Derek poussa Stiles, de manière à l'éloigner le plus possible de Scott, qui essuyait sa joue d'un air ahuri.

Derek l'avait griffé. Son bêta l'avait griffé. Techniquement, c'était de l'insubordination mais à l'heure actuelle, il était tellement surpris que cette idée ne lui effleura même pas l'esprit. A une vitesse folle, l'ancien alpha attrapa l'actuel par le col de son haut et le plaqua avec violence contre le premier mur à sa portée. Là où Scott avait plaqué Stiles quelques dizaines de secondes plus tôt. Là où Stiles avait tremblé. Là où Scott allait le payer.

De l'autre côté de la grande pièce, Isaac et Lydia avaient déjà pris Stiles sous leur aile et l'emmenaient autre part, là où il ne pourrait pas voir le combat qui se profilait. Combat ou plutôt règlement de compte. Dans tous les cas, ce n'était pas ce qu'il lui fallait et Isaac, malgré sa culpabilité évidente pour avoir fait venir Stiles à cause de sa crise, fut le premier à passer un bras autour de lui et à essayer de lui parler. Il lui devait bien ça. Mais l'hyperactif était ailleurs, à deux doigts de craquer et autant dire qu'il n'écoutait personne. Lydia essaya à son tour, sans succès. La seule chose qui se produit au bout de plusieurs minutes, ce fut un écoulement de larmes on ne peut plus spontané de la part de Stiles qui s'effondra à genoux au sol. C'était trop. Il craquait, parce qu'il se passait trop de choses en peu de temps, parce qu'il n'avait pas le temps d'essayer de s'en remettre. D'abord Liam, puis Isaac et là, Scott ? Qu'avait-il fait au monde pour recevoir une telle avalanche de… De quoi au juste ? De haine ? De dégoût ? De souffrance ? A la base, c'était une journée tout à fait normale, ennuyeuse et morne, mais normale ! Pas… Pas ça. D'abord il manquait de se faire violer, ensuite il se retrouvait à réconforter un loup traumatisé dont il avait eu peur, et finalement son meilleur ami l'agressait en prenant d'office le parti que l'état de Liam était de sa faute ? Ces trois évènements tournaient en boucle dans sa tête et pourtant, il songeait déjà à autre chose. C'était quoi la prochaine étape ? Quel quatrième évènement viendrait clore cette journée en beauté ?

- J'ai rien fait, murmura-t-il entre deux sanglots. J'ai… J'ai putain de rien fait…

Isaac et Lydia se regardaient, se parlaient vite fait mais l'hyperactif ne les écoutait pas et ce fut tel qu'il ne remarqua pas que la banshee sortait de la pièce. Ses pensées allaient et venaient, tournaient dans un sens et dans l'autre, rien n'était statique. Dans sa tête, tout bougeait, c'était insupportable. Il allait mal et un certain éclat d'argent apparut dans son esprit et revint de manière fréquente, de plus en plus insistante. Sa lame l'appelait, elle ne demandait qu'à l'aider, à lui remettre les idées en ordre et peut-être même lui épurer l'esprit. Après tout, il ne demandait pas grand-chose : juste un soupçon de tranquillité.

Laissez-moi tranquille…

Deux mains se posèrent sur ses épaules. Sans lever la tête, Stiles savait qu'il s'agissait de celles d'Isaac. Qu'allait-il se passer encore ? Qu'allait-on lui reprocher cette fois-ci ? Que comptait faire le bouclé ? Avait-il, à son tour, des envies lubriques ou violentes ? Qu'il lui dise, pour ne pas le laisser dans un tel brouillard… Stiles essuya ses larmes comme il put pour tenter de faire un minimum bonne figure, mais c'était trop tard. Il avait beau être conscient qu'Isaac l'avait vu pleurer – Lydia aussi –, il essayait, parce qu'après tout… Que pouvait-il faire d'autre ?

Stiles ne fit pas attention à sa position et continua son petit manège durant quelques secondes, sans remarquer que ses manches un peu larges descendaient peu à peu.

- Stiles, que… Qu'est-ce que c'est que ça ? Entendit-il.

Un bout de ses bandages était visible et s'il aurait réagi au quart de tour en temps normal, il n'y fit pour cette fois pas vraiment attention. Il le vit, ses yeux se posèrent carrément dessus, mais… Seul le mot « rien » péniblement articulé sortit de sa bouche.

- Stiles, explique-moi, parle-moi… C'est quoi ça et qu'est-ce qu'il s'est passé avec Liam ?

La voix d'Isaac était toujours rauque d'avoir trop crié pendant sa crise mais elle avait gagné en douceur, juste pour convaincre Stiles de parler. Mais l'hyperactif secoua la tête. Il ne parlerait pas, ne dirait rien. Il voulait juste… Partir. Se terrer dans sa chambre, ou bien la salle de bain. Oublier. Vivre avec. Passer à autre chose.

- Stiles, insista Isaac.

- Laisse-moi, articula difficilement Stiles alors qu'il descendait ses manches à l'aide de ses mains mouillées par les larmes. J'veux pas parler.

- Non, Stiles, tu…

- J'veux juste rentrer chez moi…

Et sur ces paroles, il leva ses yeux rougis par les larmes qui continuaient de couler vers le loup-garou qui, de source sûre, ne l'avait jamais vu dans un tel état. Parce que ce n'était pas Stiles, ça. Il n'était pas aussi fébrile, ne pleurait pas. Et son odeur… Sans avoir assisté à l'entièreté de la discussion, il en avait cependant entendu l'essentiel qui l'avait d'ores et déjà alarmé alors même qu'il retranscrivait la « conversation » à Lydia. Une chose était certaine, cette histoire avec Liam n'était pas claire pour un sou et Isaac ne voyait clairement pas son protecteur nocturne allumer le louveteau pour ensuite le laisser en plan et frustré au point que celui-ci appelle Scott. Et puis même, ce n'était pas le genre de Liam. Il était certes impulsif, mais pas au point d'aller inventer toute une histoire pour se protéger alors qu'il appréciait beaucoup Stiles. Stiles qu'il ne voyait chercher à chauffer quelqu'un d'aucune manière. Et puis ces bandages… Que lui cachait-il ? Très honnêtement, Isaac pourrait deviner, mais cela reviendrait à imaginer que Stiles leur cachait à tous qu'il allait mal et… Il n'allait pas si mal que ça, non ? Mis à part cet incident potentiel avec Liam, Isaac ne voyait pas ce qui pouvait le rendre malheureux… En attendant, bien trop perplexe et fragile pour l'instant, le bouclé ne chercha pas à parlementer, lui disant simplement qu'il pourrait bientôt rentrer, sans aucun problème mais qu'il devait rester là pour le moment. En effet, il ne se voyait pas le laisser seul dans cet état et nul doute que Lydia et Derek seraient du même avis.

La banshee, elle, n'en menait pas large. Calmer deux loups remonter n'était pas simple, surtout lorsqu'ils étaient énervés pour des raisons différentes. Scott semblait remonté contre Stiles qui aurait soi-disant fait quelque chose au louveteau et Derek n'avait pas supporté la manière dont il s'en était pris à lui, c'était un fait et Lydia le comprenait parfaitement. Isaac avait bien proposé de s'interposer pour aller les tempérer, mais la banshee avait préféré s'en occuper, arguant que sa crise était trop récente et qu'il serait plus utile auprès de Stiles, qu'elle n'avait d'ailleurs jamais vu pleurer avant ce jour-là.

- Maintenant vous allez m'écouter, fit-elle d'une voix acérée. Tous. Les. Deux. Vous allez arrêter tout de suite de vous battre et on va tous discuter, calmement. Si vous n'arrêtez pas, vous allez m'entendre, et très bien en plus.

Par là, elle voulait dire qu'elle se ferait un plaisir d'utiliser son cri de banshee pour les calmer. Les deux loups finirent alors par l'écouter même s'ils étaient déjà couverts de sang. L'avantage, c'est qu'ils guérissaient plutôt vite, Derek un peu moins puisque Scott restait un alpha et les blessures qu'il infligeait prenaient un peu plus de temps pour guérir.

- Stiles va mal, déclama-t-elle d'un air plus sérieux que jamais, alors Scott, tu vas nous expliquer calmement ce qu'il s'est passé pour que tu l'agresses de cette façon. Mais je suis d'accord avec Derek. Quoi qu'il ait pu faire, cela ne te donnait pas le droit de t'en prendre à lui.

Et elle n'en pensait pas moins. Si elle ne tenait actuellement pas ce rôle de médiatrice pour les tempérer et essayer de démêler cette situation, elle se serait déjà fait plaisir en termes de noms d'oiseau. Stiles, elle l'adorait : c'était l'un de ses meilleurs amis et le premier à l'avoir percée au grand jour. Chaque fois, il la poussait à révéler le meilleur d'elle-même et à arrêter d'utiliser son image de bimbo populaire qui se faisait passer pour bête alors que son intelligence était là, bien réelle. Alors non, elle ne supportait pas non plus qu'on puisse le traiter de cette façon. Et puis sa réaction était sans équivoque : soit Liam avait menti à Scott, soit l'alpha avait déformé les propos du louveteau à cause d'une potentielle rancœur envers l'hyperactif. Toute la question était là : pour quelle raison pourrait-il lui en vouloir, au juste ? A sa connaissance, Stiles se pliait toujours en quatre pour lui, qu'il ait des choses à faire ou non.

- J'ai déjà tout dit, maugréa l'alpha.

- Coopère, rétorqua simplement la banshee en se rapprochant de lui, sans peur.

Elle n'était pas effrayée pour un sou par le statut d'alpha de Scott. Elle ne niait pas sa puissance mais connaissait sa propre valeur. Elle n'aurait absolument aucun remord à lui crever les tympans avec son cri surnaturel. Lui qui prônait le fait d'éviter d'utiliser la violence pour régler des situations se retrouvait pris à son propre jeu. Voilà qu'à la première occasion, il s'en prenait à Stiles. S'il ne l'avait pas blessé au sens physique du terme, l'attitude et les gestes étaient là. Le pire, c'était qu'il ne l'avait même pas laissé s'expliquer. N'avait-il pas vu à quel point il tremblait ? A quel point il semblait ne pas comprendre la situation ? N'avait-il pas remarqué sa détresse ? Parce que c'était bien de cela qu'il s'agissait. De la détresse. Lydia elle-même avait remarqué que ça n'allait pas fort dès son arrivée. Pour autant, la situation concernant Isaac était urgente à ce moment-là, si bien qu'elle avait décidé de faire passer l'état de Stiles au second plan, provisoirement, s'étant promis qu'une fois Isaac calmé, elle parlerait à l'hyperactif. Mais elle n'avait pas eu le temps parce que Scott… Scott avait fait n'importe quoi.

- Y a rien à dire, finit par lâcher Scott. Liam m'a appelé, Stiles l'a allumé et l'a laissé en plan, c'est tout. Il s'est comporté de manière indécente alors qu'il sait très bien que Liam a du mal à gérer ses émotions. C'est sa faute, il avait qu'à assumer jusqu'au bout.

Le prie, c'était que son cœur n'avait aucun raté et ça, Derek y faisait particulièrement attention. Pour autant, il fut le premier à défendre l'hyperactif :

- C'est pas le genre de Stiles.

Et il en était certain. Sa colère était toujours là, très présente et c'était uniquement la présence de Lydia qui l'empêchait de se jeter à nouveau sur Scott pour essayer de lui faire comprendre son erreur. Il essuya sa lèvre, d'où coulait un peu de sang.

Scott tourna la tête vers lui et lui lança un regard pour le moins… Mauvais.

- C'est pas toi son meilleur ami à ce que je sache, lui lança-t-il, provocateur.

- Parce que tu penses qu'un meilleur ami s'en prendrait à lui comme tu l'as fait ? Rétorqua Derek en haussant un sourcil.

- Je lui ai montré sa connerie, comme tu ferais pour un chat en lui foutant le nez dans sa merde pour qu'il comprenne, se défendit l'alpha.

- T'avais pas à faire comme ça.

Les deux loups se fusillèrent du regard et Scott enchaîna :

- Et qu'est-ce qu'il y a, c'était si bon que ça avec lui pour que tu le défendes à ce point ? Donc en fait, Stiles se tape toute la meute, c'est ça le truc ? Et toi tu le défends juste parce que c'est un bon cul, c'est ça ?

Derek vit rouge l'espace d'un instant mais se retint comme il le put de ne pas réagir. Néanmoins, il n'arriva pas à empêcher ses griffes de ressortir et son regard cyan d'apparaître. Il fixa ses yeux sur Lydia et s'accrocha au souvenir de Stiles complètement bouleversé et déboussolé pour tenir le coup. Ne pas sauter sur Scott ni lui arrachait la gorge. Ce n'était pas le fait qu'il ait imaginé quelque chose entre eux qui le dérangeait, mais bien la manière dont il sous-entendait avec une clarté folle que Stiles… Non, il ne voulait pas penser à ces mots. Ce qui l'énervait au sens propre du terme, c'était cette manière qu'il avait de le rabaisser avec violence, comme s'il n'avait absolument aucune estime pour lui.

- Scott, je te conseille d'arrêter de partir dans cette direction, fit sagement Lydia qui contenait extrêmement bien ses propres émotions. Tu sais ce que tu vas faire ? Tu vas rentrer chez toi, d'accord ? Nous, on va démêler cette histoire, mais sans toi.

Si ses mots semblaient doux, sa voix était tranchante comme de l'acier et même Derek se crispa en l'entendant. Toutefois, il savait qu'elle avait raison et que le mieux à faire était de clore tout ça et d'aller enquêter eux-mêmes pour savoir ce qu'il s'était réellement passé. Et cela commençait par le fait d'interroger Stiles. Cependant, l'odeur qu'il sentait et qui provenait d'une autre pièce l'en dissuadait déjà.

- T'es pas chez toi et c'est pas toi l'alpha alors tu m'excuseras mais je sais gérer les membres de ma meute. S'il y en a un qui fait une connerie, c'est normal de le redresser.

- Il y a des manières de faire, le coupa Derek en croisant ses bras sur son torse pour s'empêcher de le menacer de ses griffes. Tu es l'alpha, certes, mais jusqu'à preuve du contraire, on est chez moi. Alors je suis de l'avis de Lydia. Rentre chez toi sinon je t'égorge. Je ne suis peut-être plus un alpha, mais j'en ai encore la force.

Son regard était sans équivoque, son attitude également. Il n'était pas connu pour porter Stiles dans son cœur et pourtant, il ne supportait pas l'idée que Scott, son meilleur ami, le descende de la sorte sans même prendre la peine de l'écouter. Si Scott n'avait pas hésité à s'en prendre à Stiles, Derek n'avait pas hésité à lui rendre la monnaie de sa pièce et encore, il s'était arrêté uniquement parce que Lydia y tenait.

Lydia se plaça à côté de Derek, montrant clairement dans quel camp elle était. Scott faisait le beau avec son statut mais seul, il ne valait rien. Et il était hors de question qu'elle soit du côté de quelqu'un qui traitait aussi mal son meilleur ami. Si Stiles avait réellement fait quelque chose, ce n'était sans doute pas comparable à ce qu'il disait et ça, c'était encore à prouver. Parce que Stiles ne leur avait paru coupable d'aucune manière. Cette manière qu'il avait eu de s'effondrer et d'éclater en sanglots en disant qu'il n'avait rien fait… Lydia avait déjà sa réponse mais elle savait qu'il fallait tout de même enquêter et nul doute que ce serait rapide.

Pourquoi ne pas contacter directement le nœud du problème, à savoir Liam ?