J'ai l'impression que le site a pas mal bugué hier... J'espère que ça n'a pas empêché la lecture, et que ça ira mieux aujourd'hui :D

77Hildegard : Critiquer les moldus du point de vue de Drago m'amuse toujours XD et j'avoue que quand on observe la psychologie ou pire, la psychanalyse d'un oeil extérieur, ça parait à peine plus utile que de se confesser à un prêtre... Bon, normalement, il faut trouver à chacun "le bon" psy, et Nguyen ne faisant aucun effort dans cette direction, c'est mal parti, mais pas si mal adapté à Drago XD

yuishifuji : Si tout se passait bien, ce serait beaucoup trop facile ^^ Je n'aime jamais trop quand, dans une histoire, il suffit se surmonter un obstacle pour obtenir l'happy ending : J'aime bien quand il faut s'obstiner longtemps pour enfin y parvenir.
Harry n'est pas stupide, mais Drago commence à peine à s'en rendre compte XD


Son père…

Potter s'éjecta du lit comme s'il était monté sur ressort. Il s'empara de sa baguette magique abandonnée sur la table de chevet, n'eut qu'un geste à faire pour se retrouver vêtu de pied en cape, et prit juste le temps d'ordonner à Drago « ne bouge pas d'ici » avant de se précipiter à l'extérieur.

Son père…

Drago se décala dans le renfoncement chaud qu'avait laissé le corps de Potter dans le matelas et s'y assit, rassemblant ses genoux contre son torse et se recouvrant de la couette épaisse. Il commença par se ronger les ongles, puis, puisque ça ne suffisait pas à calmer son angoisse, il mordit carrément dans les articulations, comme s'il essayait de luxer les phalanges.

Son père…

Son père l'avait rejeté, mais il restait son père. S'il arrivait quelque chose à Lucius Malfoy… S'il était blessé, sans que Drago ne puisse rien y faire… Drago imaginait son beau visage abîmé, ses longues mains éraflées, ses cheveux décoiffés… Et puis sa colère, sa rage. Si Drago n'était pas là, qui subirait le courroux de Lucius Malfoy ? Qui prendrait les coups à sa place ?

Drago ne chercha pas à lutter contre les larmes. Il se laissa pleurer des heures.

·

Il devenait autre-chose.

Il se sentait devenir autre chose.

Il aurait pu le supporter si tout ça avait remplacé la faim, mais il avait faim ! Depuis des siècles ! Cela faisait des siècles qu'il était né, et des siècles qu'il avait faim !

Il attendait.

Il en avait assez d'attendre, et d'avoir faim, et se sentir changer, et de constater que la faim restait !

Il attendait, cependant.

Il n'attendait plus qu'on l'appelle. Il avait abandonné cet espoir.

Il attendait de voir ce qu'il allait devenir.

·

Il releva doucement la tête. Il ne savait pas trop s'il s'était endormi, s'il avait perdu connaissance, ou s'il s'était simplement trop perdu dans ses angoisses pour remarquer le temps qui passait. Sa main gauche avait rarement été dans un état pire que celui dans lequel elle se trouvait actuellement. Chaque doigt était gonflé, couvert de traces de morsures. Comme toujours, l'auriculaire avait subi le châtiment le plus sévère, et il était tordu sur son axe, immobile et quasiment insensible.

Drago joua avec un instant avant de se lever dans l'optique de se rendre dans la salle de bain pour l'enduire de la crème cicatrisante qu'il utilisait sur son sexe.

Il s'immobilisa à peine passé la porte du salon.

Harry Potter était là.

Harry Potter n'était pas venu le rejoindre dans le lit, et son cœur se serra à cette pensée.

Mais plus grave, Harry Potter avait le visage couvert de suie, les sourcils roussis. Une partie de ses cheveux avait disparu sous les flammes, et ceux qui restaient avaient été tire-bouchonnés par la chaleur. Sa belle chemise blanche était devenue noire. Son élégante cape était trouée au niveau des coudes et déchirée au bord des manches.

Harry Potter s'était endormi dans le canapé du salon. Affalé, la tête renversée en arrière sur le dossier inconfortable, légèrement penchée sur le côté, la bouche entrouverte laissant échapper un ronflement discret. Il n'avait pas ôté ses lunettes. Sa main serrait encore sa baguette, et parfois, un tressautement inconscient agitait le poignet ou faisait se crisper les doigts.

Drago alla chercher le plaid orange dans la garde-robe, et revint le couvrir. Il lui enleva ses lunettes aussi doucement que possible, malgré l'inhabileté et la douleur de sa main gauche, les replia, et les posa sur la table basse. La baguette suivit le même chemin. Puis il s'installa à ses côtés, s'allongea, et posa sa tête sur sa cuisse.

La cheminée flambait de jour comme de nuit. Drago se laissa hypnotiser par les flammes.

Après quelques heures, la montre moldue sonna et son propriétaire se réveilla en sursaut. Drago se redressa immédiatement.

Leurs regards embrumés se croisèrent, et un sourire fatigué s'épanouit sur les lèvres de Potter avant qu'il ne prononce « Malfoy » et ferme à nouveau les yeux. Il fit effectuer à son corps un quart de tour et se coucha de tout son long dans le canapé, attirant Drago contre son flanc. Ce dernier posa doucement son visage entre l'épaule et le pectoral et entendit les battements réguliers de son cœur. Il fit glisser sa main sur la chemise abîmée et passer sa jambe au-dessus de celles de Potter.

Le Sorcier empestait. Son vêtement était rêche et dégageait une odeur de brûlé. Sa peau même exhalait des senteurs de cochon carbonisé et de poil roussi.

Drago ne se serait éloigné pour rien au monde.

Au bout d'un moment, il releva la tête et contempla le visage à moitié endormi du Survivant. Sa peau était toujours rouge, mais ses sourcils avaient déjà repris leur forme habituelle et leur épaisseur coutumière. Drago tendit la main pour les caresser légèrement. La texture n'avait rien à voir avec celle de ses propres poils, fins et fragiles, qui ressemblaient à du duvet à côté de ce crin viril. Les cheveux également avaient presque repris leur aspect normal : épais, en bataille, brillants et expressifs.

La main de Potter se leva à son tour. Ses doigts s'enlacèrent entre les siens, et firent descendre l'ensemble au niveau de ses lèvres où il embrassa délicatement les phalanges. Il dût sentir que quelque chose n'allait pas, car un œil vert s'ouvrit, examina le carnage de la nuit, puis se referma. Potter poussa un soupir, déposa un nouveau baiser sur les doigts abimés, puis reposa l'ensemble sur sa poitrine.

« Tu ne comptes vraiment pas me laisser me reposer une seconde, hein ? »

Drago grimaça. « Désolé. J'étais inquiet.

– Tu dois arrêter de faire ça.

– Oui…

– Ton père va bien. »

Drago se mordit les lèvres. Il était rassuré mais avait tout de même envie de pleurer. Son père n'avait pas besoin de lui. Tant mieux. Tant pis.

« Et… Et Macnair ? » demanda-t-il timidement. Lucius Malfoy avait besoin de son bourreau et garde du corps.

« Macnair a reçu un maléfice cuisant. Mais il va bien.

– Et Rockwood ?

– Rockwood va bien. »

Bien.

Bien.

Drago se mordilla à nouveau les lèvres. Il semblait que le camp Malfoy avait gagné. Malheureusement, le simple fait qu'il y ait eu un affrontement dans les rangs était déjà une défaite en soi…

« Et… Goyle ? »

Goyle père avait pleuré à la mort de son fils, et Drago s'était rarement senti aussi coupable d'être en vie.

« Goyle va bien. Des ecchymoses. Un peu roussi. Rien de grave.

– Bien… » Peut-être n'y avait-il pas eu d'affrontement. Peut-être l'émeute avait-elle été coordonnée. « Et… Les Surveillants ? Johnson ? Avidan ?

– Johnson va bien. Avidan a fait un malaise. Il passe la nuit à l'infirmerie. A priori, rien de préoccupant.

– Et les autres ? » Drago ignorait quels Surveillants travaillaient désormais dans le corridor 3. Il avait vu passer les CV, mais son travail s'était arrêté là. Peut-être aurait-il dû réaliser une sélection plus drastique : Garder uniquement les candidatures des Sorciers provenant de Durmstrang, avec lesquels son père pouvait avoir davantage d'affinités.

« Pas de mort. Quatre blessés légers parmi les Surveillants. Sept parmi les prisonniers. Deux blessés graves chez les prisonniers : Carrow, Jugson, récita Potter d'un ton monocorde sans ouvrir les yeux…

– Et… Et toi ?

– Enfin », grommela Potter en lui accordant finalement un regard fatigué et moqueur.

Drago aurait pu faire remarquer à son interlocuteur qu'il n'avait aucune raison de s'inquiéter pour lui étant donné qu'il pouvait observer son bon état général de ses propres yeux, mais ça aurait été ajouter de la mesquinerie à la cruauté : Il était vrai que lorsque le Cridurut était survenu et que Potter était parti en précipitation, ses seules pensées s'étaient dirigées vers Lucius Malfoy.

Potter laissa quelques minutes de silence s'écouler avant de répondre, finalement :

« Je vais bien. Il faut plus de quelques Mangemorts sans baguettes pour m'inquiéter. Ils ont réussi à attraper Welbert et à lui foutre le feu. C'est quand j'ai voulu le sauver que j'ai été blessé. Je ne m'attendais pas à ce qu'ils aient utilisé de la poudre de Sempremais, et j'ai eu un peu de mal à tout éteindre… Johnson pense que c'est Dolohov qui l'a fait rentrer. Il travaille parfois aux archives, et… Bref… » Potter avait de nouveau fermé les yeux. Il haussa les épaules, et le mouvement fit sauter le visage de Drago et s'entrechoquer ses dents. « Dans l'ensemble, ça s'est bien passé. Dolohov essaye de faire porter la responsabilité sur Lucius, et… – sur ton père, je veux dire – et ça arrange plutôt nos affaires : On va pouvoir jouer sur les deux tableaux à la fois. »

Potter se tût un instant avant de rajouter :

« Sauf si tu t'en mêles, évidemment. »

Drago hésita un moment… Il savait ce que Potter voulait entendre, et il savait ne plus avoir le droit ou la légitimité de s'y opposer, et pourtant…

« Si… » Drago chercha ses mots et vit les yeux de son homologue s'entrouvrir pour le considérer attentivement. « Si tu me promets que… S'il ne risque rien, alors… Je ne m'en mêlerai pas. Je ne lui dirai rien.

– Je ne peux pas te promettre qu'il ne risque rien. Je ne suis pas surpuissant, je ne maîtrise pas tout. Mais il ne risquera rien de plus que chacun des détenus du corridor 3. »

Drago avala sa salive. « Tu… lui as dit que tu voulais le tuer… » Il avait voulu garder un ton neutre, mais il était difficile de cacher la peur et l'insinuation.

« Non, le corrigea Potter. Je lui dis que je voulais le voir mort. Je suis soulagé de vivre dans un pays où l'on ne m'autorisera quand-même pas à me venger comme ça et à condamner un homme à ma guise. Je voudrais qu'ils soient tous morts. Ton père, Dolohov, les Lestrange, Greyback, Ombrage… Tous. Mais je ne tuerai plus jamais un homme. C'est fini, ça. »

Ils se fixèrent un moment. Drago hocha nerveusement la tête, puis affirma :

« Je ne me mêlerai plus de rien.

– Super. » Potter ferma les yeux et fit basculer sa tête en arrière sur l'accoudoir du canapé. « Maintenant, embrasse-moi et laisse-moi me reposer encore une heure. »

Drago s'exécuta.

En rampant au-dessus du corps alangui pour accéder à ses lèvres, sa cuisse effleura l'entrejambe de Potter. Il ne put s'empêcher de remarquer que son sexe était au repos. Une nouvelle crainte absurde le saisit à la gorge.

Il n'en dit rien.

·

Évidemment, Potter s'en était allé plus tôt que d'habitude ce matin-là. Ils n'avaient même pas pris le petit-déjeuner ensemble. Il avait pris une douche rapide, s'était occupé de changer le bandage de Drago, lui avait suggéré de profiter de son entrevue quotidienne avec Nguyen pour lui montrer ses nouvelles blessures, l'avait embrassé de nouveau, puis était parti en emportant son mug de café.

Drago avait travaillé aussi bien qu'il en était capable, puis, sur les coups de 11h, avait rejoint l'infirmerie en se sentant affreusement coupable de faire perdre tant de temps à l'infirmier qui avait probablement déjà eu beaucoup à faire durant la nuit.

Dès qu'il se fut assis derrière le bureau clair, Nguyen avait poussé un soupir, saisi sa plume, et sans même lui accorder un regard, avait annoncé :

« Je vous écoute, Monsieur Malfoy.

– Et bien je suppose qu'après l'émeute de cette nuit, il serait logique que nous parlions de mon père, alors vous pouvez écrire que… Que nous avons des rapports conflictuels, que je n'ai pas dépassé mon complexe d'Œdipe, et que… »

Quand le parchemin fut suffisamment rempli, Nguyen attacha de nouveau Drago à un brancard.

Devant lui se trouvaient les blessés graves de la nuit : Carrow était aussi apathique et absent qu'à son habitude. Jugson était réveillé et le fixa longtemps d'un œil torve. Il lui fallut rassembler toute sa volonté pour ne pas faillir à sa parole et ne pas le supplier de rejoindre le camp de son père.

Quand Nguyen le libéra, un peu plus tard qu'il n'aurait fallu, Drago remonta dans les appartements du Directeur, mais se trouva aussi bien incapable de manger que de travailler. Il emprunta de nouveau la cape grise, puis redescendit les étages pour se rendre sur la plage.

Il voulait voir les albatros. Il aurait pu en voir beaucoup sur le balcon, mais il voulait voir à nouveau le nid avec le petit. L'espèce de poussin affreux. A présent qu'il s'était familiarisé avec les oiseaux – il était désormais capable de reconnaître quatre d'entre eux à coup sûr – il se demandait si son opinion de l'oisillon en serait modifiée. Il l'espérait.

Il croisa Mullan en bas des escaliers, juste avant le grand hall, et il fut surpris qu'elle le salue.

« Tout à l'heure, je t'amènerai les comptes-rendus de cette nuit, lui indiqua-t-elle. Ça va aller ? Avec ta main ?

– Je… me débrouille, Major », répondit-il nerveusement.

Elle lui répondit par un grognement, puis s'en alla sans le questionner sur sa présence ni le menacer.

Drago était presque mal-à-l'aise en constatant qu'on lui laissait autant de libertés. Avant, les règles étaient simples à comprendre, pas toujours faciles à suivre, mais évidentes et logiques. Il savait quand il les enfreignait et quelle punition il risquait de recevoir. Aujourd'hui, tout était si confus…

Il poussa la petite porte du pénitencier, et fut aussitôt récompensé par une bourrasque puissante aux senteurs marines. Il sentit confusément sa protection de cheveux quitter sa joue et s'agiter dans les vents tandis qu'il marchait sur la plage.

Il avait à peine parcouru une dizaine de mètres sur le quai qu'un bruit brusque le fit sursauter.

Ce qu'il avait pris pour un rocher noir et lisse était en fait le corps d'un animal marin, ou plutôt, de la Selkie, qui s'était installée au soleil. Surprise également, elle s'était redressée d'un coup, et l'observait désormais, légèrement haletante, les yeux suspicieux…

Drago regarda nerveusement dans son dos.

La porte n'était pas loin. Il pouvait facilement fuir. Il ignorait sa vitesse de déplacement quand elle avait ses jambes, mais sous cette forme adipeuse, elle était forcément plus lente qu'un homme en relative bonne santé…

Il fit un pas en arrière, mais une voix l'arrêta.

« Mon pauvre chéri, tu as peur… »

Il se retourna, tétanisé. Elle avait parlé. Elle avait une voix douce, sans accent, caressante. Il avait l'impression de l'avoir déjà entendue. Plus gênant, il avait l'impression de vouloir l'entendre encore.

« Ne t'inquiète pas, nous sommes pareils, toi et moi, je vais te montrer… »


Bon, je vais être honnête, c'est ce chapitre là qui m'a le plus gêné dans ma réécriture, et qui continue de me gêner... Je trouve que l'épisode de l'émeute et celui de la Selkie sont trop rapprochés... Malheureusement, j'ai été un peu obligée de condenser les choses pour faire tenir les évènements à venir en quelques jours...