10h30. Allongée sur son transat, Candice refusait pour la sixième fois depuis cinq jours l'appel d'Antoine. Elle ne voulait pas l'entendre. Pas après ce qui lui avait fait. Elle avait déjà été trompée une fois, et jamais elle n'aurait voulu subir cela à nouveau. Alors la commandante s'était prostrée dans la douleur et dans le silence pour encaisser la nouvelle. Cette fois-ci, elle en était certaine, tout était terminé entre eux.

Antoine souffla en entendant la messagerie résonner dans son téléphone. Pour la sixième fois en cinq jours, il essuyait son refus. Il s'affaissa dans son fauteuil de bureau et jura entre ses dents. Il avait tout gâché... Elle ne voulait plus le voir. Elle ne voulait plus l'entendre. Elle ne voulait même plus travailler avec lui. Il s'était pris ces mots en pleine figure lorsque deux jours plus tôt il avait reçu un sms de sa part le prévenant qu'elle prenait à nouveau des congés. Perdu, le commissaire ne savait plus quoi faire.

Le téléphone de Candice vibra à nouveau sur la table du salon de jardin. Elle posa son livre et s'empara de son portable :

« Allô !

- Oui Candice. J'ai vu que tu m'avais appelé. Désolée j'étais overbookée… Je profite d'une pause entre deux analyses pour te rappeler, s'excusa Nathalie.

- T'inquiète pas ! C'est gentil.

- Comment ça va toi ?

- Ça va… Je tourne un peu en rond…

- Et tu rumines !, la coupa-t-elle.

- Non ! Enfin… Oui ! Mais c'est normal quand même… C'est tout frais puis…

- Mais tu sais que c'est pas bon de ruminer ! Ça augmente le stress et ça conduit à la dépression.

- Merci de me rassurer…

- Je plaisante !

- Qu'est-ce que tu veux que je fasse d'autre ?

- Tu veux que je passe ?

- Si tu veux…

- Ok ! Je passerai te voir dans la journée. En échange, tu me prépares un mojito comme t'as rien d'autre à faire…

- Ok !, lâcha Candice en rigolant. À toute à l'heure!

- A toute!"

Nathalie raccrocha et se remit à ses analyses, loin de se douter que sa conversation n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd. En effet, le commissaire s'apprêtait à venir prendre conseil auprès de sa collègue lorsqu'il se stoppa derrière la porte entrouverte en entendant le début de l'appel téléphonique. Il décida finalement de tourner les talons et retourna à son bureau.

13h00. Muni d'un bouquet de fleurs, Antoine Dumas claqua la portière de sa voiture et enclencha le pas vers l'entrée de la maison. Il avait fait ce même chemin plus de trois fois ces derniers jours… Sans toutefois parvenir à passer le pas de la porte. Soit il se heurtait au silence, soit au refus de sa fille. Mais cette fois, il le savait, cela fonctionnerait. Candice s'attendait à voir Nathalie, mais c'était lui qu'elle trouverait.

Une fois devant la porte, Antoine pris une grande respiration et toqua. Il entendit un « J'arriiiive ! » à travers la porte avant qu'elle ne s'ouvre sur Candice qui souriait. La blonde perdit rapidement son sourire et tenta de la refermer. Le commissaire parvint à l'en empêcher et pénétra dans la maison contre son gré. Candice était furieuse. Elle se dirigea au salon, le visage fermé et lâcha avec énervement :

« T'as toujours pas compris que je ne voulais plus te voir ?

- Mais laisse-moi au moins m'expliquer. S'il-te-plaît Candice. Je suis désolé, s'excusa t-il en tendant le bouquet.

Elle s'empara du bouquet et le déposa brusquement sur la table de la cuisine. Antoine suivit son geste des yeux et attendit sa réponse.

- T'as deux minutes et pas une de plus, lâcha-t-elle durement en le fixant les bras croisés.

- Je… Vraiment, je suis désolé. Je voulais pas te faire de mal. J'ai agi comme un con.

- Tu voulais pas me faire du mal ? Tu pensais que me tromper ne me ferait pas mal donc ?, s'offusqua-t-elle dans un rire jaune.

- Mais je ne t'ai jamais trompé Candice ! Je te jure ! Crois-moi bon sang.

- Mais arrête de me mentir. Je vous ai vu au restaurant, et sur la plage…

- Oui mais c'était pas ce que tu crois, le coupa-t-elle.

- Tu l'as prise dans tes bras Antoine ! Arrête !

- Mais il se passe rien avec Stéphanie. Ok on a couché ensemble quand on était jeune mais c'était y a plus de vingt ans maintenant.

- Mais bien sûr… souffla-t-elle en tournant la tête pour ne plus le regarder.

- Putain mais… Antoine marqua un temps. C'est toi que j'aime, d'accord ? Et… Si je t'ai menti c'était pour te protéger.

- Mais me protéger de quoi ?, s'agaça t-elle.

- De moi…, annonça t-il en baissant la tête.

- De toi ?, l'interrogea-t-elle surprise.

- Oui, je… J'suis malade Candice.

- Quoi ? Mais… Qu'est-ce que t'as ?, demanda t-elle inquiète.

Antoine se dirigea vers la baie vitrée et fixa l'eau devant lui.

- C'est à cause de mon accident. Le médecin m'a fait des examens et il m'a trouvé un… Un angiome au cerveau. Au début les médicaments faisaient effet, mais plus maintenant. Je vais devoir me faire opérer.

- Mais pourquoi tu m'as rien dit ?, répondit-elle sous le choc.

- Parce que je voulais pas t'inquiéter… Parce que j'avais peur que… que ça change quelque chose entre nous. Voilà !, lui annonça-t-il en se tournant vers elle.

Candice s'approcha de lui.

- Mais on est ensemble Antoine. C'est aussi mon rôle de t'aider et de te soutenir. Enfin… J'comprends pas quoi !, lâcha t-elle les larmes aux yeux avant de renchérir. T'as préféré me mentir et regarde où ça nous a mené !

- Je sais… J'ai été con. Pardonne-moi.

- C'est pour ça que t'étais fatigué… réalisa-t-elle.

- Je suis désolé. S'excusa-t-il à nouveau.

- Et Stéphanie ?

- On s'est croisés à l'hôpital, j'avais mon IRM dans les mains et… Elle a tout de suite compris. J'aurais dû te dire la vérité, j'suis désolé...

Candice hocha la tête, complètement sonnée par la nouvelle.

- J'en reviens pas que tu m'ai rien dit…

- Pardon… s'excusa-t-il pour la énième fois les larmes aux yeux »

Choquée, Candice mit de côté sa rancœur et se jeta dans ses bras. Elle nicha son visage dans le creux de son cou. Antoine l'enserra par la taille et lui chuchotait des mots d'excuse à l'oreille. Il s'en voulait tellement de lui avoir menti.

Candice relâcha la pression qu'elle exerçait autour de son cou et se recula. Elle le fixa, les yeux embués par les larmes, partagée entre la haine, l'amour et l'inquiétude. Il rompit la distance entre eux en approchant ses lèvres des siennes et lui chuchota un « je t'aime » avant de l'embrasser. Candice répondit positivement à son baiser avant de l'entraîner vers le canapé. Elle s'installa dans ses bras en silence et posa sa tête sur le haut de son torse. Antoine l'enserra, profitant de ce moment de bonheur avant peut-être d'être confronté au pire.

Silencieux, ils restèrent ainsi une bonne demi-heure lorsqu'Antoine sentit le souffle de sa compagne s'apaiser. Elle s'était endormie. Épuisée par son manque de sommeil et ses ruminations, le réconfort offert par les caresses de son commissaire était parvenu à l'entraîner dans les bras de Morphée. Antoine entendit soudainement toquer à la porte. Il se défit doucement de sa position et se dirigea vers l'entrée.