Notes: Bonjour, bonsoir! Voici ENFIN la suite de Saint Kanon que je vous livre non sans y avoir laissé des plumes... Je vous souhaite une bonne lecture!


Onzième histoire: Infiltrations dans la neige

Malgré le vent enneigé qui frappait ses joues et celles de ses compagnons, Kanon ne pouvait qu'admettre que ces paysages polaires étaient magnifiques. Devant les chevaliers d'Athéna se dressait une forêt à priori dense et sur leur gauche, un grand escalier, probablement multi centenaire construit au bord d'une falaise qui se faisait attaquer sans cesse par des vagues particulièrement violentes. Même en Grèce, par jour de tempête, il n'y avait pas de courant aussi fort. Au loin, dans cet océan qui se nommait originellement Arctique, l'on distinguait de rares glaciers et icebergs qui tenaient encore à la surface de l'eau.

Le Gémeaux constatait de ses propres yeux le désastre qui s'étendait peu à peu en Asgard. Il était bien pire que ce que redoutaient et Syd depuis son arrivée au Sanctuaire et Hilda de Polaris dans la lettre d'aide qu'elle adressait à Athéna. Et les journaux qui relataient l'état de la catastrophe à priori naturelle selon eux, ne pouvaient se rendre compte que d'une infime partie de la réalité. Quant à lui même, le jeune homme n'avait réellement aucun plan de prévu pour son arrivée dans ce royaume. Il avait constitué son équipe selon ce qu'il avait entendu de la part du Guerrier Divin de Mizar rescapé. Il avait choisi cinq autres chevaliers, de rangs et de spécialités différentes.

Il aurait bien voulu que Camus du Verseau en fasse partie, du fait de ses connaissances des régions polaires et de son érudition. Cependant, ce dernier était bloqué au domaine sacré pour le remplacer dans la fin de l'apprentissage de leur déesse. Hyoga, son disciple avait fait une partie du trajet en sa compagnie, puis était parti bien plus loin, en Sibérie orientale. Là bas, dans cette contrée où il avait obtenu l'armure de Bronze du Cygne, la tempête aussi faisait rage, et Crystal, l'autre maitre des glaces avait demandé une aide primordiale pour protéger la population.

Néanmoins, Syd lui avait affirmé avant le départ, qu'un spécialiste des glaces et des régions polaires n'était pas utile pour pénétrer en Asgard. La nature et les remparts étaient bien plus hostiles, sans oublier les Spectres d'Hadès qui avaient envahi le palais d'Odin. Aussi, Kanon crut judicieux de choisir Marin, chevalier d'Argent de l'Aigle. Non seulement elle fut le maitre de Seiya de Pégase, mais en plus, c'était une femme réfléchie, intelligente et une très bonne éclaireuse en mission. Ses mouvements étaient rapides et elle se mouvait, dès que la nature le permettait d'un arbre à un autre, tel un oiseau qui volait de branches en branches. Pour une vision en hauteur et pour des combats rapides, elle était un bon élément.

Le jeune Nachi du Loup avait ses chances aussi en Asgard. Ce petit Bronze un peu réservé, moins chahuteur que ses camarades de la Licorne ou de l'Ours, avait grandi et fait son apprentissage en Afrique, mais surtout, il avait de fortes affinités avec les bêtes sauvages et se sentait en confiance dans une nature calme et préservée de l'Homme. Cet adolescent pouvait, en combinaison avec Marin, leur faciliter la route s'ils devaient passer par les bois.

En guise de compagnon de la classe dorée, Kanon choisit la discrétion et l'efficacité de Shura du Capricorne. C'était un homme solitaire, mais dégageant un cosmos impressionnant, en plus d'une technique que même son ami Aiolos avait pu découvrir et qui l'avait alité pendant plus d'un mois, il y avait treize années de cela. Nul doute qu'il ait pu affuter sa lame depuis pour la rendre encore plus dangereuse.

Sous les conseils du Sagittaire justement, le Gémeaux prit Ikki du Phénix. Son cosmos étant un des plus puissants parmi les chevaliers de Bronze, et le fait qu'il ait pu obtenir cette armure si difficile à avoir, après un entrainement terrible et terrifiant prouvait sa force. Malgré les rapports tumultueux entre Kanon et lui, le fait que ce fut une véritable épreuve de le convaincre de se joindre au groupe... Le plus jeune était comme Shura, un solitaire, qui veillait pourtant de loin sur son jeune frère, Shun, et agir en équipe n'était pas vraiment ce qui lui plaisait le plus.

Le chevalier d'Or aurait voulu emmener quelqu'un d'autre à sa place, mais il voulait des groupes diversifiés, que chacun dans l'ordre des protecteurs d'Athéna puisse avoir un rôle important dans cette guerre, sans être laissé de côté, sans être abandonné.

C'était aussi ce qu'il aurait voulu dire au moment du départ à Milo qui était resté en Grèce. Milo dont le regard était chargé de haine et de larmes. Il le connaissait que trop bien ce Scorpion. Passionné, impétueux, n'ayant pas peur d'aller au combat sans crainte du danger... Voilà la raison pour laquelle il ne l'avait pas choisi. Kanon ignorait tout de leurs ennemis, un royaume tout entier était sur le point de s'effondrer, sa population avec s'ils échouaient. Et si lui même perdait son plus cher ami, la défaite en serait plus grande.

Le Gémeaux ignorait vraiment à qui ils allaient avoir à faire. Syd n'avait pu vraiment donner une véritable valeur de la force ennemie. Une chose sûre était que son adversaire, un Spectre, avait de grandes connaissances en combat rapproché. Et les autres?

Pour cela, et éventuellement avoir un coup d'avance, le dernier élément que Kanon eut choisi était Asterion, le chevalier d'Argent du chien de chasse. Sa capacité à lire le cœur des gens, à analyser les comportements et ainsi déjouer les stratégies ne pouvait que leur être bénéfique. Ayant eu une très bonne impression de la part de Moses lors de la mission dans le sanctuaire sous marin de Poséidon, il décida de donner sa chance à son ami cette fois.

Tout en marchant et regardant ce paysage presque irréel, le chevalier d'Or pensait encore à Milo, et à la composition de cette unité pour venir au secours du royaume d'Asgard. En rentrant, il était prêt à recevoir toutes les insultes, tous les reproches et même les coups de son ami. Mais ce ne fut pas aussi simple, et en temps de guerre, comment savoir ce qui est juste ou pas?

« Seigneur Kanon... si je puis me permettre, vous avez fait ce qui vous semblez bon.

Ce dernier sursauta, lorsqu'une voix masculine résonna à son oreille.

-Asterion... Tu sais que c'est très gênant quand quelqu'un, un allié de surcroit, lit dans les pensées d'un autre sans sa permission?

-Je vous prie de m'excuser. Comme nous approchons du palais, je tente de percevoir une présence ennemie qui pourrait arriver.

-Garde ta technique pour l'ennemi justement et ne te laisse pas distraire par ce que nous pouvons penser, nous. Cela pourrait influencer ton jugement et je n'ai pas envie que cela te soit fatal.

-Vous avez ma parole, chevalier des Gémeaux.

Kanon accueillit la réponse en un hochement de tête.

Tout en avançant, une ombre se faisait progressivement imposante dans l'horizon. Plutôt deux ombres dont une qui ressemblait à une tête humaine. Était-ce la statue d'Odin et à ses côtés le palais? Ils étaient tout proches en effet. Le moment était venu pour envoyer les éclaireurs.

-Nachi, Marin, j'aperçois un sentier qui mène dans les bois et...

-Asterion, interrompit Kanon, si tu veux, je te délègue mon rôle et aussi mon armure des Gémeaux, si tu tiens tant à parler à ma place et diriger les autres...

-Je suis désolé. J'ai aperçu le chemin en même temps que vous et j'ai...

-Et rien du tout. Je n'ai pas envie de m'énerver sur vous, ce seraient des risques inutiles et tu es d'accord que nous ne voulons pas cela?

-Je suis vraiment désolé, Seigneur Kanon. »

Ce dernier libéra une vapeur glacée de ses narines à cause du vent qui soufflait encore et toujours. Ce n'était vraiment pas le moment pour passer un savon à son équipe, il avait une intime conviction que le temps pouvait être compté, que le danger serait pire au fil des minutes. Et gaspiller de l'énergie comme ça, ce n'était pas bon.

De son regard bleu, il fit comprendre au chien de chasse de se ressaisir. Puis, de sa main gauche, il effectua une légère pression sur son avant bras droit dans la protection dorée où était logé le saphir d'Odin que lui avait confié Syd. Pour finir, il autorisa Marin et Nachi à bifurquer dans les bois. Dès qu'ils le pourraient ils rejoindraient les autres près de l'entrée du palais.

Empruntant ce sentier neigeux, loin des routes d'herbes séchées et de terre battue des plaines du Libéria où il s'était entrainé, Nachi se sentait étrangement à l'aise dans cette région à l'opposé de là où il avait vécu et trouvé une famille. Était-ce l'aspect sauvage et loin de la foule des hommes qui l'oppressait parfois, cette connexion avec la nature, ce silence que seul le vent en soufflant entre les arbres qui l'apaisait? Ce qui était sur, c'était qu'il y était bien, et tout en restant vigilant, il avançait d'un pas pressé.

Au dessus de lui, sautant de branches en branches et faisant chuter quelques amas de neige, une ombre se pressait bien plus. Un oiseau sauvage, presque solitaire également: Marin, le chevalier de l'Aigle.

Jamais le jeune homme n'aurait pensé former un duo avec cette femme dont le cosmos était bien plus puissant que le sien. Mais leur mission à tous les deux était de partir en éclaireurs, constater les positions ennemies, et offrir un moyen à Kanon et aux autres d'entrer dans le Palais d'Odin pour aider Hilda de Polaris et les habitants d'Asgard.

Ils devaient probablement longer les bois devant les remparts. Un mur semblable à ceux des escaliers qu'ils gravissaient se dessinait peu à peu. Et aucune présence hostile. Même pour le jeune Bronze, c'était étrange, même suspect. Pas le moindre garde non plus...

Marin atterrit souplement dans la neige.

« Impossible de passer par dessus les remparts, constata-t-elle. Le mur est beaucoup trop haut.

-Et marcher tout le long? Demanda Nachi un peu au hasard.

-Ce serait une perte de temps. Il faudrait... Nachi... Tu as senti?

-Oui...

On approchait. Un cosmos pas très puissant, mais le jeune homme détectait plusieurs présences.

-Tiens-toi prêt à attaquer, déclara Marin qui se mettait en position.

Tout en l'imitant, il se ravisa aussitôt et avança dans la forêt tout doucement.

-Que fais-tu, s'écria-t-elle. Tu veux mourir?

-Laisse-moi faire, répondit-il simplement sans se retourner.

Petit à petit, sur ses gardes malgré tout, le chevalier de Bronze se dirigeait vers les intrus qui émirent des grognements. Des bêtes sauvages. Mieux! Nachi se trouva alors en face d'une meute de loups. Des loups des neiges dont la fourrure était bien plus épaisse que ceux qu'il connaissait d'Afrique.

Alors, comme son maitre le lui avait enseigné, il se calma, respira lentement, pour montrer qu'il ne voulait pas les attaquer ni les effrayer. Il avait appris à respecter les animaux, à tenter de les comprendre, à défaut de dialoguer avec.

Un des loups, probablement le chef de la meute dont le pelage était d'un gris muraille, alors que les autres étaient bruns, ne desserrait pas les crocs. Un grognement sourd et menaçant sortait de sa gorge et des yeux dorés sans pupilles fusillaient presque le jeune homme.

Ce dernier, quand bien même impressionné, presque effrayé, tentait de ne pas montrer sa peur. Il vit la souche d'un arbre et alla s'assoir dessus, sous les regards des loups. Puis il resta là, sans rien faire, les observant à son tour, sans perdre son attention.

Le vent glacial s'insinuait sous son armure et le gelait petit à petit, mais il ne voulait pas renoncer. Il aimait ces animaux, et les respectait. S'enfuir c'était les offenser et risquer de se faire attaquer.

Puis, le chef se calma peu à peu et s'avança vers Nachi. Pas trop prêt, mais à une distance assez raisonnable.

-Je suis Nachi, chevalier du Loup, fit-il. Je ne vous veux aucun mal, même si je suis un étranger sur votre territoire. Je suis là, avec mes compagnons pour aider le royaume d'Asgard.

Il laissa tomber une main en direction du sol. Un geste à priori anodin, mais qui attira l'attention du chef des loups. Ce dernier s'approcha et alla renifler la peau de l'humain.

''Les animaux le ressentent quand on ne leur veut pas de mal. Et si l'odeur les convient, soit il te laissent tranquille, soit ils restent avec toi parce qu'ils se sentent bien.''

Ces paroles provenaient d'une des premières leçons de William, son maitre, au Libéria. Jamais il ne les oublierait.

Aussi, Nachi sentit alors une pulsion sous la paume de sa main, et une fourrure à la fois drue et agréable au toucher. Le chef l'avait accepté. Alors, en retour, il s'agenouilla dans la neige et à deux mains, il caressa sans retenue le pelage de l'animal. Il en fit de même avec les autres loups.

-Je suis désolé, je dois partir, j'ai une mission importante. Mais j'ai été ravi de vous avoir connus.

Le chevalier se releva et repartit en direction de Marin qui l'attendait.

-Pardon, je devais calmer ces loups sauvages.

-... qui t'ont suivi, finit la femme chevalier.

-Hein?

À sa suite, Nachi découvrit que la meute était à leurs côtés, et que le chef marchait contre le mur, tentant de creuser par endroits.

-Tu sais ce qu'il fait? Et regarde les autres l'imitent.

Les deux chevaliers observaient les animaux s'affairer autour d'un tas de neige se révélant progressivement. Un corps. Un être humain gisait au sol et la tempête l'avait recouvert.

Nachi, d'instinct, alla les aider pour dégager autant de neige possible. Une protection bleue, un homme au visage relativement jeune et à la chevelure grise était inconscient.

Des jappements retentirent dès que le visage fut révélé. Le chef lécha frénétiquement les joues, comme désespéré.

Nachi releva avec précaution le corps, poussé par la détresse palpable des animaux autour de lui.

-Il est vivant, déclara-t-il. Je sens son cœur battre.

-C'est certainement un Guerrier Divin d'Asgard, fit Marin. On devrait le mettre contre le mur, à l'abri du vent avant que son état de s'aggrave.

Tous deux soulevèrent l'homme blessé et se rapprochèrent de la paroi, suivis des loups.

Alors qu'ils allèrent le déposer contre la paroi, le sol, sous une couche de neige se déroba et les trois humains, ainsi que le chef des loups chutèrent de quelques mètres.

Un peu sonné par cette chute inattendue, Nachi remarqua qu'ils n'étaient plus dans la forêt.

À ses côtés le loup léchait encore le blessé emporté dans leur chute, et, fut-ce un miracle, ou le choc dû à la chute, il avait l'air de revenir à lui.

Remise debout quasiment de suite, Marin, quant à elle, devait examiner la cavité dans l'obscurité.

-On dirait un couloir sombre, constata-t-elle. Je pourrais aller voir où il mène...

-Il ne serait pas mieux d'en informer le seigneur Kanon, demanda Nachi.

-Si tu arrives à remonter et retrouver ton chemin, jusqu'aux autres qui ont dû avancer depuis, je ne te retiens pas.

-Marin-san...

-Nous ne sommes pas de simples éclaireurs, je te rappelle. Nous sommes des chevaliers d'Athéna en mission. Notre but final est de l'accomplir de notre mieux tout en se retrouvant quoiqu'il arrive. Même si c'est dans quelques minutes ou quelques jours, on reverra les autres. Tant qu'on est vivants et surtout tant qu'on arrive à aider Hilda de Polaris à sauver son royaume.

-... oui, c'est vrai.

-... cachots..., murmura une troisième voix.

Le blessé se réveilla, sous les marques d'affection du chef des loups.

-Qui es-tu, interrogea Marin.

-Fenrir d'Arioth... Guerrier Divin d'Epsilon... au service de Dame Hilda...

-Nous sommes Marin de l'Aigle et Nachi du Loup, chevaliers d'Athéna, venus en secours auprès de ta souveraine. Pourrais-tu nous en dire un peu plus...?

-Ils nous ont enfermés dans les cachots... les Spectres. Hilda est inconsciente avec un Spectre plus puissant. J'ai tenté de m'enfuir mais ce Rhadamanthe je crois... il m'a battu et...

-Ces loups t'ont trouvé sous la neige, dit Nachi.

-Ce sont mes loups. J'ai grandi avec eux après la disparition de ma famille. Ging est le chef de la meute. C'est étrange qu'il ne vous ait pas attaqués...

-J'ai moi même été entrainé au milieu d'animaux sauvages et notamment des loups. J'ai pu gagner leur confiance et on les a aidés à te sortir de là.

-Merci, chevalier.

-On ne devrait pas perdre de temps, coupa Marin. Si tu dis que Hilda est prisonnière d'un Spectre très important, elle doit courir un grand danger. Sais-tu où mène ce tunnel?

-Aux cachots. C'était cette ouverture que je cherchais avant d'avoir été attaqué.

-Bien. Si tu peux marcher, guide-nous. »

Guidés par Fenrir, le groupe avançait dans la pénombre, un peu à tâtons. Selon les dires du Guerrier Divin, celui-ci était resté dans la forêt la nuit où les Spectres d'Hadès avaient initié cette attaque violente au sein même du Palais, prenant véritablement en otage Hilda et enfermant les autres protecteurs dans les cachots. Il avait ressenti une puissance si forte si écrasante que même ses loups en étaient effrayés. Seule la souveraine d'Asgard avait pu amadouer ces animaux sauvages grâce à son cosmos. Arioth préférant la solitude et même rester à l'extérieur malgré les tempêtes de neige, passait ses nuits dans une cabane dans les bois d'Odin. Les humains l'avaient abandonnés étant enfant, alors que les loups l'avaient recueilli et aidé à survivre. Lorsque la Dame de Polaris vint à sa rencontre, il y avait moins de deux ans de cela, pour lui annoncer qu'il était destiné à la servir en tant que Guerrier Divin, il eut du mal à y croire. Alors que sa meute, et même Ging, lui firent confiance sans même tenter de l'attaquer. Habitué à survivre, il accepta de porter sa robe d'Epsilon, à la seule condition de ne pas vivre enfermé entre quatre murs, et d'être libre de circuler dans les bois. Il refusa également une chambre dans le palais, des vêtements propres cousus dans des étoffes nobles ou bien une bourse remplie de pièces pour ses dépenses. Il ne voulait aucune attache avec les humains. Et Hilda lui promit de le laisser tranquille, du moment qu'il lui restait fidèle.

Fenrir savait tenir ses engagements. Il se fichait d'être aussi riche ou instruit qu'un Siegfried, un Hagen ou un Syd. Sa vie ne comptait que sur le bien être de Ging et des autres loups. La gentillesse de Dame Hilda lui rendait son quotidien un peu plus agréable par moments, mais il ne courrait pas après cela.

Cependant, en tant que Guerrier Divin, il avait appris certaines choses, notamment l'architecture du Palais d'Odin et les dédales des cachots. Pas ceux des criminels ordinaires, mais ceux dans lesquels ils évoluaient actuellement. Les prisons oubliées dans lesquelles se trouvaient ses compagnons. Ging avait ressenti leurs présences, et Fenrir avait tenté de les rejoindre pour les libérer. Mais fut attaqué par ce Spectre hirsute, ce Rhadamanthe. Grâce à ces chevaliers d'Athéna, il pourrait enfin terminer sa tâche.

Accompagnés de ces chevaliers d'Athéna et de son loup, il évoluait dans ces couloirs obscurs, aux parois moisies que des poutres vermoulues et fragilisées par le temps menaçaient de briser à chaque instant, à la moindre vibration. Tout au bout, une minuscule étincelle éclairait, une torche allumée dans ce qui devait être un cachot. Et probablement là où devaient être enfermés les autres Guerriers Divins.

Il ressentait deux cosmos puissants, et, de ses yeux perçants habitués aux ténèbres, constatait que ce Nachi et cette Marin aussi, les avaient perçus. Il fallait rester sur ses gardes. Cependant, Ging, lui, ne semblait pas se méfier plus qu'il ne le devrait. Pourtant il se rappelait de la rage et des grognements furieux et apeurés qu'il lançait lorsque Rhadamanthe les avaient attaqués. Alors que là, il marchait sur le sol humide et froid, en direction de la lumière.

Et à raison. Fenrir reconnut une des deux auras, un des deux hommes enfermés: Hagen de Merak. Nul doute, c'était bien lui, et Dame Freya elle aussi, les mains agrippées aux barreaux de leur geôle.

« Fenrir, soupira la jeune femme. Tu es bien vivant. Quel soulagement.

-Votre Altesse, Hagen, répondit-il. Il n'y a que vous deux?

-Non. Dame Lyfia et Frodi sont là aussi. Frodi est gravement blessé. Il s'est pris un coup en pleine poitrine, sans avoir eu le temps de revêtir sa Robe Divine. Sois prudent, un de ces Spectres rôde dans les cachots.

-Je ne suis pas seul. J'ai rencontré des chevaliers d'Athéna qui m'ont sauvé. Ils sont venus pour nous aider.

-Merci Odin, lâcha Hagen. Syd aurait réussi sa mission.

Une voix féminine intervint:

-Guerrier Divin, Ma Dame, je suis Marin, chevalier d'Argent de l'Aigle, et voici Nachi, chevalier du Bronze du Loup. Nous faisons partie des protecteurs d'Athéna venus aider Hilda de Polaris et le royaume d'Odin. C'est par hasard que nous avons découvert Fenrir et nous vous proposons notre secours.

-Merci beaucoup, Marin de l'Aigle, dit Freya. Cependant, ces cachots ne peuvent être ouverts par la force. Il faut une clé spéciale pour nous libérer.

-Où sont les autres? Demanda Fenrir.

-Il n'y a que nous qui ont été arrêtés, affirma Hagen. L'unité de Sigmund s'est précipitée pour mettre les habitants d'Asgard à l'abri, mais comme tu le constates, Frodi n'a pu les suivre. Siegfried s'est fait vaincre par ce Wyvern, Thor et Mime sont introuvables. Et nous te croyions mort.

-Quant à ma sœur...

Un jappement se fit entendre. Ging s'assit aux côtés de son maitre, un trousseau de clés à la main.

-Ce sont les clés de notre cachot, s'écria la jeune sœur de Hilda.

-Permets-moi cette remarque, Fenrir, intervint Marin. Mais je trouve cela trop facile que ton loup puisse obtenir ce trousseau comme ça... N'y avait-il pas un Spectre qui surveillait votre détention?

-Peu importe, fit Hagen une fois sorti, alors que Freya aidait une autre jeune femme, Lyfia, à faire marcher un homme plus grand qu'elles, mais très affaibli, ses vêtements comme noirci de sang.

-J'insiste, Guerrier Divin, mais cela sent le piège. Et nous devrions quitter ces cachots au plus vite.

Avant que Fenrir ou quelqu'un d'autre pût répliquer, une force écrasante fit trembler ces sous sols accompagnée d'un puissant cosmos qui s'approchait de plus en plus du groupe.

-Hagen, pars, ordonna Arioth.

-Je viens avec vous, ajouta aussitôt Marin. J'ignore ta force, Guerrier de Merak, mais il y a un blessé parmi vous. Je sais que Nachi pourra très bien aider Fenrir.

-Merci, chevalier de l'Aigle. Partons vite.

-Nachi, tu as pour ordre de revenir auprès de Kanon et moi. Et en vie. Je me charge de tout leur expliquer en chemin.

-D'accord, Marin-san.

Fenrir assistait stupéfait à l'échange entre les deux chevaliers. Cette confiance muette entre deux êtres humains. Il ne la comprenait pas, mais quelque part, il se doutait qu'elle serait nécessaire pour le retour à la paix en Asgard. À son tour, il devrait collaborer avec ce garçon, un peu plus jeune que lui, à priori. Mais si Ging ne l'avait pas attaqué, s'il avait aidé les autres loups à le sauver, même pour une seule fois, pour un seul combat, il pourrait accepter l'aide d'un être humain.

Tout en s'assurant que le groupe de Hagen fût loin, parti en direction d'escaliers menant au palais d'Odin, Arioth veillait sur son loup, observant ses réactions, ses grognements et ses oreilles qui se repliaient petit à petit, alors que l'ennemi sortait de la pénombre. Une silhouette de taureau, une armure bien plus noire que les cachots et deux haches, une dans chaque main.

-Qui est ce monstre, souffla Nachi... Un Spectre...?

-Sans nul doute... J'ai du mal à calmer Ging...

-Vous avez réussi à vous échapper, tonna l'homme devant eux. Mais... vous n'êtes pas ceux que j'ai enfermés.

-Qui es-tu, demanda Fenrir.

-Gordon du Minotaure, de l'étoile céleste de l'emprisonnement. Et celui qui va vous enfermer à tout jamais dans ces cachots avant d'aller tuer ceux que vous avez libérés!

Sa voix portait si fort, qu'elle résonnait partout, comme une sensation qu'elle créait un séisme faible mais qui pourrait tout faire effondrer à la longue...

Fenrir n'aimait pas cela du tout. Ni cette situation, ni cet endroit clos, loin des forêts enneigées dans lesquelles il évoluait libre, avec ses loups à l'écart des hommes. Il étouffait. Il fallait qu'il sorte de là, et pour ce faire, il devait battre ce Spectre.

Mais il n'eut pas le temps de réagir qu'un couinement aigu, désespéré retentit et il vit Ging, son fidèle Ging projeté dans les airs, comme frappé par une arme invisible. L'animal percuta un mur si violemment que le cœur du Guerrier Divin lui même se resserra d'un coup. Son loup avait tenté d'attaquer le Spectre en vain et... non... il n'était pas... il ne pouvait pas...

-Maudit Spectre... Tu vas payer pour Ging, hurla-t-il de rage, avant de foncer lui même vers ce Gordon.

-Fenrir attends! s'écria Nachi.

Mais il ne l'entendit que trop tard, et à son tour, il se trouva face à une hache immense qui manqua s'abattre sur son crâne. En un réflexe venu de nulle part, il roula sur le côté pour se recroqueviller et recevoir une pluie de gravâts sur la tête, conséquence du choc entre le poing du Minotaure et le sol qui s'ouvrit alors. Quelle violence!

A ses côtés, le corps inanimé du loup. Il refusait de croire à la mort de son compagnon. En effleurant sa truffe, un léger souffle en sortait, à peine perceptible mais il était bien là. Il devait se venger, venger Ging à tout prix.

Une colère immense émergea en lui. Il étouffait encore plus, il voulait sortir de ces cachots, revenir à l'air libre, se débarrasser de ce taureau, remonter avec son loup, retrouver sa meute, fuir loin de tout cela.

Ses yeux se fixaient sur le géant, tandis qu'une aura argentée l'entourait, comme pour lui donner toujours plus de force.

Il lança un regard à son allié du moment. Nachi le chevalier du Loup. À priori ils partageaient cette affinité avec ces animaux fidèles, solitaires mais loyaux. Il a su respecter ses compagnons. À son tour d'honorer cette mission pour laquelle il venait depuis une région plus chaude qu'Asgard. Il sentait son cosmos à lui aussi augmenter en puissance, une couleur bleu vert qui éclairait une partie des cachots. Il n'en avait pas l'air, mais il devait être puissant, lui aussi.

Les loups agissaient en meute quand il s'agissait de se soutenir et de défendre les leurs. Fenrir et Nachi feraient la même chose.

D'un commun accord, ils se donnèrent un signal du regard et attaquèrent le Spectre.

DEAD HOWLING

Le chevalier de Bronze passait à l'offensive, lançant comme des coups rapides en direction du Spectre. À priori, ce n'était pas assez. À son tour!

NORTHERN GUNRÔKEN

Fenrir ne cherchait plus à comprendre. Lui aussi attaqua Gordon, lui envoyant son attaque la plus puissante, la plus rapide sous forme de têtes de loup imagées qui dissimulaient des griffes acérées.

Autant Nachi que lui même ne lâchaient rien. Ils étaient de petits gabarits face à un minotaure, mais se soutenaient sans un mot dans leur offensive. Tels des loups d'une même meute qui se défendaient face à un ours imposant.

Bien sur qu'ils se prenaient des coups eux aussi, mais ils revenaient à la charge, invoquant toujours plus leurs attaques.

Arioth, à chaque assaut se relevait, toujours plus déterminé à sortir de cette prison. Même épuisé, même touché plusieurs fois au corps, il n'abandonnait pas. Nachi en faisait de même.

Cette hache que Gordon leur assénait ne les faisait pas reculer pour autant.

Tels des loups, ils se mirent à hurler de rage, d'envie de vaincre, et une ultime salve de leurs arcanes mit le Spectre à terre.

Un bruit sourd retentit, dès la chute de leur ennemi. Puis le silence.

Le Guerrier Divin ne réalisait à peine cette victoire. Il se mit à tituber... Non c'était les cachots qui tremblaient et menaçaient de s'effondrer. Lui même était à bout.

-Fenrir, ça va?

-Pars devant. On vous rejoindra avec Ging.

-Tu es sur?

-Va-t-en! Ne perds pas de temps, si vous voulez sauver Hilda.

-Ta meute vous attend dehors.

-Je le sais. Nachi... Tiens, prends mon saphir. Et débarrassez nous de ces Spectres...

-A plus tard, Fenrir... »

Ce dernier s'assit lourdement auprès de Ging, à bout de force et entoura la tête de l'animal entre ses bras. Avant que le plafond au dessus de lui ne s'effrite et tombe en pierres, il avait pensé au fait que ce chevalier aurait pu devenir un ami... le premier et le seul ami humain qu'il aurait accepté dans sa vie...

Alors que le Palais d'Odin se faisait de plus en plus imposant face à eux, au fil de leur ascension, Kanon s'arrêta d'un coup. Il percevait comme de légères secousses sismiques sous ses pieds, sans arriver à en connaître la cause. Un combat était en cours, et ni Marin, ni Nachi n'étaient revenus. Il espérait qu'ils étaient au moins en vie. Oui, ils l'étaient. Il avait confiance en l'équipe qu'il avait formée.

Voulant reprendre son chemin, il resta tout de même interdit, obligeant les trois autres chevaliers qui l'accompagnaient à s'arrêter aussi. Sous leurs yeux, un spectacle désolant, terrifiant d'hommes à terre et immobiles. Certains arboraient une sorte d'armure d'un noir des plus sombres, d'autres ressemblaient à des soldats, un peu comme ceux qui occupaient les postes de garde de leur Sanctuaire, avec un casque de métal couvrant presque tout le visage, des protections aux épaules et sur les jambes. Ceux-ci par contre, étaient vêtus d'une fourrure d'animal en plus de leurs vêtements de cuir. Des soldats d'Asgard tombés au front, leurs lances brisées face à des hommes d'Hadès. Quelle horreur! Comment ce massacre a-t-il eu lieu? Et qui les avait tous éliminés de la sorte?

« Seigneur Kanon...

-Asterion, déjà, arrête avec ce ''Seigneur''. Je ne suis pas un noble blindé d'argent. Et puis, oui, je l'ai sentie cette présence...

-Sortez de là, hurla Shura d'un coup.

Le Capricorne était si discret en temps normal qu'on ne se rendait pas compte de la portée de sa voix. Le Gémeaux lui même en fut surpris.

Une silhouette rouge, jurant avec les tons pâles et sombres de la route bondit en leur direction. Un jeune homme se révéla, à la chevelure rousse, une armure écarlate et tenant serrée contre son buste, un instrument de musique. Une lyre, à priori.

-Qui êtes-vous, demanda-t-il en guise de salutations.

-Je suis Kanon, chevalier d'Or des Gémeaux au service de la déesse Athéna. Voici Shura, du Capricorne, Asterion du Chien de chasse et Ikki du Phénix. Nous avons été envoyés par notre déesse pour aider Asgard et faire quitter l'armée du dieu Hadès de ces contrées.

-Syd a donc réussi, constata l'inconnu d'une voix plus douce. Il leva la tête en leur direction. Je suis Mime de Benetnash, Guerrier Divin de l'étoile d'Eta au service de Hilda de Polaris.

-Que s'est-il passé ici, demanda le Gémeaux.

-Des Spectres s'en sont pris aux gardes, comme vous pouvez le constater. Je suis dans le regret de n'avoir pu les sauver à temps. Mais j'ai pu éliminer ces sous-fifres. Je partais en recherche de ceux qui ont été enfermés dans les cachots.

-Tu pourrais nous en dire un peu plus sur la situation?

-Oui. Deux Guerriers Divins, Fenrir et Hagen ont été faits prisonniers dans les prisons abandonnées du palais, en compagnie de Dame Freya, la jeune sœur de Hilda de Polaris, et leur dame de compagnie. Un autre a éliminé des Spectres et s'est enfui dans la ville basse pour aider l'autre unité à sauver la population, Thor. Quant à Siegfried, le plus puissant d'entre nous, a été neutralisé par un des plus puissants des hommes d'Hadès. J'ignore s'il est encore en vie.

-Et toi, fit Ikki, comment se fait-ce que tu sois à l'air libre?

-J'ai tristement eu la chance d'avoir obtenu les faveurs de Dame Pandore qui appréciait ma musique. Elle a voulu m'épargner, mais je reste fidèle à mon royaume et à Odin. J'ai profité d'un moment d'inattention pour sortir du palais, pour arriver jusqu'ici et vous rencontrer.

-Qui nous dit que ce ne sont pas des mensonges, continuait le Phénix.

-C'est la vérité, intervint Asterion. J'ai pu le lire dans son cœur, il est loyal envers Asgard. Et ses gestes ne le trahissent pas.

-Comment tu...? s'étonna Mime.

-Telles sont mes capacités de chevalier. Asterion se figea d'un coup. Vous avez senti? Un combat semble s'être engagé dans la ville basse...

-Tu as raison, constata Kanon. C'est bien là bas où se trouvent les civils?

-Oui, confirma le Guerrier Divin. Normalement, ils devraient être en sécurité, mais...

-Kanon, si tu m'y autorises, je peux aller leur prêter main forte, intervint Shura. Nous sommes ici pour cela.

-D'accord. Reviens en vie, Shura.

Après un signe de tête entendu, le Capricorne descendit quelques marches pour disparaître instantanément.

-Benetnash, tu es certainement au courant de l'importance de ton saphir en ce qui concerne l'épée de Balmung et le salut de votre souveraine...

-Oui, chevalier. Je me joins à vous. Je connais la situation, pour l'avoir vécue en personne, et l'état de Dame Hilda est plus que préoccupant. Je vous expliquerai en chemin. Il ne faut pas trainer...

Avant que le Gémeaux ne puisse répondre, le Chien de Chasse intervint encore une fois. Il était un très bon soldat, très investi dans ses missions, mais ce qu'il pouvait l'énerver à devancer les gens parce qu'il savait lire dans leurs pensées...

-Je ne me permettrais plus cela, Kanon, fit Asterion, si ce n'était pas aussi urgent. Mais je pense que Ikki et vous devriez continuer. Je reste avec Mime ici. Pas que je doute de ta force, Guerrier Divin, mais je pense qu'il vaudrait mieux être deux, et permettre à mes compagnons de gagner un peu plus de temps sur cette bataille.

Kanon soupira. Cependant, il ne remettait pas en cause non plus les compétences de ce chevalier d'Argent. Il était certes insupportable, incorrect et intrusif à cause de ce fichu don, mais il l'avait choisi dans cette mission pour cela. S'il percevait un danger, il ne pouvait que le croire et espérait le retrouver une fois que tout ce merdier se termine...

-Tu as saisi mes pensées, je suppose?

-Oui, Kanon.

-Alors je te dis à tout à l'heure. »

Le Gémeaux et le Phénix reprirent alors leur ascension vers l'entrée du Palais d'Odin.

Shura arriva dans ce qui devait être la ville principale du royaume d'Asgard, sa capitale, même. Cependant, les rues étaient silencieuses, pas la moindre présence humaine à l'extérieur. D'une architecture assez ancienne, même médiévale, cette cité lorsqu'elle était animée pouvait lui sembler agréable, et il s'autorisait à imaginer des jours de paix où probablement les gens vivaient heureux malgré le froid et le climat plus que rigoureux du nord. Il avait toujours été attiré par les vieilles pierres, les vestiges historiques européens et cette époque du Moyen Âge où les chevaliers des cours royales s'affrontaient en joute pour représenter les domaines auxquels ils appartenaient. Et, souvent seul, il aimait lire encore et encore des récits de cette époque, son œuvre favorite étant les légendes du Roi Arthur. Était-ce sa formation pour devenir Capricorne qui l'avait influencé quelque part? Lui même ne saurait dire. Mais l'Histoire l'attirait tout simplement.

Cependant, trêve de réflexion sur sa propre vie. Il sentait des présences proches de lui, à quelques croisements de là.

Sans plus attendre, il courut en leurs directions, et arriva sur une esplanade. Il n'aurait su dire si c'était une place ou bien si avant la poussière et les gravats, il y avait des habitations. Il découvrit trois hommes, dont un géant, lui faisant penser à Aldébaran, leur chevalier du Taureau. Ceux ci se retournèrent alors.

« Qui es-tu étranger? Demanda un blond cendré à la protection gris violet. Très certainement pas un Spectre.

-Je suis Shura, chevalier d'Or du Capricorne, envoyé par Athéna pour aider Asgard. Êtes-vous des Guerriers Divins?

-Je suis Sigmund de Grani, répondit le blond et voici Thor de Phecda, Guerrier Divin de Gamma, ajouta-t-il en présentant le géant. Si la réputation des chevaliers d'Athéna est vraie, tu ne seras pas de trop.

-Un Spectre, interrogea Shura en désignant l'être trapu, légèrement courbé dans une protection aussi noire que celles que portaient les cadavres qu'il avait vus dans les escaliers menant au palais.

Ce casque aux pointes apparentes ne l'effrayait pas, mais ne lui inspirait rien de bon. Et cette odeur qui volait dans l'atmosphère, comme un parfum de fleur presque synthétique tellement il ne paraissait pas naturel. C'était suspect.

-Vous pensez peut-être qu'un nouvel adversaire pourrait m'effrayer, siffla le Spectre. J'ai déjà abattu ce sombre abruti, dit-il en pointant du doigt une masse sombre au sol. Vous ne pourrez rien face à moi, Niobé de Deep, de l'étoile terrestre de l'obscurité.

Le Capricorne se mit en position de garde, se méfiant de cet homme d'Hadès. Il ne devait pas se référer à l'apparence, et réfléchir. Il aurait tué probablement un soldat d'Asgard, mais comment?

Lui qui avait l'habitude d'analyser rapidement le contexte peu importait la mission qu'on lui donnait, il se sentait perdu, étourdi même. Sa tête se mit à tourner sans qu'il ne pût le prévoir. Comment...? Etait-ce un maléfice de ce Niobé? Cette odeur si entêtante? Les deux liés?

-Prends garde, chevalier, fit le géant, Thor. Il a battu un des hommes de Sigmund sans pratiquement rien faire.

-Comment?!

-Son cosmos dégage une odeur étrange, répondit Grani, tu dois la sentir aussi. Fafner, celui qui est tombé, s'est pris un coup et s'est retrouvé immobilisé, avant de mourir. D'un simple coup, alors que ce n'est pas le plus faible de mon unité. Il n'a pu attaquer.

En effet, ce parfum était lié à Niobé. Shura porta son bras contre son visage pour préserver son nez et sa bouche.

-Sachez Messieurs que se boucher le nez et la bouche ne servira à rien. Ma Deep Fragrance entrera dans votre corps de toute manière et détruira chacun de vos sens jusqu'à briser votre cerveau et votre esprit, entrainant une mort lente et douloureuse. Ou plus rapide, comme pour celui que je viens de tuer, au choix...

Le calme s'enfuyait petit à petit du cœur du Capricorne. Il détestait ce genre d'individu, sadique, immoral, déloyal. Lui qui mettait un point d'honneur à se battre avec dignité, comme les chevaliers d'antan, comme lorsqu'il avait été reconnu par Shion et le Sanctuaire en tant que protecteur d'Athéna – au péril de la vie de Aiolos et au risque d'une éternelle rancune de la part du Lion également – comme à chaque mission dans laquelle il s'engageait. Il n'admettait pas ce comportement, et si ce que le Spectre disait était vrai, même à l'abri, les habitants d'Asgard courraient un danger extrême à respirer l'air de la ville. Il fallait le stopper coute que coute.

La tête tournait de plus en plus... Agir au plus vite. En théorie, ces adversaires qui auraient une technique aussi sadique n'étaient pas très forts physiquement. En théorie... De plus, le temps pressait, pour Hilda de Polaris, pour les habitants de cette ville, mais pour lui même qui se sentait faiblir à cause de ce parfum.

-Tout va bien, chevalier, s'inquiéta Thor.

-Oui, mentit Shura. Avant tout, les habitants?

-Ils ont été évacués loin d'ici, affirma Sigmund. Les autres Guerriers Divins de mon unité ont pu les mettre à l'abri.

-Très bien. Il est temps d'agir, alors.

-Permets-moi de t'assister, fit le géant de Gamma.

D'un signe de tête, le Capricorne acquiesça. Par précaution ils ne seraient jamais trop de deux. Et Grani pourrait venir en renfort si nécessaire.

Un cosmos doré explosa d'un coup autour du jeune homme, et, de son regard perçant, visa le Spectre qui attendait, presque passif, un rictus malsain sur les lèvres.

-J'attaque en premier, imposa-t-il à Phecda.

Et sans attendre une approbation, il fonça sur Niobé, invoquant l'épée sacrée du Roi Arthur, son héros personnel qu'il admirait autant que sa déesse Athéna, levant le bras vers le ciel, le faisant s'abattre sur son ennemi.

EXCALIBUR

Tout se passa en une fraction de seconde.

Shura sembla traverser le corps même du Spectre, le transperçant de haut en bas avec sa lame intégrée dans sa main. Il était sûr et certain de l'avoir touché, et se retourna pour voir le résultat. Mais un haut-le-cœur le surprit. Il toussa, et cracha du sang. Et l'odeur pénétrait toujours plus fort à l'intérieur de ses narines. Niobé avait-il eu le temps de lui porter un coup?

Ce qui était sûr, c'était que ce dernier s'effondra, une gerbe écarlate le traversait, même vu de dos.

Le Capricorne avait investi trop d'énergie pour cet adversaire, mais lui même avait été touché. Sa poitrine brûlait au travers de son armure.

En face de lui, se trouvait Thor qui brandissait d'énormes haches prêtes à s'abattre sur le Spectre. Mentalement, il s'excusait de ne pas lui avoir laissé la chance de toucher leur ennemi.

Shura marcha en direction des Guerriers Divins à une allure trop faible, comme si ses jambes lui paraissaient trop lourdes à lever. Et sa respiration se faisait de plus en plus saccadée. C'était mauvais tout ça. Il voyait flou par moment, mais ne perdait pas son objectif: s'éloigner de cette zone dans laquelle flottait encore la Deep Fragrance, arriver au niveau de Sigmund qui était en sécurité et...

Il tomba lourdement, sans plus rien contrôler. Il voyait le sol défiler lentement. On le trainait. Puis on le soulevait... Puis une voix...

-Chevalier, tu es à l'abri ici...

Grani? On l'avait porté jusqu'à lui... Il devait leur parler de leur compagnon qui s'était échappé... Celui avec la lyre...

-Je... Mime... toujours vivant, tenta-t-il d'articuler. Au palais avec d'autres chevaliers... vite rejoindre...

-Merci, Shura, pour cette information importante, répondit Sigmund. Et merci pour ton aide.

-Pars devant, Sigmund, fit Thor. Je vais emmener le Capricorne en sécurité tout près d'ici. La ville a l'air sécurisée, désormais.

-A tout de suite, Thor et toi aussi, Capricorne. »

Ce fut les derniers mots que Shura entendit avant de perdre conscience, pris par le parfum si puissant de Niobé.

Au bout de quelques minutes de marche, Thor s'arrêta devant une petite maison aux allures modestes et frappa à la porte.

« C'est moi, Héléna. Tout va bien.

Une jeune fille ouvrit, accompagnée de quatre enfants en bas âge.

-Papa tu... s'exclama-t-elle terrifiée.

-Je n'ai rien, mais il faut allonger cet homme, fit-il en désignant le chevalier d'Or qu'il portait à bout de bras, inconscient à la suite d'un combat trop court mais intense.

-Bien sur, dans ta chambre, vite. Je vais lui amener...

-Non, Héléna. Laisse le seul », déclara Thor en allongeant le Capricorne dans le lit. L'armure dorée se détacha du corps pour se reformer en une statue représentant sa constellation.

Un soupir sonore s'échappa des lèvres de Shura. Il serait vivant?

Le Guerrier Divin s'approcha et recueillit quelques mots: ''Saphir... épée...'' avant que le chevalier ne se rendorme. Mais il remercia cet allié inattendu pour ces informations si importantes. Lui même avait retrouvé cette motivation de servir Odin et tout son royaume en tant que défenseur des plus faibles, la raison pour laquelle il avait accepté de revêtir la Robe de Gamma.

En sortant de sa chambre, il pria les dieux de veiller sur sa défunte épouse, ainsi que sur ses précieux enfants dont Héléna était l'ainée. Sans faute, il reviendrait dans cette maison, dès que la paix serait revenue et offrirait à sa famille un repas aussi chaleureux que l'amour qu'il leur portait. Il rentrerait en vie, tout en préservant sa respiration, et son corps affaibli d'avoir respiré un peu trop de ce parfum mortel...


notes de fin: Merci d'avoir lu ce chapitre si difficilement écrit. En fait, ce ne devait être que la première partie du vrai chapitre, mais j'étais trop ambitieuse au niveau du plan, trop contente d'avoir eu des idées pour le mettre en place. La suite est en cours d'écriture et de réflexion (avec les doutes qui accompagnent ToT) et j'espère qu'elle arrivera dans pas trop longtemps.
En tout cas, aussi étrangement que cela puisse paraître, j'ai pris du plaisir à faire agir des personnages dont je ne suis pas particulièrement fan, comme Fenrir (qui m'avait traumatisée quand j'étais petite) ou Shura (dont je n'ai normalement pas beaucoup d'inspiration le concernant). J'ai une petite affection pour Nachi qui est née depuis Saint Kanon, et Asterion, c'est un vrai plaisir d'écrire les interactions avec lui! Quant à Thor, j'ai voulu lui donner la jeune demoiselle sur qui avait craqué DM dans Soul of Gold comme fille. Parce que pourquoi pas? Après tout, Thor étant d'origine modeste par rapport aux autres God Warriors, sa raison de se battre pour Hilda pourrait être sa famille.
Le caractère d'interlude est yuki, neige en japonais.
Je vous fais des bisous et à la prochaine.