Diri-Chan - J'avoue que je n'avais eu la curiosité de cliquer sur ton pseudo pour aller voir tes écrits... En effet, sacrée production ! j'ai bien envie de jeter un oeil à tout ça :D

Guest mystérieux : C'est aussi un truc qui me dérange quand les comportement limites sont romantisés et érotisés... Je ne ne passe pas tout à fait à côté (rien que le fait que Harry Forceur obtienne gain de cause, c'est déjà un soucis X,D) mais j'essaye ^^
Merci pour les albatros XD Ils reviennent tout de suite !


Drago dut insister longtemps pour que le Directeur d'Azkaban consente à lui fournir du travail : Potter prétendit un moment que le réveillon du nouvel an était la cause du manque de tâches à effectuer, mais il devint vite évident qu'il s'agissait là d'une excuse visant à fatiguer le moins possible le prisonnier. Enfin, il accepta de laisser Drago gérer et comparer une série de devis concernant les travaux prévus dans le château.

Ils s'étaient installés, comme souvent, dans les fauteuils et canapés du salon. Potter rédigeait un communiqué à destination de la Presse Sorcière, et – Merlin soit loué – Drago avait découvert qu'il cessait de marmonner quand il y avait un léger arrière-plan musical. La musique devait jouer à un volume faible et ne comporter aucune parole, surtout pas en anglais, car sinon le résultat allait à l'encontre de l'effet escompté : Potter bougeait la tête en cadence, voir chantonnait. Par chance, dans la sélection d'albums hétéroclites offerts par Granger et Weasley se trouvaient quatre précieux vinyles comportant chacun plus d'une heure de musique classique.

Drago était penché au-dessus de la table basse, et calculait en se rongeant l'ongle du pouce les coûts de transport et de douanes selon les différentes provenances du bois de charpente, prix qu'il fallait ensuite pondérer et mettre en relation avec d'autres sommes, car certaines entreprises proposaient un tarif préférentiel si l'on commandait d'autres matériaux, ou faisait appel à leurs maîtres d'œuvres affiliés.

« Tes cheveux… » commença Potter.

Drago leva la tête, interloqué, devant l'homme qui l'observait songeusement. Le disque était fini, et Drago n'avait pas eu la concentration suffisante pour s'en rendre compte et aller le changer.

« Oui ? demanda-t-il.

– Tu ne les attaches jamais ? »

Drago cligna plusieurs fois des yeux. « Non », répondit-il finalement…

Il se leva dans l'intention de se rendre au tourne-disque.

« Je te demande ça, parce que je réalise que peut-être tu manques juste de… de rubans, ou d'élastiques, ou de… De machins, là…

– Non, répondit Drago en remplaçant le vinyle par un autre. Je ne manque de rien.

– Tu parles. »

Drago posa délicatement le cristal sur la surface noire et brillante, et le son d'un clavecin se fit entendre. Il revint à sa place, mais il semblait que le mal était fait, puisque Potter reprit la parole :

« Écoute, je compte te procurer tout ça, mais tu voudrais pas me faire une liste de ce qui te manque ? J'ai noté pour tout ce qui est matériel de toilette, mais je crois que je vais oublier la moitié… Et bon, tel que je me connais, il y a forcément un truc auquel j'ai pas pensé, comme le coup de la robe de rechange, ou… »

Et il se perdit de nouveau dans un monologue auquel Drago n'avait aucune envie de s'intéresser. Il avait perdu son calcul en cours, et devait tout recommencer.

« Tu m'ignores, accusa Potter d'un ton vexé.

– Je te l'ai déjà dit, Potter, je n'ai besoin de rien, répondit un Drago perdu dans ses pensées arithmétiques. Et si je manquais de quelque chose, je ne t'en parlerai pas.

– Dis-moi un truc dont tu manques dans ta cellule.

– Absolument rien.

Un truc, Malfoy !

– Et bien la nourriture… » Drago avait retrouvé l'opération ou il s'était arrêté. Il biffa le résultat par peur que sa concentration défaillante ne l'ait faussée, et refit le calcul.

« Comment ça, la nourriture ? » Drago l'ignora, focalisé sur ses chiffres. « Malfoy, comment ça, la nourriture ? »

Drago soupira, indiqua la ligne ou il s'était arrêté du doigt et leva les yeux vers Potter. Il regretta d'avoir parlé sans avoir réfléchi préalablement : La discussion allait encore s'enliser, prendre des heures, Potter allait se vexer, ou s'énerver, ou pire, se flageller en exprimant des excuses que Drago n'avait aucune envie d'accepter.

« Depuis que j'ai changé de cellule, je n'ai plus accès au réfectoire. Rien n'a été prévu pour que je reçoive des plateaux repas ou que je puisse me procurer une quelconque forme de nourriture, à l'exception de tes charmantes invitations à partager ton dîner, ou de tes délicieux sandwiches. Cela fait presque deux semaines, et je commence à avoir faim. »

Potter cligna stupidement des yeux avant de demander, de façon tout aussi stupide : « Tu rigoles ?

– On est très loin de mon type d'humour, Potter. »

Les émotions défilèrent sur le visage à lunettes à la vitesse d'un Eruptif chargeant : D'abord lentement mais inexorablement, comme si l'information avait du mal à se frayer un chemin, puis dans un galop effréné qui annonçait un désastre assuré : Étonnement, incompréhension, doute, honte, effroi, colère…

« Ne me dis pas que ça fait deux semaines que tu ne manges rien ?! » Le résultat final était un mélange de toutes ces émotions, et n'était pas joli à voir. Drago redressa la tête et tâcha, au contraire, de conserver un calme olympien :

« Je n'avais aucune intention de mourir de faim, Potter. Tu ne finis jamais ton petit déjeuner, alors je me suis servi.

– Mais tu ! Tu… » Il bégaya un instant avant de reprendre : « Pourquoi tu n'as rien dit ?! » Finalement, la colère semblait l'avoir emporté. Et comme on pouvait le prévoir, Potter tentait d'inverser la charge des responsabilités.

« Et bien parce que ça ne semblait jamais le bon moment : Ou bien tu travaillais, ou bien tu me baisais, ou bien tu étais en colère et je ne voulais pas m'attirer tes foudres, ou bien tu étais de bonne humeur, mais je ne voulais pas t'agacer. La situation présente nous prouve d'ailleurs que mes craintes n'étaient pas totalement infondées… »

Potter sembla sur le point d'exploser. Ses doigts se crispèrent sur l'écritoire qu'il tenait entre ses mains, et sa bouche se déforma d'une grimace affreuse. Il se leva d'un bond, émit un charabia incompréhensible de monosyllabes ponctué de grognements, tira nerveusement sur ses cheveux, puis se fendit d'un « Tu ne bouges pas ! » avant de se rendre à la porte des appartements. Un nouveau grognement, demi-tour, il alla à la chambre d'où il ramena le sandwich au pastrami du jour qu'il posa – ou plutôt qu'il jeta – sur la table basse. Puis il sortit.

Drago soupira à nouveau, puis reprit son calcul. Une forme de pitié pour le jeune Directeur s'imposa à lui : Tout était toujours tombé tout cuit dans le large bec de Potter, et le pauvre découvrait à présent le fardeau de l'effort. Son acharnement à bien faire était insuffisant à combler les lacunes de son manque de capacités cognitives… Entre ça et la discussion sur ses viols, le pauvre était soumis à rude épreuve pour ce premier jour de l'an… Drago ne se sentit aucunement coupable : ce n'était pas lui qui avait insisté pour discuter.

Quand Potter revint, peut-être une demi-heure plus tard, il était suivi d'un vaste plateau d'aluminium débordant de nourriture et qui lévitait derrière lui. Il posa ses trouvailles sur la table basse puis s'empara doucement du parchemin de brouillon et de la plume que tenait Drago et se pencha sur son accoudoir. Ce dernier observa la montagne d'aliments qui jonchait désormais la table : pain, fruits, friandises, biscuits apéritifs, desserts variés… Potter semblait avoir dévalisé les distributeurs de snacks de la salle des gardiens. Dans ce désordre culinaire se trouvaient également une assiette fumante comportant un steak haché noyé sous une sauce brune, une purée épaisse et des petits pois. Il n'y avait pas de couverts, mais Drago ne le lui fit pas remarquer.

« Drago… » Le susnommé grimaça en entendant Potter l'appeler par son prénom. « Je suis vraiment, vraiment, vraiment désolé de t'avoir laissé mourir de faim. Je te jure que je l'ai pas fait exprès. J'y ai pas pensé, et crois moi, je m'en veux à mort. »

Drago savait déjà tout cela. Il haussa les épaules et choisit un petit pot de compote de pommes dans l'amas de victuailles. Il aurait préféré se saisir d'un fruit frais mais craignait que la chair dure ne lui irrite la gorge, à l'allée, comme à la remonté. Heureusement, il avait préparé un thé plus tôt et put utiliser l'une des petites cuillères qu'il avait amenées.

« Drago…

– Je t'ai entendu, Potter. Je n'ai rien à répondre. » Il dégusta sa compote en ignorant le Sorcier et en espérant qu'il perde rapidement cette nouvelle habitude d'appellation beaucoup trop intimiste.

« Malfoy… »

Cette fois, Drago leva la tête. Potter semblait dévasté.

« Je suis vraiment, sincèrement désolé », répéta-t-il. Drago voulut l'interrompre. « Mais… » Drago plissa les yeux. « C'est la dernière fois que tu me fais porter ce genre de responsabilité seul. »

Drago hésita, légèrement perdu. Encore une fois, les émotions se disputaient sur le visage de Potter et il était difficile de jauger son humeur générale : Il semblait sincèrement contrit, mais son expression était décidée, sa mâchoire serrée. Il reprit :

« Ça fait des jours que j'essaye de faire des efforts avec toi, et de te prouver que tu peux avoir confiance en moi. Tu aurais dû m'en parler, et tu sais pertinemment que j'aurais réagi immédiatement. Je fais de mon mieux, et je suis désolé si c'est pas assez, mais je parviendrai certainement pas à m'améliorer si tu me laisses aucune chance. »

Un nouvel élan de pitié ou de fraternité cueillit Drago à la gorge. Il hocha difficilement la tête, en espérant que ce geste suffise à Potter. Celui-ci l'imita, puis se redressa et s'éloigna.

« Je sors, annonça-t-il enfin. J'ai besoin de prendre l'air. T'as encore un truc à me dire, ou ça va aller ? »

Drago observa le Sorcier s'emparer de son balai posé contre un mur et en vérifier l'état général. Il fit glisser son pouce le long du manche, frotta un accroc dans le bois, puis se retourna et planta son regard dans celui du prisonnier.

« Je… Je vais te faire une liste de ce dont j'ai besoin, annonça finalement Drago.

– Bien. » Potter hocha la tête, sortit sur le balcon et laissant pénétrer une bourrasque d'air glacial dans les appartements, puis disparut d'un coup de talon.

Drago reposa machinalement sa compote en sentant une boule se former dans sa bouche. Il n'était pas sûr s'il s'agissait d'une prémisse somatique à une nouvelle nausée, ou bien d'un refoulement inconscient d'émotions…

La situation de Potter le touchait plus qu'il ne l'aurait voulu. Cette volonté farouche de faire son possible sans parvenir à avancer lui rappelait son propre échec face aux missions que le Seigneur des Ténèbres lui avait confiées.

Il était finalement parvenu à faire rentrer les Mangemorts dans l'enceinte de Poudlard. Il y avait perdu une fraction de son âme, mais il avait réussi, et pendant un instant, le Lord, les Mangemorts, son père et toute sa famille avaient été fiers de lui… Pendant un instant seulement, car immédiatement, tous avaient été témoins de son incapacité à remplir la seconde mission. Ou plutôt, la première en termes d'importance.

Il avait fallu tuer Albus Dumbledore. Drago était parvenu à l'acculer, et à le désarmer. Tout était prêt, tout se présentait comme extraordinairement facile à côté de l'année qui venait de s'écouler. Et pourtant, alors que Drago pointait le vieillard de sa baguette, il avait été incapable de prononcer le sort. C'était au-delà de ses forces.

Drago avait eu des années pour se rejouer la scène, et pour tenter en vain de comprendre ce qui l'avait bloqué. Ce n'était pas un manque de puissance, ou de capacité. Ce n'était pas un manque de préparation, ou de volonté. Ce n'était pas par bienveillance que les mots étaient restés bloqués. Ce n'était pas non plus par peur, même s'il était difficile de croire que le puissant Sorcier n'avait préparé aucune contre-offensive…

C'était simplement impossible. Ce n'était pas quelque-chose dont il était capable.

Drago se tordit nerveusement les doigts. Il était ridicule de comparer leurs situations. A l'époque, il était seul. Un gosse perdu qui ne savait pas quoi faire pour satisfaire les adultes qui régissaient sa vie. Il n'avait jamais eu le choix. Le Survivant avait des amis, des piliers sur lesquels il pouvait compter. Il était absolument ridicule de comparer leurs situations ou d'éprouver la plus petite forme de proximité envers Harry Potter.

Potter avait choisi ce qu'il avait fait subir à son prisonnier.

Potter savait ce qu'il faisait.

Potter avait pris une décision.

Il reprit ses documents, mais ne parvenait plus à se concentrer. Il avala quelques petits pois, puis se saisit d'un parchemin vierge pour y noter le matériel qui manquait à son confort. Il était difficile de faire la part des choses entre l'indispensable et le superflu. Celui lui prit des heures de parvenir à une liste d'une dizaine d'items. Tout en haut figurait le papier toilette. Dessous, un set de literie de rechange, ainsi que des vêtements et sous-vêtements. Ensuite, Drago avait noté le matériel de toilette dont Potter avait déjà parlé : Serviette, gant de toilette, brosse à dents, dentifrice, fil dentaire. Venait un planning de ravitaillement de produits ménagers : Lessive et papier toilette une fois par semaine. Dentifrice, une fois tous les deux mois. Savon, un pain tous les six mois. Pour finir il nota, bien que la chose parût déplacée : Un livre. C'était clairement un produit inutile, et Drago hésita longtemps à jeter cette liste au feu et à la recommencer sans cette frivolité.

Il observa la baie vitrée, et s'aperçut que le soir était tombé sans qu'il ne s'en rende compte, n'ayant pas entendu la montre moldue sonner. Les étoiles n'étaient pas visibles – le ciel du nord avait récupéré sa couverture nuageuse – mais il faisait sombre. Il était probable que Potter ne tarderait pas à rentrer.

Drago enfila l'une des épaisses capes d'extérieur du Directeur et sortit sur le balcon afin de le voir arriver. Le froid lui gifla le visage mais il s'emmitoufla un peu plus profondément dans le tissu chaud et chercha Potter dans les nuages.

Rapidement, un albatros vint atterrir sur la rambarde et poussa son cri chevrotant. Drago plongea les mains dans les poches de la cape et y trouva, sans surprise, quelques friandises à donner à l'oiseau. Il lui tendit la main, et – c'était prédictible, encore une fois – le volatile lui asséna un violent coup d'aile qui fit tomber la nourriture par terre. L'albatros sauta sans élégance sur le sol de marbre noir, et picora avec enthousiasme.

Drago serra la cape contre lui, et se pelotonna dans un angle entre le mur de la prison et la rambarde du balcon, observant l'oiseau et attendant le retour de Potter.


Et une autre discussion qui était sacrément attendue... Celle-ci aura été un peu plus productive ! Vous l'aviez un peu tous deviné, Harry n'avait juste pas pensé à tout. Le pauvre n'est pas stupide, mais il est un peu surchargé et n'a pas l'habitude de devoir gérer les choses tout seul...