notes: Bonjour, bonsoir! Voici une nouvelle histoire de Saint Kanon, où les choses suivent leur cours. Je vous souhaite une bonne lecture.
Quatrième histoire: Enfants
Il s'était passé six ans depuis le départ d'Athéna pour le Japon, et le Sanctuaire était de plus en plus peuplé, de nouveaux chevaliers furent révélés, pour la plupart du rang argenté. En compagnie de Aiolos, Kanon constatait que ces derniers étaient soudés entre eux tout comme leurs ainés dorés qui étaient désormais au complet, en incluant le Vieux Maitre de la Balance qui était en Chine et le disciple de Pépé Shion retiré dans une région reculée du Tibet pour se consacrer à la réparation d'armures abimées et sans propriétaire pour le moment.
Le tout dernier à avoir pris ses appartements dans l'escalier du zodiaque était Aiolia, pour des raisons aussi idiotes qu'injustes au goût du chevalier des Gémeaux: parce qu'il était le frère du Sagittaire, personne ne voulait l'affronter lors de son épreuve finale par crainte de représailles de l'ainé. Milo aurait bien voulu, mais il était parti en mission de l'autre côté du globe, et bon nombre des chevaliers d'Or également étaient pris pour diverses raisons. Kanon lui même s'était absenté pour aller récupérer deux chevaliers d'Argent en plein cœur de l'Europe: ceux de Persée et du Chien de Chasse tout juste nommés, avant de s'assurer qu'un autre avait été assigné comme instructeur sur l'ile d'Andromède.
Finalement, ce fut un ami commun de Milo et Aiolia avec qui ils avaient grandi ensemble – et fait les quatre cents coups – qui fut désigné comme adversaire du futur Lion: le prétendant à l'armure d'Argent de la Lyre, tout aussi fort que ses camarades. Quand bien même il serait d'un rang inférieur, sa puissance physique était égale aux deux autres. Il serait un atout important dans ce conflit qui n'arrivait pas et bien heureusement.
Athéna n'était encore qu'une fillette, et le Grand Pope, d'après sa correspondance avec ce Kido, affirmait que son cosmos ne s'était pas encore éveillé.
Tout en discutant de banalités entre frères avec Aiolos, Aiolia et Saga, Kanon sentit une présence familière approcher. Ce qui ne perturba pas pour un sou le Sagittaire ni son frère jumeau. Mais qui fit sursauter Aiolia qui protesta légèrement, alors qu'il était allongé dans l'herbe bercé par le doux air printanier, coupé dans sa somnolence.
« Si t'as voulu nous faire peur, Milo, c'est raté... et pousse-toi tu fais de l'ombre!
-Je suis content de te revoir aussi, Lia! Bonjour Kanon! Et Aiolos et Saga...
Ces deux derniers semblaient ailleurs, dans une conversation rien qu'à eux, ou plutôt comme dans une bulle que personne ne pouvait percer.
-Ils sont dans leur monde, constata Kanon.
-Comme des amoureux, presque, renchérit le Scorpion.
-Parle pas de mon frère comme ça, protesta Aiolia en se relevant d'un coup, sa tignasse chatain clair pleine de poussière et de feuilles séchées.
-Calme-toi, Minou, c'est pas un reproche! Et puis si ton frère est heureux avec Saga, c'est super.
-Moui... mais je veux pas qu'ils aient des problèmes... et puis c'est pas dit qu'ils soient amoureux, Aiolos me l'aurait dit.
-Pas sur, remarqua Kanon. Saga m'avait toujours dit qu'il n'était qu'ami avec ton frère...
-Toute façon l'amour c'est nul, se renfrogna Aiolia. Il faut toujours se marier à la fin et les hommes ils peuvent pas entre eux, donc nos frères vont être malheureux et ça je veux pas. »
Le chevalier des Gémeaux soupira en écoutant le jeune Lion. Il ne lui reprochait rien, ce n'était encore qu'un enfant, pas encore un adolescent, qui venait d'être promu chevalier d'Or. Il découvrait la vie, et profitait surtout de ses chamailleries avec son meilleur ami du Scorpion. Enfin, Kanon lui même ne connaissait pas grand chose non plus à l'amour, malgré sa vingtaine entamée. Toujours occupé à s'entrainer, donner des conseils aux apprentis, ou en réunion avec Shion – pour apprendre un peu plus du rôle qu'il tiendrait après la retraite de l'ancien Bélier – il n'accordait son temps libre qu'à ses amis les plus proches et son grand frère. La perspective de rencontrer quelqu'un, homme ou femme ne lui traversait même pas l'esprit. Il passait trop peu de temps hors du Sanctuaire ou pas assez dans les villages voisins et n'avait jamais réellement prêté attention aux habitants du domaine qui œuvraient pour le quotidien de chacun. Quant aux femmes chevaliers... Kanon trouvait cela triste cette obligation de porter ce masque de métal qui presque les briderait dans leur capacités. Une fois, il en avait eu un en sa possession, suite au décès de sa propriétaire. Il avait tenté de le mettre sur son visage et fut surpris de cette sensation de ne pas respirer ni voir comme les hommes. Une barrière forgée dans un alliage spécial qui retenait ces femmes et les privait de toutes leurs capacités. Ce n'était pas tant ce tabou de les voir avec leur vrai visage qui avait bloqué le chevalier des Gémeaux. Cette loi comme quoi les guerrières ne devaient pas se dévoiler aux hommes par crainte de la plus grande honte et qu'elles devaient expier soit en tuant celui qui les avait découvertes ou bien en s'obligeant à l'aimer était d'un ridicule... Obliger à aimer! On était au XXème siècle! Et le tuer... En imaginant que ce fusse un chevalier d'Or, jamais elles ne le pourraient vu qu'elles ne seraient jamais au maximum de leurs forces.
Un jour, Kanon s'était confié sur ce sujet à Shion, ce dernier lui avait répondu que trop de lois étaient devenues dépassées mais restaient dans l'inconscient collectif du Sanctuaire, et de ce fait, difficile à effacer des habitudes. Pourtant le jeune homme ne comprenait pas. Alors que cette règle sur les jumeaux avait été éradiquée, que Saga pouvait vivre en toute quiétude avec lui dans le troisième temple, pourquoi les femmes n'avaient-elles pas le droit à aspirer devenir de vraies guerrières elles aussi et protéger leur déesse de la même manière? Une fois devenu Grand Pope, il penserait revenir sur certains points de ce genre, quitte à tout chambouler mais pour que ce domaine sacré soit digne d'Athéna et de ses chevaliers. Il resterait en vie pour y arriver et botterait les fesses de ceux qui l'empêcheraient.
Bon dans un premier temps, il devrait consulter sa déesse, mais vu son âge et son absence de cosmos pour le moment, il allait devoir patienter. Et veiller sur son frère qui à priori s'éveillait à l'amour avec Aiolos. Leurs mains si proches dans l'herbe qui se touchaient du bout des doigts étaient la preuve de plus qu'une amitié solide. Le bonheur de son ainé et de leur meilleur ami était aussi quelque chose que Kanon se jura à l'instant de protéger, tout comme ses deux plus jeunes camarades du Lion et du Scorpion qui se chamaillaient gentiment, se menaçaient de se porter l'un ou l'autre jusqu'à la falaise proche de leur lieu de repos et se balancer dans la mer. Bien sur ils ne le feraient jamais. Tous deux, en plus de leurs cosmos à présent maitrisés – les allergies de Aiolia aux fleurs du chevalier des Poissons se dissipaient peu à peu – ils étaient de bons garçons d'une grande gentillesse et apportaient un souffle positif au sein de l'escalier du zodiaque.
À son tour, il se laissa tomber à l'arrière et s'allongea par terre. Aussi court fut-il, il devait profiter de ce moment de répit paisible, l'air marin lui chatouillant les narines en priant pour qu'il y ait d'autres jours aussi calmes à l'avenir.
Dans deux jours, le chevalier des Gémeaux irait se rendre au Japon pour prendre des nouvelles de la fillette qui serait leur déesse.
少年
« Kanon, on n'a vraiment pas le temps de s'arrêter manger dans une de ces échoppes de nouilles? Se plaignit Milo. C'est une torture ces odeurs...
-Malheureusement, non. Nous devons nous rendre à la résidence de ce Kido, et selon le plan, il nous reste encore plus d'une vingtaine de kilomètres à pieds à faire.
Les chevaliers des Gémeaux et du Scorpion venaient d'arriver au Japon, dans un quartier en plein cœur de Tôkyô. Le plus âgé regrettait un peu d'être tombé en cet endroit comme point d'atterrissage de leur téléportation, et la chance fut qu'ils sortaient d'une ruelle déserte loin de la grande artère de commerçants et maraichers qui s'étalaient de chaque côté et parmi lesquels résidents et touristes se mêlaient en une foule extraordinaire. De plus, il était vrai que des petits restaurateurs préparaient en plein air des mets qui sentaient un parfum exotique et parfaitement inconnues pour les nez des deux Grecs.
Cependant, l'heure n'était pas à la découverte du pays, mais une marche vers le manoir de celui qui s'occupait de l'incarnation d'Athéna depuis son départ du Sanctuaire. Il se trouvait à la sortie d'un quartier résidentiel, dans une banlieue huppée de la capitale, loin des lieux importants et de toute cette population agglutinée dans ce passage touristique.
-Attends, il y a une gare de transports, là, suggéra le plus jeune. On pourrait peut-être...
-Tu as vu toutes les lignes qu'il y a? C'est à n'y rien comprendre, même en alphabet occidental! On va marcher, et suivre l'itinéraire que Pépé Shion nous a conseillé.
-Mais j'ai faim... et... avoue que ces brochettes de viande te font pas envie! »
Malgré tous ses efforts, Kanon admettait qu'il avait le corps d'un être humain avec toutes ses faiblesses et ce parfum sucré salé qui lui chatouillait les narines étaient en train de l'achever. Il sortit un billet japonais et acheta de quoi manger pour eux deux avant de reprendre leur chemin.
少年
Le manoir de Kido Mitsumasa paraissait si loin depuis l'immense portail de l'entrée. Ils étaient enfin arrivés à destination, sans trop se perdre dans les rues ni trop prêter attention aux personnes qui les toisaient bizarrement. Il était vrai que deux Grecs à la carrure plus imposante que celle d'un Japonais moyen, aux longues chevelures bleutées et rebelle pour Milo, et tous deux affublées d'une énorme caisse dorée dans le dos en plus d'un sac de sport, on n'en voyait pas tous les jours, même dans une capitale comme Tôkyô.
On ouvrit la grille et les chevaliers purent s'avancer jusqu'au bâtiment imposant de style européen. La cour qui les séparaient de l'entrée jusqu'au manoir était en terre battue très soignée, et coupée en son milieu par un grand carré de gazon avec une fontaine qui coulait au centre. On imaginait à l'arrière un terrain immense et boisé qui s'étendait à perte de vue.
« Bah au moins, notre déesse elle grandit dans de meilleures conditions que nous, constata Milo. J'espère qu'elle est vraiment heureuse dans toute cette richesse...
-Tu le sauras très vite, regarde.
Kanon fit un signe de la tête pour montrer un vieil homme à priori assez grand, la chevelure blanche tout comme sa barbe et vêtu d'un kimono noir. Le Gémeaux se retint de rire quand son cadet chuchota une remarque comme quoi on aurait dit une version japonaise du Père Noël. À côté de Kido, une fillette aux grands yeux bruns et aux cheveux mauves coupés en carré se tenait droit et l'air un peu méfiante. Athéna, celle que les chevaliers du Sanctuaire se devaient de protéger afin que la paix perdure à tout jamais sur terre.
Le vieil homme s'avança, l'enfant agrippée à l'étoffe de son habit.
-Bienvenue dans ma résidence, chevaliers d'Athéna. J'espère que vous avez fait un bon voyage.
Ces derniers posèrent un genou au sol, sans tenir compte de la poussière qui irait tacher leurs pantalons clairs.
-Kanon, chevalier d'Or des Gémeaux.
-Milo, chevalier d'Or du Scorpion.
-Merci de nous accueillir en votre demeure, monsieur Kido, fit le plus âgé.
-Relevez-vous donc. Même si cela tient d'une visite officielle, vous êtes mes invités. Je vous présente Saori, ma petite fille.
Cette dernière lacha quelques secondes le kimono et fit une révérence rapide pour se réfugier derrière son grand père.
-Saori... s'étonna Milo en reprenant une position debout.
-C'est le prénom que je lui ai donné pour sa vie au Japon. Celui de ma mère, car j'ai pensé qu'il attirerait moins les curiosités qu'Athéna. J'en avais parlé à votre Grand Pope. Mais entrez et venez déposer vos bagages. Nous irons ensuite parler à l'intérieur. »
Les deux jeunes hommes suivirent le propriétaire des lieux et pénétrèrent dans une demeure comme jamais ils n'en avaient vue de leur vie. Habitués aux bâtisses en ruines du bas Sanctuaire, aux hôtels miteux mais discrets pour leurs missions, quand ils n'étaient pas logés chez l'habitant ou bien les douze Maisons du zodiaque qui leur offraient le minimum pour vivre sans le moindre luxe mais tout de même décemment, presque s'étonnaient-ils de fouler un sol carrelé de marbre étincelant, et d'entrer dans des pièces qui faisaient trois fois leurs pièces à vivre dans leurs temples. Même dans le Palais du Grand Pope, Pépé Shion ne possédait pas de tapis aussi beaux.
Milo se sentait un peu mal à l'aise devant cet étalage de richesses. Kanon le voyait, et se souvenait du petit orphelin qu'il avait recueilli dans les bidonvilles. Le Scorpion aimait la simplicité et les joies qui s'offraient à lui chaque jour au milieu d'un quotidien des plus modestes.
« Ca va aller? chuchota le Gémeau.
-Je sais pas... J'ai peur que notre déesse devienne une gamine pourrie gâtée dans cette baraque... T'as vu la jolie robe qu'elle porte? Et là, la poupée avec laquelle elle joue...
-Elle n'a que six ans, Milo! Ce n'est qu'une enfant, et dès qu'elle s'éveillera on saura l'entourer. Viens, on va rejoindre M. Kido.
-Lui aussi, je le sens pas... »
Mais Milo obéit et ils arrivèrent sur une terrasse extérieure donnant sur un immense terrain d'herbes avec juste devant eux, ce qui semblait une forêt avec des arbres aussi grands et serrés les uns que les autres.
« Asseyez-vous, proposa le vieil homme. Tatsumi, mon assistant, va vous apporter des boissons. Il s'occupera de Saori ensuite, pour sa leçon de piano.
Une fois installés sur des chaises très confortables, deux grands verres de jus de fruits et un tasse de thé, l'homme chauve et au regard vide s'en retourna à l'intérieur pour s'occuper de la fillette, laissant les trois hommes à leur conversation.
Dans un premier temps, après les politesses nécessaires, Kido raconta dans les grands détails les premières années de Saori dans cette propriété. C'était une enfant toujours joyeuse, obéissante et très polie, curieuse de tout et apprenant vite ses leçons. Pour le moment, elle ne connaissait que lui comme membre de sa famille et ne présentait aucun signe divin qui pouvait apparaître.
-Permettez-moi, M. Kido, fit Kanon une fois le récit de l'enfance terminé. Notre Grand Pope vous a confié Athéna en insistant sur le fait que vous étiez une personne de confiance. Mais au final, à part le fait que l'on vous a décrit comme un bienfaiteur et c'est tout... qu'est-ce qui nous fait croire que l'on peut vous faire justement confiance, et qu'une fois notre déesse éveillée, vous ne tenterez pas de lui prendre sa vie?
Le chevalier recueillit un regard noir de son ami, mais qu'y pouvait-il? Il n'y avait jamais personne qui répondait à ses questions franches et directes... trop directes par moments, certes mais autant être honnête dès le début.
-Je comprends votre sentiment, Kanon. C'est tout à fait légitime de me demander cela. Depuis toujours j'ai la chance de bénéficier de l'argent de ma fondation sur la recherche technologique en médecine. J'ai rencontré votre Grand Pope il y a plus de vingt ans, alors que je venais de perdre mon épouse. J'effectuais un voyage en solitaire en Grèce, par passion pour les civilisations anciennes. Cette rencontre était un pur hasard mais j'avais pu m'entretenir avec cet homme, j'ai appris l'existence des chevaliers d'Athéna et le destin qu'embrassaient des orphelins aussi terrible soit-il que de protéger notre planète. Cela m'avait touché, et n'ayant jamais eu d'enfants, j'avais pris conscience d'une chose: quand bien même ils auraient une vie modeste, si elle pouvait au moins être heureuse, je voulais aider les enfants abandonnés. De ce fait, j'ai décidé de consacrer ma fortune à la création d'orphelinats à travers le monde. J'ai eu des nouvelles, des années plus tard, de la part du Grand Pope, m'informant que de futurs chevaliers provenaient de ces établissements. C'est ainsi que notre entente s'est forgée tout comme une confiance entre nous. Ce qui m'a permis de recueillir Saori, ou Athéna comme vous voulez, afin qu'elle grandisse comme une enfant heureuse avant de devenir celle que vous protègerez dans l'avenir.
Kanon, tout en buvant son jus de fruits, réfléchissait aux paroles de Kido. Il était vrai que c'était tout de même étrange de confier un bébé à un inconnu comme ça, pour qu'il soit rendu après pour que les chevaliers le protègent à leur tour. Malgré tout, qui pouvait soupçonner un vieux riche complètement gaga de sa petite fille qui.. n'était pas franchement douée pour le piano, ou alors c'était ses premiers cours, parce que ce qu'il entendait n'était pas terrible. Cependant, c'était la décision de Pépé Shion, et ce dernier en avait fait part à tous les chevaliers d'Or et même aux futurs en toute sincérité. Il n'y avait qu'à Aiolos, Saga et à lui même que le Grand Pope confiait des idées importantes pour l'avenir du Sanctuaire. Et ce regard déterminé quand il avait pris cette décision, le même quand il l'annonça à toute la garde dorée montrait qu'il faisait confiance à Kido. Et que la fillette semblait être bien traitée également.
Il tourna la tête pour tenter de percer les pensées de Milo, mais ce dernier aussi semblait pensif, plongé dans ses réflexions et son jus de fruits...
-Je dois vous avouer quelque chose, chevaliers, reprit Kido, je suis malade et il y a de fortes chances que je ne voie pas Saori devenir une jeune femme. J'ignore combien de temps il me reste, mais je sens que ma santé se dégrade petit à petit. Si je ne suis pas là le jour où ma petite fille repartira pour le Sanctuaire, j'aimerais malgré tout qu'elle puisse suivre ses études dans le groupe scolaire appartenant à ma fondation, le plus tard possible. Qu'elle ait une culture, des bases fortes pour devenir une déesse digne de vous. Je lui souhaite son bonheur le plus longtemps possible, peu importe qui elle est vraiment. Et j'insiste sur ce fait, jamais je ne voudrais faire le moindre mal à Saori. Vous avez ma parole.
À ces mots, Milo releva la tête. Kanon savait qu'il était sensible aux promesses et aux choses sincères. Il y avait dans ses yeux un éclat qui n'avait duré qu'un dixième de seconde, mais c'était la preuve que le Scorpion avait enregistré dans sa tête tous les mots de Kido. Et qu'à la moindre trahison, au moindre méfait sur leur déesse, il ne pardonnerait pas.
-Il y a autre chose dont nous voudrions vous demander, enchaina le Gémeau. Notre Grand Pope nous aurait parlé d'un orphelinat dans lequel il y aurait d'éventuels futurs chevaliers. Je dis ''éventuels'' parce que malgré sa lecture des étoiles, les entrainements sont sévères et dangereux.
-Cela a été mentionné dans le courrier que j'ai reçu, en effet. Je pense que c'est dans une école pas loin d'ici et si j'ai bien compris environ une quinzaine d'enfants seraient concernés. Je vous propose que nous y allions demain afin de vérifier les prédictions de votre patriarche. »
少年
Ce début de journée n'était pas des meilleurs pour Kanon. La raison n'était pas le décalage horaire, en tant que chevalier, et pouvant agir à n'importe quelle heure de la journée et de la nuit, ce n'était pas le problème. Non, c'était Milo. Son cadet n'avait pas arrêté de bouger de la nuit. Refusant de dormir dans un grand lit qui devait faire l'équivalent de la moitié de ses appartements dans la Maison du Scorpion, il avait décrété qu'une couchette pour deux était mieux, et que ça ne servait à rien de déranger des draps pour cela – malgré la femme de ménage qui travaillait dans le manoir. De ce fait, les deux hommes ont dormi dans le même lit. Enfin, Milo a dormi comme un bien heureux, usant d'une force incroyable même dans un sommeil profond pour s'étaler en étoile de mer comme il le faisait souvent, n'autorisant qu'une infime place pour le corps mine de rien imposant du Gémeau. Et c'était sans compter les coups de pied et les bras qui s'abattaient violemment dans son dos, le réveillant en sursaut dès qu'il réussissait à aligner quelques précieuses minutes de sommeil. Alors qu'au petit matin, le plus jeune se levait en souriant de ses plus belles dents brillant au milieu de sa tignasse indomptée et osant lui demander s'il avait bien dormi.
Plus jamais il ne partagerait un lit avec Milo. Quitte à s'enfermer à tout jamais avec son frère dans le troisième temple. Saga, au moins, quand ils dormaient ensemble, il restait à sa place ou se blottissait contre lui. Il ne le violentait pas.
Son habituelle mauvaise humeur matinale était amplifiée, là, mais le café que l'homme à tout faire de Kido lui servit le radoucissait un peu. Il voulait profiter un peu de ce calme avant de rencontrer ces orphelins qui pourraient devenir eux aussi des chevaliers. Toujours un moment qu'il redoutait, lorsqu'il devait recruter des apprentis. Allait-il les convaincre ou bien les effrayer? Allait-il utiliser les bons mots? Des fois il n'y arrivait pas du premier coup, contrairement à Aiolos qui, lui, rassurait tout de suite les enfants. Mais le Sagittaire était comme ça. Il avait un sacré charisme et un cosmos puissant enveloppé d'une douceur qui donnait envie de le suivre. Le meilleur chef des armées en devenir, oui.
À côté de lui, le Scorpion n'était pas le chevalier redoutable qu'il avait pu découvrir lors des entrainements ou de la seule mission qu'ils avaient effectuée ensemble, une échappée de chevaliers noirs, ces guerriers que le Sanctuaire avait rejetés et qui agissaient dans leurs propres intérêts, des mercenaires mais vêtus d'armures couleur ébène et qui utilisaient le cosmos à des fins illégales, même criminelles. La Licorne Noire n'avait pas eu le temps d'attaquer que Milo lui avait planté trois Aiguilles Ecarlates dans le corps et avait succombé. Grâce à cette efficacité, un réseau de drogue fut démantelé et Kanon stupéfait de découvrir un échantillon – c'était le mot adéquat – de la force de son ami.
Et pourtant, celui là même ressemblait à cet instant, plus à un adolescent effronté et négligé qui dévorait son petit déjeuner, passant de son bol de céréales à des tartines de confiture sans aucun problème et souriant, laissant éclater sa bonne humeur. Oh après tout, il avait raison. Juste qu'il n'ait pas une indigestion avec tout ce qu'il ingurgitait... Et cette mission imposée par Pépé Shion était certes importante, mais ils pouvaient se permettre de vivre un peu. Parce que combien de fois Kanon y songeait à cette guerre qui les attendait et que, oui, l'occasion de pouvoir souffler un peu, un tout petit peu, était salvatrice. Qui sait ce qui les attendait en vérité. Ces chevaliers Noirs n'étaient qu'un échauffement à côté, très certainement... Finalement, il imita son cadet et s'empara de la dernière tartine de pain grillé de la corbeille et y croqua dedans avec un plaisir non dissimulé.
少年
L'orphelinat des enfants des étoiles. Le bien nommé, songeait Kanon, si c'était bien dans cet établissement qu'ils trouveraient de futurs chevaliers. En arrivant sur les lieux en compagnie de Milo, de Kido et de la petite Saori dans une voiture ô combien classe et trop bien entretenue – et loin des carcasses qu'il louait quand il était en mission et qui tombaient en panne au bout de 500 mètres – il constata que l'école était bien emménagée et la cour dans laquelle se trouvaient balançoires, toboggan et même cages et un mini terrain de sport, devait être le paradis pour ces petits. Le vieux n'avait pas menti quand il avait dit qu'il souhaitait aider les orphelins dans les meilleures conditions possibles.
Le petit groupe entra dans le bâtiment et fut accueilli par les maitresses et les enfants qui jouaient çà et là.
Les deux Grecs, une fois dans la grande salle qui servait de réfectoire, découvrirent avec surprise quatre enfants collés à chaque angle, le dos tourné, et deux nettoyant à grands coups de balai et de serpillère.
« Veuillez accepter toutes mes excuses, fit une dame d'une quarantaine d'années en s'adressant à Kido. Ce sont encore ces garnements qui ont fait des leurs à vouloir jouer au foot dans la salle. Et bien sur ils ont cassé deux piles d'assiettes.
Kanon, observant les petites terreurs, ressentit à chaque fois, aussi infime fut-il, un brin de force. Six potentiels chevaliers. Un coup de coude de la part de Milo le fit regarder au fond près de la baie vitrée qui donnait sur l'entrée et la cour de l'orphelinat: ce petit blond adossé au mur aussi avait probablement un ''truc''.
-M. Kido, demanda le Gémeau, avez-vous une idée de qui seraient ces enfants?
-Non, je ne saurais dire. Votre Grand Pope m'avait assuré que vous sauriez deviner mieux que moi. »
C'était Pépé Shion qui lisait les étoiles, pas eux. Enfin, avant leur départ pour le Japon, il leur avait confié un document indiquant les potentiels lieux d'entrainement pour ces futurs apprentis. Tous dans le but d'obtenir une armure de Bronze, le rang encore en dessous de celui d'Argent, mais non moins indispensable. Peu de ces chevaliers avaient été révélés pour le moment, donc peut-être... Aussi, selon une suggestion du patriarche, Kanon et Milo devaient faire passer des tests à ces orphelins. Savoir vers où les mener afin de ne pas commettre d'erreurs et de morts stupides, accidentelles et inutiles. Déjà qu'ils allaient être arrachés à leur insouciance...
L'on ramena ainsi les quatre punis, Seiya, Ikki, Jabu et Geki, ainsi que ceux qui nettoyaient le sol, Shun et Shiryu, le blondinet solitaire Hyoga et trois autres Ichi, Nachi et Ban, au manoir de Kido. Dix enfants, dix futurs apprentis, à qui l'on avait dit qu'ils feraient du sport et se défouleraient dans les bois appartenant au vieil homme. Ce qui en soi n'était pas un mensonge. Ils allaient courir, escalader les arbres, se battre dans le respect des règles et les regards bienveillants des chevaliers d'Or qui espéraient prendre la bonne décision.
La mission tranquille se transformait en prise de tête et garde d'enfants...
少年
Deux jours avaient suffi aux Gémeau et Scorpion pour comprendre le potentiel de chaque orphelin qui séjournait exceptionnellement au manoir Kido. Le temps était venu de leur expliquer la raison pour laquelle ils étaient là. Un camping improvisé dans la forêt, en pleine nature et loin de la pollution lumineuse des grands quartiers de la capitale était le moment propice pour cela.
Autour d'un feu de camp maitrisé, dégustant ces brochettes que Milo raffolait depuis son arrivée au Japon, les étoiles au dessus d'eux, Kanon se serait cru dans une de ces colonies de vacances dont il entendait parler. En face de lui, le petit Shun se faisait couvrir les épaules d'un sweat chaud par son frère Ikki. Cela lui rappelait toutes les fois où il balançait une serviette de bain à Saga qui voulait profiter du soleil dans son plus simple appareil. Peut-être pas le même contexte, mais avec la même bienveillance fraternelle.
« Dites, vous allez nous dire pourquoi vous êtes là? Demanda Seiya. Cet enfant était une boule d'énergie, fonçant toujours tout droit, sans peur du danger et avec un regard déterminé en tout point. Il semblait profiter de la vie malgré ses difficultés.
-On va vous en parler, oui, répondit Kanon. Comme vous le voyez, Milo et moi, nous ne sommes pas Japonais. Nous sommes venus de Grèce pour entre autres chercher des alliés. Je suppose que vous ignorez tout des chevaliers d'Athéna?
-C'est des super héros, comme Batman? Fit Jabu
-Pff t'es nul, Batman il a pas de super pouvoirs, répliqua Seiya.
-Oui bon... intervint le Gémeau avant qu'un scandale n'éclate entre les garçonnets. Il savait que trop bien comment ce genre de discussion se terminait, pour y avoir assisté entre Milo et Aiolia notamment. En vérité, contrairement à Batman, Superman ou quelqu'autre super héros, les chevaliers d'Athéna existent vraiment. Ce sont des gens, des vrais, qui sont plus forts que les êtres normaux parce qu'ils savent se battre et pour une raison magnifique: garder la paix sur terre. Ils possèdent des armures représentant chacune une constellation qui les protègent et les aident dans leurs missions, comme de vrais compagnons, et ont quelque chose qui les différencie de tout. Ils ont une force en eux qui a grandi plus que tout, qui leur permet de fendre le ciel avec leurs poings, d'écarter le sol avec leurs coups de pieds, et tout cela pour une déesse grecque, celle de la sagesse, Athéna. Et si on vous a réunis tous les dix, depuis deux jours, c'est parce que Milo et moi sommes convaincus que vous pourriez devenir chevaliers vous aussi. Bien sur, il faut un entrainement très dur, très dangereux, mais je suis certain que vous aussi, vous pourriez devenir un de ces héros qui rendraient les gens heureux.
-Qu'est-ce qui nous prouve que vous nous prenez pas pour des idiots, demanda Hyoga. Depuis deux jours, vous restez là à nous regarder sans rien faire.
-Tu en es un très bon exemple, Hyoga, répondit Milo, assis juste à côté du blondinet. Tu ne t'en rends pas compte, mais sans le montrer tes émotions passent par un air froid, presque glacial. Si tu le maitrises, si tu développes ton cosmos, tu pourrais devenir un guerrier des glaces comme un de mes amis, Camus.
-Mais c'est quoi ce 'cosmos'? S'interrogea Shiryu
-C'est une énergie que l'on a tous en nous, enchaina Kanon. Elle est plus ou moins développée, quasiment imperceptible chez les gens normaux. Seuls les chevaliers en ont un plus fort, ce qui leur permet d'accomplir des miracles. Ce cosmos, c'est comme un univers à échelle minuscule que l'on a dans nos corps. Quand on se sent en danger, pris d'une forte envie de justice ou avec un puissant désir de créer un miracle, il explose, entoure notre corps en une aura chaleureuse et agréable, comme une sensation qu'on peut tout faire. Comme si un Big Bang nait en nous.
-Je n'ai rien compris, trancha Nachi.
Kanon se retint de lui lancer un mauvais regard. Oui il n'était pas aussi pédagogue que son frère, et c'était une notion légèrement complexe à expliquer à des enfants entre six et huit ans.
-C'est normal, intervint le Scorpion. Moi même à l'époque je pigeais pas un mot de ce qu'on nous racontait sur ça. Mais je suis devenu un chevalier quand même. Pour faire simple, ce cosmos c'est un super pouvoir qu'on a en nous, et si on s'entraine, il nous permet de devenir des super héros. Même si c'est bien plus que tout ça.
-Ben montre-nous alors que t'es un héros, provoqua Jabu.
Le Gémeau dénicha une pierre assez épaisse, qui faisait la largeur de sa propre main, la posa dans celle du garçon et déclara:
-Tu saurais détruire ce caillou?
Jabu le regarda alors, un sourire de défi sur les lèvres:
-Bien sur que non. C'est pas possible.
-Rends la moi alors.
L'enfant obéit et ouvrit de grands yeux étonnés lorsqu'une aura dorée entoura alors le poignet du plus vieux qui serrait la pierre à priori normalement et qui petit à petit se désagrégeait au creux de sa paume. Il rouvrit la main et laissa s'échapper les minuscules gravillons qui restaient.
-T'es un magicien? S'étonna Ichi.
-Non, un chevalier d'Athéna. Et même vous, vous pourriez faire cela. C'est la base de votre entrainement, et...
-... et après on deviendra des héros? S'exclama Jabu
-Euh... oui... techniquement c'est l'idée...
-Alors je veux en être un! Comme ça, je pourrai protéger Mademoiselle Saori et on se mariera quand on sera grands! »
Kanon retint un rire nerveux teinté de désespoir devant l'innocence du garçonnet. Mais bon, l'idée de protéger Athéna était à peu près là, dans les paroles d'un enfant de six ans...
少年
De retour en Grèce, Kanon eut vent des départs progressifs des dix orphelins vers des centres d'entrainement au travers du globe. Fermant les yeux, ses pensées allèrent vers chacun d'eux. Pour Jabu qui voulait devenir le prince charmant de la petite Athéna, pour Geki qui voulait utiliser sa force afin de défendre les animaux, pour Shiryu qui désirait apprendre un peu plus sur les mystères du monde, pour Nachi qui voulait croire aux paroles de ces curieux ainés, pour Ichi qui voulait prendre confiance en lui, pour Ban qui pourrait se faire des amis, pour Hyoga qui rêvait de revoir sa mère défunte, pour Ikki qui voulait protéger toujours plus son petit frère, pour ledit frère Shun qui voulait rendre à son ainé toute l'attention qui lui portait depuis sa naissance. Enfin, une dernière pensée pour Seiya qui avait suivi malgré lui les deux chevaliers d'Or au Sanctuaire. Cet enfant si triste de quitter sa seule famille, sa grande sœur. Il avait accepté de venir à la seule condition de pouvoir lui écrire, et qu'elle aussi fût autorisée à lui envoyer des lettres et qu'une fois devenu chevalier, il puisse la revoir.
少年
Bien des années plus tard, au Japon. Les cerisiers en fleur perdaient peu à peu leurs pétales dans le vent et s'échappaient en toute légèreté, tout comme les jeunes filles qui quittaient ce collège, faisant un signe d'au revoir à leurs amies avant de partir vers d'autres horizons.
La fin de l'année, la remise des diplômes pour les plus âgées, la vie qui continuait sans aucun souci.
Saori, elle même, fit ses adieux à ses camarades, ces amies depuis quelques années déjà. Elle leur avait confié qu'elle quittait le pays pour aller étudier à l'étranger, grâce à la fondation de feu son grand père. Ce qui, en partie n'était pas vraiment un mensonge.
Elle avait ressenti cette force grandissant en elle, ces changements différents dans son corps, de ceux qui faisaient d'elle une femme. Elle avait surpris une aura dorée et apaisante l'envelopper et qui l'appartenait.
Progressivement, elle se révélait enfin en déesse Athéna, et il était temps désormais de suivre sa destinée. Elle ne regretterait pas ces jours paisibles et insouciants de son enfance. Peut-être qu'un jour elle y retournerait. Dorénavant, elle se devait de rentrer dans son domaine sacré, son Sanctuaire en Grèce, auprès de ses chevaliers protecteurs.
notes de fin: Merci d'avoir lu ce chapitre. En vérité, il n'est pas fini. La suite est en cours d'écriture, mais encore une fois, j'avais tellement de choses à dire et tellement de choses qui se sont rajoutées entre temps, que l'histoire des Bronze ne sera pas en une seule partie. J'ai quand même eu beaucoup de mal à écrire le passage de Kido. C'est pas un personnage que je porte dans mon cœur, Tatsumi, je l'ai volontairement mentionné pour la même raison, et je ne m'étendrai pas sur eux par la suite. Pour Saori, là aussi, je vais devoir prendre sur moi pour l'écrire parce qu'elle est légèrement plus importante (et oui). Les caractères en interlude ce sont ceux de shounen. Donc je continue mon écriture et je vous dis à la prochaine. Des bisous
