Coucou ! Je sais que vous l'attendez tous avec impatience, voilà le retour de votre lapin grognon préféré ! Bonne lecture !

Chapitre 2 : Pacte avec le diable

Le Circus Baby's World II avait toujours eu quelque chose d'apaisant pour Violet. Les lumières douces, la musique entraînante lui donnaient l'impression d'être partie intégrante de cet environnement si particulier. Dès qu'elle poussa la porte, un brouhaha de voix entremêlées lui parvint immédiatement. Il était un peu plus de onze heures et le service avait déjà commencé. Une foule d'enfants était agglutinée devant la scène et regardaient les Rockstars faire leur show. De l'autre côté du carrelage damier noir et blanc, Circus Baby distribuait des glaces aux parents.

A l'exception de la Marionnette qui préférait garder son corps mécanique toute la journée, les âmes des autres enfants étaient libres d'aller et venir jusqu'à minuit comme bon leur semblait. Le spectacle avait moins de charme lorsqu'il était fait par les intelligences artificielles, mais il restait très impressionnant à voir. Contrairement à Circus Baby, ou plutôt Elisabeth Afton, qui préférait rester dans le restaurant avec son frère, Georges, Golden Freddy, les autres l'accompagnaient à l'école presque tous les jours… Tout du moins jusqu'à ce qu'ils s'ennuient et commencent à soulever des objets dans l'amphithéâtre pour faire peur aux étudiants et aux professeurs.

Violet traversa la pièce en évitant enfants et serveurs qui couraient dans tous les sens pour rejoindre l'arrière de la scène, où se trouvaient les coulisses. La Marionnette la suivait de près, malgré les nombreuses sollicitations des enfants enthousiastes qui lui serrait les bras et les jambes. Elle finit par se retrouver coincée dans la foule, au grand soulagement de Violet. Arrivée dans le long couloir, la jeune femme poussa la porte de la loge des employés. Il se débarrassa de son sac de cours dans son casier et saisit à la place le costume violet des employés du restaurant. Elle se déshabilla rapidement pour l'enfiler. Elle termina devant le miroir. Son reflet lui renvoyait l'image pathétique d'une jeune fille aux cernes marquées. Elle ressemblait à un panda. D'un geste mécanique, elle attrapa la cravate qu'elle avait posé sur le lavabo et la noua autour de son cou, les mains encore un peu tremblantes suite à ce qu'elle avait fini par appeler "les accidents".

A tout juste dix-neuf ans, elle avait les symptômes les plus violents du syndrome post-traumatique. Malgré les psys, les médicaments et les séjours en psychiatrie, ses vieux démons refusaient de la laisser tranquille : tout était encore à vif et le chemin vers la reconstruction était encore long. Elle commençait à accepter le fait que cela ne puisse plus changer, mais elle n'arrivait toujours pas à passer au-dessus.

Heya, pirate !

Violet sursauta lorsque la tête de Foxy sortit du miroir devant elle. Il se dégagea du mur en se moquant un peu, puis vint s'installer à côté d'elle. Pendant quelques secondes, il ne dit rien, se contentant de jouer avec ses mains. Il transpirait la nervosité. A n'en point douter, il avait été envoyé en éclaireur. Le renard avait toujours été le plus proche de la jeune femme et il n'était pas rare que ses amis l'utilisent pour s'assurer qu'elle allait bien lorsqu'ils avaient peur de sa réaction. Le principal problème ? Foxy n'avait jamais été très doué pour exprimer ses émotions et le démasquer ne prenait à Violet pas plus de quelques secondes. Elle plissa simplement les yeux et la carapace de son ami se fissura instantanément, avant de céder. Il soupira, démasqué.

Bon, d'accord. La Marionnette m'envoie voir si tu vas bien et elle s'inquiète pour toi, expliqua-t-il. Ça faisait un moment que tu n'avais pas fait de crise, tu sais comment elle est.

— Tu peux lui dire que je vais bien, tenta-t-elle de le rassurer d'une voix maîtrisée. Ce n'était qu'un flash. C'est passé.

D'accord...

Il s'apprêta à quitter la pièce quand une information lui revint en mémoire.

Oh ! Ton père vient d'arriver. Freddy l'occupe, mais tu sais comment il est. Je te conseille de bien te cacher, se moqua-t-il gentiment.

Elle tira la grimace. S'il apprenait qu'elle avait encore séché les cours, elle était bonne pour plusieurs jours de surveillance forcée. Dans un soupir, elle attrapa sa casquette, de la même couleur que l'uniforme, et la vissa sur sa tête. Tant pis. Elle assumerait. Foxy eut involontairement un mouvement de recul. Tout comme les autres, il avait encore un peu de mal avec la couleur de sa tenue de travail et en particulier avec le nom de famille gravé en lettre doré sur sa poitrine.

Violet quitta la pièce, le renard sur les talons mais camouflé dans le mur, pour éviter d'être remarqué. Dans la salle principale, la Marionnette croisa brièvement son regard. Elle surveillait avec vigilance les plus petits, les comptant et recomptant sans cesse de manière presque paranoïaque pendant qu'ils jouaient avec de grosses peluches à l'effigie des stars du restaurant. Violet lui adressa un signe de tête avant de poursuivre son chemin, avec hésitation. A travers la porte de la cuisine entrouverte, elle repéra bientôt le fantôme de Freddy en grande discussion avec son père à propos des pizzas, de toute évidence. En la repérant, l'ours lui lança un regard nerveux pour l'avertir qu'il arrivait à court de sujets de conversation et qu'elle allait devoir prendre une décision.

— Je vais aller le voir, décida-t-elle enfin. Il n'ira pas là-bas, dit-elle en pointant son père du regard.

Si tôt après ta crise ? s'inquiéta le renard. Tu es sûre ?

— Ça fait une semaine que je n'y suis pas allée, je dois lui manquer, rit-elle, sarcastique. Il faut dire qu'il a été tellement sympathique la dernière fois.

Le renard claqua des mâchoires. Il n'aimait pas beaucoup la situation. "Lui" désignait William Afton, ou plutôt Springtrap, le tueur en série qui avait notamment volé la vie de Foxy et de ses amis. Coincé dans son costume depuis une centaine d'année, il s'était retrouvé pris au piège dans le restaurant après avoir tenté de s'en prendre à Violet, protégée par ses nouveaux amis. Elle avait sept ans à l'époque. Depuis, la jeune femme et le lapin robot se vouaient une antipathie réciproque. Ils se haïssaient, que ce soit pour la situation dans laquelle ils étaient coincés tous les deux ou par leur caractère diamétralement opposés et l'histoire tragique qui les liaient. Décidée, elle se dirigea vers les escaliers cachés derrière l'antre des pirates, où les deux Foxy, Rockstar et Funtime, faisaient leur spectacle. Ils menaient au sous-sol, sur une porte en acier blindée. Violet apposa sa main sur le reconnaisseur digital.

— Bienvenue Violet, la salua gentiment l'intelligence artificielle.

La porte se déverrouilla et elle put enfin entre dans la salle sombre et faiblement illuminée. Devant une vitre sans teint, un vieil homme en fauteuil roulant regardait inlassablement un lapin jaune-verdâtre faire les cents pas dans sa cellule, rageusement. Violet sourit et vint enlacer le vieillard affectueusement avant de l'embrasser sur la joue. Il releva la tête vers elle et lui adressa un sourire doux.

— Bonjour, ma puce. Déjà dehors ? Je pensais que tu finissais plus tard aujourd'hui.

— Exclue de cours, encore, répondit-elle simplement.

— Tiens, tiens, quelle surprise ! grogna une voix mécanique derrière la vitre. L'enfant prodige daigne enfin venir voir son robot préféré au zoo.

Elle adressa un regard mauvais à Springtrap, debout de l'autre côté du mur. Il ne pouvait pas la voir, mais il l'entendait très clairement. Le lapin donna un grand coup dans la vitre. Violet sursauta et recula d'un pas, le cœur battant à tout rompre. Elle avait beau savoir qu'il ne pouvait plus rien lui faire, elle ressentait toujours la même peur lorsqu'il était dans cet état. Le lapin rit doucement, complètement fou, comme s'il savait, et reprit son manège.

Michael Afton, le dernier fils encore en vie de l'abomination qui lui faisait face, capta immédiatement le malaise de sa petite-fille. Il fit pivoter son fauteuil pour lui faire face et la regarda longuement dans les yeux.

— Encore une crise ?

— Oui.

— Qu'est-ce qui l'a déclenchée ?

Violet baissa la tête, un peu honteuse. Elle n'aimait pas parler de ses accès de faiblesse, et encore moins devant un tueur centenaire et manipulateur qui pourrait s'en servir contre elle. Néanmoins, elle se força à parler. Son grand-père était bien le seul qui comprenait mieux que personne ce qu'elle avait vécu.

— Des garçons m'ont poursuivie pour me faire peur. Et ça m'a rappelé… Lui, dit-elle à l'attention du robot. J'ai eu des flashs et je ne contrôlais plus rien. Grand-père, ce n'était pas une bonne idée de reprendre l'école, je n'y arrive pas… Ils me prennent tous pour une folle ou pour un super-génie pas fréquentable parce que j'en sais plus que les professeurs sur la mécanique.

— Ah ça… C'est l'héritage familial, rit Michael. On a tous ça dans le sang. Disons simplement que certains se servent de ce don mieux que d'autre. Je suis sûr que tu accompliras de grande chose, peut-être même construire de nouveaux robots surpuissants pour venir le hanter lui, se moqua-t-il.

— Je suis mort de rire, Mike, répondit l'intéressé avec ironie. Mais il a raison, t'apprendras rien en cours, gamine. La mécanique, elle s'apprend sur le terrain, dans la douleur et les expériences ratées.

Cette gentillesse inattendue surprit les deux Afton. Violet sauta immédiatement sur l'occasion.

— Tu m'apprends des choses que je ne sais pas et je te laisse sortir une heure par semaine.

— Deux, négocia-t-il immédiatement.

— Une heure, lui tint-elle tête. En deux heures, tu as le temps de trouver un nouveau plan foireux pour essayer de t'enfuir.

Il poussa un soupir contrarié, mais finit par se soumettre. Un petit sourire victorieux étira les lèvres de Violet. Enfermé toute la journée dans sa pièce, le robot n'avait l'autorisation de sortir que lorsque son comportement s'améliorait. Il s'agissait de la mission qui lui avait été confiée : faire en sorte que le vieux tueur en série grincheux se repente et se fasse pardonner. Ce n'était pas gagné. D'une manière ou d'une autre, il finissait toujours par tout rater. Violet n'aimait pas cette mission forcée, et elle ne pensait honnêtement pas qu'il puisse un jour réussir à prononcer une excuse pour ce qu'il avait fait, mais cela passait le temps. Et puis même si elle ne se l'avouerait jamais, elle adorait lui empoisonner la vie et être responsable de ses actions.

— Super ! s'enthousiasma-t-elle. Rendez-vous à dix-huit heures. Bonne journée, grand-grand papy, ajouta-t-elle narquoisement alors qu'il détestait ça.

Elle embrassa son grand-père sur la joue puis regagna la salle principale, en faisant bien attention à refermer la porte blindée derrière elle. Son père, occupé à servir des pizzas, se tourna immédiatement vers elle pour lui lancer un regard réprobateur. Cependant, il ne dit rien de plus. Freddy lui avait tellement pris la tête qu'il n'avait plus envie de se battre contre elle. Elle se tourna vers le mur et leva ses deux pouces vers le fantôme de l'ours pour le remercier. Il lui rendit son encouragement.

Et pour cause. Sa mission était loin d'être terminée. Elle s'approcha de la boîte de la Marionnette, libérée pour le moment, les enfants étant occupés à manger. Elle prit une grande inspiration et donna deux coups sur le haut du morceau de plastique décoré. Promettre à Springtrap de sortir était une chose. Convaincre la Marionnette de l'utilité de le laisser sortir en était une autre bien plus complexe. Lorsqu'elle ne finissait pas par lui sauter à la gorge à cause du langage fleuri du lapin robot, elle était la cause des provocations.

Les deux battants de la boîte s'ouvrirent pour laisser sortir la poupée noire aux bras et jambes striés de blancs. Tout comme les autres, elle avait bénéficié d'une rénovation intégrale, le premier gros projet de Violet. Elle en était très fière. Pour aller avec le nouvel aspect rockstar des autres robots, elle avait gagné une étoile sur le torse et un bonnet à clochettes derrière la tête. Cela permettait entre autres de la trouver, la pizzeria étant beaucoup plus grande depuis l'arrivée du gang original, bien plus apprécié que Circus Baby et ses comparses. La Marionnette s'étira et tourna paresseusement Violet ne s'y trompa pas. Elle la gardait toujours à l'œil et cette fausse fatigue n'était qu'un toc nerveux pour faire semblant que tout allait bien.

Violet ! s'exclama-t-elle mentalement, d'une voix faussement surprise. Que puis-je pour toi ?

La jeune femme prit une nouvelle inspiration. Que le combat de boxe commence, songea-t-elle.

— Springtrap veut m'apprendre la mécanique.

D'accord.

— Je vais devoir aller dans sa pièce pour ça.

Oui, répondit-elle, déjà plus crispée.

— Je l'autorise à sortir une heure par semaine.

Les doigts du robot se crispèrent sur le rebord de la boîte. Le plastique émit un grincement plaintif. Violet ne se laissa pas démonter et sortit ses yeux de cocker les plus convaincants pour la faire plier.

— Il m'aide. Il faut encourager ses bons comportements, tu l'as dit toi-même. C'est son cadeau pour son effort.

Tu sais comme moi que ce n'est pas aussi simple. Il est incapable de tenir une conversation sans agresser qui que ce soit et les autres ne le tolèrent pas dans les environs. C'est une mauvaise idée.

— J'en assume les conséquences. Et puis, peut-être que ce sera différent cette fois ?

Le robot poussa un ronronnement mécanique qui s'apparenta à un soupir. Elle baissait les bras. Violet avait gagné.

Très bien, grogna-t-elle. Mais il a une mauvaise influence sur toi. Tu cèdes à ses caprices.

— Merci Charlie, tu es la meilleure !

Elle serra le robot dans ses bras brièvement et s'enfuit avant qu'elle ne change d'avis. Derrière elle, le regard de la Marionnette se fit plus soucieux : elle n'aimait vraiment pas ça.