Coucou ! La suite des aventures de Springtrap et Violet sont enfin là :D Bonne lecture !

Chapitre 7 : Intuitions

Springtrap observait les restes de la version cauchemardesque de Chica à bonne distance. Ne sachant pas trop où enfermer le robot, les autres avaient décidé de le laisser dans la cellule du tueur en série, ce qui lui avait par ailleurs déplu fortement. Trois jours déjà s'étaient écoulés depuis l'attaque et il se sentait toujours menacé par le tronc robotique démembre de cette abomination. Même s'il restait assez neutre extérieurement, sans doute aussi à cause du manque d'émotions de son costume, la situation l'angoissait profondément. Il avait tiré un trait sur Henry il y avait bien longtemps, il avait même espéré qu'il soit mort depuis la dernière fois où il l'avait vu, à Fazbear Fright, un peu plus de vingt-cinq ans plus tôt. Pourquoi ne pouvait-il simplement pas tourner la page ? Lui avait eu la chance d'échapper à cette prison de métal, il aurait dû se repentir et reprendre une vie normale il y avait bien longtemps.

Le détestait-il à ce point pour toujours le chasser avec autant de rage des dizaines d'années après tout ce qui s'était passé à la pizzéria ? Il pouvait comprendre que les enfants soient en colère, après tout, ils n'avaient jamais rien demandé à personne, mais lui ? Après tout le mal qu'il avait commis, pourquoi poursuivait-il ses objectifs ? Qu'est-ce que William pouvait bien avoir qui l'intéresse autant ? Il se sentait bête. Bien sûr qu'il le savait : la vie éternelle. Peut-être ne réalisait-il pas l'enfer qu'elle était, tous les sacrifices à laquelle elle conduisait ? Il ne comprenait pas ce qu'il y avait de si attirant à vivre cloîtré dans un costume de métal à ne plus ressentir que colère et désespoir, enfermé dans une cage de quelques mètres de long pour un temps indéfini.

La porte du couloir grinça, annonçant un peu de mouvement dans sa vie terne et morne. Il espéra que ce soit la gamine. Aussi agaçante qu'elle fût, au moins, elle lui accordait un minimum d'attention. Springtrap ne l'avouerait jamais, mais il l'aimait bien. Elle lui rappelait sa jeunesse, la tête plein de rêves et une ambition un peu trop idéaliste. Peut-être mangerait-elle la poussière un de ces jours, elle aussi, s'il n'était pas déjà trop tard. Le lapin avait conscience d'avoir provoqué quelques traumatismes, mais tout comme la notion d'abandon était inconnue à Henry, le pardon était quelque chose qu'il avait beaucoup de mal à concevoir et il préférait continuer à faire mal plutôt que de ravaler sa fierté mal placée. Sans doute une des raisons pour lesquelles il se trouvait toujours ici, par ailleurs. Mais c'était plus fort que lui : il avait besoin d'avoir le contrôle pour se donner l'illusion d'être toujours celui que les enfants craignaient, sans savoir même pourquoi il accordait tant d'importance à cette mascarade.

Malheureusement pour lui, le programme était tout autre. Le bruit caractéristique des roues du fauteuil roulant de son fils suffit à lui faire pousser un soupir. Il décida de rester assis contre le mur et l'ignorer, comme souvent. Du coin de l'œil, il distingua une grande silhouette jaune qui volait derrière lui. Il finit par tourner la tête dans leur direction, toujours intrigué par les apparitions de son cadet. Georges, Golden Freddy, avait apparemment pardonné à son frère de l'avoir "accidentellement" tué. Comme quoi, les meurtriers n'étaient définitivement pas tous logés à la même enseigne ici.

— Bonjour, Papa, dit Michael de sa voix rocailleuse.

William n'était toujours habitué à le voir dans cet état, aussi… vieux. Plus les années passées, et plus les parties robotiques de son corps prenaient de la place. Bientôt, comme lui, il ne resterait sans doute plus grand chose d'humain. Il avait beau être en froid avec lui, sa dégradation le peinait. Malgré les épreuves, Michael avait été le seul à avoir malgré tout essayé de l'aider, que ce soit avant ou après sa mort. S'il n'avait pas été pris de cette trop grande confiance en lui lors de cette nuit de 1993, peut-être n'en seraient-ils pas là aujourd'hui. A quoi bon ressasser le passé ? Ce qui était arrivé ne pouvait plus être modifié.

— B'jour, répliqua le lapin en centrant de nouveau son attention sur Chica.

La créature continuait de grogner et claquer ses dents mécaniques tranchants dans sa direction sans jamais s'arrêter. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle était tenace, presque plus motivée que ses propres victimes à l'idée de lui faire la peau. Henry avait dû leur faire quelque chose, il n'en doutait pas une seconde. Peut-être avec les scanners faciaux des vieux Toys Animatronics, peut-être avec une nouvelle technologie, mais cette chose en avait après lui très spécifiquement. Cela ne l'étonnait pas vraiment.

— Est-ce que tu as le temps d'étudier un peu cette chose ? demanda Michael. Toi et moi, nous savons que ce n'est pas une coïncidence. Elle ressemble trop à tes plans de la série Nightmare. D'après ce que j'ai entendu des témoignages des autres, les autres robots suivent son exemple.

— On dirait qu'il a finalement réussi à retrouver ma trace une nouvelle fois. Je vous avais dit que me garder enfermé était une mauvaise idée. Henry agit par obsession. Il ne s'arrêtera pas avant d'avoir eu ce qu'il veut. Tu devrais être le mieux placé pour le savoir, tu as travaillé avec lui, toi aussi.

— Peut-être que tu as raison, peut-être que tu veux sortir juste pour te mettre en chasse après lui.

Springtrap poussa un soupir mécanique et leva les yeux au ciel aussi haut que la limite de son corps robotique le lui permit.

— Et moi qui pensais qu'on avait un moment père-fils… Tu crois vraiment que j'ai envie de rentrer dans son jeu après tout ce qu'il a fait ? Je préférerais crever une deuxième fois que de revoir son visage de vipère une nouvelle fois. Il est celui qui refuse de me laisser tranquille, pas l'inverse. Tu peux bien voir que je suis de bonne foi, non ? Je suis enfermé ici depuis… Je ne sais même plus quand !

— Malheureusement, Henry n'est pas le seul avec des tendances obsessionnelles. Tu ne m'en voudras pas si je reste méfiant. C'est justement parce que je te connais que je sais que tu ne résisteras pas longtemps. Tu es juste comme lui.

— Ce n'est pas ce que semble penser ta petite-fille.

— Elle est assez grande pour se faire sa propre opinion. Si je devais être intervenu, cela ferait longtemps que tu vivrais ton éternité enchaîné à un gros rocher au fond du lac le plus proche.

— Merci, Mike, ça me fait toujours plaisir de discuter avec toi, dit-il avec sarcasme.

Le vieil homme sourit derrière la vitre, nullement impressionné. Golden Freddy traversa le mur et s'approcha du robot démembré, sans prêter attention à Springtrap qui avait esquissé un mouvement de recul en le voyant apparaître dans son espace vital. L'ours ne parlait pas oralement avec eux. William le connaissait assez pour savoir qu'il essayait de tisser un lien avec l'âme enfermé dans le corps robotique, comme l'avait fait la poupée de l'enfer. En vain, de toute évidence. Le robot s'agita subitement avec encore plus de vigueur que quelques secondes auparavant et tomba au sol. Springtrap sentit son âme faire un bond lorsqu'elle se mit à ramper droit dans sa direction.

— Euh… Mike ? Ce serait bien que vous viriez cette chose de la pièce. Je crois que ce n'est pas une bonne idée.

— Elle n'a pas de main et tu ne peux pas mourir, qu'est-ce que tu veux qu'elle te fasse ?

Il avait raison, bien sûr, mais ce n'était pas non plus lui qui se retrouvait seul avec elle. Avec précaution, William attrapa une barre de métal sur sa table de travail et repoussa Chica contre le mur difficilement. Elle était plus lourde que lui et sa tête faisait deux fois la taille de la sienne. Sans parler de ses dents. Nullement décidé à l'aider, Michael le planta là et regagna le restaurant. Golden Freddy lança un dernier regard au robot, avec une pointe de tristesse, et le suivit à l'étage.

William poussa un soupir. Comme d'habitude, personne ne l'écoutait. Il commençait cependant à s'intéresser aux vraies motivations d'Henry. Il devait savoir qu'il ne pourrait pas l'atteindre aussi facilement, alors que cherchait-il vraiment ?


L'air pensif, Violet débarrassait les tables du restaurant en évitant les enfants qui couraient partout autour d'elle. Le spectacle des robots commencerait dans quelques minutes, ramenant temporairement le calme dans le restaurant pour quarante-cinq minutes. Chica, de l'autre côté de la salle, l'aidait à ramasser les assiettes pour la soulager. Le samedi était le jour des anniversaires au Circus Baby's World II et le restaurant y était souvent bondé. Elle chercha du regard Luc, occupé à faire la vaisselle dans la cuisine. Depuis ce qui s'était passé, il paraissait extrêmement distant, ce qui ne faisait que renforcer ses soupçons et ceux de la Marionnette. Charlie, par ailleurs, ne se trouvait pas bien loin de lui, en train de surveiller de jeunes enfants quelques mètres plus loin.

Les lumières devinrent ternes et une musique entraînante démarra, provoquant les cris et applaudissements en rythmes des enfants. Les retardataires coururent se frayer une place devant la scène alors que les rideaux s'ouvraient sur Freddy et Foxy pour le début de la représentation. Chica déposa rapidement ce qu'elle avait dans les mains dans la cuisine pour rejoindre les coulisses et se préparer à la suite du spectacle. Violet la remercia d'un pouce levé et continua sa besogne seule.

Installé parmi le public, son grand-père regardait les robots bouger le sourire aux lèvres. Discret, Golden Freddy était là lui aussi. Seuls ses yeux blancs apparaissaient sur le mur à côté duquel il se trouvait. Etaient-ils en train de discuter, tous les deux ? C'était fort possible. Elle les avait vu remonter du sous-sol quelques minutes plus tôt, signe qu'ils avaient été voir Springtrap et son "invitée". Son père avait réussi à étouffer l'affaire avant qu'elle n'arrive dans les médias, mais Violet n'était pas dupe : les rumeurs allaient bon train sur le restaurant et c'était l'une des raisons pour laquelle il y avait tant de monde aujourd'hui. Les gens voulaient s'assurer que rien de surnaturel ne se trame parmi les robots, ou au contraire espéraient que ce soit le cas pour alimenter leurs blogs et réseaux sociaux d'horreurs qui finiraient tôt ou tard par leur retomber dessus.

Une main se glissa derrière son dos. Elle sursauta avant de sourire à son père qui s'était glissé dans la salle après avoir programmé le spectacle. Depuis l'attaque, ce dernier était nerveux et étouffait un peu trop sa fille. Les robots tueurs rappelaient forcément de mauvais souvenirs, elle en avait conscience, non seulement à cause de l'histoire de la pizzéria, mais surtout à cause de ce qui lui était arrivé avec Springtrap dans le musée. Cependant, d'ordinaire indépendante, la jeune femme avait du mal à supporter cette surprotection qui lui donnait l'impression d'être toujours la faible petite fille traumatisée d'autrefois.

— On est à cours de café. Tu pourrais aller en chercher à la supérette au bout de la rue, s'il te plaît ?

Elle hocha la tête et il lui tendit sa carte bancaire. Elle déposa la vaisselle qu'elle portait dans la cuisine et se dirigea vers l'entrée. Presque immédiatement, elle sentit une présence derrière elle.

— Bonjour, Georges, dit-elle avec un demi-sourire en enfilant son manteau. Des nouvelles de Springtrap et de sa colocataire ?

— Oui, et ce n'est pas bon, répondit-il télépathiquement en l'accompagnant à l'extérieur. J'ai essayé de parler à l'enfant prisonnier dans le robot, mais il semble inatteignable. Quelque chose brouille mes pouvoirs. C'est pour ça que Charlie n'a pas réussi à lui parler la dernière fois.

Violet attrapa son sac-à-main et se dirigea à pied vers l'épicerie, plus bas dans la rue. Golden Freddy redevint invisible, mais elle savait qu'il se trouvait près d'elle.

— Tu penses que ça peut venir de quelque chose qui a été mis dans son corps ? Je peux essayer de la démonter pour voir comment elle est construite, mais si c'est trop compliqué, peut-être que William saura quoi faire. Après tout, c'est lui le "génie" de la robotique.

— Peut-être. Toute cette histoire ne me plait vraiment pas. Je sens que quelque chose de mal va se produire. Mon instinct ne m'a jamais trompé jusque-là.

— Mais pourquoi est-ce que Henry reviendrait maintenant ? On a gardé la présence de Springtrap secrète, rien n'a vraiment changé, je ne comprends pas comment il peut l'avoir retrouvé.

— Je crains fort qu'il n'ait jamais vraiment quitté mon père des yeux. Il n'avait peut-être tout simplement pas la technique pour l'arrêter. Ou il avait des projets plus grands. J'espère que ça ne retombera pas sur les autres. Je suis relativement en sécurité sous cette forme, et aussi plus neutre, mais les autres pourraient foncer dans un piège sans jamais s'en rendre compte en agissant par colère ou par peur. Ils ne m'écouteront pas. Mais toi, ils te font confiance. Peut-être que tu réussiras à les rassurer et les guider sur la bonne voie.

La jeune femme s'arrêta et fronça les sourcils.

— Comment ? Je ne sais même pas que faire des informations qu'on a accumulées jusqu'ici. Et puis… Je pense qu'ils écoutent plus Charlie que moi, pour être honnête.

— Charlie a peur, comme les autres. Elle est douée pour tenir notre famille unifiée, mais pas pour réfléchir sous la pression. Elle n'est pas toute blanche, elle a déjà fait des erreurs, et je pense qu'elle t'écoute plus que tu ne le crois. Tu es son repère, une alliée inattendue alors que cela faisait des dizaines d'années qu'elle devait se débrouiller seule. Je n'ai pas été très présent pour les autres pendant toute la période où Springtrap était dans les ruines, peut-être est-ce ma faute. Peut-être aurais-je dû faire plus attention.

— Mais tu es là, maintenant. On va peut-être finir par trouver une issue à tout ça. Ma promesse ne tombe pas à l'eau, je veux toujours vous aider à partir en paix, et peut-être que ce qui est en train d'arriver fait partie des indices qui vont nous permettre d'avancer, qu'est-ce que tu en penses ?

— Ton optimisme est touchant. J'espère que tu as raison. Si on réussit à avoir Henry et qu'on continue de travailler sur le cas de William, peut-être qu'une issue se profilera à l'horizon, en effet.

La jeune femme sourit et poussa la porte du magasin. La vieille dame assise derrière le comptoir la salua avec un sourire chaleureux. Violet expliqua ce qu'elle voulait et la marchande se dirigea immédiatement vers l'arrière-boutique pour récupérer ses achats. Elle avait l'habitude de fournir le restaurant : cela faisait vivre son commerce et permettait à la pizzéria de se réapprovisionner à peu de frais lorsqu'il y avait des trous dans l'inventaire. Elle déposa un carton sur la table en bois. Violet paya, resta quelques minutes à discuter de tout et de rien avec elle avant de tourner les talons, sa commande dans les bras.

Elle manqua de lâcher le carton lorsqu'en ouvrant la porte, un sosie miniature de Springtrap détala dans les buissons, juste devant elle. Une main sur le cœur, elle resta quelques secondes à observer les environs, puis, prudemment, se dirigea vers le restaurant avec la très mauvaise impression d'être suivie.