Notes: Bonjour, bonsoir! Voilà une nouvelle partie de Saint Kanon, où je fais voyager cette fois ci. N'oublions pas qu'il y a des personnages importants dans le grand nord et qui me tiennent à cœur d'écrire sur eux. Je vous souhaite une bonne lecture.


Neuvième histoire: Tempête de neige

A des milliers de kilomètres du Sanctuaire d'Athéna et du climat méditerranéen de la Grèce, à la pointe la plus septentrionale de la Norvège, où la nature pouvait paraître hostile à l'Homme, tant les températures ne montaient que trop rarement au dessus de 0° celsius, où le vent s'engouffrait violemment entre les arbres des forêts toujours enneigées. L'on y avait voulu s'installer jadis, des habitations aux constructions solides, en pierre, de hauts châteaux, des villes et villages dont les murs tentaient de résister face à cet enfer de glace. Un palais immense dominait tout cela avec à son côté une statue encore plus gigantesque, celle d'un dieu nordique, Odin.

En contre bas, au bout d'un escalier qui tombait en ruine, les marches ayant disparu dans l'océan arctique depuis des siècles probablement, une jeune femme se tenait là, face aux vagues, tenant bon malgré la force du vent qui faisait voler ses longs cheveux argentés et sa tout aussi longue robe bleu clair. Les mains jointes contre sa poitrine, ses yeux fermés en direction du ciel, ou plutôt de son dieu, elle priait, prononçait ces paroles comme chaque jour, une aura blanche l'entourant:

« Ô Odin, dieu d'Asgard! Prisonniers des neiges et des glaces, nous vivons sur ces terres d'Asgard à l'extrême Nord. Nous ne connaissons pas la lumière du soleil, ni la verdure d'une nature luxuriante... Mais nous acceptons de subir ces souffrances pour le reste du monde. Car si telle est l'épreuve, la destinée que tu nous imposes, Maitre, nous souffrirons ce supplice avec joie et y survivrons. Nous le ferons pour que règnent à jamais la paix et l'amour sur Terre. »

Hilda de Polaris, prêtresse d'Odin et souveraine de ce royaume indépendant, portait sur ses épaules les conditions de vie de son peuple. Depuis toujours ils vivaient ici, malgré la rudesse de cette région, mais comme depuis toujours, elle faisait perdurer le devoir de sa famille, celui de diriger le royaume d'Asgard et permettre ses habitants de survivre. Elle même ne s'est jamais lassée de ces neiges éternelles, du vent incisif ou même des températures glaciales. Elle y était née, y a grandi et à l'aube de l'âge adulte, elle endossait ce rôle de dirigeante, se jurant de tout faire pour maintenir la paix dans cette région.

Elle sentit une présence descendre l'escalier de pierres. Elle stoppa alors sa prière, remerciant encore une fois Odin de sa force et de sa bonté au nom de tout le royaume d'Asgard.

« Votre altesse, fit une voix masculine.

Hilda se retourna.

-J'arrive, Siegfried », s'adressa-t-elle à l'homme aux cheveux blonds ondulés vêtu d'une armure bleu nuit qui s'était agenouillé devant elle.

Tous deux, après quelques minutes de marche dans la tempête, se retrouvèrent à l'intérieur du palais. Une servante apporta une épaisse couverture qu'elle enroula sur les épaules de la souveraine d'Asgard, celle-la la remerciant.

Devant eux, en direction du trône qui dominait la grande salle au carrelage noir et pourtant étincelant grâce aux torches allumées aux hautes colonnes, ainsi qu'à la lumière pâle qui provenait de dehors au travers des vitraux, trois personnes attendaient patiemment: l'une d'elle, une jeune fille blonde aux longs cheveux ondulant presque à l'infini, s'avançant, ses yeux verts pétillaient et son sourire irradiait.

« Ma sœur, s'écria-t-elle. Bon retour. J'espère qu'Odin a encore une fois entendu tes prières.

-Merci, Freya, répondit Hilda. Puis, s'adressant aux deux hommes restés proches du trône: Sigmund, Hagen, bonjour.

L'un des deux, aussi blond que la jeune sœur de la prêtresse et au regard bleu transparent et perçant, se baissa et posa un genou à terre.

-Votre Altesse, salua-t-il d'un ton modeste.

-Hagen, relève-toi, fit Freya comme faussement indignée. Quand bien même tu es un Guerrier Divin d'Odin, tu vas bientôt faire partie de notre famille! Habitue-toi à faire moins de formalités!

L'homme baissa encore plus la tête, comme toujours plus gêné.

-Allons, Freya, sois gentille avec ton fiancé, déclara Hilda. Hagen est évidemment un des plus fidèles et puissants défenseurs de ces terres d'Asgard, mais je me réjouis également de cette union future avec ma jeune sœur. Encore une fois, j'ai prié Odin pour que vos noces soient les plus belles et les plus magiques qui soient.

-Je vous remercie, votre Altesse. Depuis votre bénédiction, je tâche que mon nom, celui des Merak, se hisse à votre hauteur, afin que Freya devienne la plus heureuse à tout jamais.

-Je le sais, Hagen, sourit la souveraine. Et, bien que je le répèterai le moment venu, dès lors que tu seras l'époux de ma sœur, je t'ordonnerai de cesser ces formules ampoulées. Dans une famille, qu'importe les origines lointaines, on est liés et proches, par les actes et par les mots.

-J'y travaillerai, affirma le Guerrier. Mais avant cela, Sigmund souhaitait vous voir, et je l'ai emmené ici, attendant votre retour.

-Je te remercie.

Hilda, dans son attitude de souveraine, savait cacher ses émotions les plus intimes, et la vue de Sigmund qui attendait aux côtés de Hagen ne la laissait pas indifférente. Lui, le frère ainé de Siegfried, était avec ce dernier, un ami d'enfance et ne la laissait pas indifférente, quand bien même il fut plus âgé. La famille de Dubhe était l'une des plus importantes de la noblesse d'Asgard. Depuis des siècles, d'aussi loin que les documents pouvaient en attester, de puissants guerriers en étaient issus, protégeant ce royaume et même ceux qui le dirigeaient, les Polaris. L'on racontait même que les Dubhe étaient les descendants directs du héros des légendes nordiques, Siegfried, ce qui rajoutait une fierté et une dévotion infinie à chacun de ses membres pour Asgard. En cette époque, cependant, l'ainé des deux ne fut pas désigné pour être le Guerrier Divin d'Alpha comme le voulait la tradition. Sigmund était visiblement moins fort que son cadet et avait revêtu une Robe – le terme employé en Asgard pour les armures des guerriers – moins puissante. Il avait été enrôlé dans l'unité qui protégeait directement le peuple. Il était le Guerrier Divin de Grani et avait acquis la fierté et la reconnaissance de sa souveraine. Et cette dernière, secrètement, accordait bien plus que de l'estime pour cet homme. Un jour peut-être oserait-elle l'avouer à lui et... à leurs familles respectives aussi qui la voyaient promise tout naturellement au cadet, Siegfried. Son prénom rappelant cet ancêtre légendaire et son rang de chef reconnu de tous les Guerriers Divins faisaient de lui le futur époux évident pour Hilda et en même temps que le mariage entre la jeune sœur de celle-ci et Hagen serait prononcé, les fiançailles de la souveraine d'Asgard et du plus valeureux fils Dubhe viendraient.

C'était ce que pensait toute la noblesse de ce royaume. Mais aucun d'eux, malgré leur fortune et leur influence, ne pouvaient lire dans le cœur de la jeune femme. Elle-même qui se donnait plus qu'elle ne le devrait pour soutenir son peuple, qui priait Odin tous les jours, malgré la neige, la pluie glaciale qui pouvait lui tailler le visage et la puissance du vent. Elle était dévouée, prenait son rôle à cœur et s'il n'y avait plus qu'elle dans ce grand nord, elle continuerait à offrir son être et son cosmos pour que les habitants d'Asgard puissent vivre dans des conditions décentes. Aussi, tout comme elle l'avait conseillé à Freya de suivre son cœur, elle ferait de même et un jour, ouvrirait le sien à Sigmund. Petite, elle adorait jouer avec lui et son petit frère. Les années passant, elle découvrait un homme aussi investi qu'elle dans le bien être des habitants d'Asgard. C'était ce qui avait arrêté son choix. Bien sur, elle avait beaucoup d'affection pour Siegfried, mais il y avait entre eux qu'une amitié forte et indestructible, en plus de cette relation de confiance entre une souveraine et son chef des armées. Il était son ange gardien qui restait à une distance raisonnable loin d'elle, lorsqu'elle priait. Ces deux frères étaient importants pour Hilda et ne prenait pas en compte leur différence de rang. Chacun avant un rôle primordial pour que la paix en Asgard perdure.

La jeune femme, à présent réchauffée grâce à l'épaisse couverture qui l'entourait mais qui lui offrait une allure noble, s'avança vers le trône sous les regards de Freya et Siegfried.

Hagen et Sigmund, eux, se relevèrent, dès qu'elle eut atteint leur niveau.

-Qu'y a-t-il, Sigmund, demanda la jeune femme.

-Votre Altesse, lors de notre ronde autour des villages éloignés du sud, nous avons constaté une agitation inhabituelle, répondit le Guerrier de Grani d'un ton sévère. Au début, nous avions pensé à ce géant à qui vous aviez autorisé à chasser dans vos bois, pour nourrir les hameaux les plus pauvres, mais... c'était différent. Après avoir examiné cette région, nous avons constaté des traces de traineaux au travers des forêts, rien de plus normal. Si ce n'est une aura puissante qui restait. Une aura aussi écrasante que la vôtre, Hilda...

La souveraine resta stupéfaite après cette dernière phrase.

-Des intrus, tu veux dire?

-C'est ce que nous tentons de trouver.

-Bien, fais ce que tu as à faire, Sigmund. N'hésite pas à prévenir s'il y a quelque menace dans notre royaume.

-A vos ordres, votre Altesse.

-Sois prudent. Toi et ton unité de Guerriers Divins, fit-elle en autorisant Sigmund à quitter la salle du trône.

-Hilda, devons-nous, Hagen et moi, suivre mon frère? Demanda Siegfried.

-Non. Par contre je souhaite que tous les Guerriers Divins soient enfin réunis. Pars avec Hagen retrouver ce chasseur géant, Thor de son nom il me semble, ainsi qu'un jeune homme perdu et sauvage. Si vous suivez une meute de loups sauvages, d'après les bruits qui courent, vous saurez le trouver. Tous deux complèteront votre armée.

Les deux hommes partirent eux aussi, laissant les deux sœurs. L'ainée marcha vers une baie vitrée qui donnait sur l'imposante statue d'Odin qui semblait protéger ces terres, son épée pointant vers cette terre qui était la sienne, son regard de pierre fixant l'horizon et bravant la neige qui le frappait sans discontinuer.

Hilda eut une nouvelle prière muette pour son dieu, lui faisant part de son inquiétude, de cette peur grandissante en elle qu'elle ne pouvait expliquer ni exprimer avec des mots, que depuis quelques nuits elle se réveillait d'un coup, prise d'un mauvais pressentiment, presque funeste sans en connaître l'origine ni la raison. Mais elle était la souveraine d'Asgard, la représentante d'Odin. Elle ne devait pas laisser déborder ses émotions comme ça. Elle se savait bien entourée avec ses Guerriers Divins et tous les serviteurs et soldats à l'intérieur du palais, mais aussi partout dans le royaume. Elle ne devait pas se laisser aller à ces angoisses inconnues pour le moment...

-Ma sœur, fit Freya, sortant Hilda de ses pensées et de sa contemplation de la tempête de neige. Tout va bien?

-Oui, répondit-elle en souriant.

-Tu me le dirais s'il y avait un danger en Asgard? Je suis assez grande pour comprendre.

-Je le sais, Freya.

-Alors pourquoi tu as ce regard inquiet? Encore plus que lorsque Hagen a osé te demander ma main, alors qu'on devra attendre des années avant de nous marier?

Cette petite sœur était un véritable cadeau des dieux. Sa joie de vivre en était presque contagieuse, et Hilda ne put s'empêcher de la regarder tendrement, chassant ces pensées funeste de son esprit.

-Je suis inquiète à chaque fois que l'on me rapporte des faits étranges dans notre royaume, parce que notre peuple m'est cher, autant que tu l'es, toi, à mes yeux. Feu notre père m'a laissé le trône, je prends ce rôle très à cœur, tu sais...

-Je le sais, oui. J'étais prête à te gronder à ton retour de la prière tout à l'heure. Même si on est nées ici, et qu'on est habitués aux tempêtes de neige, tu vas te tuer à rester aussi longtemps dehors et si peu habillée. Tu ne veux pas inquiéter ta sœur, quand même?

-Je te prie de m'excuser, Freya. Je ferai attention demain, je mettrai un manteau.

-Je préfère ça... Tu devrais aller te changer, je vais demander à ce qu'on prépare des infusions. On les boira toutes les deux. »

Hilda garda ce sourire sincère pour sa sœur jusqu'à ce que cette dernière disparaisse derrière l'immense porte d'ébène. Puis son visage se durcit à nouveau. Ces angoisses reprenaient le dessus et une aura inconnue semblait approcher du palais. Non, ce ne devait être que son imagination et le vent qui avait trop soufflé sur son visage auparavant. Sa seule inquiétude actuelle ne devait être que Freya n'engloutisse trop de pâtisseries et trop peu de boisson chaude...

Les craintes de Hilda, ces cauchemars la nuit au cours desquels elle n'arrivait à comprendre ce dont elle rêvait, tout cela semblait fondé. Et la méfiance de Sigmund quant à cette aura étrange qui flottait dans les bois du royaume ne faisait que confirmer ses doutes: des étrangers avaient pénétré Asgard.

En souveraine digne, elle les accueillit, d'autant que seuls les habitants de cette région hostile supportaient les températures aussi basses et les caprices du vent tout au long de l'année. Mais elle avait quand même eu ce bon réflexe de vouloir réunir les plus puissants de ses Guerriers Divins. Un mauvais pressentiment grandissait toujours en elle en voyant cette femme à la chevelure noire de jais et ces hommes l'escortant, dont un blond à la tignasse aussi désordonnée que ces sourcils anormalement épais. Ne pas juger au premier abord, ne rien laisser paraître, telles étaient des attitudes à prendre. Mais la jeune femme n'avait pas vraiment confiance...

Freya était à ses côtés, en tant que sœur de la souveraine, mais dès que l'occasion se présenterait, elle irait s'isoler dans une pièce protégée du palais. Quant à Sigmund et son unité, ils patrouillaient dans la ville autour du château.

Hilda s'était changée, avait revêtu sa tenue de souveraine officielle d'Asgard, un bustier qui faisait penser à une protection noire et une longue jupe rouge tombant au sol. Ses épaules étaient recouvertes d'une cape gris sombre et sa tête coiffée d'un diadème métallique et décoré de dorures. À sa main droite, un sceptre. Elle se tenait devant son trône, droite, imposante, comme l'étaient les souveraines d'antan, comme ces walkyries des légendes nordiques qu'elle lisait dans son enfance.

De part et d'autre, les sept Guerriers Divins d'Asgard l'entouraient, elle et Freya.

En face, les étrangers pénétraient dans la salle du trône pour se présenter officiellement.

« Bienvenue en Asgard, déclara la prêtresse d'Odin d'une voix claire et imposante. Je suis Hilda de Polaris, souveraine de ce royaume, et voici ma jeune sœur, Freya, ainsi que les protecteurs de ces terres, les Guerriers Divins. J'ignore d'où vous venez et vers où vous vous dirigez. Cependant, nous pouvons vous offrir le toit pour la nuit, si les conditions météorologiques vous sont trop dures pour continuer.

-Merci de votre accueil, répondit la femme brune, d'un ton doux. Je m'appelle Pandore, sœur du dieu et seigneur des Enfers Hadès qui ne saurait se réveiller incessamment sous peu. En vérité, notre route, les Spectres qui m'accompagnent et moi, nous a menés précisément dans votre royaume pour vous rencontrer. Nous ne sommes en aucun cas perdus. Nous désirons nous entretenir avec vous, votre Altesse.

Ce mauvais pressentiment... Hilda resserra le manche de son sceptre dans sa main...

-Je ne comprends pas, fit-elle. En quoi Asgard aurait-il un rapport avec votre dieu? Les origines et le panthéon sont différents et depuis la nuit des temps nous sommes restés neutres dans les conflits impliquant les divinités grecques. Et nous le resterons. Notre décision est ferme sur ce sujet et nous ne changerons d'avis pour rien au monde.

Les soldats autour de Pandore ne semblaient pas apprécier cette déclaration, et semblaient s'agiter. Siegfried lui aussi, se tenait prêt à protéger ses Dames.

-Je ne tiens pas à ce qu'un conflit de quelque ordre qui soit démarre sur les terres du dieu Odin, encore moins contre des dieux qui n'ont rien à voir avec notre folklore, continua-t-elle. Cependant, il est de mon devoir de vous offrir l'hospitalité pour la nuit. Après cela, je vous demanderai de repartir chez vous dès demain.

-Permettez-moi d'insister, dit Pandore. Mais en tant que femmes de pouvoir, je pense que nous pourrions nous entendre sur certains points. Il n'est en aucun cas question d'envahir Asgard. Au nom de notre Seigneur Hadès, je tiens à appuyer sur cette idée. Nous sommes venus vers vous pour amorcer un dialogue, rien de plus.

La voix et les yeux marrons teintés de violet de cette femme glaçaient Hilda littéralement. Une telle assurance et un tel calme ressortaient de ses paroles, comme si elle allait venir à bout de son objectif. Et cette aura qui émanait d'elle...

Odin, ô notre maitre, je t'en prie, donne un peu de ta force à ta fidèle prêtresse, pour la paix de ton royaume...

La souveraine respirait lentement, analysait autant Pandore que les soldats l'entourant. Que sa prière fût entendue, elle allait prendre des risques autant pour Asgard que pour sa propre vie.

-Dame Pandore, déclara-t-elle, en tant que femme et protectrice de ce royaume, je suis prête à vous écouter. C'est là le minimum que je puis vous offrir. Le cas échéant, je prendrai des décisions en conséquence. Cependant, je vous le répèterai encore, mais la guerre n'est pas envisageable. De ce fait, je vous proposerais de me suivre, en compagnie de ma sœur. Ainsi, nous pourrons parler entre femmes de cette situation.

-Je vous suis, Dame Hilda.

-Siegfried, murmura la prêtresse d'Odin, ne laisse pas un des hommes de cette Pandore seul dans le Palais ou en dehors.

-Nous nous occupons de cela. Je n'ai aucunement confiance au grand blond qui la colle, là. Soyez prudentes de votre côté. »

Une douce mélodie flottait dans la pièce accompagnée des crépitements d'un feu dans la cheminée. Au centre, Dame Hilda et Dame Freya buvaient du thé en compagnie de cette étrangère qui s'était invitée, elle et son escorte d'hommes aux allures aussi sombres que le cosmos qu'ils dégageaient, cette dénommée Pandore.

Mime, dans son coin, se faisait le plus discret possible. La femme aux longs cheveux noirs avait remarqué la lyre qu'il tenait dans sa main, serrée tout contre lui. Elle avait demandé à la souveraine d'Asgard et à lui même s'il jouait de cet instrument. À la réponse positive, elle lui suggéra de les accompagner lors de cet entretien féminin, se justifiant de son intérêt pour la musique, les instruments de musique à cordes et notamment la harpe.

D'abord hésitant, le jeune homme accepta. Il ne doutait pas de la puissance de Dame Hilda, mais on n'était jamais trop prudent, et le regard appuyé de Siegfried confirmait ses pensées: un Guerrier Divin en leur compagnie ne serait jamais de trop.

Aucun des défenseurs d'Odin n'accordait une confiance spontanée envers ces étrangers aux ambitions plus que douteuses. Et quand bien même ils n'avaient engagé des hostilités, quand bien même Hilda était sûre d'elle et sur ses gardes, ils ne pouvaient prévoir une attaque surprise.

Le guerrier d'Êta était assis dans un angle de la pièce, ne préférant pas se mêler à la conversation faussement polie qui débutait entre Pandore et Hilda. Cependant, il était situé dans un endroit stratégique d'où il pouvait agir sans problème: proche sans trop l'être de la porte, assez distant de la table des femmes, mais de là où il était, il pouvait tout entendre, tout en jouant sans problème. Car il avait ce don, cette ouïe assez aiguisée pour déceler des fausses notes sur des morceaux musicaux, et même surprendre parfois des conversations secrètes au détour d'une colonne dans le Palais d'Odin.

Certes, Mime n'était pas le combattant le plus offensif, celui qui irait se jeter dans la bataille au péril de sa vie et de ses convictions et qui utiliserait la force brute pour atteindre la victoire. La plus grande déception de son père adoptif, Volker, qui défendait Asgard avec ses poings à nu et sa rage. Mime avait eu conscience de son destin de Guerrier Divin dès que les prémices de sa force étaient apparues. Le seul membre de sa famille lui avait fait subir un entrainement inhumain, qui fut un échec pour son instructeur. Le jeune homme n'avait pas une carrure imposante, il n'était juste qu'un garçon fluet, mince, au visage lisse, au regard doré et à la chevelure d'un blond vénitien magnifique. Un petit prince, un ménestrel, mais pas un guerrier.

Pourtant la destinée de Mime était à priori tracée, et la Robe Divine lui fut remise. Le jeune Benetnash avait su se démarquer autrement, loin de la force pure et brute, en utilisant cette passion pour la musique totalement incongrue pour Volken. Il avait appris à utiliser sa silhouette fine aussi à son avantage, comme en ce moment même: rester discret, laisser les notes voguer dans la pièce, et écouter la conversation comme si de rien n'était...

« Dame Pandore, à présent que vous connaissez les principales choses concernant Asgard, voudriez-vous nous dire exactement la raison de votre venue ici, demanda Hilda.

-Je vous l'ai énoncé dès notre arrivée, votre Altesse. Nous souhaitons une alliance avec Odin.

-Veuillez me pardonner, mais je ne saisis toujours pas. Comme je vous l'ai également dit à notre rencontre, dans la salle du trône, nos deux panthéons sont différents et indépendants l'un de l'autre. Vos conflits ne nous concernent pas, et cela date depuis la nuit des temps.

-Il vous est pourtant arrivé de traiter avec le Sanctuaire d'Athéna?

-Pour des raisons politiques et économiques, admit Hilda. Mais en aucun cas pour s'impliquer dans une guerre.

-Et bien, imaginez que cela soit la même chose avec notre Seigneur Hadès, insista Pandore. Parce que nous aspirons aux mêmes idéaux.

-Je ne saisis toujours pas...

-Vous qui vivez en ces terres éternellement enneigées, vous ne voyez jamais le soleil dans sa vraie splendeur. Vous n'avez jamais ressenti sa chaleur sur votre peau, et encore moins apprécié le vent frais frôler la peau du bras dénudée et libérée de ces épais manteaux de fourrure. En un sens, il en est de même pour nous, habitants des Enfers. Quand bien même notre domaine s'étend sur une surface immense, elle se trouve sous terre, sans la moindre possibilité d'observer un rayon de lumière naturelle en ce qui est considéré comme son ciel. Ciel qui reste à tout jamais d'un violet dans lequel des nuages noirs flottent en compagnie des âmes égarées des défunts qui le peuplent. Tout cela parce que le soleil, le ciel bleu et la nature luxuriante sont réservés exclusivement aux terriens, à ceux qu'Athéna a choisi de protéger. Combien de fois à travers les siècles avons-nous, Spectres et fidèles d'Hadès, tenté de faire notre place à la surface de la terre? Combien de fois avons-nous mené des guerres face à cette déesse, et avons perdu? Comprenez notre frustration et notre envie de partager nos desseins. Vous et votre peuple éternellement prisonniers des glaces pouvez certainement imaginer cette envie de découvrir de nouvelles contrées sans être arrêtés violemment par les attaques d'Athéna et de ses Chevaliers.

Dame Hilda observait le liquide dans sa tasse fumante, comme perdue. Ses yeux fixaient un point précis pour ne pas croiser ceux de la femme brune.

Mime n'habitait dans le Palais et ne côtoyait sa souveraine que depuis à peine une année, au moment où il avait revêtu sa Robe d'Êta, mais il avait pris le temps de l'observer, de loin, sans jamais la gêner, et il pouvait reconnaître ses attitudes. Or, en ce moment même, elle était comme embarrassée, prisonnière d'une décision inconnue qu'elle devrait prendre sous peu. À la gauche de la prêtresse, sa jeune sœur, Freya. Il ne pouvait pas voir son visage ni n'entendait ce qu'elle disait. Elle lui tournait le dos. Mais elle devait se contenter d'écouter, seulement. Et puis Pandore, assise et droite sur sa chaise, énonçant ce qu'elle disait les raisons de cette venue en Asgard, jouant sur la sensibilité et la dévotion de Hilda, sur leur région hostile. Quiconque aurait entendu ces paroles, aurait accepté cet accord. Combien d'habitants, de villageois auraient souhaité, ne serait-ce qu'une journée, quitter ce pays aux conditions de vie tellement rudes, impossibles quand l'hiver venait et que le soleil disparaissait pendant de longues semaines. Pourtant quelque chose dans la voix de cette femme sonnait faux à l'oreille de Mime. Cela parlait d'une part d'alliance pour une vie meilleure, certes, mais aussi de guerre en des termes peu élogieux envers cette Athéna. Encore une fois, Hilda l'avait souligné: Odin n'avait que faire de ces guerres internes entre dieux grecs... Il continua à tendre l'oreille.

-J'entends vos propos, Dame Pandore, répondit Hilda au bout d'un moment. Cependant mon peuple a accepté de vivre ici, et ce, depuis des siècles. Nous avons construit ce royaume et les villages autour de manière à parler de vie et non de survie. Nous acceptons ce quotidien, nous nous sommes adaptés aux caprices du vent, de la neige et du froid. L'on raconte que des peuples ailleurs sur terre arrivent à vivre dans des régions aux températures extrêmement élevées ou bien au beau milieu de jungles humides. Eux aussi ont accepté leurs conditions et n'ont surement pas été sollicités par quelque délégation d'un dieu des Enfers. Je comprends tout à fait que le manque de lumière puisse être désespérant et l'envie de voir d'autres contrées est plus que tentante. Malgré tout, sachez que, même si les occasions sont rares, le soleil nous envoie de ses rayons chaleureux par ici. Grâce à Odin, grâce aux prières que je lui voue chaque jour, pour le bien-être de ce royaume.

-Vous refusez ainsi une éventuelle alliance? En conclut Pandore.

-A quoi bon? Pouvons-nous comparer mon petit royaume, ma petite armée à la vôtre qui, j'imagine est dix fois plus nombreuse? Nous n'aspirons qu'à la paix. Mener une guerre qui ne nous concerne pas apporterait l'inquiétude de mon peuple et serait contraire aux idéaux d'Asgard.

-Je vois que vous savez de quoi vous parlez, fit la femme aux longs cheveux ébène, en apportant sa tasse aux lèvres. Pourtant, permettez ces propos, mais vous m'avez l'air trop modeste pour ce que vous prétendez. Je sens votre cosmos et la puissance qui s'y dégage sans même forcer ma concentration.

Mime vit alors les yeux de sa souveraine s'agrandir avec une pointe de méfiance non dissimulée. Puis, ce fut Pandore qui posa son regard sur le jeune homme qui avait tout fait pour se faire oublier jusqu'à présent. Il avait arrêté de jouer. Aussitôt, il reprit la douce mélodie qu'il diffusait depuis le début de cette dégustation de boisson chaude, usant de ce sang froid qu'il maitrisait depuis toujours, et de ce visage comme dénué d'émotion. Redevenir le ménestrel roux en Robe écarlate qui apportait une atmosphère douce grâce à sa lyre.

-Dame Pandore, protéger et veiller sur Asgard est ma seule mission en ce bas monde. D'instinct, je reste sur mes gardes lorsqu'on essaye de l'attaquer. Aussi, cette puissance que j'ai en moi, elle ne sert qu'à cela. Jamais je ne partirai loin de ces terres pour une guerre qui ne me concerne pas.

-Tel est votre choix arrêté?

-Vous venez de le dire. Toutefois, en tant que souveraine d'Asgard, je ne manquerai pas à mes obligations. La tempête de neige devrait se calmer demain. Avant votre départ, je pourrais vous proposer de visiter les terres de ce royaume en ma compagnie, pour vous montrer à quel point ce pays, malgré la neige et le froid, regorge de paysages uniques.

-Je vous remercie, malgré tout. »

Tout en parcourant délicatement les doigts sur son instrument, Mime ressentait cette tension entre les deux femmes, et une crainte que la jeune Freya ne pouvait plus cacher. Lui aussi ferait partie du cortège qui ferait la visite d'Asgard le lendemain. Après tout, il était un bon musicien, un jeune homme mince qui, malgré sa Robe Divine, tiendrait compagnie et jouerait de sa lyre, rien de plus. Comment imaginer que Mime de Benetnash pouvait être un espion, un guerrier même, sachant se battre et utiliser son instrument pour attaquer les ennemis d'Asgard?

Depuis une baie vitrée dans la salle du trône, Syd de Mizar observait trois personnes se diriger dans les jardins du palais: Dame Hilda accompagnée de cette Pandore, et suivies par Mime à quelques mètres derrière elles. Ces étrangers avaient passé la nuit ici, et repartiraient dans l'après midi. La souveraine d'Asgard devait faire ses obligations diplomatiques avant, quand bien même elle eut refusé cette étrange proposition d'alliance. Et quand bien même le jeune homme avait confiance en son ami de Benetnash et en la puissance de leur prêtresse, il restait inquiet. L'escorte de Spectres était encore à l'intérieur du palais, pourtant sous surveillance de tout le personnel.

« Nous devons faire confiance en Hilda, déclara Siegfried dans le dos de Syd, à voix basse.

-Je sais. Mais j'ai un trop mauvais pressentiment pour rester serein.

-Je pense pareil, Syd. Très tôt ce matin, notre souveraine m'a confié quelque chose. Je voudrais t'en faire part.

Le guerrier de Mizar se retourna alors, lançant un regard doré à la fois inquiété et intrigué à son ami de toujours.

-Rien de grave?

-Pour être honnête... je ne crains que si, avoua Dubhe dont la voix se transforma en un chuchotement. Il regarda alentour avant de continuer de parler. Hilda m'a confié une mission, mais je ne peux l'accomplir, parce que je dois rester ici. C'est mon rôle de chef des Guerriers Divins qui m'y oblige, et je ne vois que toi pour me remplacer.

-... dis toujours...

Syd sentit un parchemin glisser entre ses doigts. D'un œil discret, il découvrit au milieu du rouleau le sceau d'Asgard. Un document officiel...

-C'est une lettre de Hilda pour le Sanctuaire d'Athéna. Elle y relate la conversation qui s'était déroulée hier avec cette Pandore.

-Mais... Asgard n'était pas sensé rester en dehors de ces histoires de guerres grecques?

-Justement. Hilda craint un danger et le Sanctuaire d'Athéna nous accorde sa protection indirecte en cas de menace évidente. C'est le cas en ce moment, tu ne crois pas?

-Je suis entièrement d'accord. Je n'aime pas ce Rhadamanthe, celui qui l'accompagne, Myu est véritablement étrange, quant aux autres, ils pourraient passer à l'attaque si cette Pandore levait le petit doigt.

-Puis-je compter sur toi, Syd?

-Je comprends que toi tu ne puisses pas quitter le royaume, mais pourquoi moi?

-Tu es le seul sur lequel je puis compter. Mime ne lâche pas Hilda et saurait dire si Pandore est un danger. Hagen ne pourra pas partir sans l'assurance que Freya soit dans la sécurité la plus totale, or, rien n'est sûr même pour elle. Thor accompagne les sentinelles autour des remparts, et surveille les abords du palais. C'est un homme fiable et très proche des soldats. Quant à Fenrir, je le laisse agir à sa guise. Il n'a pas l'air à l'aise avec les gens, préférant ses loups, mais son allégeance à Odin est plus qu'évidente. Il saurait se battre avec nous si besoin. C'est pourquoi tu es le seul sur qui je peux compter pour te rendre en Grèce aussi vite que possible. Syd, tu es mon plus fidèle ami avec Hagen. Nous avons grandi et nous sommes devenus Guerriers Divins quasiment en même temps, donc j'ai une confiance immense en toi. De plus, tu es le plus rapide et le plus endurant à la course. Et tu connais les bois jusqu'à la frontière mieux que quiconque...

-Je te connais aussi, Siegfried. Tu voudrais aussi garder un œil sur Alberich...

-Sa famille est connue pour ses ambitions démesurées et ils n'ont pas apprécié le refus de Hilda à la demande en mariage de leur fils. Lui même est intelligent et il le sait. Rappelle-toi de ces coups bas lors de nos entrainements avec lui... Et le fait qu'il discute avec ce Rhadamanthe...

-Compte sur moi, mon ami, coupa Syd. Je reviendrai au plus vite en Asgard, avec une réponse des chevaliers d'Athéna, quelle qu'elle soit.

-Passe par les remparts sud. L'accès vers la frontière est le plus rapide.

-Je sais, c'est par là que mon père va pour ses affaires à l'étranger. Je connais la route par cœur.

-Syd... sois prudent quand même.

-Toi aussi, Siegfried. Je connais ta puissance, mais je ne saurais trop te le répéter. Pour la protection d'Asgard et de notre Dame Hilda. »

Après une poignée de main remplie d'amitié, Syd quitta la salle du trône d'un pas assuré, comme s'il restait dans les environs et qu'il ne quittait pas le royaume dans une mission périlleuse.

En contrebas du grand escalier qui menait vers la salle du trône d'Asgard, sur la droite, une pièce importante du palais se trouvait. À l'intérieur étaient renfermés des siècles d'histoire de la région, mais aussi des légendes d'ici et même d'ailleurs: la bibliothèque d'Odin. Un lieu de savoir et d'évasion intellectuelle.

Syd aurait bien voulu s'isoler dans les rayons, se plonger dans un conte qu'il connaissait depuis son enfance ou même pour sa culture personnelle, apprendre quelque mythe grec par exemple. Mais l'heure n'était pas à la lecture. Il devait avancer tout droit vers la grande porte d'entrée et quitter Asgard. La raison officielle de son départ était simplement privée: s'assurer que ses parents, partis dans un des pays scandinaves voisins pour affaires commerciales, fussent en vie, suite à la tempête qui s'était abattue dans la région ces derniers jours. Il avait l'habitude de faire cela, son rang de Guerrier Divin au service et aux soins de la population l'autorisait. Après, une fois les remparts franchis, personne ne pourrait savoir ce qu'il ferait. Il avait fait cette promesse à Siegfried de rejoindre la Grèce, il le ferait coute que coute.

Pourtant, il fut arrêté dans son élan vers la sortie, quand il sentit des cosmos inconnus dans la bibliothèque. Rien d'étonnant à ce que l'on laisse la porte entrouverte, c'était une pièce où même le plus petit personnel du palais pouvait se rendre. Par contre des gens qui dégageaient une aura teintée de noirceur à ce point...

Sans un bruit – ses bottes en cuir rembourré ne résonnant pas sur le carrelage – il se glissa contre la paroi. Une autre présence qu'il ne connaissait que trop bien était en compagnie de ces invités imposés. Et cette voix remplie en permanence d'assurance... Que faisait Alberich de Megrez, un Guerrier Divin dans la bibliothèque avec des Spectres d'Hadès?!

« … je regrette en effet de ne pas pouvoir t'offrir du whisky, Rhadamanthe. Je sais que votre visite par chez nous sera ponctuelle. Dans le cas contraire, j'aurais demandé à mon cher oncle de faire importer un des meilleurs crus directement de l'Ecosse...

Alberich minaudait presque et parlait alcool avec un Spectre? Le grand blond ébouriffé non?

-Merci de cette attention, Megrez. J'ignore si une autre occasion se présentera et votre liqueur de la région n'est pas trop mal non plus.

-Permettez-moi de présenter des excuses, mais je déplore l'accueil que Dame Hilda, la si grande souveraine d'Asgard si dévouée, ait pu vous faire. Si cela avait été moi, il y aurait bien plus qu'une viande et de la soupe au repas, crois moi. Et je vous aurais écoutés jusqu'au bout de votre demande d'alliance, surtout...

-Que veux-tu dire? Vous iriez jusqu'à trahir ta souveraine?

-Je n'emploierai pas ces termes là, faisait Alberich. Tu l'ignores très certainement, mais les Megrez, ma famille, a une énorme influence en Asgard, et ce, depuis plus de vingt générations. Nous traitons politique et économie avec les Polaris et les Dubhe entre autres depuis toujours, en somme. Cependant, dans ce monde actuel, il faut savoir faire sa place, ce que vous, Spectres, pouvez comprendre. Or, Hilda est trop gentille. Oui, c'est bien de s'adapter dans cette région, oui, c'est honorable de vouloir se soucier de la population, mais à force Asgard s'effondrera. Quand bien même ce royaume est indépendant, au bout d'un moment, il faut savoir se faire des alliés. Et cette Athéna, jamais elle ne nous a aidés. Les faits sont là. C'est pourquoi je trouve très judicieux de faire ce pacte d'alliance avec vous.

-Hilda de Polaris a pourtant refusé.

-Hilda de Polaris n'est qu'une petite sotte. Elle a refusé l'union entre nos deux familles parce qu'elle me trouvait trop perfide, trop calculateur, ce sont ses termes. Mais la vérité est qu'elle ne veut pas évoluer dans ce monde et qu'elle ne veut affronter personne. Alors que la solution est ici même dans les rayons de cette bibliothèque.

-Que veux-tu dire, Megrez?

-Connaissez-vous la légende de l'anneau des Nibelungen? ….. C'est un anneau maléfique qui permet à celui qui le porte de réaliser tous ses desseins.

-En quoi cela nous concerne-t-il, demanda une autre voix, probablement l'autre Spectre présent.

-Cet anneau offre de grands pouvoirs, alliés au cosmos de son porteur. Personnellement, je vise l'obtention de l'épée de Balmung que tient la statue d'Odin à l'extérieur du palais. Si je la possède, moi, Alberich de Megrez, Guerrier Divin de Delta, je vous garantis cette alliance du royaume d'Asgard avec vous, l'armée du dieu Hadès... »

Impossible... Syd avait dû mal entendre, ce n'était pas autrement... Alberich, de sa propre voix énonçait sa trahison...

Le cœur du jeune homme battait à tout rompre. Il devait se calmer sinon il se ferait repérer. Il devait partir, vite, loin, maintenant...

S'écartant sans bruit de la porte de la bibliothèque, il se dirigea vers l'entrée du palais et sortit à l'air libre. Il respira l'air glacé qui entrait dans ses poumons et, après avoir analysé les environs, se mit à courir à toute vitesse tout droit jusqu'à atteindre les bois, loin de toute garde royale et de toute habitation.

Tout en évoluant parmi les hauts arbres dont les branches étaient chargées de neige qui tombait par surprise, Syd ne se sentait pas pour autant en sécurité. Quand bien même il connaissait cette zone par cœur. Il avait cette impression d'être surveillé à son insu, sans pour autant percevoir un cosmos alentour...

Levant les yeux, il voyait le ciel chargé de nuages qui s'alourdissaient au fur et à mesure que le vent les portait. Encore une tempête de neige pour cette nuit.

Par précaution, il invoqua sa Robe de Mizar et décida de la garder au moins jusqu'à la frontière. Les soldats là bas verraient ainsi qu'il ne fuyait pas comme un traitre ou en cachette.

Il allait enfin en Grèce. Quelque part, depuis sa plus tendre enfance et sans trop savoir pourquoi, il avait cette idée de voir un jour ce pays, cette mer bleue et à priori si paisible en comparaison aux eaux agitées qui se fracassaient sur les falaises proches de la statue d'Odin. Plus jeune il avait entendu parler de ce frère jumeau perdu, parti loin vers les pays chauds. Il savait que ce n'était pas un rêve, que ce garçon existait. Mais dans quelle partie du monde? Avait-il imaginé que ce fut dans l'Europe du Sud ou bien ailleurs? Et si un jour prochain, plus paisible qu'en ce moment, il demandait à Dame Hilda l'autorisation de partir à sa recherche?...

Pour l'heure, la rêverie n'était pas la priorité. Le temps pressait et Syd reprit sa course.

La neige commençait déjà à tomber. C'était un peu magique, la chute des tout premiers flocons, comme s'ils dansaient ou prenaient des formes étranges. Comme ce papillon qui...

Syd s'arrêta tout net. Ce n'était pas un flocon, ni un papillon normal. Jamais il n'en avait vu ailleurs que dans les ouvrages d'histoire naturelle dans la bibliothèque. Et aucune illustration ne décrivait un insecte presque translucide dont les courbes brillaient d'un rose anormal. On le suivait vraiment...

Pourtant, impossible de savoir d'où et...

Une douleur violente le frappa au menton et l'envoya dans la neige. Il venait de se faire attaquer.

Une silhouette se dévoila dans les arbres, tel un corbeau immense qui fondait sur Mizar.

Ce dernier roula au sol et se releva d'un coup. Juste une égratignure, un avertissement, on aurait cru.

« Qui es-tu, cria le Guerrier Divin.

Un homme apparu, vêtu d'une armure sombre, lui donnant véritablement l'allure d'un oiseau noir. Il avait l'air plus jeune que Syd, son regard noir semblait encore celui d'un adulte à peine sorti de l'adolescence ou plus jeune encore... Malgré tout, il dégageait un cosmos puissant et une détermination qui brillait dans ses yeux.

-Je suis Edward du Sylphe, Spectre de l'étoile terrestre de l'envol, se présenta-t-il. J'ai pour ordre de ramener Syd de Mizar, Guerrier Divin de Zeta au palais d'Asgard, sous les ordres de Dame Pandore et du Seigneur Rhadamanthe.

-Je n'ai aucune raison d'obéir à un Spectre, répondit Syd. Je suis dans mon royaume, j'ai le droit d'y évoluer à ma guise. Je ne permettrai à aucun étranger de m'imposer quoique ce soit sur les terres que je protège.

-Le Guerrier Divin Alberich de Megrez a signalé votre haute trahison et votre tentative de fuite. De ce fait, mon supérieur, le Juge Rhadamanthe du Wyvern m'a donné la mission de vous ramener au Palais d'Odin incessamment sous peu.

Alberich... ce salaud. Il l'avait repéré à l'entrée de la bibliothèque. Aucun doute possible...

-Je te le répète, Spectre, tu n'es pas en droit de me donner des ordres. Je ne te suivrai pas.

-Alors, vous reviendrez avec moi, plus mort que vif... »

Edward se mit en position d'attaque, Syd eut à peine temps de parer qu'un coup de pied lui tomba dessus, d'une puissance imprévue.

Le Spectre était rapide et puissant.

Reculant pour mieux riposter, le Guerrier Divin décocha un coup de poing devant arriver au visage de son adversaire. Mais celui ci sauta au tout dernier moment et la main fut contrée par un genou.

Syd n'avait vraiment pas envie de s'éterniser dans cet affrontement. Pourtant il avait devant lui ce qu'il pourrait qualifier d'un spécialiste du corps à corps, qui ne laissait pratiquement aucune ouverture, aucun répit. Et la cadence des coups et des parades augmentait au fur et à mesure, comme si le Sylphe voulait fatiguer Mizar et le vaincre par épuisement.

L'espace d'une seconde avait suffi à Syd pour repousser son adversaire d'un coup de pied en plein estomac. Bien sur, il n'avait pas ébréché le Surplis, mais il avait fait reculer son opposant assez loin pour que lui même ait le temps d'éveiller son cosmos, une aura vert clair l'entourant alors.

Ça y est, Edward fonçait à toute vitesse, comme un corbeau sur sa proie. Ce devait être sa technique à lui. Le Guerrier Divin aussi allait user de la sienne sur le champ.

VIKING TIGER CLAW!

Brandissant son bras droit dans les airs, du bout de ses ongles transformés en griffes grâce au bout du gant de sa Robe, tel un félin des neiges, il l'abattit au sol, dégageant une vague d'énergie verte en direction de son ennemi qui se la prit de plein fouet et s'écroula au sol.

Sur le moment, Syd ignorait s'il l'avait vaincu, s'il était mort ou juste sonné. Il attendit quelques secondes qui lui parurent longues. En reprenant possession de son corps, loin du côté grisant de lancer son attaque puissante, il réalisa les coups à répétition qu'il avait encaissés. Trop rapides et trop rapprochés pour s'en rendre compte au moment même, mais le Spectre l'avait bien amoché.

Mais avant d'inspecter tout cela, il devait observer les réactions d'Edward.

Ce dernier étendu dans la neige, les plaies infligées entourées d'une couche bleutée, comme une matière glaciale qui refroidissait les membres du corps et les immobilisait jusqu'à l'invalidité la plus totale et la mort. L'attaque de Syd n'était pas simplement une salve rapide de coups de poings.

Le Spectre ne semblait plus bouger. Cet adversaire était mine de rien redoutable de par sa rapidité et sa force combinées.

Mais le Guerrier de Mizar n'avait pas le temps de se recueillir sur cet ennemi et son repos éternel. Alberich l'avait signalé comme un traitre non pas à Asgard, mais à Hadès. Il devait quitter ses terres au plus vite et rejoindre le Sanctuaire d'Athéna.

Sans plus attendre, il se retourna et reprit sa course vers les remparts de la frontière.

Mais à nouveau, il ressentit un violent coup dans le dos, au creux des reins et s'effondra.

Il crut perdre conscience, mais dans un effort, il se retourna et vit Edward debout devant lui. Impossible!

Syd évita un poing qui s'abattit au sol dans la neige, là où était son crâne pourtant protégé, une seconde plus tôt et se releva, titubant un peu.

Le Spectre n'était pas dans un bon état... lui même non plus à vrai dire. Il sentait les os de la colonne vertébrale le lancer de douleur. Comme la chute d'un de ces arbres centenaires de la forêt en plein sur son corps.

Une fois face à son ennemi, Syd eut cette impression que ce serait le dernier assaut, une attaque désespérée dans laquelle Sylphe donnerait toutes ses forces pour l'abattre et réussir sa mission, tandis que lui même utiliserait jusqu'au moindre soupçon de son énergie pour le terrasser et rester vivant au maximum.

À nouveau face à face, moins droits que dans les premières minutes de cette rencontre, les deux hommes se tenaient prêts à foncer l'un sur l'autre, les poings serrés.

Il y eut un éclat, un choc violent et du sang se mit à perler dans la neige, la teintant de rouge. Puis une masse sombre tomba, l'autre immobile quelques secondes encore avant de la rejoindre aussi lourdement par terre.

Syd mit un long moment avant de réaliser où il était. Son corps peu à peu le lui informa. Il était encore en Asgard, étendu dans la neige, alors que des flocons tombaient sur son visage, comme apaisant ces douleurs qui se réveillaient petit à petit. Il était vivant à priori et sa protection noire aux reflets verts toujours sur lui. Quelle chance!

Il tourna les yeux et Edward était tombé aussi. Il gisait sur le côté, le regard dans le vide, et ne respirait plus. Le Guerrier Divin avait gagné face à un Spectre, un redoutable adversaire.

En un effort extraordinaire, il se redressa, grimaçant à chaque mouvement qu'il faisait. À genoux, il poussa le corps de Sylphe pour le mettre sur le dos et posa une main sur les yeux pour les fermer. Il avait beau être un soldat sous les ordres d'un dieu différent d'Odin, il méritait de partir de manière décente malgré tout.

À son tour, maintenant, de quitter Asgard.

Syd s'assura que le parchemin que Siegfried lui avait confié était toujours là, glissé dans la manche de sa Robe. D'abord titubant et marchant maladroitement, il prit sur lui pour oublier au mieux ses blessures et se dirigea vers la frontière du royaume, suivi d'un papillon translucide dans son dos...

Aux abords du village de Rodorio, Grèce...

Epuisé, vidé, lessivé. Et encore, les synonymes de toutes les langues du monde d'hier et d'aujourd'hui ne pouvaient pas exprimer l'état dans lequel Kanon se trouvait. Lui, pourtant un des chevaliers les plus forts et les plus respectés du Sanctuaire d'Athéna était dans une sorte de léthargie ou plutôt une démarche de mort vivant. Et pourtant, c'était pour la bonne cause: accompagner son frère à Athènes pour acheter et commander des manuels scolaires et se tenir au courant des méthodes d'éducation pour les élèves du domaine. Mais cette chaleur et ce monde dans les rues de la capitale, il ne s'y était pas attendu. Pourtant il y était allé quelques fois dans cette grande ville, et n'en détestait pas tout. Mais les rues piétonnes un samedi, par un temps radieux, c'était tout bonnement une torture des plus cruelles.

Heureusement, les jumeaux arrivaient au dernier village avant la barrière de force divine et le Sanctuaire. Saga avait promis à son cadet de lui offrir une boisson fraiche et voilà que le moment arrivait enfin. Il l'aimait son professeur de grand frère et ne rechignait pas pour porter à bout de bras deux gros sacs remplis d'ouvrage d'éducation. Mais il fallait aussi prendre soin du chevalier des Gémeaux, quand même!

Tandis que les bâtiments du village se profilaient à l'horizon, un paysan vint à la rencontre des deux hommes, en courant, et à bout de souffle.

« Messieurs, s'écria-t-il. Est-ce que l'un de vous est bien un chevalier d'Athéna?

-Oui, répondit Kanon. Je suis le chevalier d'Or des Gémeaux, Kanon. Qu'y a-t-il?

-J'ai trouvé un inconnu blessé dans ma ferme. Il était inconscient, mais il portait une armure comme vous en avez. J'ai pensé approcher un chevalier à l'occasion mais aucun ne venait par ici et...

-Un chevalier blessé, vous dites? Pourriez-vous nous emmener jusqu'à votre maison? »

Suivant le paysan, Kanon réfléchissait, essayant de se souvenir qui aurait pu quitter le Sanctuaire et partir en mission, dangereuse de surcroit, pour revenir blessé et dans l'incapacité d'atteindre le domaine, mais sans résultat. Un jeune qui aurait bu toute une nuit dans Rodorio et qui aurait pas retrouvé la route? Non. Le port de l'armure est strictement interdit en civil. Il verrait sur place.

En pénétrant dans la modeste demeure, Saga attira l'attention de son frère sur une étrange sculpture sombre, un peu comme la forme totem d'une armure. Mais aucun des deux ne reconnaissait la constellation qu'elle représentait. Kanon, de par sa formation de Grand Pope qui ne s'arrêtait pas, avait appris en détail chaque armure des chevaliers, et il en était sûr et certain, ce n'était pas un protecteur d'Athéna que le fermier avait récupéré. À priori, il était inconscient et inoffensif. Au cas il serait prêt à défendre les gens à l'intérieur de cette maison.

Mais ce fut le chevalier des Gémeaux qui faillit tomber à la renverse en découvrant le corps endormi dans le lit, veillé par ce qui devait être l'épouse du paysan: ces cheveux verts, ce visage clair. C'était...

« BUD? »

Non. Au moment où il prononçait le prénom du Dragon des Mers, il sentit que ce n'était pas lui. Mais son frère jumeau. Qui normalement devait être en Asgard... normalement.


notes de fin: Merci d'avoir lu ce chapitre. Je ne me lasserai jamais de dire à quel point j'aime écrire sur Asgard et il me tardait vraiment d'aborder ce royaume dans Saint Kanon. J'adore Hilda qui est mon personnage féminin préféré de Saint Seiya devant Shaina (et j'aime Shaina aussi), j'adore Syd, j'aime de plus en plus Sieggy et écrire sur le côté enfoiré de Alberich est franchement génial mdr. Je n'en ai pas fini avec les guerriers divins, et je les exploiterai encore dans le prochain chapitre. Même si j'ai du mal avec Fenrir qui m'a traumatisée quand j'étais petite (dsl pour le racontage de vie), je pourrai peut-être le mettre en valeur également. À voir comment j'organise tout cela. Aussi, la tirade de Hilda lorsqu'elle prie Odin vient directement de la vostfr de l'anime, elle n'est pas de moi.
Et puis... ça y est, c'est concret, les spectres débarquent avec leurs gros sabots et le bordel va réellement commencer mdr Je ne peux vraiment plus du tout reculer désormais et je travaille en amont sur les idées et l'organisation de la suite à venir.
Alors j'ai choisi Edward, encore un Spectre de TLC, comme adversaire de Syd. En discutant avec une amie, et en cherchant un ennemi sans trop savoir qui, quoi, j'avais envie d'un attaquant, sans forcément un pouvoir extraordinaire, un soldat mais coriace malgré tout. Et en me renseignant sur Edward, sur l'apparence de son surplis qui ressemblerait à une créature du folklore japonais, le karasu tengu (littéralement corbeau tengu), je l'ai imaginé comme un assaillant qui fonçait sur son ennemi comme le ferait un oiseau en chasse. (source: saintseiyapedia)
Quant au kanji qui fait les interludes c'est arashi, tempête en japonais.
La suite est en réflexion tout comme les plans d'autres chapitres plus loin encore. Le temps que tout cela s'organise, je vous fais des bisous et à la prochaine.