Derek s'installa au bar sans trop d'envie. Techniquement, il aurait dû rentrer directement et monter dans sa chambre d'hôtel, mais… Il ne buvait jamais et s'était dit qu'un petit remontant ne lui ferait pas de mal. En soi, il ne se faisait que rarement plaisir, ne prenait pas souvent le temps de se détendre au sens propre du terme. Pourquoi pas cette fois ? Il avait eu une rude journée, à régler çà et là des affaires avec d'anciens collaborateurs de sa famille et transmettre la loyauté de certains à la meute McCall, dont il faisait partie. Cela n'avait pas été chose aisée et d'ailleurs, il devrait continuer de mener ce travail à bien durant les prochains jours.

A noter qu'à côté de cela, durant son temps libre, il cherchait des indices pouvant le mener à Stiles. C'était d'ailleurs ce qu'il devrait faire à l'heure actuelle, mais… Il avait besoin d'une pause, d'un moment rien que pour lui. Techniquement parlant, l'alcool n'avait aucun effet sur lui, si ce n'est celui de lui donner l'impression de détendre un peu ses muscles. Alors, confortablement installé au bar et pas pressé pour un sou, Derek attendit patiemment que la barmaid ait terminé de… Que faisait-elle à servir en salle, d'ailleurs ? Ou peut-être s'était-il trompé de personne. Mais il la vit revenir au bar rapidement, préparer de nouvelles boissons, et les servir à d'autres, comme lui, qui attendaient. Il fronça légèrement les sourcils en voyant qu'il y avait d'autres serveurs, en salle. Ainsi, il attendit son tour, attendit qu'on le remarque. Il ne comptait pas leur mettre la pression alors qu'ils avaient déjà beaucoup de travail.

La barmaid finit par revenir et poser ses yeux sur lui. Elle esquissa un sourire de convenance en lavant un verre puis, enfin, se mit face à lui, derrière le bar, pour prendre sa commande.

- Que puis-je vous servir ?

Elle était proche, dans un sens. Moins d'un mètre les séparait. Et, d'instinct, il sut qu'elle était comme lui. C'était une louve. Les êtres surnaturels se reconnaissaient entre eux, ils se sentaient. Presque tout le monde l'était, ici, et il s'en rendit rapidement compte. Mais ce n'est pas la seule chose qui lui sauta aux yeux, ou plutôt… Au nez. Il la regarda d'un air étrange sans répondre. En tant que loup-garou, un nombre inconsidéré et inconsidérable d'odeurs le harassaient mais avec l'expérience, il savait faire la différence et en mettre de côté certaines. D'autres sortaient du lot malgré elles.

Et celle-ci, familière malgré le temps qui était passé, restait la même.

- Monsieur ?

Derek se rendit compte qu'il s'était perdu dans ses pensées, le regard dans le vide. Il releva les yeux vers elle.

- Vous avez sur vous une odeur que je connais, dit-il de but en blanc.

Oubliée, l'envie de boire, oubliée, l'envie de se détendre. Il s'était crispé, les sens en alerte. La louve face à lui était extrêmement calme et ne dégageait aucune haine, rien. Elle haussa un sourcil, perplexe.

Même s'il n'avait pas vu Stiles depuis longtemps, il avait passé suffisamment de temps avec lui pour que son odeur se soit gravée dans sa mémoire. C'était la même chose avec chacun des membres de sa meute, mais… C'était spécial, pour Stiles. Parce qu'il était le seul véritable humain de cette bande si particulière. Son odeur sortait du lot.

Et là aussi.

Derek n'avait aucun doute quant à ce qu'il avait identifié par instinct. Il était suffisamment grand et en accord avec sa moitié animale pour faire confiance à celle-ci.

- Je ne vois pas comment, fit-elle en essuyant son verre, les sourcils froncés.

Elle avait du travail, mais elle restait là, désireuse de comprendre ce que cet homme lui voulait. Il n'avait pas l'air méchant, juste un peu grognon et renfermé. Mais surtout… Sa réflexion était étrange. Par chance, il fut direct :

- Stiles Stilinski, ça te dit quelque chose ?

Il avait abandonné le vouvoiement et tenté le tout pour le tout en déballant directement le nom de l'hyperactif qu'il recherchait. C'était son odeur qu'il sentait encore, il en était certain. Elle n'était pas de celles qu'on oubliait – encore moins lorsque l'on avait côtoyé la personne durant plusieurs années. Qu'on avait fini par y tenir, à cette personne… Dans un sens.

Face à lui, Maïa eut la réaction la plus éloquente qui soit et ce, sans prononcer un mot. Son regard suffisait. Elle le connaissait. Mais, pour une raison qui lui était propre, elle ne répondit pas. Cependant, elle finit par lâcher, après un temps de flottement infini :

- Comment tu le connais ?

- On fait partie de la même meute, répondit Derek du tac au tac.

Maintenant, restait à savoir comment elle, elle le connaissait et… La raison pour laquelle Stiles était venu ici, dans un bar vraisemblablement fréquenté majoritairement par des loups-garous. Parce que maintenant, il commençait à sentir son odeur un peu partout. L'hyperactif intrépide continuerait-il d'enquêter sur mille et une sorte d'affaires surnaturelles, même ici ? Avait-il seulement le temps, à côté de ses interventions avec le FBI ?

Maïa marqua un temps d'arrêt.

- La meute de Beacon Hills ?

Derek hocha la tête.

- Ton nom, fit-elle.

Une demande ordonnée. Derek ne vit aucun inconvénient à lui répondre.

- Derek Hale.

Si quelques têtes se tournèrent brièvement dans sa direction, il n'en fit pas cas. La femme face à lui connaissait Stiles et il allait tout faire pour savoir où il était. Il le fallait.

- Tu es pressé ? Fit-elle soudainement.

Etonné par la question, Derek mit un peu de temps à répondre par la négative. Maïa avait pris un air fermé, mais elle était toujours là. Elle n'avait pas fui. Semblait, à chaque flottement, peser le pour et le contre concernant il ne savait quoi. Maïa leva un regard indescriptible dans sa direction.

- Je prends ma pause dans une heure, l'informa-t-elle.

Et Derek, qui voulait au départ rentrer rapidement, sut instantanément qu'il allait attendre ici le temps qu'il faudrait. La chance de retrouver Stiles et de le persuader de venir un peu à Beacon Hills était là, sous ses yeux : il ne comptait pas la laisser partir.

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Cette fois, c'en était trop. Stiles était patient, tolérant, mais il avait ses limites. Il était deux heures. Deux fucking heures du matin. L'hyperactif se leva un peu vite, fit comme si les légers vertiges qui le prirent n'existaient pas. Il s'était mis au lit dès son arrivée et même s'il avait bien dormi jusque-là, il restait épuisé. Et le bruit que faisait Jace était impossible à ignorer. Il venait à peine de rentrer et se faisait déjà entendre. Il parlait fort, sans égard pour son colocataire et là, là… Les choses allaient se gâter. Fort. Stiles lui avait laissé un nombre de chances inconsidérable. Il lui avait passé des heures de sommeil en moins, quelques nuits blanches… Et il pensait qu'après la manière dont il l'avait recadré, quelques semaines plus tôt, c'était fini. Mais non, il faut croire qu'il ne s'était pas bien fait comprendre.

Cette fois-ci ferait exception.

Stiles ouvrit brusquement la porte de sa chambre et en sortit en trombes. La vision de vêtements laissés ça et là dans le petit couloir lui fit voir rouge. Ce qu'il fit ensuite ? Ouvrir la porte de Jace. Sans toquer, sans s'annoncer, sans prévenir. De ce côté-là, il avait assez donné.

Evidemment, il tomba sur une scène dont il aurait aimé ne jamais être témoin, mais… Il avait besoin de dormir. Tout ce cirque devait cesser.

- Dehors ! Hurla-t-il aux deux jeunes femmes à moitié dénudées penchées sur un Jace au caleçon aussi baissé que son pantalon.

Jace pouvait avoir une vie sexuelle dans leur colocation, là n'était pas le problème. Le souci, c'était qu'il agisse comme s'il n'avait pas un putain de colocataire. Colocataire donc le nombre d'heures de travail était titanesque et pour qui chaque heure de sommeil était importante : il lui en manquait beaucoup. Stiles commençait à arriver à bout. Comment pouvait-il continuer d'assurer si cet idiot lui pourrissait ses nuits avec son plaisir ? Viendrait un moment où il cesserait de tenir le coup et ça, c'était purement inenvisageable.

Alors, il n'eut aucune peine pour la honte que devaient ressentir ces filles, qu'il comprit être des escorts à la manière dont Jace leur dit qu'il les paierait une fois son « petit contretemps » réglé, selon ses dires. Et il fit cela ses yeux vairons ancrés dans ceux de Stiles, sans jamais chercher à se rhabiller, laissant ainsi sa virilité à l'air libre. Une lueur de défi mélangée à une espèce de colère dansait dans son regard clair. De son côté, Stiles était juste furieux. Les filles s'étaient empressées de s'en aller, mais Jace n'avait pas bougé d'un pouce.

Et Stiles étala sa colère sans se gêner, sans faire cas de sa nudité.

De son côté, Jace esquissa un léger sourire, de ceux qui donnaient envie à Stiles de laisser libre court à son envie de lui en mettre une.