Pov Ange

"Par ces motifs, le tribunal prononce l'acquittement de Drago Malefoy et ordonne sa libération dans les plus brefs délais."

Je n'avais pas écouté le reste de la déclaration, mon cerveau n'avait sélectionné que l'essentiel. Si l'on me demandait ce que je ressentais en cet instant, je n'aurais pas su dire un seul mot. Les mots, les questionnements et le trouble brouillaient mon esprit et m'empêchaient de réfléchir. J'étais apeurée et soulagée en même temps. J'étouffais dans cette salle pourtant si grande mais tellement remplie de monde, que j'en étais ivre. Je savais que tous se tourneraient maintenant vers moi, attendraient une réaction de ma part mais je ne savais pas moi-même comment me comporter. J'étais heureuse et en colère en même temps. Sans vraiment savoir ce que je voulais éprouver. Étrangement, j'en voulais énormément à mes parents. Ils m'avaient menti et m'avaient sauvé la vie en même temps, pourrais-je réellement leur reprocher cela ? Je prenais conscience que tous autour de moi m'avait menti, le souhaitant ou non d'ailleurs. Comment pourrais-je faire confiance en quiconque alors que j'étais dans le faux depuis tout ce temps ?

"Tiens ta promesse" avait dit ma mère avant de mourir. Mais ce n'était pas à moi qu'elle le disait, mais à Drago Malefoy pour me protéger. Ces derniers mots n'étaient donc pas pour moi malgré ce que j'imaginais. Voilà plus d'un an que je cherchais à comprendre ce qu'elle aurait pu me dire. Mais ce n'était pas pour moi. J'avais gaspillé mon énergie et mon temps en vain. Ses derniers mots était pour un homme que j'avais tellement aimé, à en perdre certainement la raison parfois. Que j'avais aussi haïs au point de ne plus dormir les nuits. Le même homme qui venait de révéler à tous qu'en réalité il m'aimait, et d'une façon gigantesque. D'une façon qui sur le coup m'effrayais... et me rendais en colère. Comment avait-il pu me laisser souffrir tout ce temps, me laisser seule, dans l'ignorance ? Comment avait-il voulu que je sois loin de lui ? Je savais pourquoi, je venais d'en avoir la réponse sans même à avoir poser la question. Mais il fallait que mon esprit encaisse.

Quand l'avocate de Drago s'est détachée de lui et qu'il s'est levé pour se tourner vers moi, j'ai vu que toute l'assistance m'observait pour attendre de moi quelque chose. Ils attendaient que je brise le silence, que je fasse une déclaration peut-être. Ou que je me jette dans les bras de Drago comme dans les films d'amour moldus. Mais dans ma réalité, Drago avait tenté de me tuer. Il était responsable de la mort de ma mère. Il avait fait entrer des mangemorts à l'école. Comment tout effacer d'un seul coup ? Comment admettre cette nouvelle réalité, sans entrave ?

J'ai alors jeté un coup d'œil vers Harry qui croisait mon regard. Il semblait tellement sous le choc lui aussi que je savais que je ne trouverais aucun réconfort à entamer une discussion avec lui. Alors j'ai fait la seule chose qui serait bonne pour tout le monde, j'ai décidé de m'en aller. Personne ne pouvait me forcer à dire quoi que ce soit. Il fallait que je m'isole, que je m'en aille et je savais où est-ce que je trouverais le réconfort nécessaire pour tenter d'y voir clair dans mon esprit. J'ai alors descendu les escaliers, refusant de croiser le regard de quiconque et surtout des journalistes. Après quelques pas, je me suis retrouvé en face de la porte. J'ai saisi la poignée pour me libérer de l'attente que tous avaient de moi. C'était un poids trop énorme à assumer, je ne pouvais pas le faire, j'étais trop faible. Si seulement mon père était là, il aurait su quoi me dire. Il aurait trouvé les bons mots. Quand j'ai enfin tiré les lourdes portes vers moi, la lumière est entrée dans la salle et j'ai eu l'impression de renaître, d'être une nouvelle personne.

"Miss Fire ? Ange, attendez !"

Je continuais de marcher d'un bon pas, refusant d'attendre qui que ce soit. Il ne fallait pas que je cède, je ne voulais pas faire la une des journaux. Ma curiosité reprenait toutefois le dessus et je risquais un coup d'œil sur le côté pour découvrir les collègues de mon père qui me suivaient d'un bon pas. Ils n'avaient pas assisté au procès.

"Nous avons quelque chose de très important à vous dire, il s'agit de votre père."

"Vous ne pouvez pas attendre que nous soyons dehors ?" je disais les dents serrés en gardant un rythme de marche soutenu.

"Très bien, alors nous vous escortons, vous n'arriverez jamais à sortir par l'entrée principale. Laissez-nous vous conduire à Ste Mangouste."

Visiblement, j'étais bien trop prévisible encore, ils savaient où j'allais. J'avais de l'amertume en pensant au cours d'Occlumancie que j'avais reçu de Dumbledore, ce n'était visiblement pas assez. Je m'engouffrais dans un ascenseur, suivie de près par les deux Aurors qui agissaient comme deux gardes du corps. C'était un peu le cas depuis que mon père était élu. En saisissant la corde au dessus de moi pour me tenir droite, je levais le visage comme pour laisser l'air pénétrer dans mes poumons et m'aider à ne pas craquer. Il ne fallait pas, je n'en avait pas le droit. C'est alors que j'ai vu de loin. Drago, debout dans la salle, qui m'observait de là ou il était. J'ai douloureusement fermé les yeux jusqu'à ce que la grille de l'ascenseur se ferme devant nous et que nous remontions les étages.

Dans le hall d'entrée, les aurors m'intimaient de rabattre la capuche sur moi et m'escortaient vers les cheminées afin que nous puissions transplanner à Ste Mangouste.

"Qu'est-ce qui se passe avec mon père ?" je demandais finalement en me tournant vers les deux hommes.

"John est... John se réveille !"

"Pardon ?"

"Oui, il est en train de revenir à lui !" s'enthousiasmait l'homme aux cheveux blonds.

Alors que je sentais mon cœur bondir dans ma poitrine, je m'élançais en courant vers les cheminées. Ma capuche venait de glisser sur mes épaules et quelques personnes m'ont reconnue. Il y avait des photographes mais qu'importe.

Je n'étais plus seule.

Mon père revenait vers moi.


"Ange, c'est bon, je vais m'en sortir tout seul !"

J'étais en train d'apporter un plateau repas à mon père et commençais déjà à lui tendre une fourchette d'haricots. Je ne répondais rien alors qu'il prenait la fourchette entre ses doigts et me lançait un soupir exaspéré.

Cela faisait trois semaines que mon père était revenu, qu'il avait enfin ouvert les yeux. Je n'oublierais jamais le moment où il m'a vu arriver dans la chambre. Il ne pouvait pas encore parler à ce moment-là, mais tout le monde avait vu son soulagement, une larme avait roulé sur sa joue.

Je m'asseyais alors sur le bord du lit et lui remplissais son verre d'eau. En peu de temps, les médecins s'étaient voulu très rassurants concernant la santé de mon père. Bien sûr, il lui faudrait du temps pour totalement s'en remettre mais il serait sur pieds d'ici quelques semaines et pourrait même sortir de l'hôpital rapidement.

"Tu as acheté la Gazette ?"

Je ne répondais pas à mon père, feignant de me concentrer sur le mur en face de moi. Mon père était tout le temps en train de consulter l'actualité, surtout l'actualité française. Le procès de Drago avait fait beaucoup de bruit et mon père était au centre des préoccupations, son aide apporté à un fils de mangemort avait fait grand bruit. Il craignait d'avoir perdu la confiance de ses électeurs. Et à en croire les journaux, il avait raison de s'inquiéter.

"Tu sais, si tu ne me l'achète pas, je n'aurais plus qu'à le demander à l'hôpital." me lançait-il en coupant sa viande. Je me tournais alors vers lui.

"Qu'est-ce que ça peut te faire ce que les gens pensent de toi ? Et puis, tes ministres n'ont qu'à se débrouiller sans toi. "

"Je suis le Président. Il est important que mon image reste bonne. Le peuple a raison de douter de moi désormais."

"Mais tu as contribué à sauver le monde sorcier ! Pourquoi est-ce qu'ils t'en voudraient ?"

"Le monde est ainsi fait ma chérie. Les actes ne sont pas suffisant pour certains esprits."

Immédiatement je pensais à Drago. Est-ce qu'il allait passer sa vie à se faire insulter, épier, peut-être même pire ? Je me tordais les doigts dans tous les sens.

"Est-ce que tu lui a parlé ?" me relançait mon père.

Je me levais alors pour faire face à la grande fenêtre qui apportait une douce lumière dans la chambre. Je n'avais pas besoin de lui demander de qui il parlait, je savais bien qu'il était question de Drago Malefoy.

"Il le faudra, Ange. Tu ne pourras pas l'éviter toute ta vie." disait-il tranquillement.

"Et toi, quand est-ce que tu parleras Papa ?" je lançais en me tournant vers lui.

Il me regardait tout en continuant son repas, imperturbable.

"Je t'ai déjà parlé ma chérie. Mais ce n'est pas de moi que tu attends des réponses. C'est sa vérité, son histoire à lui que tu dois écouter."

"Oh, pas besoin ! Le procès était riche en émotion comme tu as pu le constater dans la Gazette !" je lançais en commençant à m'agacer.

Après quelques instants, mon père repoussait son plateau et me tendait la main, et je ne pouvais pas résister à ce besoin d'être auprès de lui. Je m'asseyais alors à ses cotés et il repoussait mes cheveux sur mes épaules.

"Tu sais, à moi aussi ça m'a fait peur."

"De quoi tu parles ?" je demandais doucement.

"Ce qu'il éprouve pour toi. Ce jeune homme t'aime d'une façon terrifiante, moi-même j'ai été troublé quand il est venu nous trouver, ta mère et moi. Mais ce dont je suis certain, c'est que rien ne t'arrivera si tu le garde dans ta vie. Quelque soit la façon dont il fera partie de ta vie. Et ça, un père ne peut pas y être insensible. Drago n'a rien de son père. Et en tant que père, un homme comme lui dans ta vie... c'est ce que j'ai toujours espéré. Bien entendu, il aura lui aussi des choses à régler, des plaies à panser.. mais Ange.. c'est un homme formidable."

J'observais les yeux azur de mon père qui me sondait. Il essayait de savoir ce qui se passait en moi. J'aurais dû éprouver une grande gène de devoir parler d'un garçon avec mon père. Mais nous avions cru nous perdre l'un et l'autre plusieurs fois dans nos vies, ce qui réduisait le nombre de barrières ou de tabous entre nous.

"Il m'a menti. Maintes et maintes fois." je disais comme une défense.

"C'est vrai. Mais, moi aussi, je t'ai menti. Plusieurs fois. Je t'ai menti pour des choses moins grave, comme l'existence du Père Noël."

Je pouffais malgré moi et levais les yeux au ciel, tout en gardant mon front plissé de colère.

"Papa, ça n'a rien à voir..."

Il poursuivait comme si je ne l'avais pas coupé.

"Je t'ai menti quand je t'ai dit que ta mère et moi nous ne courrions aucun danger à être auror. Je t'ai aussi menti quand je t'ai dit que Poudlard te tiendrait en sécurité, en fait, je n'en savais rien mais j'étais certain en revanche que tu aurais la meilleure des protections. Et enfin, je ne t'ai jamais révélé que Drago jouait un rôle dans l'unique but de te protéger. Dans l'unique but de te rendre plus forte."

"Oui, mais tu es mon père, tu m'aimes et tu l'a fait pour mon bien."

"Oui, tout comme lui l'a fait. Mais ce n'est pas ton père. Il a renié son propre père pour te sauver. Est-ce que tu mesures maintenant à quel point il t'aime ?"

Je ne répondais pas, baissant les yeux sur les draps. J'étais gênée, honteuse et en colère en même temps. Je n'arrivais pas à y voir claire dans mon esprit. Je n'aurais pour ma part, jamais pu trahir mon père.

"Ce que j'aimerais ma chérie, c'est qu'aujourd'hui tu prennes l'air. Tu sors, tu vas voir tes amis mais surtout, tu ne reviens pas dans cet hôpital."

Je le regardais en sentant un certain stress monter en moi. J'étais ici pour profiter de chaque instant avec mon père, mais il était vrai que j'en profitais aussi pour me cacher.

Comme si mon père lisait dans mes pensées, il me disait : "Si j'ai besoin de quoi que ce soit, je te le ferais savoir. Maintenant, sors d'ici."


Après avoir ruminé un certain moment dans le hall de l'hôpital où je faisais semblant de trouver des raisons de rester, je me suis finalement décidée à sortir. Mes lunettes noires sur le nez, je glissais les mains dans les poches de mon jean pour m'aventurer dans les rues de Londres. Les marches blanches derrière moi, je commençais alors à flâner dans les rues, comme je le faisais parfois dans le sud de la France. Le mois de juin était arrivé et il faisait plutôt doux, c'était finalement agréable de prendre du temps pour faire le vide. Après un peu plus d'une heure de marche, je commençais à sentir d'agréables odeurs de cuisine flotter dans l'air. Le monde qui circulait au centre ville me confirmait qu'il devait être midi. C'est par hasard que je franchissais la porte d'un petit restaurant et commandais un fish and chips, que j'appréciais particulièrement déguster lorsque j'étais en visite à Londres. J'observais les autres clients du restaurant rire et discuter entre eux. J'avais quelques morceaux de conversations qui me parvenaient aux oreilles et faisaient naître un sourire sur mon visage. J'aimais la simplicité de vivre des Moldus, ils m'apaisaient. J'appréciais d'avoir cette chance de pouvoir me fondre dans la masse et d'oublier quelques instants que j'étais une sorcière... avec beaucoup de problèmes.

Un serveur qui revenait de sa pause passait près de ma table et croisant mon regard m'adressait un sourire.

"Je viens de finir mon journal, vous voulez le lire avec votre thé ?" me demandait-il poliment.

Je sautais sur l'occasion, un journal sans monde sorcier, c'est tout ce dont il me fallait.

"Avec plaisir, merci."

Un bon thé chaud dans ma tasse blanche, je feuilletais le journal et tombais rapidement sur la rubrique sport. Un titre attirait soudain mon attention. La France organisait bientôt la coupe du monde de football et le premier match de l'équipe se déroulerait le douze juin. Ce n'était pas une information capitale mais elle me mettait du baume au cœur et j'imaginais que le pays se préparait à la venue de plusieurs nations pour cette belle fête du sport.

"Salut."

Je relevais la tête vers celui qui venait de me sortir de mes rêveries. Quand j'ai croisé ses yeux hypnotisant, j'ai eu comme un trac énorme. Je me demandais pourquoi il était ici, dans un restaurant Moldu jusqu'à me rappeler qu'il avait été élevé comme tel lui aussi.

"Harry ? Mais... qu'est-ce que tu fais là ?" je demandais, sentant mon cœur se serrer. Je n'étais pas certaine que ce soit un bonne idée de discuter avec lui, mais il s'installait déjà en face de moi et commandait un thé, lui aussi.

"Je voulais te voir... je pense qu'il est important que l'on parle tous les deux." me disait-il en me regardant dans les yeux. Il avait une certaine assurance malgré qu'il devait avoir quelques problèmes avec la justice pour avoir menti au procès Malefoy.

Je pliais finalement mon journal et le poussais sur le coté pour prendre ma tasse fumante entre mes mains.

"Très bien.." je cédais finalement. Il avait raison, il fallait crever l'abcès. Pour que nous puissions avancer tous les deux.

"Comment va ton père ?" me demandait-il en m'observant.

"Bien, merci... je pense qu'il devrait bientôt rentrer en France." je répondais en essayant d'employer un ton naturel.

"Ah... c'est une bonne chose." répondait Harry en m'observant.

Il y a eu un long moment de silence où aucun de deux ne semblait avoir envie de rompre. Je faisais tourner inlassablement ma cuillère dans ma tasse pour faire fondre le morceau de sucre que je venais d'y jeter. Le serveur est arrivé pour servir la tasse de thé de Harry et repartait après avoir laissé quelques biscuits.

"Je sais que ça peut paraître dingue tout ce qui est arrivé... le philtre d'amour tout ça..." disait finalement Harry.

"Ne m'en parle même pas." je murmurais en fixant ma tasse blanche.

"Mais malgré cela... je suis certain que je n'aurais pas eu besoin de philtre pour tomber amoureux de toi."

Je relevais les yeux sur lui, sentant monter la gène d'une conversation que je n'aurais jamais cru avoir.

"Pardon .. ?"

"Oui, je... je ressens réellement quelque chose pour toi. Même aujourd'hui. Je crois que c'est arrivé bien avant cette histoire de philtre. Il n'a fait que renforcer ce que j'éprouvais."

Je ne répondais pas, m'enfonçant un peu plus dans ma chaise et faisant glisser mes mains sous la table, comme pour m'éloigner de lui. Je ne comprenais pas pourquoi il tenait de tels propos.

"Harry... tu es clairement amoureux de Ginny." je disais comme une évidence, le regardant dans les yeux cette fois-ci. Ses yeux verts ont changé d'intensité.

"Non, ce n'est pas pareil.."

"Exactement, ce n'est pas pareil. Tu l'aimes, tu l'aimes vraiment. Sinon, tu ne l'aurais pas embrassé ce soir-là. Il n'y avait qu'à regarder pour comprendre que votre amour est évident... " je tentais de le raisonner.

"C'est parce que j'avais peur de mourir, j'aurais pu embrasser n'importe qui " disait-il pour se défendre.

"Quand on a peur de mourir, crois-moi, on se raccroche en notre vérité. Quand on est à deux doigts de la mort, tout devient évident." j'insistais.

Harry commençait à m'agacer. Je savais qu'il ne pensait pas une seule seconde ce qu'il me disait et je n'arrivais pas à comprendre pourquoi il employait une telle attitude.

"Ah oui, comment peux-tu dire ça ?" me lançait-il sur un ton de défi.

Je m'engouffrais et me précipitais sans le savoir dans un piège que Harry ne pensait sans doute pas m'avoir tendu.

"Parce que moi, je pensais mourir aussi et j'ai sauvé la vie de Drago Malefoy." je répondais d'un ton claquant.

Nous nous observions l'un et l'autre, et soudain une évidence se soulevait en moi en même temps que Harry me regardait avec un air de dégoût. A peine les mots avaient franchis ma bouche que je sentais une drôle de sensation monter en moi.

"Attends... tu es amoureuse de ce type ?" me crachait-il au visage.

"Je ne vois pas en quoi cela te serait utile que je réponde à cette question." je répondais sur un ton de défi.

En moi, je sentais la panique monter, ne comprenant pas bien ce que je pourrais ressentir pour Drago aujourd'hui. J'étais perdu.

"Il t'a... il t'a tellement manqué de respect, tu y crois toi, en tout ce qu'il a dit au procès ?" me demandait-il comme si j'étais folle. Mais c'était moi qui le regardais comme s'il venait de tomber sur la tête.

"Harry, personne ne peut contredire l'efficacité du Veritasérum. Mon père a confirmé les faits. Tu ne pourras pas nier son rôle dans la guerre. Je te rappelle une fois de plus qu'il t'a sauvé la vie quand il a compris que tu étais le maître de sa baguette." je disais en serrant les dents.

"Très bien. Mais je t'interdis de l'approcher." lançait-il avec un regard menaçant.

"Tu quoi ?" je demandais en haussant le ton.

"Tu as très bien entendu. Je suis en train de faire mettre en place une procédure d'éloignement pour qu'il ne s'approche plus ni de toi, ni de ta famille." me disait-il en sirotant son thé, comme si cela lui paraissait normal de me menacer. "S'il t'approche de moins de cinquante mètre, c'est Azkaban."

Je l'observais, j'observais un jeune homme que j'avais cru bon et généreux. Amical et bienveillant. J'étais sidérée de l'entendre me parler de la sorte. Je ne comprenais pas son acharnement, son entêtement à vouloir m'éloigner à tout prix de Drago. Il pouvait aller très loin, le fait de faire enfermer Drago à Azkaban pouvait le confirmer.

Soudain, une évidence se levait en moi.

"Elle ne quitte pas Dean c'est ça ?" je demandais en regardant ses yeux émeraudes. Il ne me répondait pas et son visage s'assombrissait. Il fallait croire que j'avais touché juste.

Je poursuivais :

"Ginny. Elle n'a pas encore compris que tu étais l'homme de sa vie et aujourd'hui elle refuse de quitter Dean pour toi, pas vrai ? En plus, le ministère t'a écarté suite au procès... Alors quoi, tu te venges sur moi ?"

Harry ne répondait pas et préférait se masser les tempes plutôt que de me regarder. Moi, j'en avais plus qu'assez. Ayant déjà réglé mon déjeuner, j'étais libre de me lever et de quitter le restaurant. Je reposais ma tasse, enfilais mon sac en bandoulière autour de mes épaules et sortait à l'extérieur où le soleil sortait timidement.

"Ange, attends !" criait Harry derrière moi.

Après quelques instants où Harry insistait et attirait l'attention sur nous, je me tournais finalement vers lui et croisais les bras. Je ne lui laissais pas le loisir de m'adresser la parole le premier.

"Harry, sincèrement, je comprends que tu sois perdu, que la guerre t'ai bousillé, mais par pitié laisse-moi tranquille."

Il me rejoignait après quelques pas prudent et glissait ses mains dans ses poches.

"Non, Ange attends je ..."

"STOP ! Tu me menaces, tu insistes et tu penses réellement que je vais me comporter comme une adorable Gryffondor avec toi ? Qu'est-ce que tu crois, que je m'occupe de mes relations amoureuse en ce moment ? Non, je m'occupe de mon père, la seule famille qui me reste et dont j'aimerais profiter ! Et j'ai mon école aussi !" je me perdais dans mon flot de paroles.

"Quoi, tu retournes dans ton école de Quidditch ?"

"Harry, je viens de passer une année là-bas, j'ai quitté Poudlard pour elle." je répondais comme une évidence.

"Ca... ça te plait alors ?"

Je baissais ma garde, sentant bien que Harry était en train de se calmer. Je ressentais mes épaules se détendre. Je soupirais tout en regardant le parc dans lequel nous étions. J'avais bien essayé de semer Harry, nous avions marché plus que ce que je ne le croyais.

"Oui. Je me sens à ma place là-bas." je répondais en repensant avec une certaine plénitude à mon année en France.

Je m'asseyais sur un banc, Harry m'imitait timidement.

"Tu sais que Mc Gonnagall va faire reconstruire l'école ? Les élèves peuvent participer s'ils le souhaitent." m'annonçait-il en me regardant, essayant de le dire naturellement mais je comprenais que c'était une question.

Je continuais de regarder le parc tout en repensant à Poudlard.

"Je ne sais pas si j'aurais la force d'y retourner un jour..." je répondais en repensant que ma mère était décédée là-bas. Que beaucoup de nos amis étaient morts... que Voldemort aurait pu tous nous anéantir. Rien que d'y repenser, je frissonnais malgré la tiédeur de cette fin de printemps.

Harry sentait bien mon malaise et se rapprochait de moi pour poser sa main sur la mienne. J'avais presque envie de la retirer, mais il retrouvait l'attitude que j'aimais chez lui. Après un soupir, il reprenait la parole.

"Excuse-moi... je comprends que je viens de remuer de douloureux souvenirs. Ce n'est pas ce que je voulais.. tu as raison, je suis bousillé."

Je tournais le visage vers lui, ravie de la tournure des choses. J'aimais quand Harry "l'apaisé" refaisait surface.

"C'est normal que tu le sois, nous le sommes tous, mais toi.. toi tu as tellement perdu qu'il est tout à fait compréhensif que tu dérailles." je disais doucement.

"Je déconne complètement tu veux dire !"

Je sentais un léger sourire revenir sur mon visage.

"Oui, en fait."

Il riait en regardant à son tour le parc, puis il se tournait vers moi en me demandant :

"Alors... c'est terminé ? Nous deux.. c'est vraiment terminé ? Ma question parait bête, mais nous n'avons pas vraiment eu de conversation et du coup, je suis perdu.."

Je baissais les yeux au sol, évitant son regard. Je ne savais pas encore comment entamer cette conversation avec lui.

"Tu sais, je le pensais vraiment. Que j'aurais été un mari heureux avec toi." me déclarait-il en resserrant ses doigts sur les miens.

J'avalais ma salive et prenait le courage nécessaire pour l'observer alors qu'il continuait.

"Tu as ce quelque chose qui.. m'attire. Et je sais qu'on aurait pu être heureux tous les deux. Toi aussi tu penses la même chose, n'est-ce pas ?" me demandait-il en plongeant ses yeux émeraudes dans les miens. J'observais son regard intense en essayant de trouver les bons mots et d'être douce dans mes paroles.

"Peut-être que nous aurions pu, Harry. Mais soyons honnête... ce n'est pas ensemble que nous aurions été heureux, tu le sais autant que moi." je répondais doucement en essayant d'être délicate.

"Maintenant, il faudrait qu'on arrête de se menacer, de saboter nos relations.. et vivre chacun de notre côté. Je vais être franche avec toi Harry, tu es quelqu'un de formidable. Tu m'a beaucoup apporté et je te le dois. Tu as réussi à me tenir debout, même si c'était synthétique, c'est la vérité. Mais, guerre ou pas, Ginny et Drago ou non... nous n'aurions pas passé le reste de notre vie ensemble... tu le sais, toi aussi." je concluais en essayant de garder un ton doux et délicat. J'essayais de le raisonner, pour le libérer.

"Oui tu as raison... alors.. c'est vraiment terminé ?" demandait-il en espérant sans doute que je me rétracte.

"C'est terminé, Harry. Et sans le subterfuge de Blaise.. ça n'aurait sans doute jamais commencé. Je suis désolée.." j'ajoutais en ne voulant pas le blesser.

"D'accord..."

Il s'est passé une minute avant qu'il ne reprenne la parole. Une minute durant laquelle nous observions une flamme s'éteindre dans le regard de l'autre.

"Est-ce que je peux te donner quelque chose avant que l'on se quitte ?" demandait-il en transperçant mon regard. Il retirait sa main de la mienne pour finalement la poser que ma joue.

"Harry.." je le prévenais.

"S'il te plait, laisse-moi te dire au revoir.. laisse-moi tourner la page." me demandait-il en me suppliant presque. "Une dernière fois..."

Harry me touchait, j'étais réellement troublée par ce qui était en train de se dérouler. Hypnotisée par sa réelle souffrance, je baissais ma garde en fermant les yeux quelques secondes. Il avait un certain pouvoir pour me faire oublier qu'il m'avait menti de longues semaines. Je relevais les yeux sur sa bouche, son nez et finalement ses yeux. Et il s'est avancé vers moi, déposant ses lèvres sur les miennes, me ramenant à un souvenir de nous si lointain que je pensais que ce n'était un rêve.

C'était un doux baiser, où nous mettions enfin un terme à la mascarade de Blaise et de Drago, un baiser d'adieu.

Un baiser qui me confirmait que je n'éprouvais rien pour lui.

Après quelques secondes, Harry se détachait de moi et se levait.

"Prends soin de toi" me lançait-il avant de disparaître dans le parc.

A toi de prendre soin de toi j'ai voulu répondre. Mais aucun son ne pouvait franchir mes lèvres. J'étais épuisée mentalement par cette discussion qui n'en était pas vraiment une.

Mais j'étais heureuse pour Harry, qu'enfin il s'occupe de lui.

Qu'il pense à lui.

Qu'enfin il se reconstruise et puisse avoir de nouveaux projets.

J'étais loin de m'imaginer qu'il était loin de se libérer. Au contraire, Harry était à mille lieux de trouver le calme et la sérénité.

Il allait déclencher de longs mois de souffrances et d'incompréhension.

A mon égard.

La guerre l'avait bousillé.

Et j'ignorais qu'il comptait m'entraîner avec lui dans sa chute.

Pov Drago

"Un autre traitement serait efficace. Vous pouvez faire des recherches !"

"Monsieur Malefoy... nous ne pouvons rien faire de plus pour votre mère..."

Les poings serrés, j'écoutais ce que m'annonçait le médecin. Ce qu'il m'annonçait depuis plusieurs semaines, mais je refusais de l'écouter.

"Si c'est une question d'argent, mes comptes sont encore bloqués par la justice mais bientôt je pourrais vous verser la somme que vous voulez." je lançais comme un espoir.

La femme qui s'occupait de ma mère depuis de longs mois m'observait avec un regard que je détestais. Elle avait pitié de moi et n'osait pas me répondre. Finalement, après quelques minutes, elle quittait la pièce après m'avoir proposé d'aller boire un thé pour me détendre. Je me tournais vers ma mère qui semblait juste dormir paisiblement. Mon regard glissait vers la gazette du sorcier du jour, le treize août. Le temps passait à vive allure quand on souffrait. Plus rien n'avait d'importance que de trouver un moyen de sauver ma mère.

"Drago ?"

Je me tournais vers l'entrée de la chambre. C'était Astoria, celle qui avait été un jour mon avocate. C'était une femme brune avec une certaine allure. Dans sa robe fourreau, elle démontrait ses atouts certains. Elle avait un air aristocrate que mon père aurait sans doute apprécié.

"Est-ce que tu vas bien ?" me demandait-elle en restant dans l'encadrement de la porte.

Elle n'osait jamais rentrer. Cela faisait plusieurs semaines qu'elle passait me voir régulièrement, et cette bouffée d'oxygène me faisait du bien. C'était le seul lien que j'avais en dehors de l'hôpital. Elle n'avait jamais rompu la relation qui unit une avocate et son client et entretenait notre contact. Au départ, nous ne nous voyions juste pour régler des soucis d'ordres administratifs. Elle m'avait tout d'abord aidé à surmonter l'épreuve de retourner à la vie normale, m'avait trouvé un appartement tout près de l'hôpital. Grâce à elle j'intégrais bientôt une école de médecine. Nous avions monter mon dossier ensemble, mes résultats scolaires avaient été plutôt vendeurs compte tenu de la mauvaise réputation de mon nom.

Parfois, nous dînions en ville, et puis de fil en aiguille, nous terminions souvent les soirées chez moi.

Et un jour, nous avons prit l'habitude sans nous concerter de se rejoindre automatiquement dans cet appartement et de préparer le dîner ensemble.

Petit à petit, elle laissait des affaires, ici et là. Dormait dans la chambre d'amis. Et hier, les choses avaient légèrement évolué.

Car c'est dans mon lit, et nue, qu'elle s'était réveillée le matin même.

"Tu me prépares un thé s'il te plait ?" je lui demandais doucement, voulant rester encore quelques minutes auprès de ma mère. Je détestais la machine qu'ils avaient installés dans la salle d'attente, je ne savais pas bien m'en servir. Les modes de vie moldus commençaient à déborder sur la vie sorcière, mais finalement j'appréciais le changement. La nouveauté faisait penser à autre chose.

"Bien sûr." me répondait-elle en m'adressant un sourire. Avant de s'en aller, elle s'est permise d'entrer et de me déposer un baiser sur mes lèvres, confirmant mes doutes. Je ne savais pas vraiment quoi en penser, mais je savais que pour elle, c'était clairement sérieux et établis. Pour moi aussi ? Moi, je n'arrivais plus à penser depuis mon procès. Et surtout depuis hier soir. J'avais eu juste besoin d'oublier pendant quelques minutes, mais de son côté, il s'agissait d'un engagement.

Après un soupir, je prenais entre mes doigts la gazette du sorcier de la veille qui était encore auprès de ma mère. Ce torchon qui m'avait mis dans une colère noire. Ou dans une tristesse sans fin, je ne savais pas vraiment. Je me décidais à rejoindre Astoria près de la machine à café, roulant les pages dans ma main. J'arpentais le couloir jusqu'à ce que je n'arrive enfin dans cette salle hors du temps, baignée de lumière avec ses baies vitrées, comme pour faire profiter des doux rayons du soleil aux visiteurs qui passaient leur temps au chevet d'hommes et de femmes inconscientes, reposant dans une chambre sombre et froide.

La machine à café était occupée par quelqu'un qui saisissait son breuvage entre ses doigts. Je crois l'avoir reconnu un peu tard, parce qu'elle avait tellement changé avec la guerre que je perdais mes repères. Le fait d'avoir été séparés pratiquement une année avant la bataille amplifiait ce sentiment. Quand elle s'est tournée vers moi et que nos regards se sont croisés, elle a lâché son gobelet. Le café s'est répandue au sol, glissant sur le carrelage et dans sa course folle, en quête de surface à souiller, éclaboussait les murs. Malgré cela, nous continuions de nous observer l'un et l'autre, le bruit et la chute de sa boisson chaude ne suffisaient pas à nous reconnecter à la réalité. Elle semblait moins fragile qu'avant, son activité sportive avait redressé ses épaules et musclé son dos, lui donnant un air sûr d'elle. Ses cheveux avaient poussé depuis le procès, ils tombaient en mèches folles sur son front et sur chaque coté de ses joues. Elle s'était fait un chignon à la va-vite. Elle portait une robe dans une matière qui ressemblait au jean mais semblait plus fluide, plus fin. Elle avait certainement eu un entrainement ou quelque chose de la sorte, parce que je sentais son gel douche, comme si elle sortait de la salle de bain. Quelques mèches de ses cheveux étaient encore humides. Et elle ne portait aucun maquillage et je n'en trouvais pas le besoin. Ses grands yeux bicolores et ses pommettes roses suffisaient.

Après quelques secondes, Ange a finalement repris vie.

"Je... désolée, je ... je ne t'ai pas brûlé ?" me demandait-elle en nettoyant le sol d'un coup de baguette magique en évitant à présent mon regard.

"Qu'est-ce que tu fais là ?" je demandais en ignorant ses dernières paroles. J'avais l'impression de vivre hors du temps, de revenir à plus d'un an en arrière alors que je sentais de nouveau son parfum naturel, qui n'avait pas changé.

Elle levait les yeux vers moi, rangeant sa baguette dans son sac blanc à bandoulière.

"Rien... rien d'important. Comment.. comment va ta mère ?"

"Tiens... il t'aura fallu quelques mois avant de poser la question." je disais d'un ton mesuré. Elle croisait ses bras contre sa poitrine comme une défense.

"Je ne savais pas comment t'approcher... j'étais perdue." avouait-elle en continuant de me regarder dans les yeux.

"Et aujourd'hui, tu es là devant moi."

"Comment va t-elle ?" insistait-elle en ignorant mes précédentes paroles.

"Moins bien que ton père, j'ai appris qu'il était sortit."

Je me demandais bien pourquoi Ange était ici à l'hôpital si son père n'était plus là. J'avais su qu'il était rentré en France. Je lisais le journal chaque jour, en quête d'informations mais aussi pour m'évader l'esprit au moins quelques minutes. John Fire m'impressionnerait toujours, j'avais lu qu'il avait demandé un référendum pour que les français s'expriment sur sa légitimité de son poste de président des sorciers. Il avait sentit que les sorciers étaient méfiants et perdus depuis la guerre. Et à quatre vingt treize pour cent, ils avaient indiqué le vouloir encore comme chef d'état. C'était un homme qui ne fuyait pas. Qui était à mille années lumière de mon père.

"Oui... il se remet doucement, encore un suivi pendant quelques temps et il sera en forme."

"Tant mieux pour lui." je disais plus amèrement que je ne l'aurais voulu.

Ange a relevé ce ton, puisqu'elle s'est pincée les lèvres, gênée. Elle a préféré changé de sujet, sentant ma colère monter. Elle me connaissait très bien malgré les mois qui nous avaient séparés.

"Comment est-ce que tu t'organises aujourd'hui ? Pour venir ici, tu es hébergé par quelqu'un peut-être ?" me demandait-elle en s'asseyant à une table près de la fenêtre. Je m'approchais d'elle pour m'asseoir à ses côtés. J'avais le loisir d'observer l'extérieur.

Je sentais mon corps et mon esprit réagir douloureusement à la présence de la française, même si quelque part je ressentais un soulagement. Tout était contradictoire, comme notre relation l'avait toujours été.

"J'ai un appartement à Londres. Mes comptes sont bloqués encore quelques temps, j'ai pu avoir un peu d'argent auprès d'une association, en échange de quoi je rembourserais cette aide plus tard.. "

"Oh...je l'ignorais, je suis désolée. Tu n'es pas retourné chez toi ? Je veux dire... chez tes parents.."

"Pas encore. Bientôt ce sera ma propriété... mais je n'ai pas envie d'y retourner." je répondais en continuant d'éviter de la regarder. "Les aurors ont mis le manoir sans dessus dessous pour le procès."

Reparler du procès entraînait un léger silence entre nous, qu'elle a rompu après quelques secondes.

"Je comprends."

Je me tournais vers elle et croisait son regard.

"Tu comprends ?" je demandais en haussant les sourcils et en employant un ton proche de l'ironie.

"Oui... je ne suis que très peu retournée chez mes parents." expliqua-t-elle en baissant les yeux sur la table.

Un petit moment de silence s'est imposé à nous. Perdre sa mère l'avait plus affecté que je ne l'avais imaginé. Je continuais de l'observer sans gène puisqu'elle avait les yeux baissés. J'avais tout le loisir d'observer sa respiration se bloquer, signe qu'elle replongeait dans sa douleur.

"C'est difficile ? De... d'y retourner... l'après.. " je demandais finalement en attendant qu'elle me regarde dans les yeux, ce qu'elle a fait. J'ai pu remarquer une certaine douleur passer dans son regard.

"Très..."

"Je ne crois pas que je pourrais vivre de nouveau là-bas... c'est sombre, il fait froid. J'ai de très mauvais souvenirs... Voldemort a souillé ce manoir. J'aimerais le détruire... et en même temps je sais que ma mère apprécie cet endroit... elle possède un jardin magnifique.. je crois qu'elle aimerait ... "

Qu'elle aimerait y reposer. Mais je ne pouvais formuler cette phrase alors qu'elle était encore en vie à quelques pièces de là. J'avais débité ce flot de paroles sans pouvoir les contrôler. J'étais tellement perturbé de voir Ange ici, que j'avais envie de lui parler, sans m'arrêter. Comme pour rattraper le temps perdu. Je détournais le regard, me contentant d'observer les tours qui entouraient l'hôpital et sans que je ne m'y attende Ange a poser sa main sur la mienne. Je pense que la dernière fois que nos mains se sont touchés, remontait à la bataille de Poudlard, durant notre lutte contre les raffleurs.

Où était passé ce duo que nous formions, aussi improbable soit-il ?

J'ai relevé les yeux vers elle, en recouvrant sa paume de la mienne. J'appréciais ce contact, cette chaleur, que seule elle pouvait m'apporter.

"Change tout dans ce cas. Fais-en un endroit magnifique où tu te sens bien." disait-elle doucement.

"Comment ça ?"

"Et bien, change la couleur des murs, supprime les pièces qui te font du mal pour en faire d'autres. Apportes-y de la lumière, de la chaleur. Fais-en un endroit merveilleux, comme le jardin de ta mère." expliqua-t-elle en me donnant quelques pistes.

Je m'imaginais déjà raser entièrement ce manoir lugubre que j'avais appris à détester malgré les souvenirs de ma petite enfance, que ma mère avait su me rendre heureux. Je savais ce qui rendrait l'endroit merveilleux aujourd'hui, il ne fallait qu'une présence, mais j'avais la sensation que plus jamais je ne pourrais espérer ce miracle.

"Drago, je suis sincèrement désolée pour mon silence après le procès mais... j'avais besoin de temps, pour y voir clair. J'ai... tellement honte de ne pas avoir su t'aider.."

Je ne répondais pas, préférant observer sa main entre les miennes. Je ne pouvais pas lui en tenir rigueur et pourtant, je lui en ai terriblement voulu. Aujourd'hui encore, je me sentais terriblement seul face à l'épreuve que je traversais. Mais elle avait vécu trop d'événements douloureux en peu de temps, je n'avais pas le droit de lui en vouloir.

"D'ailleurs, j'ai vu ton avocate, elle est ici. Nous avons discutés quelques instants mais elle a reçu un hibou et elle est redescendue à l'accueil. Elle m'a dit qu'elle venait soutenir son petit-ami." expliqua-t-elle sur le ton de la conversation. Je relevais les yeux vers elle en sentant mes entrailles se nouer dans tous les sens. Elle a remarqué mon trouble parce qu'elle m'interrogeait déjà du regard.

"Ange, viens avec moi." je lui disais dans un souffle.

"Quoi ?"

"Partons, loin. On pourra se retrouver, jouer carte sur table. On a besoin de recul, d'être tous les deux." j'annonçais sur un ton pressant.

"Drago.."

"Je ne sais pas ce que Potter te dit, ce qu'il te met dans le crâne, mais viens avec moi."

Elle a retiré sa main des miennes et s'est levée. Je l'ai imité et je faisais face à elle alors que les larmes commençaient à faire briller ses yeux.

"Mais qu'est-ce qui te prends Drago ?"

"C'est la seule et dernière fois que je te le dis. Quand ma mère ne sera plus de ce monde, pars avec moi. Je te promet que je te rendrais heureuse et de la façon dont tu le voudras mais ne reste pas avec lui. Quitte-le, il te manipule !" je lui disais sans réfléchir à ce que je lui proposais. "On partira tous les deux, on recommencera tout à zéro et on sera heureux, enfin heureux tous les deux. On s'aime. On ne pourra pas vivre l'un sans l'autre, tu le sais."

J'entendais nos deux respirations s'accélérer alors que nous étions en train de nous noyer dans les yeux de l'autre.

"Mais pourquoi tu me parles d'Harry, je ne l'ai pas vu depuis plusieurs semaines." me répondait-elle en fronçant les sourcils, la voix saccadée.

"Arrêtes de mentir s'il te plait, ça ne servira à rien !" je disais en sentant mon corps se tendre. "Moi aussi, il y a des choses dont je ne suis pas fière, mais on pourra tourner la page, ensemble. Ange, c'est la seule fois que je te le dirais, c'est notre dernière chance aujourd'hui. On ne se croise pas par hasard. On a un avenir ensemble, un futur qui est bien réel."

"Je t'en supplie, Drago.." répondait-elle en ayant la voix brisée.

"On pourrait s'aimer, fonder une famille ensemble !" je continuais pour la convaincre.

"Drago... tais-toi !" me disait-elle en fermant les yeux. Deux larmes s'écoulaient sur ses joues, deux larmes que j'essuyais déjà avant qu'elle ne touche ses lèvres. Sentir sa peau sous la mienne me rendait vivant. Elle rouvrait les yeux et reculait pour que nous n'ayons plus un contact physique, rendant de nouveau ma vie en noir et blanc.

Je me tournais vers la table où j'avais laissé mon journal de la veille et lui mettait avec vigueur dans les mains pour qu'elle découvre l'article qui la concernait. Où il y avait cette photo que je ne voulais plus voir. Cette photo de Potter et Ange dans un parc à Londres en train de s'embrasser et de discuter. Cette photo qui m'avait fait boire la veille. Qui m'avait conduit dans le même lit qu'Astoria.

"Je ne pensais pas que tu tomberais réellement amoureuse de lui, mais tu sais que nous deux c'était plus fort que ça." je lui disais en la suppliant du regard.

"Mais... non, Drago ce n'est pas ce que tu crois, laisse-moi t'expliquer !"

La porte s'est ouverte sur nous, alors que nous étions tout proches et que Ange venait de jeter le journal dans un corbeille. J'ai senti le ciel me tomber sur la tête quand je constatais qu'il s'agissait d'Astoria, qui arrivait avec deux gobelets fumants, le sourire aux lèvres.

"Chéri, ça va ? Désolée, j'ai envoyé un hibou pour le travail avant d'acheter le thé." me disait-elle en s'approchant de nous. "Ah Ange, vous êtes encore ici, je suis contente de vous voir."

J'ai risqué un regard vers Ange qui observait Astoria comme si c'était une hallucination. Elle a fait le lien dans son esprit que je n'aurais jamais voulu qu'elle fasse. Je constatais dans son regard que tout s'effondrait en elle. Elle venait de comprendre qui était le "petit-ami" en question que Astoria venait soutenir. Je me rendais compte aussi qu'elle détaillait Astoria et comparait son apparence à celle d'une femme sûre d'elle, avec une élégance et une grâce incroyable. J'aurais voulu lui dire qu'elle n'avait pas à se comparer avec quiconque, qu'elle serait toujours unique pour moi.

"De quoi discutiez vous tous les deux ?" demandait Astoria en me tendant un gobelet dans les mains que je saisissais après avoir réussi à me décoincer. C'est Ange qui a répondu.

"A vrai dire... nous étions en train de tourner la page" répondait-elle en reprenant mes mots et en m'adressant un regard sombre. "Excusez-moi, mais je dois y aller."

Ange nous tournait déjà le dos et venait de poser sa main sur la poignet de la porte. Encore une fois, je venais de lui mentir d'une certaine façon. Jamais elle ne pourrait me pardonner ces excès. Mais elle était avec Potter, pourquoi se mettre dans cet état ?

"Est-ce que nous aurons le plaisir de vous revoir bientôt à Londres ?" demandait Astoria à Ange. Je savais qu'elle formulait cette question non pas par politesse, mais pour savoir si les vestiges de mon passé resteraient dans les parages du couple qu'elle comptait entretenir avec moi.

Ange s'est tourné vers nous. Je pensais qu'elle ne répondrait jamais jusqu'à ce qu'elle refuse clairement ce que je venais de lui proposer quelques instants plus tôt.

"Non, je ne pense pas. Je suis sur le point d'accepter une proposition professionnelle qui ne se refuse pas."

"Ah oui, c'est merveilleux ! Je vous souhaite bonne chance pour la suite." déclarait Astoria en passant sa main autour de ma taille.

"Bonne chance à vous aussi." répondait-elle en observant la main d'Astoria qui me tenait fermement.

La porte s'est refermée sur elle et Astoria a commencé à me parler du fameux hibou qu'elle avait envoyé au tribunal. Ses paroles flottaient dans l'air sans qu'elles ne me percutent. C'était comme si j'écoutais une radio réglée entre deux fréquences. Elle s'animait et me regardait avec un air chaleureux.

"Et j'ai expliqué à mon chef que.."

"Astoria ? Excuse-moi.. est-ce que tu pourrais demander à l'infirmière qui s'occupe de ma mère si elle pourrait me préparer le dossier pour les assurances ?"

Son regard chocolat me scrutait, mais je n'ai pas laissé les questions venir oralement que je quittais déjà la pièce.

"Je reviens tout de suite." je disais en lui adressant un sourire.

"D'accord..."

Je jetais mon thé dans la première poubelle que je trouvais et dévalais les escaliers de l'hôpital. Il fallait que je rattrape Ange pour mettre les choses au clair. Je sentais que quelque chose m'échappait, je n'avais pas toutes les informations. J'arrivais bien vite à l'extérieur, mais je ne trouvais pas celle que je cherchais. Dans un soupire frustré, je rentrais dans le hall du bâtiment, la mort dans l'âme. Je m'adossais au mur et fermait les yeux pour calmer ma respiration et mon esprit. J'entendais la personne qui s'occupait de l'accueil qui s'adressait à un visiteur.

"Voilà votre dossier. Le rapport de l'intervention avec Mrs Williams sera adressé chez vous. Au revoir, Miss Fire."

J'ouvrais les yeux et me redressais vivement en écoutant le nom d'Ange qui se dirigeait vers la sortie. Alors qu'elle s'apprétait à quitter les lieux, elle m'a aperçue et s'est empressée d'accélérer le pas.

"Non, s'il te plait. Il faut qu'on parle !" je lui lançais en la rejoignant à l'extérieur.

Elle s'est tournée vers moi en prenant soin de ranger son dossier dans son sac, puis m'a observé sans rien dire.

"Tu ne veux pas en parler ?" je risquais de demander sachant qu'elle se mettrait en colère et c'était le but. Dans cet état, elle déliait sa langue.

"En parler ? Parler de quoi ?! Que tu continues de te moquer de moi peut-être ?" disait-elle en haussant le ton et en croisant les bras.

"J'étais on ne peut plus sérieux dans ce que je t'ai dit."

"C'est grave alors, pourquoi sortir avec une femme comme elle ?"

"Nous ne sommes pas vraiment ensemble.."

"Excuse-moi, j'oubliais, aujourd'hui nous sommes des adultes. Pourquoi est-ce que tu couches avec elle si tu me promet monts et merveilles ? " demandait-elle en fronçant les sourcils. Je voulais lui rétorquer qu'elle couchait avec Potter mais j'ai préféré me taire, parce que j'étais inquiet pour elle.

"Pourquoi est-ce que tu as eu rendez-vous ici... ou devrais-je demander... pourquoi est-ce que tu as été hospitalisée ici ?" je demandais en changeant de sujet.

Ange ne répondait pas, interdite.

"Tu viens de récupérer ton dossier médical et tu sens le gel douche. Tes cheveux étaient encore humides. Qu'est-ce qui se passe, tu vas bien ?" je demandais en espérant qu'elle répondrait.

"Mêles-toi de tes affaires." J'ai vu sa mâchoire se serrer, signe que j'avais vu juste.

"C'est grave ?" j'insistais en m'approchant d'elle.

"Stop. Vraiment, j'aimerais que tu te.. que tu te désintéresse de moi."

Elle venait de lever les bras comme pour mettre une barrière entre nous.

"Impossible." je répondais dans un murmure.

"Pourquoi ?"

"Parce que je t'aime."

Ses yeux ont recommencé à briller alors que je venais de lui annoncer ces mots. Cela ne servait à rien que je lui dise, elle le savait. La Terre entière le savait.

"Drago, jamais je ne pourrais te rendre ça.." me répondait-elle d'une voix tremblante.

"Tu m'aimes de la même manière mais tu refuses de l'admettre." je rétorquais en fixant son regard.

"Non. Ce que tu as fait... c'est..."

Elle cherchait ses mots sans parvenir à les trouver. J'en ai profité pour lui dire ce que j'avais sur le cœur.

"Tu m'a sauvé la vie toi aussi, sans réfléchir, sans l'anticiper. C'est encore plus fort que ce que j'ai préparé pour te sauver." je disais en continuant de l'observer.

"Tu n'as pas réfléchi. Tu t'es opposé à Voldemort pour me protéger malgré tous les doutes que tu avais. Qu'est-ce que je dois penser de ça ? Dis-moi, qu'est-ce que je dois penser du fait que tu m'ai sauvé la vie, et que tu t'es battu bec et ongles pour que je sorte d'Azkaban ? Ne me regarde pas comme ça, bien sur que je le sais, Astoria me l'a dit. Pourquoi est-ce que tu as tout fait pour que je rejoigne le chevet de ma mère ?" je demandais en insistant pour qu'enfin elle m'écoute.

J'en rajoutais toujours plus et continuait mon monologue pour qu'elle craque et qu'elle sorte elle aussi ce qu'elle avait sur le cœur. "Pourquoi est-ce que tu .."

"Parce que jamais, jamais je ne pourrais te rendre ce que tu as sacrifié !" criait-elle en provoquant des regards interrogateurs autour de nous. J'étais content de l'avoir eu à l'usure et en même temps j'avais peur de ce qu'elle allait me dire.

"Ce que j'ai sacrifié ?"

"Jamais, je ne pourrais te rendre ta famille Drago. Même si ton père était ce qu'il était, moi je n'aurais jamais pu trahir mon père pour quelqu'un d'autre ! Tous les jours je culpabilise de la chance que j'ai, la chance que j'ai de partager encore ces jours bénis avec mon père, alors que toi, tu n'as plus de père et qu'en plus tu vas subir la même blessure que moi !" expliqua-t-elle avec la voix brisée.

Je l'observais, en essayant en même temps de comprendre ce qu'elle pensait. Je laissais quelques secondes s'écouler pour ne pas la brusquer. Je ne comprenais pas pourquoi elle pensait que j'avais sacrifié mon père alors que c'était la guerre et les choix de mon père qui l'avait conduit à mourir. Mais ce n'est pas cette précision que je désirais connaître.

"La même blessure ... ?" je demandais doucement.

"Tu vas perdre ta mère Drago. La femme que tu aimes le plus au monde. Je viens de passer par là et je sais ce que tu vas ressentir, ce que tu vas ressentir toute ta vie. Tu vas le vivre alors que tu viens de passer un an à risquer ta vie pour me protéger. Ouvres les yeux, je ne suis qu'une fille parmi tant d'autres, je n'ai rien de plus que les autres. Astoria est solide, c'est une femme forte et droite, voilà pourquoi tu es avec elle aujourd'hui. Je ne suis qu'une fille cabossée par la vie, toi tu es aussi affligé que moi... je ne pourrais jamais te rendre heureux, sois réaliste... je ne mérite pas tout ce que tu as fait pour moi." continuait-elle en séchant ses larmes.

Ange reprenait contenance en remettant en place son sac, s'apprêtant à partir, je le voyais dans son attitude. Je savais que je n'avais pas beaucoup de temps pour lui dire, alors j'allais droit au but.

"Viens avec moi... c'est la dernière fois que je te dirais ces mots, ensuite je ne t'importunerais plus. Je veux te les dire parce que je sais que tu ne voudras plus m'approcher ensuite mais... Je t'aime. C'est de toi dont j'ai besoin dans ma vie. C'est toi que je veux, pour toujours. Ange, tu n'as qu'à me le dire. Dis-moi que toi aussi tu m'aimes, et on avancera à notre rythme, au tiens. Mais je ne suis rien sans toi. Si tu pars aujourd'hui... alors je considérerais que c'est terminé."

Les mots ont flotté quelques instants entre nous et je continuais de la regarder, inlassablement. Je disais ce que je pensais, plus jamais je ne lui proposerais de faire sa vie avec moi. Je comprenais que si elle ne prenait pas cette décision aujourd'hui, elle ne la prendrait jamais. Elle continuerait sa route, sans doute avec Potter. Après quelques instants, elle a baissé les yeux au sol et s'est approchée de moi pour saisir ma main et la serrer dans la sienne. Elle observait l'union de nos paumes alors que j'attendais que nos regards se croisent. Quand elle a levé les yeux vers moi, j'ai compris.

J'ai compris qu'elle allait s'en aller et qu'un morceau de moi partirait avec elle.

Je le comprenais, parce que je devinais toujours ce qui se passait en elle rien qu'en la regardant. J'entendais sa respiration se bloquer dans sa gorge, signe qu'elle avait du mal à sortir les mots, qui allaient être douloureux. Je profitais de ce dernier instant pour m'imprégner de son parfum, pour me noyer dans ses yeux et me calmer par sa seule présence.

Je ne pouvais pas aller contre sa volonté, ce ne serait pas l'aimer, alors je l'ai laissé prononcer ces mots.

"Au revoir Drago."

Nous avions survécu à la guerre.

Mais nous serions quand même séparés.

La guerre avait eu raison de nous.

Je l'ai sauvé...

Et je l'ai perdue.