Notes: Bonjour, bonsoir! Voici enfin un nouveau chapitre de Saint Kanon. Écrit non sans mal, mais je suis arrivée à ce que je voulais transmettre. Je vous souhaite une bonne lecture


Dixième histoire: Dans un cauchemar

Le regard dans le vide, Kanon se demandait ce qui pouvait l'exaspérer le plus en cet instant. Le moins important était ce café infâme qu'il tentait de boire. Il était bien gentil Aiolia de servir des boissons aux personnes qui étaient venues dans sa Maison, mais il n'était vraiment pas obligé. S'ils passaient cette guerre, il suggèrerait à son grand frère de lui offrir une meilleure cafetière. Et puis... pourquoi étaient-ils tous dans le temple du Lion déjà? Ah oui... Une migraine lancinante lui avait fait presque oublier tout ça. Ils avaient escorté le Guerrier Divin d'Asgard retrouvé aux abords du Sanctuaire en sécurité dans les escaliers du zodiaque. Il était encore inconscient et avait de ces marques de blessures anormales. Son ennemi ne l'avait pas raté...

Ils s'étaient arrêtés au cinquième temple, quasiment à la moitié des marches. Le Bélier et le Taureau absents pour leurs missions respectives, la Maison des Gémeaux indisponible parce qu'elle était déjà habitée par Saga et Kanon, et l'atmosphère étrange et morbide de celle du Cancer avaient arrêté le choix chez Aiolia.

Ce dernier avait accepté, ses appartements privés étant assez spacieux pour accueillir un convalescent. Par contre, le chevalier des Gémeaux jugeait le désordre pas vraiment digne d'un chevalier d'Or, que Aiolos, et son petit frère tentaient de dissimuler des regards inquisiteurs de Pépé Shion, Athéna ou lui même.

À vrai dire, ce n'était pas ce qui le tracassait le plus. L'attitude de sa déesse par contre lui faisait relativement peur. Certes, elle avait du accélérer ses connaissances du Sanctuaire, engranger des informations encore plus rapidement que lui même, les réunions au Palais du Grand Pope se faisaient de plus en plus fréquentes, et il observait les progrès de la jeune fille sur son savoir. Les questions stratégiques n'étaient peut-être pas son point fort, mais elle faisait des efforts pour comprendre l'art de la guerre. Par contre.. oser dire qu'elle ne connaissait le royaume d'Asgard que parce que feu son grand père traitait avec eux pour sa fondation et seulement cela, sans la moindre référence au panthéon nordique et les relations qu'il entretenait avec son Sanctuaire à elle... Alors qu'ils avaient abordé la question des autres dieux la semaine passée, franchement...

Mais au delà de tout cela, ce qui inquiétait le plus Kanon, était la lettre qui accompagnait le Guerrier Divin, scellée de l'insigne d'Asgard. Il l'avait lue plusieurs fois, seul et en compagnie d'Aiolos et de Shion, et à chaque fois l'angoisse montait en lui.

L'armée d'Hadès tentait de négocier avec le grand nord pour une alliance afin de combattre face au Sanctuaire. Et sa souveraine, Hilda de Polaris aurait refusé. Malgré cela, quelques Spectres et la sœur du Seigneur des Enfers, Pandore en personne, resteraient en Asgard. La prêtresse d'Odin aurait envoyé un de ses guerriers avec ce message pour informer Athéna du danger que les deux divinités encourraient. Et cet homme, le frère de Bud, avait risqué sa vie pour cette mission...

On y était. La guerre avait commencé.

Kanon sortit sur le parvis de la Maison du Lion, prétextant un besoin de réfléchir à l'air libre. Après tout, ils n'avaient pas besoin d'être aussi nombreux au chevet du Guerrier Divin. Aphrodite et des médecins du Sanctuaire lui avaient prodigué des soins bien meilleurs que le paysan qui l'avait recueilli. Il valait mieux le laisser se reposer.

Une fois dehors, il déversa le reste de café de sa tasse dans le creux d'une falaise, puis s'assit sur les marches de l'entrée.

« Mon frère va se vexer s'il te voit jeter son café comme ça, fit Aiolos qui l'avait rejoint.

-Il est bien meilleur chevalier, crois-moi, répliqua Kanon.

-Je te sens agacé...

-Je le suis. Par cette situation, par l'état de cet homme et par l'idée que je vais devoir prendre une décision avec Pépé Shion et Athéna à propos de ce qui se passe en Asgard.

-Kanon, je suis là, moi aussi. Je suis sensé être ton bras droit, donc tu ne seras pas seul.

-Je sais, je te fais confiance, Aiolos...

-Mais?

-Mais j'ai peur que notre déesse ne soit pas à la hauteur. Son cosmos est bienveillant, assez puissant pour renforcer les frontières du domaine mais, si elle devait affronter nos ennemis, est-ce qu'elle pourrait y arriver? Je ne veux pas comparer avec les guerres du passé, mais on se doit de protéger Athéna pour qu'elle en vienne à mettre fin à ce conflit contre Hadès. Or là, je ne vois qu'une enfant riche qui ne semble pas avoir conscience de ce qu'elle a fait par le passé, quand elle combattait d'autres dieux...

-Peut-être que tu mets trop de pression sur ses épaules et sur les tiennes.

-Aiolos, que veux-tu dire?

-Je suis présent aussi dans ces réunions, répondit le Sagittaire en riant, et je vous observe. Peut-être as-tu besoin de te contenter de l'essentiel pour le moment, à savoir réagir à chaque moment dans cette guerre qui a commencé et laisser de côté provisoirement tes futures fonctions de Grand Pope. La priorité actuelle est Hadès qui a lâché ses troupes à la surface de la terre, donc, Athéna et toi, vous ne devriez vous concentrer que sur cela. Et je te le répète, Pépé Shion, le Vieux Maitre et moi même, on est là. Et s'il faut l'avis d'autres chevaliers ou même de ton frère, qui sait, on les fera participer, mais ne rejette pas la faute sur notre jeune déesse et essaye de ne pas te mettre la pression.

Kanon ricana:

-T'es pas le chef des armées pour rien, toi, avec ton discours fédérateur et motivant.

-On est une équipe, que veux-tu...

-Vous avez raison, les jeunes, fit une voix dans leur dos.

Vêtu de l'armure de la Balance, celui que tout le monde surnommait le Vieux Maitre sortait du temple du Lion. Cependant, contrairement aux apparences, Le Gémeaux et le Sagittaire se trouvaient devant un homme un peu plus jeune qu'eux, à peu près du même âge que Milo ou Aiolia. À son arrivée au Sanctuaire, quand ce Dohko s'était présenté comme chevalier de la Balance, Kanon avait cru à un imposteur. Il avait toujours eu cette image d'un petit vieux, confirmée par Shiryu quand il l'avait décrit à son retour de sa formation de chevalier du Dragon. Pourtant il dégageait un cosmos puissant, et derrière ce sourire narquois et fier, une certaine sagesse accumulée au cours de nombreuses années, voire siècles. Et l'accolade chaleureuse entre lui et Pépé Shion n'avait que confirmé son identité.

-Vieux Maitre, salua Kanon en se levant des marches.

-Vous avez vu le Guerrier Divin? Demanda Aiolos.

-Oui, j'en viens, répondit Dohko. Il va s'en sortir, mais le Grand Pope suggère qu'on le garde au Sanctuaire. Ici, on est protégé par cette barrière divine, renforcée depuis qu'Athéna est revenue. Tant qu'il ne quitte pas le domaine, il est en sécurité et sans risque que les troupes d'Hadès le localisent.

-Que voulez-vous dire?

-J'ignore qui était avec cette Pandore en Asgard, mais si les Spectres renaissent en effet d'une génération à l'autre, je suis certain que le témoignage de cet homme nous sera précieux pour mieux connaître les ennemis, expliqua Dohko. Ce qui est plus problématique, c'est qu'il y a de fortes chances pour qu'il ait été suivi malgré lui jusqu'en Grèce.

-Comment ça, se méfia Kanon.

-Les papillons Fairies. De jolis papillons en apparence contrôlés par un Spectre en particulier, ou même par Pandore, qui font office d'espions à priori inoffensifs. Sauf qu'ils peuvent donner leur localisation aux personnes qu'ils suivent, qu'ils collent même.

-Ce qui voudrait dire que les Spectres savent que le Guerrier Divin est en Grèce, en déduit Aiolos.

-Oui, et il faudra s'attendre à leur arrivée. Quand, en quel nombre? Impossible de le dire. Probablement, selon ce qui se passe en Asgard. Et pour cela, tout en surveillant l'extérieur du Sanctuaire, il faudra récolter le maximum d'information de notre blessé.

-Pensez-vous qu'il faille nous rendre en Asgard, également?

-Oui, Kanon. Hilda de Polaris nous le demande, donc tu devrais songer à créer une unité à envoyer là bas. Par contre, ne prends pas Pégase.

-Pourquoi?

-Shion m'a raconté que tu lisais souvent les chroniques des précédentes Guerres Saintes. Tu as du comprendre qu'à chaque fois, le chevalier Pégase était un élément indispensable à la victoire d'Athéna. Que ce soit de manière directe ou non, le cosmos du détenteur de cette armure est une force cachée qui explosera et pourra blesser ou pire le Seigneur des Enfers. À l'époque, mon disciple, Tenma, était le chevalier Pégase. Je suis le premier à attester du potentiel de ces chevaliers.

-Seiya, l'actuel Pégase est d'un niveau supérieur à celui d'un Bronze, du moins au corps à corps, fit Aiolos. Je m'entraine souvent avec lui, donc je peux dire qu'il sait se battre. Quant à son cosmos, je sens qu'il peut grandir encore. Avec mon frère, nous avons suivi de loin sa formation, et il est en perpétuel progrès, c'est certain.

-Tu sembles bien le connaître, remarqua le chevalier de la Balance.

-Au delà de nos rangs, nous avons tissé une amitié, oui.

-Dans ce cas, puis-je te demander de continuer à t'entrainer avec lui, pour qu'il se renforce et éveille son cosmos au plus haut point?

-J'ignore si j'aurai assez de temps, mais je ferai de mon mieux, Vieux Maitre.

-Apprends-lui aussi à viser avec un arc, pour la sécurité de chacun, rétorqua Kanon avec une pointe d'humour.

Aiolos se mit à rire:

-T'as pas envie de servir de cible involontaire à nouveau?

-J'ai un destin tout autre, ouais...

-Vous avez raison de rire un peu, dit Dohko. On ne sait pas ce qui va se passer, alors profitez autant que vous le pouvez de moments comme ça. Allez, je remonte voir Shion. Et vous, soyez prudents si vous sortez au delà du Sanctuaire. »

Tout en regardant le chevalier de la Balance, Kanon se rendait compte des paroles sages et expérimentées de cet homme qui avait survécu à la précédente guerre. Quand bien même celle ci serait différente sur le début, leurs ennemis seraient les mêmes. À eux, protecteurs d'Athéna de tout faire pour protéger leur déesse, mais aussi la population de la terre des desseins néfastes d'Hadès et de clore ce conflit de leur mieux.

Ses pensées allèrent ensuite en direction de la mer, ou plutôt vers les fonds marins dans lesquels les Marinas résidaient. Il se rappelait de cette conversation qu'il avait eue avec Bud, de l'importance de protéger leurs frères respectifs. Fallait-il qu'il révèle l'existence de son jumeau endormi dans le temple du Lion, ou devait-il attendre son réveil? Encore une question sans réponse qui s'ajoutait à la liste de ses doutes. Pépé Shion lui avait dit que c'était une bonne chose, parfois, de n'avoir pas les réponses tout de suite. Foncer sans réfléchir mènerait à la catastrophe, et actuellement, personne ne voulait cela.

Cependant, s'il s'écoutait, là, à la seconde, il descendrait dans la Maison des Gémeaux pour prendre ses affaires de sport et s'enfuir sur sa plage du Cap Sounion. Mais il ne le ferait pas. Il avait cette déesse qui avait encore son âme d'enfant, son frère à lui, et tout ce monde qui animait le Sanctuaire à protéger. Malgré ses doutes, il était Kanon, le chevalier d'Or des Gémeaux et le futur Grand Pope.

悪夢

Royaume d'Asgard.

La tempête n'avait cessé depuis le lever du jour, mais un petit groupe traversait à pied un sentier en pleine forêt pour atteindre une propriété immense en contrebas d'une falaise. Ou une montagne.

« Nous voici sur les terres de ma famille, les Megrez, annonça Albérich. Depuis toujours nous sommes implantés ici, comme le furent nos ancêtres légendaires. En effet, l'on raconte que des nains exploitaient les mines de cette montagne, continuait-il en montrant la paroi rocheuse. Et si l'on en croit les traditions orales, on trouverait à l'intérieur de cette grotte ce que je vous ai promis, à savoir l'anneau des Nibelungen.

-Tu m'as l'air bien sur de toi, Megrez, répondit Rhadamanthe à sa suite dans le cortège. Penses-tu réellement nous aider avec ton histoire, ou est-ce que tu manigances un piège contre nous?

-Ne m'oblige pas à me répéter une nouvelle fois Spectre. Mon souhait est de renverser Hilda de Polaris par tous les moyens, afin de mettre ma famille à la tête d'Asgard, et moi même sur son trône. Et bien évidemment collaborer avec vous pour la domination de la surface de la terre, cela va de soi.

-Mais es-tu sur que ce Guerrier Divin, Mizar n'est pas un danger? Il avait pourtant surpris notre conversation...

-A l'heure qu'il est, il a du succomber à ses blessures bien avant d'atteindre la frontière ou même la Mer du Nord. Syd était un faible, bien plus préoccupé par les affaires commerciales de son père que par son rôle de Guerrier Divin. Mais peu importe, nous voici arrivés.

À la lueur de torches enflammées, le groupe pénétra dans la grotte peu profonde, dont le mur du fond empêchait l'accès à bien plus loin dans le noir. Juste devant eux, un curieux autel en pierre se dressait, un petit écrin posé en son centre.

-Est-ce l'anneau? Demanda Rhadamanthe.

-Oui. Scellé jusqu'à ce qu'on se présente devant Hilda. Cependant... cette petite sotte se méfie bien trop de moi, et je pense que ce sera pire depuis que vous avez investi notre royaume. Ce ne sera pas une mince affaire de le lui mettre au doigt sans que ses toutous fidèles viennent m'interroger. Et l'attaquer dans un angle mort du palais paraitrait suspect...

-Je pourrais envoyer un de mes hommes pour ce faire, suggéra le Wyvern.

-C'est à dire?

-Une de mes recrues vient à peine de s'éveiller tout récemment. Ses souvenirs ne sont pas encore revenus, sa mémoire lui fait grandement défaut, il ignore son nom et n'est pas capable d'identifier son étoile terrestre ni même le nom de son Surplis. Mais il détient un fort pouvoir de sommeil et son cosmos a l'air assez puissant. Comme personne ne le connait encore, il sera très facile pour lui d'agir en toute discrétion.

-Ca vaut le coup d'essayer, admit Alberich.

-Dame Pandore essaye tant bien que mal de convaincre votre souveraine, mais cela n'a pas l'air de fonctionner, même après quelques jours ici. Si nous n'agissons pas maintenant, les chevaliers d'Athéna pourraient venir mettre à mal tous nos plans, et ni Pandore, ni même notre Seigneur Hadès ne voudraient cela.

-Alors retournons au palais d'Odin pour mettre Hilda hors jeu », conclut Alberich.

悪夢

La nuit tombée, Albérich patientait encore dans la grande salle du trône, sirotant une liqueur, tout en lisant un ouvrage ancien. Du moins, c'était ce qu'il laissait paraître aux yeux de Siegfried et si ce grand dadais pouvait déguerpir, sinon le plan tomberait à l'eau. Mais le chef des armées se méfiait de lui également. À juste titre, il était vrai. Cependant il avait l'habitude d'aller se coucher plus tôt. Or la tempête de neige n'avait toujours pas cessé et Dubhe attendait le retour de l'unité de son grand frère, Sigmund pour s'assurer que tout irait bien. Pour éviter encore plus d'inquiétude à Dame Hilda, selon ses propos exacts.

La souveraine n'aurait plus aucun souci à se faire ni pour son bien aimé ni pour Asgard et encore moins pour elle même, une fois l'anneau à son doigt.

Encore une gorgée d'alcool. Megrez n'avait pas pour habitude de se souler, et appréciait boire petit à petit pour se délecter du goût subtil de cette boisson. Il était fier également d'avoir fait aimer la liqueur à Rhadamanthe, qui préférait le whisky à l'origine. Le Guerrier Divin pensait avoir lié quelque rapprochement avec le Spectre. Sans parler d'amitié, il entretenait de longues conversations intelligentes avec ce blond hirsute, un peu rustre au premier abord. Dans une pensée délirante et totalement irréelle, il s'imaginait déjà maitre suprême d'Asgard, dirigeant ces terres glacées d'une main de fer, brandissant l'épée de Balmung, et, à ses côtés le Wyvern qu'il aurait débauché de l'armée d'Hadès pour en faire son fidèle bras droit. Ainsi, avec son intelligence et la force brute de cet homme, le monde serait à leurs pieds pour de longues années. Le rêve!

Posant ses yeux sur le livre ouvert sur ses genoux, Alberich soupirait. Il l'avait lu beaucoup trop de fois, mais il avait pioché au hasard pour patienter.

Siegfried s'approcha:

« On vient de me signaler que la seconde unité est de retour saine et sauve, déclara-t-il. Je vais les accueillir et ensuite je monterai me coucher.

-Tu es grand, Siegfried, tu sais ce que tu dois faire.

-Tu restes là, toi?

-Oui, répondit simplement Alberich. Je suis un grand garçon, si les hommes de Pandore m'attaquent, je saurai me défendre, ajouta-t-il d'un ton sarcastique qui fit partir Dubhe l'instant d'après.

Chuchotant un 'abruti' en direction de l'homme qui disparaissait derrière la grande porte, Megrez se leva, terminant les dernières gouttes de liqueur et passant sa langue sur les lèvres pour savourer jusqu'au bout ce goût subtil. Il se dirigea à l'opposé, vers la baie vitrée qui menait sur le balcon en pierres à l'extérieur, là où patientait Rhadamanthe depuis un moment avec quelques uns de ses hommes dont le Spectre amnésique. Il leur fit signe de revenir dans le palais.

-Comment procédons-nous, demanda le Wyvern.

-Comme prévu, affirma Alberich. Tout est silencieux par ici. Les Guerriers Divins sont rentrés et très probablement partis se coucher, les servants ont fini leur travail et doivent être retournés dans leurs quartiers, la jeune Freya est à l'étage et votre Dame Pandore dans sa chambre proche de celle de Hilda. Rappelez-vous, elle a le sommeil léger et peut être sur ses gardes.

-Mon soldat devrait s'occuper de cela en l'endormant, n'est-ce pas?

Le Spectre noir au surplis si sombre qu'il se fondait dans les zones d'ombre du palais acquiesça en silence.

-Quant au reste de mes hommes, ils se tiennent prêts à intervenir.

-Chose que nous ne voulons pas, afin de n'éveiller aucun soupçon avant que nous n'ayons pu révéler le pouvoir de cet anneau, on est d'accord.

-Myu du Papillon se chargera d'expliquer notre plan à Dame Pandore le moment venu.

-Eh bien n'attendons pas. Suivez moi, je vous emmène vers la suite de Hilda. »

Dans la pénombre, suivi des Spectres, Alberich ne retenait plus ce rictus satisfait rien qu'à l'idée que cette pimbêche allait enfin être mise à l'écart ou bien pire encore.

Le petit groupe franchit une porte dérobée dans le fond de la salle, près du trône, qui menait vers un couloir sombre, avec à son bout, leur destination: la chambre de la souveraine d'Asgard. Megrez connaissait l'existence de ce passage pour l'avoir repéré un grand nombre de fois, souvent surpris par Hilda, Siegfried ou quelque autre personne qui se méfiait de lui depuis son intégration dans l'ordre des Guerriers Divins.

Cette nuit là, personne ne l'empêchait d'entrer dans cette chambre. Et cette idiote de Hilda qui n'avait même pas verrouillé la serrure. Ça se déroulait bien mieux qu'il ne l'avait espéré.

L'on fit passer le Spectre amnésique devant le cortège pour qu'il s'immisce dans la pièce sans bruit.

À la lueur lointaine des petites torches du couloir, Alberich observait les gestes appliqués de l'homme, agrandis grâce au jeu des ombres.

Un filet d'une lumière dorée s'échappa du doigt du Spectre et vint s'insinuer autour de la jeune femme endormie. Rien ne se passa juste après, mais il indiqua au groupe resté sur le pas de la porte que tout semblait bien se dérouler. Toujours d'un signe de tête, sans prononcer un mot.

Une pensée vint à l'esprit de Megrez, jugeant que les soldats d'Hadès étaient vraiment spéciaux dans leur genre. Cependant il devait rester concentré et attentif sur la suite.

Portant une main au niveau des hanches, il serra en son creux la bourse de cuir dans laquelle reposait l'anneau des Nibelungen. C'était pour bientôt.

Alors que le silence régnait en maitre, Alberich s'avança au chevet de Hilda. Même au clair de lune elle était énervante de beauté et de charisme. Et dire qu'elle avait refusé sa demande en mariage. Ensemble ils auraient pu avoir tant de projets pour ce minuscule royaume. Désormais, sa souveraineté se terminait cette nuit.

Le Guerrier Divin ouvrit la sacoche et en sortit la bague. Un très beau bijou aux détails complexes et qui dégageait une force incroyable. Rien que le fait de la tenir dans la paume de la main, il avait l'impression de soupeser dix encyclopédies. Mais il appartenait à la dame de Polaris.

Lui prenant son poignet mou, sans craindre de la réveiller, il s'apprêtait à passer l'anneau autour du majeur quand le Spectre le stoppa, posant sa main sur l'épaule.

« Qu'y a-t-il, chuchota Alberich.

-Rhadamanthe et les autres Spectres devraient rejoindre Pandore, répondit simplement l'homme d'une voix normale. C'était presque choquant de l'entendre parler d'une part et de son supérieur ainsi, sans la moindre note de respect. Toi, tu restes ici, ajouta-t-il. Une fois que tu auras passé l'anneau à cette Hilda, tu pourras partir. Les choses se feront alors d'elles-même.

Pardon...?

Alberich n'en revenait pas de la manière dont ce Spectre parlait. Déjà, il parlait, mais sans se rendre compte à qui il s'adressait ni de qui il faisait référence. S'il avait été son supérieur, il l'aurait rossé de coups pour ce manque de respect. On ne traitait pas son chef et encore moins Alberich de Megrez de la sorte!

Entretemps, le Wyvern et les autres soldats avaient quitté le couloir.

-C'est bon, Megrez, tu peux mettre l'anneau des Nibelungen au doigt de Hilda de Polaris.

Le Guerrier de Delta s'exécuta, lançant un regard incisif à cet interlocuteur qui lui donnait des ordres d'un coup.

Dès qu'il eut entouré le fin majeur du bijou, une lumière argentée en jaillit, réveillant alors la jeune femme dont les yeux s'ouvraient grand, beaucoup trop grand pour son visage, lui faisant arborer une grimace d'horreur, comme si elle souffrait de l'intérieur.

Un cri effroyable sortit également de la gorge de Hilda, sa voix alors devenue stridente, comme étrangère, inhumaine, même.

Alberich lui même fit un pas en arrière, impressionné par le pouvoir insoupçonné de cet anneau. Cela dépassait les écrits légendaires et les traditions orales qu'il connaissait par cœur. C'était au delà de ses espérances. Il regardait la souveraine d'Asgard se tordre dans son lit comme si elle luttait en vain face à cette puissance en elle, et réalisait qu'elle ne faisait pas le poids. Hilda de Polaris avait vécu. Son heure à lui et au clan Megrez était venue, enfin.

Avant de se réjouir de sa victoire, il fallait quand même la calmer. À cause de ses cris, elle a du réveiller tout un pan de cette aile du Palais, Siegfried et compagnie en premier.

Fuir de la chambre dans un premier temps.

Mais avant d'esquisser le moindre geste, le Spectre l'interpela:

-Attends, Megrez. Je vais plonger Hilda dans le sommeil.

-Tu es quand même au courant que si elle dort encore, on ne pourra pas la manipuler pour aider ton patron et ton dieu? C'était le but de notre plan, il me semble, non? Que je puisse à mon tour diriger Asgard.

-Non, trancha l'homme. Tu n'as servi qu'à nous fournir l'anneau des Nibelungen pour contrôler Hilda et Asgard, nuance. Tu n'es qu'un simple pantin.

Alberich fulminait. On l'avait pris pour un imbécile en se servant de ses plus chers désirs. Par la pensée, il appela sa Robe Divine de Megrez. Il fut ainsi revêtu de sa protection bleu vert, prêt à en découdre avec ce Spectre qui l'humiliait outre mesure.

-Je ne te permets pas de me prendre pour un demeuré, Spectre. C'était à moi d'en finir avec Hilda. Vous nous avez bien roulés, en effet, toi et tes acolytes. Et ton chef, Rhadamanthe est en effet bien plus intelligent qu'il en a l'air. Mais vous allez vous aussi tous mourir.

-Rhadamanthe n'est pas mon chef et n'a pas à tout connaître des plans d'Hadès. Sa seule mission sera de prendre le contrôle d'Asgard tandis que je resterai près de Hilda pour le bien des Enfers. Dans son sommeil, elle pourra semer le chaos sur terre grâce à sa puissance et l'anneau à son doigt.

Finissant ses paroles, la protection noire autour de l'homme se craquela çà et là et d'une lumière dorée explosa un Surplis bien plus impressionnant, une roue semblable à celle d'un paon dans le dos d'un homme grand, au cosmos doré également tout comme sa courte chevelure ornée d'un diadème décoré d'une aile sur le côté. Sur le front, une étoile à cinq branches et un regard d'un jaune pâle brillant, glacial, impressionnant.

Sentant cette aura écrasante, Alberich se doutait qu'il n'était pas en face de n'importe qui, mais il ne devait pas se laisser avoir.

-Qui es-tu...?

-Toi qui prétends tout savoir pour vouloir tout dominer, tu aurais du t'en douter. Tu as devant toi Hypnos, le dieu du Sommeil. Pars, si tu veux rester en vie pour assister à la domination de Asgard et d'Hadès sur le Sanctuaire et la Terre. »

Le Guerrier Divin ne laissa rien paraître. Sans s'en rendre compte, son rictus de satisfaction revint sur son visage. Tuer un dieu pour contrôler lui même Hilda. L'occasion inespérée.

Une épée aux reflets roses et violets arriva dans sa main droite. L'épée d'améthyste. Augmentant son cosmos, il brandit son arme en direction de cet individu.

L'instant d'après, il n'entendit qu'un murmure...

Eternal Drowsiness

… et son corps se tordre de part en part, comme s'il flottait au dessus du sol. Et la toute dernière chose qu'il voyait était Hilda repartie dans un sommeil calme mais torturé.

悪夢

Pandore se réveilla en sursaut, prise d'un haut le cœur. En observant autour d'elle, elle se rappelait. Asgard, les négociations qui ne menaient à rien depuis plusieurs jours avec Hilda, malgré une entente polie entre elles, et l'idée de revenir plus tard reprendre la discussion une fois la guerre face à Athéna entamée, en ajoutant des pressions supplémentaires. Elle s'était couchée dans cette chambre fraiche, le vent soufflant au travers des interstices des fenêtres pourtant bien fermées et l'air passait au travers des rideaux épais et même du bois massif de la porte de la chambre.

Pourtant un cri effroyable la sortit de son sommeil. Et puis ces bruits de chute. Mais surtout ce cosmos gigantesque qui se ressentait dans une chambre proche.

Sans avoir eu le temps d'appeler quelque serviteur, l'on vint frapper à sa porte et l'on entra. Rhadamanthe.

« Que se passe-t-il, demanda la jeune femme tourmentée.

-Dame Pandore, nous devons partir. Il faut quitter le palais d'Odin immédiatement, répondit le Spectre.

-Explique-moi d'abord. Il est arrivé quelque chose à Hilda?

-En effet. Avec l'aide d'un de mes hommes et d'Alberich de Megrez, nous lui avons mis l'anneau des Nibelungen et...

-Sombre idiot, cria Pandore. Vous en ai-je au moins donné l'ordre? Et qui est cet homme?

-C'est...

-Je ne ressens plus le cosmos d'Hilda. Si jamais elle est morte, j'en ferai le rapport à notre Seigneur Hadès. Tu le sais, Rhadamanthe, que notre Seigneur est bon, qu'il n'aime ni la violence gratuite et encore moins effectuée sans obéissance à notre cause...

-Oui, Dame Pandore.

-Allons voir ce qui se passe, et sois sur que ta sentence sera à la hauteur de la gravité de tes actes.

Enfilant un châle autour de ses épaules, la femme aux longs cheveux noirs sortit dans le couloir, le Wyvern sur ses talons pour pénétrer dans la grande chambre voisine.

Devant ses yeux qui s'agrandirent de frayeur, elle constata la situation: un homme portant une armure allongé au sol, sans vie. Et au chevet de Hilda, un être qu'elle connaissait depuis la nuit des temps.

-Hypnos...

-Cela fait longtemps, Pandore. Je te conseille de retourner auprès d'Hadès. Je m'occupe de contrôler Asgard et Hilda pour le moment. Le Seigneur des Enfers ne voudrait pas que sa sœur soit blessée inutilement à l'aube d'une guerre.

La jeune femme ne répondit pas. La voix grave et trainante du dieu du Sommeil l'acculait presque au mur, l'immobilisant de peur. Elle ne maitrisait plus rien, se sentait impuissante...

-Veuillez me pardonner d'interrompre, fit Rhadamanthe. Un de mes hommes vient de m'informer que les Guerriers Divins ont été réveillés par l'agitation et pourraient attaquer.

-Eh bien, enferme-les dans les cachots, Wyvern, ordonna le dieu. S'ils se rebellent, tuez-les. Quant à toi, Pandore, quitte ce palais. »

Sans dire mot, la jeune femme obéit. Elle jeta un œil à Hilda, un sentiment d'impuissance face à l'état de cette souveraine pourtant si forte mentalement. Elle regrettait la tournure des événements, mais craignait bien plus la colère des dieux...

悪夢

Grèce.

''Syd! Syd! Je reviendrai! On se retrouvera, je te le promets''

La voix d'un petit garçon résonnait au loin, et cette silhouette floue dont les cheveux semblaient de la même couleur que les siens. Incapable de bouger, il aurait donné toute son énergie pour chercher cet enfant qui l'appelait. Il était loin, dans un endroit chaud mais dans lequel circulait un vent doux et rafraichissant, loin du froid d'Asgard. Était-ce son frère? Il aurait tellement voulu s'en rendre compte. Cependant, il était prisonnier de ce matelas de neige, de ces poids invisibles qui retenaient ses membres. Il n'avait plus de force. Mais s'il l'appelait, peut-être qu'il serait entendu... Il entrouvrit les lèvres pour libérer un son, le plus clair et le plus puissant possible. Ses poumons se vidèrent d'air et une douleur dans la poitrine le stoppa dans son élan.

L'instant d'après, la silhouette n'était plus. Devant lui, un plafond de vieilles pierres, un pan de mur en face, et sur les côtés et lui même bordé de légers draps. Juste cela sur son corps. Pas d'autres couvertures de laine ni une fourrure d'animal sauvage accumulées sur lui. Et malgré le manque de poids dans cette curieuse couchette, il n'avait pas froid. Par contre son corps entier le lançait de douleurs aléatoires qui le faisait souffrir.

Rassemblant ses souvenirs, Syd revoyait ce combat face à Edward ce Spectre aux allures de corbeau qui lui avait foncé dessus dans les bois d'Asgard. Et puis sa sortie vers les frontières de son royaume, faisant des pauses loin des villes pour ne pas inquiéter des inconnus qui n'avaient pas à savoir comment il avait obtenu ces contusions ni pourquoi il portait une armure vert nuit. Descendant vers le sud, direction la Grèce, il avait couru encore et encore jusqu'à trébucher, jusqu'à s'évanouir même au creux de forêts proches d'autoroutes en plein milieu de l'Europe, sans connaître le lieu exact où il se trouvait. Pourtant, il n'avait pas abandonné son objectif, vérifiant à chaque réveil s'il avait toujours la lettre de Dame Hilda. Puis, approchant une région plus chaude pour lui, le soleil tapant constamment, il sentait ses forces s'abandonner peu à peu. Quelque part, il se doutait être arrivé en Grèce. Des dizaines de personnes sortant de véhicules, caméras et appareils photos entre les mains, se précipitant presque vers des bâtiments en ruine... Athènes, la capitale ne devait pas être loin. Et lui, pratiquement arrivé au Sanctuaire, qui était en retrait à l'intérieur du pays. Il sentirait la barrière de protection divine, signe qu'il aurait accompli sa mission. Cependant son corps en avait décidé autrement. Les températures bien plus chaudes que dans sa région natale l'affaiblissaient petit à petit. La soif se ressentait, mais dans sa fuite, il n'avait même pas pris assez d'argent pour tout son périple. Il avait décidé de se reposer un peu au pied d'un arbre feuillu et de repartir demander son chemin dans un de ces villages reculés. C'était sa dernière pensée jusqu'à présent.

Tout en observant le peu qu'il avait dans son champ de vision, Syd réfléchissait à l'endroit où il se trouvait. Et ce rêve... il avait cru y apercevoir son frère. Était-il proche de lui ou bien était-ce le fait de son imagination...

Un cri s'échappa de sa gorge quand il voulut se redresser. Sous son drap, il constata son torse entouré de bandages et il portait un pantalon fin qui n'était pas le sien. On l'avait recueilli et soigné. Mais qui avait fait cela?

Le Guerrier Divin sentit une présence approcher. Allié ou ennemi? Quelle importance, il pouvait à peine bouger sa tête sans que ses cervicales ne protestent. La soif revenait, comme avant de perdre conscience et même la faim arrivait et tordait peu à peu son estomac.

Une porte en vieux bois grinça et s'ouvrit. Les yeux dorés de Syd roulèrent vers la droite d'où on arrivait. Une voix d'homme adulte brisa le silence:

« … je le retiens ce Milo, avec son ongle. Il a failli me crever un œil.

Syd avait quelques notions des langues principales du monde, grâce à sa formation de Guerrier Divin et son père qui parcourait les pays avec son commerce. Il arrivait à saisir le grec prononcé par l'inconnu et ressentait un cosmos assez puissant mais pas hostile pour autant.

L'homme s'approcha de son chevet, et Syd croisa son regard avec des yeux bleu vert au milieu d'un visage à la peau bronzée, tellement différente de celle pâle des habitants d'Asgard, le tout entouré d'une chevelure châtain clair que l'on pouvait presque comparer à la crinière d'un lion.

-Ah... tu es réveillé, lui demanda-t-il.

Un son rauque sortit de la gorge de Mizar, comme pour signifier qu'il était conscient. Depuis combien de temps n'avait-il pas parlé?

-Je suis Aiolia, chevalier d'Or du Lion, et protecteur d'Athéna. Tu es ici au Sanctuaire, dans ma Maison précisément. On a vu la lettre de ta souveraine qui nous a été adressés. Tu es en sécurité ici, en tout cas.

-... merci. »

C'était tout ce que Syd avait pu arriver à articuler pour le moment. Pourtant, ce qu'il aurait voulu dire tout ce qu'il avait vécu depuis l'arrivée de l'armée d'Hadès chez eux. Et aussi de cette trahison de la part d'Alberich. Il ne put qu'obéir quand ce chevalier lui proposa de se ménager et de ne pas s'affoler. Ce Aiolia avait l'air gentil, et malgré son côté maladroit du peu que Syd voyait depuis le lit, il semblait faire de son mieux en tant que garde malade. Dès que son corps le voudrait, il expliquerait tout, à ce Lion et surtout à Athéna si elle voulait bien le rencontrer.

悪夢

Accompagné de Aiolia, Syd sortait pour la première fois de la Maison du Lion. Depuis deux jours qu'il avait repris ses esprits, son corps aussi se réveillait et les douleurs qui l'envahissaient à cause des blessures infligées par ce Spectre.

Dehors, le soleil avait disparu derrière d'épais nuages lourds d'eau qui se déversaient par surprise, par averses violentes et imprévisibles. Un phénomène météorologique anormal en cette période de l'année pour les habitants du Sanctuaire et de la Grèce en général, d'après les dires du chevalier d'Or. Et ces dérèglements du temps se produisaient un peu partout dans chaque région du monde, mais plus particulièrement dans le nord de l'Europe où des inondations exceptionnelles avaient été constatées, engloutissant pratiquement des régions portuaires sur les côtes de la Mer du Nord.

Aiolia s'en étonnait depuis la veille, lisant un journal d'informations que lui prêtaient les autres chevaliers d'Or. À priori, se mettre au courant des actualités internationales par tous les moyens possibles, même au travers de la presse et de la télévision qu'il y avait au village le plus proche faisait partie des choses courantes et possibles pour les protecteurs d'Athéna. Et cette météo capricieuse était également la raison pour laquelle Syd sortait pour la première fois à l'extérieur. Aidé de son logeur, il s'apprêtait à gravir ces longs escaliers de pierre qui avaient du connaître de longs siècles et tout autant d'événements depuis la nuit des temps. La route lui semblait interminable, jusqu'à pouvoir atteindre la statue d'Athéna dont il n'apercevait que le bout du casque derrière les Maisons et les nombreux virages qui l'attendaient sur son chemin.

Se retournant, il découvrait la partie basse du Sanctuaire, avec une grande arène côté ouest, des ruines, des colonnes couchées sur la terre battue, et des petits points qui s'agitaient à vitesses variables. Ce domaine semblait toujours vivant depuis les temps mythologiques et grouillait d'activités. Si les circonstances avaient été différentes, Syd aurait même souhaité découvrir un peu cet endroit si différent d'Asgard, en rendre compte à Dame Hilda et faire en sorte que les deux divinités renforcent leurs relations diplomatiques juste à titre amical.

Mais pour l'heure, il devait compter sur Aiolia pour gravir ces marches. Ils s'y étaient pris assez tôt dans la matinée, étant donné qu'ils étaient conviés dans ''le Palais du Grand Pope'' selon les termes du Lion, pour une réunion de crise.

Le Guerrier Divin avait fait un court résumé de la situation dans le nord à Aiolia et à son grand frère, Aiolos du Sagittaire, mais il voulait garder les détails pour Athéna. Et la veille, il était encore tellement faible. Aujourd'hui, il avait pu se nourrir correctement, et malgré cette impression de poids lourd dès qu'il bougeait, il arrivait à faire l'essentiel de son corps.

Une voix retentit dans leur dos, alors qu'ils gravissaient l'escalier entre la Maison du Scorpion et celle du Capricorne:

« Aiolia, fit un homme imposant, un peu plus petit que Thor de Phecda, un des deux nouveaux Guerriers Divins d'Asgard. Il portait une armure dorée et malgré ce large sourire jovial, Syd ressentait un cosmos puissant.

-Oh, Aldébaran, s'exclama le Lion. Ça fait longtemps. Tu rentres de mission?

-Oui, soupira le géant. Qui est-ce avec toi?

-Syd de Mizar, un Guerrier Divin d'Asgard qui a été retrouvé proche d'une entrée du Sanctuaire par Kanon. Syd, voici Aldébaran du Taureau, chevalier d'Or qui garde la deuxième Maison du zodiaque. D'ailleurs, s'adressa-t-il à son ami, si tu montes au Palais avec nous, tu seras mis au courant de l'histoire et...

-J'ai croisé ton frère en chemin, il m'a mis au courant des très grandes lignes qui rejoignent ce qui m'est arrivé en mission. En plus, ce sale temps n'arrange rien. Non seulement mon potager mais celui du domaine risquent d'être endommagés et beaucoup de récoltes seront perdues avec cette maudite pluie...

Syd s'étonnait alors qu'il montait doucement les marches en compagnie des deux chevaliers. N'était-ce pas futile de se préoccuper d'un jardin alors qu'une menace divine était en train de s'abattre sur terre? Et que faisait un homme aussi grand et baraqué à s'inquiéter pour trois plants de fruits de surcroit? À moins que ce ne fut une divergence de cultures entre les deux sanctuaires et qu'en Asgard on ne se souciait que trop peu des rares plantations qui survivaient au moins un mois par miracle...

-Ton blessé me regarde bizarrement à parler de potager, mais je le comprends, se mit à rire Aldébaran. Pour information, et ce n'est pas un secret diplomatique, depuis ma Maison, j'ai vue sur les terres cultivées du Sanctuaire. Nous avons des agriculteurs qui font pousser autant de fruits que de légumes et qui participent à nourrir notre domaine. Or, voici des siècles, les gardiens du deuxième temple, en plus de protéger l'accès à la statue d'Athéna et au palais du Grand Pope, se chargent d'un petit carré de terre à l'extérieur et on y fait pousser les meilleures variétés de fruits et légumes, pour notre déesse et pour son représentant. On dirait pas, n'est-ce pas?

-Je ne juge pas, répondit Mizar. Mais je n'aurais pas deviné non plus.

-Et tu reviens d'où? Demanda Aiolia.

-Du nord. J'ai parcouru le cercle polaire arctique pour limiter les catastrophes dans les zones habitées, de la Russie au Canada, en passant par le Groenland. Je n'ai croisé aucun ennemi, si ce n'est la fonte des glaces, les inondations et j'en passe des trous qui se formaient dans les eaux profondes pour jaillir des vagues gigantesques qui s'abattaient sur les villes et villages. J'en ai reconstruit des digues et enterré aussi des victimes de tout âge... Pendant deux semaines je n'ai pas arrêté et c'est pas prêt de s'arrêter... sauf si on en trouve l'origine... Crystal, qui est en Sibérie fait de son mieux lui aussi, mais cela ne suffit pas.

-Ce que tu viens de nous dire est horrible, constata le Lion, et cela concerne très probablement le sujet de notre réunion, avec Syd et Athéna. Ton témoignage ne pourra qu'aider. »

Aldébaran acquiesça et les trois hommes reprirent leur ascension vers le sommet des escaliers.

Une fois arrivés, le Taureau et le Guerrier d'Asgard racontèrent à tour de rôle et dans les moindres détails leurs histoires à tous ceux qui étaient présents, à savoir Shion le Grand Pope, Kanon des Gémeaux, la déesse Athéna mais aussi Dohko, le chevalier de la Balance.

Ce dernier prit la parole dès la fin du récit de Syd et la mention d'Alberich de Megrez:

« Les Megrez... Je connais cette famille pour avoir affronté un de leurs membres il y a plus de deux cents ans. Alberich le Treizième, il s'appelait. Un sombre idiot qui croyait que je détenais le secret de la vie éternelle parce que malgré mes cinquante ans, j'avais encore un visage de jeune homme. Il voulait que je l'accompagne en Asgard pour lui dévoiler mes capacités alors que ma mission était de veiller sur le sommeil des Spectres d'Hadès depuis les Cinq Pics de Rozan.

-Je me rappelle, dit Shion. Tu m'en avais fait part dans une de tes lettres à l'époque. Mais tu ne m'avais pas dit ce qui s'était passé jusqu'au bout.

-Il a voulu engager le combat avec une technique curieuse, Nature Unity il me semble. J'avais réussi à le battre, une fois la surprise passée. Je l'avais laissé en vie parce que je n'avais que faire d'un homme mort alors que ma mission était bien plus importante...

-Albérich... du moins l'actuel, nous affirmait sans cesse que cet ancêtre qui avait dévoilé à notre peuple l'existence des chevaliers d'Athéna était mort sur place après un combat acharné. Mais si ses mémoires authentiques sont conservées dans le domaine des Megrez, en effet, il a très bien pu les écrire à son retour et amplifier la légende autour de lui, expliqua Syd. Ce n'est en aucun cas son fantôme qui l'aurait fait...

-Le Alberich actuel est aussi stupide que son ancêtre demanda Dohko.

-Stupide, non. Mais comme je voulais dit, il est fourbe et sournois au point de s'allier avec des Spectres d'Hadès pour faire tomber notre souveraine. Il a même mentionné l'anneau des Nibelungen, un bijou maudit qui confère un pouvoir puissant et maléfique à qui le porte. Il est au courant de son existence et comptait le faire passer au doigt de Dame Hilda pour prendre la direction de notre royaume à sa place.

-Concrètement, il ferait quoi comme méfaits cet anneau, demanda Kanon.

-Dans les légendes, on parle de fléaux, de catastrophes naturelles et que sais-je d'autres... Il existe une grande différence entre les contes qu'on nous lit enfant et la réalité.

-La pluie qui ne cesse de tomber, les inondations et les tsunami qui s'enchainent dans le nord dont Aldébaran nous a parlés peuvent en faire partie? Tout comme la fonte des glaces dans les pôles?

-Je pense.

-Si ce que tu dis est vrai, Syd de Mizar, intervint Athéna, il faut agir. Tu es venu au péril de ta vie porter une lettre de la part de Hilda de Polaris nous demandant notre aide, on ne peut laisser ton peuple et le reste de la planète sombrer ainsi. D'après les légendes, y aurait-il un moyen de stopper la puissance de cet anneau?

-L'on raconte que l'épée de Balmung que notre dieu Odin tient dans sa main peut briser le sort en effet. Cependant aussi imposante et visible soit-elle, cette arme ne s'obtient que d'une seule manière: en réunissant les sept saphirs qui ornent les Robes Divines, nos armures. De leur pouvoir on peut l'invoquer et dominer le monde ou bien le sauver. Si telle est la meilleure solution, je suis prêt à vous prêter le mien qui est sur la Robe de Mizar.

-Nous t'en remercions, Syd, répondit Shion. Et en effet, nous devons intervenir en Asgard, nous n'avons plus le choix. Kanon, puis-je te charger de former une unité pour cela?

-Oui, Grand Pope. Aussitôt prêts, nous partirons. Cependant, je me permets de suggérer deux choses importantes. La première concernant Syd. Pour sa sécurité et d'après ce que Dohko nous a dit sur les papillons d'Hadès, il serait plus sûr qu'il reste ici au Sanctuaire. Par respect et pour tout ce qu'il a fait et pour toutes les précieuses informations qu'il nous a fournies je m'engage à revenir ici avec son saphir intact.

-Tu as raison, répondit le patriarche. De plus ses blessures ne semblent pas guéries. Quelle est la seconde suggestion?

-Prévenir Poséidon. Le Gémeaux reprit la parole alors que des soupirs de surprise se faisaient entendre dans l'assistance. Je sais qu'Athéna a conclu un pacte de paix avec ce dieu, j'étais présent. Cependant, les catastrophes qui se déroulent actuellement dans le monde se font principalement dans les mers et les océans, soit le domaine de Poséidon. Sans parler d'alliance, il me semble cependant important, même primordial de l'informer de ce qui se passe, pour que lui puisse agir avec son armée, afin d'éviter une catastrophe et un déséquilibre dans leur monde à eux. De la paix à la surface de notre terre dépend celle du monde sous-marin. Et la moindre des choses dans un tel pacte est de maintenir les informations surtout lorsqu'elles sont d'une gravité telle que nous en vivons actuellement.

-Kanon a raison, ajouta Athéna. Le temps que tu prépares les hommes qui iront en Asgard, j'écrirai une lettre à Poséidon, l'informant de la situation. Tu en feras de même pour ton équivalent, le Dragon des Mers, Bud, il me semble que c'est ainsi qu'il s'appelle et... »

Dès lors, Syd n'écouta plus le reste de la conversation. La mention d'un prénom qu'il connaissait depuis tout petit, de son frère disparu revenait à ses oreilles. Était-ce bien de ce Bud dont la déesse et le chevalier parlaient? Était-il véritablement en vie et dans le domaine de Poséidon? Ce qu'il mourrait d'envie de demander à Kanon, d'en savoir davantage sur ce 'Dragon des Mers'... Mais l'urgence de la situation était prioritaire. Si un jour tout s'arrangeait en Asgard, il demanderait plus de renseignements à ce chevalier d'Or. Pourtant en son for intérieur, Syd était quasiment certain que c'était de son frère dont il parlait. Même sans preuve réelle, il le sentait. Il le sentait si fort que son esprit partait ailleurs et des bras le rattrapèrent sans qu'il ne pût comprendre ce qui lui arrivait. Aiolia l'avait emmené s'assoir dans un fauteuil de la salle du Grand Pope. Le Guerrier Divin était encore trop affaibli et le Lion veillait sur lui...

悪夢

Parmi le groupe de cinq ou six chevaliers prêt à partir vers Asgard, Milo cherchait des yeux celui à qui il voulait parler...

Ah il arrivait enfin! En grand héros prêt pour le combat et se voyant revenir après avoir raflé tous les honneurs. Ce traitre, ce...

« KANON, tonna le Scorpion en se dirigeant vers le Gémeaux.

-Oh, Milo!

-Il n'y a pas de 'oh Milo' qui tienne! Tu t'es vraiment foutu de moi!

Le plus grand le toisa de son regard bleu profond dans lequel se mêlaient toujours puissance et mélancolie, avec un brin de malice par moment.

-Je n'ai pas le temps, on doit partir sous peu. Si tu veux qu'on s'entraine ensemble, ce sera à mon retour et...

-Je me fous de l'entrainement! Tu n'as pas tenu ta promesse. Tu sais, celle où on devait partir ensemble lors d'une prochaine mission, même si c'était dans le plus gros trou du monde? Comme on faisait avant. Mais tu me l'avais promis cette fois, qu'on combattrait côte à côte. Sauf que je ne fais pas partie de ceux qui vont en Asgard...

-Je suis désolé, Milo, mais j'ai dû faire un choix très difficile et il m'est impossible de prendre un autre chevalier d'Or avec nous.

Le Scorpion sentit une colère bouillir en lui. Trop de frustration et cette impression de trahison de son meilleur ami, son mentor, son partenaire. Bien sur il allait sortir la carte du futur grand pope surchargé de boulot, qu'il a oublié que Milo était là, qu'il ne se rendait pas compte de tous les efforts qu'il fournissait, de son absence pendant un mois pour être retourné sur l'ile de Milos et maitriser à un niveau supérieur les techniques qu'il connaissait déjà... Surtout, ce qui le mettait hors de lui était vraiment d'avoir été oublié et qu'un simple 'désolé' le calmerait.

-Je ne t'excuse pas, Kanon. On se l'était promis, qu'on se battrait ensemble. Et non, avant que tu ne l'ouvres, c'est pas un caprice de gamin. Je le prenais sérieusement cette histoire. Je voulais qu'on parte ensemble parce que notre mission, ce qui nous lie, c'est notre devoir de chevalier. Je parle de la mission de notre vie, et je voulais partir avec toi.

-Je sais que ça ne vaudra rien à tes yeux, mais en restant ici et en protégeant le Sanctuaire, notre déesse et Syd de Mizar, tu fais une grosse partie de cette expédition que je pars mener en Asgard. Une chose est certaine, et je sais que tu me tueras véritablement si cela se produit, c'est que je t'assure que je reviendrai vivant. Pour qu'on puisse continuer cette conversation, que tu puisses me tabasser si tu veux même.

-Va te faire, Kanon. Va à Asgard si tu veux, ou ailleurs, je m'en fous, mais me parle pas comme un débile. Tu veux pas de moi, j'ai très bien compris. Casse-toi!

-Tu te trompes, Milo. Je vais devoir partir, mais on reparlera à mon retour.

-C'est ça, dégage », cracha le Scorpion.

Le chevalier des Gémeaux, précédé d'autres guerriers d'Athéna, lui tourna le dos et s'éloigna des terres du Sanctuaire. Le jeune homme l'observait lui, sa stature, ses longs cheveux bleu océan qui volaient dans le vent et la bruine, son armure qui le rendait encore plus imposant et qui lui inspirait l'admiration depuis toujours.

Alors que la silhouette quittait la barrière de protection divine, Milo lâchait quelques larmes sur son visage et murmura pour lui même: « Kanon, abruti... tu n'as vraiment rien compris... »


notes de fin: Merci d'avoir lu! J'ai eu énormément de difficultés à écrire ce chapitre. Entre prises de tête sur l'histoire, doutes, et personnages que je ne maitrise pas vraiment de base tels que Hypnos, j'ai cru ne pas en voir la fin. Mais je ne voulais pas abandonner, vu le plaisir que j'ai à chaque fois que j'écris sur Saint Kanon et ce sentiment de vide mais de satisfaction à la fin. Et en plus c'est déjà le dixième chapitre! Cela va faire déjà un an pratiquement que je suis sur ce gros projet et c'est loin d'être terminé mdrr
Les caractères d'interlude c'est akumu, cauchemar en japonais. Un peu ce qui se passe en Asgard et ce que j'ai vécu en terme de prise de tête sur ce chapitre...
La suite viendra en temps voulu. J'ai besoin de mettre vraiment de l'ordre dans mes idées.
Je vous dis à la prochaine. Des bisous.