La mort est une expérience étrange bien que naturelle.

Que l'on subisse la perte d'un être cher, elle surprend même lorsque l'on s'attend à sa venue.

Car elle gardera une forme de mystère, de salut, et d'horreur à la fois.

Chaque fois que la mort arrive, elle frappe, cueille, soulage ou effraie. Personne ne l'accueillera de la même manière.

Mais elle fait partie de la vie.

Elle est inévitable.

Quand le sortilège de la mort a frappé Ange et Katty Fire, ces dernières étaient déjà ailleurs.

Avant que la lumière émeraude ne les atteigne elles avaient quitté ce monde.

Mais, une seule allait faire ce grand voyage final.

Un aller sans retour.

C'est dans un environnement beaucoup plus calme et apaisé que les deux femmes se sont retrouvées. Ange apercevait sa mère de dos. Elle faisait face à un halo lumineux qui les englobaient toutes deux. Ce halo, bien que d'une lumière éclatante, n'était pas aveuglant. La lumière était rassurante, chaleureuse et douce. Elle enveloppait les deux femmes sans bruit.

Ange est arrivée près de sa mère, sans avoir eu à marcher. Elle n'avait eu que l'idée de la rejoindre qu'elle était déjà auprès d'elle, s'attendant à découvrir un soleil incandescent les accueillir, mais il en était tout autre. Il s'agissait d'une plage d'un sable clair et doux. Les vagues avaient un bruit rassurant, enveloppant, comme une mousse onctueuse qui s'étalait alors qu'elle s'étendait sur le sable.

Quand Ange a levé ses yeux vers sa mère, elle découvrait que celle-ci était d'une beauté encore plus aveuglante. Ses longs cheveux bruns descendaient au milieu de son dos, soyeux. Elle n'avait pas besoin de les toucher pour savoir qu'ils étaient d'une douceur incroyable. Elle portait une longue robe blanche qui allait jusqu'à ses chevilles nues. Le tissu léger et scintillant volait au gré d'une brise légère. Ses grands yeux verts enveloppaient Ange toute entière.

Ange possédait la même beauté : ses cheveux or tombaient bouclés sur sa nuque. Elle avait deux grands yeux bleus, plus aucune traces de sa torture enfant ne modifiaient son regard. Mais elle avait gardé son uniforme de Poudlard. Le même qu'elle portait pour son examen d'astronomie. L'uniforme était en revanche intact, propre et frais contrairement à quelques instants plus tôt.

"Où sommes-nous Maman ?" demandait Ange d'une voix douce sans avoir à utiliser sa voix.

Elle n'avait plus qu'à penser, sa mère écoutait dans son esprit.

"Je crois que nous sommes à une frontière. Regarde."

Katty tendait le bras droit devant elle, avec grâce. Quand Ange a regardé dans cette direction, elle a découvert qu'un ponton de bois sombre s'avançait dans la mer. Elle ne l'avait pas aperçu alors que son regard couvrait toute la surface infini de l'eau quelques instants plus tôt. C'était comme si elle découvrait ce que sa mère voyait, sans que cela ne soit destiné à Ange.

Au bout des planches, un bateau en bois, qui semblait solide, était amarré.

"Tu crois qu'il va nous emmener quelque part ?" demandait la fille à sa mère.

"Je sais que j'ai une place qui m'attend à son bord, effectivement."

Ange a levé les yeux vers sa mère.

"Et il y a t-il une place pour moi ? Ou devrais-je prendre un autre bateau ?" demandait-elle en cherchant des yeux un second navire.

Katty souriait tout en continuant d'observer le bateau. L'eau était soudain plus calme et apaisée, comme si la mer s'était figée.

Katty ne répondait pas, Ange continuait donc de regarder le bateau. Soudain, elle se rendait compte que deux personnes étaient présentes au bout du ponton, tout près du navire. Il s'agissait d'un homme et d'une femme, d'une beauté aussi rayonnante que celle de Katty Fire.

"Qui est-ce Maman ?" demandait Ange sans pouvoir quitter des yeux les deux personnes qui souriaient.

"Je crois que tu le sais, Ange."

Ange regardait les deux personnes, en restant toujours aussi calme.

Mais à l'intérieur d'elle-même, son cœur, son âme se réchauffaient.

Sur Terre, elle était certaine que des larmes de joie auraient envahi ses joues.

Mais visiblement, cela n'existait pas ici.

La jeune femme possédait des cheveux identiques à ceux de Katty Fire, avec de grands yeux vert.

Le jeune homme, lui, avait tout d'Ange.

Ou Ange avait tout de lui.

Le plus juste aurait été de dire que cette personne et Ange avaient tout de John Fire.

Des yeux azurs, un teint chaud, les cheveux aux reflets dorés.

"Aurore et Gabriel..." annonçait Ange comme une évidence.

Ils ressemblaient à ce qu'il aurait du être s'ils étaient encore en vie.

Mais ils étaient en vie, ils étaient là, tout près. Ils avaient choisit d'apparaître ainsi.

Enfin, Ange pourrait leur demander tout ce dont elle avait toujours voulu savoir sur eux. Elle était pressée, malgré l'éternité qu'elle avait devant elle.

Sa mère s'avançait doucement vers eux. Ange voulait la suivre.

Elle voulait être auprès d'eux, mais elle restait clouée devant le ponton. Elle ne pouvait pas poser le pied sur les planches de bois, elle restait bloquer sur le sable. Quelque chose ne fonctionnait pas.

Pourtant, quelques instants avant, elle avait pu se déplacer vers sa mère.

"Maman, je n'arrive plus à avancer."

Katty Fire s'est tournée vers sa fille.

"Effectivement, tu ne peux pas."

"Pourquoi toi y arrives-tu ?"

"Parce que c'est ce que je dois faire."

Il y a eu un moment de silence.

"Dois-je attendre encore un peu ?"

"Oui, ma fille. Il faudrait même que tu recules."

"Que je recule ?"

"Regarde derrière toi."

Ange s'est tournée. Derrière elle, comme au fond du paysage, dans les dunes de sable, elle apercevait encore ce qui se passait sur Terre.

Elle voyait son père courir. Tout lui semblait déjà si loin, si étranger pour elle. Elle ressentait d'ici la détresse de son père, et cela lui faisait une douleur particulière.

"Je crois que tu as encore un rôle à jouer. Tout comme ton doux père."

"Maman... je ne veux pas être sans toi."

"Ton père, lui, ne pourra pas vivre sans toi."

Ange s'est tournée vers Katty.

"Tu ne peux pas avancer, car tu as été protégée, ma fille." ajoutait Katty.

"Protégée ?"

"Oui. Tu t'es accrochée à moi, ton âme s'est accrochée à la mienne... mais tu n'as pas été touchée comme moi. Tu ne devrais pas être là. Si tu restes, un autre innocent mourra."

"Mais, moi je croyais t'avoir protégé aussi ..."

Si Ange aurait été encore sur Terre, elle aurait pleuré à chaudes larmes.

Ici, elle sentait une douleur, un chagrin l'envahir alors qu'elle prenait conscience de ce qui se déroulait. Elle allait être séparée de sa mère. Pour toujours, d'un instant à l'autre.

Un halo rouge l'entourait alors que des sentiments douloureux l'envahissaient.

Instantanément, Katty Fire est arrivée près de sa fille, pompant toute l'énergie négative.

"Tu m'as sauvé, ma chérie. Toutes ces années, sans ton frère et ta sœur ont été une torture pour moi. Mais la présence de ton père, ta présence, votre amour... m'ont porté et guidé. Je te dois beaucoup."

"Maman... ne me laisse pas toute seule."

"Jamais. Je serai toujours à tes cotés, il te suffira d'écouter. Regarde comme je suis heureuse. Je suis heureuse de savoir que tu vas vivre. Mon dernier rôle a été de te garder en vie. J'ai réussi. Plus que ce que j'espérais car ton père sera avec toi. Il ne sera pas seul. "

"Il n'y arrivera pas sans toi."

"Si. Car tu seras là pour lui. Tant que vous serez ensemble, tant que vous vous épaulerez, vous vous en sortirez, je te le promet. Le nom des Fire perdurera."

Ange regardait sa mère, sentant quelque chose la traverser. Quelque chose de doux et chaud qui enveloppait son corps. Qui la réconfortait, soulageait la douleur ressentie.

"Ils te disent qu'eux aussi sont là, avec toi, où que tu ailles et quoi que tu fasses. Ils t'aiment. "

Ange comprenait que sa mère lui parlait de son frère et de sa sœur. Elle donnait une dernière étreinte à sa fille. Ange ressentait que c'était la dernière.

"Pourquoi je ne les entends pas me le dire ?"

"Car ils sont plus loin. Et moi, je suis presque avec eux, je vais les rejoindre."

Soudain, c'était comme si Ange avait fermé les yeux quelques secondes. Quand la vue est revenue, sa mère était auprès de ses enfants, qui l'entouraient. Ange, elle, était plus loin.

Plus près de la vie.

Les vagues avaient repris leur rythme doux, comme si elles repoussaient lentement la petite blonde.

"Maman, tu m'as demandé de tenir ma promesse, de quoi parlais-tu ?"

Katty a sourit à sa fille, alors qu'elle se dirigeait vers le bateau silencieux. Mais elle ne répondait pas à sa question.

"Je t'aime ma chérie. Et crois-moi, je ne suis pas la seule. Tu auras beaucoup de difficultés à affronter la vie, mais tu vas t'en sortir.. je te promet que tu sera heureuse."

La lumière s'atténuait comme dans un couché de soleil rouge et flamboyant.

"N'écoutes que toi. Reste près de John. Ouvre grand les yeux et ton esprit. Vois ce que les autres ne voient pas. Je serai avec toi. A jamais dans ton cœur."

Une dernière vague mousseuse a enveloppé le sable brillant.

Et Ange a rouvert les yeux sous un ciel étoilé, ressentant encore tout l'amour de sa mère.

Un amour inconditionnel et fort.

Plus fort que la mort.

Pov Ange

Les étoiles. Les étoiles étaient si belles, si mystérieuses. Comme l'endroit d'où je revenais.

Mais ce que je ressentais était bien différent.

Alors que je revenais d'un endroit où l'on n'avait ni chaud ni froid, j'étais gelée.

Alors que je ne ressentais aucun mal-être, aucune douleur là d'où je revenais, ici je me sentais comme à l'étroit dans mon propre corps, un corps inconfortable, douloureux et sale. Dans mes cheveux, je ressentais une douleur aiguë, qui m'étourdissait.

Et surtout, j'entendais la détresse. La détresse humaine qui vous déchire le cœur rien que de l'entendre de vos propres oreilles. Les cris et le combat avaient laissé place à cette détresse. Je gardais les yeux ouverts, comme hypnotisée par les étoiles. Je sentais les cheveux de ma mère contre mon visage. Nos bras étaient encore l'un sur l'autre, encore dans une position de protection.

Quelqu'un a bougé le corps de ma mère, mais je gardais les yeux braqués sur le ciel, refusant de voir son corps sans vie. Je voulais garder le souvenir d'une femme magnifique prête à rejoindre l'autre monde. Le visage de mon père a remplacé les étoiles. Ses yeux exprimaient quelque chose de fort que je n'oublierais jamais de ma vie. C'était une terreur mêlée à un soulagement. Une blessure liée à un souffle. Il venait de se rendre compte que sa fille était en vie malgré ce qu'il avait du croire quelques secondes plus tôt. Il me parlait en caressant mes cheveux sans que je n'entende le moindre son. Plus rien ne fonctionnait en moi, ni l'ouïe, ni le touché... Ni la parole.

Dans un effort incommensurable j'ai pu agripper mes bras aux siens. Alors qu'il me serrait contre lui, j'ai vu par dessus son épaule les flammes continuées à dévaster la cabane d'Hagrid alors que les larmes de mon père mouillaient mon cou. Alors qu'il me soulevait de terre, j'ai croisé un regard émeraude qui m'a hypnotisé. Je ne savais plus vraiment qui je regardais, je n'avais que ses yeux dans mon champ de vision et dans ma tête.

C'étaient les yeux d'un jeune homme assis dans la pelouse. Sa baguette était encore dans sa main, dans l'autre il tenait un médaillon. Ses cheveux étaient complètement décoiffés. Il m'adressait un regard que je n'oublierais jamais non plus, que je n'arrivais pas à interpréter. Il semblait au bord du malaise.

Je me suis moi-même un peu éteinte, ne voyant plus ni étoiles, ni larmes, ni flammes, ni émeraudes.

Seulement le noir.


Je n'avais pas encore ouvert les yeux que mon cerveau fonctionnait déjà. Il m'envoyait des images des dernières heures, comme un flash-back, comme pour me donner un rappel de tout ce que j'avais vécu quelques temps plus tôt. Il semblait me dire que je n'avais pas rêvé. Que ce n'était pas un cauchemar, mais ma réalité. J'étais comme entre deux mondes, un pied dans le monde des songes, l'autre dans la réalité. Mais je n'arrivais pas à trier, ni à distinguer le vrai du faux.

Je me revoyais envoyé un souaffle dans l'anneau central des buts d'une équipe adverse. Mes parents sur un terrain de Quidditch. Un garçon en train de m'embrasser. Ma mère se mettant devant moi pour me protéger. Et j'entendais une voix me dire "Ne l'oublie jamais."

Ma nouvelle réalité était douloureuse. Tout mon corps était endoloris, fragile, comme rouillé et difficile à faire bouger de manière fluide. Je n'avais pas ouvert les yeux que j'analysais déjà tout ce qui m'entourait. Un tube sortait de mon nez et un autre d'une veine de mon bras droit. Je sentais un matelas raide sous mon dos. L'odeur du produit désinfectant, l'odeur du sang... et des larmes.

J'ai réussi à lever les paupières, plissant les yeux, confrontés à une lumière un peu trop vive pour moi. La pièce était très claire, blanche et lumineuse. Je découvrais un drap blanc posé sur moi, jusqu'au niveau de mes coudes. A ma droite, un plateau était exposé, sur lequel étaient dressés une multitude de flacons de couleurs différentes. A ma gauche, se tenait un homme qui semblait avoir perdu vingt centimètres au moins et gagner plusieurs années en un claquement de doigts. La chagrin l'avait consumé en très peu de temps. Avec une plume, il remplissait un dossier en essayant de se concentrer mais visiblement sans succès.

"Papa..."

Quand il a levé ses yeux bleus sur moi, c'est comme si la vie avait soufflé de nouveau dans ses poumons : il s'est levé d'un bond, laissant le parchemin glisser sur le sol, ne se préoccupant plus que de mon regard. Il s'est assis sur le bord de mon lit pour me saisir une main.

"Ma chérie... comment.. comment te sens-tu ?" me demandait-il en scrutant mon regard, comme s'il s'attendait à découvrir quelque chose de nouveau.

"J'ai .. très mal à la tête.." je lui répondais en essayant d'ignorer ma douleur. Je sentais comme un fourmillement dans le crane, comme si l'on fouillait dans mon cerveau en appuyant sur des zones douloureuses.

"C'est normal.. tu t'es ouvert la tête en tombant. Tu te souviens de moi alors.. tu.. tu te rappelle ?"

Je gardais mon regard braqué sur lui, ne comprenant pas ses questions. Il a lu en moi sans que je n'ai besoin de lui demander ce qu'il insinuait.

"Tu t'es réveillée une première fois. Tu ne te souviens pas ... ? Tu te croyais en France. Comme si la dernière année n'avait jamais existé."

Je ne me souvenais même pas m'être réveillée une première fois. J'avais donc ignoré qui était l'homme en face de moi ?

"Comment pourrais-je t'oublier papa ?" je murmurais en sentant ses mains se resserrer sur les miennes.

"Tu as eu un choc énorme..."

Il y a eu un silence avant que je ne déclare : "Alors... c'est vrai. Maman est..."

Je n'ai pu terminé ma phrase. Le regard de mon père, embué de larmes a répondu à ma question.

"Oh Papa, j'ai essayé, j'ai essayé de la sauver, je te jure ! Je suis désolée, je n'ai pas été assez forte ! "

"Ange, je t'interdis de culpabiliser. Si ce n'était pas Katty, c'est moi qui aurait donné ma vie pour toi."

Je n'ai rien répondu, préférant garder un peu d'énergie pour regarder mon père, ma dernière famille sur Terre. Il s'est approché de moi pour m'embrasser le front tout en me caressant les cheveux. Après un moment de silence, je lui ai transmis le message de ma mère.

"Elle t'aimait tellement Papa, si tu savais."

Il s'est redressé pour me regarder dans les yeux, j'avais donc le loisir de voir passer l'émotion dans son esprit. Je me souvenais des mots de ma mère. Je ne devais pas abandonner mon père, il avait besoin de moi, et moi de lui. Je ferais tout en mon possible pour le revoir sourire.

Un médecin est arrivé pour constaté mon éveil et couper cours à notre conversation et à mes réflexions.


J'ai subi un tas de questionnements et de tests afin de détecter si j'avais une anomalie particulière, ce qui s'est avéré vrai. Après quelques jours, le verdict est tombé, j'étais victime d'amnésie traumatique lacunaire. Ce n'était rien de grave mais ce n'était pas à prendre à la légère. On pouvait subir ces amnésies suite à un choc émotionnel ou un stress extrême. J'étais prise en charge par Ste Mangouste pour suivre un traitement spécialisé dans la mémoire traumatique afin d'essayer de supprimer ces "trous noirs" et retrouver ma mémoire. Je devrais donc consulter régulièrement un médecin pour travailler ma mémoire en parallèle à un traitement médicamenteux. "La magie ne peut pas tout régler Miss Fire." m'avait annoncé le médecin qui me suivait.

J'avais par exemple oublié une partie de mon enfance, de mes amis, et certains faits qui s'étaient déroulés à Poudlard. En revanche, je n'avais rien oublié de ce qu'il s'était passé avec ma mère juste avant qu'elle ne disparaisse. Ni Drago Malefoy. Je n'avais pas oublié que je l'avais aimé, ni sa baguette levée droit vers moi, prêt à me tuer. Je ressentais en moi-même un cœur brisé, un chagrin d'amour. Je vivais parfois quelques flashs sans les comprendre, comme quand je m'étais éveillée à l'hôpital. Mon cerveau m'envoyait des pièces, il fallait que je reconstitue le puzzle. Ma vie allait ressembler à une enquête sur moi-même, pendant plusieurs mois, plusieurs années peut-être.


Aujourd'hui, je me tenais sur une place en plein milieu de Londres. La nation rendait hommage à ma mère avant que nous rapatrions son corps en France. Il y a un peu plus d'une semaine, Maman disparaissait. Il faisait gris ce jour-là. Je me tenais juste à côté de mon père. Devant nous, le cercueil de ma mère, porté par des Aurors : ses collègues de travail. Ils remontaient une allée, au bord de laquelle se tenaient de nombreuses personnes : d'abord des aurors, français d'un côté, anglais de l'autre mais aussi des anciens camarades d'écoles, des inconnus... j'apercevais même des journalistes. Il y avait quelque chose de très solennel, presque de militaire. Le monde était en émoi après ce qu'il s'était produit. Triple meurtre à l'école Poudlard. Le directeur, une élève et une auror. Dumbledore était tombé lui aussi, et cela effrayait mon père. Mon amie Léa de poufsouffle, avec qui j'avais joué de la guitare pendant une soirée, qui se trouvait au mauvais endroit et au mauvais moment, s'était vu infligé le sortilège de la mort par Bellatrix Lestrange. Le monde était en ébullition, comprenant qu'une grave menace planait au dessus de tous, au dessus de la paix.

Mon père et moi marchions lentement derrière le cercueil, pour le rejoindre et saluer le ministre de la magie qui s'était déplacé et avait organisé la cérémonie d'hommage en personne. Il a pris la parole pour faire une éloge à ma mère. Et enfin, mon père et moi nous sommes avancés près du cercueil pour le recouvrir de deux drapeaux. Le drapeau anglais déposé par mon père, quant à moi je déployais les couleurs de la France. Il n'y avait pas un bruit, malgré la foule importante. Je n'entendais que les crépitements des appareils photos des journalistes. J'étais complètement détachée de tout ce que je faisais et de tout ce qui se passait. Comme abasourdie, assommée. Je suis retournée auprès de mon père, m'apercevant que j'avais gardé quelques instants mes mains sur le bois du cercueil alors que j'étais en train de songer à mon avenir.

Est-ce que j'en avais un, d'avenir ?

Est-ce que j'allais retourner à Poudlard ?

Je pensais que mon père allait se retirer de ses fonctions, je ne voyais que cela de certain. Mais mes certitudes allaient vite partir en fumée. Mon père s'est avancé vers une sorte de pupitre, je suis restée en retrait. Il a porté sa baguette magique sur son cou, il allait donc dire quelques mots. Moi je gardais les yeux rivés au sol.

"Au ministre de la magie.. à nos collègues, nos amis... vous tous.. merci pour votre présence, merci pour cet hommage digne. Votre amitié nous porte, Ange et moi aujourd'hui."

Il a attendu quelques instants, je pensais même qu'il n'allait rien dire de plus.

"Quand j'ai rencontré Katty, nous n'étions que des enfants. Malgré mon jeune âge, j'ai tout de suite vu en elle la femme forte et formidable que nous avons tous connu. Elle est devenue une femme fantastique, ma femme. Je n'aurais jamais pu espéré recevoir et donner autant d'amour. Je n'aurais jamais été cet homme sans elle, sans sa présence. Katty se battait pour la paix. Elle l'a toujours fait, jusqu'au dernier instant. Nous avions cet idéal en commun, celui de préserver la justice et les lois. Ne jamais se taire face à l'horreur et à la barbarie. Quand nous avons perdu deux de nos trois enfants, notre ambition n'a fait que se renforcer."

Sa voix s'est étranglée. Il a pris quelques instants pour se reprendre. J'ai pour ma part séché une larme qui venait de mourir sur ma joue, gardant mon regard braqué au sol. Mais j'ai décidé de le rejoindre pour lui tenir la main, pour le soutenir.

"Nous avions ce rêve commun, que la paix perdure. Même si elle doit être déchirée bafouée.. sachez... qu'il y aura toujours un Fire pour la faire vivre. Ce rêve, c'est que des enfants puissent grandir dans un monde plus juste, dans un monde qui aura été forgé par leurs parents. Offrons-leur un exemple authentique de paix et d'amour. Soutenons-nous tous, gardons pour toujours la lumière allumée, ne craignons jamais l'obscurité et ne nous laissons pas tenter par elle."

Je fixais toujours le sol tout en écoutant mon père, tout en buvant ses paroles. On aurait dit les mots de Maman.

"Aujourd'hui, n'est pas la fin. Nous entrons dans une période sombre de notre Histoire, mais personne ne pourra imposer la haine dans notre communauté. Personne, ni même quelqu'un qui espère que l'on aura peur de son nom."

J'ai relevé les yeux vers mon père, trahissant ma surprise. Jamais, oh grand jamais mes parents n'avaient osé jusqu'alors parler publiquement de Voldemort de cette façon.

"Nous pourrons pleurer, nous pourrons désespérer et baisser les bras seulement quand il n'y aura plus personne pour élever la voix, pour se mettre en travers du chemin de la noirceur. Restez debout, restez dignes. Nous gagnerons, rien n'est perdu. Pour Katty et son rêve de paix, restons debout. Je serai toujours debout."

Mon père a abaissé sa baguette dans un silence de plomb. J'ai baissé mes yeux au sol une nouvelle fois. Plus personne n'osait intervenir. John Fire a serré ma main dans la sienne, me ramenant à la réalité. C'est ensemble que nous avons marché dans l'allée que nous avions remonté une vingtaine de minutes plus tôt. Mon père continuait de s'engager en tant qu'auror. Mais aujourd'hui je sentais même un enjeu politique.

J'en ai d'abord entendu un, puis plusieurs. Et comme un feu qui se propage et s'embrase, toute l'assemblée a applaudit mon père alors que nous quittions les lieux. Il y avait quelque chose de très fort dans cette cérémonie. Nous avions perdu Maman. Mais mon père venait de me démontrer qu'il se battrait toujours. Que nous étions deux survivants. Et que tout un peuple se battrait pour une même cause : la paix. Mais est-ce que la peur ne l'emporterait pas cette fois-ci ?


Lors de mon retour à l'école Poudlard, les élèves ont démontré leur surprise face à ma présence. Tous pensaient que je n'y retournerais jamais. Mais je tenais à terminer mon année comme tout le monde et pour passer mes BUSES. Mon père étant à Londres pour encore quelques mois, il me sentait plus en sécurité ici. Mc Gonnagall était la directrice pour la fin de l'année. Un hommage avait été rendu à Dumbledore. Rogue avait disparu après le meurtre qu'il avait commis. La vie reprenait doucement son cours, avec un goût quelque peu amer. Bien sûr, rien n'était facile. Il était très particulier de gérer les regards des élèves qui avaient pitié de moi. Alors, je m'étais isolée dans une sorte de bulle, refusant presque tout contact, sauf celui d'Hermione par moment, car je me souvenais d'elle et de nos rapports. Elle savait rester à sa place et en même temps me guider, c'est ce que j'avais toujours aimé chez elle. Et elle ne me jugeait pas quand je regardais mes chaussures tout en me demandant comment se nouait des lacets. Elle m'aidait, sans un mot, ni jugement.

Il s'est passé quelques jours avant que mes camarades se comportent avec moi comme avec n'importe qui d'autre. Tous, sauf un.

C'était un jour comme celui-ci ou je me dirigeais dans la grande salle pour déjeuner. La table des Serpentards avait un peu plus de place depuis que Drago Malefoy avait disparu de l'école. Celle des Poufsouffles était très monotone sans mon amie Léa, qui avait rejoins les étoiles le soir où j'avais perdu ma mère. Je m'installais à la table de ma maison, constatant que beaucoup avait déjà terminé de déjeuner. Ce n'était pas un hasard que j'arrive à cette heure-ci, j'aimais être seule et éviter un élève de ma maison. Je sortais d'un entretien avec un médecin qui me rendait visite deux fois par semaine pour travailler ma mémoire. Il m'avait expliqué que de revoir certaines personnes, des lieux ou des objets, rafraîchiraient ma mémoire, parfois de manière brutale.

"Votre mémoire est comme une pièce habituellement bien rangée où tout est à sa place. Mais la fenêtre de la pièce s'est ouverte et un coup de vent a tout balayé. C'est comme si au sol, une multitude de documents avaient glissé. Vous devez ramasser chaque document, un à un, l'identifier et le ranger à la bonne place."

"Bonjour."

Alors que je pensais être seule pour le déjeuner, je constatais en levant les yeux vers lui, que Harry souhaitait enfin m'adresser la parole. Il m'évitait depuis le soir où ma mère était décédée. Sans que je ne comprenne pourquoi. Mes souvenirs le concernant étaient très flous et désordonnés.

"Harry... salut."

Il s'est assis à mes côtés.

"On... on a un devoir à remettre au professeur McGonnagall, tu te souviens ?"

J'ai tourné le visage vers lui alors que je me servais un verre d'eau. Je détestais que l'on me parle sur ce ton doux et rassurant comme tout le monde le faisait depuis un certain temps. J'avais l'impression d'être un verre fêlé, qui se briserait au moindre mouvement brusque.

"Euh... à vrai dire, je ne me souviens pas du sujet..." je répondais en me concentrant de nouveau sur mon verre.

"Nous étions tous les deux, pour faire une recherche sur les études des aurors."

"Pourquoi les aurors ?"

"Parce que... c'était ce que tu voulais être et moi aussi."

Je haussais les sourcils en me tournant de nouveau vers lui.

"Je veux être auror ?"

"Oui.."

"Sans blague... et bien.."

"Mais.. Moi je pense que... je sais ce que tu voudrais faire plus tard, plus que tout."

"A part retrouver la mémoire ? Remonter le temps ? Moi, je ne sais pas, mais dis-moi, vu que toi tu sembles si bien me connaitre !"

Mon cœur s'était drôlement endurcie depuis l'enterrement de ma mère. J'étais odieuse et frisais l'impolitesse par moment.

Harry n'a pas répondu. A la place, j'ai sentis un trémolo, léger, dans sa voix.

"C'est pas grave. On se verra en cours. Et ce soir, on a réunion de Quidditch au stade."

Ce n'est que lorsqu'il a franchit la porte de hall d'entrée que j'ai regretté ce que je venais de lui dire. Réunion de Quidditch... en quoi cela me concernait ?

En soupirant, je me servais rapidement dans quelques plats, plus que vingt minutes avant le prochain cours d'histoire de la magie. J'ai croisé le regard de Jackson qui quittait la salle. Il a finalement fait demi-tour pour me saluer.

"Alors, avec le médecin, ça progresse ?"

Je haussais les épaules tout en mordant dans un morceau de pain.

"On a cours ensemble... je vais t'attendre."

"Merci Jackson."

J'ai terminé de manger rapidement, pour me rendre en cours avec mon camarade de Serdaigle. Je m'alimentais pour que mon père ne s'inquiète pas, je jouais la forte et les gros bras pour ne pas me laisser sombrer. Je me souvenais de mon amitié avec Jackson Davies, qui avait été l'un des premiers à m'avoir intégré au sein de l'école. Il était prévenant avec moi sans être lourd comme d'autres. C'était très naturel.

Nous suivions assidûment le cour lui et moi, mais je ne pouvais m'empêcher de jeter un œil à Harry qui était avec Hermione, non loin de nous. Alors que Hermione suivait le cour avec beaucoup de concentration, je remarquais que Harry, lui, avait l'air ailleurs, presque malheureux. Je ressentais mon cœur se resserrer, regrettant de m'être mal comportée avec lui.

"Jackson... avant.. j'étais comment avec Harry ?"

"Comment ça ?" chuchotait-il en fronçant les sourcils.

"Je veux dire... nous étions proches ?"

Il a réfléchit quelques instants en regardant Harry.

"Pas plus que ça. Je crois même que vous passiez votre temps à vous disputer. Je pense que vous ne vous appréciez pas plus que ça. Pourquoi ?"

Ron, qui était à la table juste devant, s'est tourné vers nous pour fixer Jackson.

"Non, comme ça..."

"Ah, d'ailleurs... J'ai... j'ai quelque chose à toi dans mon dortoir."

"Comment ça ?"

"Tu te souviens, on a fait de la musique ensemble. J'ai ta guitare. Si tu veux ce soir, après les cours on pourrait en jouer un moment ? Qu'est-ce que tu en dis ?"

"Ah... euh pourquoi pas ?"

"Monsieur Davies et Miss Fire, cela vous ennuierait-il vraiment de suivre mon cour ?"

Les élèves se sont tournés vers nous, curieux, alors que le professeur Binns venait de nous rappeler à l'ordre.

Harry lui, m'a envoyé un regard sombre dont je n'ai pas compris la raison.

La cloche a sonné quelques minutes plus tard. Jackson partait en cours de potion avec les Serpentards. Avant de nous séparer il m'a adressé un sourire en ajoutant :

"Je passe te prendre devant ton dortoir à vingt heures."

"Okay."

Je continuais de ranger mes livres et mes parchemins tout en marchant en direction de la sortie quand une main m'a serré le bras pour m'emmener plus loin dans le couloir.

"Alors là, il va falloir me dire à quoi tu joues Miss Fire !"

"Ron, mais qu'est-ce qui te prend ?"

Mon ami roux semblait très en colère, ses joues rougies en étaient la preuve.

"Tu ne vois donc pas que Davies te drague ouvertement ?"

"Hein ? Mais n'importe quoi, il va me rendre ma guitare !"

"Ouais, bien sur, il va te montrer comment on gratte une guitare ! Tu veux que je te dise, il n'y a pas que ça qu'il aimerait gratter !"

"RON !"

Hermione venait d'arriver en criant sur son petit-ami pour le rappeler à l'ordre.

"Ron, pour l'amour du ciel, laisse-la tranquille. Elle a besoin d'air pour faire le point." Elle s'est tournée vers moi en m'intimant de partir pour le cours suivant.

"Vas-y Ange, je te rejoins."

Je hochais la tête tout en remettant en place mon sac qui avait glissé de mon épaule. Un peu sonnée et choquée de l'attitude de Ron, je reprenais mon chemin. Harry rejoignait ses deux meilleurs amis alors que je quittais le couloir. Nous nous sommes regardé quelques secondes. J'entendais les trois se disputer. Je n'ai pu m'empêcher de me mettre dans le croisement du couloir où j'avais tout le loisir de les écouter.

"Harry, comment peux-tu rester comme ça ?" demandait Ron.

"Ce n'est pas si simple."

"Pas si simple ? Si, c'est très simple, tu vas t'imposer, merde, pourquoi tu -"

"Ron, je pense qu'elle est simplement en colère et qu'elle se venge de la vie de cette manière." coupait Hermione.

Que je me venge ? Mais de quoi parlaient-ils ?

"Elle a tiré un trait, je le respecte." ajoutait Harry d'une voix grave.

"Non mais -"

"Ron, ça suffit ! Laisse Harry gérer ça comme il l'entend !"

"Laissez-moi en placer une tous les deux, sinon je vous jure que je vous jette un sort !"

On aurait pu en rire quelques temps avant, mais rien n'indiquait dans la voix de Ron qu'il semblait amusé de la situation.

"Elle ne se rappelle pas. Harry, il faut que tu lui parles, c'est urgent."

"Comment ça, elle ne se rappelle pas ?"

"Elle a demandé à Jackson si vous étiez proches, -preuve qu'elle ne se souvient pas de votre dernière conversation- ce à quoi il a répondu non, ce sale con ! Et tu te souviens qui était avec nous Hermione ? Souviens-toi qui était avec nous sur le terrain quand on a vu Harry et Ange s' "

"Miss Fire ?"

Dans un sursaut, je me tournais vers le professeur Mc Gonnagall qui venait d'arriver dans le couloir.

"Tout va bien ?" me demandait-elle en mettant sa main sur mon épaule.

"Oui... oui, ça va merci professeur."

"Si vous avez besoin de quoi que ce soit... n'hésitez pas, d'accord ?"

"Merci."

"Ne soyez pas en retard pour votre cours ! " m'a t-elle dit et me tapotant l'épaule.

"Non, professeur."

Quelques instants plus tard, j'arrivais dans la tour d'astronomie, quelque peu chamboulée par la conversation que je venais d'entendre. Mais aussi parce qu'un souvenir venait de me frapper de plein fouet. Arrivée devant la porte, j'ai mis un peu de temps pour reprendre mes esprits et m'asseoir à une place. Je voulais m'occuper l'esprit et ne penser à rien, mais mon cerveau m'envoyait des flashs de cette même salle, une nuit de printemps. Alors que le professeur nous demandait de sortir nos affaires, j'ai vécu une scène pour la deuxième fois ici, j'ai sorti de mon sac la plume qui appartenait à ma mère. La vue embrouillée de larmes, je soufflais doucement par la bouche pour reprendre contenance.

"Ange... ça va ?" me demandait Hermione assise à mes côtés, que je n'avais même pas vu arrivée dans mon état.

"Harry n'assistera pas à ce cours n'est-ce pas ?" je demandais en chuchotant.

"Non, il ne suit pas ce cours, Ange. C'est ainsi depuis le début de l'année..."

J'acquiesçais tout en ouvrant mon livre à la page demandée. C'était un cours sur Venus, une planète que j'observais avec mon père les soir d'été. Je me souvenais avoir eu le même souvenir la dernière fois, lors de mon examen d'astronomie. Le cours avait débuté depuis quelques minutes, une quinzaine tout au plus quand j'ai éprouvé comme un besoin urgent d'être ailleurs. Comme si quelqu'un m'attendait quelque part, ou devait venir me chercher. Je savais qu'on me l'avait dit, mais qui, quand et pourquoi ? Quand soudain...

"Où est-il ?" je demandais à Hermione.

"Quoi, mais de qui tu parles ?"

"Harry. Où est Harry ?" je redemandais en augmentant le volume, ne me rendant pas compte que j'attirais le regard des élèves.

"Et bien... il doit être en train de préparer sa réunion de ce soir, pourquoi tu me demandes ça ?"

Je me levais, sans réfléchir, faisant racler ma chaise sur le sol. Le professeur Sinistra qui écrivait au tableau s'est tournée vers moi.

"Miss Fire, un problème ?"

"Oui, il faut que je parte. Tout de suite." je répondais en rangeant mes affaires avec rapidité.

"Ange !" me soufflais Hermione.

"Mais où voulez-vous aller ?" me demandait le professeur en mettant ses mains sur ses hanches.

"J'ai, je... rendez-vous, à l'infirmerie, j'ai complètement oublié."

Je savais que Hermione me regardait d'un air sévère mais j'évitais son regard.

"Très bien, allez-y, mais faites attention, vos rendez-vous médicaux doivent être fixés en dehors des heures de classes la prochaine fois, est-ce clair ?"

"Très clair. Merci professeur."

Je quittais la classe en toute hâte, jetant un regard désolé à Hermione avant de refermer la porte en bois. Seule, je courais dans les couloirs, dévalais les escaliers. Et les souvenirs continuaient de remonter et d'envahir mon esprit, me rendant presque saoule d'informations. Je traversais le hall d'entrée avec rapidité, je savais que je ne devais pas courir de la sorte, les médecins m'avait ordonné le repos. Mais c'était tellement urgent, je tenais un souvenir en main et une seule personne pouvait confirmer qu'il était réel. Sur le terrain je lâchais mon sac dans la pelouse pour me rendre plus légère et arrivée à la porte, j'ai cru la fracasser tellement je l'ouvrais vite. Harry qui était dans les vestiaires, craie en main devant le tableau d'avant match a sursauté en se tournant vers moi.

"Ange ? Mais qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'es pas censée être en cour d'astronomie ?"

"Tu... venir me... chercher !"

"Quoi ?"

Je devais lui faire peur, je n'arrivais plus a respirer correctement et j'avais la tête qui tournait. Harry m'a aidé à m'asseoir sur un banc de bois et me tendait déjà un verre d'eau.

"Merci."

Il me regardait tout en attendant la raison de ma venue. Il cherchait dans mon regard tout comme je cherchais dans ma mémoire.

"Tu devais venir me chercher." je disais simplement.

"De quoi tu parles ?"

"Le soir où... le soir où ma mère est morte, tu devais venir me chercher. N'est-ce pas ?"

Les larmes ont fait resplendir d'autant plus les yeux d'Harry. Je le regardais droit dans les yeux, attendant une réponse.

"C'est vrai. On devait passer la soirée ensemble." m'a t-il dit en se levant, me tournant le dos.

Je voulais être soulagée d'avoir raison, mais ça ne semblait pas être le cas d'Harry. Je me rendais compte que si nous devions nous voir ce soir là, alors Jackson m'avait mentit. J'étais proche d'Harry, et je pensais même d'une façon plus nette que ce que je m'étais imaginée. Je devais ne faire confiance qu'en moi-même, suivre mon intuition. Comme me l'avais dit ma mère.

"Harry... pourquoi ?"

"Pourquoi je ne suis pas venu ? Parce que juste avant que je vienne te rejoindre, Dumbledore a été assassiné. J'étais bloqué, à un étage au dessus du tiens."

"Je le savais. Je te demande juste pourquoi tu me tourne le dos."

Il n'a pas répondu tout de suite. A la place je l'ai entendu retenir un sanglot.

"Parce que c'est de ma faute.. tout ce qui est arrivé."

"Comment ça le pourrait ?" je demandais doucement.

Juste avant que je ne puisse écouter sa réponse, une chouette est venu taper à la fenêtre. Harry, cherchant à s'occuper par tous les moyens sauf me regarder, sauta sur l'occasion pour prendre la lettre. Il s'est attardé sur le cachet tamponné sur l'enveloppe, fermant les yeux douloureusement.

"Quel timing... tiens, c'est pour toi."a t-il dit avec un ton amer.

"Pour moi ?" je demandais, me levant et prenant la lettre de ses mains. Sans doute mon père, mais j'avais déjà reçu un courrier de sa part la veille. Je ne reconnaissais pas le sceau qui avait été utilisé pour fermer l'enveloppe avec une cire rouge. J'ouvrais l'enveloppe, avide de savoir d'où venais ce courrier. C'était un courrier plutôt long, plusieurs parchemins, mais celui que je lisais était le plus important.

"Paris ... ? Ce courrier vient de Paris ?!" je disais en levant les yeux vers Harry qui fuyait mon regard. En revanche il acquiesçait en hochant la tête, comme s'il savait ce que contenait cette lettre. Alors que mes yeux parcourraient l'écriture fine je prenais conscience de ce que je lisais.

Je citais : "... et nous avons l'honneur de vous informer que vous êtes acceptée au centre de formation de Paris pour la saison prochaine..."

"Mais, je ne comprends pas, je voulais être auror n'est-ce pas ? Pourquoi je reçois une lettre d'admission dans un centre de formation de... Quidditch ?"

N'ayant aucune réponse de la part d'Harry, je levais les yeux vers lui. Il avait la mine grave et je savais qu'il détenait l'information qui me manquait. Il n'a pas mis longtemps avant de me dire ce qu'il savait.

"J'ai fait venir des sélectionneurs à notre dernier match de Quidditch. Je savais ton potentiel, mais tu t'obstinais à penser qu'être auror était ta voie. Mais sur un balai tu semble tellement heureuse."

"Attends... mais comment tu as pu faire venir des chasseurs de tête à l'école ?"

"J'ai eu l'autorisation de tes parents... et de Dumbledore."

Alors que je regardais le parchemin, je relevais les yeux vers Harry, sans doute avec un regard meurtrier parce qu'il a voulu se justifier mais je lui ai couper la parole.

"Harry, tu te fou de moi ? De quoi tu te mêles, on a déjà eu cette conversation et je t'ai déjà dis que je voulais être auror, comme toi ! Tu crois peut-être encore que c'est pour venger ma famille, et tu as d'ailleurs raison, rien ne me ferais plus plaisir que de rendre justice à ma famille ! "

Il n'a pas répondu, il venait d'afficher une expression surprise, comme si j'avais dit quelque chose d'important et il s'était approché de moi, avide de connaitre la suite.

"Tu te souviens ? Tu te souviens de cette conversation ?"

"Hein ?"

"Oui, tu ne te souviens pas de grand chose à mon sujet, mais tu viens de te souvenir de notre dispute..." me disait-il en souriant très légèrement.

"On se dispute tout le temps !" je lançais excédée.

"Je te l'accorde. Et tu te souviens de ça également. Rien d'autre ?"

Il y a eu un silence entre nous alors que je parcourrais les dernières lignes du parchemin. Je ne savais quoi répondre à Harry, car je ne me souvenais pas, ou du moins, j'avais du mal à remettre en place les souvenirs le concernant.

"Tu as fait ça en douce avec mes parents ?" je demandais d'un ton plus doux, évitant de répondre à sa question.

"Oui, et je regrette tellement."

Je ne comprenais pas sa réponse. Il s'est détourné de moi pour retourner auprès de son tableau, n'arrêtant pas de faire tourner sa craie entre ses doigts.

"Harry... peut-être que je ne me souviens pas de tout ... mais je me rends bien compte que d'une certaine manière tu m'évites depuis que je suis revenue. Pourquoi ?"

Il s'est tourné vers moi, tourmenté par quelque chose, il était sur le point de le dire mais il s'est ravisé.

"Ce centre de formation, tu vas accepter ?"

"Quoi ? Non, bien sûr que non, et mes études alors !"

"Ils intègrent les jeunes ayant obtenus leur BUSES, ce sera ton cas après cet été."

"Tu sembles bien renseigné..."

"C'est une bonne chose, vas-y tu as un réel talent." Il appuyait sur chaque mot.

"Je dois rester ici, près de mon père. J'obtiendrais mes ASPICS et .."

Harry m'a coupé.

"Accepte l'offre de Paris, vas t-en !"

Il avait haussé le ton, me faisant sursauter.

"Il est urgent que tu t'en ailles. C'est déjà beaucoup que tu termines l'année ici, on est en sécurité nulle part."

"Mais ici j'ai.."

Une nouvelle fois, Harry m'a coupé :"Tu n'as pas ta place ici, c'est clair ? Tu es française, alors retourne en France !"

Ron et les autres garçons sont arrivés dans les vestiaires, ils ne nous avaient pas vu car nous étions un peu plus loin de l'entrée. Le brouhaha joyeux des garçons était à l'extrême inverse de ce que Harry venait de me lancer. Nous nous affrontions du regard, la craie qu'il avait quelques secondes plus tôt dans les mains était brisée en plusieurs morceaux. J'étais tellement blessée par son attitude et perdue dans ses intentions que je ne savais plus, je n'osais plus lui dire quoi que ce soit. Harry s'est tourné vers son tableau et m'a lancé :

"Tu peux t'en aller. Tu faisais partie de l'équipe je ne t'apprends rien. Mais comme tes médecins te l'ont dit, encore un mois sans effort physique. Ginny prendra ta place."

Je n'ai rien répondu, je me suis tournée vers l'entrée où justement cette dernière était. Elle avait les sourcils froncés, visiblement elle avait écouté notre conversation. J'ai quitté le vestiaire. Encore plus perdue que de coutume. Je ne comprenais pas ce qu'il venait de se produire. Alors que je pensais depuis quelques heures être proche de Harry, il venait de me lancer qu'il voulait que je quitte l'école. Tout se mélangeait et rien n'avait de sens.


Quelques heures plus tard, j'attendais devant l'entrée de notre salle commune. J'attendais, assise contre le mur de pierre, les genoux près de ma poitrine, que Jackson vienne me rendre ma guitare. Ginny est arrivée, revenant de l'entrainement de Quidditch. Elle semblait surprise et gênée de me voir, mais elle s'est assise à côté de moi.

"Comment ça va ?"

"A ton avis..." je répondais en murmurant.

"Oui, je suis désolée c'était une question idiote. Bon. Est-ce que je peux me permettre de te dire quelque chose ?"

Je tournais le visage vers elle, hochant la tête. Je savais qu'il était important que je parle à un maximum de monde, le médecins n'arrêtaient pas de me dire que c'était bon pour faire revenir ma mémoire.

"Je ne vais te faire aucune leçon de morale, aucun jugement. Bon, c'est vrai, avant j'étais une vraie plaie avec toi, mais c'est fini depuis quelques temps. Écoutes, tu penses savoir et connaitre des choses, qui sont fausses. Ne te laisse pas berner par les apparences."

"Tu parles de Jackson ?"

Elle a pincé les lèvres.

"Oui, je parle aussi de lui. Il est clairement attiré par toi depuis quelques temps, mais toi, tu étais avec quelqu'un d'autre. Tu as choisis quelqu'un d'autre."

"Écoutes, je n'ai pas envie de parler de Malefoy, j'ai tellement mal au cœur quand on me parle de lui..." je lui disais en enfouissant mes visage contre mes genoux.

"Qui a dit que je te parlais de lui ?"

Je n'ai rien répondu, relevant le visage vers elle, troublée.

"Je voudrais que tu ouvres vraiment les yeux. Il y a des personnes qui paraissent sympas mais pleine de mauvaises intentions. D'autres sont cruelles dans leurs paroles... mais tiennent à toi. Tiens, j'ai retrouvé une chanson qui est passée à la soirée des maisons. Cela t'aidera peut-être à te souvenir."

J'ai saisi le parchemin tendu par Ginny, me perdant dans les paroles que je lisais. C'était une belle poésie d'amour et d'espoir. J'entendais plus loin des pas venir des escaliers. C'était sans doute Jackson.

"Réfléchis, pose toi les bonnes questions. Pourquoi crois-tu que Harry s'est démené à faire venir des sélectionneurs au sein de l'école ? Pourquoi t'imagines-tu qu'il te méprise en te demandant de suivre ce parcours de formation ? Crois-tu sincèrement que c'est parce qu'il te méprise, alors que tout le monde sait dans cette école que le Quidditch, c'est toute ta vie ? Même si te tu refusais de le croire avant l'attaque qu'il y a eu à l'école, tu sais très bien que sur un terrain, c'est là où tu oublies tout et que ton talent te fait vivre."

Jackson a choisit ce moment pour apparaître au fond du couloir, ma guitare à la main. Il marchait dans notre direction avec un sourire.

"Demande-toi, pourquoi Harry préfère que tu t'éloignes d'ici tout en accomplissant ton plus grand rêve. Il préfère te savoir loin de lui, il préfère te savoir en sécurité dans ton pays, faisant ce que tu aimes.. parce que probablement, Harry est ..."

Jackson a coupé Ginny, nous forçant a levé les yeux vers lui.

"Salut. Ange, j'ai ta guitare, tu viens ? Je m'étais dit que ce serait cool d'aller au parc pour jouer quelques accords."

Ginny et moi nous sommes levées, elle s'est mise en retrait en me lançant un regard lourd de sens.

"Euh... oui c'est une bonne idée mais..."

Je saisissais ma guitare pour la récupérer.

"Merci beaucoup Jackson, mais je crois que je préfère me reposer un peu. Je suis fatiguée de ma journée et j'ai besoin de beaucoup de repos."

"Ah..." Visiblement très déçu, Jackson a jeté un coup d'œil accusateur envers Ginny qui lui adressait un regard noir. Les garçons de l'équipe de Gryffondor, qui revenaient de l'entrainement, venaient d'apparaître à leur tour, Harry en faisait partie. J'ai senti mon cœur se resserrer en croisant son regard.

"Un problème ?" demandait Ron à sa sœur.

Ginny a sourit.

"Non aucun. En fait Jackson s'apprêtait à partir. Il sait que les Gryffondor sont solidaires et qu'ils s'occuperont très bien de la mémoire d'Ange, n'est-ce pas Jackson ?"

Ce dernier n'a rien répondu, il a juste hoché la tête et s'en est allé sans rien ajouter. Moi non plus, je n'ai pas dit un mot, j'ai juste hoché la tête en direction de Ginny pour la remercier, ce a quoi elle m'a répondu avec un sourire. Nous sommes tous entrés dans la salle commune. Tout le monde est partit en direction des salles de bain, Harry est resté au coin du feu et j'ai profité de l'absence de tous pour m'approcher de lui. Il a remarqué ma présence et s'est tourné vers moi.

"Tu ne vas pas te coucher ?" m'a t-il demandé.

Je me suis assise à coté de lui sur le canapé rouge pourpre.

"Est-ce que j'ai le droit... de te poser une question ?"

"Oui, bien sûr."

"Est-ce que tu peux me laisser... encore quelques jours ?"

"Pour quoi ?"

J'ai voulu sortir la lettre de Paris de mon sac, à la place j'ai ressorti le parchemin de Ginny. C'était la chanson que je lisais dans le couloir. Il a saisi le parchemin entre ses mains et j'ai vu son visage prendre une drôle d'expression.

"Oh, c'est une chanson de la soirée des maisons, je voulais la relire plus tard."

"Oui... oui je la reconnais."

Il l'a repoussé de ses mains et s'est levé.

"Non, attends, ce n'est pas de ça que je voulais te parler. C'était de Paris."

Je me suis levée à mon tour pour le contourner et lui faire face.

"S'il te plait Harry, laisse moi quelques jours pour... réfléchir. Quelques jours pour me souvenir, pour que je reprenne mes esprits."

Je voyais les larmes juste au bord de ses cils, une a roulé sur sa joue et je n'ai pas attendu une seconde pour la sécher. Il a fait ce que je n'imaginais pas une seule seconde : il m'a prise contre lui pour me serrer dans ses bras. J'avais la gène de la première fois, comme si je ne savais pas me comporter face à lui mais quelque chose s'est passé dans mon esprit, comme si je revivais quelque chose. L'odeur que je sentais, la chaleur de ses bras et ses cheveux qui chatouillaient mes joues. Tous ces éléments n'était pas nouveau.

Harry s'est détaché de moi pour m'embrasser la joue et a reculé.

"Reviens vite. Retrouve ta mémoire, reviens-moi... Suis-moi."

Harry a finalement quitter la salle commune après avoir récupéré son sac. Troublée, je baissais les yeux sur la chanson que Ginny m'avait donné. Le titre de la chanson était "Follow me". En relevant les yeux sur les flammes de la cheminée, je prenais conscience que j'étais sur le point de me souvenir de quelque chose d'important. Que bientôt, je reprendrais en main ma mémoire. Que je choisirais une direction. Car, avec ou sans ma mémoire, il était l'heure de faire un choix. Me faire confiance et avancer.

Malgré tout ce que nous avions perdu.

J'avais espoir. Et j'avais une clé dans mes mains. Je détenais la vérité et j'étais prête à me souvenir.