Bonjour ! Joyeuses fêtes ! On se retrouve enfin pour le dernier chapitre de 2020 avec un grand changement de point de vue qui devrait vous faire plaisir, eh eh.
Chapitre 8 : Le maître absolu
Luc retira son tablier et le rangea à sa place dans les vestiaires. Encore une journée terminée. Il commençait à aimer cette routine qui lui donnait l'impression, l'espace de quelques heures, d'avoir une vie normale. Il enviait Violet. Même si elle avait elle-aussi vécu l'enfer plus jeune, elle s'en était sortie, plus forte que jamais et avec des amis pour l'accompagner. Lui n'avait personne. Il n'avait jamais eu personne. Rejeton des Miller, il n'était rien d'autre qu'un pion dans le jeu de son arrière-grand-père, condamné à être sacrifié quand le moment serait venu. Mais pas aujourd'hui. Il avait encore du travail, et il avait intérêt à être efficace.
Les robots avaient échoué et pire, l'un d'eux s'était fait attraper. Luc savait qu'ils le retenaient à la cave. Il avait essayé plusieurs fois de s'y introduire quand personne ne regardait, mais la sécurité était trop élevée. Il s'agissait certainement de l'endroit où Afton purgeait sa peine. Il n'avait entraperçu le lapin qu'une fois, lorsque la jeune femme l'avait sorti, sans doute pour l'analyser. Elle se méfiait, et elle avait certainement fait le rapprochement maintenant que son arrière-grand-père avait envoyé des robots sans l'informer au préalable, mais chacun continuait de jouer sa pièce. Il était toujours le gentil petit serveur et elle la gentille fille du patron.
Il y en avait une, en revanche, qui ne cachait pas son animosité à son égard. Il sursauta quand, en se retournant, il tomba nez à nez avec la Marionnette. Elle était plus impressionnante que sur les dessins qu'il avait pu voir de sa conception. Elle ne dit rien, ne fit rien et se contenta de l'observer fixement alors qu'il la contournait avec prudence. Il y avait quelque chose de surnaturel qui l'encerclait, comme une aura. Il pouvait sentir sa méfiance et sa colère de loin, même quand il n'était pas dans son champ de vision. Elle l'épiait constamment. Le moindre faux pas, et il était certain qu'elle l'attaquerait sans prévenir. Il garda son masque détaché et l'ignora copieusement, peu impressionné. Son regard dériva vers l'horloge. Il devait se dépêcher, la sortie des écoles approchait et il avait des courses à faire avant de rentrer chez lui.
— Ah, Luc ! Merci beaucoup pour ton aide, dit monsieur Afton derrière le comptoir de l'accueil. J'ai ton chèque pour cette semaine, avec un petit bonus, cadeau de la maison, ajouta-t-il avec un clin d'œil en lui tendant une enveloppe.
— Merci monsieur ! répondit-il avec entrain. A lundi !
Il quitta le restaurant et perdit son sourire à peine passé le pas de la porte. Violet revenait, accompagnée d'un ours jaune fantôme qui flottait derrière elle. Il ne l'avait encore jamais vu, celui-là. En tout cas, autre part que dans les récits de Henry. La jeune femme ne semblait pas l'avoir remarqué. Ni lui, ni le petit lapin robotique qui courait de buisson en buisson derrière elle. Golden Freddy disparut dès qu'ils entrèrent dans l'allée, mais cela n'arrêta pas la conversation qu'elle avait avec lui. Lorsqu'elle remarqua finalement le jeune homme, elle se tut comme si rien ne s'était passé.
— Tu as déjà terminé ? demanda-t-elle poliment.
— Oui, il faut que je rentre chez moi ce week-end. Je serai là lundi.
— Oh, d'accord. Passe un bon week-end !
Elle lui sourit et poussa la porte du restaurant, une ombre étrange collée à ses basques qu'il identifia comme le fantôme. Quand il fut sûr d'être seul, il se tourna vers le buisson le plus proche.
— Sors de là, je t'ai vu Plushtrap.
Une paire d'oreilles et une gueule mécanique s'échappèrent de la boule végétale. Le lapin sortit et s'approcha de lui, fier de lui. Il s'agissait d'un modèle de robot-espion, un des premiers conçus par son arrière-grand-père. Il avait décidé de le créer à l'effigie de son ennemi de toujours, juste par besoin d'évacuer sa rancœur. Il avait quelque chose de mignon, si l'on écartait la couleur jaune-verte de son pelage et la rangée de dents pointues pouvant déchiqueter une main ou une jambe qu'il cachait derrière sa dentition carrée habituelle. Lui aussi était hanté par l'âme d'une des nombreuses victimes de Henry. Il était même l'un des premiers. Cependant, Plushtrap avait… Quelques problèmes. Originellement, il devait servir à attirer les enfants loin de l'école pour faciliter leur enlèvement, mais il avait des problèmes de mémoire, si bien que, plus jeune, Luc le retrouvait souvent en train de jouer avec les enfants ou de les accompagner vers chez eux. Après ça, il avait surtout servi d'animal de compagnie et de chien de garde du manoir, mais visiblement, Henry lui avait donné une nouvelle chance.
— Plushtrap est discret, petit maître. Plushtrap envoyé par le grand maître pour surveiller la méchante fille. Plushtrap est très doué dans sa mission !
— Ah oui ? Et comment tu comptes rentrer dans le restaurant ?
— Plushtrap… Plushtrap ne sait pas, avoua-t-il en se grattant la tête.
Luc leva les yeux au ciel. Comme d'habitude. Il n'était pas rassuré à l'idée de le laisser seul ici. Il allait forcément faire une gaffe à un moment ou un autre et se faire repérer.
— On verra ça lundi. Viens avec moi. Je dois rendre visite à Hen… au grand maître, et ensuite on ira chez moi. Je te ferai rentrer lundi.
— Plushtrap peut venir avec le petit maître ? s'exclama-t-il, excité. Plushtrap va être sage comme une image ! Plushtrap va travailler avec le petit maître et le rendre fier ! Plushtrap très doué !
— Oui, oui… En attendant, fais-toi petit. Et si tu manges mes chaussures comme la dernière fois, ça va mal se passer, c'est clair ? grogna-t-il en ouvrant la portière de sa voiture.
— Plushtrap ne mangera pas les chaussures, promit-il d'une petite voix.
Le robot escalada la voiture et s'installa sur le siège conducteur. Il observa autour de lui, puis son regard se posa sur la boîte à gants entrouverte. Luc n'eut pas le temps de s'asseoir qu'il l'avait déjà ouverte et fouillait dedans sans la moindre gêne. Le trajet serait long. Luc jeta un coup d'œil à l'arrière. Le bord de la cage dépassait légèrement de sous la plage arrière. Sa nouvelle voiture, plus petite que l'ancienne, n'était pas forcément adaptée à ses activités. Mais tant pis.
S'il allait vite, personne ne remarquerait rien de toute manière. Il jeta un coup d'oeil vers le GPS. L'école que son grand-père lui avait indiquée se trouvait à quarante kilomètres d'ici. Il fallait les chercher de plus en plus loin pour ne pas éveiller les soupçons.
— Plushtrap peut mettre de la musique ?
— Non. On est en mission infiltration, pas sur la route des vacances.
— Oh… répondit-il d'un air triste.
Luc leva les yeux en l'air et alluma la radio. Le lapin claqua des mains, ravi. Le jeune homme démarra la voiture et s'engagea sur la route. Une demi-heure plus tard et une dizaine de reprises de chansons chantées par Plushtrap et sa voix métallique monotone, ils arrivaient enfin à destination, juste à temps.
Cette école n'avait rien d'extraordinaire. Elle n'avait même pas assez d'argent pour payer quelqu'un pour faire la circulation. Il se gara à bonne distance et observa un moment. Il y avait toujours un ou deux gamins qui attendaient leurs parents ou rentraient par leurs moyens, en particulier à l'école primaire. Le soir, les parents avaient moins de patience et passaient moins de temps à discuter. La plupart ramassait leurs marmots et les tiraient sans ménagement par le bras vers leurs voitures. Son choix se porta sur un petit garçon blond isolé. Il se dirigeait vers l'arrêt de bus, derrière l'école, et s'arrêta pour attendre. Parfait. Il devait avoir sept ou huit ans et était assez frêle. Luc avança sa voiture jusque devant l'arrêt.
Tout se passa en quelques secondes. Il sortit, attrapa le gosse par la taille par surprise, ouvrit le coffre, le jeta dans la cage, referma le coffre et reprit le volant. Il démarra comme si de rien était. Aucun témoin, aucune trace de lutte. Le coffre, insonorisé, ne laissait s'échapper aucun son. Luc reprit tranquillement la route, l'esprit serein.
— Bien joué, petit maître ! Le grand maître va être content. Plushtrap aime bien voir le grand maître content.
Il acquiesça d'un grognement. Le retour fut beaucoup plus tendu que l'aller. Le gamin, passé le choc, commençait à donner des coups de pieds et de poing dans la cage. Luc poussa le son de la radio pour les masquer. Même s'il le faisait avec des gestes experts, il détestait cette partie de son travail. Après chaque enlèvement, il ne pouvait s'empêcher de penser aux parents qui le chercheraient des années en vain, avant de finalement tourner la page, s'ils y arrivaient. Beaucoup ne passaient jamais à autre chose. Il les voyait parfois à la télévision, ou sur des affiches dans la rue. Personne ne parvenait à mettre la main sur Miller, et les rares qui avaient réussi à remonter sa piste, les robots s'en étaient chargé pour lui.
Après une petite heure de route perdu dans ses pensées, la voiture s'arrêta à l'entrée du manoir. L'immense portail s'ouvrit pour laisser passer le véhicule et se referma rapidement derrière lui. La porte, les grilles, tout était couvert par de grandes plaques noires qui ne laissaient rien voir de ce qui se déroulait à l'intérieur. La position géographique aidait aussi. Ils se trouvaient au milieu de nulle part, encerclés par la campagne à des kilomètres à la ronde. Des hommes vivaient avec lui, recrutés pour leur fidélité. Ils habitaient sur place et ne sortaient que pour faire les courses, une fois par mois. Un véritable morceau de terre hors du temps, où l'on vivait comme à l'époque des rois et des empereurs, et dont Henry Miller était le maître absolu, à l'image de sa mégalomanie.
Deux hommes attendaient à côté d'une cage plus grande. Luc descendit de la voiture, Plushtrap sur les talons, et ouvrit le coffre. Le gamin se plaqua dans le fond de sa cage, les joues ravagées de larmes et les bras tremblants. Le jeune homme ne se laissa pas attendrir. Il l'attrapa rudement par le bras et le traîna à l'extérieur. L'enfant se débattit, hurla et tenta de le mordre. Il réussit même à lui échapper et tenta un sprint vers la grille. Un gros chien noir métallique lui barra la route, il ouvrit la bouche et cracha une fléchette qui se planta dans son cou. Le gosse tomba comme une bûche au sol. Luc alla le ramasser avec un soupir, et tapota gentiment la tête de Fetch, très fier de lui. Il le jeta comme un sac à patate dans la grille et retira ses vêtements pour ne pas avoir à assister à un deuxième rodéo.
— Je l'emmène au chenil, dit-il aux deux majordomes. Prévenez Grand Papa que je monte le rejoindre dans quelques minutes.
— Comme vous voudrez, monsieur. Monsieur se trouve dans son laboratoire, à l'étage. Désirez-vous une collation ?
— Du thé suffira.
— Bien. Monsieur a demandé à voir le sujet douze.
— Ce sera fait.
L'homme inclina la tête et s'éclipsa, son compagnon à sa suite. Luc attrapa les barreaux de la cage et la poussa vers le garage, où se trouvait l'ascenseur. Le garçon s'éveilla au moment où ils en passaient la porte. Terrorisé, il se mit à chouiner à grosse larmes en cachant son corps avec ses mains. Luc poussa la cage dans l'ascenseur, et Plushtrap le rejoignit à toute vitesse. Le lapin avait radicalement changé de comportement, plus sérieux, plus sombre. Un peu comme le jeune homme. Tout le monde craignait Henry, pour différentes raisons.
La porte de l'ascenseur s'ouvrit sur l'étage. Luc passa devant la porte du laboratoire fermé pour se diriger vers le chenil. La pièce, insonorisée, était cachée par une porte sobre en bois. Mais dès qu'il la poussa, un concert de cri et de pleurs résonna autour de lui. Ceux qui étaient là depuis longtemps baissaient simplement les yeux, muets depuis aussi longtemps qu'ils avaient compris qu'ils ne reverraient jamais leur famille. Les autres continuaient à espérer. Ils étaient une quinzaine en tout, filles et garçons, séparés par un couloir froid. Luc s'arrêta devant un box occupé par un petit garçon de cinq ou six ans au regard craintif.
— On échange, dit-il simplement. Monte dans la cage.
Luc tira le nouveau prisonnier et le poussa sans ménagement dans sa nouvelle maison. Il éclata immédiatement en sanglots, terrifié, tandis que l'autre, résigné, obéissait sans piper un mot. Il ferma la grille d'un coup de pied et changea l'étiquette qui l'identifiait. "Nightmare Freddy". Celui-là aurait la chance de hanter un robot. Celui qui était dans la cage en aurait beaucoup moins. Il récupéra son bien et entra dans le laboratoire par une autre porte au bout du couloir.
Confortablement installé dans son fauteuil, Henry regardait son nouveau jouet évoluer derrière une vitre à triple épaisseur. Il s'agissait d'une autre version de Freddy, mais en plus tordu. Si les robots de la série Nightmare avaient des fonctions plus ou moins utiles, ceux de la série Twisted servaient exclusivement comme pièces de musée et armes ultimes. Il s'agissait de robots monstrueux, tant par leur taille que par leur difformité. Ce Freddy-là avait plusieurs rangées de dents qui l'empêchaient de fermer la bouche, ainsi que des pustules hideuses sur les bras et une partie du visage. Son ventre était troué, ses bras et ses jambes de taille différentes, lui donnait l'air d'un bossu. Il était aussi équipé de griffes en métal longues comme des poignards et tranchantes comme des scies. Mais la vraie révolution de ce robot était la cohabitation de trois âmes à l'intérieur. Le seul problème ? Ne pouvant supporter leurs conditions, les enfants devenaient fous, incapables de soutenir le corps. Il avait fallu s'y reprendre à trois fois pour obtenir le prototype qu'il avait sous les yeux, plus stable.
— Bonjour, Luc. Mets le sujet dans la trappe et assieds-toi.
Luc s'exécuta. Il poussa l'enfant dans un tunnel exigu et referma derrière lui. Henry patienta le temps que son petit-petit fils s'installe à côté de lui et activa la trappe à distance. L'ours pivota immédiatement vers le bruit, le regard fou. Le gamin n'eut même pas le temps de sortir. Il l'arracha du conduit et à la seule force de ses mains, lui brisa la colonne vertébrale. Les deux mains déchirèrent ensuite le corps comme un vulgaire morceau de viande, faisant gicler sang et organes partout autour du robot.
Henry porta un verre de vin à la bouche, sourire aux lèvres. Luc fit de son mieux pour rester impassible malgré les haut-le-cœur qui lui donnaient envie de vomir.
— Comment va mon garçon préféré ? demanda Henry, nullement gêné par le bain de sang. Ta mission progresse ?
— Si on veut. Ils sont plus méfiants depuis l'attaque, mais je pense avoir localisé William Afton. Il se trouve à la cave, dans une cellule sécurisée. Ce ne sera pas facile de l'en sortir.
— Oh, ne t'inquiète pas pour ça. Lorsque nous passerons à l'attaque, sa fille fera partie du voyage, assurément. Je peux t'assurer que lorsque ça la concerne, aucun mur n'est assez solide pour l'arrêter. Ou il te tombera dans les bras, ou il viendra la chercher lui-même, en tuant tout ce qui lui bloque le chemin au passage. Il est intelligent, il doit avoir compris que je le recherche désormais.
— Je ne vous décevrai pas, Grand Père.
— Je sais que tu ne le feras pas. J'ai pleinement conscience en tes capacités. As-tu réussi à t'approcher de la fille ?
— Ce n'est pas le type romantique, et la Marionnette m'empêche toute possibilité de l'approcher. Elle me surveille constamment.
Il passa une main dans sa barbe, songeur.
— Si l'on avance l'attaque pour te débarrasser de la Marionnette et de ses amis, penses-tu avoir une marge de manœuvre suffisante pour la ramener elle et Springtrap à moi ?
— Oui, sans problème. Je pense que c'est une excellente idée.
— Bien, faisons ça dans ce cas. Oh, je vois que tu as trouvé ma sentinelle. Plushtrap t'accompagnera à partir de maintenant. Je l'ai équipé de caméras, pour garder un oeil sur la situation. Je te le confie, c'est ton nouvel outil de travail. Tu trouveras un ordinateur à l'accueil, relié directement à son logiciel. Un petit cadeau, pour te remercier.
— Merci, Grand'Pa. J'en ferai bon usage.
Il lui sourit et lui tapota gentiment le bras.
— Bien, tu es libre de partir si tu le souhaites. Nous ferons un point après l'attaque. Je la prévoie pour demain soir. Les Nightmare sont prêts à être mis en service. J'ai remplacé Chica. Elle n'était pas assez performante, de toute manière. Je te conseille de rester loin du restaurant avant lundi. Après ce qui va se passer, on va entendre parler longtemps de Fazbear Entertainment dans les médias.
— Ne devrait-ce pas rester discret ?
— Où serait le "fun" dans tout ça ? Non, je compte attaquer en plein service. Ce sera un bain de sang mémorable, à la hauteur de celui perpétué par ce cher William il y quelques années maintenant. Je lui dois bien ça, histoire qu'il se rappelle qui a le contrôle. Bonne soirée, fiston.
Luc inclina la tête et prit congé. Il descendit les marches de l'escalier pour récupérer son ordinateur et décampa avec Plushtrap. Il n'aimait pas la tournure que prenait les événements, mais comme son arrière-grand-père le disait si bien, il n'était pas celui qui avait le contrôle ici.
