notes: Bonjour, bonsoir! Un nouveau chapitre qui se veut une interlude concernant un passage important de mon histoire et deux persos non moins indispensables. Je vous souhaite une bonne lecture.
Dix-septième histoire: Vétérans
Après le conseil de guerre qui avait eu lieu dans la matinée, Dohko resta seul avec Shion, à attendre que le soleil se couche.
Quand bien même il était le chevalier de la Balance de cette époque, et que son devoir aurait été de rejoindre son temple pour tout mettre en ordre, dans l'éventualité d'un assaut jusqu'au sein des escaliers sacrés, il préféra demeurer dans le palais du Grand Pope. Après tout, il n'y avait plus mis les pieds depuis la dernière guerre sainte, soit plus de 243 ans environ, de ce fait, rien n'avait changé. Et il avait confiance aux petits jeunes qui entouraient la sixième demeure. Pas besoin d'une concentration extrême pour juger de la puissance de leurs cosmos dorés, ils étaient prêts à défendre le Sanctuaire. Et en cas de besoin, il les épaulerait sans problème.
Kanon l'avait revendiqué au cours de la réunion: c'était leur affrontement contre Hadès, leur combat à eux pour protéger leur Athéna et défendre la terre à leur époque. Et malgré ses propos incisifs, impulsifs, même, le Gémeau avait raison. Les anciens, malgré leur vécu, ne pouvaient se rendre compte de la situation actuelle. Autant Shion, qui, malgré sa direction irréprochable du Sanctuaire, son affection pour chacun de ses habitants, que lui, Dohko, dont beaucoup avaient oublié son vrai prénom pour le renommer Vieux Maitre, lui même isolé en Chine pour surveiller les mouvements des Spectres.
Tous deux ne seraient que des soutiens à ces chevaliers dans leur guerre à eux.
Il jeta un regard tout de même inquiet sur l'ancien Bélier qui soupirait à la lecture d'un parchemin.
« Je pense que pour l'heure, tu devrais cesser ta paperasse, tu ne crois pas, fit Dohko.
-J'essaye de me détendre en lisant une chronique du Sanctuaire mais...
-... mais c'est parfaitement illisible, constata son ami. Tu vas t'abimer les yeux à tenter de déchiffrer ces pattes de mouche, ce qui va inquiéter notre jeune déesse et te récolter les railleries de tes fils adoptifs, je compte Mu dedans en plus...
-Tu peux me traiter de vieux sénile, tu n'es pas mieux, à râler auprès des cuisiniers pour réclamer de la liqueur semblable à celle que tu bois aux Cinq Pics, parce que c'est la seule boisson qui te calme...
-J'ai mes habitudes, écoute...
Tous deux se toisèrent de leurs regards encore remplis de fougue de vivre malgré le temps qui dessinaient peu à peu des rides sur leurs visages et explosèrent en fou rire.
-Ce qu'on est bête, mon cher Dohko, franchement...
-Nous nous inquiétons pour l'avenir, mais pour l'heure, cette attente alors que nous n'avions plus observé d'attaque depuis le décès de Death Mask nous met sur les nerfs. Et c'est difficile de vouloir vivre normalement alors qu'on ignore ce qui pourrait nous tomber dessus sans crier gare...
-C'est vrai. J'ai confiance, vraiment en ce plan de bataille qu'on a pu fixer, autant qu'aux capacités des chevaliers qui accompagneront Athéna, mais...
-Il n'y a pas de mal à s'inquiéter non plus. Les troupes d'Hadès sont plus fourbes que le dieu lui même, c'est un fait indéniable depuis la nuit des temps. Lorsque nous avions combattu toi et moi, nous avions vu tant d'amis, tant d'alliés tomber. Même si je les connais moins que toi, je serai tout aussi attristé de voir mourir des chevaliers dans les prochains jours. Et je ne peux te cacher cette inquiétude que j'ai de laisser Shiryu, mon disciple, aller aux Enfers, quand bien même je sais toute l'étendue de ses pouvoirs...
-Tu comprends très bien ce que je ressens, alors...
-Bien évidemment, Shion. Et au cours de cette trop longue séparation entre nous, je n'ai pas arrêté de me faire du souci pour toi, malgré nos conversations par la pensée. Tu avais beau me raconter tant de choses, la distance entre nous était réelle et... Dohko posa doucement une main sur celle de l'ancien Bélier. Dans les jours, dans les heures qui viennent, en tant que chevalier de la Balance, je me mets à tes ordres pour protéger le Grand Pope et le Sanctuaire...
-Merci, Dohko.
-... et en tant qu'ami... enfin, c'était ce qu'on disait à notre époque pour ne pas faire rager ton maitre qui ne m'aimait pas du tout, continua-t-il en riant de ces souvenirs, je veux rester aux côtés de celui qui m'a manqué tant d'années.
-Mon maitre Hakurei doit nous observer depuis les étoiles et désapprouver parfaitement tes paroles, mais il reconnaitrait quand même ton sens de l'honneur et ton obstination.
-Surtout mon obstination, oui! »
Dans les yeux en amande de Shion, Dohko décela une petite pointe de sérénité. Il ne le lâcherait pas, sans aucun doute.
老人
Le temps passait, tandis qu'Athéna entrait dans la bibliothèque du Palais, mettant un terme à une longue conversation entre les deux vétérans.
« Ô déesse, fit Shion. Approchez, vous êtes ici chez vous, vous le savez.
-En effet, Grand Pope, mais vous aviez précisé qu'une fois la nuit tombée, les chevaliers m'accompagnant aux Enfers et vous même deviez monter par delà mon temple, tout près de la statue qui protège le Sanctuaire et...
-Je ne l'ai pas oublié. Dohko et moi allions à votre rencontre, à vrai dire. Montons ensemble en direction de votre demeure, déesse », conclut le patriarche en rangeant les parchemins dans une couverture en vieux cuir usé qu'il laissait ainsi sur le bureau.
Tous se dirigèrent vers la grande salle du palais au fond de laquelle le trône s'imposait, et de part et d'autre du siège, chevaliers de Bronze et d'Or, ceux qui avaient été désignés pour accompagner Athéna aux Enfers attendaient, vêtus de tenues civiles, tenant sur leurs épaules les urnes de leurs armures.
Dohko lança un regard confiant à son disciple Shiryu, et resta en fin du cortège qui partit alors en direction du temple divin.
Ils traversèrent le voile blanc derrière le trône et gravirent un premier escalier relativement étroit qui menait vers la sortie du palais.
À l'air libre, ils montèrent encore des marches vers la Maison d'Athéna, un édifice en pierre un peu plus petit que les autres temples du zodiaque, mais comportant le nécessaire pour le bien être de la déesse et sous la protection bienveillante de ses prêtresses.
Cependant, ils ne s'arrêtaient pas là, mais une dizaine de marches plus loin, devant l'imposante statue qui regardait vers le lointain de ses yeux vides et pourtant remplis de force, tenant dans une main le bouclier de la justice et dans l'autre le sceptre représentant la déesse Niké.
À ses pieds, neufs boites d'armures sacrées.
Shion et la jeune Kido s'avancèrent, ainsi que Elisa, la prêtresse en chef, tenant un linge entre ses mains, dans lequel était recouvert un volume impossible à deviner de là où se tenaient et le chevalier de la Balance et les autres. Quand bien même le plus vieux savait de quoi il s'agissait.
« Ô déesse, fit le Grand Pope d'une voix claire et solennelle. Nous voici devant votre statue qui protège le Sanctuaire depuis la nuit des temps, et ainsi apporte courage et assurance envers vos protecteurs. Elle est aussi le symbole de la justice et de la paix sur notre terre. À l'aube de cet affrontement contre le seigneur des Enfers, Hadès, vous avez décidé de vous rendre dans son domaine pour le combattre, avec l'aide de chevaliers que vous estimez puissants et de confiance pour ce voyage si dangereux. Les astres nous offrent cette chance de nous organiser un minimum avant les assauts des Spectres. C'est pourquoi, Dohko, le chevalier de la Balance, et moi même, Shion, ancien Bélier, nous nous permettons de vous prodiguer des conseils qui, nous en sommes sûrs, seront primordiaux pour cette mission.
-Déesse, chevaliers, enchaina le Vieux Maitre, peut-être vous l'a-t-on déjà dit, mais le passage entre le monde terrestre et le monde souterrain ne se fait pas facilement. C'est littéralement la transition entre la vie et la mort, et peu importe votre puissance, les dimensions sont différentes. Traverser ainsi les portes des Enfers à la légère vous tuera sur le coup. Pour cela, vous devez chacun, sans exception, élever votre cosmos au plus haut que vous le pouvez. Même plus haut encore. Vous, chevaliers d'Or, atteindre le septième sens, celui qui englobe tous les autres et qui est la preuve même de votre haut rang parmi les protecteurs d'Athéna, n'est pas un problème. Chacun de vous quatre possède un cosmos puissant et quasi inné. Quant à vous, chevaliers de Bronze, je sais vos potentiels, et notre déesse, Kanon également, ont su déceler en vous une force cachée qui ne demande qu'à être éveillée. Vos efforts dans les missions, dans vos entrainements vont démontrer cela, alors, n'ayez aucune hésitation. Croyez en vous, en vos constellations respectives et en ce cosmos qui dort en vous et qui ne demande qu'à exploser. Pour Athéna, pour la Terre, pour vous même également.
Chaque jeune homme hocha la tête, comme un peu perdu.
-Je sais que ce dont je parle est un peu nébuleux, continua Dohko, un sourire en coin. On ne peut s'en rendre compte qu'une fois sur place. Cette impression qu'on n'a plus d'autre choix que de pousser son cosmos au delà des limites que l'on connait en espérant que tout se passe bien après, et malgré tout sans aucune garantie d'être en vie à l'arrivée. Il ne faut juste pas perdre espoir, et vous n'êtes pas seuls.
-Veuillez m'excuser, Vieux Maitre, intervint Camus, mais quand bien même nous arrivons à cet état nous permettant d'entrer dans les Enfers, qu'est-ce qui garantit que nos forces et nos armures seront en état?
-Merci de poser cette question, répondit Shion, nous allions y venir. Car, effectivement, vous serez avec Athéna, et dans une telle situation, sa bénédiction par son cosmos, pourtant divin, ne suffira pas. Vous allez avoir besoin d'une partie d'elle. Ô déesse, Elisa, veuillez approcher.
Les deux jeunes femmes rejoignirent le Grand Pope.
-Jeune déesse, vous savez que les armures de vos protecteurs sont des entités vivantes, qui ont besoin elles aussi d'une substance vitale pour assurer leurs fonctions d'alliées pour les chevaliers et pas seulement de protection.
Athéna hocha la tête.
-Elisa, voudrais-tu ouvrir l'écrin, s'il te plait?
La prêtresse s'exécuta, dévoilant du linge un coffret en ornements dorés qui scintillaient sous les étoiles. À l'intérieur, Dohko reconnut l'artefact, une dague aussi dorée et brillante que toutes les armures des douze chevaliers et incrustée de pierres précieuses aux couleurs vivent, brillant à la lumière de la lune.
-Athéna, votre sang est ce qui va vous aider à traverser les Enfers et créer tant de miracles, je l'espère, qui mettront un terme à cette guerre.
La jeune fille leva des yeux inquiets en direction du Grand Pope.
-Pépé Shion, vous n'allez pas la... s'écria Kanon.
-Bien sur que non, gamin, rassura Dohko. Laisse le parler, et tu comprendras la suite.
-Ce qui coule dans les veines d'Athéna est bien évidemment du sang, par le fait qu'elle s'est réincarnée sur terre en devenant la jeune Kido Saori, mais elle reste une déesse venant de l'Olympe, expliqua l'ancien Bélier. Comme pour ramener à la vie des armures abimées et détruites par les combats, il est arrivé par le passé que des chevaliers donnent de leur sang pour ressusciter ces protections, les rendant plus fortes, plus vivantes que jamais. De ce fait, pour assurer votre incursion aux Enfers, ce sang divin sera indispensable.
-Mais... intervint Aiolos, ô déesse, êtes-vous...?
-J'ai eu une longue discussion avec le Grand Pope, hier, à la veille de notre conseil, répondit-elle d'une voix apaisée et comme résolue. Si mes prières ne suffisent pas à nous faire traverser la barrière des Enfers, il faut trouver un autre moyen, plus efficace. Et si mon sang peut nous faire avancer, je suis prête à vous en offrir sur vos armures.
Tout en écoutant, Dohko observait les visages de chacun, ceux inquiets du Sagittaire et du Verseau, celui de Kanon fermé et dur, celui de Shaka fermé également, mais comme serein et impassible, et ceux des petits Bronzes probablement partagés entre l'incompréhension, la surprise et aussi l'inquiétude.
Elisa ne laissait paraître aucune émotion non plus. Quand bien même il ne la connaissait que depuis peu, le Vieux Maitre en avait entendu parler de cette prêtresse dévouée, consciencieuse et tant investie dans la vie du Sanctuaire. Elle aimait le domaine tout autant que Shion, et n'avait pu dissimuler ses larmes en apprenant l'état d'Orphée et d'Alice après leur attaque face un Spectre.
Quant à son vieil ami de toujours devenu Grand Pope, il le connaissait si bien. Il ressentait ces étincelles de cosmos encore vives qui émanaient de sa longue robe de patriarche, ces souvenirs de l'ancien chevalier d'Or devenu plus sage, mais toujours autant concerné par le monde qui l'entourait. Et il sentait son angoisse, sur l'avenir, sur le Sanctuaire et aussi sur ce qu'il était en train d'énoncer à la jeune déesse.
''Courage mon ami'' pensa-t-il, alors que Shion remettait la dague dorée entre les mains d'Athéna.
Cette dernière regarda l'arme d'un regard décontenancé.
-Que dois-je faire, Grand Pope?
-Simplement verser votre sang sur les armures. Quelques secondes et quelques gouttes sur chacune suffiront.
Elle hocha la tête, et, en une inspiration, se tailla un poignet. Elle grimaça, et des gouttes de larmes semblaient sortir de ses yeux, tandis que d'autres, écarlates, commencèrent à perler sur une armure de Bronze, celle de Pégase. Puis, sur celle du Dragon, et ainsi de suite jusqu'à la dernière, celle des Gémeaux. Quelques instants à peine pour, qui sait, un avenir radieux et paisible sur Terre, loin des menaces d'Hadès...
Une fois ce geste effectué, Elisa arracha un pan du linge qu'elle avait pris avec l'écrin de la dague, et entreprit de bander le poignet gauche d'Athéna pour stopper l'hémorragie.
-C'est... tout, demanda Kanon. Comment peut-on savoir si le fait qu'elle ait donné son sang est efficace ou non?
-Mettez vos armures, ordonna Shion.
Sans attendre, les chevaliers furent vêtus de leur protection, tels les défenseurs de la déesse de la Guerre et de la Sagesse sur terre.
Dohko ne put réprimer ce sourire de fierté devant cette nouvelle génération en pleine forme, et éclatante d'énergie.
-Alors, fit-il. Quelles sont vos impressions?
-C'est étrange, constata Shun. J'ai comme... on dirait que l'armure est vivante, qu'elle vibre et...
-... c'est comme si elle entrait en contact avec nous, ajouta Shiryu.
-Comme si... elle faisait partie de nous, termina Seiya.
-Bien plus que ça, déclara Aiolos. Seiya, tu portes ton armure pour la première fois, c'est vrai, et tu as raison de faire cette remarque, mais... Il y a quelque chose en plus. Quelque chose de léger, quelque chose qui rendrait notre cosmos même beaucoup plus puissant, et faciliterait nos gestes... c'est difficile à décrire mais...
-Vous avez tous entièrement raison, conclut Shion. Les affinités que vous avez avec vos constellations, cette entente entre vos armures et vous mêmes, poussés par ce cosmos dans votre corps, ce sont des choses innées pour vous tous, chevaliers d'Athéna. Et le sang que notre déesse vous a offert, c'est le plus beau cadeau qui soit. Un cadeau divin. Prenez-en soin, et puissiez-vous aller aux Enfers sans crainte.
Les chevaliers s'agenouillèrent devant le Grand Pope et la jeune Athéna, comme pour les remercier tandis que Dohko regardait la scène, non sans une pointe de tendresse et de fierté. Il comprenait à présent cette tendresse qu'éprouvait Shion envers ces petits qui peuplaient le domaine sacré et cette chance que cette génération ait pu débuter sans l'ombre d'une tragédie.
-A présent, il reste une chose de la plus haute importance à effectuer, ô déesse, reprit le Grand Pope. Car, vous vous doutez bien qu'on ne pourrait se permettre de vous laisser aller aux Enfers seulement avec votre enveloppe charnelle... Car peu importe votre cosmos si puissant, votre corps n'en reste pas moins celui d'une jeune fille humaine, et donc si fragile et si facile à détruire pour un Spectre à la force dévastatrice... Aussi, en tant qu'Athéna, on doit vous remettre votre armure également.
-Pardonnez-moi, Grand Pope, mais on ne m'a jamais indiqué l'emplacement de cette armure, et même, rien n'est écrit dans les ouvrages que l'on m'a remis à mon arrivée au Sanctuaire... Serait-elle dissimulée à l'abri de personnes mal intentionnées?
Shion esquissa un léger sourire:
-Non, ô déesse. Parce que la meilleure cachette c'est de l'avoir justement sous ses yeux. Veuillez vous retourner et dire ce que vous voyez.
Elle s'exécuta.
-C'est la statue, imprégnée de mon cosmos, qui protège tout le domaine et... Vous voulez dire que...
-C'est cela. Et vous seule pouvez la déplacer de son autel. Vous seule pouvez lui donner la vie et ainsi, l'emporter avec vous pour la revêtir au moment adéquat.
-Lui donner la vie, vous voulez dire...
Le Grand Pope hocha la tête. La jeune fille avait compris qu'elle ne devait pas ranger tout de suite la dague dans l'écrin.
Aussi, dans un silence que seul le vent nocturne troublait, elle serra l'arme dans son poignet blessé et s'avança vers la statue, tournant le dos aux chevaliers, à Shion et Elisa.
Ce qui se passa par la suite fut quasiment instantané.
Appuyé contre une colonne, Dohko observait le rituel si rapide. Un sursaut de la jeune Saori, probablement quand son bras fut tailladé, ce même bras qui fut brandi dans les airs pour laisser le sang se répandre aux pieds de la statue, et puis... une vague de cosmos puissante qui écrasa tout le monde présent au sommet des escaliers du zodiaque. Et puis une lumière éblouissante comme si le soleil s'était levé et positionné en son zénith, au beau milieu de la nuit. Et enfin... plus rien.
Le chevalier de la Balance aussi dut se protéger les yeux et les rouvrit sur le vide et un cri d'Athéna.
-Grand Pope! Qu'ai-je fait? La statue... Elle a disparu!
Shion s'avança à son niveau, tournant lui aussi le dos à l'assistance.
-Elle se trouve à vos pieds, ô déesse. Désormais, votre armure est transportable où que vous alliez. Cependant, continua l'ancien Bélier en se retournant vers le reste des personnes présentes, il est bien plus sûr que les chevaliers qui vous accompagnent se relaient pour la transporter. Encore une fois, faites de votre mieux pour ne jamais laisser Athéna seule. Son but est d'affronter Hadès face à face, avec son armure. Chacun de vous est assez intelligent et fiable pour comprendre l'enjeu. »
D'une seule et même voix, chevaliers de Bronze et d'Or répondirent d'un oui clair et déterminé.
Tandis que Elisa enroulait le second poignet de la jeune Saori d'un pan de drap pour stopper le sang qui coulait, Dohko regardait tout cela comme s'il n'était qu'un simple spectateur, quand bien même il analysait chaque détail. Il observait chaque geste des plus jeunes, partagés entre cette crainte tout à fait légitime que lui même et Shion avaient éprouvées plus de deux siècles auparavant, et cette envie naissante de soutenir leur déesse, et d'aller combattre les Spectres. Le Vieux Maitre était quasiment certain que chaque guerrier d'Athéna de chaque génération avait éprouvé ces sentiments. Cette fierté d'avancer côte à côte pour un avenir meilleur, loin des ténèbres infernales, effaçant ainsi la peur qui gagnait leurs cœurs...
Lui même, probablement pour la dernière fois, éprouvait ces vibrations en lui, alors que son sang coulait dans son corps à une vitesse vertigineuse, comme à l'époque où il était un jeune homme fougueux, insolant, mais épris de cette envie de défendre le Sanctuaire et la surface de la Terre, auprès de ses camarades... auprès de son compagnon de toujours, Shion, l'ancien Bélier.
老人
Ses yeux en amande rivés sur l'horizon, le Grand Pope, seul à l'extérieur de son palais, ne cachait pas son inquiétude. Dans le ciel, les étoiles dansaient. Non, elles s'affolaient. Leurs trajectoires étaient devenues trop aléatoires, sans l'harmonie qu'il constatait les jours précédents. S'y ajoutaient d'autres astres sombres, brillant d'une lumière noire, maléfique.
La réalité avait rattrapé ce destin inéluctable. Les Spectres avaient engagé le combat, tuant des soldats aux frontières du Sanctuaire et un chevalier d'Argent.
Aussitôt, Athéna et les chevaliers désignés étaient partis vers une ouverture des Enfers. La plus évidente, celle qu'il connaissait de sa guerre à lui. Un château en Allemagne.
Désormais, plus personne n'était en sécurité. Même entourée par de bons guerriers, la déesse n'était pas intouchable pour autant. Quant au Sanctuaire... Il était privé de sa plus puissante protection.
Le regard de pierre si rassurant pour chaque habitant du domaine n'était plus là, ni le cosmos extraordinaire que renfermait la statue.
Bien évidemment, lui même et Athéna avaient pris la précaution de bénir un grand nombre d'endroits, d'apposer des sceaux divins en des lieux stratégiques, mais cela suffirait-il pour tenir le coup? Et combien de Spectres Hadès avait-il envoyés ici?
Quand bien même il savait les chevaliers restants prêts au combat, quand bien même il savait les civils prêts à se réfugier en sécurité, il s'était lui aussi résolu.
Certes, il était le Grand Pope, le représentant terrestre d'Athéna qui veillait sur le Sanctuaire en attendant sa résurrection. Certes, il en avait adoubé des chevaliers en plus de deux siècles, il avait connu tant de personnes, vu tant d'enfants naitre comme tant de vieillards s'endormir à tout jamais. Il en avait signé des colonnes entières de documents, fait tant d'aller retour dans ces escaliers. Il était également ''Pépé Shion'', le père adoptif de Kanon et Saga, le maitre tant respecté par Mu.
Aussi, pour tout ce qu'il était, il ne resterait pas les bras croisés à attendre et constater les décès.
Même dépourvu d'armure, son cosmos brulait encore en lui. Même conscient d'être rouillé au combat, il ne se laisserait pas faire.
Il avait quitté ses robes de cérémonie pour porter une tenue chère à son cœur, pour faire honneur à son maitre Hakurei. Ces vêtements de style orientaux, dont une manche avait disparu avec le temps et les combats, lui découvrant le torse. Fermement serré dans ses mains, l'épée sacrée et bénie par Athéna qu'utilisait son cher maitre au cours de la guerre précédente.
Sa contemplation de l'horizon fut interrompue par une présence qui approchait. Un sourire se dessina sur ses lèvres.
« Je devrais te donner l'ordre de rester dans la Maison de la Balance, normalement...
-Je venais faire mon rapport de patrouille des escaliers au Grand Pope, mais je découvre un guerrier prêt à bondir sur l'ennemi, répondit Dohko.
Shion se mit à rire. Seul celui qui était surnommé le Vieux Maitre pouvait arriver à le dérider même dans une telle situation.
-Je t'écoute, chevalier de la Balance.
-Chaque chevalier d'Or est à son poste, et prêt à descendre si un groupe de Bronzes ou d'Argents est en grande difficulté. J'ai du préciser ce point important un certain nombre de fois à Aldébaran qui s'inquiète pour les habitants. Je pense que Mu a retrouvé sa forme malgré tout le travail qui lui a été imposé pour préparer cette guerre. En tout cas, son cosmos ne donne aucun signe de faiblesse. Dans la Maison du Lion, Aiolia est prêt, et est épaulé d'un allier de taille en la présence de ce Guerrier d'Asgard, Mizar. Je pense qu'il y a là une preuve que l'on peut compter sur ce combattant d'Odin. Milo est impatient que cela se termine. C'est avec lui que j'ai du passer le plus de temps. C'est encore un gamin, qui craint pour les gens qu'il aime. Il lui tarde de revoir Athéna, et les autres chevaliers revenir. Et pour finir, Aphrodite n'était pas présent dans son temple, mais m'a signifié par la pensée qu'il le regagnerait le plus rapidement possible. Il devait s'assurer que les civils avaient de quoi se soigner et il devait vérifier les pièges floraux qu'il avait déposés dans le hameau. Quant à moi, je suis prêt également à défendre notre Sanctuaire.
-Merci, Dohko. Plus qu'à prier pour qu'il y ait le moins de pertes possible.
-On ne peut rien prévoir, à présent, mais permets-moi de rester avec toi. Nous avons confiance en cette jeune génération. Alors donne-moi l'autorisation de protéger le Grand Pope.
-Dohko...
-Shion, je comprends ton envie de vouloir défendre le Sanctuaire, c'est normal. Mais tu es le Grand Pope, tu es le Pépé de tant d'enfants ici bas mais malgré ta volonté et ton cosmos, je ne peux m'empêcher de me faire du souci pour toi. Pendant plus de deux cents ans, nous avions été séparés et...
-Tu as mon accord, mais je reformule ta requête. Moi, Shion, Grand Pope, et ancien chevalier d'Or du Bélier, je te permets, toi, Dohko, chevalier d'Or de la Balance de combattre à mes côtés, comme avant.
Les grands yeux malicieux du Vieux Maitre brillaient.
-Merci, mon ami. En plus, tu es bien plus majestueux et imposant que le vieux Hakurei à notre époque.
-Idiot », répondit Shion en riant.
Presque en même temps, les deux guerriers de la précédente bataille contre Hadès se tournèrent vers l'horizon, en direction des terres du Sanctuaire, comme si de leurs regards, ils veillaient sur les habitants. De sa main de libre, le Grand Pope serrait les doigts du chevalier de la Balance, pour recueillir un peu de cet amour qui n'avait pas terni avec le temps entre eux. Un léger vent soufflait dans la courte tignasse sombre de Dohko et les longs cheveux vert pomme de Shion, alors que dans le ciel, des points sombres chutaient en nombre vers le sol. Cette seconde guerre commençait enfin pour les deux vétérans...
notes de fin: Merci d'avoir lu. J'ai eu assez de mal à écrire ce chapitre, pour les points qui y sont traités. La bénédiction des armures, la transformation en mini de celle d'Athéna, c'est franchement plus facile à regarder et lire qu'à écrire! Et même si je les adore, nos vieux préférés, je n'ai pas non plus l'habitude d'écrire sur eux, et dans une situation tendue comme ici. Mais c'était un passage obligé dans l'histoire. On m'avait suggéré dans des reviews que cela aurait été bien de voir ce passage pour Athéna, et finalement, je me suis dit, pourquoi pas faire ma version pour cette fic. J'espère avoir relevé le défi.
J'ai beaucoup d'affection pour le ship Dohko/Shion, mais j'ai préféré le décrire de manière pudique. Ils n'ont pas besoin de baisers fougueux de cinéma pour montrer leur amour. Et je garde ce HC dans lequel Hakurei, le maitre de Shion dans TLC ne supporte pas leur relation. Ça me fait marrer à chaque fois en fait!
Les kanji d'interlude 老人 sont roujin, personnes âgées en japonais. Voui.
La suite est en réflexion, mais j'espère la commencer très vite.
Des bisous et à la prochaine.
