédiatement.

Regina avait été surprise de la facilité avec laquelle elle avait pu faire accepter sa relation à la plus âgée. D'abord, elle avait ri à l'ironie du sort. Ensuite, elle s'était offusquée des contrats qu'elle avait montés de toutes pièces "tout ça pour s'envoyer en l'air" mais quelques jours seulement lui avait suffi pour y trouver son compte. Aujourd'hui, elle n'irait pas jusqu'à dire que Cora soutenait ses choix mais elle était au moins sûre qu'elle était prête à l'aider pour le bien de leur famille.

- Me présenter à ses amis, répondit-elle donc honnêtement.

- Présomptueux.

Tout comme elle, sa mère savait injecter assez de venin dans quelques syllabes pour exprimer tout son mépris mais cette fois le talent la fit pincer les lèvres. Non, les exigences d'Emma n'étaient pas présomptueuses mais la brune se garda de formuler son objection à voix haute.

- Pourquoi es-tu là ? demanda-t-elle à la place.

- Je me suis dit que je passerai quelques jours ici et puis tu pars après demain, ça ne fera du mal à personne de voir que je suis toujours en vie.

Malgré les rumeurs, Cora avait été une dirigeante bien plus impitoyable qu'elle. Regina excellait peut être plus qu'elle dans les affaires mais avec ses employés, elle s'efforçait parfois de faire preuve d'un peu de bienveillance tandis que sa mère les avait toujours traités comme une Reine aurait traité des serfs.

- Fais toi plaisir, l'invita-t-elle tout de même.

Un bon coup de fouet leur rappellerait à quel point ils avaient aujourd'hui de la chance. Et si elle pouvait aussi satisfaire sa mère, elle était gagnante sur tous les plans.

##

Sa mère n'était pas restée longtemps avec elle mais le silence de la jeune femme avec qui elle avait partagé la nuit l'avait suffisamment agacée pour refuser le repas que Cora lui avait proposé le soir même. Au lieu de ça, elle était restée cloîtrée dans son bureau de longues heures après que le soleil se soit couché.

Vers dix heures, son téléphone avait vibré sur le bureau en verre où elle avait regardé d'un œil noir le nom d'Emma apparaître. Elle avait attendu de longues minutes avant d'ouvrir le message qui n'avait contenu que quelques mots mais assez pour aggraver sa contrariété.

# Je suis saoule.

La blonde se faisait toujours un malin plaisir de le lui signaler mais ce soir il contenait une menace qui la fit gronder.

# Tu es à MOI, avait-elle donc répondu avant d'envoyer son téléphone au fond de son sac et enfiler son manteau pour monter les quelques étages qui la séparaient du loft au dernier étage du gratte ciel.

Elle avait lutté pour ne pas regarder la réponse qui était arrivée quelques minutes plus tard, regrettant son emportement lorsqu'elle s'était réveillée le lendemain matin seule dans un lit où elle avait bien trop de souvenirs de la blonde pour lire un message qui l'avait mise d'une humeur massacrante.

# Dommage que tu puisses pas le prouver.

À dix heures, elle avait licencié un chargé d'affaire qui avait fait une erreur minime et sévèrement réprimandé sa plus fidèle secrétaire pour ne pas avoir retenu une consigne qu'elle ne se rappelait même plus avoir donnée. Dans son coin, Cora en avait souri et sur un coup de tête elle avait décommandé le jet privé qui devait l'amener à proximité du Campus universitaire, préférant s'emparer des clefs de la DB11 qui fila bien plus vite que de raison sur les cinq cents kilomètres d'autoroute.

Elle était presque en retard lorsque le coupé argenté s'était arrêté sur le parking où elle avait immédiatement été accueillie par le directeur dont les fausses amabilités l'avait fait sourire. Dans une chambre réservée au personnel enseignant, elle avait pris une douche rapide et troqué sa tenue pour un tailleur pantalon strict mais ajusté. Sur le point de partir, elle avait jeté un regard critique sur son reflet, plissé ses lèvres maquillées d'un rouge aussi profond que ses talons aiguilles et défait un bouton de son chemisier blanc.

- Regina, c'est un plaisir de vous voir ici, l'aborda le directeur du conseil d'administration qu'elle avait déjà croisé lorsqu'elle entra dans la salle bondée.

Il avait été le premier à la repérer et le regard qui l'enveloppa un trop long moment la fit répondre les dents serrées.

- Madame Mills pour vous, Edouard.

Le ton sans appel lui permit de s'échapper avant qu'il ne reprenne ses esprits, filant droit vers l'estrade où le directeur de l'établissement était en pleine conversation avec un couple qu'elle s'était attendue à voir. Mais aucun signe de leur fille à leurs côtés ...

- Regina ! s'exclama le premier David auquel elle adressa un sourire à peu près sincère.

- David, Blanche ... Monsieur le Directeur, comment allez-vous ?

- Très bien. Je suis soulagé de vous voir, j'ai eu peur que vous n'ayez été retenue dans vos bureaux ...

- Non, j'ai simplement préféré la voiture à l'avion.

- Je vais demander aux surveillants de placer les élèves alors !

Un signe de tête et l'homme se retirait déjà, la laissant seule avec les deux autres qui avaient l'air de la regarder comme s'ils étaient au courant de quelque chose qu'elle ne savait pas. L'impression lui déplût souverainement, agitant sa colonne vertébrale d'un frisson.

- Je ne savais pas que vous seriez là, mentit-elle avec application.

- C'était important pour Emma ... Elle a enfin trouvé sa voie, il fallait que nous soyons là pour lui montrer que nous la soutenions.

Blanche avait beau avoir parlé d'une voix douce et emplie d'affection pour sa fille, Regina ne parvenait pas à l'apprécier. Aussi dut-elle forcer un peu plus que d'habitude le sourire qu'elle lui adressa, posant brièvement une main sur son avant bras pour l'inviter à aller rejoindre les rangs des parents tandis qu'elle était à nouveau abordée par des professeurs auxquels elle fit semblant d'accorder son attention.

Mais son regard avait capté le reflet doré d'une chevelure qu'elle avait l'habitude de voir étalée sur ses oreillers. La blonde qu'on accompagnait avec des camarades de classe dans les premiers rangs avait l'air en pleine conversation avec Scarlett et un jeune homme qu'elle ne connaissait pas.

- Madame Mills ?

- Hum ?

Elle écouta à peine celui qui la guida avec le reste des invités sur l'estrade où, assise, elle s'efforça d'écouter le discours du major de la toute dernière promotion auquel elle adressa un vague signe de tête lorsqu'il la cita dans son discours. Encore un curriculum vitae qu'elle ne verrait même pas atteindre son bureau ... Quelque part durant le discours qui avait visiblement été appris par cœur, elle eut un froncement de sourcils en s'apercevant qu'elle n'était pas la seule à ne pas écouter ce qui était dit.

- Elle a des problèmes d'attention, lui souffla un professeur assit à ses côtés quand il dut remarquer sa réaction.

En contrebas, Emma cachait mal son petit rire, flanquée entre la grande brune aux mèches rouges et leur collègue qu'elle ne connaissait pas. Si elle avait accepté ses invitations, elle aurait certainement su à quoi s'en tenir mais la jalousie irrationnelle qu'elle éprouvait la fit croiser les bras.

- On peut difficilement blâmer l'auditoire quand le spectacle n'est pas à la hauteur, répondit-elle avec détachement au moment où son nom retentissait dans les hauts parleurs du grand hall.

Avec un sourire en coin, elle adressa un signe de tête significatif à son interlocuteur lorsque l'intégralité du public se mit à applaudir, quelques milliers d'yeux braqués sur elle y compris les perles claires qu'elle évita pour aller serrer la main du jeune homme qui venait de la présenter.

Elle n'avait pas imprimé de discours, pas mémorisé des lignes à réciter par cœur. Elle n'avait jamais eu besoin de grand chose pour plaire à son audience, captiver l'attention et convaincre même lorsqu'elle avait tort. Une politicienne née s'était toujours vantée sa mère.

- Merci Monsieur Moore pour cette élogieuse introduction, commença-t-elle avec une fausse modestie, forçant la salle à sourire en même temps qu'elle.

Il n'était pas difficile de captiver l'attention de jeunes diplômés qui rêvaient tous de l'élite dans laquelle elle évoluait, rêvaient tous d'une ascension aussi rapide que la sienne. Et malgré les mots encourageants et la bonne parole qu'elle délivra avec assurance, elle savait qu'il était statistiquement impossible que la moitié d'entre eux arrive à accomplir un dixième de ce qu'elle avait à son actif.

Le masque était pourtant bien en place lorsqu'elle se força à leur serrer la main tour à tour pour remettre des diplômes qui ne vaudraient rien sans un investissement que beaucoup d'entre eux n'étaient pas capable de fournir.

- Félicitations Miss Swan, souffla-t-elle à celle qui s'était avancée vers elle avec quelque chose qui ressemblait à de l'embarras.

Le surnom eut l'effet escompté, les yeux clairs sautant à la rencontre des siens pour la première fois de la journée. C'était presque inquiétant la façon dont elle la désirait encore après l'avoir eue dans ses bras tant de fois, nota-t-elle lorsqu'en face les perles océaniques s'assombrirent notablement. Son ventre se tordait déjà en un message clair mais elle se permit à peine de faire courir son pouce dans le creux de sa paume avant de la laisser la dépasser, accordant une fausse attention à l'élève suivant.

Il fallait qu'elle lui parle ...

Qu'elle lui fasse l'amour aussi. Mais pour ça, elle devrait d'abord s'être débarrassée de la foule qui se pressa à sa rencontre dès qu'elle fut descendue de l'estrade. Les compliments avaient cessé de l'intéresser depuis longtemps déjà mais elle ne pouvait pas se permettre de les éviter sous le feu des caméras. Elle pouvait presque entendre la voix de sa mère lui rappeler qu'elle avait aussi une élection à gagner ...

- Regina, c'était un beau discours ...

David avait l'air d'être conscient de son agacement profond pour les mondanités à en juger par le sourire en coin qu'il affichait.

- Merci, répondit-elle platement. Est-ce que j'aurais le plaisir de vous voir à mon meeting la semaine prochaine ?

Sa question resta suspendue quelques secondes dans les airs. Les White ne s'étaient pas encore publiquement prononcés pour un quelconque candidat et elle leur demandait clairement de choisir. En face d'elle, le regard de l'homme âgé de quelques années de plus se perdit dans la foule et la brune dut réprimer un frisson. Un coup d'œil par dessus son épaule lui confirma qu'il avait été en train d'observer sa fille.

Emma était toujours au bras du jeune homme qu'elle ne connaissait pas et elle faillit lever les yeux au ciel. C'était une tentative presque ridicule de la rendre jalouse mais Regina devait avouer que la tactique marchait à merveille. La blonde avait abandonné ce qui lui avait servi d'uniforme pour dévoiler une robe rouge et beaucoup trop courte à son goût.

- Alors ? préféra-t-elle insister en s'arrachant à la vision qu'elle offrait.

- Bien sûr Regina. Nous serons tous là.

C'était Blanche qui lui avait répondu et pour la première fois de sa vie, elle éprouva un élan de sympathie pour la petite brune dont les sourcils s'étaient froncés à la vue de sa fille.

- Regina ... reprit-elle d'ailleurs avec précaution.

Elle savait ce qui allait suivre mais elle fut sauvée par un photographe qui les aborda pour leur demander de poser. David l'avait attirée à lui avant qu'elle ait pu répondre et elle était presque certaine qu'elle avait encore la bouche entr'ouverte par la surprise lorsque le flash se déclencha. Ce n'était vraiment pas la réaction à laquelle elle s'était attendue de la part des parents de son amante ...

- Regina, est-ce qu'il s'est passé quelque chose avec notre fille ? reprit pourtant Blanche dès que l'homme se fut éloigné.

- Pourquoi ? riposta-t-elle sur la défensive.

Elle n'eut pas le droit à une réponse à haute voix, les yeux de la plus âgée se dirigeant lourdement à l'autre bout de la salle où elle fut forcée de les suivre. Elle ne parvint pas à retenir le grondement qui lui échappa à la vue de la main que l'inconnu avait posé dans le dos nu de son amante mais David avait un petit sourire lorsqu'elle reporta son attention sur eux.

- Excusez-moi, prit-elle à peine le temps de murmurer avant de se diriger vers les étudiants.

Ce fut Scarlett qui la vit en premier, lui adressant un grand sourire où elle devina tout de même une part de gène. Tant mieux.

- Miss Lucas, l'aborda-t-elle donc avant les autres. Ravie de vous revoir dans de meilleures circonstances.

La phrase eut l'effet escompté, la plus jeune rougissant à vue d'œil au souvenir de leur dernière entrevue dans la salle de bains de leur chambre universitaire où Scarlett les avait surprises.

- C'est euh ... Gentil Regina.

L'emploi du prénom la fit hausser un sourcil taquin et elle aurait pu rire de la petite toux à sa droite. Emma n'était pas habituée à ne pas être au centre de son attention lorsqu'elles étaient à proximité. Un coup d'œil à l'intéressée lui confirma qu'elle avait les sourcils froncés mais la brune se força à regarder celui dont elle n'avait pas retenu le nom lors de la remise de diplômes.

Plutôt grand, les yeux clairs et la barbe naissante. Il semblait avoir fait l'effort d'enfiler une chemise noire et attaché une cravate sans grand talent. Son regard s'attarda encore un instant sur les oreilles percées et les trois chevalières qu'il portait, savourant le malaise dans lequel son examen le plongeait.

- Et vous êtes ? finit-elle par demander.

- Kylian Jones M'dame.

La voix basse, le sourire charmeur et le manque de respect apparent finirent de la décider lorsqu'elle accepta la main qui lui avait été tendue.

- Et bien Kylian, j'aurais aimé dire que je suis enchantée mais vous vous tenez un peu trop près de quelqu'un qui m'est cher.

Comme si Emma l'avait soudain brûlée, le jeune homme se détacha d'un large pas, plongeant ses deux mains dans les poches et elle ne put empêcher son sourire condescendant lorsqu'elle reporta son attention sur la blonde. L'intéressée la fusillait du regard comme elle s'y était attendue mais la colère ne fit qu'aggraver son désir d'elle.

- Je suis désolé, entendit-elle vaguement l'autre balbutier.

- Je m'en doute, répondit-elle après un instant à dévisager son amante.

- Comment se passe la campagne ?

La question posée par la grande brune l'arracha à sa contemplation.

- Bien jusque là. Mais je m'échappe demain pour un voyage d'affaires.

- Vous comptez continuer à gérer votre société même si vous gagnez les élections ?

La jeune femme avait l'air impressionné et l'inquiétude sincère qui avait suinté la fit momentanément oublier colère et désir pour répondre à ses interrogations. Mais ce n'était pas le cas d'Emma devina-t-elle à son silence buté qui dura un bon quart d'heure avant qu'elle ne s'excuse pour aller rejoindre le buffet.

- Elle a un peu de mal ces derniers temps, sembla lui avouer son amie quand elle se fut éloignée.

- Du mal avec quoi ? voulut-elle savoir.

- Avec le fait que ce soit pas tout à fait officiel ?

La réponse prononcée avec une petite grimace la fit frissonner. C'était peut être la seule chose qu'elle ne pouvait pas donner à la blonde et bien sûr, il fallait que ce soit ce qu'elle désirait le plus ...

- Merci, souffla-t-elle avec un soupir résigné avant de suivre celle qu'elle n'avait pas lâchée du regard.

La blonde attendait son tour pour commander une boisson et la file n'avait guère avancée lorsqu'elle la rejoignit. Elle dut se faire violence pour ne pas passer un bras autour de sa taille mais son amante n'en eut pas besoin pour deviner sa présence.

- Emma ...

Les yeux clairs qui s'étaient levés vers elle couvaient toujours un orage qu'elle redoutait de voir éclater en public mais l'intéressée sembla se contenir. À la place, le regard qui soutenait le sien se chargea d'autre chose et elle dut serrer les dents pour dompter l'envie qu'elle avait d'elle.

- Excusez-moi, vous avancez ?

La voix la fit sortir de sa transe mais l'étudiant qui les avait interrompues bafouillait déjà des excuses en se rendant compte à qui il s'était adressé. La femme d'affaire ne lui prêta aucune attention, cédant à l'envie qui l'avait taraudée pour passer un bras autour de la taille de son amante. Ses doigts brûlant effleurèrent la peau nue de son dos et sa voix était presque éraillée lorsqu'elle lui demanda de la suivre.

- J'avais soif !

La protestation la fit gronder. Elle n'était là que pour l'agacer de toute manière. Mais quelque soit son état d'esprit, la blonde n'osa pas aller à son encontre lorsqu'elle l'entraîna à l'autre bout de la grande salle et jusqu'à la porte d'une petite salle où elle avait été un peu plus tôt.

- Hey ! protesta la plus jeune lorsque la porte se fut refermée derrière elle.

La scène lui rappelait étrangement le soir où elle l'avait retrouvée chez le Maire, des mois plus tôt mais cette fois le défi qui brûlait dans les yeux clairs était tout différent. Pour autant, l'envie était la même. Depuis le jour où elle avait posé une main sur elle, son corps n'avait eu de cesse de la réclamer comme on réclame une drogue et elle commençait à peine à se faire à l'idée de cette dépendance.

- Cette fois tu ne peux pas dire que tu n'essayais pas de me rendre jalouse Emma, murmura-t-elle après un rapide coup d'œil à la salle déserte où beaucoup de professeurs avaient abandonné leurs sacs et manteaux.

- De quel droit tu le serais hein ?

La réplique la fit gronder, avançant vers celle qui refusa de céder du terrain même lorsqu'elle ne fut plus qu'à quelques centimètres d'elle. Les regards s'affrontèrent encore quelques secondes, juste le temps qu'elle s'assure que ce qu'elle voyait au fond des iris d'un bleu presque vert ressemblait bien au désir qu'elle sentait tordre son propre ventre.

Et elle ne s'était pas trompée, lui confirma le gémissement qu'elle arracha à son amante lorsque leurs lèvres se retrouvèrent. Qu'importe le temps qu'elle avait passé sans la voir, elle avait toujours l'impression d'avoir été en manque quand elle pouvait la sentir à nouveau contre elle.

La réticence dont la jeune femme avait fait preuve fondait déjà constata-t-elle lorsque deux mains se faufilèrent sous sa veste pour l'étreindre. Elle ne fit pas cas des ongles qui griffèrent le tissu de son chemisier, profitant de l'enthousiasme de la blonde pour la forcer à quelques pas en arrière et contre la porte où elle l'accula.

- De quel droit ? gronda-t-elle avec venin près des lèvres qu'elle quitta pour aller parcourir une mâchoire tremblante. Tu es à moi Emma.

Elle s'était attendue à une nouvelle réplique mais le violent frisson que provoquèrent ses mots la fit sourire. Elle n'était pas la seule à perdre ses moyens. Trente-quatre ans et elle avait l'impression d'être une adolescente qui découvrait les effets que quelqu'un d'autre pouvait avoir sur son corps. Mais au moins était-ce réciproque se rassura-t-elle en reprenant les lèvres qu'elle avait abandonnées pour étouffer le petit cri de surprise que provoquèrent ses mains.

Passées sous la robe bien trop courte, elles n'avaient que quelques centimètres à faire pour atteindre le sous vêtement satiné où ses caresses firent naître des gémissements qu'elle avait envie d'entendre bien plus fort. Mais malgré son désir de punir l'autre, elle était incapable de résister à l'envie qu'elle avait d'être en elle. Aussi ne fit-elle pas durer la torture, plongeant là où ses doigts firent bondir la blonde contre elle.

Là où elle aurait pu se venger, la plus âgée se contenta d'écouter les suppliques murmurées contre ses lèvres. Emma voulait jouir ? Elle la ferait jouir. Mais pas comme d'habitude. Juste histoire de lui rappeler à qui elle appartenait. A qui son corps répondait mieux qu'à quiconque d'autre. Des dents abîmèrent son sourire narquois quand la blonde souleva une jambe dont elle s'empara immédiatement mais ce fut la dernière fois qu'elle lui laissa l'occasion de la toucher.

La seconde d'après, elle avait enterré son visage là où l'autre ne pouvait l'atteindre, juste en dessous de son oreille où Emma glissait sans cesse une mèche de cheveux pour cacher les marques qu'elle y laissait. Ses mouvements se firent plus exigeants, aidés par des coups de reins qui devaient faire mal. Mais à en croire sa tête renversée contre le mur et les jurons à moitié étouffés derrière ses dents serrées, son amante n'en avait que faire.

Le plaisir l'emportait.

L'emporta. Quand les mots grondés à voix basse se transformèrent en une supplique et que ses doigts se recourbèrent pour atteindre le point de non retour.

- J'aimerais qu'ils sachent, avoua-t-elle d'une voix tremblante. Tout le monde. Que tu es à moi. Que je suis à toi.

Les derniers mots transformèrent un gémissement en quelque chose qui ressemblait à un sanglot juste avant qu'elle ne sente des dents s'enfoncer dans le tissu qui cachait son épaule pour étouffer le cri d'un orgasme. Elle ne se dégagea pas pour échapper à la douleur, l'acceptant avec plaisir tandis que l'autre tremblait violemment contre elle. Regina aurait voulu se permettre de la pousser sur n'importe quelle autre surface où elle aurait plongé entre ses jambes pour goûter au désordre qu'elle y avait causé.

- Mais ? devina justement l'autre.

- Mais tu n'es pas prête.

La protestation était déjà claire sur le visage qu'elle commençait à connaître par cœur mais elle ne lui laissa pas le temps de répliquer, s'arrachant à regret au corps brûlant qu'elle avait maintenu contre le mur. Un instant, la blonde sembla sur le point de vaciller et la plus âgée s'assura seulement qu'elle ne tomberait pas avant de reculer d'un autre pas.

- Passe une bonne de soirée Emma.

L'effort qu'elle fit pour ne pas retourner dans ses bras lui parut quasiment inhumain face à la tristesse qui avait affaissé le visage de son amante mais des années d'expérience lui permirent de tenir bon. Quelques minutes encore. Le temps de traverser la foule des invités et des élèves jusqu'au parking où elle alla frapper la portière de l'Aston Martin d'un poing bagué.

##

Mais heureusement son voyage d'affaires avait été là pour lui occuper l'esprit. L'empêcher de penser à celle qui devait terriblement lui en vouloir. Le téléphone auquel elle avait jeté des coups d'œil trop fréquent était resté muet et elle s'était résolue à l'envoyer au fond de son sac quelque part durant le dîner qu'elle avait organisé dans le restaurant de l'hôtel cinq étoiles où elle avait élu domicile.

Le repas s'était éternisé pour la bonne cause et il était plus d'une heure du matin lorsqu'elle se retrouva à nouveau seule dans la suite dont les baies vitrées donnaient sur le quartier d'affaire de Zurich. Les deux messages qu'elle avait envoyés étaient restés sans réponse. Emma ne les avait même pas lus et l'enfantillage l'agaçait.

Quelque part derrière elle, son ordinateur portable tinta une énième fois pour lui signaler l'arrivée d'un mail mais la brune ne réagit pas. Elle aurait du être en train de dormir pour pouvoir affronter sereinement les réunions qui l'attendaient encore le lendemain mais non ... La Grande Regina Mills se morfondait sur des histoires de cœur.

Les lèvres pincées en une grimace, elle allait se décider à regagner l'espace nuit lorsque le téléphone portable s'alluma dans le creux de sa paume. Une simple vibration et un message de son avocate qui lui fit froncer les sourcils.

# Regarde tes putains de mails!

Rares étaient les occasions où Kattryn osait lui parler de la sorte. Aussi fut-elle d'autant plus rapide pour regagner le Mac Book Pro qui n'avait cessé de lui envoyer des signaux depuis qu'elle avait franchi la porte de la suite.

Un bref coup d'œil lui révéla pourtant que son amie ne lui avait adressé qu'un seul message. Quelques minutes auparavant dans la marrée d'autres communications.

- Tu ne vas pas être contente ... lut-elle à haute voix les quelques mots qu'il contenait accompagné du transfert d'un autre message.

Regina sentit son cœur s'emballer pour la seconde fois de la soirée lorsque ses yeux glissèrent sur l'adresse mail d'Emma. " Je vous recontacterai " annonçait simplement l'expéditeur principal à qui son amante n'avait pas jugé bon de répondre. La confusion fut de courte durée et son estomac se tordit violemment lorsqu'elle ouvrit par habitude la pièce jointe attachée au message.

Une vidéo.

Pas besoin de plus d'une seconde pour reconnaître la scène qui allait se dérouler dans la pièce qu'elle n'avait côtoyé que quelques minutes. Pas assez pour se rendre compte qu'elle disposait d'un système de surveillance. La caméra qui avait filmé la scène était en noir et blanc et ne devait pas comporter le moindre son mais les images ne laissait pas place au doute.

La colère qu'elle avait senti gronder explosa quelques secondes plus tard lorsque à l'écran Emma se cambra un peu plus pour l'accueillir en elle. La lampe de bureau qu'elle balaya d'un coup de main explosa quelque part sur le sol en marbre mais ce n'était pas assez pour calmer l'orage qui avait élu domicile dans sa poitrine. Personne d'autre ne devait avoir le droit de voir ce qu'elle était en train de voir. Encore moins pour faire chanter la femme qu'elle aimait.

Les dents serrées à s'en faire mal, elle ne put s'empêcher de continuer à observer la scène. Jusqu'à ce que la blonde n'étouffe un orgasme en une morsure dont elle avait encore vu la marque ce matin en sortant de sa douche. En temps normal, la vision lui aurait sûrement donné envie de pouvoir retrouver son amante dans les draps de son lit d'hôtel mais en l'occurrence, ce qui brûlait son estomac ressemblait plutôt au courroux qui faisait trembler tous ses employés.

Pourtant l'instant d'après la femme qu'elle avait laissé seule dans la pièce sombre se laissait choir contre le mur où elle l'avait acculée et Regina eut un hoquet d'horreur en réalisant ce qui se passait. Pas besoin de son. Pas besoin de zoom.

Emma pleurait.

Et juste comme ça, la colère s'évanouit pour laisser place à un malaise encore plus profond. Elle avait envie de vomir. De crier. De frapper quelqu'un ou quelque chose. A la place, un de ses doigts composa comme par automatisme le numéro qu'elle s'était retenu d'appeler ces dernières vingt-quatre heures. Deux sonneries raisonnèrent dans son haut parleur en une attente fébrile avant que la communication ne soit établie.

- Katryn t'a envoyé la vidéo hein ? devina l'autre d'emblée. C'était stupide de ma part de penser qu'elle pourrait régler le problème sans t'en parler.

Elle n'avait pas réalisé à quel point entendre sa voix lui avait manqué en si peu de temps ... Bien qu'il soit tard ici, le décalage horaire devait sonner la fin de l'après-midi à New York mais Emma avait l'air aussi épuisée qu'elle. Lasse. La réalisation lui fit repousser ses propres larmes, caressant du bout d'un doigt la figure effondrée sur son écran.

- Reg...

- Est-ce que je te fais souvent pleurer comme ça, Emma ?

- C'est tout ce que tu retiens ? Quelqu'un nous a ...

- Réponds à la question, la coupa-t-elle en un ordre sans appel qui lui valut quelques secondes de silence.

- N... Non. Tu sais bien que non. Pas depuis des lustres.

- Quand ? voulut-elle savoir.

- Tu le sais. Après ... Après notre première fois. Quand je voulais plus te parler.

L'information allégea un tant soit peu le poids qui avait élu domicile dans sa gorge. À l'autre bout de la ligne, Emma poussa un soupir semblable au sien et elle eut un froncement de sourcils.

- Tu fumes ?

- Il est sept heures du soir et j'ai reçu une sex-tape dont on veut certainement se servir pour me faire chanter. J'ai le droit de fumer non ?

- Je t'ai dit que je n'aimais pas ça.

- Oui et bien tu n'es pas là.

- Il y a d'autres choses que tu fais en mon absence sans mon autorisation Emma ?

- Oh je sais pas ... Respirer ?!

Le sarcasme lui fit serrer les dents mais avant qu'elle ait eu le temps de répliquer, l'autre reprenait :

- Écoute ... Je veux pas me disputer d'avantage.

- D'avantage ?

- Si on ne peut rien y faire mes parents paieront sûrement ce qu'ils voudront. J'espère juste que ton équipe s'assurera qu'il n'y en ait pas de copie qui traîne sur le net ...

- Je paierai, corrigea-t-elle. Si c'est ce qu'ils veulent, je le ferai. C'est arrivé à cause de moi, ne mêle pas tes parents à cette histoire.

Un instant elle n'eut pas le droit à la moindre réponse et elle dut se retenir d'intervenir lorsqu'elle l'entendit souffler une bouffée de fumée au lieu de lui parler. Pourtant l'instant d'après elle reprenait et la voix soudain si fragile lui fit monter les larmes aux yeux.

- Je veux pas qu'ils mettent ça sur internet Gina ...

- Oh mon ange ... Je ferai tout mon possible d'accord ? Je retournerai toute la ville si c'est nécessaire.

Mais ses paroles n'eurent pas l'effet escompté et la brune eut un frisson en entendant la jeune femme étouffer un sanglot à l'autre bout de la ligne.

- Emma ... Je te promets que je vais m'en charger. Tu me fais confiance ?

Le silence qui suivit la fit froncer les sourcils, agacée de ne pas recevoir la réponse à laquelle elle pensait avoir droit.

- Pourquoi est-ce que tu m'as dit que je n'étais pas prête ? lui demanda l'autre à la place.

- Tu ne l'es pas, crois moi.

- Tu sais ce que je crois ? Je crois que c'est toi qui ne l'es pas. Peut être même que tu le seras jamais ...

- Ne sois pas ridicule Emma. Cette vidéo te monte à la tête, qu'est-ce que ça serait si tu étais en première page des magasines people ? Si des paparazzi traquaient le moindre de tes gestes ?

- Qu'est-ce que ça serait ? Est-ce que t'en en train de dire que ce serait pire que ce qui est en train de se passer ?

- Ce que je suis en train de te dire c'est que, ça, c'est sous contrôle. Je m'en occuperai. Je m'en occupe. Mais si tout le monde sait pour nous Emma ...

- J'y crois pas, fut-elle coupée. C'est vraiment ce que t'es en train de dire.

- C'est pas possible d'être aussi têt...

- Têtue ? Tu trouves encore le moyen de m'insulter alors que je suis au fond du trou ?

Cette fois l'interruption la fit littéralement gronder mais la blonde n'avait visiblement pas fini.

- Tu sais ce que tu es toi ? Égocentrique. Tu vois pas plus loin que le bout de ton nez. C'est pas parce que Madame va faire jouer ses relations pour faire disparaître la vidéo que je me sens mieux ! Et ces histoires comme quoi je suis pas prête ? C'est n'importe quoi ! Y'a que toi qui as à y perdre si on l'annonce !

Les mots avaient du être retenus trop longtemps, délivrés en une tirade qui resserra un peu plus encore l'étau de sa mâchoire.

- Tu as fini ? articula-t-elle au bout de quelques secondes d'un silence tendu.

- Ouais, pour le moment. Bonne nuit Regina.

L'insolence aurait pu la faire s'étouffer mais elle choisit de reposer soigneusement le téléphone portable qui s'était éteint sur le bureau de la chambre d'hôtel. Elle mit quelques secondes à faire cesser les tremblements de rage qui lui commandaient de détruire une bonne partie du mobilier mis à sa disposition. Elle attendit encore avant d'être sûre que ses jambes la porteraient jusqu'au bar où elle se servit un grand verre de Vodka qu'elle but d'une traite avant d'en faire couler une dose plus raisonnable.

La brûlure de l'alcool dénoua suffisamment sa gorge pour qu'elle soit capable de parler lorsqu'elle reprit son portable pour composer un numéro bien connu.

- Madame le Maire, que me vaut ce plaisir ?

- Je veux que tu te rendes à l'académie où est inscrite Emma, dicta-t-elle sans préambule ni relever le titre dont elle était souvent affublée ces derniers temps. Quelqu'un a volé des vidéos de caméras de surveillance qui datent du soir de la remise des diplômes.

- Tout va bien ?

- Obéis et tout ira bien Graham.

Le chef des services de police ne fit même pas semblant de s'indigner, lui laissant l'occasion de poursuivre :

- Je ne sais pas si elles ont été volées manuellement ou piratées. Prends un expert informatique avec toi. Quelqu'un qui travaille avec toi pour mes affaires. Efface tout ce qui a été enregistré ce soir là et surtout ... Trouve moi celui qui s'est servi avant nous.

- Bien.

- Passe chez Emma, récupère son ordinateur portable. Elle a reçu la vidéo dans un mail, tu dois pouvoir retrouver d'où il a été émis et supprimer toutes les traces qui pourraient traîner sur les serveurs.

- Autre chose ?

- Je rentre à New York demain pour un plateau télé à dix-huit heures avec Spencer. Je veux que ce soit réglé avant. Si tu as besoin d'argent, demande à Kattryn comme d'habitude.

- Regina ?

- Quoi ?

- S'ils ne veulent pas d'argent ?

- Tout le monde s'achète Graham. Tiens moi au courant.

Ce fut à son tour de mettre fin à la conversation sans attendre que l'autre ait pu se prononcer mais elle avait beau avoir mis la machine en marche, elle savait qu'elle ne parviendrait pas à trouver le sommeil de la nuit. Elle se surprit à quitter sa chambre, ordinateur sous le bras pour regagner le bar ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre mais encore plus lorsqu'une fois assise à l'une des tables, elle s'empara à nouveau de son téléphone pour passer un appel.

- Tu ne devrais pas être en train de dormir ?

La voix qui filtra de l'ampli la fit marquer un temps d'arrêt. Elle ne se rappelait plus de la dernière fois où elle avait ressenti le besoin de parler à sa mère. D'habitude c'était toujours Cora qui la contactait pour la rappeler à l'ordre ou la prévenir qu'elle devrait faire de la place dans son agenda pour une visite surprise. Mais pas aujourd'hui ...

- Je devrais ... répondit-elle distraitement en dépliant son ordinateur pour commencer à trier les mails qui y étaient arrivés.

Un instant ses yeux s'attardèrent sur la silhouette d'Emma, toujours prostrée sur la fenêtre vidéo qu'elle ferma avec une grimace.

- Qu'est-ce qu'il se passe Regina ?

Elle avait beau ne pas avoir été une mère exemplaire, les années d'expérience laissaient peu de place au mensonge entre elles.

- J'ai fait pleurer Emma, fut-elle pourtant surprise de s'entendre répondre quelque chose qu'elle n'avait pas prévu de révéler.

- Pas la première ni la dernière fois, j'en ai peur ma fille ... Elle est jeune.

- Trop ?

- Qu'est-ce que tu veux m'entendre dire Regina ?

Elle ne savait pas et son regard se perdit dans la petite salle où un serveur était en train de s'approcher avec le verre qu'elle avait commandé d'un signe de tête en arrivant. A l'exception d'un autre client, elle était seule dans le bar et un instant elle s'attarda sur l'homme qui avait été aussi été en train de l'observer. Le costard à la cravate défaite lui arracha un sourire. Tout comme elle, il semblait épuisé et la fatigue qu'elle pouvait lire dans les yeux clairs la poussa à répondre à son salut en levant un verre compatissant.

- La vérité, finit-elle par répondre à celle qui avait patiemment attendu au bout du fil.

- La vérité ...

Répété, le mot semblait peser plus lourd que dans sa bouche. Sans doute parce que Cora ne s'en servait pas souvent et qu'elle devait avoir compris que sa fille ne se contenterait pas d'autre chose.

- La vérité ma chérie, c'est que ton père aurait sûrement été très heureux pour toi ...

- Et toi ?

- Tu sais ce que je pense de toutes ces histoires de cœur ... Je préférais l'époque où tu sautais d'un lit à un autre ...

- M ...

- Mais ... Si cette fille t'aime autant que tu sembles l'aimer, elle devrait être capable de surmonter les problèmes qui s'annoncent ... Je te suggère quand même d'attendre d'avoir la Mairie avant de le révéler à tout le monde et de faire quelque chose d'aussi inconsidéré que lui demander sa main.

Fidèle à elle même, Cora avait donné son avis en se moquant éperdument de ce qu'il pouvait provoquer. Mais après tout, la brune avait demandé la vérité. Sa mère l'avait délivrée. En quelques mots, elle venait de lui prouver qu'elle arrivait toujours aussi bien à lire au travers des masques qu'elle s'efforçait de porter ... Au point même d'avoir oser prononcer à voix haute des mots auquel elle ne pensait que tout bas.

- Com ...

La question qu'elle allait poser mourut sur ses lèvres à l'instant où une main apparut dans son champ de vision. Les sourcils froncés, la femme d'affaires détacha son regard des mails qu'elle avait été en train de lire distraitement pour relever les yeux vers celui qui lui tendait un morceau de plastique rectangulaire. Vu de plus près, elle donnait quelques années de plus au client qu'elle avait aperçu toute à l'heure. Un grand brun qui lui décocha un sourire en guise d'invitation avant de placer la carte siglée sur le clavier de son ordinateur.

- Comment sais-tu que j'y pense ? reprit-elle quand il se fut éloigné en direction du couloir avec une confiance en lui qui la fit pincer les lèvres.

- A en croire Forbes, tu es la femme d'affaire de l'année. Ne me dis pas que tu raterais une telle occasion ...

La phrase avait été prononcée avec un sarcasme à couper au couteau. Regina se rappelait très bien de la façon dont sa mère s'était moquée de la parution qui classait son nom en tête d'affiche. Aujourd'hui encore le coup de téléphone qu'elle avait reçu à l'annonce de la nouvelle la faisait toujours sourire. Cora le savait bien et l'entendre y faire référence ne faisait que renforcer sa conviction qu'elle n'était absolument pas opposée à la tournure que prenait leur conversation.

- Bien sûr que non, mère, ce serait mal me connaître.

A l'autre bout de la ligne, l'intéressée eut un rire qui réussit à la contaminer. Assez pour lui donner envie de replier l'écran de son Mac et vider d'une traite le verre qu'elle avait à peine entamé. A l'autre bout de la pièce, le barman eut l'air de lui souhaiter une bonne fin de soirée d'un signe de tête mais Regina se rapprocha de lui lorsqu'elle eut mit fin à l'appel sans autre forme de procès.

- L'homme qui était là toute à l'heure, commença-t-elle lorsqu'elle eut son attention.

- Chambre trois-cent quatorze, Madame. Au troisième étage.

- Oh je sais ... C'est marqué. Vous lui remettrez ça de ma part ? Je crois qu'il l'a faite tomber en partant.

Elle ne se permit de sourire qu'une fois après avoir tourné les talons. Le jeune homme avait semblé choqué qu'elle refuse l'offre qui lui avait été faite mais ces derniers mois la seule personne à qui elle avait envie d'enlever un costard trois pièces était loin de ressembler à un homme d'affaire croisé dans un hôtel.

##

Elle avait réussi à dormir quelques heures avant d'attaquer une dernière réunion où elle avait du faire passer sa mauvaise humeur pour une intransigeance encore plus marquée que d'habitude. Heureusement, l'avion qui l'avait ramenée à New York était en avance et elle avait presque été soulagée de voir Sidney l'attendre à l'aéroport où elle lui avait volé les clefs d'une grosse Mercedes pour les ramener en centre ville.

- J'attends des nouvelles de l'équipe depuis hier Sidney, parle-moi.

- Je croyais que vous aviez appelé Graham hier justement ?

- Justement, répéta-t-elle sans appel.

- Les vidéos ont été récupérées manuellement par un type fiché. On a des policiers qui le cherchent mais c'est juste un petit homme de main, il faudra surtout s'assurer qu'il n'en ai pas gardé une copie.

- Tu parles au futur quand j'aimerais que ce soit déjà fait ...

- La police est sur le coup Regina. Ils vont le retrouver. Tout a été effacé des serveurs d'envoi et on remonte la piste de l'envoi du mail. Ça a été fait d'un cyber café mais on a le visage de quelqu'un.

- Montre.

L'ordre fut immédiatement obéit, une photo apparaissant dans son champ de vision sur l'écran d'un téléphone fissuré. Un seul regard suffit à déterminer qu'elle ne connaissait absolument pas le jeune homme dont le visage avait été filmé par une caméra de sécurité. La brune eut tout de même une grimace en remarquant le costard cravate de qualité malgré la basse résolution de la vidéo. Ce n'était pas l'œuvre de n'importe qui.

- Quelqu'un a pris contact ?

La question devait révéler qu'elle n'en avait pas eu avec Emma et Sidney eut l'air désorienté l'espace d'un instant.

- Personne, finit-il pourtant par répondre en se désolant d'un signe de tête.

L'information la fit se tendre un peu plus qu'elle ne l'était déjà. Et elle n'avait pas besoin de ça. Elle ne disposait que de quelques heures pour passer au quartier général de sa campagne où elle serait sûrement assaillie par ses collaborateurs avant de devoir prendre le chemin du plateau télévision où aurait lieu le débat. Cora lui avait répété des dizaines de fois que le timing serait trop juste pour qu'elle soit prête mais elle avait tenu à conclure elle même l'affaire en Suisse.

Et elle l'avait fait. Mais force était de constater que sa mère n'avait pas tort. Elle allait devoir se presser au risque de ne pas être tout à fait prête.

Elle avait beau être qui elle était, la quantité d'informations qui lui furent fournies à peine passée la porte de son QG lui firent tourner la tête. Elle connaissait assez bien Spencer pour savoir que toutes ses attaques seraient des coups bas mais ses collaborateurs insistaient pour lui fournir d'énièmes renseignements.

Habituée à travailler seule la plupart du temps, devoir supporter une équipe durant la campagne était sûrement la plus grosse difficulté à laquelle elle faisait face ces derniers temps. Aussi fut-elle plus que soulagée lorsqu'elle se retrouva brièvement seule une heure plus tard à l'arrière du taxi qui l'amenait. Téléphone en main, elle fixa une éternité le dernier message qu'elle avait adressé à Emma.

Le " Je rentre. Dis moi si je peux te voir ce soir " était resté sans réponse. Et pourtant, elle aurait abandonné un grand nombre de choses pour avoir la possibilité de passer la soirée dans les bras de son amante.

- On est arrivés, je vous ouvre la porte Madame ?

La voix du chauffeur la fit sortir de sa rêverie, jetant un coup d'œil au travers de la vitre teintée pour apercevoir la foule de journalistes attroupés derrière des barrières en fer sur le chemin qui menait au bâtiment de la chaîne télévision. Quatre gardes du corps armés étaient déjà postés là où elle ferait son apparition en sortant de la berline blindée et un instant une toute petite voix en elle la pria de demander à faire demi tour.

- Bien sûr, répondit-elle à la place.

Lunettes de soleil perchées sur le nez, elle dut tout de même plisser les yeux sous la force des flashs des appareils photos sur la quelque dizaine de mètres qu'elle fit avant d'atteindre le couvert de l'immeuble où elle fut accueillie par un tout autre comité.

- Regina, tout le monde t'attendait !

Elle ne s'était pas attendue à voir celui qui lui tendait déjà la main pour la saisir en une accolade d'une feinte amitié. S'il faisait partie du cercle dans lequel elle évoluait, Robert Gold était le plus gros opportuniste qu'elle n'avait jamais rencontré et sa présence était loin de la rassurer. Pourtant il n'était pas seul. Bien évidemment aucun signe de Belle, la jeune femme qu'elle devrait éternellement remercier d'avoir amenée Emma à une de leurs soirées, mais bien d'autres étaient là ...

A l'exception de Graham qui ne pouvait certainement pas se permettre d'abandonner ses fonctions pour un tel événement, tous avaient fait le déplacement et elle sentit son cœur bondir dans sa poitrine en remarquant le couple qui n'avait que très récemment rallié sa cause. Son sourire gagna en sincérité lorsqu'il se redirigea vers David et Blanche qui eurent un signe de tête à son encontre mais l'instant d'après elle cherchait déjà du regard quelqu'un d'autre.

- Elle ne doit pas être bien loin ...

Le patriarche de la maison des White avait raison. À quelques mètres, celle à qui elle n'avait cessé de penser avait l'air en grande discussion avec un jeune homme en costard qu'elle ne connaissait pas. Elle allait les rejoindre lorsqu'elle remarqua l'enveloppe que la jeune femme tenait contre elle. Assez épaisse pour contenir un dossier entier. Assez précieuse pour qu'elle semble vouloir la garder au plus près d'elle. Pourtant à mesure que la conversation se déroulait, Regina avait l'impression qu'elle s'en détachait au point de sentir son estomac se nouer lorsqu'elle finit par l'abandonner pour la tendre à son interlocuteur.

Il y avait une certaine surprise sur le visage de l'inconnu mais ce n'était pas ça qui l'inquiétait. Emma portait une expression qu'elle ne lui connaissait pas. Une froideur qu'elle aurait pu apprendre d'elle. Incompréhensiblement, l'autre eut l'air de s'en ravir, calant l'enveloppe sous son bras là où la brune eut l'envie folle d'aller la voler quand il passa devant elle avec un sourire satisfait.

- Emma ?

Elle ne reconnaissait pas sa voix lorsque le prénom passa la barrière de ses lèvres et si cela ne suffisait pas, elle crut sentir ses genoux fléchir lorsque l'intéressée se retourna vers elle sans pour autant changer d'expression. Le sourire éclatant avait disparu, la lueur qui ne manquait jamais de s'allumer dans les yeux clairs lorsqu'elles se voyaient, complètement éteinte.

Voir la blonde la regarder comme si elle n'était rien pour elle brûla le derrière de ses paupières. Mais c'était de la comédie. Cela ne pouvait pas être autrement. Son amante s'était rapprochée de ses parents d'une démarche désinvolte, mains dans les poches de son jean troué et Regina la trouva terriblement jeune lorsqu'elle lui adressa la parole.

- Miss Mills, j'espère que le débat se passera bien ce soir.

- Emma ...

Elle ne savait même pas si le couple plus âgé avait pu entendre le prénom qu'elle avait murmuré mais celle à qui il appartenait se contenta de lui adresser un regard interdit.

- Je vais arranger ça Emma, je te le jure sur tout ce que j'ai, s'entendit-elle déclarer en faisant fi des oreilles qui trainaient et du regard inquiet des White.

- Non.

- Bien sûr que si, fais moi conf...

- Le plateau va commencer, vous devriez rejoindre votre équipe.

- Emma !

La jeune femme avait déjà tourné les talons et elle s'en voulut de la main qu'elle dut tendre pour la retenir. Mais il y avait pire. Les larmes qui menaçaient de s'échapper des yeux de la femme qu'elle aimait par exemple. Regina s'était juré de ne plus jamais la faire pleurer et elle avait déjà recommencé.

- Regina ? Plateau dans dix minutes !

L'interpellation suffit à la distraire suffisamment pour que l'autre puisse s'enfuir, talonnée par Blanche.

- Regina ? Je dois m'inquiéter ? lui demandait déjà David alors que son équipe de communication tentait de la ramener vers une maquilleuse qu'elle chassa d'un geste de la main.

- Pas pour l'instant. Si je sens que j'ai besoin de votre aide, je la demanderai David.

Elle avait été sincère et il parut la croire mais elle attendit tout de même que le regard clair ait fini de sonder le sien avant de s'enfuir presque pour rejoindre les coulisses du plateau télévision où elle avait déjà mis les pieds pour d'autres raisons.

- On a pas l'air dans son assiette Mills ...

Elle se serait bien passée de la voix moqueuse et comme si tous les individus présents avaient pu sentir son exaspération, le silence qui s'abattit sur les lieux du tournage lui donna presque le tournis.

- Spencer ... cracha-t-elle presque.

Avec son petit air suffisant et son crâne dégarni, l'homme politique lui avait toujours inspiré un profond mépris qu'elle n'avait pas cherché à expliquer mais aujourd'hui plus que jamais elle avait envie de l'écraser. À le voir en face d'elle, Regina ne pouvait s'empêcher de se sentir mille fois plus méritante du poste qu'ils briguaient tous deux. Spencer n'en avait pas la carrure, parachuté là par des jeux de pouvoirs risibles. Elle allait l'écraser.

Et elle était sur le point de commencer lorsque l'autre eut le culot de claquer sa langue avec dérision quand elle s'approcha de lui pour délivrer une première phrase assassine. La brune faillit s'en indigner mais ses talons aiguilles manquèrent de flancher lorsqu'il lui désigna l'enveloppe qu'il tenait fièrement devant lui.

- Qu'est-ce que c'est ? voulut-elle immédiatement savoir.

Mais elle savait déjà. Impossible de ne pas reconnaître ce qu'Emma avait tenu sous le bras quelques minutes plus tôt. Ce que l'enveloppe contenait en revanche, elle avait peur de le découvrir.

- Pas grand chose. Quelques images pour montrer au grand public qui vous êtes vraiment.

- Quelles images ? gronda-t-elle cette fois.

Lorsqu'elle s'était lancée dans la campagne Sidney avait été horrifié par le nombre de secrets, de bavures, qu'il allait falloir cacher. En affaires les coups bas étaient monnaie encore plus courante qu'en politique ... Mais ce n'était pas à ça qu'elle pensait et le sourire goguenard que l'autre affichait était en train de confirmer ses doutes. Comment avait-il eu ces images, Regina n'en avait pas la moindre idée mais elle refusait de croire que c'était Emma qui les avait fournies.

- Qu'est-ce que vous voulez ?

Du coin de l'œil elle aperçut Sidney et Kattryn chuchoter avec un air alarmé. Quelqu'un allait devoir payer pour la colère qu'elle sentait gronder dans sa poitrine.

- Mais la Mairie, bien sûr ! s'exclama l'autre.

- Sinon quoi ?

- Écoutez Mills, j'ai un certain respect pour vous. Vous êtes une femme d'affaire incroyable, on ne peut pas le nier ... Mais la politique ? Laissez ça à ceux qui en ont toujours fait leur métier ...

- Sinon quoi ? répéta-t-elle en se rapprochant de lui malgré la révulsion qu'il lui inspirait.

- Je ne vous juge pas ma petite mais je ne suis pas sûr que les électeurs ferment les yeux si ils apprennent que vous forcez de jeunes étudiantes à avoir des rapports sexuels avec vous.

- Comment osez-vous ?! Ce n'était pas ...

- Oh je m'en fiche Mills. Il n'y a pas qu'en politique que l'on peut faire dire ce que l'on veut à quelques images. Encore plus quand on parle de viol.

Contrairement à elle, il avait haussé la voix. Assez pour que la moitié du studio qui n'était pas déjà en train de les surveiller reporte son attention sur eux. Les dents serrées elle dut faire un effort surhumain pour ne pas répondre tandis qu'il s'éloignait pour aller s'asseoir à sa place sur le plateau.

- Vous avez une heure pour qu'il perde tous les exemplaires de la vidéo. Je veux savoir comment il l'a eue et que Graham envoie quelqu'un pour lui voler cette putain d'enveloppe dès qu'il aura mis un pied en dehors de ce studio.

- Reg...

- Et préparez moi de quoi le détruire d'ici demain. Je veux qu'il dégoûte le monde entier autant qu'il me dégoûte, rajouta-t-elle.

- Mais Reg...

- Pas de mais. Ne prenez pas la peine de venir au bureau demain si ce n'est pas fait.

Menacer Sidney de licenciement lui avait toujours donné des ailes et elle l'observa avec un certain degré de satisfaction se hâter de sortir du studio pour obéir à l'injonction. Le regard sombre rencontra celui de son avocate à quelques mètres de là mais Kattryn ne fit que lui adresser un sourire compatissant. Elle allait devoir leur faire confiance et mener la première bataille toute seule.

##

Elle avait beau eu répéter à toute son équipe qu'elle n'avait pas besoin d'entraînement pour le débat de ce soir là, Cora avait tout de même insisté pour en mener en tête à tête avec elle. Et quel meilleur adversaire que sa mère ? Les cessions pratiquées la plupart du temps en vidéoconférence l'avaient épuisée mais aujourd'hui elle se rendait compte qu'elle avait bien fait de céder.

Évidemment Albert Spencer ne faisait pas le poids. Il pouvait se vanter d'années passées en politique, Regina avait affronté pire que lui. Elle accueillait ses arguments avec le sourire tranquille de quelqu'un qui va pouvoir les contrecarrer, démontant une à une ses théories avec un plaisir qu'elle se devait de cacher.

Au bout de vingt minutes de parole, les présentateurs semblaient même avoir du mal à ne pas prendre parti quand le candidat à la Mairie se perdait dans ses explications aussi ne fut-elle pas si surprise que ça de le voir l'attaquer sur le plan personnel.

- On a parlé de mes soutiens politiques Mills mais qu'en est-il des vôtres ? La plupart sont des grosses pointures des affaires du pays ... Les White par exemple ? Comment avez-vous réussi à vous les mettre dans la poche alors qu'il y a quelques années vous vous disputiez le moindre marché ?

- Peut-être ont-ils enfin compris que j'incarnais la voix de raison ? Ou bien tout simplement Monsieur Spencer que nous avons trouvé des intérêts communs pour le bien de cette ville ...

- Vous êtes sûre que ça n'a pas rapport avec leur jeune fille ?

- Je ne vous suis pas, se força-t-elle à répondre calmement alors qu'elle se voyait déjà en train de lui sauter à la gorge.

- Cette lycéenne ...

- Étudiante, coupa-t-elle par réflexe en se doutant de ce qui allait arriver.

- Cette enfant, a été vue avec vous il y a quelques mois. Avant que vous n'officialisez votre candidature, il y avait même des rumeurs sur une relation entre vous et vous n'aviez rien fait pour les faire taire mais ... Tout s'est tassé depuis l'annonce ... Est-ce qu'il s'est passé quelque chose ? Je veux dire ... Ce serait normal qu'elle se soit rendue compte que c'était trop pour elle, si tôt dans sa vie ...

- Je ne v...

- Je ne vous cache pas que beaucoup se demandaient si vous n'aviez pas quelque chose à vous faire pardonner et qu'un cadeau fait aux White les aurait poussé dans votre giron ...

- Est-ce que nous sommes ici pour discuter de la campagne ou des tabloïds ?

- J'ai bien peur que les deux intéressent autant notre public. Alors, j'ai mes sources mais confirmez vous que nos journaux ont raison de penser que cette jeune Em...

- Stop ! gronda-t-elle sans parvenir à se contrôler. Vous pouvez salir mon nom si vous le voulez Monsieur Spencer, mais je vous interdit de mêler la femme que j'aime à vos sombres histoires.

Elle se rendit trop tard de ce qui venait de lui échapper, serrant les dents tandis qu'en face l'autre souriait en un rictus mauvais. Un instant même le présentateur ne sembla pas capable d'enchaîner, son adversaire en profitant pour reprendre avec la lenteur de ceux qui veulent prouver quelque chose.

- Mais ce sont des questions que peuvent se poser nos concitoyens Madame ... Miss White m'a tout de même l'air assez jeune et nous savons tous à quel point les jeunes gens sont prompt à se laisser influencer pour le regretter après. Surtout quand on est pas très ... Discrets.

La salive qu'elle avala avait un goût de sang et elle se força à inspirer profondément avant de formuler la réponse qu'elle s'attendait à voir dès demain dans les gros titres.

- Si je n'étais pas discrète, Monsieur Spencer, vous n'auriez pas eu à m'exposer ce soir. Ma vie privée l'est et le restera mais si vous êtes là pour me forcer à vous répondre ... Oui, j'entretiens bien une relation d'ordre privé avec Emma White. Je l'ai connue bien après qu'elle soit majeure et aucune preuve au monde n'ébranlerait la sincérité de mes sentiments pour elle contrairement à celles qu'on pourrait chercher à réunir sur votre relation avec votre femme.

L'infidélité d'Albert Spencer était connue à travers tout l'État et elle dut retenir un petit sourire quand de son côté le présentateur baissa la tête pour cacher le sien.

- Miss White et moi avons subi des menaces de la part de votre parti mais croyez bien que si vous les mettez à exécution, pas même le poste de Maire que vous briguez pourra vous sauver de ce qui s'abattra sur vous.

- Est-ce que ce sont des menaces Madame Mills ? Vous trouvez cela décent de la part d'une candidate à la Mairie ?

- Je trouve décent de faire confiance au système judiciaire en place, oui, Monsieur Spencer. Pas vous ?

- Pas quand il est infesté par vos sbires.

- Si vous faites allusion à Graham Hunter, nous n'avons jamais caché notre amitié mais je m'assurerai de vous faire comparaître devant les juridictions d'un autre État que celui de New York si ça peut vous rassurer ...

En face d'elle, Spencer avait déjà ouvert la bouche pour rétorquer quelque chose lorsque l'un des présentateurs s'empressa de lancer une page pub et malgré ce qui brûlait dans son estomac, elle ne put s'empêcher de lui adresser un sourire mauvais lorsque les caméras rendirent l'antenne.

##

Mis à part pour remplir ses obligations de candidate à l'écran, elle n'avait plus prononcé un mot. Le téléphone serré dans sa main, elle avait adressé un simple regard à Sidney, à moitié satisfaite du hochement de tête qui lui fut retourné. Son entourage avait toujours été choisi à la perfection, aucune raison que ses directives n'aboutissent pas.

Non ... C'était autre chose qui l'inquiétait et l'avait mise d'une humeur massacrante. Elle avait failli appeler Emma une dizaine de fois déjà avant de se retenir au dernier moment. La blonde n'avait pas eu l'air de vouloir lui parler quand elle s'était croisées quelques heures plus tôt et à présent, elle avait peur de sa réaction.

Si elle n'avait pas regardé le débat en direct, elle devait avoir reçu l'information d'une autre façon. Les journalistes étaient déjà là lorsqu'elle était sortie en trombe du studio à la tombée de la nuit, aveuglée par les flash malgré ses lunettes de soleil jusque dans la voiture qui l'avait déposée dans le parking privé de son building pour éviter la foule qui s'était massée à l'entrée publique.

A l'intérieur, c'était un silence de mort qui l'avait accueillie, soulagée de voir que ses employés avaient tous quitté le navire avant son retour. Certainement par peur de la croiser dans un tel état ... Aussi fut-elle surprise de voir l'étage de ses bureaux éclairé et encore plus d'y trouver sa secrétaire et quelques uns de ses plus fidèles employés.

- Partez, ordonna-t-elle pourtant en ignorant leurs airs dépités.

Elle n'avait pas besoin de leur soutien et encore moins de leur compassion.

- Madame, il y a ...

- Dehors ! siffla-t-elle presque cette fois en dépassant le petit groupe qui se dispersa à une vitesse qui aurait pu la faire sourire.

Sauf qu'elle n'avait aucune envie de sourire. La porte de son bureau avait rarement claqué aussi fort que lorsqu'elle la referma derrière elle. Toute la rage qu'elle avait éprouvée depuis que Spencer l'avait confrontée était en train de refaire surface et les objets posés sur un meuble bas à l'entrée de la pièce en furent les premières victimes.

Regina observa en un silence frustré un cheval en cristal que sa mère lui avait offert des années auparavant aller s'écraser sur le sol en bois laqué. Elle avait envie de crier mais trop peur que d'autres employés soient encore dans les parages. Quelqu'un avait peut être entendu le fracas qu'elle venait de causer mais ce n'était ni la première ni la dernière fois qu'un objet subissait son courroux.

- C'est dommage, j'aimais bien le cygne.

La voix la fit suffisamment sursauter pour glacer sa fureur et suspendre en l'air le pied qu'elle allait envoyer dans les restes tranchants qui jonchaient le sol. Le cygne était sa dernière acquisition, une statue qu'Emma avait remarquée avec un sourire en coin et qu'elle observait à présent interdite.

- J'en achèterai un autre, s'entendit-elle dire d'une voix éteinte.

Les yeux clairs mirent une éternité à trouver les siens mais pour une fois la brune ne savait pas quoi faire.

- Ce type est venu me voir quand je suis arrivée avec mes parents. Il avait des photos dans son enveloppe. Des captures d'écran de la vidéo. Il ... Il a dit qu'elles seraient diffusées et que ... Que tu serais discréditée et que c'était le moment de ...

Clouée sur place, la plus âgée ne trouva pas la force de pousser son amante à poursuivre ses révélations. Elle avait déjà oublié le débat, suspendue comme impuissante aux lèvres qui tremblaient comme celles de quelqu'un sur le point de pleurer.

- Je suis partie. Avant qu'il finisse ce qu'il avait à dire. Je lui ai dit que ce qui pouvait t'arriver ne m'importait pas et je suis partie.

Malgré le mensonge évident, les mots lui firent plus de mal que de raison et la femme d'affaires dut poser une main raide sur le meuble bas où elle avait balayé les œuvres d'art pour s'assurer de ne pas tomber. Pourtant elle devait trouver la force de répondre. C'était à son tour de parler, Emma retombée dans un mutisme qui ne lui plaisait pas.

- C'est fini, Emma. La presse n'aura rien et Spencer va payer pour avoir osé penser à utiliser ça contre moi. Contre nous.

- Comment est-ce que tu sais ça ?

- Parce que je n'ai pas donné le choix à Sidney.

Sa conviction était assez claire pour que la jeune femme se contente d'hocher la tête mais les yeux qu'elle aimait voir briller de mille et une autres façons reflétaient encore des larmes retenues. Cette fois, poussée par un désir qui l'avait taraudée depuis qu'elles s'étaient croisées en début de soirée, la brune s'arracha au sol où elle était restée clouée. Juchée sur ses talons aiguilles, elle n'avait pas la même aisance que d'habitude aussi se laissa-t-elle tomber à genoux devant celle qui avait investi un des canapés de son bureau.

Le geste surprit assez la plus jeune pour qu'elle se redresse, une main agrippant son épaule comme pour s'assurer qu'elle allait bien mais Regina s'en empara aussitôt.

- Je me fiche de gagner ces élections Emma.

L'inquiétude fit place à une brève confusion mais les yeux clairs avaient perdu cet air qu'elle n'aimait pas et Emma semblait prête à entendre ce qu'elle avait à dire.

- Ce poste, cette ville ... Ce ne sont que des trophées de plus Emma. Bien sûr que j'aimerais gagner, tu me connais ... Mais toi ... Tu représentes bien plus. Bien plus que tout. Et tu n'as pas idée de ce que je suis prête à faire pour te protéger ...

L'intéressée avait encore la mine grave mais Regina remarqua tout de même qu'une nouvelle détermination avait remplacé la tristesse de toute à l'heure.

- Dis-le moi.

Les trois mots la surprirent, fronçant ses sourcils d'une brève incompréhension. Lui dire quoi ? Ce qu'elle était prête à faire ? Elle était persuadée qu'elle était capable de commanditer jusqu'à la mort de Spencer pour la protéger. Mais non ... Ce n'était pas ça qu'Emma demandait et les lèvres pulpeuses s'entrouvrirent lorsqu'elle comprit ce que la plus jeune attendait.

- Je t'aime.

L'aveu qui n'en était plus vraiment un était sorti avant qu'elle ait eu l'occasion d'y réfléchir et en face d'elle son amante en serra les dents. Pour retenir des larmes eut-elle l'horreur de constater.

- Je t'aime, répéta-t-elle donc en ajoutant à la ferveur de ses mots un geste pour enserrer de ses mains celle qui était retombée sur les genoux de la blonde. Depuis une éternité déjà et ça ne risque pas de changer Emma. Je savais déjà que j'allais t'aimer le soir où je t'ai amenée dans cette tour pour la première fois ...

Les larmes coulaient à présent et Regina les effaça en dégageant à regret une main. Le visage d'Emma était brûlant sous ses doigts, contraste frappant avec la pâleur de ses traits vaguement éclairés par les néons qui brillaient quelques étages plus haut au sommet du building.

- Je ...

L'hésitation la poignarda plus que de raison et elle dut se forcer à sourire. Elle savait que le sentiment était réciproque. Depuis des mois déjà le regard de la blonde était sans équivoque mais elle ne devait pas suffisamment lui faire confiance pour le lui avouer ...

- Je ne l'ai pas dit pour me l'entendre retourné Emma. Je l'ai dit parce que c'est vrai et que ça le restera.

Cette fois, le sourire qu'elle adressa à la jeune femme était sincère et empli de toute l'affection qu'elle venait de révéler mais l'intéressée s'empressa de l'effacer d'un véritable baiser. Le soulagement qu'elle éprouva au simple contact avait quelque chose de libérateur, une explosion intérieure qui lui redonna vie.

- Tu m'as manqué ...

L'aveu la fit carrément gronder. Emma aussi lui avait manquée. Au point que son corps la réclame comme rarement. D'habitude c'était elle qui faisait tout pour battre la plus jeune à ce jeu mais aujourd'hui elle avait besoin d'elle avant tout. Et l'occurrence était assez rare pour que la blonde semble étonnée lorsqu'elle se redressa pour aller se percher sur celle qui se laissa retomber contre le dossier en cuir du canapé. Deux mains se précipitèrent sur elle, ajoutant au feu qui l'avait déjà embrasée.

- Baise-moi, s'entendit-elle réclamer, aussi étonnée que celle que l'ordre fit gémir sous elle.

- Tu ... Maintenant ? Maintenant alors que tu viens de me dire ...

- Maintenant.

Plus rares encore étaient les fois où cette requête avait franchi la barrière de ses lèvres mais la jeune femme ne se fit pas prier pour y obéir. Le chemisier en satin beige fut la première victime de sa fougue, arraché à la ceinture de sa jupe de tailleur avant de manquer d'être déchiré lorsque les pans furent ouverts sans ménagement. Elle aurait pu protester pour les boutons arrachés, les bas qu'elle sentit se fissurer sous les ongles courts qui remontaient jusqu'entre ses jambes mais non ... S'ils étaient le seul prix à payer pour avoir ce qu'elle voulait, elle fermerait les yeux sur bien pire.

- Emma ...

Son empressement sembla nourrir celui de son amante dont les dents se plantèrent avec effronterie quelque part dans son cou. Loin de la réprimander, la brune l'y arrima d'une main exigeante, les hanches bondissant à la rencontre de celle qui déchirait du nylon. Elle allait protester quand le contact lui fut retiré mais le reproche mourut quelque part dans sa gorge serrée lorsque les yeux sombres rencontrèrent le regard qui les soutint. En face d'elle, Emma venait de porter un doigt à sa bouche, le visuel tordant les muscles de son ventre.

- Plus.

Sa voix enrouée aurait pu faire passer sa demande pour un grondement mais la blonde sembla la comprendre, obéissant avec autant d'empressement que celui dont elle fit preuve pour regagner place entre ses jambes. Les doigts qui s'emparèrent d'elle la déchirèrent en un cri que la porte de son bureau n'avait aucune chance d'avoir retenu. Quelques jours à peine qu'Emma l'avait touchée pour la dernière fois mais elle avait l'impression de retrouver une sensation perdue depuis des mois.

- Emma ...

Le feu qui brûlait entre ses reins avait déjà gagné le cœur qui battait la chamade dans sa poitrine, là où son amante avait posé ses lèvres pour des baisers qui laisseraient sans doute une marque. Qu'importe ... Si elle l'avait pu, elle se serait débarrassée du reste de ses vêtements mais ses mains étaient trop occupées, arrimées là où elle le pouvait, abimant le cuir du canapé et la tresse de la blonde. Les yeux clairs cherchaient les siens, dévorant avec fierté le plaisir qu'ils y trouvaient. Lorsqu'elle lui en laissait l'occasion, la jeune femme avait prouvé qu'elle était capable de prendre les choses en main aussi bien que si elle en avait l'habitude.

- C'est ça que tu voulais ? l'entendit-elle murmurer près d'elle. Perde un peu plus le contrôle au point où tu en es ?

- N... Non, trouva-t-elle tout de même la force de répondre parce que ce n'était pas le cas.

- Quoi alors ?

La question exigeait une réponse qu'elle n'avait pas. Là, tout de suite, tout ce qu'elle savait c'était qu'elle avait besoin de jouir. De sentir le plaisir qui brûlait ses entrailles enfin éclater quitte à la faire hurler ou pire, supplier.

- Toi. C'est toi que je veux Emma. Pour toujours.

Elle n'avait pas prévu d'en révéler plus pour ce soir mais l'aveu immobilisa momentanément son amante dont les yeux clairs soutinrent son regard de longues secondes. Dans le silence du bureau, seules leurs respirations battaient encore la mesure du temps et Regina crut un instant qu'elle en avait trop dit mais la blonde la surprit encore. La main qui était restée dans le creux de ses reins s'arrima un peu plus bas, là où elle put l'agripper et assurer sa prise lorsque les doigts reprirent leur course en elle.

- Emma. Emma ...

Elle aurait répété cent fois le prénom de celle qui la fit taire d'un baiser, utilisant ses hanches pour appuyer les coups frappés en elle avec une précision mortelle. Elle en aurait pleuré et pourtant c'était exactement ce qu'elle voulait. Le plaisir effaçait tout sur son passage. La colère et la peur de ces derniers jours n'existaient plus. Seul restait le feu, étouffant presque avant d'éclater quelque part dans son ventre pour lui faire gémir les deux syllabes qu'elle n'avait cessé de répéter.

- Je serai là même quand tu voudras plus de moi, entendit-elle vaguement la blonde lui assurer.

Le sang qui battait dans ses tympans n'avait pas été suffisant pour cacher cette ineptie. Ne plus vouloir d'elle ? Emma n'avait vraiment pas idée de ce qu'elle avait provoqué en elle ... Elle était prête à répéter son aveu toute la nuit s'il le fallait mais l'intéressée scella ses lèvres d'un doigt tandis que ceux qui étaient toujours en elle reprenaient des vas-et-viens qui ressemblaient plus à ce à quoi elle l'avait habituée.

- Je serai là. Tout le temps. Quoi qu'il arrive.

Elle n'était même pas capable de répondre aux paroles prononcées contre ses lèvres. Entre ses jambes, les doigts s'étaient fait plus lents comme pour lui laisser le temps de comprendre ce qu'elle essayait de lui dire. Impossible pourtant de penser à autre chose qu'au plaisir qui montait encore, serrant ses muscles déjà tremblants.

- Laisse-toi aller. Je veux te faire jouir comme ça aussi.

Se laisser aller ? Elle était déjà pratiquement au bord des larmes mais la demande lui arracha tout de même un ricanement désabusé. Elle savait ce qu'Emma voulait, ce qu'elle préférait ... Aussi s'abandonna-t-elle complètement à son amante, laissant les doigts la prendre encore et encore et les lèvres apaiser sa peau brûlante jusqu'au point de non retour. Lorsque son corps entier renonça à la lutte, à peine tenu par la main qui s'était faufilée à la base de sa nuque pour la maintenir contre celle qui l'embrassait encore quand l'orgasme la foudroya à nouveau.

- Tu sais comment j'ai compris que tu m'aimais ? reprit la blonde dans le silence qui suivit. Quand tu as arrêté de faire semblant de toujours tout contrôler. Quand tu m'as laissé voir que tu pouvais être aussi fragile que ça toi aussi.

Le nez de la jeune femme avait effleuré sa joue, comme pour lui prouver ce qu'elle disait et elle avait beau avoir raison, Regina ne put s'empêcher de pincer les lèvres.

- Fragile ? répéta-t-elle. Tu veux que je te mont ...

- Oui, fut-elle interrompue sans être sûre que l'autre ait su ce qu'elle s'était apprêtée à dire. Tout ce que tu veux. Mais pas tout de suite. Là je te veux juste dans mes bras jusqu'à demain.

Elle eut un frisson lorsque les doigts qui avaient toujours été en elle la quittèrent mais deux bras la soulevaient déjà pour l'accueillir plus près encore.

- Je t'aime, ne put-elle s'empêcher de répéter une fois de plus dans le silence du bureau.

Une éternité qu'elle ne les avait pas prononcés mais à présent ces mots ne cessaient de vouloir sortir ...

##

Elle avait eu le droit à un baiser mais elle ne se rappelait même plus de s'être endormie. Et pourtant, elle avait un bras engourdi lorsqu'elle se réveilla, groggy de quelques heures de sommeil passées sur le canapé en cuir où elle avait emprisonnée Emma dans ses bras. La jeune femme dormait à poings fermés, les cheveux en bataille et les cils collés par un maquillage qu'il aurait fallu enlever. Elle était en train encore en train de l'admirer lorsqu'elle se rendit compte que la blonde avait refermé une main sur un plaid noir qui n'avait rien à faire dans son bureau.

Elle reconnaissait le matériel duveteux dans lequel Emma et elle avaient passé plusieurs soirées, lovées devant l'écran géant de son salon. Il n'avait donc rien à faire ici. La panique soudain la fit se redresser, dérangeant la plus jeune dans son sommeil. Le haut le cœur ne la réveilla heureusement pas et Regina resta interdite lorsque les yeux sombres traquèrent la présence silencieuse qui avait apparemment veillé sur elles.

- J'ai dit à la femme de ménage de passer plus tard.

Assise dans le fauteuil en cuir où elle passait d'habitude de longues heures derrière son bureau, Cora Mills lisait négligemment une copie du Times. L'absence de réponse finit visiblement par la déranger, pliant les quelques feuilles de papier pour lui lancer un regard critique.

- Eh bien ?

- Eh bien quoi ? murmura-t-elle assez fort pour être entendue mais ne pas réveiller la blonde.

- Rien à dire ?

- Non, répondit-elle bourrue.

Elle n'aurait pas su par quoi commencer. Soudain, elle avait l'impression d'être redevenue l'enfant que sa mère se permettait de gronder sévèrement Et malgré son âge, elle était sûrement en droit de le faire. En l'espace de quelques heures, elle avait surement anéanti ses chances de devenir Maire, fait de claires menaces à son plus dangereux opposant et pour couronner le tout la veille, elle s'était endormie, à moitié nue dans les bras de son amante dans un lieu public. De quoi faire naître un cheveu blanc dans la crinière parfaite de la matriarche de la famille.

- Je ne reconnais plus ma fille Regina ... Hier tu as agit de manière complètement irréfléchie.

Les dents serrées, la brune ne prit pas la peine de répondre. Connaissant sa mère, elle allait avoir le droit au genre de discours qu'elle n'avait pas envie de subir après une si courte nuit. Sous le plaid, une main fraiche se fraya un chemin entre les pans de son chemisier pour aller étreindre son épaule. Emma était donc réveillée, à quelques mètres de celle qu'elle ne lui avait toujours pas officiellement présentée. Une première rencontre rêvée ...

- D'abord tu refuses de suivre mes conseils et tu pars à l'autre bout de la planète au lieu de préparer ce débat ... Tu lâches tous tes chiens dans la ville pour une sombre affaire dont même Sidney n'a pas voulu me parler, tu dévoiles au monde entier ta relation avec cette gamine et il a fallu que tes sbires demandent à Gold de s'occuper de Spencer.

- Quoi ?! couina-t-elle un peu trop fort en tentant d'ignorer la morsure des ongles qui s'étaient enfoncés dans sa chair quand sa mère avait qualifié Emma de "gamine".

- Qu'est-ce que tu croyais ? Il était là hier soir quand tu as dis à Sidney que tout serait fini entre vous si votre problème n'était pas réglé.

- Qu'est-ce qu'il t'a dit ? demanda-t-elle avec un peu plus d'autorité que nécessaire en emprisonnant dans la sienne la main de la blonde qui continuait à lui faire mal.

- Pas grand chose. Pas assez pour que je puisse en dire un mot à Gold en tout cas. Tu l'as trop bien dressé.

- Il est loyal. Et l'affaire ne te regarde pas, elle est privée.

- Oh s'il te plaît chérie, tu sais très bien qu'il n'y a rien de privé quand on a les responsabilités que tu as ...

A ça, elle n'avait rien à répondre. Cela faisait longtemps qu'elle avait appris la leçon mais la vie privée qu'elle avait eue avant Emma n'avait rien eu de spécial. Les aventures qui s'enchaînent avaient pour mérite de ne jamais gêner sa carrière professionnelle. A quelques mètres de là, la plus âgée l'observa encore quelques secondes en silence comme pour s'assurer qu'elle n'oserait pas lui répondre et Regina resserra son emprise sur la blonde lorsqu'elle finit par quitter le fauteuil en cuir qu'elle avait occupé jusque là.

- Lève-toi, sembla-t-elle lui conseiller. Je vais demander à ce qu'on descende des habits de rechange mais je suis certaine que tu préfères quitter ton bureau avant que toute l'équipe ne soit sur le pied de guerre.

Là non plus, Regina ne répondit pas. La moue qu'elle affichait apparemment suffisante pour arracher un sourire en coin à celle qui quitta le bureau sans un mot de plus en jetant le journal qu'elle avait été en train de lire sur une table basse non loin du canapé.

- J'ai hâte de la rencontrer pour de vrai, railla la voix de son amante quelque part près de son épaule.

- Si tu crois que ça c'était q... Quoi ?!

Son exclamation fit se redresser la jeune femme à moitié allongée sur elle et la brune en profita pour plonger vers le journal abandonné là par sa mère. Une photo d'elle et Spencer prise hier pendant le débat faisait la une du Times mais ce n'était pas ce qui avait attiré son regard.

- Spencer dans le coma, Mills en tête des sondages, lut pour elle Emma avec autant d'étonnement que ce qu'elle pouvait en éprouver.

- Quoi ? répéta-t-elle le cœur battant la chamade.

Qu'avait donc fait Sidney ? Les doigts tremblants, la candidate aux élections s'empara du journal pour lire en travers l'article qui contenait plus de suppositions que de véritables faits.

A l'heure qu'il était, les seules informations valables étaient celles communiquées par la police : Après le débat, Spencer s'était rendu dans son QG pour une réunion qui avait duré quelques heures. C'était sur le chemin du retour, celui qui devait le ramener dans sa résidence principale qu'un camion avait coupé la route du véhicule pourtant blindé qui le transportait.

Le journaliste n'avait pas eu accès aux caméras de surveillance mais des témoins dans le voisinage affirmaient que des hommes déguisés en éboueurs, armés jusqu'aux dents, avaient vidé plusieurs chargeurs d'armes d'assaut sur la grosse Cadillac.

- Mon dieu ... entendit-elle Emma jurer à côté d'elle.

Le regard clair qui trouva le sien ne portait aucun jugement mais l'inquiétude qu'elle y vit réveilla quelque chose en elle. Bien sûr qu'elle voulait gagner les élections mais si ce qu'avait insinué sa mère était vrai, Sidney allait devoir en payer les conséquences.

- Je vais tirer ça au clair, promis, se reprit-elle, déjà debout et à la recherche des habits dont elles s'étaient débarrassées avec hâte la veille.

Tant pis si quelqu'un la voyait dans cet état dans les couloirs. Il y avait plus grave que quelques employés matinaux qui pourraient se douter qu'elle avait passé une nuit dans son bureau.

- Regina.

- Oui ?

Quelque chose dans la voix de la blonde l'avait arrêtée. Une gravité qui avait l'air d'annoncer quelque chose qui ne lui plaisait pas.

- Je ... Je veux être au courant.

- De quoi mon ange ?

- De tout. De ce que tu fais. De ... Des gens à qui tu demandes de s'occuper de ça. Je veux pas rester sur le banc en me demandant si ce que tu fais est dangereux et me sentir complètement inutile. Je veux pouvoir donner mon avis, essayer de t'aider ...

L'exigence ne la surprenait pas vraiment et elle avait beau ne pas être habituée à devoir justifier de ses faits et gestes, les choses allaient sûrement devoir changer.

- Je vais aller prendre une douche Emma. Et quand j'aurai retrouvé un aspect à peu près humain, j'irai demander des détails à Sidney. Et peut être à Gold si ce que ma mère m'a dit s'avère juste.

- Ok, sembla-t-elle accepter avec l'air d'essayer d'assimiler les informations.

- Et toi ? tenta-t-elle de lui changer les idées.

- Je ... Je dois voir Scarlett. Elle a une idée pour mon stage professionnel de l'année prochaine.

- Tu veux monter prendre une douche ?

La proposition avait quelque chose d'un peu trop naturel qui les fit sourire toutes les deux. Le monde allait continuer à tourner.

##

Il tournait vite. Elles s'étaient accordé une petite heure dans l'immense loft du dernier étage de la tour avant de se séparer à regret avec la promesse de se retrouver le soir même. Après ça, elle avait eu l'impression que le monde s'écroulait autour d'elle.

Sidney l'avait attendue dans son bureau, un air penaud sur le visage qui lui avait fait claquer la porte un peu trop fort pour la deuxième fois en si peu de temps. Pire, assise dans un des canapés, Cora faisait semblant de lire le journal qu'elle avait laissé là le matin même.

- Vingt secondes, annonça-t-elle en se dirigeant derrière le bureau en bois et verre.

Son employé était bien trop habitué à elle pour ne pas saisir ce qu'elle attendait de lui mais Regina ne se donna pas la peine de l'observer se lever pour lui faire son compte rendu.

- Hier soir après que vous m'ayez demandé ... Ce que vous m'avez demandé ... J'ai contacté quelqu'un avec qui nous avions déjà travaillé. Quelqu'un que Graham nous avait recommandé. Mais ...

- Mais ? fut-elle presque surprise d'entendre sa mère pousser.

- Gold a surpris ma conversation. Il a dit qu'il se chargeait de nous rendre ce service. Et j'ai dit non ! Je vous jure Regina que j'ai dit non mais il m'a dit qu'il savait reconnaître une bonne affaire quand elle se présentait et que ce ne serait qu'un service pour un autre.

Le grondement qui lui échappa fit frissonner l'homme qui s'approcha tout de même avec précaution pour déposer sur le bureau une enveloppe familière tâchée de sang.

- C'est tout ce qu'il avait sur lui. Sa maison et les bureaux du QG ont été nettoyés aussi.

Elle ne le montrerait pas mais la vague de soulagement qui déferla lui fit mordre l'intérieur de sa joue. Un problème en moins. Mais c'était le remplacer par bien pire ... A New York, si tout le monde connaissait Gold et l'invitait à ses soirées, il n'était l'ami de personne. Mis à part la jeune fille dont il s'était amouraché, la crapule ne devait se soucier que de ses propres intérêts.

- Regina, qu'est-ce qu'il y a dans cette enveloppe ?

L'intéressée ignora sa mère, préférant reporter son regard sur son plus fidèle collaborateur.

- Convoquez quelques journalistes et annoncez leur que je suis profondément affectée par la violence de l'attaque de la nuit dernière. Je suis de tout cœur avec Spencer et sa famille. Faites savoir que je suis favorable à l'idée du report des élections de quelques semaines et que je soutiendrai les poursuites engagées par les forces de police pour retrouver les coupables. Nos bureaux sont à leur disposition pour l'enquête, nous n'avons rien à cacher. Prévenez aussi Graham, histoire qu'il cache ce qui doit l'être. Et arrangez-moi un rendez-vous avec Gold.

- Non, se permit de l'interrompre Cora. Je me charge de Gold.

Cette fois, la brune n'eut d'autre choix que d'affronter le regard si semblable au sien. La matriarche de la famille ne lâcherait rien tant qu'elle ne lui aurait pas donné de quoi se repaître.

- Laissez-nous, concéda-t-elle donc avec un signe de main agacé.

L'ordre fut obéit sans délai, Sidney les abandonnant le pas raide et Regina aurait pu sourire de sa silhouette qu'elle vit se mettre à courir une fois passées les portes en verre teinté de son bureau.

- Qu'est-ce qu'il y a dans cette enveloppe ?

- Depuis quand est-ce que tu dois interférer dans mes affaires ?

- J'ai eu affaire à Gold il y a quelques années, c'est un vieil ami.

- Il n'a pas d'amis.

- Regina ... Qu'est-ce qu'il y a dans cette enveloppe ?

- Ça ne te regarde pas !

L'éclat la surprit elle-même, assez rare pour qu'il adoucisse les traits de la plus âgée.

- Regina ... Tu pourrais bien avoir tué de tes propres mains Spencer que je te couvrirais ... Mais si je ne sais pas contre quoi je me bats, je ne suis pas ...

- Ce n'est pas ton combat, coupa-t-elle.

- C'est à propos de la petite Emma alors ?

C'était une fausse question à laquelle elle ne répondit que d'un pincement de lèvres tandis que l'autre se levait. Regina reconnaissait la tactique qu'elle ne craignait plus depuis longtemps déjà aussi conserva-t-elle son faux sourire y compris quand Cora se rapprocha pour poser deux mains sur son bureau.

- Je vais sortir de ce bureau et aller voir Gold ... M'assurer que quoi qu'il puisse y avoir dans cette enveloppe, il n'en a pas une copie. Quant à toi, tu devrais préparer ton dernier meeting. Crois-moi, le monde ne s'arrêtera pas de tourner pour Spencer, les élections auront lieu et il est hors de question que ce ne soit pas toi qui les gagnes.

Le sermon terminé, les perles d'ébène semblèrent s'assurer encore quelques secondes que le message était bien passé mais Regina ne s'autorisa à respirer que lorsque la plus âgée eut passé la porte de son bureau.

Il était à peine dix heures et elle avait l'impression d'avoir vécu une journée complète. Son téléphone était déjà saturé d'appels manqués de la part de Kattryn et d'autres responsables sans parler des dizaines de mails et des textos. Le seul qu'elle ouvrit était un simple cœur qu'Emma lui avait envoyé et auquel elle répondit avec l'adresse d'un restaurant où elle avait décidé de l'amener le soir même. Maintenant que la mèche avait été vendue, hors de question qu'elle continue à se cacher.

La brune verrouilla son téléphone et prit le temps de respirer profondément. C'était la première fois depuis une éternité qu'elle avait des doutes sur son plan d'action. Son ordinateur en veille n'attendait qu'elle pour rattraper le retard qu'elle avait pris ces derniers jours et elle n'avait même pas ouvert les rapports posés sur son bureau par des collaborateurs qui n'attendaient qu'un mot de sa part pour lancer une offensive sur plusieurs sociétés qu'elle avait pointé du doigt la semaine dernière.

Et à côté de ça, sa mère voulait qu'elle consacre plus de temps à sa carrière politique ... Avait-elle vu trop grand ou bien Cora avait-elle eu toujours raison de fuir comme la peste l'Amour ? Trop distrayant ? Trop fugace ? Trop ...

- Non, gronda-t-elle à haute voix.

Elle n'était pas sa mère et elle avait bien l'intention de continuer à se le prouver. Décidée, cette fois, la femme d'affaires abandonna son poste pour s'emparer d'un manteau et de son sac. Elle ignora les regards affolés que lui adressèrent les employés qui devaient sans doute l'avoir guettée toute la matinée.

- Carla, je veux une voiture en bas de l'immeuble, lâcha-t-elle simplement à une secrétaire sur le chemin.

- Mais Mad...

La protestation mourut dans son dos. Elle n'avait aucune intention de changer d'avis de toute façon. Le chauffeur allait la conduire chez Graham, publiquement et elle ferait une déclaration pour compléter celle de Sidney. Après ça, elle se rendrait dans les bureaux de Gold pour mettre au clair l'arrangement qu'il avait cru bon de conclure sans son accord.

A l'extérieur, elle s'efforça d'adresser un sourire pincé aux journalistes à défaut de leur accorder une déclaration avant de monter dans la Rolls Phantom qui l'attendait. A l'abri dans le silence feutré du véhicule blindé, elle se permit un soupir avant d'entendre la portière avant claquer.

- Le département central de police, annonça-t-elle plus sobrement au chauffeur.

Quelque part dans son sac, son téléphone portable se remit à vibrer et Emma eut de la chance qu'elle y accorde la moindre attention.

- Tu vas bien ? s'enquit-elle.

- Et toi ?

La question retournée lui arracha un sourire.

- Débordée. Tu as vu Scarlett ?

- Oui. On va commander des pizzas là.

- Ce soir tu essaieras de prendre quelque chose d'un peu m...

Le conseil qu'elle allait lui donner se termina en un hoquet de surprise, tout son corps propulsé vers le côté gauche du véhicule. Un instant, il lui sembla entendre le son de la voix de sa mère la réprimander pour l'oubli de sa ceinture de sécurité mais quelque chose de bien plus alarmant que la douleur qui venait d'éclater dans sa tête la fit paniquer.

Des coups de feu.

C'était des coups de feu qui troublaient le silence de l'habitacle où tout se renversa, y comprit elle lorsque la Rolls se retourna sous l'impact d'elle ne savait quoi.

- Regina ?

Les tympans sifflants, l'intéressée parvint à peine à reconnaître son prénom dans l'interphone de l'IPhone qui lui avait échappé mais celui qu'elle voulut prononcer refusa de passer la barrière de ses lèvres. A la place, la brune manqua de s'étouffer, incapable de déterminer si le sang qu'elle sentait affluer dans sa bouche était plus inquiétant que les balles qui venaient fissurer les verre blindé qui la protégeait encore.

- Regina !

- E...

Trop tard. Quelque chose explosa près de sa tête en un millier d'éclats brillants et Regina eut vaguement le temps de sentir son cœur se serrer dans sa poitrine avant que tout ne bascule dans l'obscurité totale.

##

Il faisait nuit lorsqu'elle se réveilla, allongée sur une surface dure qui n'avait rien à voir avec son lit. Prise de panique, la femme d'affaire se redressa vivement, regrettant l'emportement l'instant d'après lorsqu'il provoqua une douleur aiguë sur son côté gauche. Momentanément paralysée par sa détresse, la brune eut le temps de faire courir son regard sur la pièce dans laquelle elle était.

Une chambre d'hôpital.

Plusieurs choses lui sautèrent aux yeux en même temps. La forme d'Emma recroquevillée sur un fauteuil près de son lit où elle semblait avoir trouvé un sommeil inquiet, la tête posée sur son lit. Les tubes en plastique attachés à son bras et son nez. La silhouette de sa mère qu'elle voyait faire les cent pas au téléphone dans un couloir au travers d'un mur vitré. Les deux gardes postés devant la seule porte qui permettait d'accéder à la pièce.

Comme si elle avait pu sentir son éveil ou peut être parce qu'elle lui jetait des coups d'œil constants, Cora croisa son regard et la jeune femme fut presque surprise du soulagement immense que la plus âgée ne cacha pas. Elle n'eut pas l'air de se précipiter pour autant lorsqu'elle écarta les armoires à glace pour pénétrer dans la pièce et avancer jusqu'à elle.

- Chérie, chuchota-t-elle prudemment.

- J...

Sa gorge était trop sèche pour qu'elle parvienne à lui répondre mais l'autre l'étonna encore en un élan presque maternel lorsqu'elle s'affaira à faire couler le contenu d'une bouteille d'eau dans un verre qu'elle lui tendit.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? murmura-t-elle lorsqu'elle fut suffisamment hydratée pour que ses cordes vocales acceptent d'émettre un son.

- Ta voiture a été ... attaquée.

Sans blague, entendit-elle presque la voix d'Emma railler dans sa tête. Par réflexe sa main libre fila sur la masse de cheveux blonds qu'elle effleura.

- Attaquée ? répéta-t-elle méfiante.

Mais le regard qu'elle reçut en échange ne fit qu'aggraver son intuition et la migraine qu'elle sentait déjà fracturer le côté de son crane.

- Heureusement que la sécurité suivait pas très loin, les deux hommes ont été abattus mais ... Mais le Procureur a tenu à ce que tu sois sous surveillance constante pendant quelques temps.

Elle connaissait suffisamment sa mère pour reconnaître les mensonges qu'elle lui servait et la brune sentit ses lèvres se pincer d'agacement. Si elle avait tenu à lui cacher la vérité, Cora aurait préféré ne rien lui dire ou laisser quelqu'un d'autre lui apprendre ces détails mais ce n'était pas le cas ...

Durant toute la campagne, elle avait refusé la protection suggérée par Graham et ses conseillers et même l'agression de Spencer n'y avait rien changé. Non ... Il y avait autre chose qu'elle ne pouvait visiblement pas lui dire. Pour quoi ? Qui pouvait l'en empêcher ? Ou bien était-ce pour la ... Protéger ?

- Maman ? se surprit-elle à demander.

Le terme alluma quelque chose au fond des perles sombres qui la couvèrent d'un regard empli d'avertissement.

- Regarde-moi et dis-moi que ce n'est pas ce à quoi je pense, gronda-t-elle.

- Ce n'est pas moi, sembla se défendre l'autre. Je n'étais au courant de rien.

C'était tous les aveux dont elle avait besoin. Bien qu'elle soit prête à tout pour gagner, sa mère n'était pas du genre à mettre en danger la vie de sa fille. Ou du moins, elle en doutait ... Mais c'était tout à fait le genre de quelqu'un d'autre. Quelqu'un comme Gold. Pour elle ne savait quelle raison, ce malade mental s'était mis en tête de l'aider à gagner les élections. Mais la débarrasser de Spencer n'avait pas suffit. Pour couvrir ses arrières et s'assurer qu'elle soit au dessus des soupçons, il avait apparemment jugé bon de lui faire subir de le même sort.

Les conclusions auxquelles elle était arrivée lui firent malencontreusement serrer le poing sur les mèches blondes, réveillant la jeune femme qui était miraculeusement restée assoupie jusque là.

- Gina !

Elle dut étouffer un gémissement de douleur lorsque la plus jeune se jeta sur elle, manquant d'arracher une perfusion. Cora sembla brièvement hésiter à lui venir en aide mais les larmes de la jeune femme l'arrêtèrent, figée dans sa tentative comme choquée par le témoignage sentimental.

- Emma, je vais bien ...

Les paroles qu'elle avait voulues rassurantes n'eurent aucun effet, parvenant à peine à attirer le regard brouillé vers le sien. L'inquiétude qu'elle put y lire lui serra l'estomac mais les trois mots qu'elle avait égoïstement espéré entendre ne vinrent pas. De toute manière elle n'était pas sûre de vouloir entendre Emma lui avouer ses sentiments devant sa mère.

- Chérie, je vais appeler un médecin, intervint d'ailleurs cette dernière comme pour profiter de l'occasion de pouvoir s'échapper.

Ce ne fut pas le cas de la blonde qui refusa de sortir de la salle lorsque le chef de service en personne vint l'informer de son état. Commotion cérébrale. Trois côtes fêlées. Une cheville tordue. Dix sept points de sutures répartis un peu partout sur son corps et jusque dans son cou où des morceaux de verres avaient réussi à s'infiltrer.

En somme, elle s'en sortait très bien. Elle se serait contentée de masquer ses bleus mais Cora y avait vu avant elle une opportunité de plus de propulser les sondages vers le haut et Regina avait même du consentir à porter un bras en écharpe lorsqu'elle était sortie de l'hôpital le lendemain.

Malgré son air fatigué, le maquillage avait joué son rôle et même si elle avait longtemps regardé d'un œil critique les extraits de la brève interview qu'elle avait donné sur les marches de l'hôpital et les photos qui en avaient fait la une de plusieurs journaux, elle devait avouer que l'opération de com était un succès. Elle ressemblait à sa mère là. Quelque chose dans son regard déterminé en dépit des embuches qui se présentaient. La fatigue lui rappelait un peu celle que portait Cora en permanence comme un rappel de toute son expérience. Sur elle, les bleus et les points de suture remplaçaient les rares rides mais il n'était pas difficile de voir la ressemblance.

D'ailleurs, elle avait été reprise par les médias. Mais si le personnage de Cora Mills faisait peur, sa fille inspirait autre chose encore. Surtout avec une Emma Swan à ses côtés. Apparemment, elle avait réussi à émouvoir l'opinion publique même si elle avait refusé de pleurer à l'enterrement de Spencer. Quelque jours plus tard, elle avait reporté toute sa haine sur les hommes que Gold avait sans doute lâché en pâture à la justice et le discours qu'elle avait prononcé devant l'hôtel de police central avait parachevé l'ascension de sa campagne.

Gold allait être un problème mais les élections, elles, ne semblaient plus en poser aucun.

##

La semaine qui avait précédé les votes avait été calme. Presque trop. Comparée à l'effervescence des derniers temps, Regina avait été surprise de pouvoir accorder un peu d'attention à sa société. Rien de spectaculaire pour l'instant. Hors de question de gâcher la campagne en rappelant aux électeurs le monstre qu'elle devenait en affaires.

Le répit avait été l'occasion de retrouver sa "vie d'avant" comme l'appelait Emma et partager son temps entre son bureau et la jeune femme sans craindre de chambouler l'agenda ministériel qu'élaboraient ses collaborateurs pour elle.

- Ça m'étonne que tu les laisses te diriger comme ça, remarqua d'ailleurs la blonde avec qui elle dinait ce soir là.

- Diriger ? répéta-t-elle lentement.

Le restaurant qu'elle avait choisi avait beau trier sa clientèle sur le volet, leur couple n'était pas passé inaperçu et elle eut un sourire en remarquant qu'Emma faisait l'effort d'observer les tables adjacentes avant d'élaborer.

- Je ne sais pas ... Quand je t'ai rencontrée, j'avais l'impression que tu faisais ce que tu voulais ... Maintenant, tu as tout un tas de personnes qui planchent sur ton agenda ... C'est même pas toi qui as fait cette réservation.

- C'est moi qui ai demandé à ce qu'on la fasse, tint-elle à préciser.

Mais Emma avait raison. Elle ne supporterait pas bien longtemps ce mode de vie et le fait qu'elle le soulève lui rappela que malgré la jeunesse de leur relation, la blonde l'avait très bien cernée.

- Ça ne durera pas, assura-t-elle.

D'abord parce que ce n'était pas comme ça qu'elle était habituée à vivre et qu'il était hors de question que le nouveau poste qu'elle briguait puisse y changer quoi que ce soit. Et puis parce qu'elle avait très bien conscience que ce trait de sa personnalité plaisait à Emma. Alors hors de question de laisser quiconque tenter d'y changer quelque chose.

- Dois-je vraiment te rappeler que je ne suis pas ce genre de personne ? railla-t-elle d'une voix basse qui fit sourire son interlocutrice.

- Oh je crois me rappeler que ce n'est pas toujours le cas.

La réplique serra quelque chose dans son estomac, le souvenir de quelques soirs où elle avait offert le contrôle à son amante, presque surprise d'autant apprécier ses initiatives. Même s'il fallait ensuite subir ce genre de remarques.

- Finis ton dessert, tu as visiblement besoin qu'on te remette les points sur les i.

- Et tu vas faire quoi ?

Elle se serait fait un plaisir de lui expliquer ce qui allait lui arriver dès qu'elles seraient à l'abri de la Bentley qui les attendait dans le parking mais un regard qu'elle croisa la fit frissonner pour une toute autre raison que le désir qu'elle avait senti s'emparer d'elle.

Sa réaction immédiate ne passa pas inaperçue auprès de la blonde qui se raidit d'instinct elle aussi avant de se tourner pour découvrir qui avait capté son attention. Tout sourire aux lèvres, Robert Gold avançait vers leur table avec l'air d'avoir préparé une tirade.

- Gold !

Elle aussi s'était préparée au face à face inéluctable et elle prit un malin plaisir de le devancer dans le duel qui s'annonçait.

- Je me demandais quand est-ce que vous viendrez réclamer votre dû.

- Mon dû ? feignit-il de ne pas comprendre. Quel dû très chère ? Je n'ai fait que rendre un service à une amie.

Un instant elle ne répondit pas, figée nerveusement alors que l'homme s'invitait à leur table. La main fraiche d'Emma qui avait volé sur la sienne la ramena à la réalité. Elle n'était pas certaine que le geste soit là pour la rassurer et la savoir inquiète enflamma quelque chose dans le creux de son estomac.

- J'avais entendu des choses, Gold. Sur vos affaires mais je dois avouer que j'ignorais ...

- Qu'il y avait un plus gros requin que vous dans l'océan ? la coupa-t-il.

A sa grande surprise, ce fut au tour de la blonde de faire semblant d'étouffer un petit rire. L'exclamation attira l'attention de l'homme d'affaires et elle allait tout faire pour l'en faire dévier quand son amante prit la parole.

- Je crois que vous vous méprenez, Monsieur. Si vous vous prenez pour un requin alors Regina se fera un plaisir de sortir son plus beau harpon pour vous rappeler qui elle est. Vos services n'ont jamais été réclamés et si vous pensez tenir un moyen de pression, il sera aussi efficace que tout ce qu'a pu me raconter Belle ces dernières années.

Son cœur battait la chamade lorsque la plus jeune s'arrêta de parler et elle était certaine qu'elle n'était pas la seule dans le bateau. La main qu'elle tenait encore était figée dans la sienne malgré la fausse assurance qu'Emma s'efforçait d'afficher.

- Regina ...

Gold, quant à lui, était aussi facile à lire qu'une livre ouvert et le ton qu'il employa la fit se redresser sur sa chaise. Belle French, était sa seule faiblesse et la blonde avait visé en plein cœur. Inutile de feindre l'agacement comme il était en train de le faire. Regina était prête à parier qu'il était sur le point d'écarter les propos de la jeune femme comme s'il s'était agi d'inepties.

- Robert, je crois que ma compagne vous a tout dit. Si vous avez des questions urgentes, contactez-moi pendant mes heures de travail. Vous devez savoir qu'avec nos types d'emploi du temps, nous chérissons la moindre minute de liberté et j'avais espéré passer une soirée loin de ce genre d'inconvénients ...

Plus jeune, elle aurait peut-être eu peur de la lueur qui brilla dans les yeux de son interlocuteur. Ce n'était qu'une bataille de gagnée et la bête qu'elle repoussait sans égard pouvait la mordre à tout instant. Elle le savait. Et pourtant, grisée par elle ne savait quoi, la brune ne put s'empêcher de lui adresser un sourire en coin.

Pour l'instant, c'était elle qui dominait la partie.

##

Dix-huit heures quarante-cinq. Elle avait gagné. Les résultats ne seraient rendus publics que dans quelques minutes mais le coup de fil qu'elle venait de recevoir était formel. Dix-huit pourcents de plus en sa faveur. Ce n'était pas la victoire écrasante annoncée mais quand même. Elle avait gagné.

Dans la pièce attenante le brouhahas était à son comble mais elle avait préféré attendre les résultats seule. Même si cela voulait dire s'éloigner d'Emma pour quelques instants. L'ancien Maire l'avait faite entrer dans la pièce une heure plus tôt. Lui aussi avait semblé sûr de sa victoire, comme s'il savait quelque chose qu'elle ignorait. Elle avait du supporter un des discours grandiloquents qu'il servait aussi à ses citoyens avant de le voir avec surprise lui tendre une enveloppe.

Une enveloppe qu'elle ne devrait ouvrir que lorsqu'elle aurait appris les résultats des scrutins.

- Regina ?

La voix étouffée de sa mère lui parvint à peine au travers de l'épaisse porte en bois mais elle n'eut pas le temps de lui interdire l'accès à la pièce. Cora y entrait déjà, vêtue d'un tailleur pantalon noir. Heureusement qu'elle avait écouté Emma et choisi une robe pour l'évènement tellement la ressemblance dans leur style était frappante.

- Je ne t'ai pas dit d'entrer.

- Ce n'est pas encore ton bureau.

A ça, elle ne répondit pas mais il lui sembla qu'elle n'était pas la seule à savoir que c'était faux. Elle n'avait pas bougé pourtant, toujours assise là où elle s'était installée quand elle avait encore été en train de parler à l'ancien Maire.

- Tu ne veux pas être là bas quand les résultats seront affichés ?

- Plus tard.

- Ta petite amie va être triste.

- Ne l'appelle pas comme ça.

- Comment alors ? Tu n'as pas encore acheté de bague à ce que je sache ?

- Assez.

Il devait y avoir quelque chose dans son ton qui assombrit la plus âgée. Suffisamment pour qu'elle se rapproche encore. Regina l'observa faire le tour du bureau, une main aux ongles soignés courant sur le bois trop clair qui ne lui plaisait pas. Le mobilier serait changé dès demain. Sidney avait déjà tout prévu.

- Qu'est-ce qu'il se passe Regina ? Qu'est-ce que c'est encore que cette enveloppe ?

- Je ne sais pas, répondit-elle sans tenter de cacher l'objet qui était resté en pleine vue.

Cora eut la décence de ne pas l'ouvrir mais elle en brûlait d'envie. Les perles sombres si semblables aux siennes semblaient presque l'implorer de le faire.

- Certainement des secrets d'État, se moqua-t-elle à moitié.

Un sourcil haussé lui confirma que sa mère y croyait autant qu'elle mais l'intéressée la surprit en changeant à nouveau de sujet.

- Dis moi pourquoi tu n'as pas l'air heureuse ma fille.

La question la fit sortir de sa torpeur. Il était vrai qu'elle n'avait pas pris le soin de porter un quelconque masque mais elle ne s'était pas attendue à ce qu'on ose le soulever. Cora l'avait pourtant fait, profitant de son étonnement pour s'installer dans le fauteuil qui lui revenait de droit. Un instant, elle ne put s'empêcher de remarquer que la place lui allait à merveille.

- Dis moi que je ne suis pas là pour réaliser un de tes rêves.

- La mairie de New York, Regina ? Tu me déçois ... La Présidence peut-être mais ...

- Mère ...

- Non. Je te rappelle que tu as du me convaincre de soutenir ta campagne. Je ne voulais pas que tu te mêles à ces gens mais tu avais le cœur brisé et il te fallait une occupation.

- Pourquoi est-ce que tu ne m'as pas interdit de le faire ?

- Ça fait bien longtemps que tu n'obéis plus à mes ordres Regina ...

Le bref souvenir d'une dispute de jeunesse faillit la faire sourire. Sa mère avait raison. Aucune chance de la convaincre dans l'état où le silence de sa jeune amante l'avait mise à l'époque où elle avait décidé de briguer la mairie sur un coup de tête.

- Quel cadeau empoisonné ...

La réflexion qui n'avait rien à faire là la fit relever les yeux vers sa mère. L'intéressée avait profité de son moment d'intention pour s'emparer de l'enveloppe qui trônait sur son bureau. Les yeux sombres en parcouraient déjà le contenu et Regina resta pendue à la moindre expression sur le visage familier. Elle ne savait pas si elle était prête à affronter un énième scandale aujourd'hui.

La gorge nouée, elle attendit quelques secondes encore en un silence tendu tandis que l'autre feuilletait les documents qui lui avaient été transmis.

- Eh bien ...

- Eh bien ? répéta-t-elle.

- Tu te rappelles de ce que l'on disait de toi ? Que toute la ville marchait à ta baguette ? Que la police et la Mairie se pliaient à tes quatre volontés ?

- Et ?

- Eh bien je crois qu'ils ne le faisaient tous uniquement parce que ça arrangeait bien quelqu'un d'autre ...

Un seul nom lui venait à l'esprit. Évident. L'identité de l'homme qu'elle aurait espéré ne plus jamais devoir croiser était pourtant là, partout sur les documents dont elle s'empara soudain avec une hâte qu'elle n'avait pas eu l'instant d'avant.

Gold. Robert Gold était partout. Dans les petites affaires du conseil municipal. Dans les subventions obtenues. Dans les secrets à ne pas dévoiler sur le personnel et les comptes en banque illégaux. Dans les murs et le sol de cette ville. Elle avait cru connaître New York, en avoir acheté la plupart des entreprises et si Gold ne les détenait pas officiellement, c'était pire. Les petits services rendus à droite et à gauche pour lesquels il était connu, n'étaient pas de petits services.

- Est-ce que tu savais ça ? Tu m'as dit que tu le connaissais ... Est-ce que t...

- Pas à ce point Regina. Je n...

Ce qu'elle s'était apprêtée à dire fut interrompu par un tonnerre d'applaudissement de l'autre côté de la porte. Dix-neuf heures. L'ensemble de son équipe et ses plus proches soutiens fêtaient ce qu'elle avait appris avant eux.

- Félicitations ma chérie.

- Pour quoi ? Gagner une ville qui ne m'appartiendra pas ?

A quoi bon régner sur un empire qu'un autre pouvait renverser d'un revers de la main si quelque chose ne lui plaisait pas ? Toute la ville devait avoir un service à rendre à ce traitre et pire que tout ... Elle, en avait désormais un à lui rendre.

Le grondement qui lui échappa couvrit presque les trois coups frappés à la porte du bureau avant qu'une silhouette bien connue ne fasse son apparition dans l'entrebâillement. Les yeux clairs trouvèrent immédiatement les siens, emplis d'une joie qui la contamina malgré elle. Son cœur eut une ratée. Bon sang qu'elle l'aimait ...

- Je vais faire patienter la foule, ne prenez pas trop de temps, entendit-elle vaguement sa mère lui conseiller en repassant devant elle avec une main sur son épaule.

Regina ne prit pas la peine de répondre, accrochée aux yeux qui la dévoraient d'une fierté euphorique.

- Félicitations, Madame le Maire.

C'était la première fois que la blonde utilisait ce titre et il parvint à lui nouer le ventre. Elle l'avait voulu. Et ce n'était pas pour se le voir arraché par ce moins que rien de Gold, décida-t-elle. Il n'était qu'un adversaire de plus sur sa liste. On lui devait des services ? Elle ferait en sorte qu'on lui en doive, à elle, de bien plus gros. Spencer avait beau eu clamer haut et fort que le monde des affaires n'avait rien à voir avec celui de la politique, elle prouverait à tous que son expérience suffirait pour asservir toute la ville.

- Viens ici.

A présent que son amante approchait, elle était déçue de ne pas avoir pris la place qui lui revenait de droit, derrière ce bureau qu'elle venait de gagner, mais au moins le chemin à faire jusqu'à elle fut plus court. Et la satisfaction de voir la plus jeune s'agenouiller devant elle, la même.

- Tu le savais, n'est-ce pas ?

- J'ai reçu un coup de fil, oui.

Son manque d'enthousiasme fit froncer les sourcils de la blonde mais elle refusa de répondre à son inquiétude. A la place, elle préféra se noyer à nouveau dans l'océan des perles qui la dévisageaient avec attention. Comme souvent, la jeune femme n'avait pas daigné enfiler une robe, préférant un pantalon d'un vert aussi sombre que celui de sa propre tenue et un chemisier près du corps qui lui donnait sans cesse envie de passer sa main sur le ventre plat et musclé qui l'attendait dessous.

- Je n'ai pas envie de sortir de ce bureau, avoua-t-elle à celle qui s'était rapprochée encore pour entourer de ses doigts l'une de ses chevilles et inspecter un des escarpins qu'elle portait.

- Ah bon ?

- Non, continua-t-elle avec un frisson lorsque les doigts frais remontèrent le long de sa jambe et jusqu'à la bordure de sa robe. Il n'y a qu'une seule personne avec qui j'ai envie de partager ça.

- Moi ? fit semblant de s'étonner la blonde en continuant son exploration.

Regina l'observa de longues secondes encore, laissant les lèvres rejoindre ses doigts en des baisers qui l'enflammèrent à une vitesse alarmante.

- Emma ... prévint-elle tout de même lorsqu'une langue brûlante toucha un point à l'intérieur de sa cuisse.

- Oui ?

- Tu as entendu ma mère. On a pas le temps d...

- Suffisamment.

Elle aurait voulu trouver le courage de la réprimander pour l'occasion encore trouvée de la couper mais Emma s'était déjà chargée de remonter ce qu'il restait de sa robe pour accéder au sous-vêtement qu'elle portait. La langue qu'elle sentit effleurer le tissu lui fit oublier ce qu'elle s'était apprêtée à dire. Elle avait envie de la sentir en elle. Tout de suite.

Son changement d'avis dut se faire sentir, son amante en profitant pour anéantir l'espace qui était resté entre elles et écarter le satin qui l'avait gênée pour trouver d'un coup de langue la petite boule de nerf qu'elle emprisonna entre ses lèvres.

Elle retint de justesse le gémissement que le plaisir soudain provoqua, les mains crispées sur les accoudoirs du fauteuil où elle était clouée par peur d'abîmer la coiffure de la plus jeune.

- Emma ...

Le prénom qui lui avait échappé en un murmure urgent fit bondir l'intéressée dont les mains remontèrent le long de ses cuisses presque douloureusement pour atteindre ses fesses et la plaquer un peu plus contre sa bouche. Emma savait très bien ce qu'elle faisait. Le plaisir était presque trop violent, du genre à la faire jouir et la laisser sur sa faim toute une soirée. Exactement ce qu'elle devait viser.

Pourtant, la brune accepta momentanément son sort, étouffant un cri lorsqu'une main la quitta pour accélérer le processus et se précipiter entre ses jambes. Trempée, il suffit de quelques vas-et-viens pour la faire se crisper un peu plus qu'elle ne l'était déjà, à bout de souffle et le regard noir quand les perles claires se levèrent vers elle.

- Debout, exigea-t-elle.

Si Emma avait tenté de lui changer les idées, c'était réussi. À présent, elle avait encore moins envie de rejoindre l'autre salle et tous ces gens avec qui il faudrait échanger des politesse avant de pouvoir jeter son amante sur un vrai lit.

Sa frustration devait être évidente, l'autre ne cherchant même pas à lui résister lorsqu'elle se releva, poussée sans ménagement contre le bureau de l'ancien Maire.

- Baisse ton pantalon, continua-t-elle en se levant à son tour sur des jambes encore tremblantes.

En silence, elle observa la blonde lui obéir avec un air effronté et un haussement de sourcil lorsqu'elle eut fini de s'exécuter. Regina eut une grimace lorsqu'elle essuya sa bouche sur la manche de son chemisier.

- Tu manques cruellement de bonnes manières chérie, lui fit-elle d'ailleurs remarquer.

Appuyée comme ça sur la table en chêne avec ses airs de rebelle, elle lui donnait envie de lui dispenser une leçon dont elle se souviendrait un bon moment. À la place, la brune choisit de prendre le temps de rajuster sa robe et lisser les plis qu'elle avait failli prendre avant de s'avancer jusqu'à toucher sa compagne.

- Qu'est-ce que vous allez faire Madame le Maire ? Me faire arrêter ?

Le scénario eut l'air d'arracher un sourire à la jeune femme mais Regina n'avait pas l'intention de rentrer dans son jeu.

- Tu sais que cette porte n'est pas fermée, n'est-ce pas ? s'assura-t-elle en se rapprochant.

Un léger signe de tête lui confirma qu'elle avait été au courant et Regina n'attendit pas plus longtemps avant de plonger sur sa cible. C'était son tour d'écarter les cuisses de celle qu'elle força à monter sur le bureau, se faufilant entre ses cuisses pour la faire tomber à la renverse sur le bois laqué.

- Je vais te faire jouir dans toutes les pièces de cette foutue mairie, Emma, lui assura-t-elle avec un coup de hanches qui fit se cambrer sa victime.

- Pourquoi est-ce que tu commences pas tout de suite ?

Les yeux sombres admirèrent encore quelques secondes le visage qui la narguait. Impossible de lui en vouloir. Ni de lui résister. Allongée presque sans égard pour les documents qui étaient restés là, Regina la trouvait irrésistible. Et elle avait beau savoir que c'était elle qui cédait aux envies de la blonde, rien n'égalait le sentiment de puissance quasi absolue qu'elle éprouva en déchirant le morceau de tissu qui l'avait séparée de son amante.

Contrairement à elle, Emma n'essaya même pas d'étouffer le cri que lui arrachèrent ses doigts. De toute façon il y avait peu de chance que qui que ce soit les entende. Et il y avait bien longtemps que Regina lui avait fait comprendre qu'elle refusait qu'elle se taise. Le moindre gémissement était à elle, ses cris le plus beau salaire qu'elle n'ait jamais touché.

- Tu peux crier, lui assura-t-elle d'ailleurs, penchée au dessus du corps déjà trop tendu pour durer plus de quelques minutes. Personne ne t'entendra à part moi.

- R... Regina, j'ai ... J'ai besoin ...

- Tu l'auras.

Sous elle, le corps fit un bond, Emma se rapprochant d'elle pour accrocher un bras autour de son cou. Tant pis pour sa robe décida-t-elle en acceptant la proximité et la jambe qui s'enroula autour d'elle quand la blonde réussit à se débarrasser de son pantalon.

- Ce soir mon amour. Je te promets que tu vas me supplier d'arrêter.

- Jamais.

- Emma je vais passer toute la soirée à imaginer ce que je vais te faire alors je t'assure ... Tu vas me supplier.

Comme ça, elle pouvait sentir à quel point le corps de son amante répondait à sa voix. Son grondement avait crispé tous ses muscles et les doigts qu'elle avait recourbés en elle eurent presque du mal à continuer leurs vas-et-viens.

- Gina ...

- Plus fort, exigea-t-elle.

L'ordre lui fut pourtant refusé, Emma serrant les dents pour s'empêcher de crier même lorsqu'elle ajouta la force de ses reins à celle de ses doigts. Et elle la connaissait déjà trop bien pour rater les signes avant-coureurs de l'orgasme qui la faisait déjà se tordre sous elle.

- Non ! fut-elle ravie de l'entendre protester lorsqu'elle s'immobilisa.

- Plus fort, j'ai dit, répéta-t-elle donc en guise d'ultime avertissement.

Cette fois, à en croire les larmes qui brillaient dans les yeux clairs, la jeune femme avait l'air d'avoir compris le message. Aussi, ne perdit-elle pas une seconde de plus pour reprendre ce qu'elle avait arrêté, ses doigts cherchant et trouvant le point qui fit se tendre d'avantage les bras noués autour de son cou.

Ce fut elle pourtant qui en frissonna lorsque son prénom échappa à la blonde, près de son oreille et assez fort pour que quelqu'un les entende depuis l'autre pièce s'il avait écouté. Des lèvres lascives trouvèrent les siennes pour un baiser dont elle eut du mal à se détacher. S'éloigner c'était presque s'arracher à une part d'elle même et pourtant, la brune dut s'y résoudre pour aller ouvrir la fenêtre du bureau et s'offrir une bouffée d'air bien nécessaire.

Les yeux sombres parcoururent la ville éclairée à la lumière des lampadaires. Dans ce bâtiment de deux étages, elle se sentait bien moins à l'aise qu'en haut de la tour où brillait son nom de famille. Mais ici au moins elle pouvait sentir le vent frais ébouriffer les mèches courtes et effacer la chaleur du désir qui l'habitait encore.

- Tu admires ton portefeuille ? sembla se moquer celle qui était venue se poster à ses côtés.

- Gold tient toute la ville, répondit-elle avec honnêteté, sincère à sa promesse.

Pas besoin de se tourner vers elle pour deviner sa panique mais étrangement, toute l'appréhension qu'elle avait éprouvée en présence de sa mère s'était évaporée. Peut être était-ce la façon dont Emma la regardait toujours avec une adoration impressionnée, mais lorsqu'elle était à ses côtés, elle se sentait plus que jamais capable de l'impossible.

- Ce n'est pas grave mon amour, la rassura-t-elle donc. Je l'écraserai.

Elle entendit presque le sourire que son assurance provoqua, inspirant l'air un peu trop frais à présent et laissant la blonde rajuster une mèche de cheveux derrière son oreille. Des doigts délicats effleurèrent la cicatrice laissée là par quelques points de suture. Cora avait voulu qu'elle la fasse disparaître mais Regina aimait le rappel qu'elle lui offrait chaque matin dans sa glace. Un de plus ...

- On t'a déjà dit que tu étais sublime quand tu prenais tes airs de Méchante Reine ?

Le surnom la fit étouffer un rire derrière ses dents. C'était Graham qui l'avait trouvé des années auparavant et il la suivait encore ... Emma en usait et abusait depuis qu'elle avait appris que ce "Majesté" qu'elle avait entendu le soir de leur rencontre en était une allusion.

- Oui, mentit-elle avec une arrogance exagérée qui fit pouffer la jeune femme.

- Je t'aime.

- P... Pardon ? bafouilla-t-elle presque parce qu'elle n'était pas sûre d'avoir compris ce que la blonde venait enfin de lui dire.

Mais les yeux clairs brillaient de mille et unes malices lorsqu'elle se retourna enfin vers elle, l'intéressée volontairement interdite.

- Tu ...

De toutes les façons dont elle l'avait imaginé lui avouer ses sentiments, ce n'était certainement pas le moment auquel elle avait pu penser. Mais voilà, Emma avait une fois de plus décidé de la surprendre.

- Emma ...

- Allez, tu devrais fermer cette fenêtre avant d'attraper froid et rejoindre tout le monde.

L'évitement sans équivoque la fit hausser un sourcil désabusé. Elle n'avait que faire de la foule massée derrière cette porte.

- Ce soir, se ravisa la plus jeune comme si elle avait compris son erreur. Si tu arrives à me faire supplier, tu devrais bien arriver à me le faire redire ...

Cette fois, l'insolence lui arracha un petit rire. Parfois, elle avait envie de lui rappeler qu'elle ne devait pas avoir conscience qu'elle ne faisait pas le poids face à elle. Et parfois, elle s'étonnait elle-même de tout le pouvoir qu'elle lui avait laissé prendre sur elle.

Le clin d'œil auquel elle eut le droit tordit quelque chose dans son ventre mais avant qu'elle ait eu le temps de répliquer, l'autre s'éloignait déjà en rajustant son chemisier. Elle eut un sourire en apercevant les restes d'un sous vêtement abandonné sur le meuble où elle l'avait allongé quelques minutes plus tôt.

Et dire qu'elle allait devoir s'en séparer quelques mois pour cette sombre histoire de stage ... Sa meilleure amie lui avait trouvé un poste de Shérif adjoint dans son village de naissance, un patelin perdu dans le Maine dont le nom ne lui disait rien du tout.

- Tu viens ? la rappela à la réalité la voix de celle qui l'attendait devant la porte du bureau.

Regina ne lui répondit pas, fermant la fenêtre où elle s'était postée en silence avant de tourner les talons et rejoindre la blonde dont le regard clair accrocha le sien avec une question qu'elle ne comprit pas tout de suite. De l'autre côté de la porte, une nouvelle histoire l'attendait mais seule celle qu'elle était en train d'écrire avec elle lui importait vraiment.

Le sourire radieux auquel elle eut le droit lorsqu'elle passa un bras autour de la taille de la jeune femme la contamina avec une facilité déconcertante et elle comprit qu'elle avait eu peur qu'elle n'ose pas s'afficher de cette manière avec elle. L'idiote. Elle se languissait de voir sa surprise lorsqu'elle mettrait un genou à terre pour lui demander sa main ...

De sa main disponible, la brune poussa les battants en bois qui les avaient abritées pour découvrir, sans surprise une assemblée enjouée dont tous les regards se tournèrent vers elles.

- Désolée, je suis en retard, lâcha-t-elle avec un sourire en tentant d'ignorer celui de sa compagne.

Dans la salle, les applaudissements qui avaient déjà retentis toute à l'heure l'accueillirent à nouveau. Seule Cora qui se tenait près de l'estrade où elle allait devoir improviser un nouveau discours se contenta de lever une flûte de champagne dans sa direction. Les yeux si semblables aux siens brillaient d'une fierté qu'elle lui avait rarement vue et Regina lui adressa un signe de tête qui sembla ravir la plus âgée.

Elle était prête pour ce nouveau combat.


Oui, vous l'aurez compris, je me suis ouvert un boulevard pour un troisième opus, si jamais ... ;)