VORACITY I - New World

Arc 2 : L'Explorateur Solitaire

Chapitre 6

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Nonchalamment, Harry descendit les escaliers au son des verres de cristal qu'il tenait à la main et qui s'entrechoquaient à chacun de ses pas. Arrivé au premier étage, il passa juste entre les deux gardes qui gardaient les escaliers. Ceux-ci ne bronchèrent pas. Il s'engagea ensuite dans le couloir et croisa deux autres gardes qui faisaient leur ronde sans que ceux-ci semblent le remarquer.

Il continua sa progression mais soudain s'arrêta. Devant la porte des appartements de Renner se trouvaient non seulement deux autres gardes mais également le jeune garçon en armure qui était son garde du corps personnel, Climb. Celui-ci faisait les cent pas sans faire le moindre bruit malgré le métal qui le recouvrait. Ne pas émettre le moindre son était l'un des pouvoirs du Mithril, raison pour laquelle, sur YGGDRASIL, certains joueurs le privilégiaient malgré la possibilité de posséder des équipements fait de métal plus résistant.

Harry eut un léger rictus et s'avança vers le jeune homme. Tout comme les autres gardes et ceux qui gardaient la porte, il ne remarqua même pas l'intrus. Décidément, ce vieux sort de son monde était toujours aussi efficace. Appelé affectueusement Charme de Ne-me-remarque-pas par les Sorciers, Harry lui préférait cependant le nom de Charme d'Occlusion Mentale, plus précis et surtout moins niais. Cependant il s'avérait que le nom original était approprié car il permettait à quelqu'un de ne pas être vu.

C'était différent de l'invisibilité, qui rendait totalement transparent, ou de la désillusion, qui avait plus un effet caméléon, car le déguisement était surtout mental. Les gens le voyaient mais leur cerveau était incapable de l'enregistrer comme quelque chose de tangible, à remarquer. C'était comme quand on était plongé dans ses pensées et qu'on regardait sans vraiment voir.

Harry préférait ce sort de loin car ses expériences avec sa cape d'invisibilité lui avaient appris que ne pas se voir soi-même pouvait s'avérer assez handicapant parfois. Le seul inconvénient c'était qu'un esprit suffisamment affûté et au cerveau concentré pouvait voir au travers du sort. Mais manifestement, ce n'était le cas de personne ici. De plus, la propre force mentale du lanceur était à prendre en compte et Harry était trop puissant pour que quelqu'un le dépasse dans ce domaine.

Observant le jeune Climb, Harry ne put s'empêcher de remarquer qu'il était très mignon...dans le genre rustique. Ses traits étaient à la fois grossiers mais harmonieux et assez chaleureux malgré ses sourcils assez froncés. Ce n'était pas le physique qu'on attendait d'un chevalier, plutôt d'un fermier. Cependant Harry le trouvait tout de même assez attirant.

Il l'observa encore quelques instants puis leva sa main. Il tendit son index dans sa direction, mais juste avant de le toucher, il appuya sur quelque chose d'invisible dans les airs. Il ne savait pas si ça allait marcher. Il ne savait pas si c'était possible. Pourtant, au vu de ce qu'il savait sur ses pouvoirs, il était possible que cela le soit. Il n'avait juste jamais pensé à l'essayer jusque-là, c'est tout.

L'ouverture d'une fenêtre textuelle juste devant Climb lui prouva qu'il avait raison. Grâce à sa Classe de Grand Sage, il pouvait consulter les données d'un être originaire de ce monde. En théorie, il savait que c'était possible puisque dans YGGDRASIL, cette Classe avait ce genre de pouvoir et si en utilisant la Compétence [Reconstruction] de sa Race d'Administrateur il pouvait modifier également les êtres originaires de ce monde (comme c'était expliqué par le texte explicatif), alors il pouvait également consulter ses informations.

Il parcourut rapidement sa fiche personnage, ses nom, avatar, titre ("Chien Loyal" s'avérerait assez révélateur, Races (100% humain), Classes (Guerrier et Gardien), stats, etc. Et il se rendit compte qu'en fait, il n'était pas très puissant. Regardant les données des autres gardes à côté, il vit qu'ils étaient à peu près au même niveau. Donc Climb avait à peu près le niveau d'un garde ordinaire. Cela n'expliquait pas pourquoi il était le garde du corps de la Princesse.

Harry préféra abandonner pour le moment et se décida à consulter les Stats détaillés du jeune garçon. Il fit défiler les lignes jusqu'en bas et remarqua que son taux de sommeil était assez élevé. D'ailleurs s'il remarquait bien, il avait des cernes sous les yeux. Harry réfléchit quelques instants puis jeta un sort à Climb pour le forcer à aller se coucher. Ce n'était pas vraiment comme l'Imperius, il ne contrôlait pas ses actes. Il s'était plutôt contenté d'implanter une idée dans sa tête, celle que dormir était, pour le moment, plus important que le reste.

Il vit alors Climb cligner des yeux puis regarder autour de lui. Ses yeux se posèrent alors sur une porte, probablement sa chambre, et il commença à se diriger vers elle. Harry le regarda le dépasser puis se dirigea vers la porte des appartements de la Princesse et tourna la poignée. Aussitôt, il vit Climb se retourner et regarder dans sa direction. Harry se figea. L'avait-il vu ? Il ne pouvait pas avoir perçu le son de la poignée, pas vraiment, à cause du sort d'Occlusion Mentale.

Du moins en temps normal.

Le point faible du sort était la force mentale et la concentration. Est-ce que ce bruit l'avait alerté plus qu'autre chose ? Possible. Toujours était-il que cela ne fut pas suffisant pour qu'il remarque vraiment Harry car après quelques secondes il se détourna et finit par entrer dans sa chambre. Il n'empêche que malgré la puissance de son sort, Climb avait pu, quelques instants, voir au travers ce qui n'était pas un mince exploit. Que ça ait un rapport avec la Princesse Renner n'était pas une surprise en soi puisqu'il ne lui avait fallu que quelques minutes avec eux pour s'apercevoir que le jeune garde était en adoration devant sa maîtresse.

Harry ricana. Comme c'était mignon à cet âge-là. Il poussa alors la porte et pénétra dans les appartements de la Princesse Renner. Refermant derrière lui, il avisa de la lumière sous une autre porte. Il devait s'agir de sa chambre. Harry s'avança dans la pénombre des appartements puis ouvrit cette porte à son tour.

Quand il entra à l'intérieur, Renner releva la tête. Assise sur son lit, ses cheveux blonds défaits faisaient comme un voile autour d'elle et elle portait une simple chemise de nuit raffinée. Une bougie posée sur sa table de nuit jetait des ombres sur les murs mais éclairait suffisamment pour lui permettre de lire le livre posé sur ses genoux.

Elle ne semblait pas surprise de voir Harry. D'ailleurs, le fait est qu'elle le voyait alors que son sort était toujours en place. Mais celui-ci savait que si quelqu'un pouvait voir au travers de son illusion, c'était elle.

"Je vous attendais" dit-elle simplement avec un sourire.

"Je sais" répondit Harry en refermant la porte derrière lui. "Désolé d'avoir tardé mais j'étais occupé par une partie de sexe débridé."

"D'où votre tenue, je suppose" remarqua Renner.

Aucun choc n'était apparu sur son visage à la suite des mots plus que crus d'Harry. Elle se contentait de sourire. Harry, lui, ricana et se rapprocha de la table de nuit sur laquelle il déposa les deux verres en cristal.

"Du vin ?" Proposa-t-il en lui montrant la carafe.

"Je ne pense pas avoir le droit" dit simplement Renner.

"Mais vous pouvez le prendre, si vous arrêtez votre petit jeu."

"Mon jeu ?" Demanda Renner avec une expression légèrement étonné.

Harry prit son verre de vin, le goûta, grimaça un peu puis haussa les épaules avant de se tourner à nouveau vers la Princesse.

"Jouons carte sur table, voulez-vous ?" Dit-il alors. "Je sais qui vous êtes vraiment. Ma Chanson que je vous ai chanté...et que j'ai inventée au fur et à mesure, appréciez mon talent, ma chanson donc, le prouve. Et le fait que vous m'ayez demandé si la princesse de mon histoire et le monstre étaient une seule et même personne prouve que vous aussi vous savez. De plus, vous vous doutez déjà que je ne suis pas un ménestrel ordinaire, alors…"

Il claqua des doigts. Un confortable fauteuil Chesterfield à haut dossier apparut alors juste derrière lui. Il s'assit dessus nonchalamment dessus et regarda la Princesse en remuant légèrement le vin dans son verre. Renner ne montra aucun étonnement à l'acte de magie d'Harry. Pourtant l'expression de son visage changea du tout au tout. Son joli sourire commença à s'élargir, creusant ses joues et faisant ressortir ses pommettes. Dans le même temps, son regard clair se voilà légèrement et se teinta de folie alors que ses yeux s'agrandissaient et que ses sourcils se courbaient sur son crâne.

Harry frémit. Une part de lui d'horreur et l'autre, celle qui n'était pas vraiment Harry, celle qui avait dévoré Khrom alors qu'il était encore en vie, celle-là, frémit d'excitation. L'horreur venait des souvenirs d'Harry car il n'avait jamais vu ce type d'expression que sur un seul visage dans sa vie et c'était sur celui de Bellatrix Lestrange.

Cependant la Princesse Renner n'avait rien avoir avec la Mangemorte. Bellatrix était folle, elle avait perdu la raison. Elle était dangereuse mais stupide. Or c'était loin d'être le cas de la Princesse. Elle était intelligente. D'une intelligence redoutable, ce qui la rendait des centaines de fois plus dangereuse. Et c'était ça qui causait l'excitation d'Harry...ou peut-être plutôt d'Harddyn.

Avec sa véritable expression, elle regarda quelques instants Harry puis se pencha pour prendre son verre sur sa table de nuit. En même temps que son visage, son corps tout entier avait changé d'attitude. Loin de la posture chaste qu'elle avait quand il était entré, elle semblait à présent plus détendue.

"En fait" dit-elle. "Je crois que je l'ai su bien avant. Je crois que j'ai su quand nos regards se sont croisés."

Elle leva son verre et le rapprocha de son œil pour admirer la couleur rubis du vin.

"Je me suis dit que ce regard pouvait voir au travers de moi, jusqu'au plus profond de mon intimité de femme et qu'il y avait vu ce que j'étais et qu'il l'avait apprécié."

"Pour être précis, je n'ai pas tout vu. J'aurais pu mais quand je me suis aperçue de votre véritable personnalité, je me suis retiré."

Il leva à son tour son verre et prit une gorgée du liquide sombre.

"Je me suis dit que comme un bon vin, il serait plus agréable de vous siroter, de vous découvrir au fur et à mesure, petit à petit, plutôt que de vous boire jusqu'à la lie."

En disant ses mots, il porta à nouveau sa coupe à ses lèvres et la vida complètement.

"Cependant, le peu que j'ai vu m'a permis de faire quelques... hypothèses."

"Vraiment ?" Demanda Renner.

"Cela vous intéresserait-il de les entendre ?"

La Princesse ne répondit rien et se contenta de regarder Harry.

"Vous êtes très intelligente, ça je le sais, je l'ai vu" dit-il. "Trop peut-être, trop pour ce monde. Vous aviez les moyens mais pas l'opportunité. Vous êtes une Princesse, cela veut dire que votre éducation s'est borné au minimum. Après tout, votre rang et votre sexe ne vous destine à rien d'autre qu'à faire un beau mariage. Cependant ce n'était pas assez pour un cerveau comme le vôtre. Votre intelligence s'est mise à stagner et comme tout ce qui stagne, elle a... changé...pourri en quelque sorte."

Renner ne disait rien. Son expression demeurait aussi inchangée.

"Cependant, le pourrissement n'est pas toujours une mauvaise chose" reprit Harry. "Prenez le vin par exemple…"

Il fit un geste avec son verre. La carafe s'éleva dans les aires puis flotta jusqu'à lui pour verser de son contenu à Harry avant de revenir sur la table de nuit.

"Le vin est du jus de raisin pourri, n'est-ce-pas ?" Dit-il en regardant le précieux liquide au travers du cristal de son verre. "Et pourtant en pourrissant, il est devenu plus intéressant, plus goûtue, plus enivrant et parfois même…"

Il visa son verre d'une seule gorgée.

"...Mortel. Qu'est-ce que vous en pensez ?"

"C'est étrange d'être comparé à du raisin pourri mais assez amusant finalement. Et adéquat."

"Je me suis dit que ce serait mieux que d'utiliser du fromage pour soutenir la comparaison."

"Mais au final ça revient au même, non ?" Demanda la Princesse.

Elle but une gorgée de vin.

"Autres choses à déduire sur moi ?" Demanda-t-elle.

"Mmmm, rien, sinon que le seul marasme dans lequel votre position à misé votre cerveau n'a pas été le seul facteur qui ont fait de vous qui vous êtes. Je suppose aussi que l'atmosphère délétère de faux-semblants et de tromperie vous ont aussi rendu plus encline à mépriser le genre humain, à raison, et à vous dissimuler."

"Je me permets d'apporter une correction à votre analyse" intervint Renner. "C'est vrai que la vie de cours m'a appris comment dissimuler ma véritable personnalité mais ce n'est certainement pas pour eux que je le fais."

"Non, c'est vrai, excusez-moi. C'était idiot de ma part de penser cela. Qu'importe ce qu'ils peuvent penser, je suis sûr qu'ils ne comptent pas à vos yeux. Cependant, il y a bien quelqu'un qui compte, quelqu'un pour qui vous voulez jouer le jeu de la jolie et gentille Princesse."

Harry cligna des yeux puis éclata de rire.

"Mais bien sûr, suis-je bête !" S'exclama-t-il. "Vous le faites pour Climb."

"C'est exact. Le rendre dépendant de ma personne est mon seul désir. Si je pouvais, je me promènerais partout en laisse et me délecterai de son regard adorateur."

"Un jeu bien amusant en effet."

"Certes. Et avec cette connaissance, je pense que vous m'avez presque complètement percée à jour."

"Cela vous dérange ?"

"Je trouve cela plutôt frustrant" dit Renner après quelques instants de réflexion. "Mes propres déductions sur vous sont moins d'être aussi Impressionnantes."

"J'ai tout de même hâte de les écouter."

Renner sourit et prit une gorgée de vin.

"Tout d'abord, je pense que vous n'êtes pas humain... mais que vous l'avez été. Vous parlez d'eux comme si vous aviez expérimenté leur nature profonde de l'intérieur et que vous vous étiez senti trahis. Or on ne se sent jamais plus trahi que par ses semblables."

"C'est bien vrai" dit Harry en levant son verre.

Renner sourit encore et le leva à son tour.

"Un autre point est que...nous nous ressemblons. Notre intellect est trop vaste pour nos semblables et aucun d'entre eux ne le mérite."

"Vrai également. Mais résoudre ce problème a été assez simple pour moi. Comme je n'avais aucun égale, ou à peu près, je m'en suis créé."

"Je vous envie" soupira Renner. "Climb est la seule personne digne de moi et ma position m'interdit de jouer autant que je le voudrais avec lui."

Elle but une autre gorgée de vin.

"Cela m'amène à ma troisième observation" dit-elle ensuite. "Vous êtes un Mages. Mais je suis convaincu que vos talents surpassent ceux de n'importe qui. Je pense aussi ne pas prendre de risques en supposant que vous avez un rapport plus ou moins proche avec un certain Mage très puissant du nom d'Ainz Ooal Gown dont le Capitaine Gazef Stronoff a rapporté les exploits à la capitale."

"Et qu'est-ce qui vous fait croire cela ?"

"Votre rapport à Ainz Ooal Gown ? C'est simple, la probabilité que Mages puissants apparaissent au même moment sans avoir aucun lien entre eux est très faible. Quant à votre puissance...il n'y a qu'à voir, vous êtes parvenu à moi sans alerter les gardes. Pas même ce cher Climb."

Harry éclata alors une nouvelle fois de rire.

"Merveilleux ! Merveilleux !" Dit-il. "J'adore votre esprit. Oui, je l'adore."

Il se calma et prit une gorgée de vin.

"J'ai bien usé de magie pour m'introduire ici. Et j'aurais pu le faire d'une dizaine de façons différentes toutes aussi amusantes les unes que les autres."

"J'en suis certaine" dit Renner.

"J'ai même usé de quelques charmes sur ce cher Climb" reprit Harry. "Pour l'envoyer dormir. Ça ne vous gêne pas j'espère ?"

"Mmmm...si Climb est allé dormir, en se réveillant, il risque de se sentir affreusement coupable" répondit pensivement pas Princesse. "Il risque de penser qu'il n'a pas tout fait pour me protéger…"

"Et c'est un problème ?"

Le sourire de Renner s'agrandit.

"Certainement pas" dit-elle. "Grâce à cela, il va vouloir encore plus être à mes côtés et il va me regarder avec ses petits yeux de chien battu qui attend que son maître le réprimande tout en sachant qu'il est trop bon pour le faire ce qui le rend encore plus mal à l'aise. Quel bonheur !"

"S'il connaissait le fond exact de votre pensée, je me demande comment il vous regarderait" dit pensivement Harry.

"Si je manœuvre bien, je ne le verrais jamais."

Harry se pencha alors vers elle avec des aires de conspirateur.

"Vous savez, si vous le désirez, j'ai le pouvoir de modifier son esprit. J'ai le pouvoir de faire en sorte que quoi que vous fassiez, il vous considère toujours comme la douce et gentille Princesse que vous voulez qu'il croie que vous êtes. Qu'est-ce que vous en pensez ?"

"Mais où serait l'amusement alors ?" Demanda Renner.

"Bon point ma chère" dit Harry en levant son verre avant d'ajouter : "Et si nous trinquions ?"

La carafe se leva à nouveau dans les aires et les réservait en vin.

"Nous pourrions boire à...à notre...amitié ?"

Il ne semblait pas vraiment convaincu par ce mot. Renner non plus d'ailleurs.

"Nous sommes tous les deux conscients de ce qu'implique l'amitié et ce n'est pas nous. Personnellement, je me contenterai de discuter avec vous et de vous observer pour vous percer à jour."

"Moi aussi" répondit Harry. "Dans ce cas, je propose que nous levions nos verres...à l'intérêt mutuel que nous nous portons."

Renner sourit et tendit son verre. Harry fit de même et le tintement du cristal résonna dans la chambre, scellant leur accord.

0o0o0

Climb ne put s'empêcher de froncer les sourcils quand il vit le ménestrel Taliesin descendre les escaliers de l'auberge juste au moment où la Princesse elle-même quittait l'auberge du Phoenix Scintillant. Quelque chose chez lui, dans son attitude, le dérangeait. Il était tout simplement incapable lui faire confiance. Malheureusement ce n'était pas le cas de sa maîtresse qui le salua avec son habituel sourire.

"Maître Taliesin, qu'elle bonheur de vous revoir. Vous partiez ?"

"Eh oui, Votre Altesse, en effet, il est temps pour moi aussi de partir."

"Il me semblait pourtant que la suite de votre soirée s'était mieux passée et que vous auriez gagné de quoi rester quelques nuits de plus."

"Il est vrai, noble Princesse que grâce à votre intervention, la venue dans cette ville n'aura point été vaine et que j'en repartirais bien plus à l'aise que quand je suis arrivé. Cependant un troubadour est toujours sur les routes et même si rester ici conviendrait à mes finances, je préférerais rapidement gagner la capitale."

"Vous vous rendez également à Re-Estize ?" S'exclama alors Renner avec surprise. "Quelle coïncidence. C'est également notre destination. Il me faut retourner au château de Ro-Lente auprès de mon père pour la belle saison, je n'ai déjà que trop tardé."

"Les contraintes de la fonction sont le lourd fardeau qui pèse sur les épaules des souverains, raison pour laquelle je me satisfait de ma modeste existence de troubadour" dit Taliesin avec emphase.

"Il me vient une idée !" Dit alors Renner. "Et si vous nous accompagniez ? Votre présence rendrait assurément le voyage plus charmant et la perspective de mon retour moins pénible."

"Princesse, je ne suis pas sûr…" commença Climb.

Mais Renner tourna alors vers lui des yeux implorant et il céda. Il se sentait déjà coupable d'avoir abandonné sa garde pour aller dormir, il ne voulait pas être la cause de plus de chagrin.

Son cœur se serra en repensant à cette nuit. Il n'était pas sûr de bien savoir ce qui s'était passé. Il se souvient d'avoir fait sa ronde et il pensait rester éveiller encore plusieurs heures pour être sûr qu'il n'arrive rien à sa maîtresse quand il avait senti une irrépressible envie d'aller se coucher. La seule chose qui lui revenait ensuite était de s'être éveillé dans son lit, à l'aube. Il s'était excusé auprès de Renner, confus mais les seules paroles que son cœur d'or lui avait dicté étaient qu'elle était heureuse qu'il se soit enfin reposé et qu'elle était rassurée de ne plus me voir aussi fatigué.

Une nouvelle fois, la bonté, la gentillesse et la prévenance de la Princesse avait rempli son cœur de bonheur, de fierté mais aussi de honte. Il s'en voulait de laisser ainsi tomber sa bienfaitrice, de lui causer du tracas. Tout ce qu'il voulait c'était être auprès d'elle pour la rembourser ne serait-ce qu'un peu de ses bienfaits. Car il savait que dix vies ne seraient même pas suffisantes pour rembourser sa dette auprès d'elle. C'est pour cela qu'il faisait tous les efforts du monde pour en faire le plus possible et la contenter au mieux même si cela voulait dire laisser un ménestrel douteux les accompagner pour les quatre prochains jours.

Bien entendu, hors de question que celui-ci monte dans le carrosse de la Princesse. De toute façon, il avait son propre cheval. Il l'avait laissé à une écurie à l'entrée de la ville comme l'avaient également fait les gardes et les cochers pour leurs propres montures ainsi que pour les deux véhicules. Traverser une ville peuplée avec un tel équipage et surtout le garder relevait de l'impossible, raison pour laquelle les gens préféraient les laisser en dépôt en dehors des murailles.

La monture du ménestrel était une vieille jument placide qui semblait adorer son maître, preuve qu'ils étaient ensemble depuis longtemps. Enfin, c'était ce que pensait Climb. Il était loin de se douter qu'Harry ne connaissait pas l'animal deux jours auparavant et que quand il l'avait choisie dans l'écurie du camp des brigands de Khrom, celle-ci s'était montrée nerveuse, voire même, paniquée. Sans doute à cause de sa nature démoniaque et monstrueuse.

Mais ce n'était pas un problème pour Harry. Il lui avait suffi d'utiliser son aura [Ami des Animaux V] pour qu'aussitôt la bête se mette à l'adorer grâce à l'Altération d'État Fidélité qui en résultait. Le problème ensuite avait été de savoir s'il pouvait la monter. Bien entendu, Harry savait monter à cheval. Il avait monté un Hippogriffe et un Sombral...et il avait aussi pris des cours d'équitation lors d'un passage en Espagne 51 ans auparavant. Il avait même gagné quelques concours…

Toujours est-il que oui, il savait monter à cheval. Mais le pouvait-il ?

Dans YGGDRASIL, il était possible de monter n'importe quel animal ou monstre (à l'exception des Boss). Harry avait vu une fois un homme perché sur les épaules d'une succube et qui se laissait transporter sur la femme presque nue. C'était d'un goût douteux et parfaitement misogyne mais c'était permis. De même, une fois, Ainz Ooal Gown, la Guilde, lors d'une bataille, avait rencontré un Joueur dont les Races étaient celles des fées. Elle était montée sur un minuscule chaton qui, par rapport à la taille de sa maîtresse semblait imposant (elle devait essayer de jouer sur son côté mignon pour amadouer les hommes mais Touch Me l'avait écrasé sous son pied ; il ne rigolait jamais avec le combat).

Bref, toute créature pouvait devenir une monture mais seul un joueur de Classe Dresseur ou même Trappeur pouvait transformer un simple animal ou Monstre en Monture. C'est à dire qu'eux seuls pouvaient la dresser pour porter des gens et sculpter le sifflet magique pour les appeler (avec des bonus si le Joueur possédait une Classe Artisanale de Charpentier ou d'Ébéniste ou même une Classe Artistique de Sculpteur sur Bois). Certes, certains de ses sifflets étaient en vente auprès de PNJ marchands mais ils ne pouvaient appeler que des créatures de base (équidés ou Monstres de très bas niveau). Avoir une bonne monture nécessite soit de la dresser soi-même soit de l'acheter à un Dresseur.

Cependant, dans ce monde, c'était un peu différent. Cela se rapprochait plus de la Terre apparemment. Les hommes n'utilisaient que les chevaux qui étaient dressés afin de porter des hommes ou tirer des véhicules. Enfin, d'après ce qu'il avait vu pour le moment. Donc en théorie, n'importe quel cheval dressé pourrait le transporter. En théorie.

Sauf que dans le jeu, un animal non dressé ou qui ne nous appartient pas se rebellait contre la personne qui essayait de le monter et le mettait à terre. C'était rare puisque généralement leurs propriétaires avaient tendance à les renvoyer grâce au sifflet une fois arrivé à destination. Des Montures laissés seuls étaient assez inconcevables mais, quand il avait programmé ce système, Harry avait inclus la possibilité que cela soit le cas.

Les chevaux des bandits étaient des Montures. Ça c'était un fait. Il n'avait pas pensé à regarder leur fiche personnage (ce qu'il avait fait avec le sien avant de partir de E-Pespel puisqu'il avait constaté la veille, sur Climb, que c'était possible), mais c'était plutôt évident. Pourtant, il ne semblait pas y avoir de sifflet d'appel ni pour les appeler , ni pour les renvoyer. Il avait bien vu dans l'esprit des bandits que c'était comme sur Terre : les Montures faisaient ce qu'elles voulaient si elles n'étaient pas enfermées ou attachées. Cela voulait dire aussi qu'elles n'avait sans doute pas de propriétaire attitré. Donc il était possible pour Harry de monter n'importe quelle monture pourvu qu'elle l'apprécie.

Ce fut le cas et Harry en fut soulagé. L'alternative aurait été de faire venir un Dompteur. Cela aurait pu être Aura ou alors même Roghar, le Dresseur qui faisait partie des 100...non, finalement, ça aurait été Aura. La personnalité expansive et bruyante de Roghar Kraven énervait Harry. Sans compter ses vantardises (qui lui rappelaient Gilderoy Lockhart). Quand il était un arbre mort, cette personnalité ne le dérangeait pas mais maintenant…

Bref, toujours est-il que même avec Aura cette solution ne l'aurait que moyennement enchanté car il ignorait combien temps cela prendrait. Si c'était trop long, il aurait dû reprendre son chemin à pieds et il commençait déjà à en avoir assez. Mais fort heureusement cela n'avait pas été nécessaire et il avait pu repartir du camp de bandit à dos de cheval. Avant de partir il avait envoyé le reste du haras à Nazarik pour qu'on s'en occupe et placé les lieux sous charme de stase (pour les préserver tel qu'il les avait quitté sans dégâts du temps), de discrétion (qui permettait de le rendre difficilement discernable dans l'environnement) et en y ajoutant également un bouclier au cas où.

Il avait bien avancé le jour suivant, jusqu'à arriver à E-Pespel mais à présent il allait plus doucement afin de suivre le rythme du convoi. Le tout sous le regard scrutateur de Climb qui, il l'avait rapidement remarqué, se méfiait de lui et ne le quittait pas des yeux.

Mais bien entendu, Harry, ou plutôt Taliesin, faisait comme s'il n'avait pas remarqué. Il passait son temps à jouer, à composer des chansons et à discuter avec Renner. Voire le sourire de la Princesse rassurait un peu Climb et il se disait que finalement, avoir de barde n'était pas si mal.

Vers le soir, ils quittèrent la grand route et prirent un petit chemin qui menait au manoir de campagne d'un petit noble de la région. Son fief principal se trouvait un peu plus loin sur la route (il s'y arrêterait d'ailleurs le lendemain soir) mais il avait fait le voyage afin de préparer sa résidence secondaire afin de loger la Princesse avec le faste dû à son rang et le sérieux de tout hôte qui se respecte. Il en allait de son honneur.

C'était d'ailleurs cet honneur qui le maintenant à l'extérieur des portes de la bâtisse à attendre le convois et ce malgré son âge. Le Baron Toldeyne était en effet un homme assez âgé, aux cheveux d'un blanc de neige et au dos voûté mais dont l'expression rappelait son passé militaire.

Il était en effet le benjamin d'une fratrie de trois et, n'ayant aucune chance d'hériter, était devenu soldat. Malheureusement ou heureusement, son frère aîné était mort et son cadet avait refusé de quitter les ordres, faisant de lui le successeur du domaine.

Il était un farouche partisan du Roi même si sa modeste extraction ne lui donnait pas énormément de pouvoir. C'est pourquoi il était ravi d'accueillir la Princesse et comptait bien, par son entremise, servir son souverain.

Bien entendu, une fois arrivée, Renner présenta Taliesin au vieux Baron qui l'accueillit chez lui dans un souci de plaire à son invitée. Mais bien évidemment, ce n'est pas dans l'aile des invités qu'il fut installé contrairement à elle. Alors que Climb et les soldats de l'escorte logeaient dans la caserne, Taliesin, lui, était logé... là où il y avait de la place, c'est à dire aux sous-sol, près des cuisines, avec les marmitons, lads, lingères et jardiniers vu qu'il n'y avait plus de chambre de libre dans les combles avec les domestiques chargé du ménage et des personnes.

Mais cela ne dérangeait pas Harry. Après tout, s'il n'était pas satisfait de sa chambre, il pouvait toujours utiliser la magie pour la rendre plus confortable. Ce n'était donc pas un problème.

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Si le Baron Toldeyne était connu pour une chose, c'était pour sa fertilité. Tout au long de sa vie, il avait eu trois épouses qui lui avaient donné plus d'une dizaine d'enfants (on ne comptait pas bien entendu les nombreux enfants morts à la naissance ou en bas âge). La majorité d'entre eux était à présent mariés et avaient eu leurs propres enfants et même petits enfants. Cela faisait une maisonnée assez nombreuse qui s'était rassemblé autour de la table ce soir-là. Et tous n'étaient pas présents.

Bien entendu, l'invitée d'honneur était la Princesse Renner qui se trouvait donc juste à droite du Baron et en face de sa troisième épouse, une femme Gironde et pétillante dans la quarantaine, volubile et joyeuse. Elle ne cessait de babiller avec leur invité qui répondait de bonne grâce.

Climb, lui, en bon garde du corps, se trouvait près de sa protégée, contre le mur juste derrière elle. Il avait ainsi une vue sur toute la salle à manger. Il pouvait également percevoir les conversations et notamment celles de la Princesse.

"Allez-vous rentrer bientôt aussi dans votre fief ?" Demanda celle-ci à leur hôte lors d'une pause dans le discours presque ininterrompu de la Baronne.

"Je ne pense pas...pas tout de suite" répondit Toldeyne après un instant. "Et s'il n'était tenu qu'à moi, je vous inviterai à rester plus longtemps ici."

"Pourquoi cela ?"

"Des groupes de Gobelins ont récemment lancé des attaques le long des routes ces derniers temps."

"Si près de la capitale ?"

"C'est ce qui est le plus préoccupant. Mes hommes se démènent pour résoudre le problème mais ces maudites créatures disparaissent avant leur arrivée. Le mieux serait de faire une battue mais je n'ai pas assez d'hommes pour cela."

"En avez-vous appelé au Roi ?" Demanda Renner.

"Bien entendu. Et votre père aurait accepté ma requête si ce satané Marquis Boullope n'avait pas fait pression sous prétexte qu'il était nécessaire de protéger la capitale. Bien sûr, toute la Faction des Nobles l'a suivi."

Ce n'était pas étonnant, pensait Climb. Le Marquis Boullope était l'un des principaux meneurs de la Faction des Nobles avec le Comte Lytton et le Marquis Raeven. Tous les trois faisaient partie des six nobles les plus puissants et influents du pays. Fort heureusement pour Ramposa III, les autres, c'est-à-dire le Marquis Blumrush, le Marquis Pespea et le Margrave Urovana, étaient les meneurs de la Faction Royale, fidèle au pouvoir du Souverain.

En tous les cas, le Baron Toldeyne étant également un soutien du roi, ce n'était pas dans l'intérêt du Marquis Bouloppe que le Roi agisse pour son vassale. S'ils arrivaient à faire en sorte que la situation dégénère un peu plus alors ils pourront eux-mêmes agir et passer pour des héros voir même laisser entendre une certaine responsabilité du Roi dans la situation. La popularité du roi s'en trouverait probablement diminuée et peut-être même qu'il devrait abdiquer.

Ce fait arrangerait sûrement le Marquis Boullope car il n'a jamais caché être un soutien de Barbro Andrean Ield Ryle Vaiself, fils aîné du Roi et Prince Héritier du Royaume. Il lui avait même donné sa fille en mariage. Il se fichait bien que le Prince la trompe à tour de bras et faisait la sourde-oreille aux rumeurs de violences conjugales, tant qu'il pouvait avoir un pied sur le trône. En effet, avec Barbro devenu roi et avec sa nature emportée, il devait penser qu'il serait plus facile à manipuler pour ses propres intérêts. Plus en tout cas que le Second Prince Zanac Valleon Igna Ryle Vaiself.

Climb ne s'intéressait pas vraiment à la politique. Pas au départ en tout cas. Tout ce qu'il voulait c'était protéger la Princesse Renner. Il s'était cependant rapidement rendu compte que pour assurer sa mission, il devait éviter tous les pièges tendus par les ennemis tant physiques que politiques de sa maîtresse et donc se tenir au courant de tout pour éviter de faire un faux pas. C'était un travail aussi épuisant que l'entrainement mais il s'y investissait avec passion si cela lui permettait de ne pas embarrasser sa Princesse.

"Mais Bouloppe ne s'est pas arrêté là, bien sûr" cracha ensuite le Baron Toldeyne. "Il a proposé que le capitaine des Guerriers s'y rende avec sa troupe. Or Ramposa hésite à envoyer Stronoff au loin après les évènements du mois dernier. Surtout que ni sa troupe ni lui ne sont totalement remis de leurs blessures."

C'était un mouvement cruel de la part du Marquis Boullope car si les gens apprenaient que le Roi avait refusé d'envoyer quelqu'un, quelles que soient les raisons, alors cela précipiterait sa chute.

"Il ne me reste donc plus que la Guilde des Aventuriers" soupira Toldeyne. "Mais mobiliser autant d'entre eux revient cher. Je suis en négociation avec eux mais le coût du contrat risque bien de nous porter un rude coût."

"Je suis désolé pour vous, Seigneur Toldeyne" dit Renner avec un ton affecté."

"Ne vous en faites pas Princesse" lui sourit le vieil homme avec tristesse. "Nous nous débrouillerons. Quant à vous, puisque vous devez impérativement retourner à la Capitale, je vous fournirais une escorte de mes meilleurs hommes dont deux de mes petits-enfants. De farouches guerriers."

"C'est trop d'honneur que vous me faites, Seigneur Toldeyne" souffla Renner. "Votre générosité me touche, mais savoir que je mets en péril deux membres de votre maisonnée, me touche tout autant."

"Ne vous inquiétez de rien, Votre Altesse" dit le vieil seigneur en tapotant la main blanche de son invitée. "J'ai plus que confiance en leur force et ce serait un honneur pour eux que de servir à votre protection."

"Dans ce cas j'accepte avec une infinie reconnaissance" dit Renner avec un sourire qui illumina son visage en même temps que la pièce.

C'était ce sourire, autant que ses nobles actions, qui lui avait valu le surnom de Princesse d'Or.

"Mais ne pensons plus à tout cela ce soir" reprit Toldeyne. "Profitons plutôt de ce bon repas et des accords ensorcelants du ménestrel que vous nous avez amenés. Je ne suis pas à proprement parler un amateur de musique mais le son de son instrument et le timbre de sa voix font résonner quelque chose en moi."

En effet, debout dans un coin de la pièce, le coin opposé à celui où se trouvait Climb, Taliesin se produisait et ce depuis le début du repas, principalement entre chacun des plats et parfois au milieu, comme maintenant. Climb ne possédait pas non plus d'oreille musicale mais il devait reconnaître encore une fois que le ménestrel était extraordinairement bon. Peut-être trop bon sans doute. Il l'était tellement que certains domestiques s'arrêtaient près des portes pour l'écouter et aussi le regarder.

En effet, son physique, bien qu'atypique, semblait beaucoup plaire à la gente féminine noble ou pas. Si les dames à table ne faisaient que lui jeter des coups d'œil discrets en cachette de leurs époux ou de leurs pères, les domestiques, elle, ne s'en cachaient pas. Climb savait que Taliesin était conscient de son charme car il semblait flirter avec elles sans vergogne, une chose qui n'était pas du goût de Climb et qui lui faisait se méfier de lui encore plus.

C'est cependant son insistance à le regarder qui lui fit assister à un incident qui passa heureusement inaperçu de la majorité des convives. En effet l'une des filles de cuisine, une brunette aux formes rondes et au visage charmant, sembla attirer l'attention du troubadour plus que les autres. La majorité des regards et des sourires de celui-ci étaient sans sa direction ce qui la faisait rougir et glousser en même temps.

Il n'y aurait pas eu de problème si les choses en étaient restées là mais ce ne fut pas le cas. En effet, lors de l'une de ses pauses, le ménestrel avait accepté un verre de vin que la fille de cuisine lui avait rendu et s'était mis à discuter avec elle, son corps plus proche du sien que la décence ne saurait le tolérer. Il s'était mis à jouer avec l'une de ses boucles sombres échappées de son fichu quand un jeune homme, probablement du ménage de la fille de cuisine, s'interposa, rouge de colère.

Climb l'avait déjà vu auparavant. Il faisait partie des serviteurs qui étaient venus écouter Taliesin alors que normalement ils n'entraient jamais dans la maison. Le jeune garde du corps l'avait vu jeter des regards noirs au troubadour toute la soirée en particulier quand il souriait à la fille de cuisine. Il avait pensé à un amoureux transi et secret mais il avait eu tort. Apparemment, d'après sa réaction, leur lien devait être plus officiel que cela, un petit ami, un fiancé ou même un époux. S'il avait dû se retenir jusque-là, c'était sans doute pour ne pas faire un esclandre mais à présent.

Fort heureusement, Taliesin était allé dans le couloir pour discuter avec la fille de cuisine et malgré sa colère, le jeune fiancé, était resté discret et avait tempéré son ton. Il n'empêchait que si la discussion ne s'était pas entendue, elle avait pu se voir pour qui observait, ce qui était le cas de Climb.

Finalement, le jeune homme avait pris la fille de cuisine par la main et l'avait tirée pour la faire partir. Taliesin, lui, avait simplement haussé les épaules et était retourné dans la salle pour jouer un autre morceau. Il avait dû sentir le regard désapprobateur de Climb sur lui car il avait regardé dans sa direction et lui avait fait un clin d'œil.

Le jeune homme pensait (ou plutôt espérait) que ça en resterait là. Il fut cependant détrompé quelques heures plus tard. Il venait de quitter Dame Renner dans sa chambre et avait été prié par le Majordome de regagner ses pénates dans la caserne. Il était donc passé par les cuisines afin de sortir par la porte de derrière.

C'était là qu'il les avait vu. Taliesin et la fille de cuisine. Elle gloussait alors qu'il embrassait son cou en la tirant vers sa chambre avant de refermer la porte sur eux. Craignant un scandale s'ils se faisaient prendre, Climb s'approcha alors. Il s'apprêtait à frapper quand un bruit à travers le bois le fit rougir. Bien sûr, la scène à laquelle il avait assisté avant qu'il ne rentre ne laissait rien à l'imagination quant à ce qu'il se passait à l'intérieur. Il voulut frapper à nouveau mais un autre bruit, plus fort le découragea et il fuit vers la caserne, le visage en feu.

0o0o0

Climb rentra de son entraînement matinale et passa rapidement dans la salle d'eau de la caserne. Celles-ci étaient occupées par plusieurs gardes du domaines qui ne lui adressèrent pas un mot. Il y avait également quelques-uns de ses camarades de l'escorte de la Princesse mais eux aussi, ne firent pas attention à lui. Climb ne s'en préoccupa pas, il avait l'habitude.

Son statut particulier le mettait un peu en dehors de toutes les castes, à la capitale comme ici. Il était un roturier, comme les gardes, mais c'était un privilégié, un protégé de la Princesse et son garde du corps. De même, les chevaliers le méprisaient à cause de ses origines et ce si son rang était presque égal au leur (ou à cause de cela). Il avait appris à l'ignorer pour se concentrer sur sa véritable mission : protéger la Princesse.

D'ailleurs, c'était auprès d'elle qu'il devait se rendre juste après. Elle devait avoir fini son petit déjeuner et devait l'attendre dans ses appartements.

Il retourna donc rapidement à sa chambre seulement vêtu d'une serviette qui ceignait ses reins. Rapidement, il s'habilla et revêtit son armure avant de préparer ses affaires. Le départ était pour bientôt, il devait donc déposer son sac dans le hall avec les autres affaires pour qu'il soit embarqué dans l'un des carrosses. Il passa donc à nouveau par la porte des cuisines pour entrer dans la maison.

L'activité régnait encore dans la pièce. Tous les petits déjeuner avaient été servis mais il fallait encore préparer la nourriture pour le voyage sans compter le repas de midi de ceux qui restaient. Il était encore tôt mais il fallait bien s'y mettre. Face à l'effervescence, Climb longea le mur afin d'éviter de déranger les cuisinières et autres serviteurs affairés et éviter également de se faire bousculer.

Arrivé près du couloir des chambres des domestiques, il remarqua un mouvement du coup de l'œil. Il se tourna et vit alors Taliesin sortir de sa chambre. Celui-ci semblait fatigué et se frottant les yeux. Il était également assez débraillé. Sa chemise était en partie sortie de ses chausses et était ouverte sur son torse et il était pieds nus.

"Bien le bonjour Climb" dit-il avec un bâillement en voyant le jeune homme. "Bien dormi ?"

Il passa à côté de lui et se dirigea vers une coupelle où se trouvait des fruits. Il prit deux ou trois abricots, un pichet de lait, du pain et du lard qui devaient rester du petit déjeuner avant de repartir vers sa chambre. Climb hésita puis se décida à le suivre.

"Je vous ai vu hier soir. Avec cette fille de cuisine" dit-il.

"Je sais" répondit nonchalamment le ménestrel. "C'est pour ça que je vous ai fait un clin d'œil."

"Non, pas au dîner, plus tard, quand vous êtes retourné dans votre chambre avec elle."

"Ah bon" dit simplement Taliesin sans montrer le moindre étonnement.

Les bras chargés, il avança son pied pour ouvrir la porte de sa chambre et se glissa à l'intérieur. Climb le suivit à nouveau. Il allait dire quelque chose d'autre quand l'odeur qui régnait dans la pièce lui sauta aux narines et le fit rougir. La petite lucarne qui servait d'aération était ouverte mais elle n'avait, semble-t-il, pas eu le temps d'évacuer toutes les odeurs de la nuit. Cela sentait la sueur et une odeur que Climb avait déjà sentit sans le vouloir, celle du sexe.

Mais alors que Taliesin se déchargeait de son déjeuner sur la petite table qui servait habituellement à accueillir une bassine pour la toilette et qui était le seul meuble en plus du lit, Climb se reprit.

"Ce que vous avez fait était inconsidéré" lui dit Climb.

"Quoi ? De coucher avec elle ?" Demanda Taliesin avant de s'asseoir sur son lit.

"Cela aussi" dit Climb. "Elle était avec ce jeune homme qui vous a séparé il me semble. Je ne sais pas si c'est son époux ou…"

"Son fiancé" dit Taliesin en mordant dans un abricot.

Le jus du fruit coula sur son menton. Il le lécha simplement avant de mordre à nouveau dans la chaire dorée.

"Et bien il était inconsidéré pour vous de vous...amuser ainsi avec une femme qui était déjà prise. Avez-vous pensé à la réputation de la Princesse ? Si jamais le fiancé vous avez découvert et avait provoqué un scandale, comme c'est elle qui vous a introduit ici, cela aurait rejailli sur sa personne."

Il semblait exalté en parlant. Et au paroxysme de l'indignation. Taliesin, lui, le regardait d'un air un peu absent en grignotant son deuxième abricot.

"Vous ne devez pas avoir l'habitude de ce genre de chose mais sachez que pour l'heure, vous faites partie de l'entourage de la Princesse Renner. Cela implique des responsabilités et de ne pas agir de manière aussi inconsidérée et…"

"Il l'a fait au fait" l'interrompit alors le ménestrel.

Climb se figea et cligna des yeux dans sa direction.

"Quoi ?" Demanda-t-il, perdu.

"Le fiancé, il nous a découvert" précisa son interlocuteur.

Il leva alors les yeux et les plongea dans ceux de Climb. Son air nonchalant avait disparu. À présent, il souriait. Comme s'il se moquait.

"Il a surgit dans la chambre à peine quelques dizaines de minutes après que nous ayons... commencé" dit Taliesin en se levant pour se tourner vers Climb.

"Et il a trouvé sa fiancée nue avec un autre homme" cracha celui-ci, acerbe.

Harry sourit et se mit à marcher.

"C'est exact, nue" dit-il en passant à côté de lui. "Cela l'a figé net."

Il tourna autour du jeune homme et se pencha vers lui.

"Imagine, il ne l'avait jamais vue comme ça" dit-il d'une voix suave. "Alanguie. Offerte. Le souffle court, les yeux floues, les cheveux en batailles, la langue pendante...Son corps aux formes voluptueuses et à la peau crémeuse recouvert de sueur et là, entre ses deux cuisses girondes, émergeant d'un buisson de poils sombres, son sexe déjà humide et ouvert par...ma langue."

Il avait dit ce dernier mot tout prêt de l'oreille du jeune garçon qui se sentait réagir à son corps défendant.

"Oh comme cette vision l'a excité et comme il bandait fort. Il était puceau tu sais ? Comme toi en fait."

La phrase fit sursauter Climb.

"Comment pouvez-vous…"

«Crois-moi, je le sais" l'interrompit Taliesin. "Ce genre de choses se sent."

Il contourna Climb et alla s'appuyer contre la petite console. Les mains sur les rebords, il exhibait sa poitrine dénudée alors qu'il continuait son récit.

"Quand j'ai vu ça, je me suis dit que je ne pouvais pas le laisser comme ça, tout raide et tout seul alors...je l'ai invité à nous rejoindre."

"Tu...vous…" balbutia Climb.

"C'était charmant. Ni l'un ni l'autre ne semblaient savoir ce qu'il fallait vraiment faire. Je suppose que la promiscuité des lieux leur avait permis d'assister à quelques scènes de débauche, mais si j'en juge par ce que j'ai vu, aucun de leurs "modèles" ne semblait savoir comment bien faire les chaises."

Taliesin soupira et passa l'une de ses mains fines dans ses long cheveux.

"Alors...je leur ai appris" poursuivit-il. "Je leur ai appris à connaître leur corps et à connaître celui de l'autre. Je leur ai appris à se donner du plaisir et à en donner à l'autre...je leur ai appris également à recevoir du plaisir, celui qu'ils pouvaient se donner à eux même, celui que leur donnait l'autre ou encore...celui que je leur ai donné à tous les deux."

"Je...tu….vous avez….avec lui…" balbutia à nouveau Climb.

Taliesin sourit.

"Comme je le pensais, c'était un vrai chaton sauvage. Dur et colérique mais une fois qu'on a trouvé le bon truc pour l'appâter, il se fait doux comme une petite chatte et tout aussi désireux de caresse."

"C'est...c'est indécent !" S'exclama Climb. "Tout...tout ça c'est...ce n'est pas... c'est indécent !"

"Et alors ? Est-ce que je devrais les laisser à une vie de misère sexuelle pour préserver la "décence" ?" Demanda Taliesin en roulant des yeux. "Le sexe fait partie de la vie, il lui est autant nécessaire que boire, manger, dormir et chier. Avoir honte du plaisir, c'est ça qui est honteux. Et si jamais tu venais à épouser la Princesse, comment tu ferais si tu ne sais rien de rien sur le moyen de lui faire plaisir."

"Dame Renner n'est pas comme ça !" S'indigna Climb. "C'est une personne douce, pure et…"

"Mais qui voudra sans doute avoir des enfants. Comment les fera-t-elle si ce n'est pas par le sexe ? Que ce soit avec toi ou un autre d'ailleurs. Crois-moi, si elle est condamnée à avoir une descendance alors elle préférera quelqu'un capable de lui donner du plaisir pour ça et pas de la douleur. Ou au moins que le premier homme avec qui elle sera lui fera l'amour au lieu de simplement la baiser. Tu te proposerais pour le rôle, Climb."

Le visage de Climb déjà bien rouge devint cramoisie. Ce n'était pas seulement à cause des paroles du troubadour mais également des images qui lui étaient venues à l'esprit à ce moment-là, des images impures qui faisaient pourtant réagir son corps bien plus fort qu'auparavant.

"Je...je...tu...vous...vous...je...jamais je ne…" balbutia Climb en reculant.

Taliesin eut un rictus. Il prit alors le pichet derrière lui sur la table et le porta à ses lèvres. Il prit plusieurs grandes rasades de lait sans faire attention qu'un peu de liquide blanc s'échappait des coins de sa bouche et voulait sur son menton, sa mâchoire et le long de son cou pour finir leur course le long du torse ciselé de l'homme.

Climb s'enfuit à nouveau.

0o0o0

Le jeune garde du corps fut incapable de regarder le ménestrel dans les yeux pour le reste de la journée. À chaque fois, des images de la fille de cuisine lui revenait en tête ainsi que d'autres de la Princesse Renner. De plus, il semblait à chaque fois savoir quand il le regardait car généralement il se tournait vers lui et le regardait avec un sourire moqueur.

À présent, non seulement Climb se méfiait de lui, mais il le détestait. Il n'avait encore jamais vraiment détesté personne, trop occupé à protéger la Princesse. C'était un sentiment nouveau qui ne lui plaisait pas du tout.

De son côté, Harry s'amusait beaucoup. Il avait passé une excellente nuit avec la fille de cuisine et son fiancé (qui s'avérait être un jeune garçon d'écurie) et se disait qu'il avait bien fait d'attirer ce dernier dans sa chambre grâce à ses pouvoirs d'Incube. La fille seule était délicieuse mais accompagnée du jeune homme, le résultat avait été savoureux. Il les avait laissés épuisés (et en vie), repus et surtout avides de recommencer que ce soit entre eux ou avec des partenaires de passage. Nul doute que mignon comme il l'était, le jeune lad trouverait bien des hommes viriles pour le besogner en même temps que sa fiancée.

Et puis d'un autre côté, il y avait Climb. Harceler le jeune garçon était particulièrement amusant. Il comprenait mieux à présent ce que Renner lui trouvait. Mes gens trop sérieux faisaient parfois les meilleurs jouets.

Cependant, il devait avouer qu'il s'ennuyait tout de même un peu. Voyager avec la Princesse avait un peu perdu l'attrait de la nouveauté et son environnement surveillé ne prêtait pas à la conversation. Il y avait bien la communication télépathique mais c'était d'un ennui… d'autant plus que deux nouveaux ajouts à la troupe lui portaient particulièrement sur les nerfs.

Le jeune Seigneur Cedoric et le jeune Seigneur Enan étaient respectivement le benjamin du fils aîné et l'aîné du fils cadet de la seconde femme du Baron Toldeyne. Tous les deux avaient entre 20 et 25 ans et, à leur apparence, on ne pouvait nier qu'ils étaient cousins. À leur caractère non plus. En effet ils étaient tous les deux bruyants et vantards. Ils s'exprimaient à voix haute en parlant à Renner (ou à quiconque), en faisant de grands gestes et en se coupant mutuellement la parole.

Il n'en demeuraient pas moins qu'ils étaient très beaux avec leurs cheveux blonds cendrés, leurs yeux bleus glaciers, leur peau dorée et leur corps anguleux et musclé. Il n'empêchait que c'était le genre d'homme desquels on disait : "je ne couche certainement pas avec lui pour son intelligence"...plus encore que le Dresseur des 100, Roghar, ces deux-là lui rappelaient Gilderoy Lockhart, pseudo aventurier, professeur minable de Défense et grand vantard prétentieux devant l'éternel.

Mais si seulement les deux hommes s'étaient contentés d'être idiots loin de lui cela n'aurait pas été aussi dur à supporter. Mais non, il avait fallu qu'ils viennent le voir pour lui demander s'il connaissait des histoires de batailles, de héros, de faits d'armes diverses, etc...non seulement cela mais ils avaient commencé à lui d'écrire par le détail leurs propres exploits dans l'espoir que cela lui inspirerait "une ballade telle que les vierges du monde entier pleureraient leur sort de n'avoir connu pareil chevalier". Inutile de dire que même avec la meilleure volonté du monde, Harry n'aurait pas eu les moyens de trouver un semblant de haut fait potable à raconter.

Vraiment, Harry ne savait pas ce qu'il avait fait pour mériter ça. Une petite voix dans sa tête semblait lui dire que la Mort serait ravie de lui faire la liste, mais il m'a dit taire. Tout ce qu'il voulait c'était que quelqu'un ou quelque chose mette fin à son calvaire.

Et étrangement, qui que ce soit qui l'avait entendu exauça son souhait. C'était près de deux jours après leur départ du manoir du Baron Toldeyne. Ils venaient de quitter Lend, son fief, et traversaient à présent la grande plaine vallonnée parsemée de bosquets d'arbres qui entourait la capitale. Le soleil de la fin d'été brillait, le ciel était bleu, l'air doux...bref, le temps idéal pour une embuscade.

"Alerte ! Des Gobelins !" Cria l'une des sentinelles en revenant au galop.

Il était talonné par une troupe de petites créatures brandissant des gourdins et des piques mais aussi, pour certains, des lames rouillées. Ils n'étaient pas très grands, à peine 1 mètre, et ils avaient des bras et des jambes grêles mais musclés avec des torses allongés et des jambes courtes et arqués. Leur tête était ronde et chauve et leurs oreilles étaient longues et tombaient sur les côtés. Ils avaient de petits yeux noirs rapprochés, des fronts larges, des nez épatés et une large bouche qui laissait dépasser des crocs.

Ils étaient tous presque nus à l'exception de pagnes et, pour certains, de vieilles armures qu'ils avaient dû voler à leur victimes car elle ne leurs allaient pas très bien. En les regardant, Harry les trouva un peu différent des Gobelins qu'il avait créés pour YGGDRASIL. En fait, ils ressemblaient à un mélange entre ses gobelins et ceux de son monde d'origine...l'intelligence en moins apparemment.

"Que tout le monde se tienne prêt à suivre ma flamboyante bannière !" S'exclama alors Cedoric en tirant son épée et en faisant volter son cheval avant de le talonner. "À l'assaut mes braves !"

"Sus aux Gobelins !" S'écria aussitôt Enan en suivant son cousin. "Sus à ses bêtes immondes ! Nos épées vont se gorger de leur sang et la gloire éclaboussera nos êtres !"

"Arrêtez ! Il faut se regrouper et mettre en place une défense !" Leur cria Climb pour essayer de les arrêter.

Mais c'était trop tard, les deux jeunes chevalier s'étaient déjà lancés dans la mêlée. Ils furent rapidement suivit par les hommes du Baron alors que les gardes royaux et Climb étaient laissés derrière. N'ayant pas le choix, ils firent descendre les domestiques des chariots et les firent se rassembler près de celui de la Princesse alors qu'ils se positionnaient tout autour pour contrer les assaillants qui viendraient vers eux.

Au grand étonnement d'Harry, ils étaient descendus de cheval et les avaient regroupés plus loin en prenant soin de les attacher solidement aux arbres. Harry comprit pourquoi quand Cedoric, Enan et les autres soldats furent jetés à terre par leurs chevaux. L'odeur des Gobelins avait dû les affoler.

Les deux chevaliers de relevèrent néanmoins de même que leurs hommes et se mirent à se battre avec férocité...et aussi avec une certaine peine ce qui ne manqua pas de mortifier Harry.

Sur YGGDRASIL, les Gobelins de base faisaient partie des Monstres les plus faibles du jeu. Ils atteignaient à peine le niveau 5. C'était le genre d'ennemi que l'on trouvait un peu partout dans les différents mondes principalement autour des villes de départ. Les vaincre constituait les premiers exploits des joueurs débutants.

Il y avait à peu près entre 20 et 25 Gobelins, ce qui faisait du deux contre un avec leurs adversaires. Un tel rapport de force ne serait pas grand-chose sur YGGDRASIL, même avec un ou deux niveaux en moins. Pourtant il semblait que les hommes du Baron avaient beaucoup de mal à leur tenir tête. C'était même le cas pour les deux Chevalier qui portaient tout de même un équipement complet.

Est-ce que ça voulait dire que les Gobelins ici étaient bien plus forts que sur YGGDRASIL ?

Harry décida alors d'utiliser une Compétence Active de sa Classe Explorateur, [Analyse Lointaine]. Elle lui permettait de voir les données de Monstres, PNJ ou même joueurs distant de lui mais tout de même visible. C'était pratique pour explorer sans se faire repérer. Les Voleurs et les Ninja possédaient également ce genre de Compétences puisqu'ils étaient axés sur la discrétion.

Invisible aux autres, les fenêtres de données apparurent devant ses yeux. Il y avait celles qui concernaient les Gobelins et aussi celles concernant les gardes. Harry constata alors deux choses. D'abord, il semblait que les Gobelins soient en effet plus puissants. Légèrement plus puissant en fait. Aucun d'eux n'était en dessous du niveau 5 mais aucun ne dépassait le niveau 7. Deuxièmement, le niveau des gardes, lui, était tout simplement affligeant. Tout comme les Gobelins, aucun d'eux ne dépassait le Niveau 7 mais la majorité avait un niveau de 4 ou 5 seulement. En fait, les seuls niveau 7 étaient Cedoric et Enan.

Pas étonnant qu'ils n'y arrivent pas. D'autant plus que leur faible niveau n'était pas leur seul handicap. En effet leur tactique laissait également à désirer. En fait, il était clair qu'ils n'en avaient aucune. Les deux Chevaliers tout comme leurs hommes se contentaient de jeter des coups d'épées comme on fauche les blés, privilégiant toujours l'attaque et négligeant totalement la défense.

Cela n'étonna donc pas Harry quand il y eut le premier mort. Le garde aux couleurs des Toldeyne s'effondra dans un cri et le Gobelin qu'il affrontait se lança à l'assaut de la ligne de défense des gardes royaux et de Climb. Cependant, ceux-ci étaient bien mieux organisés. Alors que ce dernier restait en retrait pour garder Renner, les gardes firent une manœuvre d'encerclement rapide afin de l'attaquer chacun leur tour dans le dos. Ne pouvant pas se protéger et ne pouvant non plus fuir, le Gobelin finit également par mourir.

Dès qu'il toucha le sol, celui qui semblait être le chef du groupe de garde ordonna le repli pour que chacun reprenne leur position de défense. À voir leur statistiques, ils n'étaient pas beaucoup plus puissant que les Gobelins (à peu près à force égales) mais leur stratégie était cependant bien meilleure. Cependant elle ne pouvait fonctionner qu'avec un très petit nombre d'ennemis. Or, le nombre grandissant de décès parmi les hommes du Baron Toldeyne en laissait passer de plus en plus, rendant la tâche des gardes plus difficile.

Cela obligea même Climb à rejoindre le combat et à délaisser provisoirement sa position mais tout en restant assez proche. Il s'en sortait mieux que les autres, en partie grâce à son armure de Mithril et également grâce à son très respectable niveau 12. Enfin, respectable en comparaison de la faiblesse des autres. Comme on dit, au royaume des aveugles les borgnes sont roi.

Harry soupira et se décida à intervenir avant que son escorte pour la capitale soit réduite à néant. Après tout, il avait de quoi agir discrètement. En effet, en composant son rôle de Taliesin, Harry n'avait pas seulement prit l'apparence d'un ménestrel mais aussi la Classe. Il avait donc enlevé toutes ses Classes de Guerrier à l'exception de Champion du Monde et utilisé les 9 niveaux qu'il lui restait pour la Classe Intermédiaire de Barde.

Le Barde était un personnage très particulier. En effet, il était considéré comme un Guerrier mais ses attaques étaient assez peu puissantes. Son point fort (ce que certaines personnes pouvaient considérer comme un point faible) était qu'il se spécialisait dans les altérations, ce qu'on appelle généralement les Buffs, les altérations en vue d'augmenter les capacités de ses alliés, et les Débuffs, pour diminuer celles de ses adversaires.

Bien entendu, il existait de nombreux sorts pouvant faire de genre de chose mais le Barde n'étant pas un Mage, il n'y avait pas accès. À la place, et d'un certain côté c'était plus intéressant, il avait de très nombreuses Compétences (le Barde était l'une des Classes en possédant le plus) avec les mêmes effets. Ainsi un barde de niveau maximum (10), pouvait utiliser des compétences équivalentes à des sorts de niveau 10 et qui nécessitait donc pour un Mage de posséder 50 niveaux de Classes Magiques.

Un Joueur avec un simple Classe de Barde pouvait avoir du mal à jouer seul, surtout en JcJ, Joueur contre Joueur, du fait de sa faible attaque. Cependant, allié à un groupe, il pouvait se révéler très précieux.

Harry sortit donc discrètement son luth et se mit en position pour jouer.

"[Ballade de l'Escargot Nonchalant]" dit-il en grattant les cordes de son Instrument.

Alors qu'il jouait, il y eut comme une onde qui traversa les airs et les Gobelins scintillèrent un instant d'un éclat vert. Aussitôt, leurs gestes se firent plus lent et ils semblaient courir moins vite, comme s'ils essayaient d'avancer dans l'eau. Les gardes le remarquèrent mais leur temps de latence fut assez court et ils profitèrent rapidement de l'opportunité pour attaquer.

À ce moment-là, il y eut un sifflement dans les airs et l'un des combattants s'effondra, une flèche dans le cou. Il y avait donc des archers proches postés là en cas de renfort. Mais déjà, Harry jouait à nouveau. Il lança [Épopée de Pierre Antique], qui renforçait la défense de l'armure mais aussi du corps, et [Danse Mélodique du Paon], qui augmentait l'agilité.

Ce dernier était un chant continu. Cela voulait dire qu'il fonctionnait tant qu'Harry le chantait au contraire des deux autres qui étaient lancés comme des sorts et se dissiperaient au bout d'un certain temps. Cependant, cela ne voulait pas dire qu'Harry ne pouvait plus utiliser d'autres compétences. En effet, au niveau 5, un Barde obtenait la Compétence Passive [Couplet Mélodique], qui lui permettait d'utiliser une Compétence Active de chant simple en même temps qu'un chant continue, et au niveau 10, [Continuité Harmonique], qui lui permettait de lancer 2 chants continue en même temps.

Harry utilisa la seconde pour lancer [Fable du Lièvre Malin] qui augmentait la vitesse en continue et l'autre pour [Écho de Maestro] qui rendit les Gobelins légèrement confus, faisant d'eux des cibles faciles.

À présent les flèches pleuvaient mais elles se brisaient sur les armures renforcées par la musique d'Harry. Déjà plus de la moitié de la troupe de fantassins Gobelins avait été décimée. Il était à espérer que la mort des troupiers feraient fuir les archers. Ceux-ci semblaient se cacher dans le bosquet le plus serait donc difficile de les débusquer…

Soudain, un rugissement se fit entendre tout le monde, Humains comme Gobelin se figea. Même Harry cessa de jouer ses mélodies et les effets continus s'estompèrent. Un bruit se fit entendre et le sol se mit à vibrer légèrement. Il fut suivi par un autre et puis encore un autre. Quelque chose marchait dans leur direction. Quelque chose de gros.

Soudain, du bosquet aux archers surgit une masse gigantesque, un être humanoïde massif, trapu, bossu et avec bras simiesques, un torse allongé et de petites jambes arqués. Il avait une peau brunâtre et une tête semblable à celle des Gobelin mais plus massive et plus grossière. Le cuir de sa peau semblait épais et il avait des sortes d'écailles de pierres sur les épaules et un peu dans le dos. Il était habillé aussi chichement que les Gobelins et avait un gourdin dix fois plus gros à la main.

"Un Ogre ! C'est un Ogre !" Cria quelqu'un.

La panique s'installa alors dans les rangs des gardes alors que la créature avançait, les Gobelins s'écartant sur son passage.

"Reprenez-vous !" S'écria Climb qui assistait à la débâcle.

Les hommes du Barons revenaient vers les chariots et se cachaient presque derrière les gardes royaux. Ces derniers avaient toujours leurs épées en mains mais ils tremblaient. Un Ogre était un adversaire bien plus coriace que de simples Gobelins. La peur avait pris le dessus et aucune parole de Climb ne pouvait encourager les hommes à se battre. Le jeune garçon savait qu'il n'avait pas le choix. S'il n'y allait pas alors l'Ogre serait trop près des chariots quand il rencontrerait de la résistance et un seul faux mouvement pourrait faire basculer le carrosse où se trouvait la Princesse.

Climb avait peur mais sa volonté de sauver la Renner était plus forte. Il s'élança donc, soutenu sans le savoir par les chants d'Harry.

Celui-ci reprit sa tactique de départ. Il lança [Ballade de l'Escargot Nonchalant] sur l'Ogre et [Épopée de l'Armure Antique] sur Climb avant de lancer en continue [Fable du Lièvre Malin] et [Danse Mélodique du Paon] pour le soutenir. À intervalle régulier, il alternait également entre [Ode du Poing Vengeur] qui augmentait sa force pour quelques instants et [Pas de Bourré], qui rétablissait un peu son endurance.

Il ne pouvait cependant pas en lancer trop souvent. Comme les Sorts et les Techniques, les Compétences, surtout Actives, avaient un temps de récupération. Celles qu'il utilisait faisaient parties des plus faibles, avec le plus petit temps d'attente mais vu le niveau des deux adversaires, cela suffisait.

En effet, Climb semblait l'emporter. Il n'avait pas réussi à blesser l'Ogre mais à l'inverse, celui-ci non plus. De plus, le Monstre était plus fatigué que le jeune homme et son corps était moins rapide même sans l'intervention d'Harry. La créature finit par laisser une grande ouverture que Climb, bien entraîné, saisit au vol. Il contourna l'Ogre, grimpa sur son dos voûté et se prépara à enfoncer son épée dans sa nuque, juste à la jointure des écailles de pierre qui recouvraient les épaules de la bête.

De son côté, Harry lança [Allegro de l'Épée] qui augmenta le tranchant de l'arme du jeune garçon. Grâce à cela, elle pénétra la chair épaisse comme du beurre. L'Ogre cria de douleur alors qu'un flot de sang éclaboussait l'armure blanche de Climb. Celui-ci appuya alors plus fort pour bien faire pénétrer la lame tout en se tenant à la poignée pour éviter de tomber tant le Monstre s'était mis à gesticuler pour tenter de le déloger. Bientôt, il se calma puis se mit à tituber avant d'enfin s'effondrer sur le sol dans une mare faite avec son propre sang.

À bout de souffle, Climb arracha à grand peine son épée du cadavre de l'Ogre puis en descendit pour retourner au chariot dans un silence de mort.

Un autre rugissement se fit alors entendre et les Gobelins survivants se replièrent, disparaissant dans les bois. Harry, dont la vue était la plus perçante remarqua alors quelque chose dans l'ombre des arbres, une silhouette qui faisait penser à un Gobelin mais plus grand, plus fort...et en quelque sorte plus humain.

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Le Barde avait craint un moment que sa musique ait été entendue. Ou au moins que certains guerriers aient remarqué des choses anormales durant le combat. Cependant cela ne sembla pas être le cas. Et si quelqu'un avait remarqué, cela avait dû lui sortir de la tête à cause d'une nouvelle un peu plus dérangeante.

Dans la panique du combat puis la stupeur de la mise à mort de l'Ogre, personne n'avait remarqué un détail somme toute assez important : les jeunes Seigneurs Cedoric et Enan avaient disparu.

En effet, les hommes du Baron eurent beau fouiller les alentours, ils ne trouvèrent aucune trace d'eux. Sans cadavre, une seule solution s'imposait alors à tous : les Gobelins les avaient emmenés.

Dans leur état, impossible d'aller les délivrer. Ils étaient en sous nombre, blessés...ce serait du suicide, surtout qu'ils devaient protéger la Princesse. Si jamais ils rejoignaient la capitale et qu'on apprenait qu'ils l'avaient abandonné pour chercher leurs deux jeunes Seigneurs alors ce serait la pendaison pour eux. Le convoi dû alors reprendre la route.

Ils arrivèrent donc à mi-chemin de la Capitale avant le soir et ce malgré le retard pour finalement apercevoir les remparts dès le lendemain, alors que le soleil était déjà bas à l'horizon.

Alors qu'ils approchaient de la grande porte sud de la ville, ils aperçurent une silhouette qui se tenait juste devant. Harry reconnut immédiatement la silhouette impressionnante de l'homme.

Gazef Stronoff.

À suivre...

Et voilà encore un chapitre de fait. J'espère qu'il vous a plus. Bon à part la bataille, il n'y a rien de vraiment bien excitant mais je me rattraperai au prochain chapitre, promis.

Alors ? Comment vous trouvez la vraie Renner ? Perso c'est vraiment l'un de mes personnages préférés dans la série (en plus son deuxième prénom c'est Théière alors c'est poilant). Comme je l'ai dit, je vais lui donner un plus grand rôle dans mon histoire. Comploter avec Harry c'est déjà pas mal, non ?

Certaines des attaques de Barde d'Harry viennent de Log Horizon. Les autres ont été inventés sur le même style.

Voilà, n'hésitez pas à me laisser des commentaires et je vous dis à dans deux semaines.