Le cœur de Stiles battait à une vitesse vertigineuse tandis que ses yeux fixaient la porte fermée de la chambre qu'il occupait. Honnêtement, il ne savait ni quoi faire, ni quoi penser. Voulait-il réellement voir Isaac ? Il avait donné son accord, certes, et de son plein gré. Le problème avec lui, c'était qu'il ne savait plus vraiment ce qu'il désirait. Son état était stable, oui… Dans une certaine mesure seulement et Stiles avait peur que la visite du bouclé ne casse cet équilibre précaire qui le maintenait ainsi. Ce qui le terrifiait, c'était ces pulsions qui couraient en lui, sur sa peau, ce dégoût quasi-permanent de lui-même, de son corps. Parfois, elles étaient douces, il pouvait passer au-dessus. D'autres fois… Elle se révélaient particulièrement difficiles à combattre, tant et si bien que Stiles se faisait littéralement violence pour rester dans ce lit, ne pas se lever, ne pas aller chercher quelque objet coupant qui pourrait lui servir… Alors oui, Stiles avait peur, parce qu'il savait que ce qui le retenait ne tenait qu'à peu de choses, tout comme il était conscient de se trouver au bord du vide.

Le moindre semblant d'agression, qu'il soit verbal ou physique, pouvait le faire basculer de manière définitive. Et le pire… C'était qu'il ne savait même pas pourquoi ! Bien sûr, ce qu'il avait déjà subi récemment était déjà difficile à gérer, mais il y avait autre chose. Il le sentait, il le savait.

Mais se retrouvait incapable de le définir.

Et alors qu'il surveillait la porte, il sursauta lorsque celle-ci s'ouvrit. Un instant, une vague de peur le traversa de parts en parts et Stiles se demanda s'il n'aurait pas plutôt dû demander à Derek de lui laisser un certain délai. Pourtant, le loup lui avait demandé quand il serait d'accord pour voir Isaac : l'hyperactif lui avait assuré que le plus tôt serait le mieux et pourtant… Il n'en était plus si sûr.

Lorsque la mignonne petite tête du bouclé fit son apparition, Stiles retint son souffle, comme si son ami allait lui sauter dessus d'un instant à l'autre. Il savait pourtant qu'il n'en était rien ! Néanmoins… Il avait peur et la terreur de ses deux agressions – celle de Liam, suivie de celle de Scott – continuait de le hanter. Si Isaac ne lui avait pas fait de mal ce jour-là… Stiles l'avait cru. Et il le croyait toujours. Néanmoins, il resta aussi digne qu'il était pour lui de l'être en ces circonstances. La douleur ? Il l'ignora pour se redresser et donc se retrouver en position assise sur le lit, les jambes en tailleur sous la couette. Il avait beau passer un temps monstre dans ce lit, il lui semblait être le seul endroit dans lequel il pouvait se réfugier. Une couette ne pouvait le protéger ni de mains ni de griffes, cependant… Il s'agissait d'une forme de protection illusoire qui lui faisait du bien.

- Hey… Articula Isaac en esquissant un léger sourire timide.

- Sa… Salut, souffla Stiles en baissant rapidement les yeux.

Il n'avait pas le cran de soutenir ce regard qu'il refusait d'interpréter. Ce regard qui était pourtant empli d'un espoir clair et net. De joie aussi. Parce que même si rien n'était simple… Le simple fait de voir Stiles rassura instantanément Isaac et lui fit du bien.

Evidemment, il pouvait se rendre compte d'à quel point Stiles ne ressentait pas la même chose et il ferait tout… Tout pour qu'il se détende en sa présence. En premier lieu, il décida d'être honnête pour mettre toutes les chances de son côté.

- Tu n'es pas seul avec moi, lui dit-il après s'être raclé la gorge. Derek est dans le couloir et… Il écoute. Si jamais il pense que je représente un danger pour toi, il interviendra.

Stiles hocha la tête après quelques secondes de silence. Isaac scruta son odeur : elle était légèrement moins chargée en stress que quelques secondes plus tôt. C'était bon signe. Gêné toutefois parce qu'avec Stiles, il n'était pas habitué à mener la conversation, Isaac demanda :

- Je peux m'assoir à côté de toi, sur le lit ?

Stiles se crispa, et il opina tout de même à nouveau du chef. Sa méfiance brisait le cœur d'Isaac qui le considérait comme un frère, mais il comprenait. Derek l'avait briefé sans trop lui en dire et ces fameux non-dits, il y avait réfléchi. Oui, il avait mal de voir que son ami le considérait potentiellement comme une menace. Il avait mal de se dire qu'on devait le surveiller. Il avait mal de penser que l'hyperactif en était arrivé à un stade où un rien pouvait le faire s'effondrer.

Alors, il comprenait que Derek scrute effectivement leurs odeurs en continu, guette le moindre son qui pourrait l'alerter et l'obliger à passer à l'action. De par sa nature d'ancien alpha, Hale avait conservé d'excellent réflexes et une vitesse d'exécution hors normes. Isaac savait pourtant ne pas représenter un danger pour Stiles, mais… Encore une fois, il comprenait. Le peu qu'il savait le concernant avait suffi à lui faire accepter l'intégralité des conditions du loup.

Une fois près de lui, il ne sut cependant quoi dire tant le mutisme du bavard qu'était Stiles était déroutant. Néanmoins, son cœur de loup-garou blessé restait calme et l'animal en lui, loin d'être menaçant, couinait de désespoir. Plus que ça : il sentait qu'il était sur le point de découvrir quelque chose de particulièrement douloureux et… Il avait peur tout en souffrant à l'avance de cette douleur qu'il sentait mais qu'il était incapable d'exprimer.

- Je ne sais pas quoi te dire, finit-il par avouer en soupirant quelques secondes plus tard, le regard dans le vague.

- Alors pourquoi t'es là ?

Isaac s'efforça de tourner doucement la tête vers lui. S'il s'était écouté, il aurait réagi à l'instinct et son mouvement aurait été un peu brusque. Le rythme cardiaque de Stiles était aussi rassurant que satisfaisant et son stress ne débordait pas : Isaac devait faire très attention. Toutefois, il fallait avouer qu'entendre sa voix, cette voix si faible et si peu assurée, le déroutait profondément.

Isaac, parti pour être honnête, ne chercha pas à lui cacher la raison de sa présence :

- J'avais besoin de te voir.

Le souffle de Stiles se coupa un instant et son rythme cardiaque varia légèrement tandis que son odeur déjà peu agréable à sentir se remplissait de quelque chose de… Lourd. De son côté, Isaac sentit une certaine douleur lui percer le cœur : qu'avait-il dit de mal ? Il n'eut pas à attendre longtemps avant de connaître la réponse à cette question difficile pour lui.

- Je… Je ne suis pas un jouet pour loups-garous, lâcha Stiles d'une voix tremblante, la tête basse.

Le bouclé sentit un éclair de douleur mentale venir le frapper brutalement, tant et si bien qu'un froid glacé l'envahit. Comment l'hyperactif pouvait penser une chose pareille ? Il fallait qu'il réponde, qu'il le détrompe ! Tout de suite.

- Non Stiles, tu ne l'es pas, souffla Isaac, horrifié.

- Vous avez… Vous avez pas le droit de me prendre pour votre joujou lorsque vous en avez besoin, reprit l'hyperactif sans l'avoir écouté.

Il y avait dans sa voix tremblante un soupçon de rage. Une rage pure mais contenue. Quelque chose de faible car bridé, comme si Stiles ne savait pas s'il avait le droit d'être en colère. Il la retenait, oui…

- Stiles, jamais je…

- C'est parce que je suis humain ? Le coupa l'hyperactif, la voix tremblante. Là, tu viens me voir, mais pour satisfaire quoi ? De quoi tu as besoin ? Et Derek, il te surveille vraiment ou… Ou il attend son tour ? Qu'est-ce que vous me voulez, putain ?!

… Au contraire de sa souffrance dont les flots empoisonnés le submergeaient. Elle, elle était impossible à contenir.

De sa bouche continuèrent de sortir des paroles aussi injustes que cruelles, des paroles pleines de sens, d'un ressentiment clair tandis qu'il pleurait. Oui, il pleurait. Mais il ne s'en était même pas rendu compte. Complètement désarçonné, Isaac ne sut que dire. Il avait la bouche ouverte, mais aucun son ne parvenait à en sortir tant la vérité qui s'étalait sous ses yeux était extrêmement difficile à avaler pour lui. La gorge sèche, il peina à avaler sa salive. Parce que ces paroles-là rendaient encore plus tangibles les blessures dont Lydia et Derek lui avaient parlé. Des blessures dissimulées par la couette, les vêtements trop larges. Mais celles qu'il voyait à l'heure actuelle étaient les plaies parsemant son âme.

Et d'un coup, il le sentit. Là, cet instinct plus profond qu'il n'était censé l'être. Cette pulsion qui le poussait à rechercher le contact de Stiles. Cette petite voix qu'il lui soufflait que l'hyperactif avait désespérément besoin d'aide. D'un coup d'un seul, il se rapprocha du châtain et lui prit les mains sans lui demander son avis.

La parole lui revint alors qu'il sentait déjà son aplomb refaire surface avec une rapidité stupéfiante :

- Je veux t'aider !

Ses mots, bien qu'extrêmement simples, eurent le mérite de clore le bec de l'hyperactif qui avait sursauté suite à son approche et qui le regardait désormais, les yeux entrouverts sur des larmes qui ne cessaient de couler.

- Je sens quand tu vas mal, et pas juste parce que je suis un loup. C'est au plus profond de moi, je… Chaque fois, je sens un truc grandir en toi et ça… Merde, ça me perturbe ! Ça me perturbe au point que je ressens le besoin de te voir, de vérifier que tu vas bien !

Il serra ses mains entre les siennes. Froides, elles étaient si froides… Et face à lui, Stiles avait peur. Mais il ne chercha pas à reculer, à reprendre ses mains. Celles du bouclé les réchauffaient.

- La dernière fois, quand j'ai fait ma crise… Je pensais à toi. Je savais pas pourquoi, j'avais peur pour toi, j'avais l'impression que ça n'allait pas. Et quand tu es arrivé… J'avais beau être angoissé, je sais que j'avais raison, je savais qu'il s'était passé quelque chose. Je le sentais, Stiles !

Le cœur de l'hyperactif battait à la chamade. Celui d'Isaac n'était pas en reste. Il devait lui dire tout ce qu'il avait sur le cœur, cette chose dont il était convaincu depuis un moment. Et si cet état n'avait pas de nom, il restait puissant.

Et Isaac sentait qu'il devait continuer.

- Je sais que tu vas mal, plus encore que tu ne le montres ! Et ce que je ressens… C'est comme un enchaînement de vagues.

- Des vagues… Répéta l'hyperactif dans un souffle.

- Oui, des vagues ! Parfois… Parfois c'est faible et je le remarque à peine, continua le bouclé sans jamais le lâcher. Et des fois… Ça devient violent. Dans ces moments-là, je… J'ai besoin de te voir, d'être auprès de toi ! Mais jamais je ne songe à te faire du mal, à me servir de toi d'une quelconque manière. Stiles, je tiens à toi, t'es comme un frère et je… Tout ce que je ressens, c'est le besoin de t'aider. T'aider comme tu m'as toujours aidé moi.

Il avait terminé dans un souffle, les mains tremblantes à cause de cette conviction si forte qu'elle l'ébranlait à un point inimaginable. Jamais auparavant il n'avait à ce point réfléchi à cet aspect de lui qui s'éveillait tout récemment, et voilà qu'il étalait l'analyse qu'il en était fait sur l'instant. Et il n'eut rien à rajouter, parce qu'il avait tout dit. Il était d'ailleurs si rare que le bouclé ouvre son cœur de cette manière qu'il s'en retrouvait complètement perturbé. Mais il ne regrettait pas la moindre parole qui était sortie de sa bouche, parce qu'elles étaient toutes aussi vraies les unes que les autres.

Stiles, il voulait l'aider, le sortir de cette spirale infernale dans laquelle il était tombé. Lui montrer qu'ici, personne ne le considérait comme un jouet. Qu'il ne méritait rien de ce qui lui était arrivé.

- Tu sais, reprit-il d'une voix plus basse, personne ne m'a jamais aidé autant que toi. Enfin si, Derek m'a sauvé de mon père et m'a longtemps permis d'avoir un toit… Mais tu es le seul à qui je fais assez confiance pour… Pour toutes ces fois, tu sais. Ces fois-là, tu m'as un peu sauvé, toi aussi. Parce que tu était là pour moi, tu m'aidais à reprendre pied après mes cauchemars, tu… Tu me calmais. Tu me calmes toujours, parce que tu es patient. On est amis, Stiles. Je t'ai confié mes peurs, je t'ai confié mes faiblesses… Parce que je te fais confiance. Alors s'il te plaît, arrête de te dénigrer, arrête de penser que tu es un jouet… Tu ne l'es pas et tu ne le seras jamais. Tu es humain, oui, mais tu es l'humain le plus fort que j'aie jamais connu.

Isaac avait-il remarqué les larmes qui dévalaient les joues légèrement creuses de l'hyperactif ? Pas vraiment tant il était concentré sur ce qu'il disait, mais son loup les sentait. Il se rapprocha un peu, ne lâcha pas ces mains qui tremblaient entre les siennes. Aucune peur ne se dégageait d'elle : juste un mélange d'émotions qui s'entrechoquaient sans arrêt. Et là, juste en face de lui, l'effet de ses mots commençait à se voir. La fragile carapace du châtain se désagrégeait de secondes en secondes. Elle volait en éclat.

- Tu as toujours pris soin de moi, reprit péniblement Isaac, la gorge serrée et la voix rauque. Il est temps qu'on prenne soin de toi. Derek, Lydia, moi… Tu peux nous faire confiance. On t'aime, on te considère à ta juste valeur, on…

Isaac fut coupé dans son élan par ses mains qui se retrouvèrent vides de celles, trop froides, qu'il tenait encore quelques secondes plus tôt. Ces bras qui entourèrent sa taille. Cette petite frimousse en pleurs contre son torse.

Et ce cœur brisé qui entrevoyait une timide lueur au bout du tunnel.

Isaac ne fit pas vraiment attention au reste et pour tout dire, Stiles non plus. A la porte qui s'était rouverte, aux pas qui se rapprochaient. Il étreignit l'hyperactif qui s'accrochait à lui, à cet espoir qu'il lui laissait entrevoir. Il lui prit sa douleur, aussi. Deux bras vinrent timidement étreindre le châtain par derrière tandis que deux autres, bien plus musclés, bien plus fermes, vinrent tous les entourer.

Stiles, au milieu de tout cela, ne put rien faire d'autre que laisser éclater au grand jour tout ce qui avait commencé à créer des névroses dans sa psyché. Parce qu'il était incapable de résister et que même si cela paraissait idiot, Isaac avait su trouver les mots pour lui permettre de s'affranchir de ce mutisme qu'il s'imposait à moitié.

Alors, il s'accrocha à chaque marque ou geste d'affection qu'on lui offrait et ne chercha à éloigner ni Isaac, ni Lydia, ni Derek.