Bonjour bonjour,

Désolée de poster avec autant de retard, mais 24h dans une journée ce n'est pas suffisant pour tout faire -_-

Je ne vais pas faire trop de blabla du coup, car je pense que vous êtes pressés de lire.

Je remercie ma Bêta, toutes les personnes qui ont laissé une review ou m'ont ajouté en favs/alerts.

Bonne lecture, on se retrouve en bas.


Chapitre 13 : La proposition

La salle du Conseil se vidait progressivement. Helen Blackthorn était la représentante de l'institut de Los Angeles. À part les Penhallow, elle ne connaissait pas grand monde à Alicante et s'était mise un peu à l'écart. Magnus Bane passa devant elle, sans même lui jeter un regard. Il avait la mine sombre. Intriguée, Helen poussa la porte d'où était apparu le sorcier. La curiosité la poussa à suivre le couloir mal éclairé jusqu'à déboucher sur le jardin où Alec se trouvait toujours. Il n'avait pas bougé d'un pouce, ressassant encore et encore les derniers mots que Magnus lui avait dit avant de l'embrasser une dernière fois.

– Salut, fit-elle, un peu gênée. Tu es Alexander Lightwood, n'est-ce pas ?

Les yeux d'Alec reprirent vie.

– Oui, dit-il d'une voix monocorde. Alec… je préfère Alec.

Helen s'approcha de lui.

– Tu es sûr que ça va ? Je viens de voir partir Magnus Bane et il avait à peu près la même expression que toi.

Alec soupira. Il avait les épaules basses et le bleu de ses yeux était terni par la souffrance qu'il ressentait.

– Magnus était avec moi. Il… il vient de rompre.

La jeune fille le fixa incrédule.

– Tu veux dire que…

– Oui, je sortais avec Magnus et… oui, je suis gay. Je n'arrive pas à croire que je viens de dire ça à une inconnue, alors que je suis incapable de le dire à mes propres parents, ironisa Alec.

– Oh ! s'exclama Helen, visiblement touchée par la détresse du Chasseur d'Ombres. Je te trouve courageux, tu sais, le fait que tu arrives à en parler montre que tu assumes d'être différent et je trouve ça bien. (Elle hésita brièvement.) J'aimerais pouvoir en faire autant.

Les mots de la jeune Blackthorn piquèrent la curiosité d'Alec.

– Alors toi aussi, tu…

– Je suis bisexuelle. Je dois le tenir de ma mère. Il parait que la plupart des fées le sont, dit-elle sur un ton léger. Mon père est au courant, mais je n'ai pas réussi à lui dire que je sortais avec Aline. En fait, tu es le premier à qui j'en parle.

Elle se mit à rire doucement, comme libérée d'un poids.

– Aline… Aline Penhallow ?

– Oui. Je sais que cela ne me regarde pas, mais tu devrais laisser du temps à Magnus. S'il a de vrais sentiments pour toi, il reviendra.

Même si l'optimisme de la jeune fille lui paraissait un peu excessif, Alec avait envie d'y croire.

– Merci, dit-il avec un petit sourire.

Elle lui tendit la main, qu'il serra.

– Helen Blackthorn, enchantée de te connaitre. J'allais rejoindre Aline chez elle, tu veux venir avec moi ?

– Pourquoi pas. Aurais-tu vu mes parents par hasard ?

– Oui. Ils discutaient avec les Penhallow quand j'ai quitté la salle.

Alec et Helen quittèrent le jardin et rejoignirent la salle du Conseil. Le jeune Lightwood alla trouver ses parents pour leur dire qu'il rentrait. Helen le suivit jusqu'à la grande porte en bois, qui s'ouvrit brusquement. Jace et Clary déboulèrent en trombe dans la grande salle. Le jeune homme prit la parole avant même d'avoir rejoint ses parents adoptifs.

– Il faut renforcer la sécurité aux portes de la ville. Jonathan était là, il est entré dans Alicante.

– Qu'est ce que tu racontes, Jace ? bredouilla Maryse.

– Nous l'avons vu, nous lui avons même parlé, ajouta Clary.

– Que vous a-t-il dit ?

– Ce n'est pas ce qu'il a dit qui m'inquiète, rétorqua Jace, d'une voix grave, mais plutôt ce qu'il tenait dans les bras. Il a enlevé un enfant et je suis sûr que ce n'était ni le premier, ni le dernier.

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Isabelle attendait depuis un bon moment maintenant, seule, assise sur les marches de l'entrée sud du bâtiment. Quelques minutes après la fin du conseil, elle fut surprise de voir Magnus sortir. Il était seul, lui aussi, et avait l'air contrarié. Il passa à côté de la jeune fille sans la regarder, mais Isabelle l'interpela.

– Magnus… attends ! Tu n'es pas avec mon frère ?

Le sorcier se retourna en soupirant.

– Comme tu peux le voir, non !

– Tu es sûr que ça va ?

– Non, ça ne va pas. Tu me fais perdre mon temps ! Je dois rentrer à New York.

Les yeux d'Isabelle s'éclairèrent.

– Génial ! Je viens avec toi.

– Quoi ? Non, hors de question !

– Allez, sois sympa ! Je veux juste vérifier que Simon va bien.

– C'est louable de ta part, mais c'est toujours non. J'ai assez de problèmes avec les Lightwood pour le moment.

La jeune fille croisa les bras sur sa poitrine et dévisagea le sorcier.

– Ah ! C'est donc ça… Alec t'en veut toujours ? Vous vous êtes encore disputés ?

– Bien essayé, ironisa Magnus, mais cela ne te regarde pas.

– Alec est mon frère, bien sûr que ça me regarde ! insista-t-elle.

– Vous êtes vraiment butés dans la famille, hein ? Je n'ai ni l'envie ni le temps de discuter de ce sujet avec toi. Je dois y aller. Je passerais voir Simon, si cela peut te rassurer.

La jeune Lightwood n'insista pas et regarda le sorcier s'éloigner. Elle remonta ensuite les quelques marches qui la séparaient de la grande porte et l'entrouvrit pour jeter un œil à l'intérieur. Clary et Jace étaient là, discutant avec ses parents. Elle entra et rejoignit le petit groupe.

– Je pensais que tu étais retourné chez les Penhallow, murmura Clary, en se rapprochant d'elle.

– Non, j'attendais dehors. Qu'est-ce qui se passe ?

Une expression inquiète se peignit alors sur le visage de Clary.

– Jonathan était là… à Alicante. Jace et moi l'avons croisé. Il venait d'enlever un enfant.

Soudain, les traits d'Isabelle se décomposèrent.

– Oh non, Max, souffla-t-elle, je… je dois aller vérifier qu'il va bien.

Clary se rappela alors le visage de l'enfant, dans les bras de son frère. Elle était alors trop loin pour distinguer les traits du garçon, mais il devait être à peine plus vieux que le dernier-né des Lightwood.

– Je viens avec toi.

Les deux jeunes filles quittèrent la salle en compagnie d'Helen. Elles furent accueillies par Max qui sauta dans les bras de sa sœur.

– Ah, vous voilà enfin ! J'ai cru que ce conseil ne finirait jamais.

Isabelle ébouriffa les cheveux de son frère et se détendit. Aline déboula dans l'entrée, un sourire apparut sur ses lèvres quand elle vit Helen.

– Max a raison, dit-elle, vous êtes partis depuis des heures.

– Il s'est passé quelque chose, répondit Helen.

– On va tout t'expliquer, ajouta Clary en se dirigeant vers le salon.

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– Ralentis, bon sang ! s'énerva Alec, qui avait du mal à suivre son parabataï.

Jace s'arrêta, en manifestant son impatience par un soupir exaspéré.

– On devrait partir à la recherche de Jonathan au lieu d'aller frapper aux portes ! grommela-t-il lorsqu'Alec l'eut rejoint.

– Je me doute que le revoir a dû te perturber, mais on ne saurait même pas où chercher ! On doit savoir si d'autres enfants ont disparu.

– Je sais. Si Max se faisait enlever, je…

Jace ne termina pas sa phrase. Il serra les poings et son visage se ferma. Les deux amis marchèrent jusqu'à l'endroit où le couple avait croisé Jonathan. Jia avait également envoyé d'autres équipes de Chasseurs d'Ombres à travers la ville pour vérifier chaque maison, chaque famille. Petit à petit, des parents anxieux, voire paniqués, arrivaient à la Garde, avec l'espoir d'obtenir des informations sur la disparition de leurs enfants. Malheureusement, l'inquisitrice n'avait aucune réponse à leur donner, à part que l'Enclave ferait son possible pour trouver la raison de ces enlèvements. Elle ne parla ni de Jonathan, ni de Valentin, mais les Nephilim n'étaient pas dupes et la rumeur enfla rapidement dans la Cité de Verre.

La journée fut rude et longue pour le groupe. La nuit était tombée depuis longtemps quand ils se séparèrent. Clary rentra chez Amatis avec sa mère et Luke, tandis que les Lightwood suivirent les Penhallow jusqu'à leur maison. Alec resta en arrière, les mains dans les poches et la mine morose. Isabelle le remarqua et le poussa gentiment d'un coup d'épaule.

– Tu boudes ? le taquina-t-elle, pour le faire réagir.

– Je n'ai plus cinq ans, Izzy ! Je suis juste inquiet.

– À cause de Magnus ou des enlèvements ?

Alec dévisagea sa sœur avec insistance.

– Tu as parlé avec Magnus ?

– Oui, vite fait. Il est rentré à New York.

– Oh ! Je ne savais pas… (Il tenta de cacher sa déception.) Je ne l'ai pas revu après le Conseil.

Isabelle laissa son frère tranquille et chacun monta se coucher.

Une fois seul dans sa chambre, Jace prit une bonne douche. L'eau chaude coula sur ses muscles fatigués et les détendit progressivement. Il passa la main à l'endroit exact où Jonathan l'avait poignardé. La douleur n'était plus qu'un mauvais souvenir, mais son cerveau refusait d'oublier. Il se rappelait précisément ce qu'il avait ressenti quand la lame avait entaillé sa chair. Il frissonna et chassa ces souvenirs d'un mouvement de tête qui envoya des gouttelettes d'eau contre les vitres de la cabine de douche.

Il sortit de la salle de bain, une serviette à la taille puis enfila son pyjama. Assis sur le bord du lit, il passa ses mains sur son visage. Il se sentait comme vidé de son énergie. Toutes les émotions de la journée, entre Clary, le Conseil et Jonathan, l'avaient épuisé mentalement. Il s'apprêtait à s'allonger quand un bruit le figea sur place. Les sens aiguisés du Chasseur d'Ombres – boostés par la décharge d'adrénaline – prirent le dessus sur la fatigue. Jace s'empara du couteau posé sur sa table de nuit, puis se leva doucement. Il se dirigea vers la fenêtre d'où provenait le bruit et tira les rideaux d'un geste brusque. Il faisait nuit noire dehors. La lune était masquée par un voile nuageux, tandis que l'intérieur de la chambre n'était éclairé que par la faible lueur de la pierre de rune de Jace. Le jeune Nephilim ouvrit la fenêtre et perçut immédiatement le bruissement d'aile d'un oiseau. Un faucon. Il recula d'un pas, pris d'un violent malaise. Le rapace était à présent posé sur le rebord extérieur de la fenêtre et le fixait de ses yeux perçants. Jace reprit ses esprits et s'approcha à nouveau. Une boule se forma dans son ventre quand il tendit la main devant l'oiseau qui s'y percha, enfonçant ses serres dans la peau de son avant-bras. Jace grimaça. Il se fichait de la douleur tant son cerveau était focalisé sur le bout de papier attaché à l'une des pattes du faucon. Le jeune homme n'avait pas besoin de lire le message pour savoir qui en était l'auteur. Il prit malgré tout le morceau de papier et le déplia d'une main tremblante. Il reconnut immédiatement l'écriture nette et régulière de l'homme qui l'avait élevé. La missive n'était pas signée. Le cœur de Jace se serra en lisant les mots écrits à l'encre noire.

« Sois aux portes d'Alicante à quatre heures précises. Le faucon te mènera à moi.
Tu auras toutes les réponses à tes questions.
Viens seul et ne sois pas en retard. »

D'un geste rageur, les doigts de Jace se refermèrent sur la missive. Il rendit sa liberté au rapace et referma la fenêtre. Le jeune Nephilim s'allongea sur le dos, les yeux rivés au plafond, un flot d'émotions contradictoires l'assaillant alors. Avant, il n'aurait pas hésité une seconde et se serait rendu au rendez-vous sans prévenir personne. Mais ça, c'était avant… avant Clary, avant qu'il se rende compte qu'il blessait les personnes qui l'aimaient en agissant ainsi.

Au bout d'un moment, il finit par s'endormir. Son sommeil fut agité et de courte durée. Des rêves, des souvenirs de son enfance vinrent le hanter et le réveillèrent en sursaut. Le rendez-vous était dans un peu plus d'une heure, mais Jace avait déjà pris sa décision. Il se leva, enfila sa tenue de Chasseur d'Ombres et prépara ses armes. Enfin, il prit sa stèle et se marqua avec soin sur tout le corps avant de sortir par la fenêtre. Il atterrit souplement sur le pavé et se dirigea d'un pas décidé vers la sortie de la ville. Une fois en dehors de l'enceinte d'Alicante, Jace se retourna et lança un regard mélancolique sur la cité. Il allait encore s'attirer les foudres de ses proches pour ce qu'il s'apprêtait à faire, pourtant il était persuadé de prendre la bonne décision… pour le bien de tous. Valentin préparait quelque chose et il avait l'opportunité d'obtenir des informations, il ne pouvait pas passer à côté de cette chance. Il inspira profondément et continua son chemin jusqu'à atteindre un petit bosquet où un cheval l'attendait. La Nyx qu'il s'était tatouée lui permettait de voir parfaitement malgré l'obscurité. Jace s'approcha et caressa l'encolure de l'animal avec une certaine nostalgie. Pendant son enfance, Valentin lui avait appris à monter sur un cheval de la même couleur. Il détacha alors la bride de l'arbre et monta en selle. Le jeune Nephilim siffla entre ses doigts et ne tarda pas à entendre le cri du faucon au-dessus de sa tête.

– Va et mène-moi à ton maitre !

L'oiseau s'envola. Jace fit claquer les rênes et sa monture partit au galop.

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Vitesse, agilité, discrétion. Les runes que Jonathan avait sur le corps lui permirent de semer facilement ses poursuivants. Quand il rejoignit enfin l'endroit où il avait dissimulé sa monture, le jeune Morgenstern arborait un air mécontent. Jace était vivant. Cela le contrariait bien plus que d'être tombé sur son frère et sa sœur. Il galopa jusqu'à la petite maison du lac où son père l'attendait.

– Te voilà enfin ! l'accueillit froidement Valentin. Tu en as mis du temps.

– Désolé, Père, j'ai été retardé.

Un éclair de curiosité naquit dans le regard du Chasseur d'Ombres le plus âgé. Jonathan déposa le jeune garçon dans la pièce où se trouvaient les autres enfants kidnappés. Ils étaient tous bâillonnés et attachés solidement. La peur se lisait dans leurs yeux.

– Raconte-moi.

– Je suis tombé sur Jace et Clarissa. Je les ai interrompus en pleine… action, hésita-t-il sur le choix de ses mots.

– Tiens, intéressant. Donc, Jace est ici, à Idris.

Un sourire étira les lèvres de Valentin.

– S'ils sont aussi proches que je le pense, continua Jonathan, il suffirait de…

– J'ose croire que la force ne sera pas nécessaire dans ce cas, le coupa son père. Je veux le rencontrer.

Les yeux de Jonathan s'agrandirent de surprise.

– Quoi ?

– Jace est un garçon intelligent. Je suis persuadé que je peux encore le convaincre.

Jonathan, d'habitude si maître de ses émotions, ne put contenir sa colère.

– Père, désolé de vous contredire, mais vous avez tort. Jace vous déteste. Il n'acceptera jamais de nous rejoindre de son plein gré.

Valentin se mit à rire. Il pressa l'épaule de son fils avant d'ajouter :

– Tu ne le connais pas comme je le connais. Jace n'est pas comme toi. Au fond de lui, c'est quelqu'un de sensible, c'est la raison pour laquelle je l'ai laissé aux Lightwood. Je vais lui proposer une opportunité qu'il ne pourra pas refuser.

– Dans ce cas, je viens avec vous pour assurer vos arrières. Je n'ai pas confiance en lui.

– Non, ajouta Valentin d'une voix autoritaire, j'irai seul. Je n'ai aucune envie que ta jalousie mal placée fasse tout rater encore une fois. Ne crois pas que j'aie oublié ta tentative de le tuer.

– Je…, tenta-t-il de se justifier, avant que son père ne le fasse taire d'un geste de la main.

Le jeune Morgenstern baissa les yeux et serra les poings, fulminant intérieurement.

– Nous avons du travail. Va chercher les armes dont nous aurons besoin pour l'entraînement, pendant que je m'occupe des enfants.

– Oui, Père.

Après le départ de son fils, Valentin s'assit dans le seul fauteuil de la pièce pour réfléchir au moyen de contacter Jace. Il prit une feuille de papier et écrivit une courte note qu'il fourra dans sa poche. Soudain, un bruit dans la pièce d'à côté le fit se retourner. Il se dirigea vers la pièce où se trouvaient les enfants et ouvrit la porte, sa stèle à la main et un petit sourire cruel sur les lèvres.

– Alors, par qui je commence ? dit-il d'une voix dure en les détaillant un par un.

Les garçons se recroquevillèrent les uns contre les autres, apeurés. Valentin saisit l'un d'eux par le bras pour le mettre sur ses pieds, puis le poussa en dehors de la petite pièce sombre.

– Assis !

L'enfant obéit et se hissa sur le fauteuil.

Valentin lui retira le bâillon et s'accroupit pour se mettre à son niveau.

– Si tu m'obéis, je ne te ferai aucun mal. Tu es Matthew, n'est-ce pas ?

– Oui, répondit le jeune garçon.

– Sais-tu ce que c'est ? demanda-t-il en brandissant sa stèle devant le visage du garçon. (Matthew acquiesça de la tête.) Et sais-tu à quoi ça sert ?

– Oui.

– Tes parents t'ont sûrement dit que tu étais trop jeune pour avoir ta première Marque, mais ils ne savent pas à quel point tu es spécial. (Le ton de Valentin était presque paternel à cet instant.) Vous l'êtes tous. Je ne vais pas te mentir, ça risque de brûler un peu. Ne bouge pas et tout ira bien.

Valentin souleva le t-shirt de l'enfant et appliqua la pointe de la stèle sur sa peau, à l'endroit où battait son cœur. Matthew essaya d'être courageux, mais… il était si jeune. La plupart des Chasseurs d'Ombres recevaient leur première Marque vers l'âge de douze ans. Matthew n'en avait que dix.

Lorsque la rune fut achevée, Valentin recula d'un pas pour l'observer. D'un air absent, l'enfant effleura du bout des doigts les lignes rouge sang du symbole démoniaque. Valentin prit alors la dague qu'il avait à la ceinture et trancha, d'un geste rapide et précis, les liens qui entravaient les poignets du jeune Nephilim.

– Maintenant, lève-toi et va me chercher un de tes copains.

– Lilith avait raison, intervint alors Jonathan, appuyé contre le chambranle de la porte, cette rune de soumission fonctionne parfaitement. Nous allons en faire de vrais petits soldats.

– J'espère qu'ils apprendront vite, car nous disposons de très peu de temps pour cela.

Valentin marqua ensuite, un par un, tous les enfants qu'ils avaient enlevés à leurs familles. Ils étaient huit au total, âgés de dix ou onze ans. Aucun d'entre eux n'avait encore commencé son entraînement à l'académie des Chasseurs d'Ombres. Pourtant, pendant plusieurs heures, Jonathan et son père leur apprirent à manier dagues, épées et toutes sortes de lames séraphiques.

– C'est l'heure, dit soudain Valentin. Emmène-les à l'intérieur, qu'ils dorment un peu.

Jonathan acquiesça et d'un geste de la main, il rassembla les jeunes Nephilim à l'intérieur du cottage. Son père émit alors un long sifflement et le martèlement de sabots résonna dans la nuit. Le cheval hennit en approchant de son maître, qui lui caressa l'encolure. Il monta en selle et partit au galop en direction d'Alicante. À quelques mètres de la grande porte, il rejoignit un petit bosquet où il attacha sa monture. Le Chasseur d'Ombres siffla à nouveau, entre ses doigts, cette fois. Un sifflement bref et aigu retentit, auquel répondit presque aussitôt un cri perçant venant du ciel. Un faucon se posa sur l'avant-bras de Valentin. De sa main libre, il fouilla dans sa poche et sortit le message pour Jace, qu'il accrocha à la patte de l'oiseau avant de le relâcher. Il regarda le rapace s'envoler vers les tours d'Adamas. Valentin fit alors tourner l'anneau des Morgenstern à son doigt et disparut… pour réapparaître dans une rue étroite d'Alicante. Il savait où trouver le dernier des enfants, mais la maison de la famille Youngdale se situait dans la rue principale d'Alicante. Valentin s'y rendit discrètement, rasant les murs et évitant les patrouilles de l'Enclave. Il n'eut aucun mal à pénétrer dans la maison, grâce aux runes tatouées sur son corps. Sans bruit, il s'empara de l'enfant qui dormait profondément, puis sortit prestement par une fenêtre. Avant que le jeune Nephilim ne puisse émettre le moindre bruit, il fit à nouveau tourner l'anneau en argent pour se téléporter juste devant son repaire.

Les enfants dormaient dans la petite chambre à même le sol, serrés les uns contre les autres. Valentin apposa la rune de soumission sur le jeune Youngdale et le poussa ensuite, sans ménagement, dans la pièce exigüe. Jonathan, lui, se tenait dans l'embrasure de la porte grande ouverte et regardait en direction d'Alicante.

– Tu as l'air soucieux, remarqua Valentin en s'asseyant dans le fauteuil et en posant ses longues jambes sur la table en bois.

Son fils soupira avant de répondre.

– Vous êtes sûr que le sortilège de ce sorcier est fiable ? Il serait peut-être plus judicieux de rester au manoir, non ?

– Je l'ai payé suffisamment cher pour ça, crois-moi, rigola Valentin. Aucun sort de localisation ne marchera, nous sommes protégés. Et je t'ai déjà expliqué que le manoir n'est pas sûr. Lilith y a accès et elle ne doit pas savoir pour notre petite armée personnelle.

Sentant le sommeil l'envahir, Valentin se leva et se dirigea vers l'autre chambre du cottage.

– Je vais dormir un peu, tu prends le premier tour de garde. Réveille-moi dans deux heures.

Il n'attendit pas la réponse de son fils et ferma la porte. Jonathan se retrouva seul avec lui-même. Il ne ressentait pas encore le besoin de dormir. L'ichor démoniaque qui coulait dans ses veines lui donnait cet avantage, en plus d'une force et d'une vitesse accrues.

Valentin se réveilla de lui-même, peu de temps avant son rendez-vous avec Jace.

– Je t'avais demandé de me réveiller, grogna-t-il, en mettant deux lames séraphiques à sa ceinture.

– Vous aviez besoin de dormir, moi, non, répliqua Jonathan, sur un ton acerbe.

Il ne vit pas un léger sourire se dessiner au coin des lèvres de son père.

– Ou alors, tu espérais que je loupe mon entrevue avec ton frère.

– Demi-frère, rectifia Jonathan, visiblement agacé.

– Il va bien falloir que tu l'acceptes, répliqua fermement son père. J'y vais, je compte sur toi pour continuer l'entraînement des garçons pendant mon absence.

Valentin sortit en claquant la porte derrière lui. Il se téléporta à quelques mètres du lieu où le faucon devait amener Jace. Il avait sélectionné l'endroit avec soin. D'où il était, il pouvait voir l'étendue verdoyante à perte de vue, coupée en deux par la rivière, tel un ruban aux reflets argentés. Une légère brise soufflait, chassant les nuages qui empêchaient l'astre lunaire de répandre sa lumière sur la plaine de Brocelinde. Valentin aperçut enfin Jace, le faucon effectuant des cercles au-dessus de lui pour lui indiquer qu'il était arrivé. Il fit alors tourner son anneau pour se téléporter à quelques pas du cheval de son « fils ».

Le jeune Nephilim se raidit immédiatement en voyant celui qui, pendant ses premières années de vie, l'avait élevé. Jace descendit de cheval sans dire un mot sous le regard insistant de Valentin. Ce dernier tendit la main, le pur-sang s'approcha instantanément pour frotter ses naseaux contre la paume de son maître.

– Va ! dit-il en claquant la croupe de l'animal, qui se cabra avant de partir au galop.

Une ride d'anxiété plissa le front du jeune Chasseur d'Ombres.

– Je suis content de te voir, Jonathan, dit Valentin d'une voix presque chaleureuse.

La lune donnait à ses cheveux des reflets argentés, qui rappela à Jace les nombreuses nuits qu'ils avaient passées dehors à s'entraîner, alors qu'il n'était âgé que de sept ou huit ans.

– Jace, répliqua-t-il sèchement, je m'appelle Jace.

Valentin lui lança un regard amusé, dans lequel Jace crut voir une étincelle de fierté, puis il croisa les bras sur son torse.

– C'est vrai, excuse-moi. Tu sais… les vieilles habitudes ! Sache que je suis fier de l'homme que tu es devenu.

– Vraiment ? lâcha Jace, d'une voix sarcastique. Le cheval, le faucon… et maintenant, les compliments. Vous pensez sérieusement m'amadouer avec ça ? Je n'ai plus cinq ans !

L'air décontracté de Valentin disparut alors.

– Je n'étais pas sûr à 100 % que tu viendrais, j'ai mis toutes les chances de mon côté, voilà tout ! Tu ne peux pas m'en vouloir pour ça.

– Venez-en au fait ! Pourquoi me contacter ?

– Tu es direct, j'aime ça. Tu m'impressionnes vraiment, Jace, j'ai entendu dire que tu es le meilleur Chasseur d'Ombres de ta génération. Bravo !

Le jeune homme leva les yeux au ciel, d'un air impatient.

– Vous voulez un autographe, peut-être ? Si j'en suis là, ce n'est aucunement grâce à vous.

– Sarcastique et arrogant, ton frère avait raison. Je comprends mieux sa jalousie à ton égard.

Jace sentit alors une rage sourde s'emparer de lui.

– Jonathan n'est pas mon frère et vous n'êtes pas mon père, cracha-t-il en serrant les poings.

– Je suis le seul père que tu n'aies jamais eu. Sans moi, tu serais mort dans le ventre de ta mère. Tu pourrais montrer un peu plus de gratitude.

– Je préfère me considérer comme orphelin plutôt que de vous voir comme mon père. Les Lightwood sont ma famille à présent, je ne veux plus avoir affaire avec vous. (Il secoua la tête, regrettant subitement d'être venu.) Je ne sais pas ce que je fais là… c'était une mauvaise idée.

– J'ai une proposition à te faire, dit alors Valentin, avant que Jace ne lui tourne le dos. (Il tira l'épée qu'il avait à sa ceinture.) Si tu me bats, je te dévoilerais tout mon plan et tu pourras choisir de me rejoindre ou pas. Par contre, si je gagne, tu viendras avec moi sans protester. Qu'en penses-tu ?

Jace le dévisagea longuement avant de répondre.

– C'est ridicule, je ne me battrai pas contre vous.

Valentin s'approcha en fixant le jeune homme, puis il leva son bras pour le menacer de son épée.

– Jonathan dit qu'il est plus fort que toi, prouve-moi qu'il a tort !

Touché dans son orgueil, Jace dégaina à son tour une lame séraphique.

– Amriel, dit-il d'une voix forte pour activer l'arme, avant de contrer l'épée de son père, d'un geste vif.

Le combat était assez équilibré, du moins en apparence. Jace ne se donnait pas à fond et Valentin s'en aperçut. Il profita d'une seconde d'inattention du garçon pour lui donner un coup de coude dans le ventre. Jace eut le souffle coupé et posa un genou à terre. Valentin appuya alors la pointe de sa lame sur la gorge du jeune Nephilim. Il la fit glisser jusqu'à son menton pour le forcer à lever la tête.

– Si c'est tout ce dont tu es capable, je suis extrêmement déçu.

Jace n'avait cependant pas dit son dernier mot. Il s'écarta de la lame en penchant la tête en arrière, d'un geste brusque, puis effectua une roulade en avant. Le jeune Chasseur d'Ombres se retrouva derrière son ainé, le menaçant à son tour de son arme.

– Ne jamais révéler tous ses atouts dès le début d'un combat, c'est bien vous qui me l'avez appris, pourtant ! siffla Jace, à l'oreille de Valentin.

– Tu vois que mon éducation t'a aidé à devenir celui que tu es, Fils.

Jace pressa plus fort la lame séraphique contre le cou de Valentin, entaillant sa peau. Un mince filet de sang écarlate coula le long de sa gorge.

– Ne m'appelez plus comme ça, grogna Jace. Je pourrais vous tuer, là, tout de suite…

– Si c'est ce que tu veux, vas-y, fais-le ! Mais… tu ne le feras pas. Je te connais, Jace, tu n'es pas un meurtrier. Tu n'es pas comme Jonathan.

Valentin ne vit pas le garçon grimacer, mais son silence lui indiquait qu'il avait fait mouche.

– Vous ne connaissez rien de moi. En vous tuant, je rendrai service à beaucoup de gens, j'épargnerai de nombreuses vies. Vous tuer ferait de moi un héros.

– Peut-être… Ou alors, tu déclencherais une bombe à retardement. Si je ne suis plus là pour le contrôler, à ton avis, que fera Jonathan ? Il tuera tout le monde : Créatures Obscures, Terrestres et Chasseurs d'Ombres, en commençant bien sûr par tous ceux que tu aimes.

La main de Jace trembla. Un frisson désagréable lui parcourut l'épine dorsale.

– Tu sais que j'ai raison, continua Valentin. Pose ton arme, tu as gagné. Je vais tout t'expliquer et tu comprendras pourquoi tu dois me rejoindre.

Jace baissa finalement sa lame et fit face à son père.

– J'accepte de vous écouter, mais ne pensez pas que je vais me ranger de votre côté. Ça n'arrivera jamais.

Valentin commença alors à lui expliquer sa vision des choses. Il insista sur le fait qu'il haïssait les démons et se servait de Lilith, qu'il avait juste besoin de sa magie. Ce qu'il voulait, c'était débarrasser le monde des démons.

– Et les Créatures Obscures ? le coupa Jace. Vous voulez aussi les éliminer ?

– Non. Il y a des années, j'ai fait des erreurs qui m'ont coûté ma famille. Raziel a créé les Nephilim pour sauver la Terre, mais sans nous donner le pouvoir de le faire. Les runes ne sont pas suffisantes, admets-le ! Nous mourons les uns après les autres, ce n'est pas juste.

– Pourquoi avoir enlevé des enfants innocents à leurs familles ? C'est juste, ça, peut-être ?

La colère était perceptible dans la voix de Jace, mais Valentin, lui, gardait son calme.

– Tu es ma plus belle réussite, Jace. J'aimerais également avoir Clarissa à mes côtés, il parait que ses pouvoirs sont exceptionnels. Je me suis trompé en pensant que l'ichor démoniaque était la solution. Les anges nous ont créés, les anges doivent nous aider.

– Après avoir enchaîné un des leurs pendant des années pour le torturer, je doute qu'ils vous écoutent.

Valentin parut surpris.

– Tu es au courant pour Ithuriel ?

– Oui. Et nous l'avons libéré. Dorénavant, vous ne pourrez plus mener vos expériences morbides.

– Il ne me servait plus à rien, répliqua Valentin en haussant les épaules. Toi en revanche, j'ai de grands projets pour toi… mon fils… le premier de la nouvelle génération de Nephilim. Les enfants t'écouteront, tu seras leur modèle.

Jace était perdu et un étrange sentiment s'empara de lui.

– Quel est le rapport entre les enfants et moi ? Que leur avez-vous fait ?

– Tu n'as toujours pas deviné ? fit Valentin, avec un sourire. Les enfants que j'ai enlevés sont comme toi, Jace.

– Comment ça, comme moi ?

– Ils ont tous reçu du sang d'Ithuriel in utero.

Les yeux de Jace s'agrandirent d'horreur.

– Vous avez empoisonné tous ces gamins ! Vous êtes malade !

– Pas empoisonnés, améliorés. Si les anges avaient accepté de nous donner leur sang dès le début, je n'aurais pas eu besoin de le prendre de force.

– Et Lilith dans tout ça ?

– Hum… c'est un peu compliqué. Elle ne sait rien à propos des enfants. Notre accord était que je lui fournisse des enfants mi-démon, mi-Chasseur d'Ombres, comme Jonathan. En échange, elle mettait sa magie à ma disposition.

– Vous êtes encore plus fou que je le pensais, lâcha Jace, pris d'une violente nausée.

Valentin lui expliqua ensuite à quoi servirait la Coupe Mortelle : créer de nouveaux Chasseurs d'Ombres.

– Cela ne fonctionne pas à tous les coups ! protesta Jace. Combien de personnes allez-vous tuer pour assouvir votre soif de pouvoir ?

– Une guerre sans martyres, cela n'existe pas, mon garçon. Voilà, tu sais tout. Maintenant, tu dois prendre une décision.

– Quelle décision ? Je ne changerai pas d'avis. Plutôt mourir que me rallier à vous.

La voix de Jace était forte et déterminée. Les traits de Valentin se durcirent et un éclat machiavélique s'alluma dans ses yeux sombres.

– Tu penses réellement avoir le choix ? répliqua-t-il alors. Je vais reformuler, dans ce cas. Bats-toi à mes côtés et j'épargnerai tous ceux que tu aimes.

– Laissez tomber vos menaces, je n'ai pas peur de vous. Je suis capable de protéger mes proches de vos manigances.

– Tu serais prêt à risquer la vie de Clarissa, juste pour défier mon autorité ?

Jace laissa échapper un « oh » de surprise.

– Vous bluffez ! Clary est votre fille, votre sang… vous n'iriez pas jusqu'à lui faire du mal.

Un sourire cruel étira alors les lèvres de Valentin.

– Voyons, Jace, tu me connais mieux que ça, non ? Si elle se met en travers de mes plans, qu'elle soit ma fille ne m'arrêtera pas.

Jace se crispa.

– Si vous osez toucher un seul de ses cheveux, je jure que je vous tuerai moi-même… Père.

Il appuya volontairement sur le dernier mot, tout en fixant Valentin d'un air menaçant.

– Bon, je suppose que ta réponse est non. Je suis très déçu, je te pensais intelligent. (Il fit une brève pause, avant de reprendre.) D'ailleurs, je parie que tu t'es sauvé en douce en ne prévenant personne pour notre rencontre. Ai-je tort ?

La grimace qui déformait les traits angéliques de Jace et le regard noir qu'il lança à son père confirmèrent à ce dernier qu'il avait vu juste.

– Dommage pour toi, car nous sommes à plusieurs heures de marche d'Alicante. Tu es peut-être rapide, mais tu n'arriveras pas à temps. Pas cette fois.

Tout en toisant Jace du regard, il caressait ostensiblement l'anneau en argent qu'il avait au doigt. Le jeune Nephilim émit un grognement rageur, mais Valentin continua son monologue, en reculant d'un pas.

– Tu ne pourras pas tous les protéger, ricana-t-il alors, avant de tourner le dos au jeune homme.

Jace n'avait pas l'intention de le laisser s'en tirer aussi facilement. Il sortit son épée, mais avant qu'il puisse le rejoindre, Valentin tourna la tête en arrière.

– Oh ! J'ai failli oublier de mentionner un petit détail important, fit alors Valentin d'une voix parfaitement contrôlée. Il me reste un seul enfant à enlever pour compléter ma petite armée. Je suis sûr que tu aimerais savoir qui c'est… je pourrais te le dire, mais… je préfère te laisser deviner tout seul. Je te donne un indice : tu le connais. Tu le connais même très bien.

Le sang de Jace se figea dans ses veines au moment où l'image du petit garçon brun aux yeux gris et aux lunettes trop grandes pour lui s'imprima dans son esprit.

– Oh non ! Max…, bredouilla-t-il alors, laissant Valentin disparaître sous ses yeux.


Et voilà, encore un chapitre de fini :D

Hum... oui, oui, je sais, la fin est sadique. J'essaye de ne pas mettre un mois à poster le suivant :p

Vous avez aimé ? Pas aimé ? Dites le moi en review, svp ^^

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