VORACITY I - New World
Arc 3 : L'Être aux Mille Visages
Chapitre 5
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Harddyn se regarda attentivement dans le miroir. Il avait dit à Ainz qu'il partait, mais ce n'était pas tout à fait exact. Il avait encore quelques petits détails à régler et en premier son personnage.
Contrairement à la fois où il avait créé Taliesin, il n'était pas question cette fois d'incognito. Pas vraiment. Son but n'était pas de cacher d'où il venait ou ses capacités. Cependant, il pensait que les villageois seraient plus à l'aise avec un humain. De plus, il ne voulait pas que son rang soit aussi une source de tension. Il était après tout le bras droit de Ainz et il savait à quel point les habitants de Carne le révéraient. Il allait donc se présenter à eux sous une tout autre identité et pour cela il lui fallait un tout autre personnage.
Il s'observa d'un œil critique dans le miroir. Il avait rétracté cornes et ailes et donné à sa peau et ses yeux un aspect plus humain, mais il n'était pas encore satisfait. Son apparence était trop proche de celle de Taliesin. Il aurait été facile d'y remédier en changeant complètement la couleur de ses iris et aussi celle de ses cheveux, mais il pensait qu'il valait mieux éviter de se contenter de ces pis-aller. Créer une identité originale était un exercice plus complexe que seulement modifier quelques traits physiques.
Il commença par donner à sa peau un aspect encore moins parfait. Taliesin avait une peau soyeuse et entretenue. C'était un homme de scène. Son nouveau personnage était un érudit habitué aux nuits blanches à lire à la lueur d'une chandelle et à travailler de longues heures dans un atelier. Il ajouta donc quelques imperfections à sa figure, donna à sa carnation des reflets légèrement cireux et la compléta même des cernes sous ses yeux. Il modifia ses iris vers avec des teintes grises puis raccourcit sa chevelure pour qu'ils lui arrivent un peu en dessous des épaules et leur attribua un aspect plus sec.
Il se recula pour s'observer à nouveau. Décidé à ne pas laisser ses cheveux lâchés, il les attacha avec un simple lien de cuir sans pouvoirs particuliers. Ce n'était évidemment pas le cas du reste de sa tenue. Dans YGGDRASIL, elles étaient souvent extrêmement bariolées et plus elles étaient puissantes, plus elles avaient l'air luxueuses à cause des matériaux de fabrication. Cependant, il était déjà arrivé que certains Joueurs utilisent des modules graphiques pour rendre leurs équipements d'apparence moins opulents. Ils pensaient ainsi éloigner les Franc-Tireurs. Des fois, cela fonctionnait et des fois non.
Pourtant, jamais cette tactique n'avait été employée pour se fondre dans la population locale. Il y avait bien des missions ou un déguisement était nécessaire, mais non seulement il était fourni, mais leur Niveau était (très) peu élevé. Ils n'avaient pas vraiment de pouvoir et n'étaient pas du tout faits pour combattre. Ce n'était pas le cas de ceux que portait Harddyn.
Sa tunique était enchantée pour augmenter son Attaque Magique, sa cape, sa Défense Magique et dissimuler ses caractéristiques, la ceinture pour accroitre sa dextérité, ses chausses, son agilité et ses bottes, sa vitesse. Par soucie de discrétion, il n'avait que deux bijoux, les Anneaux des Neuf Enfers, bien sûr, et un autre pour masquer totalement ses PM. Il portait encore celui de la Guilde, mais il le laisserait avant de partir.
En se regardant des pieds à la tête, il devait admettre que ce n'était pas trop mal. D'après ce qu'il avait observé lors de son voyage à travers le Royaume, son accoutrement semblait plutôt commun. Cependant, il avait l'impression qu'il lui manquait quelque chose. Il plongea sa main dans le vide et ouvrit son inventaire. Il fouilla quelques instants et en sortit une paire de lunettes rondes. Celles-ci ne corrigeaient pas la vue, mais elle augmentait la Moralité et la confiance qu'on lui portait. De plus, elles renforçaient son apparence d'érudit.
Pour ce qui est de sa nouvelle personnalité, il imaginait bien cette identité-là être gentille et timide également. Et sociable à un certain degré. Cela devrait plus coller avec les villageois que le caractère expansif et racoleur de Taliesin. La pratique lui permettra par la suite de compléter avec des détails. Tout ce dont il aurait besoin serait de rester cohérent avec ce qu'il avait déjà montré. En attendant, il commença à tester plusieurs expressions dans le miroir. Il sourit et plissa les yeux.
« Bonjour, c'est Maître Ainz qui m'a envoyé… »
Sa voix était masculine, mais fluette, comme s'il ne voulait pas parler trop fort. Son sourire se fit ensuite embarrassé, il colora ses joues et se mit à base gratter l'arrière de la tête.
« N... non voyons, c'est trop… » dit-il en bégayant.
Oui, il percevait très bien le personnage. Il ressemblait à un certain type de cliché qu'on pouvait rencontrer dans les manga japonais. Le genre gentil et poli, mais timide quand on lui fait des compliments, surtout si l'interlocuteur est une fille. Un puceau en quelque sorte. D'après ce qu'il avait appris de Nfirea par Ainz, il était aussi un peu comme. Ce serait donc plus facile de se rapprocher de lui.
À nouveau, il sourit puis tendit la main à son reflet.
« B… Bonjour » dit-il. « Je m'appelle… euh… »
Zut. Il en était à la partie la plus difficile. Le nom. Il n'était pas très bon pour donner des noms. Ça, il l'avait déjà prouvé. Peut-être que cette fois il devrait demander à quelqu'un.
« Chess ? Tu es libre ? » Appela-t-il mentalement.
« Je le suis, Maître Harddyn, Nya » répondit l'Homme-Chat. « J'attendais votre départ pour m'atteler à ma tâche au cas où vous auriez besoin de moi. »
Ah oui. Sa tâche. Harddyn savait que Chess ferait un très bon Maitre-Espion. Cependant, cela voulait dire qu'il n'aurait plus de Majordome. C'était embêtant. Peut-être qu'il devrait s'en créer un autre à partir de l'un des PNJ de l'Infinité des Deux. Ou peut-être même à partir de rien. D'après ce qu'il avait compris, sa Compétence [Reconstruction] le lui permettait également. Ce serait sans doute d'ailleurs un bon test des limites de ce pouvoir.
« Maître ? » Demanda la voix de Chess à son oreille.
« Hein ? Euh… oui. Désolé, je pensais à autre chose. »
« Excusez-moi d'avoir troublé votre réflexion dans ce cas, Nya »
« Inutile de t'excuser. »
« Comme vous voudrez, Nya. Que puis-je pour vous ? »
« J'aimerais que tu m'amènes Toby » dit Harddyn. « j'aurais besoin de lui pour mes derniers préparatifs. »
« Comme il vous plaira, Nya »
Harddyn coupa la communication puis soupira et s'assit dans un fauteuil. Aussitôt, son ombre s'allongea et se mit à bouger. De la boue noire ainsi qu'un crâne blanc en émergèrent. Doudou s'éleva dans les airs, surplombant son Maître. Deux bras squelettiques apparurent dans la masse gélatineuse, l'une des mains tenant une tasse et l'autre une théière fumante. La Slime versa délicatement le thé et le tendit à Harddyn qui le prit avec un sourire.
« Je te remercie, mon beau » dit-il.
Il allait en prendre une gorgée quand il vit quelque chose flotter sur sa surface ambrée. C'était un globe oculaire à l'iris couleur lavande. Harddyn le récupéra entre deux doigts et le porta à ses lèvres. Il le goba d'un coup, lécha le thé mêlé de liquide lacrymal qui le recouvrait puis le recracha tout aussi rapidement, dans le creux de sa main.
« Tiens, c'est à toi » dit-il à son serviteur.
Doudou reprit son œil et le remit à sa place dans l'orbite de son crâne. À ce moment-là, on frappa à la porte.
« Entrez » dit Harddyn.
Chess pénétra alors dans la pièce puis s'inclina profondément. À la main, il tenait une laisse en cuir. Celle-ci était fixée à un collier de chien, lui-même attaché autour du cou d'un être des plus singulier. C'était un être humain… ou plutôt un être d'apparence humanoïde qui se tenait à quatre pattes sur le sol. Son visage était recouvert d'une cagoule de cuir noir en forme de tête de chien avec des bajoues de néoprène gris et un os en latex rouge sortant de sa gueule. Il portait des gants avec des griffes aux mains et des bottes épaisses. Le reste de son accoutrement était composé d'un mince short en vinyle noir et d'un harnais de cuir en travers du torse avec des clous et des anneaux d'argent.
Bien évidemment, cet accoutrement rendait son corps extrêmement visible. Sa peau pâle et légèrement grisâtre était couturée de cicatrices d'où s'échappait parfois du sang qui faisait des rigoles sur ses muscles secs. À travers les interstices du masque, on pouvait voir ses yeux noirs et exorbités qui fixaient Harddyn. En fait, il s'était même mis à s'agiter dès qu'il était entré. Apercevant cela, Harddyn hocha la tête en direction de Chess qui retira la laisse. Aussitôt, Toby, puisque c'était lui, se précipita sur son Maître en grognant comme un vrai canidé. Arrivé près de lui, il leva la partie supérieure de son corps et posa ses « pattes » avant sur ses genoux.
« Oh, oui » dit Harddyn en caressant le haut du crâne de « l'animal », « c'est un bon chien, ça. Oui, c'est un bon chien. »
Toby se mit à haleter et de la bave commença à couler sur la tunique d'Harddyn. Une langue presque interminable émergea alors de la gueule du masque et entreprit d'essayer de lécher le Slime.
« Oh oui, ça faisait longtemps qu'on ne s'était pas vu, hein ? » Continua à minauder Harddyn comme si l'être avait vraiment été un chien.
C'était le cas. En quelque sorte. En tout cas, c'était comme ça qu'Harddyn l'avait programmé. Cependant, Toby n'avait, biologiquement (c'est-à-dire au niveau de ses Races), rien d'un chien. C'était plutôt un Mort-Vivant. Un Zombie plus particulièrement. Ce qui expliquait les cicatrices et le sang.
« Alors ? C'est qui le meilleur ? C'est qui le meilleur ? C'est mon Toby, le meilleur ! Oh oui… » continua Harddyn en saisissant la tête de son serviteur entre ses mains.
Il plongea son regard dans celui du Zombie chien. De plus près, Il était possible de voir que les yeux de Tony n'étaient pas vraiment exorbités. En fait, les paupières étaient totalement absentes. Comme arrachés. De plus, sous la cagoule, son nez était également manquant, laissant apparaître ses fosses nasales, de même que ses lèvres. Le frein de sa langue était tranché ce qui lui permettait de l'allonger presque à l'infinie et de la faire glisser le long des babines du masque.
« Et maintenant, c'est qui qui va faire plaisir à son Maître ? C'est Toby. »
Sa voix s'était faite plus grave. Presque ronronnante. En symbiose totale avec son Souverain, Doudou se pencha et entreprit d'enlever ses bottes. L'une après l'autre. Pieds nus, Harddyn repoussa légèrement Toby puis lui présenta l'un de ses pieds. Aussitôt le Zombie chien sortit sa langue et se mit à le lécher. Il commença par les orteils, glissant son appendice rose entre les interstices, puis attaqua la plante et, quand Harddyn le posa au sol, le dos du pied.
Pendant ce temps, Doudou avait déplacé sa masse par derrière son Maître et ses longs bras squelettes avaient entrepris de déboucher sa ceinture. La bande de cuir retomba, la boucle de cuivre produisant un son mat en percutant sur le tapis. Puis le Serviteur saisit le bas de la tunique afin de l'ôter. Les ailes d'Harddyn avaient beau ne pas être visibles, il avait encore la capacité de voler ou même de simplement flotter. C'est ce qu'il fit pour aider le Slime à le dénuder.
Le torse étroit et pâle d'Harddyn émergea alors à la lumière. Ce n'était pas le buste tonique qu'il montrait habituellement, mais une forme plus maigre et avec quelques côtes apparentes. Cela correspondait parfaitement au corps d'un érudit passant ses journées à étudier à l'intérieur au point de parfois oublier de manger. Le Zombie fit ensuite courir ses doigts d'os poreux sur la surface de chair de son Maître. Il remonta jusqu'à la poitrine puis saisit ses tétons roses entre les phalanges distales de son pouce et de son index avant de les serrer.
Harddyn poussa un gémissement rauque et se cambra légèrement en fermant les yeux. Surpris ou excité par le bruit, Toby se redressa et fourra la truffe de son masque dans le renflement qui se trouvait entre les jambes de son Maître. Un troisième bras émergea alors de la masse noire gluante de Doudous et descendit à nouveau le long du torse d'Harddyn. Ses doigts squelettiques attrapèrent le fil de coton qui attachait la braguette aux chausses et défit la ganse. Puis la main se glissa par l'accès nouvellement ouvert et se saisit du membre déjà dur et suintant de l'Incube.
Harddyn gémit et se cambra plus fort. Toby, lui, poussa du museau la bosse mouvante du sexe de son maître masturbé par le Serviteur Slime. Puis, enfin, celui-ci le dégagea complètement de la gangue de tissu, permettant au chien de se jeter dessus comme un affamé. Sa langue démesurée glissa le long de la jambe de chaire, récoltant le liquide séminal qui en suintait. Doudou lâcha finalement la verge d'Harddyn et Toby l'engloutit dans la gueule de son masque. Il tenta de l'avaler le plus loin qu'il put, mais le gland de celle-ci finit par buter contre un obstacle plus dur : l'os rouge.
En vérité, il ne s'agissait pas d'un élément décoratif de la cagoule. Il ne s'agissait pas d'un élément décoratif du tout. Il était en travers de la mâchoire de Toby et maintenue derrière son crâne à la manière d'un bâillon. Sa longue langue avait suffisamment de place pour passer en dessous, mais le Zombie chien n'avait pas la possibilité de fermer la bouche. Jamais. Et il était impossible pour Harddyn de le retirer. En effet, il s'agissait en fait d'un objet magique permettant de contrôler Toby et l'empêcher de se jeter sur tout ce qui bouge pour le déchiqueter.
Parmi ses Classes se trouvait celle de Berserk. Elle octroyait notamment la Compétence Passive [Frénésie de Carnage]. Comme la [Frénésie de Sang] que possédait Shalltear, elle rendait son propriétaire incontrôlable et pris de folie meurtrière. Cependant, celle de Toby s'activait, non pas à cause du sang versé, mais lors d'un combat, quand celui-ci était proche de la mort. Pourtant, si Toby avait besoin d'un artefact pour le maîtriser, cela venait du fait qu'en tant que Zombie, il était aussi pourvu de la Race de Rang Intermédiaire Goule. Celle-ci ajouté à Berserk rendait la [Frénésie de Carnage] permanente. Il était donc hors de question de retirer le bâillon de Toby même pour un peu plus de plaisir.
Mais Harddyn n'avait pas la nécessité de penser à ce genre de chose pour le moment. Les mouvements serpentins de la langue de
Son Serviteur provoquaient des frissons dans tout son corps. De plus, les phalanges distales de Doudou, toujours serrées autour de ses tétons, lui envoyaient des décharges électriques. Il ne fallut pas longtemps avant qu'il ne pousse un gémissement plus fort et que sa semence jaillisse.
Comme Harddyn reprenait son souffle, Doudou le lâcha et Toby retomba à quatre pattes. Sa langue léchait avidement l'intérieur de son masque et son visage pour récupérer le précieux liquide offert par son Maître. Celui-ci le regarda alors avec un sourire prédateur. Il leva l'une de ses jambes et posa son pied sur l'épaule du Zombie. Il poussa légèrement, forçant le Serviteur à basculer en arrière, sur le dos. Comme un chien, ses bras étaient repliés au niveau de ses clavicules et ses jambes étaient en l'air. Sa langue, elle, pendait sur le côté et il haletait bruyamment.
Harddyn se leva alors de son siège. Ses chausses glissèrent le long de ses cuisses jusqu'à ses pieds. Il les dégagea puis avança en direction de Toby, surplombant son corps. Il se pencha et observa le short du Zombie. Il sourit à nouveau, avança sa main et baissa la fermeture éclair qui fermait le devant du mince vêtement. Aussitôt, le sexe charnu de Toby en jaillit et se dressa fièrement au-dessus de lui. Il avait la même couleur gris maladive et son gland était d'un violet sanguin. De plus d'une vingtaine de centimètres et large au milieu, il était parcouru de veines saillantes qui palpitaient au rythme du sang qui le traversait. Pour tout Mort-Vivant qu'il fut, cette partie de son anatomie semblait, elle, bien vivante.
Délicatement, Harddyn se pencha et se mit à son tour à quatre pattes juste au-dessus de son chien. Alors que son visage arborait un sourire dominateur, sa main se dirigea dans son dos et se saisit du membre turgescent de son Serviteur. Celui-ci poussa un glapissement.
« Dis-moi, mon Toby » murmura Harddyn en masturbant le sexe de celui-ci. « J'ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi avant que je ne parte en voyage. Tu ferais n'importe quoi pour moi, n'est-ce pas ? »
Toby hocha frénétiquement la tête en gémissant.
« Tu serais même prêt… à mourir pour moi ? »
À nouveau et sans hésitation, Toby hocha la tête avec ferveur.
« Bien, tu es un bon chien » susurra Harddyn.
En disant ces mots, il guida la pointe de son gland jusqu'à son anus et commença à le faire pénétrer en lui. D'un seul mouvement souple, il engloutit le membre massif jusqu'à ce que ses fesses soient assises sur les hanches de son Serviteur. Grâce à l'élasticité de sa peau et à la viscosité de l'intérieur de son corps, l'opération s'était faite sans le moindre heurt.
« [Désir Infini] » souffla Harddyn en frissonnant à cause de la volupté de s'en sentir ainsi rempli.
Le cercle de rituel violet apparut alors sous Toby. Les chaînes émergèrent du sol et lui capturèrent bras et jambes en même temps que l'autel du sacrifice s'élevait dans les airs. Harddyn se mit alors à bouger, chevauchant son chien qui glapissait et aboyait son plaisir. Il sentait son sexe frémir en lui à chacun de ses mouvements. Il savait qu'il n'allait pas tenir bien longtemps encore. Pourtant ce n'était pas ce que voulait Harddyn. Si Toby devait mourir d'épectase, il fallait alors que ce soit grandiose. Il utilisa donc ses pouvoirs d'Incube pour bloquer la jouissance de son Serviteur et continua à le chevaucher tout en serrant ses parois anales pour augmenter davantage son plaisir.
Bientôt, aux aboiements de chien se mêlèrent des cris bien humains. Des cris de bien-être et de douleur mélangés. Harddyn lui-même sentait venir son propre orgasme. Explosif. Satisfaisant. Des frissons parcouraient son corps et se rassemblaient à la base de son sexe. Il le sentait approcher de plus en plus et finalement quand il arriva, il lâcha la pression.
Toby poussa un grand cri bestial alors que le plaisir déferlait en lui. Le cercle du rituel, dont la lumière s'était faite plus intense à mesure que la magie opérait, explosa. À sa jouissance, Harddyn sentit celle de Toby ainsi que son énergie se répandre en lui comme un torrent furieux.
Puis tout s'arrêta. Les chaînes tombèrent en poussière, l'autel se retrouva aspiré dans le cercle puis celui-ci s'effaça lentement. Au bout d'un moment, il ne resta plus sur le sol de la chambre qu'Harddyn, le visage levé vers le plafond, les yeux fermés et haletants du plaisir qu'il avait ressenti. Entre ses cuisses se trouvait le cadavre desséché de Toby.
Harddyn finit par reprendre son souffle et tenta de se relever. Chess, qui était demeuré immobile pendant tout le rituel, se précipita vers lui et l'aida à se mettre debout.
« C'était… plus puissant que les autres fois » dit-il.
Machinalement, il ouvrit le menu de ses sorts et regarda le nombre des emplacements libérés par le rituel. Il haussa les sourcils. 11. Il y en avait 11. Avec un seul rituel. Bien sûr, cela devait dépendre du Niveau de la victime. Tous les humains sur lesquels il avait essayé ce rituel étaient d'un Niveau inférieur à 10 et ne lui avaient donné qu'un emplacement. Il était donc probable qu'entre 10 et 20, il en aurait eu 2, entre 20 et 30, 3, et ainsi de suite. Toby étant au Niveau 100 (et pas au 99). Il en avait obtenu 11.
Oui. Il estimait que c'était un chiffre satisfaisant. Il ne savait pas ce qui pouvait l'attendre au village de Carne donc il souhaitait avoir la place d'enregistrer de nouveaux Sorts. Pas qu'il pense être en danger là-bas, mais il ne voulait pas être pris au dépourvu. D'autant plus que certains pouvaient être utiles autrement que pour le combat.
Satisfait, Harddyn referma son menu et se tourna vers le corps desséché et sans vie de Toby. C'était… pour le moins étrange. Il ne ressentait rien de particulier à ce spectacle. Pas qu'il s'en fiche. Il tenait énormément à Toby, autant qu'à n'importe quel Serviteur. Cependant, sa mort ne l'affectait pas tout simplement parce que la mort elle-même ne l'affectait pas.
« Vis ! » Ordonna-t-il presque nonchalamment.
Le corps de Toby fut immédiatement baigné de lumière. Le chatoiement dura quelques instants avant de se dissiper. Toby se redressa alors, pencha la tête sur le côté puis se remit à quatre pattes. Il s'ébroua un peu puis, avisant Harddyn, alla se frotter contre ses jambes.
« Je me demande comment c'était. La mort » dit pensivement celui-ci en caressant le haut du crâne de son chien. « Mais je suppose qu'il ne pourra rien me dire. Peut-être faudrait-il que j'essaie avec quelqu'un qui puisse me raconter. »
Il releva alors la tête et se tourna vers Chess. Il sourit.
« Est-ce que toi tu accepterais de mourir pour moi ? » Demanda-t-il.
« Sans la moindre hésitation, Nya » répondit immédiatement le Majordome en s'inclinant.
Le sourire d'Harddyn s'agrandit.
« Peut-être une autre fois » dit-il. « En attendant, j'aurais une nouvelle tâche à te confier. »
« Comme à mon habitude, je suis à vos ordres, Nya. »
« Il faudrait que tu me trouves un nom, je te prie. »
« Un nom ? »
« Pour aller avec ma nouvelle apparence. »
L'Homme-Chat pencha la tête sur le côté sans comprendre. Harddyn sentit quelque chose tapoter son épaule. Il se retourna. C'était Doudou. Celui-ci lui montra alors le miroir. Harddyn regarda son reflet et jura. Il avait une nouvelle fois repris son apparence réelle. Il avait remarqué que cela arrivait souvent quand il utilisait des sorts puissants ou qu'il avait un orgasme intense comme ça avait été le cas plus tôt.
Rapidement, il rentra à nouveau cornes et ailes et modifia son aspect pour celui du jeune érudit timide qu'il voulait incarner. Doudou entreprit ensuite de l'aider à se rhabiller pendant que le Majordome le regardait sous toutes les coutures.
« Alors, qu… qu'est-ce que tu en penses ? » Bégaya Harddyn en voûtant les épaules et baissant la tête comme le ferait son personnage.
« Je crois avoir l'idée parfaite pour vous, Maître Harddyn » ronronna le chat.
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Le portail s'ouvrit à quelques pas seulement de l'entrée du village de Carne. Harddyn en sortit et s'inclina profondément comme s'il remerciait la personne qui l'avait créé de l'autre côté. Il se retourna ensuite alors que celui-ci se refermait.
Comme Ainz le lui avait dit, le lieu avait bien changé. Une haute barricade entourait L'ensemble de maisons. Elle était close par une porte imposante flanquée de deux tours de guet. Apparemment, le traumatisme de l'attaque de la Théocratie de Slane avait laissé sa marque. Les habitants ne voulaient plus être pris au dépourvu et sans défense. C'était sans doute aussi pour ça qu'Enri avait utilisé l'un des deux Cors du Général Gobelin.
D'ailleurs en parlant des Gobelins, deux d'entre eux se trouvaient en faction devant la porte et lui barraient le passage, l'air menaçant. Ceux-là provenaient bien d'YGGDRASIL. D'à peu près 1 mètre, ils étaient râblés et musculeux ainsi que légèrement simiesques notamment à cause de leur bras qui leur arrivait aux genoux. Le cou épais, la mâchoire carrée, ils possédaient également une large bouche de laquelle dépassaient deux petits crocs qui remontaient par-dessus la lèvre supérieure. Les seuls points communs avec les Gobelins de ce monde étaient le vert de leur peau et leurs oreilles pointues. Ils semblaient aussi un peu plus intelligents.
En tout les cas, ils étaient plus forts. Ils étaient même plus forts que des Gobelins classiques d'YGGDRASIL. Tous deux étaient au Niveau 8 alors que les Monstres du jeu ne surpassaient pas le Niveau 5. Cela venait du fait qu'ils étaient des Invocations provenant d'un objet magique spécial. Celui-ci faisait apparaître une troupe de 19 Gobelins, dont 1 Mage, 1 Clerc, 2 Archers, 2 Chevaucheurs de Loup et 12 Soldats. Les deux gardes faisaient d'ailleurs partie de ces derniers.
Selon [Analyse Lointaine], ils se nommaient Gokou et Suigyou. Ils étaient tous les deux vêtus d'un uniforme composé d'une tunique de laine rouge recouverte d'une cotte de mailles plates serrée par un ceinturon duquel pendait le fourreau d'une machette. Du reste, celles-ci se trouvaient entre leurs mains et pointées droit sur Harddyn. Ils portaient également des bottes et des brassards. Le premier, Gokou, était chauve tandis que le second, Suigyou, possédait une mèche de cheveux châtains sur le dessus de la tête et coiffée en arrière.
« Bon… bonjour » bégaya Harddyn avec un sourire forcé dissimulant sa (fausse) peur.
Pour compléter sa posture, il serrait à deux mains la manière de la grosse besace qui pendait sur son épaule.
« Je… j'ai été envoyé par Maître Ainz pour rencontrer Nfirea Bareare » reprit Harddyn. « Vous… pourriez vous me mener à lui, je vous prie ? »
Les deux Gobelins se regardèrent. Ils baissèrent légèrement leurs armes, mais ne les rengainèrent pas pour autant. Ils chuchotèrent entre eux avant de finalement tourner à nouveau leur attention sur Harddyn.
« Suivez-moi, s'il vous plaît » grogna alors Gokou avec un geste.
Harddyn se retint de cligner des yeux d'étonnement et de joie. Dans le Jeu, rares étaient les Monstres et Invocations qui parlaient. C'était surtout vrai pour les moins puissantes. Cependant, ces Gobelins de faible Niveau semblaient non seulement capables de communiquer, mais de raisonner. C'était… intéressant. Certes, certains PNJ de Nazarick étaient des le même cas. Pas les POPs, bien sûr, les défenses automatiques du Grand Tombeau et la plupart des invocations faites à partir de Sorts ou de Compétences non plus comme les Chevaliers de la Mort. Pourtant, d'autres paraissaient avoir leur propre personnalité. Certains de ceux créés par les livres d'invocation par exemple, ou les Fiancées Vampiriques de Shalltear, et aussi, à présent, les Gobelins conjurés par le Cor.
Prenant la suite de Gokou, Harddyn passa devant Suigyou en s'inclinant face à lui avant de pénétrer dans le village. Au-delà de la muraille, celui-ci n'avait pas vraiment évolué. Les maisons de pierre dure étaient disséminées sans ordre précis sur la surface de l'agglomération. Elles étaient cependant plus nombreuses aux abords d'une trouée Qui aurait pu être considérée comme une rue si elle avait été plus entretenue et droite. Elle ressemblait plus à un chemin forestier autour duquel les habitations avaient été installées, mais sans jamais vraiment l'urbaniser. Elle menait à une place, ou plutôt une clairière au cœur de laquelle se trouvait un puits. Le centre névralgique du village, sans aucun doute. La vie se rassemblait à proximité du point d'eau.
Gokou conduisit Harddyn jusqu'à la place puis la dépassa en continuant vers le Nord. Ils arrivèrent bientôt à proximité d'une simple maison par-delà laquelle on pouvait voir l'autre côté du mur d'enceinte. Il y avait à cet endroit une seconde issue. Elle devait avoir été bâtie pour faciliter l'accès à la forêt et à ses ressources. Le Gobelin s'approcha alors de la porte de la demeure et frappa du poing. Il ne fallut que quelques secondes pour qu'elle s'ouvre et qu'une petite fille rousse avec des couettes et une robe bleue n'apparaisse dans l'encadrement.
Harddyn reconnut aussitôt Nemu Emott, la sœur cadette d'Enri Emott. Les deux jeunes filles avaient été les premières habitantes du Village de Carne qu'Ainz et lui avaient rencontré. Donc il devait s'agir de leur maison. Logique. C'était elle qui se trouvait le plus proche de la forêt. Pas étonnant que lors de l'attaque des soldats de la Théocratie de Slane elles aient pu s'enfuir jusque là.
« Salut, petite Boss » dit Gokou en s'adressant à elle. « La Boss est là ? Quelqu'un est venu pour voir le petit Nfi. »
« Grande sœur ! » S'écria alors leur interlocutrice en tournant la tête vers l'intérieur. « Gokou a amené un invité pour Nfi ! Viens ! »
Quelques secondes plus tard, une adolescente blonde aux yeux marron arriva à son tour à la porte. Elle essuyait ses mains humides sur sa robe de toile épaisse.
« Un invité pour Nfi ? Pourquoi tu ne lui as pas amené directement, Gokou ? »
« Ben, c'est toi la Boss, Boss » répliqua le Gobelin en haussant les épaules. « C'est quand même mieux que tu sois prévenu en première, non ? »
« Ça, c'est plutôt le rôle du Chef » grimaça la jeune fille.
« Et lui il m'aurait dit de te prévenir. J'ai juste sauté une étape. »
Enri soupira et s'avança vers Harddyn.
« Bonjour, je m'appelle Enri Emott » dit-elle. « Bienvenue au Village de Carne. Vous êtes donc un ami de Nfi… enfin, Nfirea Bareare ? »
« Euh… pas vraiment » répondit Harddyn, gêné. « En fait, j'ai été envoyé par Maître Ainz… »
« Maître Ainz Ooal Gown ? » S'exclama la jeune fille.
« Oui, je dois rencontrer Nfirea Bareare pour lui transmettre des instructions de mon Maître et de l'équipement pour qu'il puisse se mettre au travail. »
« Ah oui, je me souviens qu'il a dit avoir été aidé par Maître Gown et qu'en échange il allait travailler pour lui… » dit pensivement Enri.
Mais soudain, elle cligna des yeux et poussa un cri.
« Par les Dieux ! Je suis désolée ! Vus êtes un envoyé de notre sauveur Maître Gown et nous ne vous avons même pas accueilli avec les honneurs qui vous sont dus. »
« Non, ce n'est pas grave » dit Harddyn en secouant les mains, le visage rouge. « Je vous assure que ça ne me dérange pas… »
« Laissez-moi vous conduire chez notre chef » dit Enri. « Nemu, va prévenir Nfi et Dame Lizzie ! Gokou, va chercher Jugem ! »
Elle se tourna à nouveau vers Harddyn et s'inclina.
« Veuillez m'excuser de notre impolitesse, Maître… euh.. Maître… »
Elle rougit.
« Désolée, mais je n'ai pas saisi votre nom… »
Harddyn rougit et s'inclina à son tour.
« Je… C'est moi qui suis désolé. Je ne me suis pas présenté » balbutia-t-il. « Je suis un Alchimiste au service de Maître Ainz Ooal Gown et Maître Harddyn Emeryas. Je me nomme Lurka Bronac. »
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Il ne fallut que quelques dizaines de minutes pour qu'Harddyn soit installé à la grande table de la maison du Chef comme il l'avait été la dernière fois. Celui-ci était encore une fois en face de lui alors que sa femme servait le thé. Cependant, cette fois, d'autres étaient présents. Enri était resté, forcé par le maître des lieux qui l'avait appelé « Doyenne ». Apparemment, les Gobelins n'étaient pas la seule à la considérer comme la vraie Cheffe. Probable que le fait que la Troupe soit à ses ordres y soit pour quelque chose. Leur force avait dû faire d'eux des piliers de la communauté traumatisée par le massacre qui avait eu lieu. Leur leader, donc Enri, devenait donc en même temps celui des citoyens.
Nfirea était là aussi ainsi que sa grand-mère Lizzie. Était également présent celui qu'Enri avait appelé Jugem. C'était un Gobelin et au vu de son Niveau et de la qualité plus importante de son équipement, ce devait être le meneur de la Troupe, le 19e membre. Il ressemblait beaucoup aux autres sauf que ses oreilles étaient tombantes et que l'une d'elles était ornée d'un anneau doré. Il portait un plastron en acier et une ceinture de cuir décorée de lanières renforcés de métal ainsi que des gants, des bottes et une épée suspendue dans son dos par un harnais.
« Bienvenue chez nous, Maître Bronac » dit le Chef. « C'est un honneur de recevoir un protégé de notre bienfaiteur Ainz Ooal Gown. N'est-ce pas, Doyenne ? »
« Je ne suis pas… » grogna Enri dans sa barbe.
Manifestement, Harddyn s'était trompé. Le statut d'Enri ne venait pas seulement du fait qu'elle soit la maîtresse des Gobelins. En effet, l'objet Magique lui avait été donné par Ainz, Ainz qui était considéré comme le bienfaiteur du Village de Carne. Puisque c'était Enri qui avait été remarquée par lui, soignée par lui et même en quelque sorte armée par lui, elle était donc devenue sa protégée et le mien directs avec l'homme à qui tous devaient la vie.
« Surtout un si jeune Maître Alchimiste » reprit la femme du Chef en posant une tasse de thé fumant devant lui. « Le moins que l'on puisse faire serait d'organiser un banquet. »
En effet, Lurka avait l'air d'avoir juste 20 ans. C'était un choix délibéré de la part d'Harddyn. Il espérait que grâce à cela, Nfirea, lui aussi très jeune, à peine 17 ans, se sentirait moins embarrassé de travailler avec lui. De plus, il comptait sur le fait que les points communs entre eux, leur âge, mais également leur physique malingre, leur caractère pusillanime et, bien sûr, leur génie, leur permettent de se rapprocher plus facilement.
« Je… je vous remercie de votre accueil » balbutia Lurka en se grattant la tête de gêne. « Mais vous n'étiez pas obligé de faire tout ça. »
« Il est normal que nous réservions un bon accueil à quelqu'un envoyé par Maître Gown et sa maîtresse, Dame Ryas. »
Harddyn manqua demander de qui diable ils pouvaient bien parler avant de se rappeler. Il avait totalement oublié qu'il ne s'était pas présenté sous son nom propre la dernière fois qu'il était venu. À la place, il avait créé Aimée Ryas, la maîtresse de Ainz. Mais c'était absurde. Vu la façon dont avançaient les choses, Nazarick allait conquérir un vaste territoire et ce serait lui et Ainz qui le dirigeaient et non pas un personnage fictif comme Aimée Ryas.
Le but d'Harddyn, au départ, avait été de s'amuser aux dépens de son ami. Se présenter à lui sous les traits d'une jeune fille toute mignonne avait été, selon lui, un excellent moyen pour y parvenir. Seulement, interagir avec d'autres sous son apparence avait été une erreur. Il était trop peu recherché et crédible et, à présent, totalement inutile et même gênant.
« Vrai… vraiment, ce n'était pas nécessaire » balbutia Lurka.
Pour le moment, il allait faire semblant, mais dès qu'il le pourrait, il ferait en sorte de réparer sa bévue. C'était à cela que le Sort Oubliette servait après tout. Il ne l'avait pas utilisé depuis longtemps, mais ce projet serait un bon entraînement.
En tout, les cas et fort heureusement pour le pauvre Lurka, La discussion se termina rapidement. Le Chef proposa qu'ils aménagent l'une des maisons encore vides depuis le massacre pour son usage. En attendant, il pourrait accompagner Nfirea et sa grand-mère chez eux pour commencer à travailler.
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« Qu'est-ce que vous en pensez, Maître Bronac ? » Demanda Nfirea.
« Je… je ne suis pas un Maître » balbutia Lurka. « Juste… appelez-moi juste par mon nom, s'il vous plaît… »
« Alors, Maître Lurka ? »
« Ce que c'est gênant… » Balbutia l'érudit.
Il regarda autour de lui avec un œil critique. Nfirea et sa grand-mère avaient été également installés dans une maison vide. Le problème, c'est qu'il s'agissait d'une maison de fermiers. Elle n'était pas faite pour accueillir une boutique d'apothicaire et en même temps un laboratoire alchimique. Ils avaient déjà de la peine à y habiter à deux, alors y travailler.
« Ça manque d'espace » dit-il. « La plupart des équipements que j'apporte sont assez conséquents… et même s'il y avait la place ici, vous n'en auriez plus pour vivre. »
« C'est ce que je pensais… » soupira Nfirea.
« Il y a d'autres maisons abandonnées dans le village » intervint Lizzie. « Si nous demandons au Chef, il nous en donnera sûrement une pour en faire notre atelier. »
« Il n'y a pas que cela » rajouta Lurka. « La structure de la maison elle-même est assez faible et elle manque d'aération. J'imagine que c'est la même chose pour toute. »
« Probablement » répondit Nfirea.
« Et en plus d'un atelier, il faudra un espace de stockage et des tables de préparations. Et puis il y a les désagréments. »
« Les bruits et les odeurs » marmonna Lizzie pour elle-même. « Notre commerce d'E-Rantel était bien isolé et c'était la ville. Mais ici, ça peut poser problème. »
« Et il y a l'eau » dit Lurka. « C'est important d'avoir un bon accès à de l'eau pour les préparations. »
Sauf que de là où ils étaient, ils se trouvaient assez loin du puits, près de la porte sud. Vu les quantités considérables qui seraient nécessaires, les aller-retour pour en chercher leur feraient perdre du temps.
« Le mieux serait d'avoir notre propre puits » suggéra Lurka.
« Donc il faut découvrir une autre source, creuser le puits et trouver une maison inoccupée à proximité. Assez éloignée des autres si possible » résuma Lizzie. « C'est compliqué. »
« Je pense pouvoir faire quelque chose » dit alors Lurka.
« Vraiment ? »
« Oui, je connais un Sort pour repérer l'eau sous le sol. »
En fait, il ne le possédait pas vraiment. Pas encore. Mais c'était un Sort de Niveau 2. L'acquérir ne prendrait pas beaucoup de temps. Lurka entraîna les deux autres à l'extérieur et discrètement, ouvrit son menu de Sorts. Celui qu'il cherchait s'appelait Détection des Eaux Profondes. Dans YGGDRASIL, il permettait de repérer des eaux aux propriétés minérales diverses utiles pour les Cuisiniers, les Alchimistes ou même pour certains rituels.
Parmi la liste de tous les Sorts disponibles, il pouvait le trouver en la triant par simple ordre alphabétique, par Niveau également, mais il préféra l'organiser par Catégories et Types. En effet, la Magie de Niveau était aussi divisée en 9 Catégories différentes, chacune avec ses propres sous-divisions appelées Types. Parmi les Catégories il y avait bien sûr Attaque, Défense, Soin, mais aussi Entrave, Altération, Transport, Illusion, Invocation et Mental. Détection des Eaux Profondes faisait partit de cette dernière Catégorie et appartenait au Type des Sorts de Détection. Les autres étaient les Sorts de Communication, de Contrôle et Astraux.
Toujours est-il que celui-ci agit à la manière d'un radar dans le cerveau d'Harddyn et qu'une représentation des nappes phréatiques qui se trouvaient en dessous d'eux lui apparut. Il y en avait plusieurs de tailles variables. La plus grande était celle dans laquelle le puits avait été creusé. Il était possible de l'atteindre par divers coins proches de la muraille et éloignés des habitations comme il le désirait, mais Lurka se dit qu'il valait mieux éviter de prélever l'eau du village et en choisir une autre.
La plupart étaient bien trop petites. Cependant, l'une d'elles répondait parfaitement aux critères. Elle était suffisamment vaste pour leurs besoins, mais seulement une infime partie d'elle se trouvait à l'intérieur des remparts. Il faudrait donc que le puits soit creusé tout à côté ce qui était justement ce qu'il cherchait. D'autant plus que c'était à l'écart, ce qui était un autre de leurs critères.
« Et en plus, ce n'est pas loin de là où habite Mademoiselle Enri » remarqua innocemment Lurka.
Comme il l'avait prévu, Nfirea rougit.
« Le problème, c'est qu'il n'y a aucune maison abandonnée dans les environs » intervint Lizzie. « Même si nous creusons un puits, nous ne pourrons pas trouver de quoi faire un atelier. »
« Alors, c'est simple il suffit de le construire juste ici » répliqua Lurka en tendant la main vers un espace vide à proximité de la muraille. « Création : Maison ! »
Aussitôt, un large cercle lumineux apparut à cet endroit précis et quelque chose se mit à en émerger. Quand la lumière se dissipa, il y avait bel et bien une maison qui se dressait devant le jeune érudit, Nfirea et sa grand-mère. Ces derniers étaient bouches bées.
« C'est fantastique » balbutia Lizzie.
« In… Incroyable » ajouta son petit fils.
« Mmm… je crois que je l'ai raté » dit Lurka, maussade.
La demeure était large, haute, mais avait peu de fenêtres et une seule porte. Ce n'était donc pas vraiment une réussite. Le Sort qu'il avait utilisé était du même type que celui qu'il avait employé durant son voyage à travers le Royaume pour se créer une tente. À l'époque, il ne pouvait pas le lancer lui-même, bien sûr, il n'avait pas encore récupéré ses pouvoirs magiques et devait se servir d'un objet. Mais il se rendait compte que le principe était le même. Il lui fallait imaginer précisément ce qu'il voulait construire pour que cela soit efficace. Bien entendu, créer une tente et une maison ce n'était pas la même chose, surtout que la maison en question devait servir de laboratoire.
Il se servit donc un autre Sort, Destruction de Création pour raser ce qu'il venait de bâtir afin de recommencer.
« Non, ce n'est toujours pas ça » dit-il devant la seconde maison qu'il détruisit à son tour avant d'en construire une troisième. « Non… toujours pas… c'est mieux, mais… Non… »
Sous les yeux ébahis de Nfirea et Lizzie Bareare, les maisons se succédèrent jusqu'à ce que finalement, Lurka s'estime satisfait. Le nouvel atelier ressemblait à une élégante chaumière à deux étages en forme de T. Le rez-de-chaussée était en pierre de taille, mais les niveaux supérieurs étaient à colombages. Il y avait de nombreuses fenêtres avec des volets en bois peints. Les toits pentus étaient recouverts de tuiles en lauzes claires. Plusieurs cheminées en dépassaient ainsi que, par-derrière, une petite tour au toit pyramidal qui ajoutait encore de la hauteur.
« Et voilà » dit-il en se retournant vers ses compagnons.
« C'était… incroyable ! » S'exclama Nfirea. « Je comprends que vous soyez un protégé de Maître Ainz. »
« À… Allons… » répondit Lurka, gêné. « Ce n'était pas grand-chose… »
Ce qui, en vérité, était vrai. Les deux Sorts qu'il avait utilisés étaient peu puissants. Destruction de Création était de Niveau 1 et Création : Maison, de Niveau 4. Donc pour lui, ce n'était, en effet, pas grand-chose. Mais pour les deux natifs de ce monde, cela tenait du miracle.
Zut, se dit Harddyn. J'espère que je n'en ai pas trop fait.
« Et… et où se trouve le puits ? » Demanda finalement Lizzie.
« Je l'ai directement creusé à l'intérieur » répondit Lurka. « Vous venez voir ? »
Il se dirigea vers l'entrée de la maison qui était légèrement surélevée. Trois petites marches permettaient de l'atteindre. Elles étaient assorties d'une rampe de fer forgé aux motifs délicats. La porte, elle, était encadrée par un lierre qui décorait la façade. Lurka poussa le loquet avant d'inviter les deux autres à le suivre.
En vérité, ce que leur jeune érudit avait construit n'était pas seulement un atelier. C'était une véritable habitation. La porte d'entrée ouvrait sur un petit hall chaleureux. Une porte sur la gauche menait à une salle à manger qui elle-même menait à une cuisine et à droite, il y avait un vaste salon très lumineux. Lurka leur montra ensuite le premier étage où se trouvaient une chambre et un grand bureau-bibliothèque et le second où il y avait deux autres chambres encore. À cet endroit, un escalier conduisait au sommet de la petite tour qui servait seulement d'observatoire.
Bien entendu, le tout était équipé avec soin. Tables, chaises, fauteuils, lits et même literie et vaisselle. Les seules choses qui manquaient étaient là nourriture et les livres sur les étagères. Pour le reste, tout ce que Lurka avait imaginé était présent et dans l'état qu'il l'avait imaginé.
« Je me suis dit que tant qu'à créer un atelier, autant que vous puissiez aussi y vivre » dit Lurka avec un petit rire gêné.
« Impressionnant » murmura Lizzie en tant une chaise.
Elle semblait réelle. Plus que réelle même. Comme si elle venait d'être fabriquée. Ce qui était en fait le cas. Cependant, c'était la première fois que Lizzie et Nfirea voyaient la magie concrètement créer quelque chose, quelque chose qui n'allait pas disparaître dans un éclair de lumière ou un nuage de fumée.
C'était le propre des Sorts de Création. Les Joueurs pouvaient utiliser certains d'entre eux, ce qui leur permettait de construire des habitations, du mobilier, des objets usuels, etc. Il existait même un Sort Supérieur qui pouvait remanier l'environnement. Harddyn, lui, avait accès à bien plus de ces Types de Sorts. En tant qu'Administrateur, il s'en était créé certains pour lui permettre de modifier le jeu en interne, sans passer par un codage excessif.
En ce qui concernait leur fonctionnement, tout comme pour les armes, ces Sorts accordaient une totale liberté esthétique si on possédait le bon logiciel. Ici, dans ce monde, c'était plus lié à la force de l'imagination. Bien entendu, comme l'avait prouvé Harddyn en construisant cet atelier, cela nécessitait un peu d'entraînement. Pourtant le résultat n'en était que plus grandiose.
C'est ce que Lurka démontra en faisant visiter les sous-sols de la maison aux deux Alchimistes. En empruntant une porte se trouvant sous l'escalier principal, on tombait sur un colimaçon descendant sur trois ou quatre mètres. Il donnait sur un réseau de trois salles souterraines à la voûte élevée garnie de bouches d'aérations. La première, la plus importante, était pourvue d'une large cheminée, d'un four alchimique appelé athanor et de plusieurs trous à feu. Il y avait également des tables, des chaises, un bureau et une bibliothèque. Dans un coin se trouvait le puits. Il utilisait un système de pompe en fonte qui se déversait dans un bassin duquel sortaient plusieurs robinets.
Une porte au fond menait au reste de l'atelier. Il était composé de plusieurs entrepôts de stockage. L'un d'eux était pour les ingrédients. Les murs étaient recouverts de meubles à tiroir d'apothicaire. Une échelle à roulette permettait d'atteindre les plus hauts et au centre se trouvait une table de préparation et de conditionnement. Un second était réservé aux matériaux divers et était rempli d'étagères à casiers et de coffres. Un dernier, enfin, était dédié aux produits finis. Il y avait des placards à potions et des caisses de diverses tailles pour ranger tout ce qui pourrait être fabriqué.
« Il ne reste plus qu'à déménager, je crois… » dit Lurka en terminant la visite.
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Le jeune érudit soupira en s'allongeant sur son lit. La journée avait finalement été assez remplie. Après être ressortis de l'atelier, ils étaient allés prévenir le chef que tous les trois allaient habiter là-bas. Celui-ci avait été très étonné de voir qu'une nouvelle maison avait poussé dans le village comme un champignon. Mais cela n'avait fait que renforcer le prestige de Lurka.
Ensuite, il avait fallu aller chercher toutes les affaires des deux Alchimistes chez eux. Tous leurs biens personnels, bien sûr, mais également tout le matériel et les produits qu'ils avaient amenés de leur boutique d'E-Rantel. Ils avaient regardé avec des yeux écarquiller leur jeune invité entreposer paquets et caisses dans son sac sans que celui-ci ne change de volume ou n'ai l'air de peser plus lourd.
C'était après que le vrai travail avait commencé. De retour à la maison, ils s'étaient tout simplement débarrassés de tout ce qui n'avait pas de rapport avec l'alchimie avant de retourner dans les sous-sols. Lizzie et Nfirea avaient leur propre matériel, mais ce n'était rien à côté de celui de Lurka. Il avait avec lui d'immenses alambics de cuivre étincelant et d'autres, plus petits, en cristal. Il disposait également de quantités de tubes, flacons, fioles, becher, éprouvettes, ballons, condenseurs, canules, erlenmeyer, compte-gouttes… le tout de la même matière transparente. Il y avait des pinces et des supports en bois, des mortiers et des pilons en pierre, des balances et des creusets en bronze.
Le matériel comprenait aussi tout un ensemble de chaudrons de taille et de matériaux différents, des louches, des cuillers en bois, des assiettes et des bols, des couteaux de diverses longueurs… Tout le nécessaire pour préparer des Potions.
Mais la partie la plus longue avait été le conditionnement et le rangement de tous les ingrédients, tant ceux possédés par les Bareare que ceux amenés par Lurka. Chacun avait dû être préparé pour son stockage et ensuite placé dans un tiroir selon un système défini à l'avance et comportant une étiquette personnalisée pour l'occasion. Quand ils avaient eu fini et qu'ils étaient, par la suite, remontés à la surface, c'était pour s'apercevoir que la nuit était tombée depuis longtemps. Ils s'étaient donc dit au revoir avant d'aller se coucher, la vieille dame au premier étage et les deux garçons au second.
Harddyn sentit à ce moment-là quelque chose tenter de défaire sa ceinture. Il baissa les yeux vers son ventre. Deux bras squelettiques brillaient à la lueur de la Lune. Doudou avait émergé de l'ombre de son Maître pour l'aider à se déshabiller et se mettre au lit.
« Pas tout de suite, mon mignon » dit Harddyn en posant sa main sur celles de son Serviteur. « J'ai encore des choses à faire. »
Il se redressa et se leva du lit tandis que Doudou retournait à son poste. Il s'entoura d'un Charme d'Occlusion Mentale et sortit de sa chambre. Il descendit les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée et se dirigea vers l'entrée de la maison. Avant de partir, il regarda les Sortilèges posés sur la porte. Les Habitations créées par magie avaient également la particularité de pouvoir servir de refuge à ceux qui s'y trouvaient. Étant de Niveau 4, la maison pouvait résister aux assauts d'adversaire de bas Niveau, entre 20 et 30. Dans ce monde, c'était plus que suffisant pour en faire un château imprenable.
De plus, en tant que refuge, son créateur pouvait décider qui pouvait ou ne pouvait pas y rentrer. Harddyn modifia les protections pour que n'importe qui puisse y entrer. Des contraintes auraient encore plus éveillé les soupçons sur les pouvoirs de cette maison. Cependant, il fit en sorte qu'elles se mettent en place si jamais la porte était verrouillée de l'intérieur. Dans ce cas-là, non seulement la porte ne pourrait pas être ouverte ou défoncée depuis l'extérieur, mais il serait également impossible de passer par les fenêtres ou les cheminées.
Satisfait, Harddyn referma la porte derrière lui avant de marcher vers le gros des maisons. Tout le monde était couché depuis des heures et dormait du sommeil du juste. C'était parfait. Ce serait un travail énorme, mais il espérait avoir le temps de visiter tous les villageois après son entraînement. S'il devait faire oublier à tous la maladresse qu'était Aimée Ryas, il ne devait pas faire d'erreur. Le mieux était donc pratiqué un peu d'abord. Promenant son esprit parmi les habitations, il choisit un couple assez âgé. Si l'un d'eux se mettait à perdre la tête tout d'un coup, ça passerait inaperçu.
Harddyn commença par leur jeter un Sort de sommeil pour qu'ils ne se réveillent pas puis plongea directement dans les souvenirs de l'homme. Retrouver celui qu'il cherchait n'était pas bien compliqué. Sa venue coïncidait avec un évènement marquant de la vie du village. Peut-être l'évènement le plus marquant de toute leur vie. Donc, y identifier Aimée Ryas n'était pas difficile. L'effacer complètement était cependant bien plus ardu. Il ne suffisait pas qu'il la fasse disparaître de l'évènement où elle avait été physiquement vue, il fallait également rechercher tous les moments où il avait pensé à elle ou y avait fait allusion depuis.
De plus, il était aussi nécessaire de traquer tous ceux où il s'était souvenu d'elle et où il s'était souvenu d'avoir pensé à elle ou y avoir fait allusion. En effet, la mémoire, ce n'était pas un lecteur de film. Pas vraiment. Quand une personne se remémorait un évènement, il ne se repassait pas la scène, mais une copie de cette scène fait à partir de la copie de la fois précédente où le souvenir avait été évoqué. Se rappeler quelque chose c'est comme regarder des copies de copies de copies… Et comme quelque chose qui est copié ne peut que perdre de l'information, c'est la raison pour laquelle au fil du temps nos souvenirs ont tendance à s'effacer de plus en plus.
Cependant, pour Harddyn cela voulait dire qu'en plus de la mémoire originale, il devait traquer toutes ces copies afin de les détruire. Fort heureusement, le cerveau était comme un ordinateur logique et sémantique. Les souvenirs étaient interconnectés entre eux et grâce à cela, il fut facile au Mage d'Esprit de naviguer dans la tête du vieil homme à partir de la première fois où il avait vu Aimée Ryas.
Malheureusement, le fait de supprimer un élément aussi précis d'un souvenir était un travail minutieux auquel Harddyn n'était pas habitué. Pas de cette façon en tout cas. C'est pour cela que son Oubliette détruisit plus de pans de la mémoire de sa cible qu'il ne l'aurait dû. Fort heureusement, ce qu'il avait effacé était proche dans le temps et assez mineur. Cependant, cela permit à Harddyn de comprendre comment, il y a bien longtemps, les victimes des manigances de Gilderoy Lockhart avaient pu finir comme des légumes. En voulant supprimer de leur mémoire les évènements héroïques qu'ils avaient accomplis afin de se les attribuer, il avait également détruit des parties entières de leur vie, transformant leur esprit en champs de ruine… Et Harddyn venait presque de faire la même chose avec ce vieil homme.
« Oups » murmura-t-il pour lui-même.
Mais bon, ce qui était fait était fait. De plus, son but avait été atteint il ne se souviendrait plus de Aimée Ryas. Alors c'est vrai, il aurait aussi du mal à se souvenir de ce qu'il avait dit et fait depuis et il était probable que ces troubles de mémoire perdureraient pour le reste de sa vie. Mais bon, il était vieux, il ne lui restait pas trop longtemps.
Harddyn passa donc cette fois à la femme, mais préféra changer de méthode. Il commença par copier l'intégralité du contenu de son esprit pour conserver une sauvegarde en lui. Comme ça, si jamais il se loupait, il n'aurait qu'à tout supprimer et remettre la copie à la place. Il se dit qu'il avait bien fait, car il lui fallut encore plusieurs tentatives pour parfaire sa technique. À chaque fois qu'il rencontrait un problème, il effaçait l'esprit de la vieille femme, dédoublait la copie qui se trouvait en lui et la replaçait dans le corps devenu une coquille vide. C'était pour le mieux, car à plusieurs reprises, il fit des erreurs qui auraient vraiment transformé la femme en légume. Mais finalement, après plus d'une dizaine d'essais infructueux, il estima que c'était suffisant. Elle avait totalement oublié la personne qu'était Aimée Ryas et le tout sans qu'il y ait (trop) d'effets secondaires. En tout cas, rien de visible au quotidien.
Seulement, par précaution, il conserva la copie de ses souvenirs en lui. On ne savait jamais. Si dans quelques jours il ne remarquait rien, il supprimerait le tout. Il passa donc à la maison suivante et répéta le même procédé. Il copia l'intégralité de l'esprit de la personne et modifia l'original avant de passer à la suite. À plusieurs autres reprises cette nuit-là il fit des erreurs de manipulation. Heureusement, sa prévoyance lui permit de limiter les dégâts. Mais à chaque fois, il conserva la copie complète de l'esprit de ses victimes. Juste au cas où.
Il rendit donc visite à chacun des villageois, Enri et Nemu comprises, afin d'altérer leur mémoire. Il passa ensuite aux Gobelins qui, même s'ils n'avaient jamais rencontré Aimée, en avaient entendu parler. Il devait donc également modifier leurs souvenirs à eux aussi. Finalement, il retourna à l'atelier pour s'occuper de Lizzie et Nfirea. Ils étaient les plus faciles, car cela ne faisait que quelques jours qu'ils étaient au courant au sujet de son alter ego gênant. Cependant, leurs connaissances rendaient le travail plus délicat et Harddyn prit plus de temps afin de ne pas faire d'erreur.
Quand enfin il termina avec Nfirea, le soleil se levait. Il y avait passé toute la nuit. Heureusement qu'il n'avait pas vraiment besoin de sommeil.
Il observa les premiers rayons qui éclairèrent le visage juvénile de l'Alchimiste. Il espérait vraiment que ses manipulations n'avaient pas altéré le merveilleux esprit qu'il avait pu visiter. Il décida qu'il serait d'autant plus attentif aux changements qui pourraient s'opérer dans son comportement à l'avenir. Il était hors de question que son intelligence supérieure soit abîmé à cause d'une erreur. Il décida même de conserver en état la copie de sa mémoire et d'assimiler ses connaissances directement à la source. Après tout, Nfirea était unique.
Ou peut-être pas…
C'était vrai au demeurant. Qu'est-ce qui l'empêchait de créer d'autres copies de ce si brillant esprit et de l'insérer dans des corps vides afin qu'il puisse y avoir plusieurs Nfirea ? Et peut-être que ces corps pouvaient être des clones conçus à partir des cellules du Nfirea original. Grâce à cela, peut-être que ses clones conserveraient ses aptitudes, son intelligence, peut-être même son si puissant Talent. Qui sait ce que Nazarick pourrait accomplir avec une armée d'Alchimistes de génie avec le pouvoir de manipuler n'importe quel artefact même peut-être le Sceptre d'Ainz Ooal Gown ou ceux de Rang Monde. Et peut-être également le sien, l'A.D.M.I.N.I.S.T.R.A.T.E.U.R.
Cette idée faisait froid dans le dos d'Harddyn. Cela le remplissait aussi d'une grande excitation. Il se pencha, écarta les mèches blond doré du visage de l'Alchimiste endormi et embrassa son front.
« Toi, tu me promets de bien belles expérimentations » dit-il en caressant sa joue du doigt. « J'ai hâte… »
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Lurka, Lizzie et Nfirea se tenaient tous les trois autour d'un large chaudron en étain posé sur l'un des trois à feu de l'atelier. Près d'eux, il y avait une petite table sur laquelle se trouvaient des bols, des assiettes et des bocaux remplis de substances variées : plantes, partie animale, poudres, liquides…
« Bien » dit le jeune érudit en s'essuyant le front. « Les ingrédients sont prêts et l'eau boue. On va pouvoir commencer. »
Préparer des Potions sur YGGDRASIL relevait d'un système qui en faisait presque un mini-jeu à lui tout seul. En vérité, cela ressemblait plus à la façon dont les Sorciers faisaient les leurs, plus de cent ans auparavant, qu'autre chose. Harry avait beau ne pas avoir été un très bon potionniste à Poudlard, une fois qu'il n'avait plus eu Severus Rogue et Draco Malefoy sur le dos, il s'était révélé assez doué pour être un Auror d'exception. Bien entendu, l'augmentation de ses capacités à cause de son statut de Maître de la Mort y était aussi sans doute pour quelque chose.
Toujours est-il que sur YGGDRASIL, le brassage d'une Potion commençait avec la sélection des ingrédients. Meilleure était leur qualité, et meilleure serait la Potion. En vérité, si la plupart pouvaient être achetés à des PNJ marchands générés par le jeu, les Joueurs recherchaient plus celles fabriquées par des Alchimistes ou encore des Potionatta. En effet, la force d'une Potion artisanale dépendait de la qualité des ingrédients, de celle de leur préparation et du brassage et également de la puissance du potionniste. Ainsi, une même Potion créée par un Alchimiste pouvait être de deux à dix fois plus efficace que l'une de celles trouvées dans le commerce. C'était donc un avantage non négligeable pour une Guilde d'avoir son propre préparateur, raison pour laquelle Harddyn était-il un membre si important d'Ainz Ooal Gown.
Cependant, les ingrédients n'étaient pas les seuls composants à devoir être sélectionnés avec soin. Harddyn se souvenait encore très bien de sa première fois sur le Chemin de Traverse, quand il était allé acheter son chaudron. La majorité était en étain, mais il y en avait également en bronze, en argent, et même en or. Au départ, il avait pensé à une fantaisie. Cependant, des années après, il s'était rendu compte que le métal dont était fait un chaudron pouvait avoir une incidence sur la réussite ou non d'une Potion. Et c'était la même chose pour le matériel comme les louches, les cuillers ou encore les lames de couteaux employés.
Les Sorciers ignoraient le pourquoi de ce fait, mais l'esprit scientifique d'Harddyn, quand il était un arbre mort, lui avait donné la réponse. C'était tout simplement à cause de la limaille métallique. Tous les métaux s'usaient au fil du temps et des utilisations et ces fragments se mélangeaient à la Potion, certains pouvant l'altérer ou même causer une réaction chimique involontaire. Au contraire, certains ne réagissaient pas du tout à certains ingrédients d'où l'emploi de chaudrons fabriqués dans ce matériau en particulier. Bien entendu, pour corser encore les choses, Harddyn avait intégré cet élément dans son jeu.
Après la sélection venait la préparation des ingrédients. Chaque Potion nécessitait qu'ils soient conditionnés d'une certaine manière. Ils pouvaient être coupés en lamelles ou en cubes plus ou moins larges ou gros, hachés, broyés, réduits en bouillie ou en poudre, etc. Leur nombre ainsi que leur poids étaient des données à prendre en compte. C'était la raison pour laquelle il y avait aussi dans le matériel amené par Lurka des balances à plateau avec quantités de poids permettant des mesures au gramme près.
Cependant, l'ingrédient le plus important, c'était la base liquide. Toute Potion nécessitait d'être préparée à l'intérieur d'un liquide spécifique afin qu'elle soit elle-même liquide au final. Le plus souvent, cette base était de l'eau. Mais pas n'importe laquelle. Elle pouvait être salée, minérale, pure, etc. Cela pouvait tout aussi bien être du lait, de l'huile voir même du sang. Toujours est-il qu'il s'agissait d'un premier ingrédient et que le volume utilisé devait être aussi précis que le poids des autres.
Sa température également. Si elle était trop froide, alors les ingrédients ne pourraient pas suffisamment infuser. Trop chauds, ils seraient brûlés, perdant ainsi leurs propriétés magiques. Quand Harry était dans le monde sorcier, il avait brassé des Potions où il était nécessaire de modifier l'intensité du feu au cours de la préparation. Des années plus tard, à la même époque où il avait découvert les problèmes liés aux limailles métalliques, il en avait brassé en faisant attention à la température du mélange tout au long du processus. C'était donc sans vraiment de surprises qu'il s'était rendu compte à quel point le contrôle thermique était important.
Ainsi, il avait intégré cette notion dans son jeu. Les Alchimistes d'YGGDRASIL pouvaient réguler la chaleur des feux afin de corriger la température du breuvage et ils pouvaient posséder également de thermomètres magiques qui affichaient cette dernière. Harddyn en avait alors fourni quelques-uns à Lizzie et Nfirea et leur avait expliqué comment s'en servir. Quant aux foyers prévus pour les concoctions, ils disposaient d'un système d'obturation manuel.
L'étape suivante était celle de la fabrication en elle-même. Comme pour n'importe quelle Potion que les Sorciers brassaient, l'ordre des ingrédients et le timing étaient importants. Il fallait donc bien suivre la recette pour savoir à quels moments les ajouter, quand attendre pour regarder les changements, quand baisser ou augmenter le feu et bien sûr, quand remuer la préparation, dans quel sens et combien de fois.
L'étude sur la façon de remuer les Potions avait été l'une de celles menées par Harddyn après être devenues un arbre mort et l'avait amené à faire certaines découvertes intéressantes. Comme à leur habitude, les Sorciers n'avaient jamais réfléchi à la raison de tel ou tel sens ou au nombre de tours qu'il fallait faire. Harddyn, lui, l'avait trouvé. Ou plutôt il avait perçu le lien avec un phénomène observé par les Moldus : la force de Coriolis.
Il s'agissait de la force responsable de la rotation des corps, et notamment des fluides, dans un milieu. Cela voulait dire qu'elle influençait la rotation du vent (et donc des nuages) ainsi que le sens des vortex d'eau dans un siphon, mais aussi du sens de la magie. À cause de cela, une Potion tournée dans le sens horaire générait un courant allant dans celui de la magie et dans le sens antihoraire, le courant allait contre lui. Les deux donnant des effets différents suivis le temps que dure l'opération et qui s'arrêtent avec celle-ci (d'où le nombre de tours obligatoires).
Cependant, ce qu'il fallait savoir avec la force de Coriolis, c'est qu'elle était différente dans l'hémisphère Nord et l'hémisphère Sud. En effet, dès que l'on passait l'équateur, le sens des vents se modifiait de même que l'eau dans les siphons. Ils n'étaient plus à ce moment-là dans le sens horaire, mais dans le sens antihoraire. Et c'était la même chose pour la magie. Cela voulait donc dire que pour brasser une Potion dans l'hémisphère Sud, il était nécessaire inverser le sens de remuage afin de rétablir le bon sens de courant.
Bien entendu, les Sorciers n'avaient jamais considéré ce détail. Quelle n'avait alors pas été leur surprise une fois débarqués, par exemple, en Australie quand ils avaient remarqué qu'ils ne parvenaient plus à brasser certaines de leurs Potions. Ils avaient accusé le climat, la mauvaise qualité des ingrédients pour finir par décréter qu'elles étaient tout simplement impossibles à réaliser là-bas. De même, certains de ces colons ayant conçu des Potions dans ces endroits se sont retrouvés à ne pas pouvoir les préparer en Angleterre, devant la Guilde des Potions pour la faire valider. Encore une fois, les différences de climats entre les deux pays avaient été mises en cause sans que jamais l'idée d'inverser le sens de remuage de la Potion ne soit évoquée.
Toujours est-il, qu'après la fabrication, il restait une dernière étape qui était la mise en flacon. C'était la seule qui différait totalement de celle du jeu. Dans YGGDRASIL, une fois la Potion terminée, elle se mettait à briller dans le chaudron puis était remplacée par des flacons pleins qui pouvaient ainsi être ajoutés à l'inventaire. Mais ici, il était nécessaire de remplir un à un des flacons vides à l'aide d'une louche et d'un entonnoir. Cela faisait donc de cette étape la plus longue et ennuyeuse de toute la préparation. Cependant, à la fin, les trois Alchimistes se retrouvèrent avec plus d'une centaine de petits flacons rouges.
« Et voilà, fini » soupira Lurka en essuyant son front.
« C'est très différent de ce que nous avons l'habitude de faire » dit nerveusement Nfirea en regardant une nouvelle fois les notes qu'il avait prises durant toute l'opération.
Cette Potion qu'il venait de faire était différente de toutes celles qu'il connaissait. De notoriété publique, il n'en existait que trois types. Il y avait d'abord celles qui n'étaient constituées uniquement d'herbes médicinales. Elles n'étaient pas magiques et étaient faciles à préparer donc peu cher. En revanche, leur seul pouvoir était d'augmenter les capacités de régénération naturelle du corps. Ensuite, il y avait celles étaient fait a la fois avec des herbes et avec de la magie. Cette dernière était utilisée pour accroitre les propriétés curatives de celles-ci. Elles étaient donc plus efficaces et donc plus chères. Alors que les premières étaient souvent employées par les gens du commun, les secondes étaient un outil indispensable de la panoplie des Aventuriers. Enfin, les troisièmes étaient des amalgames de pure magie et d'agents alchimiques. Elles nécessitaient du pouvoir, du talent et du savoir-faire ce qui en faisait des produits de grand luxe. Et leur efficacité était au diapason de leur prix.
Mais ces Potions-là… c'était différent. Aucune magie n'était impliquée dans le processus de fabrication, comme pour le premier type des Potions qu'il connaissait. Cependant, comme Lurka leur avait expliqué, certains ingrédients, pour ne pas dire la majorité, possédaient une magie intrinsèque à leur nature. Cela la rapprochait donc un peu de celles du deuxième type. Pourtant, au contraire de celle-ci, il n'y avait aucun dépôt visible des ingrédients dans les flacons ou au fond du chaudron. Comme pour celles du troisième type. Cela voulait donc dire qu'ils avaient été complètement consumés.
Mais malgré tout cela et d'après le témoignage que lui avait fait Enri de ses pouvoirs, Nfirea savait que cette Potion-ci dépassait de loin les trois réunit en efficacité. Cela faisait donc de chacun de ces flacons des artefacts hors de prix.
Harddyn, lui, sourit en entendant ses pensées. Il se demanderait comment il réagirait quand il apprendrait qu'il ne s'agissait en fait que d'une Petite Potion de Soin et qu'il en existait trois autres exemplaires plus puissants, Moyenne, Grande et Totale.
« Je vous ferai parvenir un livre avec des recettes par la suite » dit-il. « Elles seront accompagnées de tables d'équivalences. »
« D'équivalence de quoi ? » Demanda Lizzie en fronçant les sourcils.
« De proportions » répondit Lurka. « Vous ne serez sans doute pas obligé d'en préparer autant d'un coup à l'avenir, mais tout reste possible. Là, je vous ai montré une quantité standard. »
« Standard ? » S'étouffa la vieille femme en jetant coup d'œil aux nombreux flacons soigneusement rangés dans des caisses autour d'eux.
« Oui. Et selon le nombre de Potions que vous voulez faire, il faudra diminuer les ingrédients de manière précise. D'ailleurs, je vous conseille de réaliser des préparations avec le minimum possible quand vous vous entraînerez à brasser d'autres Potions. »
« Vous n'allez pas nous en apprendre plus, Maître Lurka ? » Demanda soudain Nfirea.
Celui-ci rougit. Ou plutôt, Harddyn colora ses propres joues pour faire croire qu'il était gêné par cette appellation.
« Mais… mais si je vous montre d'autres Potions, je n'aurais pas le temps de vous montrer le fonctionnement de tout le matériel avant mon départ… » balbutia-t-il.
« Vous allez repartir ? »
« Oui, bien sûr. Je ne vais pas pouvoir rester indéfiniment. L'un des Serviteurs de Maître Ainz viendra de temps en temps aux nouvelles et pour prendre vos commandes pour du stock ou du matériel, donc ne vous inquiétez pas. »
« J'espère que nous nous reverrons, tout de même » dit le jeune Alchimiste.
« Bien sûr » répondit Lurka en rougissant. « Dès que le service de mon Maître me le permettra. »
« Vous retournez donc auprès de lui ? » Demanda Lizzie.
Lurka sourit sans rien dire de plus. Ils n'avaient pas à savoir qu'il ne comptait pas rentrer de sitôt à Nazarick. Il comprenait parfaitement les craintes d'Albedo, Demiurge et les autres, mais il était hors de question qu'il reste enfermé au Grand Tombeau alors qu'il y avait un tout nouveau monde qui souffrait à lui.
Après tout, il n'était pas un explorateur pour rien.
À suivre…
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À un moment, j'ai cru que toute l'action dans le village n'allait pas me faire les 20 pages. On dirait finalement que si.
Enfin une nouvelle scène de sexe. Ça faisait longtemps. À croire qu'Harddyn était devenu chaste 😂.
Le truc avec Aimée Ryas c'est qu'en fait je me suis rendu compte qu'elle servait à rien et que je voyais pas du tout comment l'utiliser par la suite. Donc je l'ai juste supprimée. Quant à ce que j'ai dit sur la mémoire, que nous ne nous souvenons pas d'évènements, mais en voyant les copies, cela vient d'un article que j'ai lu il y a longtemps donc la théorie n'est pas de moi.
Et encore pleins d'explications sur YGGDRASIL et la magie. Cette fois, notamment, sur les Potions. Tout ce que j'ai mis, c'est des réflexions que j'ai eues à un moment ou à un autre sur la pratique des Potions et surtout ses implications scientifiques. J'adore la science. Pour moi qui suis un artiste et un littéraire, la science est une forme de magie. Donc j'aime bien la mêlée à la vraie magie dans la fiction. Et il y a aussi le retour d'une notion dont j'ai déjà parlé, le sens de la magie. Mes lecteurs vétérans se souviendront peut-être que dans Prince des Neiges, quand Erik et les autres sont encore enfants, c'est la raison pour laquelle leur rituel pour devenir frères et sœurs de sang a dérapé ;).
J'espère que ça vous a plu. N'hésitez pas à me laisser un commentaire et je vous dis à dans deux semaines.
