Pas de gros gros TW sur ce chapitre, si ce n'est qu'on part sur la suite directe du précédant.


Combien de temps resta-t-il immobile ? Drago n'aurait su le dire. Il était toutefois évident qu'il serait mort étouffé s'il s'était contenté de retenir sa respiration. Au bout de ce qui lui sembla être une éternité, les mains qui lui agrippaient méchamment la tête se détendirent, puis s'éloignèrent avec une caresse légère.

Drago résista au besoin de se dégager rapidement, et prit au contraire tout son temps pour libérer le sexe légèrement ramolli de sa gorge. Il procéda avec douceur, et en tâchant de ne pas y laisser une goutte de de sang, de salive ou de semence. Enfin, parce qu'il savait que ce geste pouvait rendre certains hommes complètement fous, il s'essuya la bouche du pouce, et se nettoya celui-ci d'un coup de langue. Satisfait, il se releva, lissa sa robe, et regagna son fauteuil.

Tout en s'installant, il s'empara de la tasse de thé qui lui avait été destiné. Si par bonheur, il avait été sucré au miel, alors cela apaiserait sa gorge douloureuse. Il avala une gorgée et grimaça. Non seulement son espoir était déçu (C'était évident, il avait pourtant vu les sucres dans la soucoupe), mais le thé avait un goût désagréable, comme s'il avait été trop infusé, et à une température trop élevée. On devinait pourtant certains arômes délicats et raffinés. Drago se demanda si Harry Potter avait préparé ce breuvage lui-même, et s'il était capable d'en apprécier le goût. A cette pensée, il leva les yeux vers ce nouveau directeur qu'il venait de satisfaire.

Potter le fixait avec exaltation, plus essoufflé que Drago ne l'était lui-même, tout en se caressant distraitement l'entrejambe.

Drago avala une nouvelle gorgée de thé en haussant un sourcil au-dessus de sa tasse.

Potter émit une espèce de ricanement fatigué, et détourna les yeux.

« Bon sang, Malfoy, dit-il enfin. Je pense qu'on va pouvoir s'entendre toi et moi.

– Je suis déçu de constater que vous en doutiez, Monsieur le directeur. »

Potter agita la main, de façon dédaigneuse.

« Laisse tomber tous ces vouvoiements et ces Monsieur le Directeur, tu veux ? Je sais ce que tu penses de moi, inutile de jouer les hypocrites. »

Drago haussa les épaules.

« Réponds.

– Comme tu voudras, Potter, soupira Drago.

– Et puisqu'on en est à parler de règles, je n'aime pas trop partager mes jouets. Alors aussi longtemps que notre arrangement tiendra, tu tâcheras de garder les jambes serrées. »

Potter s'imaginait-il que Drago s'insurgerait et réclamerait ses viols quotidiens avec ferveur ? Une nouvelle envie de frapper fit blanchir les doigts du prisonnier, qui reposa doucement sa tasse afin de se donner le temps d'être certain qu'il maîtrisait sa voix avant de répondre :

« Et bien si tu parviens à garder les portes de ma cellule closes, j'imagine qu'on devrait pouvoir y parvenir.

– N'espère aucun traitement de faveur de moi. Et sache que je n'accepterai aucune objection de ta part. Je compte te baiser de toutes les façons possibles, et dans toutes les positions imaginables.

– Comme tu voudras, Potter, répéta Drago avec un nouveau soupir plus profond que le précédent, en espérant ainsi aider à clôturer la conversation.

– Tu t'arrangeras pour… »

Trois coups portés à la porte l'interrompirent. Potter lança un regard de reproche à Drago, comme s'il était responsable du dérangement. Il se leva, rangea son sexe dans le pantalon qu'il referma, puis qu'il dissimula sous les plis amples de sa cape. Après quoi, il se dirigea vers les portes de ses appartements qu'il ouvrit en grand.

« Major Runcorn ! s'exclama-t-il comme s'il s'agissait d'une agréable visite surprise.

– Monsieur le Directeur. Je venais vous prévenir que nous avons reçu les documents qui… »

La voix du Surveillant s'éteignit dans sa gorge. Drago, qui n'avait pas quitté son fauteuil tourna doucement la tête pour l'observer. On lui renvoya un regard inquisiteur.

« Ah, expliqua Potter, j'ai invité Monsieur Malfoy à partager une tasse de thé. Nous discutions du bon vieux temps.

– Je vois, articula Runcorn. Si je peux me permettre un conseil, Monsieur le Directeur, bavardez du passé autant que vous le souhaitez, mais ne croyez pas un mot de ce que vous dira cet individu concernant le présent. »

Encore une fois, l'accusation était injuste. Drago n'avait jamais menti au Surveillant Major. Il n'en avait jamais eu besoin. On pouvait compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où ils s'étaient adressé la parole. Sa lèvre le picota et lui rappela que Runcorn était le premier responsable de cette blessure-là. Le jeune prisonnier retourna à son admiration de la cheminée.

Potter éclata de rire, comme si le Surveillant était un artiste des mots et de l'humour.

« Ah, ah, ah ! N'ayez crainte, Runcorn, je n'ai jamais porté d'intérêt à ce qui sortait de la bouche de Drago Malfoy. »

Peu de chance que le Surveillant puisse remarquer comment Potter avait légèrement appuyé sur le « sortait ». Cette plaisanterie-là s'adressait au prisonnier. Ce dernier hocha légèrement la tête pour montrer qu'il avait compris le sous-entendu, mais n'émit aucun commentaire.

« Bref, reprit Potter, les papiers sont arrivés, vous dîtes ? Allons signer tout ça, qu'on puisse enfin se mettre au boulot ! Inutile de me montrer le chemin. Raccompagnez plutôt Monsieur Malfoy à sa cellule, vous voulez bien ? »

Drago angoissa pendant une demi-seconde avant de reprendre ses esprits. Il savait que Potter le renverrait avec les autres, qu'il n'honorerait pas sa part du marché. Il l'avait prévu. Il était évident que Potter l'observait en ce moment même, à l'affut d'un signe de détresse de sa part, d'une erreur. Drago prit garde à conserver un visage neutre, à ce qu'aucun signe de surprise ou de déception ne transparaisse. A montrer à Potter qu'il l'avait cerné et qu'il était au-dessus de tout ça.

Il se leva, lissa sa robe, et vint sagement rejoindre le pauvre Major Runcorn, dont le grade rendait humiliant le fait de servir d'escorte à un détenu. Celui-ci salua d'un « Monsieur le Directeur », puis fit demi-tour pour accomplir sa mission. Drago le suivit docilement et sans un regard à son violeur.

Quand Drago rejoignit sa cellule, son père eut la délicatesse de l'interroger avant de supposer qu'il avait commis une erreur et de le punir. Drago lui répondit, et un silence se fit parmi les quatre codétenus… Les yeux de Lucius Malfoy s'écarquillèrent d'avidité, et il adressa à son fils un véritable sourire, le premier depuis de longues années. On lui tapa sur l'épaule et on le félicita, et Drago se promit de ne jamais oublier la joie et la fierté qu'il éprouvait à ce moment précis.

Il ne raconta rien sur la cellule individuelle. A quoi bon ? Il expliqua que le Survivant l'avait fait venir dans ses appartements dans le but de l'humilier et de profiter de son corps. Rockwood supposa que le spectacle de la veille, avec Waren, avait probablement réveillé ses plus sombres instincts. Macnair suggéra que Potter était un homosexuel refoulé, ayant enfin l'occasion d'assouvir ses pulsions sans qu'il n'y ait de conséquence. Lucius préféra imaginer que la situation de Drago l'avait ému et touché, et qu'il s'était pris d'affection pour lui, comme il s'était pris d'affection, quelques années plus tôt, pour son Elfe de Maison. A chaque supposition, on demanda son avis à Drago, qui ne contesta rien, confirma les détails, et complimenta les analyses.

A l'avenir, le comportement de Drago devrait être soigneusement adapté et maîtrisé. Pour conserver l'intérêt du Directeur, fallait-il être sexy et désirable ? Faible et lamentable ? Pour renforcer la pitié que pouvait éprouver Potter, Rockwood suggéra de casser un bras à Drago – le gauche, afin ne pas gêner la masturbation – mais Lucius Malfoy refusa. Ce serait une solution de dernier recours, pour attirer de nouveau l'attention si celle-ci venait à faiblir, justifia-t-il. Mais Drago préféra s'imaginer que son regard paniqué avait réveillé les instincts de protection paternels.

Quand Drago expliqua clairement que le Directeur s'était contenté d'une fellation, un nouveau sourire triomphant éclaira le visage de Lucius Malfoy. Celui-ci serra le point en signe de victoire, comme un Attrapeur se saisissant du vif d'or. Il félicita sincèrement son fils de n'avoir pas montré à leur ennemi toute l'étendue de ses capacités. Drago n'osa pas décevoir son père en lui avouant qu'il n'avait guère eu le choix.

Pendant toute la journée, Drago se sentit sur un petit nuage. Il avait enfin l'impression d'avoir fait quelque chose de bien, même s'il avait du mal à savoir quoi en particulier. Son père le garda à sa droite, et Macnair tabassa même un détenu pour l'avoir heurté au réfectoire. L'après-midi, lors du quartier libre, quand les prisonniers du corridor 3 les plus respectés vinrent prendre des nouvelles auprès de Lucius, celui-ci garda le secret, mais assura que de grandes choses allaient se produire, et que la vie pour tous en serait améliorée. Le soir venu, Drago vécut l'extinction des feux sans que personne ne se fût introduit dans son lit.

Peu importait la cellule individuelle, peu importaient les draps de satin, les tables d'acajou, les thés prestigieux… Drago se prit à penser qu'il serait capable d'être heureux, si chaque jour ressemblait à celui-ci : Les sourires de son père et la non-violence lui suffisaient. Les menaces et la brutalité de Potter n'étaient qu'un lointain souvenir. Un minuscule prix à payer pour avoir accès au bonheur. Tout se déroulait comme dans un rêve. Il était donc difficile de comprendre pourquoi une envie irrépressible de pleurer lui gonflait la gorge. Drago s'en voulut de n'être pas capable d'apprécier les choses simples. Il se traita d'enfant capricieux, de fils indigne et de créature dépravée. Il se haït et se répéta qu'il ne méritait rien s'il n'était pas même capable de maîtriser son humeur.

Il se tordit rageusement les doigts, jusqu'à ce que la douleur dans son auriculaire lui fasse oublier tout le reste. Il se demanda s'il était capable de se faire assez mal pour s'évanouir tranquillement et dormir. Il n'y parvint pas, mais éprouva un soulagement féroce à éprouver ses limites.

Il s'endormit, épuisé, le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux.