VORACITY I - New World

Arc 3 : L'Être aux Mille Visages

Chapitre 6

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Arwintar.

Capitale de l'Empire de Baharut.

Un joyau inestimable niché au creux du désert d'Asumptra, à l'emplacement de ce qui était, il y a fort longtemps, l'oasis de Peshan. Aujourd'hui, il ne restait de l'ancienne halte que le lac du même nom autour duquel s'organisait la ville. Il avait la forme d'un anneau presque parfait à cause de la grande île artificielle en son centre et sur laquelle était bâtie la Cité Impériale.

Celle-ci avait été construite avec du calcaire de taille, des blocs de marbre et d'albâtre et des briques recouvertes de chaux, le tout d'un blanc immaculé qui devait sa perpétuelle fraîcheur tant au talent des artisans qui l'avaient érigée qu'à la magie qui l'imprégnait de toute part. La Cité s'élevait telle une masse de murs et de tours au milieu du lac, mais aucun des bâtiments si beaux soit-il n'était aussi haut, aussi étincelant ou aussi élégant que le Palais Impérial. De gracieux minarets opalins s'élançaient vers le ciel tel des aiguilles de pierres et entouraient la perfection de l'immense dôme central qui semblait réfléchir la lumière comme un phare.

Sept ponts d'une pâleur tout aussi immaculée menaient à la ville. Celle-ci était entièrement pavée, des plus grandes avenues bornées d'arbres et encombrées par la circulation aux plus petites venelles désertes et qui ne voyaient jamais le soleil tant les immeubles qui les bordaient étaient proches. Et le tout-à-l'égout ainsi que des mesures d'hygiène drastiques la rendaient d'une propreté quasi irréprochable.

Chacune des sept artères principales de la ville qui rayonnait autour du palais par les ponts et jusqu'au pied des murailles était suffisamment large pour que dix carrosses puissent aisément les sillonner les uns à côté des autres. Elles étaient interrompues à mi-parcours par de gigantesques places au centre desquelles siégeaient des offices d'importance pour la Capitale et l'Empire : La Curie, le Ministère de la Magie, la Grande Arène, le Temple des Quatre Dieux, La Haute Chambre de Commerce, l'Hôtel de Ville et les Jardins du Souvenir.

Entre chacune de ces artères majeures s'étendaient les différents quartiers. Les belles demeures nobles bien espacées, les zones artisanales et commerciales avec le marché central, les écoles et lieux de représentations des artistes, les casernes militaires, les immeubles d'habitations, les maisons particulières… Même les secteurs les plus pauvres étaient plus reluisants que certaines parties des villes du Royaume. Les rues étaient propres. Les façades également et de nombreux hospices et foyers accueillaient les malades et les indigents.

En cela, Arwintar semblait être une ville idéale, mais cela n'avait pas toujours été le cas. En effet, la Capitale et même l'Empire tout entiers vivaient une explosion économique depuis quelques années. La raison en était la montée sur le trône de l'actuel monarque absolu de ce pays.

Jircniv Rune Farlord El-Nix, l'Empereur Sanglant.

Son surnom lui venait des purges massives qu'il avait ordonnées parmi l'ancienne noblesse de l'Empire à commencer par sa propre famille. Alors qu'il n'était que pressenti pour le pouvoir, sa mère avait été accusée d'avoir commandité l'assassinat de l'Empereur régnant. Afin de sécuriser sa position d'Héritier, Jircniv avait décidé de la faire éliminer avec tous les membres de sa parenté trop proches de lui. Après être finalement monté sur le trône, à l'âge de 12 ans, il avait fait exécuter, de façon officielle cette fois-ci, quantité d'aristocrates qu'il considérait comme ses opposants ou étant inutile à leur charge. Cela l'avait laissé avec une pénurie de personnel qu'il avait dû combler lui-même en travaillant d'arrache-pied depuis lors.

Car en effet, Jircniv Rune Farlord El-Nix était, somme toute, un excellent Empereur. Ses purges n'avaient servi qu'à réformer en profondeur le système gangrené par la corruption et les intérêts personnels. C'était sous son impulsion de changement que l'Empire était devenu florissant et la ville d'Arwintar, ce joyau étincelant qu'il était aujourd'hui. Un trésor dont tout voyageur qui le contemplait pour la première ne pouvait détacher ses yeux. Mais c'était à l'exception d'un seul : Harddyn Emeryas ou plutôt, tel que son apparence le suggérait, Taliesin le Barde.

Celui-ci était arrivé la veille et, bien qu'il ait apprécié de déambuler dans la ville jusqu'au coucher du soleil et même au-delà, il était à présent extrêmement occupé à écrire quelque chose, assis à la terrasse d'une taverne. Quiconque essaierait de voir de quoi il s'agissait penserait qu'il rédigeait une ode à la splendeur de la Capitale, mais c'était tout autre chose. Il réfléchissait quelles Potions il allait mettre dans le livre de recettes qu'il avait promis à Nfirea.

Finalement, il était resté plus de deux semaines dans le Village de Carne sous l'identité de Lurka Bronac. La majorité du temps, il l'avait passé avec Nfirea, Lizzie, et aussi parfois Enri. Il avait enseigné aux deux Alchimistes Re-Estizien à se servir de tout le matériel qu'il avait apporté et eux, de leur côté, l'avaient instruit de leurs techniques. Certes, Harddyn aurait tout à fait pu les apprendre directement de leur esprit, mais autant cette méthode était rapide et pratique, autant des débats de visu pouvaient se montrer plus efficaces. Ils leur avaient permis de confronter leurs expériences et de créer des systèmes mêlant chacune des leurs propres.

De même, ils avaient passé beaucoup de temps à la cueillette de divers produits médicinaux ou aux diverses propriétés intrigantes. C'était surtout dans ces cas-là qu'ils retrouvaient la jeune Enri. En effet, la Grande Forêt de Tob regorgeait de ce type de végétation. Leur récolte et leur vente à E-Rantel étaient autant une source de revenus pour le village que les plantations de blé. Comme beaucoup d'adolescents, Enri était devenue une spécialiste de cette pratique. Grâce à cela, elle connaissait bien la forêt et où trouver les différentes plantes. Il lui était même arrivé d'accompagner ses parents quand ceux-ci allaient les vendre à la Ville-Citadelle.

C'était l'une de ces fois-là qu'elle avait rencontré Nfirea. Celui-ci était déjà un tout jeune Alchimiste venu acheter des produits avec sa grand-mère. Par la suite, il était allé à plusieurs reprises au village pour chercher lui-même certaines plantes précises et c'était généralement Enri qui lui servait de guide. Malgré cela, elle était bien la seule à ne pas avoir remarqué ses sentiments à son encontre. Harddyn, lui, avait trouvé cela assez charmant… et amusant aussi. Il s'était souvent distrait lors de ces longues journées dans les bois en lançant des commentaires anodins et innocents (son rôle oblige) pour déclencher des bégaiements de gêne et un rougissement irrépressible chez le jeune génie. C'était tordant.

Cependant, Harddyn n'avait pas consacré l'intégralité de son temps à l'alchimie ou à la cueillette. En vivant parmi les gens ordinaires, il les avait observés. Au départ, c'était pour vérifier si ses modifications de leur mémoire avaient été correctement effectuées et ensuite pour voir s'il ne pouvait pas perfectionner certains aspects de leur vie.

Il avait commencé par le puits. Celui-ci possédait un système totalement manuel. Un bardeau de bois poli était fixé en travers et servait d'appui pour tirer la corde et remonter le seau une fois plein. Alors oui, cela fonctionnait assez bien, mais il y avait moyen d'améliorer. Harddyn avait d'abord eu l'idée de leur faire construire une structure métallique au-dessus afin d'utiliser un système de poulie, mais il avait abandonné pour un projet légèrement plus ambitieux qui permettrait de diminuer la puissance mécanique indispensable : une manivelle. Grâce à cela et à la force repartie par les différents pignons, il était plus facile et rapide de remonter les seaux alourdis par l'eau.

Il avait au départ pensé leur installer directement un système de pompe comme à l'atelier, mais il avait renoncé. Ce projet nécessitait le travail de la fonte et une technique supérieure à ce que le forgeron du village ne pouvait faire. Améliorer la vie des gens était une bonne chose, seulement si jamais cela venait à s'abîmer où se briser, ils devaient être capables de pouvoir le remettre en état sans lui. Gagner en autonomie. Harddyn avait donc dessiné des plans, mais il n'avait fait que guider pour la fabrication des diverses pièces.

Il avait fait la même chose quand il leur avait montré la charrue. Bien entendu, en tant que paysans, ils possédaient déjà des outils agricoles, mais celui qu'ils utilisaient pour labourer le sol était semblable à l'araire, l'ancêtre de cette dernière. En effet, la terre dans cette partie du pays était lourde à travailler, trop pour l'araire. La charrue, avec son soc imposant et dissymétrique, était plus adaptée pour la retourner efficacement et en profondeur.

Elle était cependant plus massive et nécessitait donc des animaux plus puissants pour la tracter. Généralement, on utilisait des bœufs ou des chevaux pour cet ouvrage. Le Village possédait quelques-uns de ces derniers. C'était des bêtes fortes, faire pour tirer des charrettes pleines. Ils pouvaient également être employés pour le labourage. Seulement les habitants s'étaient rendu compte que le travail était épuisant, donc que les chevaux consacrés à ce travail ne pourraient plus rien faire d'autre à part cela, ce qui rendait une denrée déjà rare, encore plus rare. Harddyn avait alors conseillé de les utiliser jusqu'à ce que le village puisse acquérir des bœufs. Ceux-ci étaient plus forts et revenaient moins chers à l'entretien. De plus, une fois devenus inutiles, ils pouvaient être mangés. Ils étaient cependant plus difficiles à manœuvrer et duraient moins longtemps. Cela restait toutefois un investissement intéressant.

Pris dans sa lancée, Harddyn avait également jeté les bases afin de faire passer l'assolement biennal, qu'ils utilisaient, à un triennal. L'assolement biennal consistait à diviser la surface agraire en deux parties, une de plantation d'hiver et une jachère, les deux alternants d'une année sur l'autre. Le système était logique et donnait la possibilité à la terre de se reposer pour éviter la surexploitation. De plus, durant cette période, la jachère était recouverte de fumier permettant le renouvellement des nutriments du sol. Cependant, cela laissait énormément de place pour l'amélioration.

L'assolement triennal, lui, divisait la surface agraire non pas en deux, mais en trois parties pour effectuer un cycle de trois ans. On retrouvait le même système de plantation de céréales d'hiver et de jachère auquel s'intercalait une plantation de céréales de printemps ou de légumineuses. Les nombreux déchets de cette dernière servaient de nourriture d'été aux animaux alors que le fourrage du blé servait de nourriture d'hiver. Envoyés paître directement dans le champ, leurs déjections alimentaient le sol avant la période de jachère, si bien qu'à la fin, il était deux fois plus fertile qu'auparavant. De plus, le village possédait une seconde source de produits à vendre, du bétail mieux nourri et donc meilleur à manger ou dans leur travail. C'était la base d'un cercle vertueux agricole qu'Harddyn espérait voir mis en œuvre à sa prochaine visite.

Parce que bien entendu, il lui avait fallu partir. Enfin, pas vraiment « fallu », disons plutôt qu'il désespérait de reprendre son voyage. Il avait donc fait ses adieux à ses nouveaux amis (sous-entendus « jouets ») afin de retrouver l'identité du Barde Taliesin, la meilleure, à son avis, pour se déplacer. Il était ensuite redescendu à E-Rantel, mais n'y avait été que de passage, empruntant la route de l'Est qui bordait la plaine de Katze. Il avait alors pu facilement (peut-être trop pour deux pays en guerre) traverser la frontière et entrer sur les terres de l'Empire.

Le climat là-bas était assez différent du Royaume ou même de la région d'E-Rantel. Plus aride. Harddyn avait appris en parcourant le pays que c'était dû principalement aux exactions de Divinités Maléfiques, un groupe d'entités surpuissantes apparues peu après la défaite des Huit Rois Avides et vaincues 200 ans auparavant par les Treize Héros.

Leur origine était incertaine, mais Harddyn pensait qu'ils venaient d'YGGDRASIL. Cependant, il doutait que ce soit des Joueurs, plutôt des Boss. Leur nombre ou apparence étant inconnu, impossible de dire si c'était le cas ou non, même pour Harddyn. Les données qui disparaissaient du jeu étaient importantes tant il y avait de contenus. Toujours est-il que pour avoir vaincu ces Boss, les Treize Héros ou au minimum quelques-uns d'entre eux devaient être des Joueurs. Mais encore une fois, sans information supplémentaire, c'était difficile de savoir exactement ce qu'il en était.

Toujours est-il qu'une fois ces Divinités défaites, de nouveaux pays avaient émergé sur les ruines des anciens. Cela avait été le cas du Royaume de Re-Estize et de l'Empire de Baharut, auparavant un seul et même État. Le Royaume avait donc eu les plaines fertiles de l'Ouest des Monts Azerlisia et l'Empire, les terres arides de l'Est. Pourtant, aujourd'hui c'était l'Empire qui t'irait son épingle du jeu.

Quand il était dans le Royaume, Harddyn avait entendu parler de leur supériorité militaire. Celle-ci venait notamment du fait qu'il possédait une armée de métier. Re-Estize avait des Chevaliers, mais ce titre était réservé aux nobles quand aux gardes, c'était des soldats triés sur le volet. Il n'existait aucune armée officielle, car le Roi, isolé comme il l'était, ne pouvait financièrement se le permettre. Pour se faire, il devrait compter sur les nobles de sa faction, mais s'il les autorisait à créer une armée pour lui alors ses adversaires en créeraient une à leur tour ce qui ne pourrait amener qu'à une guerre civile.

Les soldats utilisés lors des Guerres Annuelles contre l'Empire étaient donc principalement des paysans enrôlés de force et entraînés à la va-vite ou des mercenaires payés des fortunes sans garanties de leur fidélité. C'est pour ça qu'ils avaient beau être généralement plus nombreux que les forces impériales, ils ne pouvaient pas rivaliser avec elles. En effet, des troupes amatrices et apeurées ou qui fuyaient pour survivre ne faisaient pas le poids face à des Guerriers en armure. La Guerre Annuelle se finissait donc perpétuellement par la défaite du Royaume, mais à aucun moment il ne venait à l'idée des nobles de faire autrement et de créer une union nationale destinée à l'emporter.

Einstein avait raison en disant que la définition de la folie était de répéter toujours les mêmes actions en espérant un résultat différent…

Cependant, la supériorité de l'Empire n'était pas seulement militaire. Sur son trajet en direction de la capitale, Harddyn avait remarqué un certain avantage au niveau du génie civil. En effet, les routes qu'il empruntait, même les plus petites, étaient pavées. En s'imprégnant des connaissances d'ingénieur de passage, Harddyn avait appris que ces routes tenaient énormément des voies romaines de l'antiquité de son monde. Elle était d'abord creusée en profondeur et le sol tassé et aplani. Venaient ensuite une couche de cailloux, une de moellons et une de débris, les deux derniers agrégés par du ciment. La chaussée était alors posée par-dessus, légèrement concave pour empêcher l'eau de stagner au milieu et bordée par des bas-côtés.

Mais le plus impressionnant restait le réseau routier en lui-même et les aménagements qui étaient faits. Celui-ci rayonnait tout autour de la capitale et rejoignait les villes principales, mais également ces grandes villes entre elles. Cela évitait la perte de temps et l'engorgement d'Arwintar. De même, ces routes majeures étaient croisées de voies plus petites desservant les agglomérations. Quand elle rencontrait un obstacle, une montagne, un précipice ou une rivière, alors elle était adaptée de façon à ne pas être interrompue. Cela voulait donc dire des ponts de pierre solide ainsi que des tunnels, probablement creusés par magie.

Des bornes étaient installées à espaces réguliers et signalaient les directions ainsi que les distances à parcourir. D'autres se trouvaient à chaque croisement pour indiquer les différentes destinations. De plus, les aires de repos ainsi que les auberges étaient fréquentes en bordure des routes. Les campings sauvages étaient donc assez rares. Mais même s'ils l'étaient, la sécurité était suffisante pour leur permettre de le faire. En effet, de nombreux forts, garnisons et casernes étaient installés à proximité des voies. D'un côté, elles permettaient la mobilité des troupes et de l'autre la mise en place de patrouilles régulières sur et autour du réseau afin de faire régner l'ordre.

Et c'était notamment grâce à tout cela que l'Empire avait pu sortir son épingle du jeu. Des routes praticables, rapides et sûres permettaient un meilleur développement du commerce. Les marchands pouvaient ainsi rapidement parcourir le pays sans crainte de se faire dépouiller. L'approvisionnement en denrées, ordinaire ou non, était donc plus régulier ce qui évitait les inflations trop importantes.

Des systèmes avaient également été mis en place pour empêcher l'encombrement des villes par les caravanes marchandes. Toujours sur les routes, à proximité des principales agglomérations, de nombreux entrepôts avaient été construits pour y stocker les différents produits. Ceux-ci formaient de véritables zones commerciales. Certaines transactions se faisaient là sans passer par les marchés ou les magasins. Ces derniers venaient aussi chercher leur achalandage tous les jours, générant un flux constant de transport de marchandises entre les dépôts et la localité. Toutefois, même s'il était important, il ne l'était pas autant que si tous les marchands se retrouvaient à l'intérieur des murs, provoquant des congestions inextricables.

Donc, entre le commerce et l'impulsion que l'Empereur Jircniv avait donnée à l'innovation, l'Empire de Baharut faisait figure de réussite sociale. Surtout en comparaison du Royaume. Cela, Harddyn l'avait tout de suite remarqué. Cependant en ce moment même, il était loin de réfléchir à une analyse comparative entre les deux pays. Il était bien trop préoccupé par son problème qui était : qu'était-il sûr de montrer à Nfirea et qu'est-ce qui ne l'était pas. La gestion de l'information était capitale pour leurs projets de domination et un sujet aussi banal que les Potions ne faisait pas exception.

En YGGDRASIL, il y avait deux types de Potions : celles de Soin et celles de Stats. Parmi les premières, il y avait, bien sûr, celles qui restauraient les Points de Vie. Harddyn avait montré à Nfirea et sa grand-mère la recette de la Petite Potion de Soin. Il se demandait donc s'il était utile de lui parler des trois autres. Au vu du faible niveau des êtres de ce monde, aucun n'était suffisamment puissant pour les blesser au point d'avoir besoin de Potion. De même, aucun n'était suffisamment puissant pour qu'une Petite Potion de Soin ne soit nécessaire pour le guérir.

Bien sûr, il y avait le cas de la Sainte Écriture des Ténèbres qui avait prouvé qu'elle pouvait faire des dégâts. De plus, ils ignoraient s'il n'existait pas dans ce monde d'autres puissances capables de leur faire du mal. Mais même avec cette idée à l'esprit, Harddyn doutait qu'il soit utile que Nfirea apprenne l'existence des Potions de Soins plus puissantes. Pour l'instant. Au pire, si jamais ils en avaient besoin, il pouvait les préparer lui-même.

Il y avait également le problème des Potions de Mana. Harddyn avait analysé le cerveau de Nfirea après son départ de Carne et il n'avait trouvé nulle trace de connaissances d'une Potion capable de restaurer les Points de Magie. Et encore moins une qui pourrait restaurer les deux comme les Élixirs d'YGGDRASIL. Donc, pour le moment, ces deux types-ci étaient hors de question.

Mais bien heureusement, ce n'était pas les seules Potions de Soins qui existaient. De nombreuses autres pouvaient servir à guérir des blessures ou des maladies. Les plus faibles des Potions cicatrisantes étaient sous forme de baumes et pouvaient littéralement faire disparaître les plaies sans même laisser la moindre trace. Si Nfirea pouvait le reproduire avec des ingrédients de ce monde, ce serait parfait. En attendant, rien n'empêchait qu'il puisse en fabriquer à l'aide de ceux provenant d'YGGDRASIL.

Pour ce qui est de Potions soignant les maladies, c'était un autre problème. En effet, Harddyn ignorait totalement quel type d'affection il pouvait exister ici. Enfin, pas totalement puisqu'il avait eu accès aux savoirs de Nfirea. Celui-ci, en tant qu'Alchimiste, connaissait évidemment les plus communes ainsi que leurs traitements. Cependant, malgré cela, malgré la connaissance des symptômes et des remèdes utilisés, sans une analyse complète et scientifique de ces maladies, impossible de savoir si ce sont bien des équivalents des maladies d'YGGDRASIL avec les mêmes pathologies.

Du moins, pas sans expérimentation. Ça, se serait facile. Il suffirait de trouver des malades, et de les mettre en contact avec des personnes saines pour la propager au plus de patients possible puis de tester les Potions. Cela permettrait d'avoir un large spectre de résultats. Le tout dans un environnement contrôlé bien entendu. Et puis, si les résultats sont mauvais, il y aura toujours la possibilité de séquencer le génome de la maladie afin de trouver un remède. Remède qu'il faudra évidemment tester. Une étape qui sera assez facile puisqu'Harddyn ne possédait plus ni éthique ni morale.

Mais ce n'était pas le sujet.

Toujours est-il que les Potions pour soigner les maladies étaient pour le moment hors de question. Restaient donc les Potions qui annulaient les Altérations d'État. Le problème était de savoir lesquels seraient vraiment utiles. Celles pour le Poison le seraient très certainement. Pas de doute là-dessus. Quoique. Les Antidotes avaient beau fonctionner sur tous types de Poisons sur YGGDRASIL, rien ne disait que cela fonctionnerait ici. Encore une fois, c'était sujet à expérimentations. Et puis il y avait d'autres Altérations comme Brûlure ou Brûlure d'Acide. Était-il nécessaire de Potions spéciales ou pouvaient-elles disparaître avec des baumes cicatrisants ? Sur YGGDRASIL, c'était impossible. Mais ici…

Et puis il y avait des Altérations d'État qui posaient problème. Y avait-il vraiment besoin de Potion ? Par exemple, Mouillé, une Altération d'État pouvant survenir après une attaque élémentaire d'Eau. Elle pénalisait le joueur en diminuant sa température, surtout si le climat était froid, favorisait certaines maladies et augmentait l'efficacité des attaques d'élément Foudre. Comme dans la réalité en quelque sorte. Sauf que dans son monde, quand on était mouillé, il suffisait de se sécher, pas d'une Potion. Au vu de ce qu'Harddyn avait vu dans ce monde, il était possible que cela marche comme dans le sien. Mais on était jamais trop sûr. Il en savait beaucoup trop peu sur ce monde et sur son fonctionnement pour spéculer.

Enfin, il y avait les Potions de Stats. Pour celle-là, Harddyn était catégorique sur le fait que Nfirea n'avait pas besoin d'en entendre parler. Tout d'abord parce qu'il s'agissait des Potions les plus difficiles à préparer de tout le Jeu (et donc les plus chers). Même Harddyn, en tant que Grand Sage, ne les réussissait qu'une fois sur deux ou trois. Mais c'était aussi parce que leur pouvoir était bien trop puissant pour ce monde. En effet, elles avaient la capacité d'accroitre de façon définitive les Stats de leur utilisateur. Oh, pas de beaucoup, quelques points à peine. Mais parfois, c'était suffisant. Il y en avait qui augmentaient les PM, d'autres les PV, d'autres encore la Force, la Chance, la Moralité, l'Intelligence…

Sur les barres de Statistiques, les Points supplémentaires dus à ce type de Potion apparaissent en bleu et en troisième position. Il y avait d'abord les points dus à la Race, en rouge, puis à la Classe, en vert, et après en jaune, ceux dus à l'équipement (et qui fluctuait le plus). Généralement, un Joueur qui tombait sur l'une d'elles dans un Donjon, la consommait immédiatement. Peu étaient prêts à payer des fortunes à des PNJ marchands ou à des Joueurs Alchimistes pour en avoir. Ils préféraient habituellement consommer de la nourriture. En effet, les plats cuisinés pouvaient aussi modifier les Stats en plus d'apporter des Buffs. Les augmentations étaient plus importantes, mais également temporaires. Cela restait tout de même la meilleure solution avant d'affronter un boss.

Harddyn en avait lui aussi consommé à l'époque d'Ainz Ooal Gown. Sa production, partagée par les membres de la Guilde était l'une des raisons qui l'avaient rendue si puissante (ça et les équipements qu'il forgeait). Cependant, aujourd'hui, il aurait été difficile de voir ce qu'il avait fait sur ses Stats. À cause de sa Race Maître de la Mort et l'absorption de ses anciens avatars et de la Totalité des Uns, tous avaient augmenté de façon à complètement sortir du tableau. Celui-ci n'était fait que pour aller jusqu'à 100 points. Harddyn les dépassait de beaucoup ce qui faisait que ses Stats ressemblaient à des suites de barres rouges sans fin.

Toujours est-il que donner les recettes de ces Potions à Nfirea était hors de question. Par contre, les utiliser sur lui… ce serait intéressant de voir ce qu'il pourrait devenir si, grâce à elle, il accroissait encore son intelligence. Ou sa Volonté. Et peut-être même sa Perception. Ajouter à cela toutes les connaissances qu'il pourrait accumuler au contact de Nazarick par l'intermédiaire de Lurka… Mais encore une fois, tout cela devait se faire avec le plus de prudence possible. Il ne fallait pas qu'il casse son jouet, ce serait dommage. Peut-être avec l'un des clones qu'il avait imaginé fabriquer…

Il fallut quelques instants à Harddyn pour sortir de ses pensées. Il regarda le parchemin sur la petite table devant lui et fit la grimace. Ça ne faisait pas grand-chose à lui transmettre. Mais bon, il devrait s'en contenter alors. Pour le moment, il devait réfléchir à quoi faire ensuite. La capitale était très intéressante, mais quand on était habitué à des villes comme Paris, New York, Tokyo ou même Vesperia, la Cité Sacrée d'or et de diamants sur le Monde d'Asgard, on en avait vite fait le tour.

Il pouvait toujours rester pour voir quelques combats dans la Grande Arène d'Arwintar, un équivalent Baharutéen du Colisée de Rome (encore un parallèle avec l'antiquité de son monde). Mais cela n'avait rien de bien palpitant. Des Humains se battant entre eux, des Humains se battant contre des Monstres… Cela aurait été intéressant s'ils avaient eu la carrure de Joueurs, mais même si Harddyn appréciait de voir du sable souillé de sang et de tripes, si le spectacle qui précédait était décevant alors cela n'en valait pas la peine. Il avait bien entendu parlé d'un Champion du nom de Go Gin, un Troll de Guerre (espèce inconnue d'Harddyn donc native de ce monde) en armure, toujours invaincu. Cependant, il ne se battait pas en ce moment. De plus, s'il était invaincu, Harddyn doutait qu'il trouve d'adversaire suffisamment à sa mesure pour que l'un de ses combats présente un quelconque intérêt. Au mieux, cela donnerait lieu à une simple boucherie, au pire à une exécution sans le moindre style.

À défaut d'une débauche de sang, Harddyn aurait pu se contenter d'une débauche de sexe, mais les bordels qu'il avait visités dans la soirée de la veille l'avaient un peu laissé sur sa faim. Oh, ce n'était pas que l'Empire soit prude, loin de là, et les établissements qui offraient des prostitués étaient légion. Cependant, eux aussi étaient assez ennuyeux. Les professionnels des deux sexes étaient attirants, mais l'acte en lui-même manquait d'originalité et d'excitation. Pourtant, généralement, plus une civilisation était avancée et plus les mœurs sexuelles étaient déviantes, mais ça ne semblait pas être le cas dans l'Empire. Ou alors il avait mal cherché.

Partout où il était allé, il avait scruté les esprits des travailleurs et des clients à la recherche de détails sucrés sans en trouver aucun. Ou presque pas. Où étaient donc les orgies sans nom où le foutre coulait presque autant à flot que l'alcool ? Les séances de tortures sensuelles (et pas forcément consensuelles) ? Les histoires de fesses des maisons nobles ou bourgeoises où de pauvres servants devaient rassasier les désirs lubriques de leurs employeurs ? Nulle part, il n'avait perçu le souvenir de fétiches obscènes de prostitués grimés en moines ou en nonnes pudiques, en professeurs stricts, en ouvriers rustiques, en enfants sages. Pas non plus d'exhibitionnisme forcené de couples ou de groupes prêts à faire l'amour face à une audience de voyeur libidineux prêt, eux, à les regarder pendant des heures sans même bouger autre chose que leur main sur leur sexe.

À chaque fois, Harddyn était entré dans un établissement avant d'en ressortir quelques instants plus tard après en avoir pris la température mentale. Il même pénétré dans certains des plus haut de gamme grâce à ses pouvoirs pour être tout aussi déçu. Que le sexe soit entre hommes, entre femmes ou entre homme et femmes, ils dépassaient rarement les deux, s'isolaient dans des chambres et répétaient les mêmes tristes positions qu'ils connaissaient. On aurait pu penser que dans un pays en pleine expansion intellectuelle, certains esprits plus frustrés que d'autres auraient innové en matière sexuelle, peut-être en inventant des jouets, mais ce n'était pas le cas. Même les Mages, qui avaient pour eux le pouvoir de réaliser l'impossible, n'avaient pas songé à l'utiliser pour pimenter un peu leurs rapports.

Non, décidément, la ville n'avait rien de vraiment intéressant pour Harddyn. Pour Taliesin, cependant, c'était une autre paire de manches. Durant son voyage, il avait traversé plusieurs agglomérations plus ou moins grandes et utilisé ses talents de Bardes pour gagner un peu d'argent. Toutefois, dans l'Empire, contrairement au Royaume, il n'avait pas la protection d'une personnalité comme la Princesse Renner. Se constituer une réputation était donc plus difficile. C'est pour cela qu'il devait absolument rester à la capitale pour se faire connaître. Riches marchands, bourgeois, notables, aristocrates… s'il arrivait à charmer le plus de monde possible grâce à sa musique, il lui sera plus facile de monter vers les plus hautes sphères de la société pour découvrir leurs secrets. Et qui sait ? Peut-être pourrait-il aussi découvrir ceux de l'Empereur.

Certes, avec l'établissement du réseau d'espionnage de Nazarick, de telles manœuvres n'étaient plus vraiment nécessaires. Cependant, l'opération n'en était qu'à ses débuts. Quelques informations pour amorcer la pompe ne feraient sans doute pas de mal. Et puis Harddyn trouvait cela très intéressant de se faufiler et de découvrir de sales petits secrets.

Remarquant que la luminosité autour de lui se mettait à baisser, Harddyn se rendit compte qu'il commençait à se faire tard. On était déjà à la mi-automne. Dans le calendrier de ce monde, cela correspondait à la moitié de la Saison de la Terre. Pour être plus précis, ils étaient le 18e jour du Mois de la Terre Intermédiaire, c'est-à-dire novembre. Ou à peu près. Cela faisait donc près de trois mois que lui et Ainz étaient arrivés dans ce monde. Cela semblait faire des années. Fort heureusement, l'écoulement du temps était presque équivalent à celui de leur monde d'origine ainsi qu'à YGGDRASIL.

Pour son jeu, Harddyn avait fait en sorte que le temps passe exactement à la même vitesse que dans la réalité. Chacun de ses 9 mondes avait été aligné sur 9 fuseaux horaires différents. Cela permettait à n'importe quel Joueur sur Terre de pouvoir évoluer dans des mondes où il faisait jour et d'autres où il faisait nuit. Cependant, pour éviter que certains ne puissent visiter des endroits en particulier à cause d'horaires de jeux stricts, tous les trois mois, un évènement spécial permettait de changer le fuseau assigné à chacun des mondes. En effet, le Grand Chambardement avait lieu aux équinoxes et solstices de l'année. À cette occasion, en plus de contenus exclusifs et de raids temporaires, les mondes se décalaient de deux crans horaires automatiquement, assurant ainsi un roulement.

Bien entendu, ici, le temps était plus fixe… enfin, il l'espérait. Toujours est-il que durant son premier voyage à travers le Royaume, il avait calculé que, comme sur Terre, les journées étaient de 24 heures. Cela n'avait pas été difficile, il lui avait suffi de compter les secondes depuis le zénith d'un jour jusqu'au zénith du jour suivant. Il avait recommencé à plusieurs reprises pour vérifier, mais le résultat avait été le même. Ce n'était en revanche pas le cas pour la durée de l'année solaire.

Bien entendu, il n'avait pas plus appliqué la même méthode. D'abord, ça aurait été trop long. Ensuite, ça aurait été trop ennuyeux. Et enfin, il ne s'était pas passé assez de temps. Cependant, il ne fallait que quelques jours d'observation pour calculer ce chiffre. Sur Terre, celle-ci s'effectuait par rapport à l'angle formé le soleil d'un côté et l'étoile Polaire de l'autre. Il avait suffi à Harddyn de lever la tête pour trouver une étoile assez brillante, de les observer, elle et le soleil, pendant quelques jours et, grâce à ses connaissances et à sa capacité à percevoir les mesures du premier coup d'œil, de procéder au calcul.

Le résultat était d'exactement 367 jours. Peut-être même un peu trop exactement aux yeux d'Harddyn, mais il ne fallait pas non plus oublier que ce monde était artificiel. Un nombre qui semblait aléatoire, mais qui demeurait tout de même aussi précis n'était donc pas anormal.

Par la suite, en analysant les esprits des gens, Harddyn avait rapidement pu faire coïncider un calendrier. Apparemment, l'année était découpée en quatre saisons de trois mois. Chacune d'elle concordait avec l'un des quatre éléments, ceux-ci attribués à chacun des Quatre Grands Dieux qui formaient la religion de base de ce monde. L'Hiver correspondait à la saison de l'Eau, le Printemps, à celle du Vent, l'Été à celle du Feu, et l'Automne, bien sûr, à la Terre. Par la suite, chacun des trois mois que comprenait chaque saison était ordonnancé comme Mois Inférieur, Mois Intermédiaire et Mois Supérieur. Le changement de saison, lui, se faisait aux solstices et équinoxes, chacun de ces évènements cosmologiques marquant la fin du Mois Supérieur de l'une des saisons et le début du Mois Inférieur de la suivante.

Bien entendu, en faisant le calcul, on se rendait compte que cela ne faisait que 360 jours et pas 367. C'est parce que les 7 derniers jours étaient considérés comme des jours épagomènes, c'est-à-dire des jours ajoutés à la fin d'une année pour compenser un calendrier composé de mois de longueur égale afin de corriger le décalage. Beaucoup de civilisations antiques de la Terre utilisaient ce système et voyaient généralement dans ces jours excédentaires des dates néfastes. Ce monde ne faisait pas exception. En effet, ces 7 jours, situés entre la Saison de l'Eau et celle du Vent (Hiver et Printemps) et dont le point d'orgue était l'équinoxe de Printemps, étaient une période de jeûne et de contrition pour préparer le retour des beaux jours.

Ce système était valable, pour autant qu'Harddyn le savait, dans le Royaume, l'Empire et toute autre contrée aux alentours, même non affilié à la religion principale des Quatre Grands Dieux. Il avait même cours dans la Théocratie de Slane qui, elle, vénérait les Six Grands Dieux. Seule la signification des 7 jours épagomènes était différente. En effet, c'était l'occasion pour eux d'honorer les deux derniers dieux de leur culte. Pendant les trois premiers jours, ils célébraient la fin du cycle de l'année en fêtant Surshana, le Dieu des Ténèbres et de la Mort. Venait ensuite un jour de repos et de prière où personne ne faisait rien avant de recommencer à faire la fête pendant les trois derniers jours. Cette fois, celui qui était célébré était Alah Alaf, le Dieu de la Lumière et de la Vie.

Toujours était-il que l'équinoxe était déjà passé depuis plus d'un mois donc les jours continuaient à se raccourcir. Avec cette luminosité, il devait être aux environs de cinq heures de l'après-midi. Harddyn se leva et chercha le soleil. Un rapide calcul lui permit de dire qu'il était exactement 17h35. Ce n'était pas très tard, mais Harddyn avait des choses à faire en soirée. La veille, il avait vu une affiche pour une foire qui accueillait des ménestrels pour la célébration d'ouverture. Ce genre de manifestation brassait généralement pas mal de gens de différents horizons tant géographiquement que socialement. Ce serait un bon moyen de se faire connaître. Cependant, il lui fallait encore aller passer des vêtements plus appropriés. D'abord, il allait attirer l'attention par sa tunique et ensuite il les passionnerait avec sa musique. Oui, c'était un bon plan. Mais en premier lieu, retourner à l'auberge.

Il allait partir quand quelqu'un l'apostropha.

« Excusez-moi, Ménestrel » dit la voix.

Taliesin se retourna. L'homme qui l'avait appelé devait être un marchand si on se référait au volumineux sac dans son dos.

« Je me demandais, êtes-vous d'ici ? J'avoue être un peu perdu » dit-il avec ennui.

Harddyn avait souvent remarqué que les gens s'adressaient aux ménestrels pour des renseignements. Bougeant fréquemment et entendant pas mal de choses, ils avaient la réputation d'être assez au courant. Quand il voyageait à travers le Royaume, cela avait conforté Harddyn dans son choix d'identité.

« Vous désirez vous rendre quelque part ? » Demanda-t-il.

« À vrai dire, je ne suis ici que pour la foire, mais l'auberge où j'avais l'habitude de descendre à ferme. Quand j'ai demandé aux gens une autre adresse dans les mêmes prix, ils m'ont conseillé le Chien Mouillé. Malheureusement, j'ai dû me tromper dans leurs explications… »

« Et bien, à partir d'ici, pour aller au Chien Mouillé, il faut… » dit Taliesin en tentant de se rappeler comment se rendre dans un endroit qu'il avait à peine aperçu hier. « Attendez, juste une minute… »

Il enleva son sac, l'ouvrit et fouilla quelques instants à l'intérieur avant d'en sortir un rouleau de parchemin. Il le déroula et montra son contenu au marchand. C'était une carte. La veille, après avoir collecté les informations à l'aide de ses Esprits Cartographes et complété la grande carte du monde située à Nazarick et à laquelle il était toujours lié, il avait créé un exemplaire plus petit de la ville afin de se repérer. C'était vraiment un ouvrage assez basique et les seules informations qui s'y trouvaient étaient les noms des rues. Grâce à son pouvoir, il aurait pu la rendre animée, lui faire afficher les commerces, les restaurants et les auberges et même permettre une recherche, mais il désirait rester discret.

« Si je me souviens bien, le Chien Mouillé est ici, à l'angle de la rue du Stipendié Malchanceux et de celle de Maruk le Troll » dit-il en pointant un croisement avant de remonter l'une des voies. « Nous, nous sommes ici, à l'autre bout de la rue du Stipendié. Il vous suffit d'aller tout droit dans cette direction pour trouver votre auberge. »

Taliesin adressa alors un sourire à l'homme, mais remarqua que celui-ci ne faisait même pas attention à lui. Non, il regardait plutôt la carte avec des yeux écarquillés.

« Où… où avez-vous acheté une telle merveille ? » Demanda le marchand.

« Et bien… » balbutia Harddyn.

Ça, c'était une question piège. Heureusement, son interlocuteur n'attendit pas la réponse pour continuer.

« Quel ouvrage, mes aïeux ! Et quels détails… » dit-il en observant les lignes régulières et précises de la carte. « J'aimerais bien vous la racheter, mais je n'ose vous demander le prix. Au vu de la qualité et de la rareté de ce produit, ce doit être bien au-dessus de mes moyens… »

Harddyn cligna des yeux. Il n'avait pas réalisé à quel point cette simple carte pouvait être aussi précieuse. Il ne lui fallut cependant pas longtemps pour se traiter d'idiot. Bien sûr que cette carte était un trésor. Après tout, elle était remplie d'informations. Lui qui avait fondé un jeu dont le but était pratiquement de rechercher, d'échanger, d'acheter et de vendre de l'information, il avait été stupide d'oublier à quel point les cartes étaient importantes. Il avait même créé une Classe rien que pour cela, une Classe que d'ailleurs il possédait.

Dans l'histoire, les cartes avaient toujours été des outils politiques, économiques et militaires considérables. Dessus on pouvait voir l'emplacement des villes et villages, des routes de commerces, des ressources, etc. Des informations utiles quand on vit dans le pays, qu'on le visite ou qu'on fait du commerce avec lui… mais aussi quand on souhaite l'attaquer. Les cartes pouvaient révéler les ponts forts et faibles de chaque pays ou agglomérations, les raccourcis, les itinéraires de fuite, etc. Les cartes, c'était de l'information à l'état brut, une information que l'on pouvait contrôler… et monnayer.

Cette idée resta dans la tête d'Harddyn toute la soirée. Fort heureusement, la prestation de Taliesin fut tout de même inoubliable pour le public et celui-ci reçut, comme il l'avait souhaité, quantité d'invocations de la part de riches bourgeois, de puissants notables ou de nobles influents… ou plutôt de leurs épouses. Toutefois, si Taliesin écoutait attentivement et répondait aux louanges avec quelques traits d'esprit, celui d'Harddyn était déjà en train de concocter un nouveau plan.

Sa recherche d'information était, comme il l'avait décrété, un passe-temps pour lui, un moyen de mêler l'utile à l'agréable sauf que ce passe-temps allait devenir par la suite bien moins nécessaire à mesure que le réseau d'espionnage de Chess allait grandir. Cependant, ce qui se dessinait dans son cerveau était un nouveau passe-temps, un nouveau moyen de lier l'utile à l'agréable.

À plusieurs reprises, il avait entendu Ainz se plaindre de leurs finances. Les monceaux de pièces et de joyaux de la Salle du Trésor et de l'Oasis ne leur servaient à rien dans ce monde. Ils pouvaient toujours vendre les matériaux, notamment l'or, mais à trop le répandre, ils risquaient de dévaluer son cours et il ne leur resterait plus rien. Non, ce qu'il leur fallait, c'était une source de revenus. Ainz avait en partie résolu ce problème en acceptant de nombreuses missions bien payées sous les traits de l'Aventurier Momon. Malheureusement, c'était trop irrégulier et bientôt, ce ne serait plus suffisant. Ils avaient besoin de rentrée d'argent plus pérenne.

Et Harddyn venait justement de trouver comment faire.

0o0o0

Revenir discrètement jusqu'à l'Oasis n'était pas chose aisée. C'était même totalement impossible. En effet, Harddyn ne pouvait s'y rendre en se téléportant. La dimension où elle se trouvait était complètement hermétique et le seul accès était situé à Ashurbanipal. Encore une fois, impossible de rejoindre la bibliothèque par une magie de transport, car tout Nazarick était dans le même cas. Plus encore, il était impossible de se déplacer autrement qu'à pied, par les cercles de téléportation inter-niveau ou grâce à un Anneau d'Ainz Ooal Gown. Et bien évidemment, comme toute personne qui en possédait un et qui quittait le Grand Tombeau, Harddyn avait laissé le sien là-bas.

Il se matérialise donc devant la porte monumentale du mausolée principal qui constituait l'entrée de leur Donjon. Là, l'une des servantes Homonculus, Foire, lui remit son Anneau, ce qui lui permit, une fois l'intérieur, de se téléporter directement au 9e Niveau. Bien entendu, il ne s'attendait pas, à partir de ce moment-là, que son arrivée passerait inaperçue. Rien n'était secret à Nazarick, et les informations circulaient encore plus vite quand les soubrettes du Donjon étaient au courant. Elles semblaient posséder un moyen de les partager qui frisait la télépathie.

Cependant, il eut le temps d'ouvrir puis de verrouiller derrière lui la porte de l'Oasis avant que l'un ou l'autre des Gardiens ne le trouve. Probablement qu'il aurait à leur faire face quand il repartirait, mais pour le moment, il était tranquille.

Rapidement, il vola jusqu'au Palais et se dirigea directement vers le Pavillon des 100. Celui-ci était bien différent des autres. La raison principale était que ses occupants étaient bien moins nombreux qu'ailleurs. En effet, la somme des membres de feu la Totalité des Uns équivalait à celui de toutes les Races et Classes du jeu, plus de 800. La Multitude des Forts, elle, était près de deux fois plus importante quant à l'Infinité des Deux, et bien, comme son nom l'indiquait, elle était « infinie ».

Donc, les 100 disposaient de bien plus de place ce qui faisait que chacun d'eux, au lieu de ne posséder qu'une simple chambre, avait accès à de grands appartements. Non seulement cela, mais, étant plus abouti, chacun d'eux avait sa propre décoration correspondant à ses attributs et à sa personnalité… enfin, sa personnalité supposée. À l'époque où Harddyn avait conçu ces décorations, aucun des PNJ n'était vraiment vivant. Il avait donc juste utilisé les données biographiques qu'il avait lui-même mises en place pour le faire. Bien entendu, il leur avait expressément dit de changer ce qu'ils n'aimaient pas. Contrairement aux Joueurs, les PNJ ne pouvaient pas créer de mobilier ou d'ornement, mais il existait des Artisans parmi eux, notamment Wrath, l'un des 7 Péchés Capitaux.

Harddyn pénétra donc dans le pavillon en saluant tous ceux qu'il croisait. Contrairement aux PNJ de Nazarick, les siens savaient comment il préférait qu'ils s'adressent à lui. Ils étaient moins guindés et ne l'encensaient pas à tout bout de champ, ce qu'il détestait (et qu'il considérait comme une perte de temps majeure). Aucun d'eux, non plus, ne semblait souhaiter l'arrêter pour lui demander ce qu'il désirait ou s'ils pouvaient aider. Ils savaient que si Harddyn voulait quelque chose, il le dirait. Ils étaient programmés comme ça… ou alors c'était les fragments de la personnalité de leur créateur qui avaient servi à les compléter à leur arrivée dans ce monde qui en était la cause. Soit parce que c'est ce qu'Harrdyn aurait fait, soit parce que cela leur donnait une meilleure compréhension de lui.

Cette constatation fit sourire Harddyn. Il se sentait content d'eux. Assez pour faire semblant d'ignorer qu'il était suivi. Si ça lui faisait plaisir de faire ça, il n'allait pas la contrarier. Il grimpa donc dans les étages jusqu'à arriver devant une double porte blanche biseautée avec des dorures et des poignées en or pur. Fort heureusement, chaque entrée, comme la décoration intérieure, était unique à son propriétaire. Ce n'était pas les appartements de la personne qu'il cherchait, mais c'était le lieu où il était presque sûr de la trouver.

Poliment, il frappa à la porte et attendit.

« J'y vais ! » Entendit-il à l'intérieur alors que des pas venaient dans sa direction.

« Allons Marie-Alice ! » S'exclama une voix autoritaire. « Un peu de tenue, je vous prie. »

« Oui, Jeanne-Elizabeth » dit la première sans diminuer son allure.

La porte s'ouvrit alors à la volée révélant une jeune fille dont le visage s'illumina quand elle reconnut le visiteur. La peau d'une pâleur de porcelaine, elle avait des cheveux noirs coiffés en anglaises retenus par un nœud de soie et de grands yeux bleus étincelants. Elle portait une robe à volants, col et manchettes de dentelles serrée à la taille par un plus gros ruban attaché en ganse élégante dans son dos. L'intégralité de sa tenue était dans les tons de bleu à l'exception des dentelles d'un blanc immaculé.

« Maître Harddyn ! » S'exclama-t-elle en l'enlaçant.

« Bonjour ma petite Marie-Alice » répondit Harddyn en caressant sa tête.

Un toussotement se fit entendre à l'intérieur. Il provenait d'une jeune femme installée dans une petite ottomane tapissée de motifs floraux jaunes sur fond blanc. Assise en plein milieu, droite, les jambes sur le côté et main posés sur ses genoux, elle avait une grande ressemblance avec l'adolescente qui avait ouvert à Harddyn, mais en plus âgée. En plus de la dépasser d'une dizaine de centimètres, son visage était plus long et son corps possédait plus de formes. Elle portait une robe victorienne aux dentelles d'un blanc pur et aux draperies de plusieurs teintes de jaune. Ses yeux étaient du même camaïeu alors que ses cheveux, également coiffés en Anglaises, mais plus longs et sans ruban, avaient la couleur de l'ivoire.

Quand Harddyn entra dans la pièce, celle-ci se leva et lui fit une profonde révérence.

« Je suis honorée de vous accueillir dans mes appartements, Maître Harddyn » dit-elle d'une voix distinguée.

« Je te remercie, Jeanne-Elizabeth » répondit celui-ci.

Il y avait deux sofas autour d'elle. Sur l'un d'eux se trouvait une femme rousse aux cheveux bouclés. Jeanne-Elizabeth lui fit un petit geste impatient et celle-ci se leva. Elle imita à la perfection son expression et sa posture puis s'adressa à Harddyn exactement sur le même ton.

« Je suis ravie de vous voir ici, Maître Harddyn. »

« Merci Anya. Je vois que tu as fait des progrès. »

La PNJ hocha la tête tandis qu'à côté d'elle, Jeanne-Elizabeth gonflait le torse de fierté comme elle l'avait fait quelques semaines auparavant dans le Coliseum.

« Eh bien, Mesdemoiselles » dit-elle alors en claquant sèchement des mains, « nous attendons ! »

Aussitôt, les deux dernières personnes présentes dans la pièce sautèrent sur leurs pieds avant de faire une révérence.

« Ravies de vous voir ici, Maître Harddyn » dirent-elles d'une même voix.

Elles semblaient toutes les deux presque identiques à Marie-Alice. Même visage, même coiffure et même vêtement et également même âge, car toutes les trois paraissaient avoir entre 15 et 16 ans. Toutefois, celle de gauche, Lily-Rose, avait des cheveux blonds et des yeux roses quand à l'autre, Anne-Claire, elle était rousse avec des yeux verts. Et tout comme Marie-Alice, leurs robes étaient assorties à la couleur de leurs iris.

Leurs comportements aussi étaient différents. Si Marie-Alice avait celle d'une enfant joyeuse, Lily-Rose avait une expression et un sourire bien plus doux et innocent. Le regard d'Anne-Claire, cependant, était plus neutre et son sourire inexistant. Mais en dehors de cela, elles étaient identiques. Mais ce n'était pas étrange pour les Petites Filles Modèles.

Douces, gentilles et jolies en apparences, c'étaient des Fées, mais aussi des Walkyries, des Guerrières. Chacun d'elle était spécialisé dans un type d'arme lourde différent qu'elles maniaient sans la moindre difficulté malgré leur faible façade. Pour les superviser, il y avait Jeanne-Elizabeth, créé sur le même modèle, mais plus âgée et également plus puissante. En plus d'être une Fée, elle était aussi une Sidhe et possédait le Titre de Reine Du Printemps, l'un des quatre Titres de royauté Féerique. Il s'agissait en fait de Classes très rares et essentielles pour qui désirait construire un personnage puissant de Fée.

C'était à elles qu'il avait confié Anya, car il savait que Jeanne-Elizabeth était à même de l'éduquer, lui procurant ainsi une base intéressante pour qu'elle forme sa psychée. Pour l'instant, elle faisait plus du mimétisme qu'autre chose, mais en lui faisant jouer d'autres rôles, il espérait qu'un peu de chacun l'inspirerait pour se bâtir une personnalité propre.

« Vous arrivez justement pour le thé » dit Jeanne-Elisabeth en désignant un fauteuil à Harddyn.

« C'est toujours l'heure du thé chez vous » répliqua celui-ci avec un rictus en regardant la table basse sur lequel s'amoncelait, en plus d'un magnifique service à thé en porcelaine, des assiettes de biscuits et de petits sandwichs.

« Que dites-vous là, voyons » répondit Jeanne-Elizabeth en dissimulant un léger rire faux derrière sa main. « Nous nous entraînons aussi. »

Elle et les Petites Filles Modèles faisaient partie des PNJ désœuvrés de Nazarick. Harddyn n'avait pas encore trouvé d'utilité à leurs talents alors ils s'occupaient comme ils le pouvaient. Fort heureusement, l'une des premières choses qu'Harddyn avait faites après leur arrivée dans ce monde avait été de stopper l'accélération temporelle qui affectait l'Oasis. Le temps était donc identique à celui de l'extérieur. Les PNJ inoccupés ne l'étaient donc que depuis plusieurs mois et pas depuis 1000 fois plus de temps.

« Et puis nous avons également l'éducation d'Anya à faire » dit calmement Jeanne-Elizabeth en souriant à Harddyn.

Soudain voyant quelque chose derrière lui, elle se figea, cligna des yeux deux ou trois fois puis soupira en posant délicatement sa main sur son visage.

« Maître Harddyn » chuchota-t-elle, « je dois vous signaler qu'Iqui… »

« Je sais » l'interrompit celui-ci sur le même ton. « Laisse-la faire. Si ça lui fait plaisir… »

« Mais elle risque de venir souiller mon mobilier après votre départ » répliqua Jeanne-Elizabeth avec une grimace.

« Ne t'inquiète pas, je t'offrirais un autre fauteuil pour la peine. »

« Oh, comme c'est gentil à vous ! » S'exclama-t-elle en recouvrant sa bouche de ses mains.

Son regard, cependant, n'était pas braqué sur Harddyn, mais derrière lui et affichait une expression de supériorité. Harddyn entendit des froncements de colère dans son dos, mais fit semblant de ne rien remarquer.

« Pour en revenir à notre sujet » dit-il finalement, « j'ai pu voir, en effet, tout le travail que tu as effectué avec Anya. »

« Oui, cette jeune fille a été une véritable bouffée d'air frais dans notre quotidien. Une véritable… nouveauté. »

« Donc ça veut dire que tu as essayé de l'utiliser pour attirer Aude-Lise ici » dit Harddyn avec un petit sourire moqueur.

En entendant ces mots, Jeanne-Elizabeth faillit s'étouffer et recracher le thé qu'elle venait de boire.

« A… Attirer Aude-Lise ? Voyons Maître Harddyn ! Pour qui me prenez-vous ? Non, j'ai juste demandé à Anya de l'inviter à prendre le thé avec nous. »

Probablement en la priant de ne pas révéler que l'invitation venait en faire d'elle. Aude-Lise Deaunnadieu méprisait Jeanne-Elizabeth et Harddyn en connaissait parfaitement la raison. Sous ses airs de jeune fille de bonne famille, cette dernière était une dominatrice aux tendances manipulatrices. Elle contrôlait totalement les Petites Filles Modèles, leur faisant faire ce qu'elle voulait. Aude-Lise, elle, ressemblait beaucoup à ses trois acolytes. Elle était petite, avec un physique juvénile et une peau pâle. C'était également une Sidhe, mais elle ne portait pas de Titre comme Jeanne-Elizabeth. Du moins pas de Titre Féerique.

En effet, Aude-Lise, elle, était Reine des Pirates, une Classe qui allait parfaitement avec son personnage de flibustier. Mais Jeanne-Elizabeth ne le reconnaissait pas comme tel et voulait absolument faire en sorte de mettre l'autre Sidhe sous ses ordres. Mais Aude-Lise était têtue et avait immédiatement vu clair dans le jeu de la jeune femme. Elle refusait donc tout simplement toutes les invitations que Jeanne-Elizabeth continuait inlassablement à lui envoyer, espérant pouvoir la convaincre.

C'était amusant d'ailleurs, aux yeux d'Harddyn, car rien de tout cela n'était inscrit dans leur code à l'origine. Contrairement à la relation entre Shalltear et Aura, celle entre Jeanne-Elizabeth et Aude-Lise semblait totalement naturel et le fruit de leurs personnalités respectives. En clair, c'est parce qu'elles étaient autonomes qu'elles se détestaient et si Harddyn n'intervenait pas… c'est juste parce que c'était trop drôle à regarder.

« Peu importe » dit-il. « Cela ne fait que me conforter dans mon choix de lui confier une mission. »

Il se tourna alors vers Anya.

« Si tu veux bien, j'aimerais que tu viennes avec moi et que tu sois… ma fille. »

À ce moment-là, une voix emplie de colère et d'envie s'éleva dans leur dos.

« Oh la chance ! Veinarde va ! »

0o0o0

Neiryl Venceol regardait autour de lui en essayant de dissimuler son ennui. C'était déjà la troisième fois qu'il assistait à des festivités de la Guilde des Marchands et cela ne faisait que confirmer à quel point il détestait ça. Malheureusement, il n'avait pas le choix. La maladie de son père progressait trop rapidement. C'était probablement la dernière fois qu'il participerait à ce genre de fête.

Jetant un coup d'œil vers le centre de la salle, il le vit cependant en grande discussion avec plusieurs autres membres, d'anciens partenaires et peut-être aussi de nouveaux. Il semblait ferme, alerte, mais Neiryl savait qu'il n'en était rien. Destan Venceol passait de plus en plus de temps au lit et de moins en moins à la boutique ou dans leurs diverses fabriques. C'était la fin et il le savait. En tant qu'aîné, ce serait bientôt à lui de devoir ainsi sociabiliser afin d'entretenir leurs relations commerciales et d'en trouver de nouvelles. Malheureusement, ce n'était pas quelque chose dont il avait particulièrement hâte.

La Maison Venceol était un petit comptoir de commerce de la capitale depuis déjà quatre générations. Elle avait commencé avec Vatran Venceol, l'arrière-grand-père de Neiryl, qui, alors qu'il était un jeune homme plein de rêves de gloire artistique, avait dû abandonner une carrière ratée de Barde et trouver un travail pour se nourrir. Il avait réussi à être employé comme commis au Pavillon des Pommes Chantantes à l'époque où c'était encore tenu par des Bardes devenus luthiers. Il espérait sans doute apprendre à leur contact de quoi accomplir ses ambitions.

Cependant, au fil du temps, il s'était montré plus habile marchand que musicien. Il avait fini par avoir suffisamment d'économie pour ouvrir sa propre boutique. Par la suite, son fils, Palio, le grand-père de Neiryl, avait acquis plusieurs ateliers dans la ville afin de vendre leurs produits et diminuer les intermédiaires. Ensuite, quand Destan avait repris les rênes de l'entreprise, il avait commencé à exporter en dehors de la Capitale, se créant un marché au niveau national. À présent, c'était donc à Neiryl de reprendre le flambeau et de diriger la Maison Venceol, chose dont il ne savait s'il était prêt ou même s'il en avait envie. Cependant, personne ne semblait donner un quelconque crédit à son avis.

Neiryl soupira. Depuis tout petit, il écoutait son père et son grand-père lui racontait l'importance de l'héritage familial, de conserver et d'étendre le prestige de la Maison Venceol. Entendre ça lui faisait presque rouler des yeux à chaque fois. Quand ils en parlaient, Destan et Palio donnaient l'impression que leur comptoir était l'un des piliers du commerce de l'Empire alors qu'ils étaient à peine connus à l'extérieur de la capitale. Et même à Arwintar, le nom de Venceol était beaucoup moins réputé que celui des Vermillion, des Kesevan, des Brandsara ou encore des Thaspher.

Alors oui, ils n'étaient pas les plus pauvres, mais ils étaient loin d'être les plus riches. Et voilà qu'on demandait, ou plutôt qu'on ordonnait à Neiryl de continuer cet héritage et même, pire encore, de l'accroitre, d'amener la Maison Venceol vers de plus hauts sommets commerciaux.

Sauf que contrairement à ses ancêtres, Neiryl, lui, était loin d'avoir le sens des affaires. En vérité, il n'était pas très… sociable. Parler à des gens le paniquait complètement. Il ne savait pas du tout comment il allait bien pouvoir utiliser des soirées comme celles-ci pour entretenir son réseau. Il ne savait même pas comment il allait négocier avec ses fournisseurs alors avec des marchands chevronnés, des bourgeois ou des nobles, c'était hors de question. À une époque, il avait pensé essayer d'être Barde, comme son arrière-grand-père Vatran. Cependant, il avait aussi peu de dispositions que lui. Il avait également pensé à être Mage. Mais ses talents pour la Magie étaient proches du niveau de la mer.

La seule chose qu'il ait jamais réussi à faire, c'est à retenir ce qu'il lisait. Ça, pour ça, il savait y faire. Que ce soit pour la musique ou la Magie, mais aussi l'histoire, la géographie, les mathématiques… il retenait tout. Mais quant à utiliser ce qu'il savait pour la pratique… c'était une autre paire de manches.

À nouveau, Neiryl soupira et regarda autour de lui. De là où il était, il pouvait voir tout le monde, mais (heureusement) personne ne le remarquait. La salle de réception de la Haute Chambre de Commerce était pleine à craquer. C'était la même chose à chaque gala de la nouvelle saison. Par chance, c'était celui du Solstice de l'Eau et pas de l'Équinoxe de Vent sinon… c'était la seule des quatre galas annuels de la Guilde des Marchands auquel il avait assisté et il n'avait pas vraiment hâte. Cette fête marquait à la fois le début de la Saison du Vent, la nouvelle année ainsi que la fin du jeûne de 7 jours. Bon, pour être précis, ce n'était pas vraiment l'Équinoxe puisque celui-ci avait lieu durant la période sombre, mais pour les habitants de l'Empire, c'était tout comme.

Soudain, Neiryl remarqua que les lumières commençaient à diminuer. Les ménestrels qui jouaient en continu depuis le début de la soirée s'étaient également tus. Il regarda autour de lui et vit des serviteurs en train d'éteindre certaines des chandelles alors que les musiciens semblaient attendre quelque chose… ou plutôt quelqu'un. Ce quelqu'un se trouva être Hieronymus Vermillion qui monta sur la scène, probablement pour s'adresser à ses invités. Chaque année, les quatre Maisons ayant fait le plus de ventes se partageaient l'organisation des festivités. Inutile de dire que c'était un honneur absolu et inutile de dire également que jamais la famille Venceol ne l'avait eu.

En tout les cas, cela ne voulait dire qu'une seule chose. Puisque dans les galas les discours étaient mal vus, l'unique raison pour le Chef de la Maison Vermillion de monter sur scène était pour annoncer un divertissement. Bien entendu, le but n'était pas seulement de distraire au public, mais aussi de leur montrer leur prestige et leur bon goût.

« Très chers amis » dit l'homme d'une voix onctueuse que tous lui connaissaient. « Ce soir, j'ai l'immense plaisir d'offrir à vos yeux avides de nouveauté un bijou des plus rares, mais déjà des plus appréciés. Notre invitée à cette fête va nous enchanter avec ses danses magnifiques et sensuelles. Laissez-moi donc vous présenter notre hôte, Dame Rakell Carnelian. »

Aussitôt, un brouhaha se fit entendre dans l'assemblée. Il s'amplifia encore lorsqu'une silhouette enveloppée d'une cape sombre monta sur la scène. Celle-ci ne pouvait être que la fameuse et mystérieuse Rakell Carnelian, la danseuse que tout le monde s'arrachait des plus puissants nobles jusqu'aux riches bourgeois.

Pourtant, on n'avait commencé à parler d'elle à peine plus d'un mois auparavant. Au départ, c'était une rumeur. On disait que Lord un tel avait invité Rakell Carnelian à se produire pour l'anniversaire de son fils, que Monsieur truc avait été si ébloui par son talent et sa beauté qu'il l'avait couverte de bijoux, que Madame machin la détestait parce que son époux ne pensait plus qu'à elle. C'était comme si elle était apparue de nulle part et était aussitôt devenue la coqueluche d'Arwintar. On disait même que l'Empereur envisageait de la convier danser pour lui.

Et pourtant, malgré cela, rares étaient ceux qui l'avaient vu. Seules les personnes présentes aux fêtes auxquelles elles avaient participé semblaient pouvoir certifier l'avoir vu. Et tous avaient été unanimes : Rakell Carnelian était la plus belle femme qu'il leur avait été donné de voir. Même ceux qui ne l'aimaient guère n'arrivaient pas à lui trouver de défauts crédibles sinon qu'elle était « trop parfaite ».

Et à présent, tout ce qu'Arwintar comptait de marchand allait pouvoir l'admirer. Certains parmi eux étaient nobles, d'autres avaient gagné suffisamment d'argent pour être considérés comme des bourgeois. Cependant, la plupart n'étaient que de simples adhérant à la Guilde, mais ils allaient pouvoir contempler une beauté que seuls les puissants de l'Empire avaient contemplée. C'était donc un coup de maître de la part de Hieronymus Vermillion qui assurait que tout le monde se souviendrait de ce gala.

Déjà, toutes les personnes présentes, Neiryl compris, étaient hypnotisées par sa simple silhouette. Elle s'avança vers l'hôte de la fête et alors une main sortit des pans de la cape dans la direction de celui-ci. C'était une main fine, gracieuse et dont la peau caramel semblait d'une douceur infinie. Les quelques chandelles qui restaient allumées provoquaient des reflets sur sa peau comme si celle-ci avait été faite d'or. Son poignet et presque toute la partie visible de son avant-bras étaient recouverts de bracelets de cuivre poli qui crissèrent quand elle les bougea.

Hieronymus s'avança et prit la main délicate dans la sienne. Elles semblaient énormes à côté de celle de la danseuse. Tous les spectateurs le virent alors avec colère approcher ses lèvres et baiser le dos de sa main.

« Madame, la scène est à vous » dit-il avec un regard qui paraissait reperdu d'admiration.

Rakell retira sa main puis lui fit signe de partir. Hieronymus obéit sans même discuter. Puis elle se tourna vers les musiciens et leur fit un signe de tête. Ils entamèrent alors une mélodie lente et sensuelle tandis que la danseuse commençait à faire onduler sa cape autour d'elle. Celle-ci était si large que même quand le tissu virevoltait il était impossible de voir quoi que ce soit de son corps. Ses mouvements étaient accompagnés par le crissement continuel de bijoux qui, loin d'être distrayants, ne faisaient que rendre la femme plus fascinante encore. Puis, avec une gracieuse pirouette, elle tourna le dos au public et, sans cesser de faire ondoyer son vêtement, en rejeta la capuche.

Aussitôt, une cascade de boucles cuivrées se mit à couler derrière elle. Elles étaient si fines et compactes qu'elles semblaient former une crinière. Rakell écarta alors totalement les pans de sa cape et l'audience comprit qu'elle l'avait finalement détachée. D'un mouvement lent, elle la baissa, juste le temps de montrer une épaule ronde à souhait. Elle la releva puis continua son jeu. L'autre épaule apparue ensuite, puis un pied, tout aussi gracieux et paré de bijoux que sa main. Puis elle se figea, la musique fit un roulement et, au moment où elle s'arrêtait, Rakell lâcha sa cape.

Son corps se dévoila alors totalement devant l'assemblée. De dos, il était toujours impossible de voir son visage et pourtant ce qui s'offrait déjà aux yeux de toutes les personnes présentes suffisait à exciter les passions. Ses bras étaient longs et graciles, d'une rondeur superbe, de même que ses jambes déliées. Ses boucles de cuivre caressaient un dos d'une perfection délicieuse qui forçait le regard à descendre toujours plus bas vers sa chute de reins.

Elle était vêtue en tout et pour tout d'une jupe de voiles d'un dégradé d'orange et d'or intense fendue jusqu'à la ceinture qui ceignait ses hanches larges. Le tissu était si bien coupé qu'il ne permettait que d'entrevoir le galbe de ses cuisses. Cependant, il était suffisamment transparent pour accorder à tous d'apprécier la rondeur de son fessier. Fessier qui se mit en mouvement au moment où la danse reprit.

Lentement d'abord, elle ondula. Chacun de ses gestes exsudait la sensualité, une sensualité telle qu'elle ne laissait personne indifférent. Neiryl sentait ses chausses devenir plus étroites et il savait que c'était également le cas pour tous les hommes présents. Même son père alors qu'il était de l'avis de tous au bord de la tombe devait être dans cet état. Les rares femmes, elles, prenaient de grandes respirations, leur décolleté menaçant d'exploser à cause de la dureté de leurs seins.

Et puis elle se retourna.

Neiryl avait comparé ses cheveux à une crinière, mais à présent, il se rendait compte à quel point il avait tort. Sa chevelure formait un halo de feu autour de son magnifique visage. Celui-ci avait la forme d'un ovale gracieux. Ni trop rond, ni trop allongé. Son nez semblait posé juste au milieu, disposé là par quelques architectes célestes. Droit, fin, arrondi, ses deux narines ressemblaient à des pétales de fleurs. Il surmontait une bouche aux lèvres pleines et charnues dont le rouge sensuel avait à peine été rehaussé par du maquillage. Cependant, la partie la plus remarquable de ce visage, c'était bien évidemment ses yeux.

En amande, ils étaient surmontés de sourcils fins et arrondis. Ses cils démesurés semblaient battre l'air et agrandissaient son regard. Par-dessus cela, ses prunelles ressortaient magnifiquement sur le blanc immaculé de ses yeux. Ils avaient une teinte orange qui paraissait prendre des nuances jaunes à la lumière, comme des flammes. Le pourtour de la pupille était cerclé d'un anneau doré qui semblait former deux immenses soleils au milieu de son visage.

Puis elle ferma les yeux et le charme se rompit. Alors les yeux des hommes et également des femmes descendirent le long de son corps. Ils passèrent de la courbe de sa mâchoire au délicat tracé de ses clavicules, chacune d'elle menant au creux de son cou et, plus bas, à l'épicentre des désirs lubriques : sa poitrine. Celle-ci était large sans être disproportionnée par rapport à sa silhouette. Chacun des deux globes de chair semblait à la fois doux, élastique, ferme et rebondi. À cause des mouvements de la femme, ceux-ci paraissaient avoir leur vie propre, formant une danse hypnotique.

Ceux qui arrivaient à détacher leurs yeux de ce spectacle pouvaient suivre son ventre plat et lisse jusqu'à son nombril découvert et, plus bas, admirer le haut d'un pubis dissimulé sous la ceinture. Comme tous les bracelets de la danseuse, celle-ci était en cuivre poli. Elle formait un entrelacs délicat de métal parsemé de pierres de couleurs orangées. Des cornalines. Mais ce n'était pas les seuls bijoux qu'elle possédait. En effet, ses biceps étaient enserrés dans des brassards d'arabesques sertis et son cou était orné d'un magnifique et volumineux pectoral. Celui-ci était composé de plusieurs plaques reliées par des chaînes. Il était si important que c'était lui qui dissimulait la poitrine de la femme. En effet, deux fleurons situés dans la partie basse de l'objet semblaient comme fixés à la pointe de chacun des seins, dérobant les tétons aux regards.

Mais ces simples babioles n'étaient pas ses seuls ornements. L'éclat qu'ils avaient perçu plus tôt sur sa main était en fait des dessins réalisés avec une encre dorée directement sur sa peau. Mains, poignets, épaules, dos, ventre, cuisses… des arabesques scintillantes captaient la lumière, faisant briller son corps d'un lustre irréel.

Au bout d'un moment, la musique changea de tempo et se fit plus rapide. À ce moment-là, deux longs voiles du même tissu que sa jupe apparurent entre les mains de la femme. Personne ne savait d'où elle les sortait et en fait, personne ne s'en préoccupait vraiment. La danse sensuelle devint aérienne alors que les voiles décrivaient des volutes dans les airs et que son corps paraissait suivre chaque mouvement avec son corps. C'était comme si ses pieds ne touchaient plus le sol. Ils s'élançaient dans le vide en arcs gracieux et semblaient à peine retomber.

Puis soudain, la musique sauta et la femme avec elle. Ses jambes s'écartèrent l'une de l'autre et formèrent une ligne horizontale avec la scène. Puis elle redescendit, mais en gardant la même position. Elle atterrit en grand écart sans jamais s'arrêter de danser. Elle vit pivoter son buste vers son public sans même se relever et s'allongea de tout son long avant de ramper comme un serpent, sa poitrine ressortant face aux spectateurs captivés. Puis elle replia ses jambes, s'agenouillant sur la scène et, dans un dernier mouvement, jeta ses voiles dans les aires et en même temps son corps en arrière.

Puis, la seule chose qu'on entendit encore fut l'écho de la dernière note de la musique. La pièce était plongée dans le silence. Et puis quelqu'un, personne ne savait qui, commença à applaudir et bientôt, ce fut un tonnerre qui résonna dans la salle de réception. Rakell Carnelian se releva alors et salua son public avec une grâce tout aussi admirable que celle qu'elle avait mise pour danser.

C'était un véritable triomphe.

0o0o0

« Vous semblez perdus dans vos pensées »

Neiryl sursauta en entendant la voix près de lui. Il se croyait seul. Il tourna alors la tête dans sa direction et manqua arrêter de respirer tant il était surpris. Rakell Carnelian se trouvait là, dans ce recoin des jardins de la Haute Chambre de Commerce. L'éclat de la lune la rendait aussi captivante que la lumière des chandelles. Plus encore, car sa peau était recouverte d'une pellicule scintillante due à toute la sueur que sa danse avait provoquée. Sauf que ça ne sentait pas la sueur. Au contraire, une odeur capiteuse et épicée parvenait aux narines de Neiryl et il ne savait pas si c'était un parfum ou elle-même qui sentait si bon. Non, il en était sûr, c'était elle. Quand on était une aussi belle femme, même sa sueur sentait bon.

Et puis il y avait sa voix. Si sa peau semblait douce, sa voix était plus douce encore. Grave sans être masculine, chaude sans être étouffante, harmonieuse sans être trop chantante. Si on pouvait tomber amoureux d'une voix, alors Neiryl serait tombé amoureux de Rakell sans même l'avoir vu danser. Sans même l'avoir vue du tout.

Mais c'était la voir ici et maintenant qui le surprenait. Après son spectacle, elle avait été littéralement assaillie d'admirateurs respectueux qui souhaitaient discuter avec elle ou même simplement la contempler. Comment elle avait pu s'éclipser de cette foule énamourée était hors de la compréhension de Neiryl. Mais toujours est-il qu'elle était là, face à lui et presque nue.

Neiryl avait beau ne jamais avoir été quelqu'un de sociable, il pouvait, s'il se forçait, parler avec des gens. Des hommes. En revanche, ce n'était pas le cas quand il se trouvait face à la gent féminine. Il ne savait pas pourquoi, mais les femmes le terrifiaient. Qu'elles soient jeunes ou plus âgées, ses conversations avec elles n'avaient jamais dépassé les balbutiements et le borborygme. Et ça, c'était quand il ne s'enfuyait pas. Une fois, il avait même vomi sur l'une d'elles, une amie de l'une de ses cousines bien trop entreprenante.

Pourtant il aimait les femmes. Il désirait les femmes. Leur peau, leurs lèvres, leurs seins, leurs fesses, leur… leur chatte. Oui, il aimait les femmes, il bandait pour elle. Il se branlait en pensant à elles, tous les soirs seul dans son lit. Malheureusement, à cause de sa timidité, il était toujours vierge à 25 ans, un fait qui désespérait sa famille. Il était l'aîné et l'unique garçon, l'héritier. Son rôle, en plus de reprendre l'affaire familiale, était de procréer, de donner lui-même un héritier à la Maison Venceol comme l'avaient fait son père, son grand-père et son arrière-grand-père.

Cinq ans auparavant, Destan Venceol avait bien essayé de déniaiser son fils. Il l'avait conduit dans le bordel le plus miteux et le plus reculé de la ville afin que personne n'apprenne que son fils, à 20 ans, avait besoin d'une prostituée pour devenir un homme. Neiryl s'était donc retrouvé nu face à une femme de trois fois son âge, usée par la vie et par ses clients et dont le sexe mal lavé puait comme un port à marée basse et était tellement déformé qu'il ressemblait à une loque poilue. Il n'avait même pas pu bander et son père avait dû partir en payant près de dix fois le prix de la passe pour être sûr que la pute et sa maquerelle tiendraient leur langue et que personne n'entendrait parler d'eux.

Depuis, Neiryl avait vécu une vie d'ascète, fuyant la gent féminine à l'exception de la seule dont il pouvait supporter la présence, sa main droite. Heureusement d'ailleurs, la gent féminine le fuyait également. Enfin, elle ne le fuyait pas, quand même. C'est juste qu'elle était indifférente. Il était après tout quelqu'un d'assez ordinaire. De taille moyenne, des cheveux noirs courts, des yeux marrons, un visage quelconque… il n'était ni beau, ni laid. Il n'était pas gros non plus. Mais pas mince ou musclé. Sa peau était légèrement pâle et couverte de grains de beauté et de boutons, mais pas plus que chez d'autre. On aurait pu penser que la nature l'aurait pourvu d'au moins une chose d'importance, mais même son sexe était dans la norme.

Donc il n'accostait pas les femmes et les femmes ne l'accostaient pas. Mais voilà qu'à présent il se trouvait une nouvelle fois face à une femme. Non, face à la femme, l'être le plus beau et surtout le plus désirable qu'il n'ait jamais vu… et elle lui parlait.

Mais Neiryl ne répondit pas. Rakell se contenta de sourire puis s'assit sur le banc de pierre… juste à côté de lui. Il se figea.

« Il faisait vraiment trop chaud là-dedans » dit la femme en essuyant son front. « Et puis tous ces gens qui se pressaient autour de moi… »

Elle se tourna alors vers lui.

« Il ne me semble pas vous avoir vu dans la foule de mes admirateurs. Quel est votre nom ? »

Neiryl ouvrit la bouche, mais le seul son qui en sortit fut un couinement étouffé.

« Je n'ai pas bien entendu » dit Rakell en se penchant vers lui. « Quel. Est. Votre. Nom ? »

« Neiryl Venceol » répondit alors celui-ci.

Il cligna des yeux. Avait-il vraiment répondu ? À une question posée par une femme ? Ce n'était jamais arrivé auparavant. Et pourtant, avec Rakell Carnelian, c'était arrivé. Mais il faut dire qu'elle avait une sorte de… charme étrange. C'était comme s'il n'avait pas pu faire autrement que lui obéir.

« Neiryl » répéta Rakell d'une voix si sensuelle que celui-ci manqua jouir dans ses culottes. « Pourquoi n'êtes vous pas resté pour venir me voir ? Vous ne me trouvez pas jolie ? »

« Si… Si, très belle. »

Rakell sourit à ces mots et Neiryl cessa de respirer quelques instants.

« Merci, c'est gentil » dit-elle. « Alors ? Pourquoi n'êtes-vous pas venu me le dire comme les autres ? »

« Ils… ils étaient tellement nombreux et… je ne savais pas… je ne pensais pas que ça avait de l'importance… »

« Mais si c'est important. Si tu as quelque chose à dire, il faut le dire, non ? »

À ce moment-là, Neiryl sentit comme une révélation se faire en lui. C'était si simple pourtant. S'il voulait dire quelque chose, il pouvait le dire. C'était une évidence qu'il avait l'impression de découvrir pour la première fois grâce à cette femme.

« Tu veux me dire quelque chose ? » Demanda-t-elle alors.

« Oui, je… je vous trouve très belle. »

« Ça, tu l'as déjà dit. »

« Je vous trouve très… bais… désirable. »

À nouveau, le sourire de Rakell manqua faire s'étouffer Neiryl. Mais soudain, son visage s'affaissa et elle passa ses bras autour de son corps en tremblant.

« Je n'ai plus si chaud tout à coup » dit-elle. « Et avec toute cette transpiration, je risque de tomber malade… »

Neiryl la regarda quelques instants sans comprendre avant de paniquer. Il voulut retirer son manteau pour le lui donner, mais il se rappela ensuite qu'il n'en avait pas. C'était le début de la Saison de l'Eau. Il faisait encore assez doux. Surtout ce soir.

« Je… je n'ai pas… je suis désolé… je… »

« Shht. Ce n'est pas grave » dit Rakell en posant son doigt sur la bouche de Neiryl. « Il te suffit… d'essuyer la sueur. »

Le jeune homme cligna des yeux. La chaleur torride qu'il ressentait sur ses lèvres l'empêchait de comprendre exactement ce que la femme venait de dire. Mais celle-ci se retourna et releva ses cheveux, lui présentant son dos nu. Neiryl se mit alors à fouiller ses poches, mais il se rendit compte qu'il ne possédait rien qui puisse l'aider à faire ce que Rakell lui demandait. En désespoir de cause, il déchira un morceau de sa propre tunique. Il approcha ensuite l'étoffe du dos scintillant de la femme et commença à essuyer sa peau.

« Doucement. Plus doucement. Pas besoin d'appuyer aussi fort » roucoula Rakell.

Neiryl buvait ses paroles et obéissait à chacun de ses mots. Il passa le bout de tissu le long de la colonne vertébrale puis suivit l'arrondi des épaules, le creux des flancs et l'ample courbe des hanches. Il était au-delà du désir. Il était comme hypnotisé par cette peau de satin qu'il n'osait toucher avec sa main nue.

Mais soudain, Rakell s'éloigna, sortant Neiryl de sa transe. Il releva les yeux, inquiets d'avoir fait une erreur, mais la femme se contenta d'enjamber le banc pour s'y installer à nouveau à califourchon. Cuisses largement écartées, elle se pencha en arrière, se retenant seulement avec ses bras gracieux.

« Continue » dit-elle.

Bouche béante, yeux exorbités, Neiryl se figea quelques instants. Il avait fait plus avec une femme en quelques minutes qu'en 25 années de vie. Il aurait eu mille fois le temps ou l'envie de s'enfuir et pourtant il restait et il obéissait. En tremblant, il avança son chiffon humide de sueur et le posa sur le ventre.

« C'est bien » dit Rakell. « Très bien. »

Encouragé, Neiryl se mit à faire des cercles autour du nombril. À cet endroit, les arabesques dorées de sa peau formaient un soleil. Il craignait que ses gestes n'effacent le magnifique ornement, mais ce ne fut pas le cas. Il bascula donc ensuite vers le flanc, repassa sur le ventre et atteint l'autre côté. Il n'osait pas descendre plus bas et encore moins monter plus haut.

C'est alors que Rakell posa l'une de ses mains sur la sienne. Neiryl se figea et ne bougea plus. Ses yeux étaient fixés sur les doigts de la femme enveloppant les siens et forçant sa main à remonter le long de son corps jusqu'à… La respiration de Neiryl se bloqua dans sa gorge quand l'une de ses phalanges s'enfonça légèrement dans la partie inférieure de l'un de ses seins. Par réflexe, il voulut reculer, mais la poigne de Rakell était étrangement forte et le maintint en place.

« N'aie pas peur » susurra la danseuse. « Tu peux toucher, ça ne me dérange pas… au contraire. »

Mais Neiryl resta figé. Rakell eut un petit rire et souleva sa main, le forçant à lâcher son chiffon. Puis elle la rapprocha de sa poitrine et l'y déposa, la tenant fermement. Neiryl manqua tourner de l'œil. Sa main. Sa main à lui était posée sur le sein d'une femme. De la femme.

« C'est bon, non ? » Dit-elle en lâchant sa main.

Neiryl voulut la retirer, mais il se rendit compte qu'il ne pouvait pas. C'était comme si elle avait sa vie propre alors qu'elle se mettait à malaxer la chair ferme et élastique du sein de Rakell. Celle-ci poussa un soupir.

« Oui. Je vois que tu aimes ça » dit-elle avec un sourire.

« Non ! Ce n'est pas… je ne suis pas… je suis désolé je… »

Mais ses excuses semblaient totalement en contradiction avec sa main qui s'activait toujours à pétrir le sein bombé de la femme. Celle-ci se redressa alors brusquement, se pencha vers Neiryl et saisit son col afin de le forcer à rapprocher son visage du sien. Alors que ceux-ci étaient près de se toucher, Rakell sourit et se pencha encore, mais cette fois, tournant ses lèvres vers l'oreille du jeune homme.

« Il se fait tard, je pense » susurra-t-elle. « Maître Vermillion a pu m'obtenir des appartements dans l'aile des invités de la Haute Chambre. Mais je n'ose pas rentrer seul. Ce serait tellement charitable à toi si tu voulais bien me raccompagner. »

« Je… euh… je… »

Mais Rakell ne lui laissa pas le temps de répondre. Elle se releva brusquement et le tira par la main, le forçant à la suivre.

0o0o0

En fait d'escorter, Neiryl fut plutôt tracté par la femme enthousiaste jusqu'à ses appartements. À l'intérieur, il faisait noir. Pourtant Rakell le conduisit à travers comme quelqu'un qui avait parfaitement connaissance des lieux… ou qui voyait dans l'obscurité. Cependant, une lueur parvint à ses yeux. Elle provenait de l'interstice en dessous d'une porte et c'était là que sa compagne l'entraînait. Neiryl se doutait de ce qui se trouvait derrière.

La chambre.

Rakell ouvrit la porte à la volée et tira Neiryl à l'intérieur. Le battant claqua brusquement dans son dos et celui-ci se retrouva plaqué dessus. Neiryl eut juste le temps de voir le sourire coquin de la femme avant que celle-ci ne pose sa bouche sur la sienne et sa poitrine contre son torse.

Il n'en fallut pas plus à Neiryl pour jouir. La douceur de lèvres de Rakell, la pression de ses seins… tout ça était juste trop bon. Comme un rêve devenu réalité. Un rêve malheureusement déjà fini.

Mais à ce moment-là, Rakell rit contre sa bouche. Elle se détacha de ses lèvres et les glissa jusqu'à son oreille.

« Oh non, mon mignon, crois-moi, c'est moins, très loin d'être fini » murmura-t-elle.

Puis, d'un coup, elle happa son lobe. Neiryl retint un gargouillement de plaisir, gargouillement qui se transforma en gémissement alors que la langue taquine de la femme se mettait à lécher chaque pli de son appareil auditif. Il ne serait jamais venu à l'idée que ce point du corps humain soit aussi sensible et érogène. À sa plus grande surprise, il sentit son sexe durcir à nouveau et le désir affluer. Il n'avait encore jamais de toute sa vie rebandé si rapidement. Dans ses plus jeunes années, il lui fallait au minimum une heure, mais depuis deux trois ans, ce délai s'était allongé. Et voilà à présent que son phallus se rigidifiait encore une fois alors qu'il baignait toujours dans le foutre qu'il venait d'expulser.

Soudain, Rakell cessa ses caresses et s'écarta de lui. Neiryl sentit ses jambes flageoler et il glissa le long de la porte jusque sur le parquet chaud. Sa compagne, elle, eut un petit rire puis s'avança vers le centre de la pièce, devant le large lit. Alors qu'elle était dos à lui, elle passa ses mains sur sa nuque et défit l'attache de son collier. Celui-ci tomba sur l'épais tapis du sol à ses pieds en un bruissement de métal. Puis, comme si elle dansait encore, ses mains glissèrent sur ses flancs jusqu'à ses hanches et se rejoignirent au bas de ses reins. Là, elle déboucla sa ceinture et en écarta les pans. Elle m'a dit descendre doucement jusqu'à ce que Neiryl puisse voir le haut de la raie de ses fesses.

Elle la fit onduler quelques secondes dans les aires sans jamais vraiment se dévoiler et puis, soudain, elle la lâcha. Neiryl écarquilla alors les yeux en voyant les deux fesses qui s'offraient à lui. Elles étaient larges, rebondies et veloutées. On aurait dit une énorme pêche orangée. Il vit ensuite Rakell caresser ses bras puis tomber le long de ses flancs et de ses hanches, à nouveau, mais cette fois, elle descendit encore et passa ses mains sur ses globes fessiers qu'elle serra.

Neiryl déglutit. Il aurait voulu que ce soit ses mains à lui qui pétrissent la chair ferme de cette croupe magnifique. Mais le spectacle était loin d'être fini, car Rakell se mit à écarter les jambes et sépara les deux joues de ses fesses, révélant les trésors qui s'y trouvaient.

« Viens ! » dit-elle à son amant. « Viens ! »

Dans un état second, Neiryl se pencha en avant puis se mit à quatre pattes. Un pas après l'autre il se mit à avancer vers Rakell ou plutôt vers son derrière hypnotique. À présent qu'il était plus proche, il pouvait le voir, l'anneau plissé de son anus, d'une couleur brun chaud. Et en dessous, oh ! En dessous, il y avait une forêt de poils orangés fins comme du duvet dissimulant les lèvres fermes de sa vulve.

Neiryl s'avança alors encore un peu plus. Il se redressa et posa l'une de ses mains sur les fesses de Rakell. Celle-ci la lui abandonna. Voyant cela comme une permission, le jeune homme se saisit d'elles complètement et les écarta lui-même. Il pencha son visage en ouvrant sa bouche. Une langue assoiffée en sortit alors et se mit à darder. Il se pencha encore un peu plus et, enfin, pu boire à la source.

0o0o0

Neiryl poussa un hurlement et s'effondra sur sa partenaire, à bout de souffle. Puis, rapidement, il se redressa et roula sur le côté pour éviter d'écraser Rakell. Son sexe glissa hors de celui de la femme. Il était mou à présent. Enfin.

Quatre fois. Grâce à elle, il avait réussi à jouir quatre fois. La première, entre ses lèvres et les trois autres à l'intérieur de son vagin accueillant. À chaque fois, c'était comme s'il était possédé, comme si sa queue était possédée et refusait de débander.

Allongé à ses côtés, il essayait de reprendre son souffle, le bruit de sa respiration se mêlant à celui de sa partenaire. Il sentait, près de lui, son bras se presser contre le sien. Une caresse à la fois simple et intime de deux amants venant de s'adonner à l'acte de chaire, mais pas encore prêts à se séparer.

Et pourtant, Neiryl se retourna pour se mettre sur le côté. Il voulait la voir, la contempler. Le menton posé au creux de sa paume, il faisait glisser son regard sur sa peau à laquelle la sueur donnait un éclat doré. Rakell était alanguie sur le matelas. Les yeux fermés, la respiration lourde, elle semblait encore aux prises avec son orgasme. L'une de ses mains était gracieusement placée sur son sein et l'autre, juste à l'intérieur de sa cuisse, près de son sexe à présent béant et suintant de sperme.

Puis elle ouvrit les yeux et se tourna vers lui. Neiryl sentit son cœur manquer un battement quand il vit l'expression dans son regard. C'était comme… de l'adoration. Même, de l'amour. Un amour pur et sincère. Il n'avait jamais vu ces expressions dans les yeux de quiconque, mais il le savait. Peu importe comment, il savait que cette femme l'aimait. Et lui aussi l'aimait.

Il écarta alors les lèvres pour le lui dire, mais un bruit l'interrompit. Il reconnut immédiatement le son d'une porte qui s'ouvre. Paniqué, il se redressa et regarda autour de lui afin de trouver quelque chose pour se couvrir. Il avisa aussitôt le drap blanc rejeté plus tôt dans l'action. D'un geste vif, il la prit et dissimula leurs nudités à tous les deux.

« Maman ? » Dit une voix délicate.

Neiryl écarquilla les yeux en voyant la personne qui venait d'apparaitre dans l'encadrement et de prononcer ce mot. C'était une petite fille… non, une jeune fille plutôt. 15 ou 16 ans. Cependant, son corps frêle la faisait paraître moins âgée. Elle avait appelé Rakell « Maman » et il n'avait aucun mal à croire qu'elle était sa fille. La même peau, le même visage, les mêmes cheveux et yeux magnifiques… Elle était comme une version plus candide et féerique de la danseuse. La chemise de nuit de satin blanc qu'elle portait ne faisait que renforcer cet effet. Loin de dissimuler son apparence, il en révélait les courbes naissantes.

« Oh ! » S'exclama alors celle-ci en rejetant le drap et en se redressant sur le lit. « Je suis désolée, ma chérie. J'avais promis de venir te dire bonne nuit quand je rentrerai et j'ai oublié. Viens là. »

Neiryl, toujours paniqué, vit l'adolescente s'approcher d'eux. Plus que nerveux, il remonta la couverture plus haut sur lui.

« Neiryl, voici ma fille, Aryn » dit Rakell alors que celle-ci se trouvait près d'eux.

« B... bonsoir, Aryn » balbutia le jeune homme.

« Il est marrant, celui-là, maman » remarqua celle-ci avec un léger rire.

« C'est vrai, je m'amuse bien avec lui » approuva Rakell en jetant un regard à son compagnon.

Puis elle se retourna vers sa fille.

« Tu veux un bisou de bonne nuit ? »

« Oui ! » S'exclama joyeusement Aryn.

« D'accord, mais ensuite au lit. »

Aryn se pencha alors vers sa mère, mais ce qu'elle fit n'était pas du tout ce à quoi Neiryl pouvait s'attendre. Les lèvres roses de la jeune fille, loin de se poser sur la joue de Rakell, se plaquèrent directement sur sa bouche. À ce moment-là, Rakell plaça ses mains sur les hanches frêles de son enfant et lui rendit son baiser. Les bras passés autour de son cou, Aryn pressait son visage contre celui de sa mère, donnant à la scène un aspect plus torride encore. Mais ce n'était pas fini, car, bientôt, le corps juvénile d'Aryn se retrouva installé sur les genoux de Rakell.

Celle-ci n'était pas en reste. Ses mains lâchèrent les hanches de sa fille et se posèrent sur ses cuisses. Elle les fit remonter lentement puis les glissa sous le vêtement de nuit. Neiryl, les yeux écarquillés, vit l'une d'elles se placer à nouveau sur le flanc d'Aryn, mais cette fois, directement contre sa peau. La seconde partit en sens inverse et se concentra vers les régions inférieures du corps gracile de la fille. Celle-ci poussa alors un gémissement au milieu du baiser qu'elle partageait toujours avec sa mère. Les doigts de celle-ci devaient avoir atteint son sexe.

Neiryl n'en pouvait plus. Une fois de plus, il bandait. Il bandait même plus fort que précédemment. Plus fort qu'il ne m'avait jamais fait. Fébrilement, il gardait ses couvertures contre lui pour dissimuler son état. Mais soudain, le baiser entre les deux femmes cessa et toutes deux se tournèrent vers lui, le fixant de leurs yeux orangés identiques.

« Et maintenant, ma chérie, et si tu allais dire bonne nuit à Neiryl ? » Dit Rakell d'une voix brûlante.

Pétrifié, celui-ci vit alors Aryn descendre des genoux de sa mère et avancer à quatre pattes vers lui sur le matelas. Elle se mit ensuite à califourchon au-dessus de ses hanches puis plaça ses mains de chaque côté de son visage.

« Bonne nuit, Neiryl » dit-elle.

Puis elle approcha ses lèvres et les posa sur les siennes. Par réflexe plus que par autre chose, il desserra les mâchoires et Aryn en profita. Sa langue douce, mais étrangement forte se glissa à l'intérieur de sa bouche et commença à jouer avec la sienne. Les petites mains frêles lâchèrent sa tête et s'enroulèrent autour de son cou, collant son corps au sien. C'était différent des baisers de Rakell, mais tout aussi agréable. Il sentait la poitrine immature de la fille contre la sienne et son entrejambe presser contre le sien au travers des couvertures.

Perdu dans le baiser, il se rendit à peine compte quand il cessa et qu'Aryn se recula. Il cligna des yeux et vit que l'adolescente était toujours face à lui. Derrière elle, Rakell s'était retournée vers eux sur le matelas et souriait.

« À présent, c'est l'heure de se coucher, n'est-ce pas ma chérie ? »

« Oui Maman » répondit Aryn avec un sourire.

Mais au lieu de descendre du lit et de partir, la jeune fille s'assit sur le matelas puis s'adossa contre la poitrine de sa mère qui avait écarté les jambes pour l'accueillir. Rakell se pencha alors et saisit le bas de la chemise de nuit qu'elle commença à remonter. Les yeux écarquillés et la bouche ouverte, Neiryl suivit du regard le fin tissu blanc comme celui-ci dévoilait plus encore de la belle peau brune d'Aryn. Il savait que bientôt, il allait le voir. Ainsi qu'il avait vu celui de sa mère. Le diamant au mi-temps de ses cuisses.

Quand il le découvrit enfin, il était tellement absorbé qu'il ne vit pas Rakell faire passer le vêtement de sa fille par-dessus sa tête pour le lui enlever et la laisser complètement nue. Non, tout ce qu'il voyait c'était cette fente gracieuse et imberbe semblable à deux collines côte à côte et formant une vallée mystérieuse en leur centre. Il était tellement absorbé qu'il ne remarqua même pas qu'il s'était penché en avant pour mieux voir.

« Regarde là » dit alors Rakell en posant délicatement ses index de chaque côté de la fente.

Elle les écarta ensuite lentement, révélant la chair rose de son vagin.

« Elle est belle, n'est-ce pas ? Douce, serrée… vierge. »

Rakell avait seulement murmuré le dernier mot, envoyant des décharges électriques dans le dos de Neiryl. Celui-ci se pencha un peu plus.

« Tu peux goûter si tu le veux » dit Rakell. « Et je sais que tu le veux. »

« Oui » répondit Neiryl sans même y penser, obsédé qu'il était par le sexe de la jeune fille.

« Alors, vas-y. Goûte-le. Goûte-le comme tu m'as goûté. »

Comme en transe, Neiryl lâcha sa couverture et se mit à quatre pattes. Il avança entre les jambes d'Aryn puis, tel un chien, passa sa langue sur toute la fente humide et lisse de l'adolescente. Le petit cri qu'elle poussa l'électrisa. Agrippant ses cuisses il commença à lécher de plus belle la peau sensible à cet endroit. Au fur et à mesure, il essayait de l'enfoncer plus loin, plus profondément à l'intérieur d'Aryn, encouragé par ses gémissements. Désireux de voir la bouche qui produisait de tels sons, il leva les yeux et manqua se figer.

Aryn était alangui sur sa mère, la tête posée juste entre ses seins tandis que celle-ci pétrissait la poitrine semblable à deux collines d'une rondeur parfaite. Alors que le regard de Neiryl était fixé sur ce spectacle, sa langue continuait à s'activer. Elle léchait et fouissait entre les lèvres inférieures de la jeune fille. Mais cela ne lui suffisait pas. Il cherchait quelque chose et, finalement, quand elle rencontra un petit monticule de chaires dur, il savait qu'il l'avait trouvé.

Lui qui n'avait jamais touché ou même vu de sexe de femme ou lu quelque chose dessus, il avait su, comme par instinct, que c'était ça qu'il devrait découvrir chez elles. Cela ne servait à rien de s'acharner à lécher les lèvres sur toute leur longueur ou d'essayer d'enfoncer sa langue le plus loin possible dans le vagin. Non, le plus important c'était ça, ce petit bout de chair nerveuse. Le clitoris. Il n'en avait jamais vu et ne se souvenait pas l'avoir déjà vu auparavant et pourtant il savait. Il savait et en profitait. Et Aryn aussi.

Comme Rakell avait d'abord sucé son sexe, il suçait de la même façon et avec la même vénération ce bouton de plaisir de la femme. Il se délectait autant de ce travail que des cris de volupté de la jeune fille. Sa fierté de mâle lui disait que c'était les siens. Qu'ils étaient à lui parce que c'est lui qui les provoquaient. Et il en voulait encore et encore et encore et encore…

Mais soudain, sans qu'il comprenne ni comment ni pourquoi, il se retrouva rejeté en arrière. Il s'effondra de tout son long sur le matelas en clignant des yeux avec hébétude. Seul son sexe fièrement dressé semblait à ce moment prêt pour l'action. Neiryl leva le regard et vit Aryn se diriger à nouveau vers lui. Comme tout à l'heure, elle chevaucha son bassin, mais cette fois, il n'y avait aucun obstacle entre sa queue suintant de liquide clair et la vulve étroite de la jeune fille.

Les yeux écarquillés, il la vit s'abaisser jusqu'à ce que le bout de son gland effleure la fente de son vagin. Mais au lieu de l'enfoncer en elle, elle se frotta contre le mat de chair dure. Neiryl n'arrivait pas à le croire. Son pénis, pourtant de taille modeste, paraissait énorme comparé à l'étroitesse du sexe d'Aryn. Puis celle-ci se redressa à nouveau. Les lèvres de sa vulve étaient luisantes du liquide séminal dont elle s'était imprégnée en se frottant contre la verge bandée. Il y en avait tellement qu'il semblait dégouliner.

Finalement, Aryn s'abaissa une nouvelle fois vers le gland tuméfié et se servit de sa main pour le maintenir en place. Elle appuya les bords de son vagin sur la chaire nerveuse et pressa. Neiryl poussa un gémissement quand il sentit les lèvres s'écarter pour le laisser passer. Aryn continua à descendre sur lui, emprisonnant son sexe dans un carcan chaud et humide. Neiryl l'avait déjà fait avec Rakell. 3 fois. Mais avec Aryn, il avait l'impression de perdre sa virginité à nouveau. Le plaisir était si intense qu'il crut qu'il allait jouir quand il sentit les petites fesses de la jeune fille reposer sur ses cuisses.

Mais il ne jouit pas. Une force qu'il avait déjà ressentie à plusieurs reprises dans la soirée m'en empêchait. Son plaisir était comme à son paroxysme, mais sans pouvoir obtenir de délivrance. La souffrance qu'il éprouvait était délicieuse.

Puis Aryn se mit en mouvement et il cria. Souffrance et volupté étaient mêlées en lui. Sans qu'il ne s'en rende bien compte, ses mains se posèrent sur les hanches de l'adolescente et s'y agrippèrent fermement alors que les siennes bougeaient toutes seules. Comme il était pris dans sa frénésie sexuelle, il sentit à peine Rakell s'allonger à côté de lui et approcher ses lèvres de son oreille.

« Elle est bonne, n'est-ce pas, ma fille ? » Demanda-t-elle.

« Ou… oui… elle… elle… ah ! » Balbutia Neiryl dans un gargouillement.

« Dis-moi, est-ce que tu l'aimes ? »

« Oui ! J'aime… j'aime ta… fille ! J'aime ta fille ! »

« Et si elle devenait vraiment ta fille ? Qu'est-ce que tu en penses ? » Demanda Rakell.

« Papa ! » S'exclama alors Aryn. « Oh papa ! C'est si bon ! Je t'aime papa ! Tu me fais tellement de bien ! »

Neiryl poussa un rugissement et ses hanches redoublèrent d'efforts. Il martelait aussi fort qu'il pouvait le sexe de la jeune fille sans jamais arriver ni à arrêter ni à conclure.

« Et moi ? Est-ce que tu veux que je reste ? Est-ce que tu m'aimes ? » Demanda à nouveau Rakell.

« Oui ! » Cria Neiryl. « Oui ! Oui, je t'aime ! »

« Alors tu sais ce qu'il faut faire, non ? »

Neiryl avait du mal à réfléchir. La voix de la femme magnifique à ses côtés résonnait dans sa tête. Il avait l'impression de ne pouvoir que répondre à ses questions sans pouvoir ne penser à rien d'autre.

« Pour m'avoir à toi tout seul, pour avoir Aryn à toi tout seul. Tu sais ce qu'il faut faire… »

« Je… »

« Demande-moi de t'épouser » susurra-t-elle plus bas encore. « Tu le veux n'est-ce pas ? »

« Je… Ahhh ! » Cria le jeune homme.

« Tu ne jouiras pas avant de m'avoir répondu, tu sais. Tu veux jouir ? »

« Ou… Oui ! Oui, je veux jouir ! » S'écria Neiryl. « Je… je veux t'épouser ! Je veux que tu sois ma femme ! Je veux qu'Aryn soit ma fille ! Je… je veux… »

« Je sais ce que tu veux » dit Rakell.

Et soudain, la jouissance le submergea et un éclair de lumière jaillit dans sa tête, brouillant sa vision. Il se tourna alors vers celle qui allait devenir son épouse et la regarda avec amour. Pourtant dans les brumes de la jouissance, il eut l'impression que ses cheveux de feu étaient devenus aussi noirs que la nuit et que ses yeux de cornaline avaient pris la teinte de l'émeraude.

À suivre…

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Ouf. Un chapitre chargé. 32 pages quand même. Un enfer à corriger. Et puis aussi beaucoup d'explication. J'espère tout de même que ça vous a plu.

On a de nouvelles données sur ce monde. Surtout sur l'Empire. La raison est que ça va être important pour la suite. Comme vous le voyez, Harddyn est dans l'Empire avant qu'il soit vraiment introduit dans les tomes suivants et il va y rester pas mal donc mieux vaut bien décrire.

J'espère que l'explication sur le découpage de l'année était compréhensible. Moi ça ne m'a pas posé de problème, mais on sait jamais.

Et encore une séquence de sexe hétéro. Avec en plus un passage lesbien, du désir légèrement pédophile et du pseudo inceste. La totale. J'espère que je n'ai choqué personne. Ah au fait, le nom de famille de Rakell, Carnelian, c'est le mot anglais pour la cornaline, une gemme orangée. Aussi, sous vous avez des remarques sur la scène, en particulier au sujet des femmes, n'hésitez pas à me le dire. Désolé de dire ça, mais l'anatomie féminine est VRAIMENT en dehors de ma zone de confort…

Et donc voilà, n'hésitez pas à m'envoyer des commentaires et je vous dis à dans deux semaines.