Scott fit un nouveau pas en avant et Stiles eut bien du mal à essayer de ne pas montrer la peur qui grandissait en lui. Le latino fut si proche qu'il laissa l'un de ses doigts courir sur la joue de l'hyperactif qui fut incapable de bouger l'ombre d'un pouce.

- Ta peau est douce, finit-il par lâcher, mais c'est tout ce que tu as.

Scott n'avait pas sorti ses griffes mais n'éloigna pas pour autant son doigt de sa joue. Stiles, de son côté, ne comprit pas tout de suite où il voulait en venir et au fond, il s'en fichait un peu puisque tous ses efforts convergeaient vers sa maigre maîtrise de lui-même.

- Je ne vois vraiment pas ce qu'il t'a trouvé, laissa tomber Scott alors que son doigt descendait lentement, très lentement vers sa gorge.

Stiles eut du mal à déglutir et sentit clairement l'ongle de Scott s'arrêter juste au-dessus de sa glotte avant de lentement passer dessus et de descendre encore, jusqu'à ses clavicules. Et il remonta, fit de nouveau une pause sur sa gorge.

- Tu es laid, tu ne ressembles à rien. T'es maigre, t'es… T'es pas attirant. Et pourtant, il t'a voulu. Il t'a embrassé, il t'a touché, il a voulu te baiser.

Scott parlait étrangement, comme s'il réfléchissait en même temps et c'était étrange : ses pensées lui venaient et il les énonçait, semblant essayer de comprendre quelque chose. Et Stiles se maudit d'avoir l'esprit trop vif parce qu'il comprit, bien trop vite et sans le vouloir, que son… « Meilleur ami » parlait de Liam. Les critiques de Scott, il les prenait, elles le traversaient sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit. Et de nouveau, il eut l'impression étrange d'être le centre du problème, comme si c'était de sa faute à lui si Liam lui avait sauté dessus. En soi, il avait peut-être raison puisqu'il… Avait sans doute eu un geste inapproprié. Mais… Tout de même, il n'était pas responsable de toute cette histoire, si ? Le rappel, aussi brutal que bestial de ce que comptait lui faire Liam le fit frissonner d'horreur et lui rappela ces mains posées sur lui, ces lèvres qui s'étaient emparées des siennes sans son accord, cette érection qu'il avait sentie contre son bas-ventre. D'un coup, il eut envie de vomir. La nausée le prit et si Scott ne s'était pas trouvé devant lui, il aurait couru jusqu'aux toilettes. Depuis que c'était arrivé, Stiles faisait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter de penser à cette agression qui, par chance pour lui, n'avait pu être menée à son terme.

Mais elle l'avait marqué et c'était exactement pour cette raison qu'il s'empêchait d'y penser, par peur de faire n'importe quoi. Il se souvenait de ce samedi où sa vie avait pris un tournant un peu plus sombre. Depuis qu'il était rentré et qu'il avait trop laissé libre court à ses pulsions, il était terrifié à l'idée de ce qu'il pouvait se faire. S'il avait perdu le contrôle une fois, il pouvait le perdre une seconde fois. Alors, il faisait tout pour éviter à son esprit de trop se torturer.

Sauf que Scott ne l'y aidait pas le moins du monde et Stiles se sentait tel un chat que son maître aurait attrapé. Il lui collait le nez dans ses défécations pour bien lui faire comprendre qu'il avait fait une bêtise. Mais malgré tout ça et malgré la vérité arrangée par les soins de l'alpha, vérité dont Stiles avait fini par se convaincre, celui-ci n'arrivait pas entièrement à accepter cette version. Quelque chose en lui persistait à se rebeller contre cette version qui correspondait, mais pas totalement non plus. Stiles voulait se dire qu'il n'était pas tombé si bas, qu'il n'était pas si mauvais.

Scott se rapprocha, encore, et le souffle de Stiles se coupa un instant. Le latino se pencha. Ils étaient proches, trop proches, si bien que le cœur de l'hyperactif battait à la chamade. Si Scott décidait de l'emmener quelque part ou de lui faire quelque chose, la voie lui serait libre, parce que Stiles était complètement tétanisé. La terreur le paralysait. Elle était multiple : il avait peur de Liam, de Scott et… De lui-même. Dans son esprit, la lame d'argent était en train de se faire une grande place et sans trop savoir pourquoi, il donnerait tout pour l'avoir sur lui. Et se… Se… Stiles ferma fort les yeux, non seulement pour ne plus voir Scott, mais aussi pour tenter de recentrer ses pensées et d'éviter de les faire trop converger dans ce sens-là. Il ne devait pas penser à ça. Le souffle chaud de Scott le dérangea, profondément, mais il ne bougea pas. Il le sentit en premier lieu sur son visage, sur son cou, avant qu'il remonte.

- Je te hais, lui souffla Scott à l'oreille.

Il avait prononcé ces mots avec une lenteur calculée, dans le but clair d'énoncer sa pensée de la manière la plus pure possible. Avec des mots simples. Une articulation parfaite.

Stiles rouvrit brusquement les yeux et les mots l'atteignirent enfin. Il les comprit. Il les assimila. Les retint. Et ceux-ci brisèrent son cœur et, accumulés à ses précédentes tentatives pour le rabaisser, brisèrent le peu de confiance qu'il avait en lui.

Son cœur rata un battement.

Sa bouche s'assécha.

Mais Scott ne s'éloigna pas et continua de lui souffler à l'oreille ces choses destinées à lui faire mal :

- Tu sais pourquoi il a jeté son dévolu sur toi ? Parce que t'es une cible facile. C'est si simple, avec toi. T'es faible, Stiles et si je le voulais, je pourrais te faire n'importe quoi et toi, tu ne pourrais rien y faire. Parce que t'es humain.

Il continuait de le toucher en plein cœur, il continuait d'appuyer là où ça faisait mal. L'humanité de Stiles était ce qu'il avait de plus précieux, mais c'était également sa plus grande faiblesse, puisque contrairement à tous les autres membres de sa meute, il n'avait rien : pas de pouvoir, pas de faculté surnaturelle, pas de qualité physique extraordinaire. Non, il n'était rien d'autre qu'un pauvre adolescent pensant qu'une batte de baseball pouvait le sauver.

- A-arrête, s'entendit-il souffler alors que sa faible maîtrise de lui-même s'envolait doucement.

- Ne t'approche plus de lui. Il est à moi, tu m'entends ? Liam est à moi.

Silence.

- Tu veux savoir à quel point je te hais ? Lui demanda Scott sans changer aucunement de position.

Il savourait sa domination provoquée par sa haine, étrangement galvanisée depuis ce fameux jour où Liam l'avait appelé. Il aimait sentir cet humain chétif souffrir, surtout d'aussi près. Et sans lui laisser l'occasion de répondre ou de protester, il enchaîna :

- Chaque fois qu'on a une mission, je prie pour que tu te portes volontaire pour aller sur le terrain et que tu t'exposes un peu trop. Oh, un accident est si vite arrivé ! Une balle perdue, un coup de griffe, un ennemi qu'on n'aurait pas vu… Oh, Stiles, pauvre Stiles… Comment tu fais pour t'en sortir à chaque fois ? Combien de personnes sont mortes alors que toi, tu es en vie ? Dis-moi, comment tu fais pour vivre avec les crimes que tu as commis ? Ça va, ça ne te pèse pas trop lourd sur la conscience ?

- S-stop… S'il… S'il te plait…

- T'arrives toujours à venir au lycée le matin ? T'arrives à venir sans songer au fait qu'Allison n'en passera plus jamais les portes ? Et Aiden ? Tu sais le chagrin que t'as causé à son frère ? Tu es une horrible personne, tu le sais ça ? Les gens meurent, tu vis. Tu ne penses pas que tu devrais les rejoindre pour te racheter ? Et Donovan, on en parle, de Donovan ?

- S-Scott…

- Tu mérites ce qui t'est arrivé et même si je trouve que Liam a mauvais goût, je suis d'avis qu'il aurait dû aller jusqu'au bout. Et toi… Tu lui as fait du mal, en résistant, en l'empêchant d'assouvir ses besoins. Tu aurais dû le laisser faire, Stiles, comme la marionnette que tu es. Quoi, pourquoi tu as l'air surpris ? Ne me dis pas que tu ne le savais pas ! Ne crois pas que tu es l'ami de qui que ce soit dans cette meute. T'es juste à nous, t'es notre chose et tu fais ce qu'on te demande, parce que c'est là ta seule utilité.

Stiles frissonna et eut envie de se carapater loin, très loin de Scott. La boule dans sa gorge ne cessait de grossir et les larmes montaient doucement. Un miracle qu'elles n'aient pas déjà coulé. Il ne se sentait pas en danger, pas réellement, mais il avait peur de ce qui commençait à monter dans son esprit, cette envie difficilement répressible de se faire du mal. Juste se faire du mal. Oublier. Ne plus penser à ces mots qui continuaient de le détruire alors qu'ils sortaient de la bouche de son meilleur ami de toujours. Celui avec qui il avait fait les quatre-cents coups, celui qu'il avait toujours soutenu, celui avec qui il avait toujours été. Et voilà qu'il le piétinait sans ménagement, avec un plaisir qu'il avait bien du mal à dissimuler. Les mots meurtriers avaient semblé sortir avec une facilité affligeante de sa bouche, comme s'il les retenait depuis longtemps.

Comme s'il avait appris à le haïr au fil des ans.

Stiles ne sentait plus vraiment ses jambes. Elles perdaient en force, en vitalité. Il était à deux doigts de s'effondrer. Ce qui l'empêchait de tomber à l'heure actuelle, c'était Scott. Parce qu'il était là, parce qu'il allait continuer de le rabaisser, de se servir de la moindre de ses faiblesses pour le descendre encore et encore jusqu'à ce qu'il en ait assez. Oublié, le lycée, oubliés, les cours, oubliés, les autres. Scott s'amusait à le torturer mentalement juste pour son bon plaisir et déjà que Stiles était incapable de faire autre chose que de le supplier d'arrêter, s'il pouvait éviter de lui donner ce plaisir que de le voir s'effondrer au sol à cause de ses émotions…

Soudain, l'on arracha Scott de Stiles et celui-ci resta interdit, incapable de bouger. Sa douleur mentale était telle qu'il ne fit pas tout de suite attention à la scène qui se déroulait devant lui.

- Putain, Scott ! Espèce de grand malade ! Cria-t-on.

Autour, quelques têtes se retournèrent, mais on ne prêta pas grande attention à ce qu'il se passait : le début des cours avait sonné et on préférait arriver à l'heure que de rester et de risquer d'avoir un retard entraînant sanctions et exercices supplémentaires.

Une main se posa sur l'épaule de Stiles, Lydia apparut dans son champ de vision, mais il réagit à peine. Il lui fallait un peu de temps : il continuait d'assimiler les mots de Scott, ainsi que l'effet pervers qui allait avec. Mais ses jambes tremblaient et il ne put faire autrement que d'accepter l'aide de la jeune femme qui le soutint aussitôt en voyant son état. Elle ne savait pas vraiment ce qui s'était dit entre eux mais en tournant la tête vers isaac, elle se douta qu'il avait tout entendu grâce à son ouïe lupine. Autrement, pourquoi aurait-il l'air aussi furieux ?

Scott et Isaac se disputèrent – sans trop élever la voix toutefois pour ne pas attirer l'attention de potentiels surveillants. La conversation ne fut rien d'autre que stérile et Isaac, dont Scott était loin d'être la priorité, le laissa partir en le prévenant de ne plus s'approcher de Stiles. Oui, il avait entendu certains de ses derniers mots au travers des couloirs et il s'était aussitôt mis à courir, mu par une inquiétude et un stress si importants qu'il n'avait pas réfléchi.

Quelques minutes plus tard, Stiles était assis par terre. Lydia, voyant qu'il ne tenait plus, l'avait aidé à s'installer ici provisoirement, et la voilà qui l'entourait, avec Isaac. Plusieurs fois, elle lança des regards inquiets en direction de son ami bouclé. L'état de Stiles était préoccupant et lui seul savait – partiellement – ce qui l'avait rendu ainsi. Oui, mais quoi ? Qu'avait pu lui dire Scott pour le briser ainsi ? Parce qu'il était clair que Stiles était en morceaux. Il ne pleurait pas, mais c'était tout comme. Ce qui la rendait triste, c'était de se dire qu'il devait sans doute ressasser les probables paroles empoisonnées de Scott et c'était pour cette raison qu'Isaac et elle lui parlaient, histoire de lui changer les idées et de lui montrer qu'il n'était pas seul. Que peu importe ce que Scott lui avait dit, c'était du grand n'importe quoi et qu'il ne fallait pas qu'il l'écoute. Isaac insistait aussi là-dessus. Lui, il avait entendu la fin du petit discours pervers de Scott et s'évertuait à essayer de convaincre Stiles de la fausseté de ces aberrations. Comme Lydia, il était certain que Stiles ressassait.

Mais tous deux se trompaient.

En réalité, Stiles pensait à un éclat argenté, mais plus à sa lame : non, il pensait à quelque chose qu'il avait sur lui, au compas qui se trouvait dans sa trousse, rangée bien au fond de son sac.