Pov Ange

Les couleurs douces et délicates ne demandaient qu'à être observées. Au milieu de la table en bois de la salle à manger, trônait fièrement un vase en porcelaine blanche, qui lui-même sublimait un magnifique bouquet de pivoines.

Un petit carton, tout juste ouvert, reposait sur la table en bois, tout près de ce beau cadeau. Il y était noté "Le mien était plus moche. Ne fais confiance qu'en toi."

Un simple petit mot, qui prenait un sens profond pour moi. Cela faisait plusieurs semaines que nous étions éloignés. J'étais en France, à Paris plus précisément, où je me sentais tellement chez moi, en paix, à ma place. J'aimais tout de Paris, jusqu'à ses imperfections.

Drago, lui, était à Londres. Il allait devenir officiellement Médicommage, et Merlin, que j'étais fière de lui et de tout ce chemin parcouru. Je pensais souvent à ces deux adolescents que nous étions il y a encore quelques années, qui voulaient mordre le fruit défendu, qui brûlaient les étapes, vivaient la vie et la mort dans une seule journée, pressés d'être embrasés par la passion, car terrorisés de mourir. Aujourd'hui, je prenais conscience de notre maturité, même si tout n'était pas lisse et parfait comme dans les romans que j'avais parfois le temps de lire. Tout comme Paris, j'aimais notre duo, de ses prémices, en passant par ses péripéties douloureuses, mais surtout par ce lien, si fort.

Je respirais profondément en observant le ciel se couvrir, annonçant probablement un orage. L'air était lourd et tiède, le ciel ne demandait qu'à déverser une eau torrentielle pour rafraîchir la ville. Mais il prenait son temps, continuant de nous torturer sous la chaleur écrasante de ce début d'été.

Je venais d'avoir la permission de visiter mon père, juste pour l'après-midi, et voilà que Drago avait chiné cette information et m'avait fait suivre ces ravissantes pivoines, qui venait du fleuriste du coin. Il m'avait envoyé ses félicitations car j'étais en train de toucher du doigt un rêve, que je n'osais encore espérer, même si mon cœur espérait ardemment.

La porte s'est ouverte sur mon père, qui entrait presque en courant, car nous n'avions pu nous serrer dans les bras lors du dernier match. Il pleurait déjà d'émotion, alors qu'il n'avait pas encore dit un seul mot.

"Je suis fier, tellement, tellement fier de toi ma fille !" disait-il en m'attrapant par les épaules pour me serrer contre lui.

J'étais une jeune adulte et pourtant, j'avais encore ce sentiment que mon père me protégerait de tout. Je laissais couler quelques larmes alors que je me sentais enfin me détendre. J'étais heureuse et au comble du stress et de l'angoisse en même temps.

Et en voici la raison : après mon départ pour la France, j'ai intégré l'équipe de France de quidditch pour tenter les qualifications mondiales. La France, dans toute l'histoire de ce sport, ne s'était qualifiée que deux fois, mais était très vite éliminée dans la phase de pool. Il avait été très difficile de qualifier l'équipe parmi les trente-deux équipes nationales qui auraient l'honneur de défendre leur pays. Les premiers à convaincre étaient les médias, qui étaient très durs envers notre jeu et notre sélection. Et pour cause, lors des matchs en groupe, nous avions été écrasés dès le premier contre la redoutable Bulgarie qui avait clôturé le match en moins de trente minutes. Le Kenya avait eu raison également de notre défense, nous renvoyant sur le banc des perdants. Après cette douche froide, une rage sourde bouillait en nous, nous redonnant du mordant, pensant que nous n'avions plus rien à perdre. Nous étions finalement sorti vainqueurs de justesse contre l'Egypte, qui nous avait donné du fil à retordre. Et surtout, nous avions crée la surprise contre la Floride, l'un des favoris, que nous avions battu à plate couture, nous qualifiant pour les huitièmes de finales.

Le match suivant, qui nous faisait affronter les Australiens, avait été compliqué à gérer, car je connaissais la plupart des joueurs, qui me connaissaient également par mon passage en Océanie, et ils savaient donc m'observer suffisamment pour m'empêcher de créer la surprise. Mais nous avions finalement validé notre ticket en quarts de finale. Je ne réalisais l'ampleur de l'exploit qu'une fois que je voyais au tableau que nous allions affronter l'Ecosse, qui savait être redoutable, et pourtant...

Nous avions remporté le match, nous faisant affronter les redoutables Japonnais, un des grands favoris du tournoi cette année, en demi-finale.

Avant ce match, la veille au soir, mon équipe et moi-même avions pris l'air tous ensemble sur notre terrain d'entrainement pour se changer les idées, jusqu'à ce que l'équipe anglaise passe près de nous. Ils parlaient forts, riaient et faisaient beaucoup de bruit, jusqu'à ce que l'on réalise que l'attrapeuse, qui était une fille comme moi -nous étions seulement trois sur toutes les sélections- m'insultait à distance. Et pire encore.

"Elle se fou de la gueule de tout le monde, elle se tape Harry Potter et après elle fait sa pute avec le médecin, tu sais, comment il s'appelle déjà ? Mais si, le blond là, il a tout sacrifié pour elle, et elle, elle joue avec. Une traînée, je vous dis. Elle n'a rien à faire là cette copine des sangs-de-bourbe. Ah, ça y est je me souviens, Malfoy. Voilà c'est lui. Mais ce n'est pas grave, lui aussi ça doit être un raté pour courir après une catin pareille ! Ils ont fait la guerre tous les deux, tu penses qu'ils sont sérieusement atteints maintenant, ces minables. Et elle n'est là que grâce à son père ! "

Ce qui avait suivi, c'était une regrettable altercation, et je m'en mordais encore les doigts aujourd'hui. J'avais utilisé la violence physique, sans voir que c'était un piège car les caméras magiques étaient tout près de l'incident. Et je pensais avoir fait également du tord à mon père.

J'avais fait des excuses publiques, car beaucoup d'enfants suivaient les matchs et les actualités liées au quidditch. Et le coquard qu'aimait montrer sous tous les angles aux médias sportifs l'attrapeuse anglaise, avait valut une sanction de la part de la fédération de quidditch.

Mes excuses avaient été reprises dans de nombreux médias, qui commençaient à nous donner un image différente.

"Je présente mes plus sincères excuses à nos supporters, à notre entraîneur, à mon équipe, à qui j'ai fait du tord en m'exposant de la sorte. Je regrette et je présente également mes excuses à la Fédération de Quidditch, qui ne véhicule qu'une image positive en ces temps où nous avons tous besoin de nous rassembler.

Hier, la pression a été plus forte que la raison, face à des mots cruels, qui m'ont affecté. Je n'ai pas supporté que l'on me dise encore une fois que je n'avais pas ma place ici. Je pense avoir travaillé longtemps et durement pour arriver jusqu'ici aujourd'hui, pour arriver devant le Japon, avoir la chance de jouer contre cette prestigieuse sélection. J'encaisserai la sanction qui doit m'être donnée, car rien n'excuse la violence, mais je demande avec espoir à ce que le reste de mon équipe soit épargnée.

Je profite de ce moment sincère, pour vous rappeler de ne pas juger votre prochain parce que son origine est différente. Choisir d'opposer nos différences, c'est choisir de revenir en temps de guerre, c'est choisir le conflit et la haine. Trouver des différences chez l'autre devrait toujours être une richesse et un partage. J'ai été élevée dans le respect des différences, et je hausserai toujours la voix contre la peur de l'autre en tout genre.

Aujourd'hui, je vous demande humblement, à vous médias, de respecter la vie privée de ma famille et de mes amis. Et je vous demanderai de laisser Drago Malefoy exercer son métier honorable et utile à tous dans des conditions confortables. Drago Malefoy est une personne bien, qui a choisi d'aider son prochain. C'est une personne admirable et généreuse, qui ne demande qu'à être et à vivre en paix. Il a choisi la lumière. C'est pourquoi je m'opposerai toujours aux critiques et pire encore, qu'il peut subir au quotidien.

Je vous remercie pour votre écoute, et vous promet de revenir plus sage et de tirer toutes les leçons de la sanction qui me sera donnée et que j'accepterai sans discuter."

Mes mots étaient relayés dans tous les médias audios et écrits, pour le plus grand plaisir de ceux qui ne se nourrissaient que de la presse à scandale.

Je pensais être exclue, voir pire, voir mon équipe disqualifiée, mais la punition avait été toute autre. L'attrapeuse anglaise avait été surprise à maquiller son coquard pour en amplifier la couleur. Il y avait eu hésitation à nous exclure toutes les deux de la compétition, mais je n'ai finalement été que la seule à être punie. J'avais loupé trente minutes de match m'opposant au Japon. En attendant de rentrer sur le terrain, je devais courir sur un tapis de course installé dans les vestiaires pour subir une fatigue physique. Mes coéquipiers jouaient à six contre sept pendant trente longues minutes où le pays du soleil levant profitait de cette occasion pour marquer une avance considérable.

Mais, les choses s'était passée incroyablement bien. Car en entrant sur le terrain, la rage était telle, qu'à peine dans les airs, je sentais mon esprit de revanche prendre tout son sens. Et nous avions gagnés.

Voilà que je me retrouverai le lendemain, en finale de la coupe du monde de Quidditch, face à l'Angleterre. J'allais affronter mon pays d'origine.

Le mot envoyé par Drago, était en lien avec le coquard que je lui avais infligé quand il avait embrassé Cho Chang quelques années auparavant. J'avais pleuré de rire et d'émotion en lisant ses mots, sachant à quel souvenir ils étaient censés me ramener. C'était un clin d'œil à notre histoire. Et malgré que ce jour-là j'avais le cœur brisé, nous décidions d'en rire désormais.

Mon père me serrait contre lui alors qu'une femme entrait elle aussi dans l'appartement et refermait la porte sur elle. En se tournant vers moi, je sentais de sa part une réelle envie d'être ici et en même temps une gène. C'était une belle femme au cheveux mi-longs, châtains et aux yeux verts en amandes. Elle devait avoir un peu plus de quarante ans et je devinais que plus jeune, c'était une très belle femme.

Mon père se détachait de moi et se tournait vers elle, lui tendant la main.

"Ange, tu te souviens de Jane ?"

Je détournais le regard sur mon père et observais la façon dont il la regardait. Un sentiment que je ne connaissais pas montait en moi, mais je prenais sur moi.

"Oui, Jane, je me souviens de vous, bonjour." je répondais poliment en me rappelant l'avoir vu quelques fois au ministère alors que je rendais visite à mon père, et d'autres fois alors que je lui rendais visite en France. Il me semblait qu'elle était médicommage en chef à Ste Mangouste, j'avais eu une conversation téléphonique avec elle pour régler les frais d'obsèques de Narcissa Malefoy. Je n'avais jusque-là pas réalisé qui elle pouvait être dans la vie de mon père.

"Bravo pour ton parcours Ange, tu peux être très fière de toi. Et ta déclaration avant la rencontre avec le Japon, je l'ai trouvée sincère et touchante." me disait elle en s'approchant de moi. Mon père passait sa main sur son épaule et lui accordait un regard protecteur et .. amoureux.

"Hum... je vous remercie Jane." je lui disais ces mots sans savoir quoi lui dire d'autres.

"Tu as reçu des fleurs ?" me lançait mon père en observant le bouquet de pivoines. Jane, elle, avait un sourire entendu, comme si elle savait qui en était l'émetteur.

"C'est Drago." je répondais naturellement, sentant un sourire s'étirer malgré moi sur mes lèvres.

"Oh... c'est une charmante attention." répondait mon père avant de prendre en main un téléphone qui sonnait dans sa poche.

"Excusez-moi mesdames.." ajoutait-il avant de s'isoler dans la pièce d'à côté.

Jane semblait nerveuse, et je décidais finalement de briser la glace et de m'assurer d'une chose.

"Vous êtes ensemble... pas vrai ? " je demandais de but en blanc en l'observant sans la juger.

Ses yeux verts ont trahis sa surprise, et je voyais ses doigts se resserrer sur son sac à main.

"Je ... je ne sais pas si c'est avec moi que tu devrais avoir cette conversation Ange..." répondait-elle d'une voix douce.

"J'ai grandi. Je ne réagirai pas comme une petite fille capricieuse." je lui expliquais alors que quelque part, tout au fond de moi, je sentais un mélange de surprise et de trahison. Un sentiment de trahison alors que je pensais à ma mère, ma sœur et à mon frère.

J'aurais été plus jeune, j'aurai sans aucun doute eue une réaction exagérée. Mais aujourd'hui, j'étais une jeune femme qui ne désirait qu'une chose, trouver la paix dans son cœur en acceptant l'évidence, celle qu'elle aimait éperdument Drago Malefoy. En acceptant l'idée que tous les deux, nous pourrions affronter nos blessures du passé. Si mon père trouvait un soulagement dans sa vie, j'en serais heureuse.

Jane s'est approchée de moi, déposant sa main sur mon épaule et m'incitait à m'asseoir avec elle dans le confortable sofa du salon. J'étais comme hypnotisée par ses yeux verts et la réponse qu'elle pourrait me donner.

"Je ne t'apprends rien, en te disant que ton père t'aime plus que tout au monde. Malgré toutes les responsabilités qu'il a aujourd'hui, tu passera toujours avant tout.. et tout le monde." m'expliqua-t-elle avec une voix rassurante. "Et personne... personne ne remplacera ta mère. Je n'ai aucune prétention à vouloir prendre une place qui n'est pas la mienne. Jamais je ne me permettrai de faire ou de dire quoi que ce soit qui puisse te faire penser cela."

Après un petit moment de silence pendant lequel nous continuions de nous observer, je remarquais que ma respiration s'était accélérée, car parler de ma mère était toujours douloureux. Je réalisais à l'instant que jamais cette douleur ne disparaîtrait, que mon père soit seul ou accompagné de quelqu'un qui pourrait lui soulager quelque peu sa douleur. Il valait donc mieux pour lui qu'il soit avec une femme comme elle.

Mon père qui revenait de son entretien téléphonique s'installait près de nous en nous demandant s'il avait manqué quelque chose. Je détournais le regard vers lui et saisissais la main de Jane en la serrant entre les miennes.

"Non rien, nous faisions juste connaissances." je répondais avec un sourire.

Jane lançait un regard ému et entendu à John qui n'avait pas osé annoncé à sa fille qu'il fréquentait quelqu'un.

Je pensais au départ que je détesterais cette femme. Cette femme qui prendrait la place de ma mère, atténuerait sa mémoire.

J'apprendrai plus tard que Jane avait été une femme battue, torturée et opprimée par son premier mari pendant de nombreuses années. Et que le jour où son fils avait été victime des coups de son père, elle avait choisit de se battre et de sauver sa famille. Son premier mari était désormais en prison et son fils était en sécurité avec elle.

Je réaliserai plus tard, avec le temps et les années, que non seulement Jane allait conquérir mon cœur et mon amour, mais qu'à aucun moment sa présence n'avait mise une ombre sur la mémoire de ma mère. Son histoire personnelle serait liée à la nôtre. Jane n'avait qu'un cœur pur et n'était pas une menace pour moi. Elle m'offrait l'apaisement de mon père, un amour maternel, et un petit frère.

La vie m'offrait ces cadeaux qui n'avaient aucun prix tellement ils étaient précieux.


Je tremblais. Je tremblais de la tête aux pieds. Je ne savais pas si cela venait de mon cœur, ou du vacarme des supporters dans les gradins près de nous. Assise sur mon banc, les coudes sur les genoux et le visage dans les mains, je tentais de me calmer, de toutes mes forces. C'était la première fois que je craquais comme ça depuis le début de la compétition. J'inspirais longuement l'air par le nez et le rejetais par la bouche. L'entraînement s'était bien passé et nous étions désormais prêts. Nous touchions du bout des doigts un rêve. Mon entraîneur motivait l'ensemble de l'équipe, mon capitaine également. Mais je n'arrivais pas à me calmer. Je comprenais chaque exclamation du public, qu'elle soit française ou anglaise. J'avais l'impression de choisir entre mes deux origines, comme si aujourd'hui je décidais de qui j'étais vraiment.

Il était déjà l'heure de se mettre en rang, et de rencontrer pour la première fois depuis le début de journée l'équipe anglaise et tout l'encadrement. Que ce soit les entraîneurs, les sponsors et également les médicommages qui encadraient les joueurs. Les caméras magiques ainsi que les journalistes étaient au bout du couloir, juste devant l'entrée au stade où la foule hurlait nos noms. J'étais troisième à entrer sur le terrain, derrière les deux autres poursuiveurs, et devant les batteurs, l'attrapeur et le gardien. Nous marchions côte à côté de l'équipe anglaise et nous séparions en prenant à droite pour les anglais, à gauche pour les français en contournant de chaque côté la fameuse coupe du monde qui brillait en ce début de soirée. Marcher me faisait du bien, je me concentrais pour évacuer mon stress, mais il était difficile de le canaliser en observant toute cette foule qui applaudissait, riait et chantait.

En ligne, nous recevions les salutations de l'équipe d'Angleterre, car nous jouions cette finale en Angleterre, puis du premier Ministre de la Magie anglaise qui venait nous serrer la main, puis le Président Français, mon père.

Très sérieux, il saluait chaleureusement chacun de l'équipe en lui serrant la main, mais arrivé près de moi, l'émotion était trop forte et il prenait finalement mon visage en coupe avant de m'embrasser le front, faisant rire l'ensemble des joueurs. Et alors que nous entamions les traditionnels chants de nos hymnes nationaux, je l'ai reconnu. Au milieu de toute cette foule, sans que je ne le sache, mon regard avait dévié sur l'équipe de médicommages qui encadrait l'équipe d'Angleterre. Je continuais de chanter pensant être dans un rêve jusqu'à ce que Drago ne forme un cœur avec ses doigts, signe qui m'était destiné. Finalement, il pointait sa tête, puis moi avec son index. Je savais ce que cela signifiait. Fais-toi confiance.

Un hoquet de surprise me faisait louper un mot de mon hymne, mais à partir de ce moment-là, mes tremblements ont cessés. Je ne l'avais pas revu depuis ce fameux jour dans son manoir, et aujourd'hui il terminait son stage de médecine en encadrant l'équipe d'Angleterre. Les caméras ne perdaient pas une miette de notre échange à distance sans que je ne m'en rende compte. En un instant, ma concentration prenait le dessus. Je serrais un peu plus fort mes coéquipiers alors que nous terminions de chanter.

Puis les applaudissements de la foule se sont fait assourdissants, et lorsque la malle a été ouverte, je n'ai eu d'yeux que pour le souaffle. Jusqu'à l'issu du match.

Nous menions 320 points à 180, nous étions tous à bout et fatigués, pourtant inconscients d'avoir joués depuis près de trois heures. Le public continuait pourtant de chanter, danser et d'encourager son équipe. J'avais les yeux souvent sur le panneau d'affichage car je perdais parfois le fil, à force de me concentrer sur mon objectif : marquer. Et j'étais assez fière de comptabiliser treize but à mon actif ce qui rendaient les batteurs anglais plus agressifs envers moi.

Soudain, des cris du public résonnaient dans tout le stade donnant des frissons à quiconque étaient présents dans le stade car chacun savait ce que cela signifiait : un attrapeur poursuivait le vif d'or. Après un virage serré, je risquais une toute petite pause pour constater qu'il s'agissait de Jules, notre attrapeur et aussi notre capitaine. Je hurlais sachant pourtant qu'il ne m'écoutait pas :

"ALLEZ JULES !"

"ANGE ! ON CONTINUE, ON N'A PAS ASSEZ D'ECART !" criait à son tour Léo, un des poursuiveurs, en passant tout près de moi.

Je constatais rapidement avec horreur que si l'Angleterre attrapait le vif d'or, nous serions perdants de dix points. Et je ne pouvais l'envisager. Léo repartait en direction des anneaux, le souaffle dans les mains, fonçant vers le gardien anglais, profitant de cet instant suspendu où chaque joueur s'était un peu arrêté dans le match, observant les attrapeurs au coude à coude. Avec une vive accélération, je le rejoignais vite, ainsi que Maxence, le troisième poursuiveur français, en attaque en faucon.

Tout s'était passé très vite : Maxence se prenait un cognard dans la poitrine, le laissant derrière nous. J'accélérai encore en dépassant Léo, sachant ce que j'avais à faire et levait la main vers lui qui m'envoyait déjà le souaffle, mais une douleur fulgurante me traversait le poignet gauche, me faisant lâcher le souaffle au même moment où j'entendais la clameur de toute une partie des supporters. Je savais avant de vérifier ce qui s'était passé.

Je décidais d'arrêter de regarder le souaffle tomber jusqu'au sol pour me tourner vers l'attrapeur anglais qui paradait avec une balle dorée emprisonnée dans sa main ...

L'Angleterre gagnait avec 330 points et dix points d'avance.

Je descendais doucement vers le sol, rejoignant Maxence, les mains sur les genoux, tentant de respirer tranquillement. Léo atterrissait près de moi et refusait de croire en la réalité.

"Non... NON !"

Il criait, lâchant son balai au sol, et les deux batteurs arrivaient eux aussi, l'un deux pleurait déjà. Jules nous rejoignait mais ne disait pas un mot.

"Jules... aucun regret." commençait Maxence, un trémolo dans la voix qu'il tentait de cacher.

Jules levait la main vers lui, pour le faire taire.

"Attendez. L'arbitre n'a pas encore sifflé l'action."

Je levais les yeux au ciel, voyant l'arbitre parler vivement avec des joueurs anglais, faisant de grands gestes. Interloquée, je constatais également que les supporters français huaient à outrance contre les anglais, ce qui pouvait être compréhensible mais à ce point c'était étrange. Les écrans géants montraient les images des caméras magiques et je me voyais au bout d'un moment, avec mon air interloquée et interdite, attendant de savoir ce qui se passait.

Finalement, la caméra s'arrêta sur l'arbitre et nous l'observions en train de mimer un rectangle avec ses index, signe qu'il désirait voir les images de la dernière action, provoquant la colère des anglais. Je me tournais vers mon capitaine.

"Jules, qu'est-ce qui se passe ?"

"Tu vas voir." répondait il avec un air sûr de lui. "Si il y a encore une justice et si ce n'est pas un arbitre en carton, vous allez voir !"

Nous pouvions voir les images en même temps que l'arbitre. Jules était en train d'atteindre le vif d'or, il allait l'attraper c'était incontestable jusqu'à ce qu'un poursuiveur passe en sens inverse et fasse la faute du Boutenchoc : il avait dévié le balai de Jules avec le manche du sien.

L'arbitre demanda alors autre chose à l'équipe qui se chargeait de filmer le match. Visiblement il semblait vouloir vérifier une seconde action. J'étais sidérée de voir qu'il regardait ma propre dernière action. Je me voyais m'élancer devant les anneaux, prête à frapper le souaffle jusqu'à ce qu'un cognard ne vienne violemment frapper mon poignet, j'étais d'ailleurs certaine qu'il était cassé. L'arbitre se concentrait sur les images, demandant alors de ralentir les images et c'est à ce moment-là que nous remarquions que la poursuiveuse anglaise avait attrapé mon balai pour me ralentir. Sans ça, je n'aurais jamais été frappée par le cognard. Et j'aurais peut-être marqué. Une clameur s'élevait depuis les gradins français, me donnant des frissons de la tête aux pieds.

Finalement, l'arbitre se tournait vers nous tous, nous demandant de l'entourer, ce que nous faisions hâtivement.

"Mr Stevens, je valide la prise du vif d'or qui est incontestable." annonçait l'arbitre espagnol, Mr Chavez.

Les anglais dansaient déjà, hurlant à s'en déchirer les poumons. Jules gardait son calme et moi je me sentais au bord de l'explosion lacrymale.

"MAIS ! JE N'AI PAS TERMINE !" criait-il à leur adresse. "Mr Murphy, je signale la faute du Boutenchoc, vous avez délibérément dévié la trajectoire de Mr Dupin".

"On s'en fou, on a gagné quand même !" raillait la poursuiveuse anglaise.

L'arbitre la regardait d'un air flamboyant.

"Et vous, Miss Jones, vous écopez de la faute du Hochequeue, il est interdit de saisir le balai d'un adversaire pour le ralentir ou le stopper ! Et je vous informe que vous n'avez pas encore gagné. J'accorde donc deux penalty pour la France. L'un pour Mr Dupin, qui pourra s'il le souhaite, laisser ce soin à un poursuiveur, et le second à Miss Fire."

Il leva son sifflet pour pousser un son puissant et nous envoyer tous devant les buts anglais.

Figée et sonnée par l'enjeu, je me concentrais sur l'écran géant qui me montrais la réaction de mon père, les mains jointes devant son visage comme dans une prière silencieuse. J'observais la foule française, les yeux rivés sur les anneaux, aussi figée que moi, attendant la délivrance ou la défaite.

J'enfourchais mon balai, me retrouvant tout près de Jules qui semblait ultra concentré et je l'admirais pour ça, car de mon côté je recommençais à sombrer dans un stress intense mais j'étais satisfaite de constater à travers l'écran géant que mon visage exprimait plutôt une grande détermination. Je lui intimais de tirer ce penalty, s'il marquait ce serait une belle revanche contre l'attrapeur anglais.

J'ai eu le temps d'indiquer à Jules le point faible du gardien anglais, juste avant que l'arbitre ne siffle. Un léger signe de tête pour lui intimer de tirer droit devant lui. La gardien avait toujours tendance à aller sur le coté droit.

Le coup de sifflet à suspendu le temps, la terre s'est arrêtée de tourner... et Jules a marqué déclenchant la ferveur de notre équipe et des supporters. Pour ma part, je sentais un poids énorme tomber sur mes épaules alors que je réalisais que tout dépendait de moi car Jules voulait à tout prix que je tire.

Sauf que mon poignet gauche était blessé, que mes performances à tirer du poignet droit était passables et que pire encore : tout le monde le savait.

Le gardien anglais me souriait à distance pour me déstabiliser mais je ne réagissais pas. Jules me mettait d'autorité le souaffle en main et je me retrouvais là, devant les trois anneaux, les deux équipes m'entourant.

"Tu peux le faire Fire, alors ne déconnes pas ! C'est toi la meilleure poursuiveuse de toute la compétition ! FAIS-NOUS GAGNER FIRE ! " lançait Jules de loin.

J'observais la balle en cuir dans ma main droite, incapable de soutenir l'objet dans ma main gauche, la douleur était trop vive. Alors que je tentais de me concentrer, mon regard bifurquait vaguement sur l'écran géant qui montrait le stress des joueurs anglais, du staff qui s'occupait d'eux... et je l'apercevais au milieu des joueurs. Drago avait les yeux levés vers moi et, conscient que je l'observais, il a sourit.

D'un sourire qui indique clairement qu'il connait l'issu de cette action. Un sourire qui dit : elle va vous écraser. Un sourire fier. Un sourire confiant et plein d'amour.

Je regardais de nouveau le gardien, car le coup de sifflet de l'arbitre m'avait fait revenir à lui. Et tout d'un coup j'ai su.

J'ai su que gagner ou perdre ce match n'avait aucune espèce d'importance. L'important, c'était que l'homme que j'aimais était en bas, sur la pelouse, en train de m'observer avec un regard qui me rendait invincible.

Que mon père était dans les gradins, m'observant en train de vivre un rêve éveillé. J'avais encore mon père, vivant et heureux. J'avais rencontré des personnes exceptionnelles durant ce parcours professionnel. Et surtout je prenais conscience que ma vie ne faisait que commencer, que cette action ne déterminerait pas qui j'étais ou ce que je ferai. Que je gagne ou que je perde, j'irais reconquérir Drago.

Un sourire a traversé mon visage et finalement, j'ai même éclaté de rire, en réalisant tout ça. Les journalistes s'amusaient à écrire dans les journaux que je souriais souvent quand j'étais sur le point de marquer ou de sortir l'équipe d'une situation difficile. Je savais que mon rire allait déstabiliser les anglais, mais je bluffais, je n'avais aucune idée de ce qu'allait donner mon tir.

Je me suis avancée, me suis jetée de mon balai pour m'en servir d'appuis comme la barre d'un gymnaste et j'ai tiré... du pied gauche. Le souaffle a traversé l'anneau à droite du gardien, qui ne s'attendait clairement pas à ça.

Et le stade, tout comme mon cœur et ma joie, s'est embrasé.

Tout était flou, tellement lunaire que je ne savais même plus comment j'étais arrivée au sol, bousculée par les grandes embrassades de mon équipe. Les larmes de joie me brouillaient la vue, les cris des supporters français était assourdissants. Après quelques minutes, je me retrouvais à brandir la coupe du monde de Quidditch devant tous les supporters, le stade, le monde... j'entendais mon nom être scandé, inlassablement. Mon père avait remis autour de mon cou la médaille en or, que je garderai toute ma vie comme un trophée, un trophée sur ma vie. Personne n'avait loupé notre étreinte, nos pleurs et notre joie.

En descendant de l'estrade et alors que des feux d'artifices étaient tirés tout autour de l'édifice, je cherchais du regard, sachant ce que j'avais à faire, tout de suite. Tout mon être ne désirait que ça et finalement je le trouvais à l'autre bout du terrain. Il venait de se tourner vers moi alors qu'il avait terminé de soigné un joueur anglais.

Quand nos regards se sont croisés, cela a été comme une parfaite symbiose.

D'abord, aucun des deux de bougeait, et comme une seule personne, nous nous sommes élancés l'un vers l'autre. Je courrai vers lui, sachant pertinemment que les caméras me suivaient, mais ce n'était rien. Je n'avais plus rien à cacher.

Il m'avait prouvé devant tout Poudlard ses sentiments, il s'était mis à nu devant tous les élèves le jour où il m'avait embrassé le soir du bal de Noël.

A moi aujourd'hui, qui avait été si discrète ces dernières années, de lui prouver que je l'aimais.

Devant le monde entier.

Arrivée près de lui, il attrapait ma taille pour me soulever du sol, j'encadrais sa taille avec mes jambes, rapprochant nos visages tout près. Je ne savais plus si il pleurait, si les flashs se répercutaient dans son regard ou si y avait un million d'étoiles dans ses yeux, mais je trouvais une joie dans ce bleu orage que je n'avais jamais vu avant.

"C'est pour toi. J'ai gagné pour toi." je criais pour couvrir les acclamations du public, les chants et la musique.

Il n'a pas répondu, à la place il a fermé les yeux, accueillant un sourire large sur son visage alors que des confettis tombaient sur nous et que les feux d'artifices continuaient d'éclater dans le ciel.

"Restes avec moi Drago."

Son sourire s'est soudainement retiré et il a plongé son regard dans le mien.

"Restes avec moi pour toujours.. je t'aime." je continuais en sentant des larmes couler sur mes joues.

Je n'ai pas tenu une seconde de plus et je l'ai embrassé.

A la force de notre étreinte, et à ce baiser prodigieux que nous échangions, je savais qu'il m'aimait lui aussi.

Et que nous surmonterions tout ensemble.

En début de match, j'avais l'impression de choisir entre mes deux origines, comme si aujourd'hui je décidais de qui j'étais vraiment. Finalement, j'avais choisi deux pays. Les deux faisaient parties de moi. Parce que Drago faisait partie de moi.

Quelques minutes plus tard, alors que les journalistes m'interrogeaient, que je ne relâchais pas pour autant Drago, je répondais à la question posée, à savoir qui était le jeune homme qui ne desserrait pas ses bras de ma taille :

"C'est l'ange de ma vie."


Ca y est, enfin, après toutes ces années, je me décide à publier ce chapitre qui est déjà écrit depuis quelques temps. Je sentais qu'il était grand temps de clôturer cette histoire... mais un épilogue arrivera, histoire de voir dans le futur ;)

J'ai une certaine émotion, car j'ai l'impression, en soignant Drago et Ange, de me soigner moi-même.

La vie n'est pas un long fleuve tranquille, mais l'amour sera toujours plus fort que tout et réparera toujours les plus grands dégâts, soignera les plus grandes blessures, j'en suis persuadée.

Bien à vous,

Calamity