Brooklyn. Derek lâcha un soupir. Ce n'était pas vraiment par choix qu'il s'y rendait, plutôt par obligation. Des comptes à régler – de manière pacifique, fort heureusement – avec un groupe de loups-garous anciennement alliés avec sa famille. Rien de bien grave ni de dangereux, mais il fallait bien qu'il finisse par le faire. Dans le monde surnaturel, rien n'était acquis et tout était à mériter. Derek savait qu'il aurait dû venir bien plus tôt, mais fut un temps où il n'avait ni le cran, ni l'envie nécessaires. Mais cette fois, il était là.

Donc voilà, Derek devait se rendre ici depuis longtemps, mais il avait toujours reporté le moment… Jusqu'à il y a quelques jours. Enfin, il avait pris sa décision. Brièvement de retour à Beacon Hills, il en avait profité pour voir Lydia, qu'il savait disponible. La banshee était toujours rayonnante d'intelligence et de beauté et sa compagnie restait des plus agréables. Sincèrement, Derek l'appréciait beaucoup et il ne pouvait pas lui refuser grand-chose. En même temps, personne ne pouvait s'opposer aux désirs de l'impératrice – surnom affectueux qu'on donnait à la rouquine depuis des années.

Personne, vraiment ? Non. Comme toujours, Stiles était l'exception qui confirmait la règle.

Lydia ne faisait pas peur, en soi. Néanmoins, on n'osait rarement lui dire non – d'autant plus qu'elle trouvait souvent les mots pour convaincre et qu'elle savait y faire pour qu'on lui obéisse. Seul Stiles avait toujours le cran de s'opposer à elle avec un naturel fou lorsque quelque chose ne lui allait pas.

Cependant, Derek ne voyait pas Stiles refuser une à une les dates que Lydia lui avait proposées – la banshee lui avait raconté toute l'histoire. En fait, elle trouvait ça étrange et pour être honnête, le loup aussi. Et puisqu'il devait, de toute manière, aller à Brooklyn… Lydia lui avait demandé s'il pouvait éventuellement passer voir Stiles, histoire de démêler le mystère autour de tous ses refus. Elle n'avait pas son adresse, rien. Elle savait simplement qu'il était à Brooklyn en ce moment.

Honnêtement ? La tâche de retrouver l'hyperactif paraissait très difficile aux yeux de Derek, voire impossible. Mais il avait des pistes et… Moui, dans un sens, il aimerait bien que les retrouvailles de la meute se fassent avec tous ses membres – d'autant plus que Stiles était l'un de ses piliers. La seule réelle piste de Derek, c'était le FBI. L'une des personnes qu'il devait aller voir pour régler des comptes faisait partie des forces de l'ordre alors… Sans doute pourrait-il l'aider à obtenir quelques informations.

En tous les cas, la priorité actuelle de Derek était de se reposer. Ces derniers jours avaient été éprouvants pour lui et les loups-garous étaient eux aussi sujets à la fatigue. L'ancien alpha n'avait pas arrêté d'aller à droite et à gauche pour différentes affaires et autant dire qu'il était heureux de pouvoir se poser un peu.

Sa chambre d'hôtel était superbe de simplicité et surtout, elle possédait un grand lit qui le faisait rêver. Mais Derek n'alla pas se coucher avant d'avoir vidé sa valise et d'avoir tout rangé correctement dans les placards mis à disposition. Il aimait que son environnement soit rangé et que rien ne dépasse. Il n'était pas maniaque : il trouvait juste ça plus satisfaisant visuellement. Puis il avait ses cases à lui, ses petites habitudes et manies, parfois à la limite de tocs.

Une fois satisfait, Derek partit se coucher l'esprit tranquille. Des questions, il en avait et la mission que lui avait confiée Lydia le perturbait, cependant… Pas assez pour qu'il se torture mentalement. Avec son vécu, le loup-garou savait se contrôler et axait depuis longtemps sa priorité sur le calme – chose qu'il raffolait et dont il avait perpétuellement besoin. De toute manière, il aurait bien le temps de réfléchir à tout cela plus tard.

D'abord, il lui fallait dormir et récupérer du long trajet effectué pour venir jusqu'ici.

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Contrairement aux apparences, Stiles aimait le calme et le silence. Ça reposait son esprit sans cesse en ébullition, un esprit perturbé par mille questions qu'il peinait à réprimer. Alors forcément, le bruit avait tendance à l'agacer, lui en faisait beaucoup autrefois. Ici, il n'y avait que des bips, des sonnettes, des roulements, des discussions… Parfois des cris, mais c'était plutôt rare. En tout cas, c'était toujours bruyant, même la nuit.

Un bâillement d'ours lui échappa et il se frotta les yeux jusqu'à ce que l'ascenseur émette un bruit lui annonçant qu'il était arrivé à l'étage demandé. Stiles respira un bon coup et s'engagea dans un loup couloir dont l'habituelle froideur ne manqua pas de le faire frissonner.

- Toujours pile à l'heure à ce que je vois, sourit un homme en blouse blanche en passant à côté de lui. On l'a changé de chambre suite à ta demande de la semaine dernière. Me laisserais-tu avoir l'honneur de te servir d'escorte ?

- Bien sûr Magnus, répondit Stiles dont le sourire amusé était plus faible, bien moins radieux que celui de son homologue.

Et même si ça n'allait pas vraiment, son cœur se retrouva légèrement réchauffé. Il se permit même un rire lorsque Magnus le remercia pompeusement en exagérant au possible. Le docteur Bane, avec qui il avait sympathisé, avait ce truc pour lui remonter le moral. Bien sûr, c'était éphémère et en général, Stiles perdait sa bonne humeur toute relative lorsqu'il arrivait à destination. Mais Magnus était adorable, parce qu'il l'accompagnait chaque fois qu'il était de garde et sa compagnie n'était pas de refus.

Elle aidait, comme toujours, Stiles à garder la face. A lui donner l'illusion qu'il était courageux, alors que ce n'était pas le cas. L'hyperactif subissait les évènements : rien de plus, rien de moins.

Stiles bâilla à nouveau et Magnus l'imita quelques secondes plus tard. Les deux jeunes hommes se regardèrent avec amusement tout en sachant que leur situation était inversée. Magnus était sur le point de terminer sa garde tandis que Stiles allait bientôt commencer à travailler. Chacun avait une heure devant lui. Trop de temps, et pas assez en même temps.

Mais voilà, Magnus finit par lui pointer du doigt une porte au fond à droite du long couloir qu'ils traversaient, dans la section des soins intensifs. Le cœur de l'hyperactif rata un battement et la boule qui lui tordait continuellement le ventre gagna en puissance. Il sentit une main se poser sur son épaule et la lui serrer doucement.

- Les soins intensifs, c'est mieux que la réanimation. Son état s'améliore, Mieczyslaw, lui dit doucement Magnus pour le détendre.

Peut-être, mais ce n'était pas la première fois qu'il vivait cela, alors… C'était lourd. Très lourd pour un jeune homme tel que lui, à qui la vie n'avait jamais vraiment fait de cadeaux. Alors il hocha la tête pour faire comme s'il avait compris et Magnus lui ouvrit la porte du box d'un air contrit. Puis, il le laissa seul. Et Stiles eut l'impression qu'un courant glacé le traversait alors qu'il posait ses yeux sur le corps allongé dans ce lit et branché à diverses machines dont les bruits lui faisaient presque mal à la tête. Ils n'étaient pas très forts, mais… Répétitifs. Et extrêmement réguliers. Puis Stiles avait l'habitude de les entendre alors à force, ça l'agaçait.

Le jeune homme frictionna ses bras recouverts de frissons et s'installa sur la seule chaise à disposition, chais qu'il rapprocha du lit. Puis, il prit doucement la main libre de son père et la serra entre les siennes sans même lever les yeux vers sa figure pâle aux yeux éternellement fermés. Combien de fois Stiles les avait-il vus ouverts ces derniers mois ? Assez pour pouvoir le compter sur les doigts d'une seule main. Ses yeux furent attirés par un léger éclat métallique.

La menotte était bien serrée autour de l'autre poignet du shérif Stilinski. Elle ne lui coupait pas la circulation, néanmoins, elle ne lui laisserait pas l'occasion de s'enfuir. Pas cette fois. Le personnel infirmier avait enfin compris qu'il devait faire son travail et même si Stiles n'aimait pas l'idée de savoir son père attaché à son lit, il n'avait pas eu d'autre choix que de demander à ce que cette mesure soit prise. Quoi que Noah puisse en penser, Stiles ne le laisserait pas partir. Pas comme ça. Il n'en était pas capable. Et puis… Il pouvait faire quelque chose, alors… Non.

Stiles savait que sa demande de le mettre dans une chambre seule lui coûterait davantage mais… Il n'était plus à quelques frais près. Il y avait des boxes doubles en soins intensifs mais l'hyperactif préférait assurer tout le confort possible à son père, ainsi que les meilleurs soins. Tant pis si ça lui coûtait un bras. Un rein. N'était-ce pas pour s'occuper de lui qu'il avait tout arrêté ? Si. Parce que son père, c'était tout pour lui et il refusait de le perdre, encore plus de cette manière-là.

Noah ne savait pas que Stiles avait ses études à l'école de police alors celui-ci lui parla, lui narra des missions qui n'existaient pas. L'entendait-il ? Peut-être. Après tout, il n'était plus dans le coma. Il se reposait. En tous les cas, l'hyperactif lui parlait toujours, histoire de lui faire comprendre qu'il n'était pas seul, qu'il ne le serait jamais. Puis il voulait égayer son sommeil et peut-être… Lui redonner un semblant de goût à la vie. Mais comment faire ? Lui-même croulait sous les pensées noires que son esprit lui imposait. Des lustres que ce manège tournait, des lustres que les choses se répétaient. Au départ, c'était simplement très difficile, mais ça allait quand même. Puis, Noah avait recommencé, incapable de supporter ce verdict qui l'avait brisé. Et Stiles trouvait ça stupide. Stupide parce qu'il pouvait l'aider. Oui mais voilà, Noah n'avait pas voulu lui imposer sa maladie, ses conséquences et les différents frais qu'elle pouvait engendrer si on tentait de la « soigner »… Tout comme il n'avait pu supporter l'idée de se voir diminué, de ne plus pouvoir travailler correctement.

Le suicide lui avait paru être la meilleure solution. La première fois que c'était arrivé, Stiles ne savait rien. Il était encore à l'école de police, plein d'espoir d'intégrer le FBI par la suite. Jordan Parrish l'avait appelé, la mort dans l'âme, pour lui signaler que Noah avait eu un accident de voiture. Violent. Un accident qu'il avait provoqué, apprit-on par la suite. Stiles n'avait pas hésité : il avait tout lâché pour pouvoir aider son père à obtenir les meilleurs soins possibles. Il avait remué ciel et terre, jusqu'à tomber sur les meilleurs médecins du monde – à ses yeux. Magnus Bane et Alexander Lightwood. Il savait les hôpitaux de Brooklyn réputés, mais il n'avait aucune idée d'à quel point c'était vrai avant d'y faire soigner son père. Seul le personnel infirmier laissait un peu à désirer, mais… Magnus et Alec relevaient largement le niveau. Ils avaient accompli un travail de titan car Noah ne s'était jamais raté et avait grièvement entaché ses chances de survie. Chaque fois avait été un défi pour les deux médecins qui n'avaient rien lâché.

Maintenant, restait à voir la suite. Et surtout, Stiles comptait bien aider son père en profondeur, quitte à débourser davantage encore. Ses soins médicaux étaient difficiles à assumer, mais il était prêt à continuer jusqu'à ce que ça paye. Il était clair que Noah aurait besoin d'une thérapie et ce, depuis bien longtemps. Stiles se promit de la lui payer une fois qu'il aurait amassé davantage d'argent. Actuellement, tout partait dans les frais d'hôpitaux, si onéreux que Stiles peinait à aligner quelques sous pour lui. Il survivait, donc c'était suffisant.

Vint un moment où Stiles dut se lever et abandonner son père aux bons soins du personnel soignant. Dans ses souvenirs, Alec devrait prendre la relève de Magnus. Dans un sens, ça le rassurait. Il n'aimait pas savoir son géniteur seul toute la journée et il savait qu'Alec passerait le voir régulièrement, comme le faisait Magnus.

Stiles serra une dernière fois la main de Noah avant de finalement la lâcher à regret, ses émotions intérieures parfaitement sous contrôle pour l'instant. Il passerait bien des heures à le veiller, mais… Il avait du travail et de l'argent à gagner.

Une longue, très longue journée l'attendait.