Stiles avait tendance à être une éponge. A tout prendre, tout absorber, jusqu'au moment où il décidait que c'en était assez. Ce n'était pas tant le fait que Scott avait refusé de satisfaire sa demande qui lui avait fait se dire qu'il avait dépassé les bornes, c'était… La manière dont il l'avait envoyé balader. Comme s'il n'était rien. Et Stiles refusait de se dire qu'il avait si peu de valeur. Enfin, il n'avait pas réellement confiance en lui et se trouvait naze, mais pas au point de se faire rabaisser de la sorte. Scott lui en avait fait des choses, oui, des choses qu'il lui avait toujours pardonnées. C'était même parfois trop par rapport à ce qu'il lui donnait en retour. C'était tel que Stiles s'était dit au départ qu'il n'avait qu'à trouver un autre alpha pour le mordre. Et franchement, après ce que Scott lui avait fait, ce serait de bonne guerre de réapparaître, sa demande exaucée par un autre. Le problème ? Eh bien, c'était tout simplement dangereux et risqué. Déjà, il ne savait pas sur quel type d'alpha il pourrait tomber : celui-ci pourrait lui refuser tout contact avec sa meute et lui imposer des choses qu'il ne désirait pas. Scott avait beau l'avoir traité d'une manière ignoble, il le laissait parler à qui il voulait, y compris des membres d'autres meutes si l'occasion se présentait. Quoiqu'avec la « discussion » qu'ils avaient eue et son absence à la réunion de meute, Stiles imaginait bien Scott commencer à se comporter différemment avec lui. Et c'était là qu'il devrait se montrer inflexible – il en avait en tout cas la ferme intention et sa rancune allait l'aider à garder le cap.
La colère avait ses bons côtés.
Stiles roula sur le parking du lycée et chercha la place la plus proche de la sortie. Sait-on jamais, il pourrait partir plus rapidement ainsi si besoin. Tout dépendrait de la manière dont Scott se comporterait avec lui. L'hyperactif imagina plusieurs scénarios, histoire de se préparer à les contrer. Qu'importe ce que son meilleur ami dirait, il ne se laisserait pas faire tant qu'il ne se serait pas excusé. Ensuite, peut-être qu'il redeviendrait mou, une fois la colère évanouie. Cependant, au vu de son étendue, elle n'était pas prête à s'éteindre de sitôt. Cette fois, Scott avait vraiment merdé en lui parlant de la sorte. En tout cas, Stiles était vacciné : ce n'était pas de sitôt qu'il redemanderait quoi que ce soit à Scott. Ou du moins, quelque chose d'aussi important pour lui.
Quelque chose qui lui serrait le cœur avec une puissance inimaginable.
Disons aussi que Stiles n'avait pas apprécié se faire ainsi envoyer balader alors… Qu'il avait eu du mal à se lancer. Qu'il avait enfin osé avouer cette envie, ce besoin. Cette chose qu'il gardait secrète depuis un moment déjà. Bordel, il ne devrait même pas avoir honte de se dire qu'il voulait devenir un loup-garou. Le pire, c'est qu'une partie de lui se disait qu'il aurait dû se taire… Alors que ce n'était pas son genre. Sauf lorsqu'il s'agissait de cacher son mal-être. Dans ce genre de cas, fermer la bouche n'était pas une option.
Quoique cette fois-ci serait peut-être une exception. Tout dépendrait de l'attitude de Scott à son égard. En fait, Stiles avait, pour une fois, envie de ne pas faire comme d'habitude. De lui envoyer tout son mal-être à la gueule. Pas dans l'espoir qu'il comprenne : plutôt dans celui qu'il se rende compte de ce qu'il lui avait fait et qu'il s'en veuille. Stiles n'était pas de nature méchante et détestait le fait que son entourage puisse se sentir coupable de quelque chose le concernant, mais… On ne lui avait jamais fait un coup pareil et Scott… Il lui pardonnait toujours tout trop facilement. Pas cette fois, cependant. C'était d'ailleurs dans ce genre de moments que Stiles regrettait bon nombre de choses, dont celle d'être toujours la bonne poire du groupe. D'être celui qui se démenait toujours pour aider tout le monde et surtout lui, son meilleur ami, son alpha, son frère de cœur.
- Qu'il aille se faire enculer, marmonna Stiles en manœuvrant pour se garer.
S'il fallait se montrer sec et froid pour se faire respecter, c'était sans doute ce qu'il allait faire. Scott avait besoin qu'on lui remette les pendules à l'heure et Stiles avait l'impression que ce moment était arrivé. Et il risquait de s'en donner à cœur joie.
Un instant plus tard, il avait verrouillé sa Jeep et se dirigeait vers l'enceinte du lycée. Ensuite, il prit le chemin de sa salle d'histoire. Il y croiserait Scott à coup sûr puisque le latino était rarement absent. Il avait souvent la flemme, mais sa mère, la terrifiante mais douce Melissa McCall, veillait toujours au grain. Fricoter avec Malia – et le surnaturel en général – ne devait pas avoir d'impact négatif sur sa scolarité. Autrement, alpha ou pas, privé de sortie. Et Scott, trop con qu'il était, ne savait pas braver l'interdit correctement, tromper la vigilance parentale. Les seules fois où il avait réussi, c'était grâce à Stiles. Toujours grâce à Stiles. Ce dernier serra la mâchoire, continua d'avancer.
Evidemment, le regard de Scott fut le premier qu'il croisa. S'efforçant de ne pas montrer grand-chose, Stiles décida, à la place, de sourire légèrement à Lydia et Isaac pour les saluer. Il fit même l'effort de saluer Whittemore de la tête. N'était-il pas adorable ? Non, bien sûr qu'il ne l'était pas. Cependant, il essayait de garder la face. D'ignorer Scott. De faire comme si ce connard n'existait pas. Et alors qu'il passait devant lui pour rejoindre Lydia à qui il allait demander quelque chose, Stiles fut arrêté de force par une poigne ferme. Forte. Un peu trop. Un frisson plus que désagréable le parcourut… Et il se dégagea brusquement. Cette manière dont Scott l'avait attrapé… Il ne l'aimait pas.
- Tu n'es pas venu à la réunion d'hier.
Si des mines surprises s'affichèrent sur les visages de la bande suite au ton de Scott, c'est tout d'abord le choc qui se peignit sur celui de Stiles… Avant que la colère ne la recouvre instantanément. Il choisit d'ailleurs de ne pas lui répondre et d'aller se poster à côté de Lydia. Il appréciait beaucoup sa présence calme et apaisante… D'avantage encore dans le cas où elle ne se tenait pas près de Scott. Même s'il n'allait demander à aucun de ses amis de le défendre, Stiles avait besoin de se sentir entouré. Un peu. Juste un tout petit peu. Suffisamment pour garder sa colère intacte, afin qu'elle lui donne la force de garder la face. Parce que derrière elle, la douleur de l'abandon lui cisaillait le cœur : en le traitant comme il l'avait fait la veille, Scott l'avait tout simplement abandonné – dans un sens, du moins.
- Tu n'es pas venu, Stiles.
Alors il insistait, hein ? L'agacement reprit la place qui lui était due. Pas même un bonjour, pas même une forme de comédie. Scott l'attaquait directement en lui faisant un reproche.
- A qui la faute ? Rétorqua l'hyperactif d'un ton cassant, en croisant les bras sur son torse.
Stiles n'avait aucune honte à dire que Scott était bel et bien la raison de son absence. Non, il n'avait aucune honte à être honnête. L'alpha semblait, contrairement à lui, gêné du tournant que prenait ce début de conversation. Fallait pas me lancer, songea Stiles en lui lançant un regard glacial. Scott détourna les yeux.
- Arrête de faire ton gamin, finit-il par lâcher.
Stiles accusa le coup, avant de rire. Oui, il riait jaune. Était-il en train de se foutre de lui ?
- Bien sûr, railla-t-il ensuite, comme si c'était ma faute.
- Stiles, on ne peut pas avoir tout ce qu'on veut dans la vie.
Scott utilisait un ton sec et moralisateur, se plaçant ainsi comme la raison, dans cette situation. Mais Stiles ne comptait pas le laisser faire. Etaler son linge sale devant ses amis était quelque chose qu'il détestait faire, mais, hé… N'était-ce pas Scott qui avait lancé les hostilités ?
- Le problème c'est pas ce que je voulais. C'est la manière dont tu m'as traité, la manière dont tu m'as parlé. T'es un alpha, Scott. Tu veux qu'on te traite avec respect ? Commence par faire de même.
Même si dire ce qu'il ressentait et lâcher son sel lui faisait du bien, Stiles apprécierait réellement que le professeur arrive. Remettre les pendules de Scott à l'heure était une chose : s'isoler de lui pour son propre bien en était une autre. Il avait réellement besoin de ne plus le voir.
Puis sentir les regards de Lydia, Isaac et Jackson lui brûler la peau ne l'enchantait pas des masses. Ils ne parlaient pas, mais écoutaient chacun de leurs mots.
Etonnamment, Scott garda le silence, ne lui fit pas payer son assurance. Sa seule action ? Lui lancer un regard aussi noir que la nuit. Regard que Stiles soutint – le sien lançait des éclairs. Non, cette fois, il ne se laisserait pas faire.
Enfin, le professeur arriva, fit rentrer les élèves dans la salle – Stiles fit partit des derniers. Dans son cou, un souffle. Et des mots articulés suffisamment fort pour qu'il les comprenne.
- Reste à ta place.
